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Full text of "Le Brésil en 1889"

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PURCHASED    FOR    THE 

UNIVERSITY  OF  TORONTO  L1BRARY 

FROM    THE 

HUMANITIES  RESEARCH  COUNCIE 
SPECIAE  GRANT 


FOR 

BRAZIL  COLLECTION 


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LE  BRÉSIL 

[  EN    1889  j 

AVEC  UNE  CARTE  DE  L'EMPIRE  EN  CHROMOLITHOGRAPHIE 


DES  TABLEAUX  STATISTIQUES,  DES  GRAPHIQUES 
ET  DES  CARTES 


OUVRAGE   l'UBLTE   PAR    LES    SOINS    DU 

SYNDICAT    DU   COMITÉ    FRANCO-BRÉSILIEN 

POUR   L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    PARIS 

Avec  la  Collaboration  de  nombreux  écrivains  du  Brésil 

SOUS   LA.   DIRECTION    DE 

M.  F.-J.  DE  SANTA-ANNA  NERY 


PARIS 
]  LIBRAIRIE  CHARLES   DELAGRAVE 

15,    RUE    SOUFFLOT,     15 

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LE    BRÉSIL 


EN    1889 


COMPIEGNE 


IMPRIMERIE    HENRY    LEFEBVRE 


31,    RUE   SOLFER1NO,    31 


LE  BRÉSIL 


EN     1S89 


AVEC  UNE  CARTE  DE  L'EMPIRE  EN  CHROMOLITHOGRAPHIE 


DES    TABLEAUX    STATISTIQUES,    DES    GRAPHIQUES 
ET     DES    CARTES 


OUVRAGE     PUBLIE     PAR      LES     SOINS     DU 

SYNDICAT   DU    COMITÉ   FRANCO-BRÉSILIEN 

POUR   L'EXPOSITION   UNIVERSELLE    DE    PARIS 

Avec  la  Collaboration  de  nombreux  Écrivains  du  Brésil 

SOUS    L\.    DIRECTION    DE 

M.   F.-J.   DE   SAKTA-AMA  KERY 


PARIS 

LIBRAIRIE    CHARLES    DELAGRAVE 

15,    RUE    SOUFFLOT,    43 

1889 

Tous  droits  réserves 


Digitized  by  the  Internet  Archive 
in  2013  \ 


http://archive.org/details/lebrsilen188900sant 


L'EMPIRE  DU  BRÉSIL 


A    L'EXPOSITION    UNIVERSELLE    DE    1889 


Le  projet  de  l'Exposition  Brésilienne  à  Paris  en  1889  a  été, 
dès  son  début,  encouragé  par  S.  M.  l'Empereur  du  Brésil  et 
appuyé  par  l'opinion  publique  au  Brésil. 

L'idée  première  de  la  participation  du  Brésil  à  l'Exposition 
Universelle  de  1889,  dans  les  conditions  où  elle  a  lieu,  revient  à 
M.  Amédée  Prince.  A  son  instigation,  MM.  Eduardo  da  Silva 
Prado  et  F.  J.  de  Santa  Anna  Nery  firent  appel  aux  Brésiliens 
résidant  à  Paris,  et  M.  E.  Lourdelet,  Président  de  la  Chambre 
syndicale  des  négociants-commissionnaires  et  E.  Pector,  prési- 
dent de  la  Chambre  syndicale  des  négociants-exportateurs,  aux 
Français  en  relations  d'affaires  avec  le  Brésil.  De  la  réunion  de 
ces  bonnes  volontés  et  de  ces  amis  sincères  du  Brésil  et  de  la 
France,  naquit  le  Comité  Franco-Brésilien,  constitué  à  Paris  le 
14  mars  1888. 

Ce  Comité  s'adressa  aussitôt  par  dépêche  à  Rio-de-Janeiro,  au 
Président  du  Conseil  des  ministres,  M.  Joâo  Alfredo  Correa  de 
Oliveira,  pour  lui  demander  son  appui,  en  même  temps  que  M.  le 
vicomte  de  Cavalcanti,  avant  de  partir  pour  le  Brésil,  se  rendait 
à  Cannes  et  demandait  à  l'Empereur,  au  nom  du  Comité,  son 
haut  patronage  en  faveur  de  l'Exposition  Brésilienne.  Une  réponse 
favorable  du  Président  du  Conseil  ne  se  fit  pas  attendre,  et  Sa 
Majesté  daigna  approuver  et  encourager  les  efforts  du  Comité. 

M.  le  vicomte  de  Cavalcanti  revint  à  Paris  porteur  d'une  lettre, 
adressée  par  Sa  Majesté  à  M.  Berger,  Directeur  général  de  l'Ex- 
ploitation. Dans  cette  lettre  autographe,  l'Empereur  faisait  part 
à  M.  Berger  de  son  désir  ce  voir  accorder  un  bon  emplacement  à 
l'Exposition  Brésilienne. 


EXPOSITION     UNIVERSELLE     DE     PARIS      1889. 

Jusqu'à  ce  moment,  les  Brésiliens  et  les  Français  qui  portaient 
un  vif  intérêt  à  la  participation  du  Brésil  à  l'Exposition  de  1889, 
n'étaient  pas  certains  devoir  se  réaliser  leurs  désirs. 

En  effet,  au  mois  de  septembre  1885,  M.  Antonio  da  Silva 
Prado,  ministre  des  Travaux  publics  au  Brésil,  avait  déclaré  au 
Sénat  que  le  Gouvernement  se  ferait  représenter  officiellement. 
En  mai  1887,  M.  Antonio  da  Silva  Prado  cessait  de  faire  partie 
du  Cabinet  brésilien,  et  le  Gouvernement,  en  janvier  1888,  décla- 
rait au  ministre  de  France  à  Rio-de-Janeiro,  que  l'Empire  du 
Brésil  ne  se  ferait  pas  représenter  à  Paris.  Le  10  mars  1888, 
M.  Antonio  da  Silva  Prado  revenait  au  pouvoir  avec  le  nouveau 
ministère.  Cette  circonstance,  coïncidant  avec  les  efforts  faits  à 
Paris  par  le  Comité  franco-brésilien,  semblait  dès  lors  tourner  à 
l'avantage  de  l'Exposition  Brésilienne. 

M.  le  vicomte  de  Cavalcanti  arriva  à  Rio-de-Janeiro  au  mois 
d'avril  et  se  mit  aussitôt  à  l'œuvre,  s'adressant  aux  producteurs, 
faisant  des  voyages  pour  organiser  des  comités,  pressant  les 
retardataires  et  décidant  les  hésitants. 

D'accord  avec  M.  le  vicomte  de  Cavalcanti,  le  député  Affonso 
Celso  proposa  à  la  Chambre  qu'une  subvention  d'environ 
800.000  francs  fût  accordée  au  Comité  franco-brésilien.  Cette 
proposition,  combattue  par  quelques  orateurs,  fut  défendue  par 
MM.  Affonso  Celso,  Matta  Machado,  Carneiro  da  Cunha,  Nabuco 
et  Penna,  à  la  Chambre  des  députés,  et  par  MM.  Antonio  da  Silva 
Prado  et  vicomte  de  Ouro-Preto,  au  Sénat,  où  elle  fut  approuvée. 
En  conséquence,  le  18  juillet,  fut  publié  le  décret  suivant: 

Article  premier.  — Le  Gouvernement  est  autorisé  à  dépenser 
jusqu'à  la  somme  de  300  contos  de  reis  pour  aider  le  Comité 
franco-brésilien  pour  l'Exposition  universelle  de  Paris  et  les 
exposants  brésiliens  qui  prendront  part  à  la  dite  Exposition. 

Art.  2.  —  Le  Gouvernement  fera  les  opérations  de  crédit 
nécessaires  pour  cet  objet. 

Art.  3.  —  Toutes  les  dispositions  contraires  sont  révoquées. 

Antonio  da  Silva  Prado,  sénateur  de  l'Empire,  membre  du 
conseil  de  Sa  Majesté  l'Empereur,  ministre  et  secrétaire  d'Etat, 
de  l'agriculture,  du  commerce  et  des  travaux  publics,  est  chargé 
de  l'exécution  du  présent  décret. 

Signé  :  Princeza  Impérial  Régente. 
Signé  :  Antonio  da  Silva  Prado. 


EXPOSITION     UNIVERSELLE     DE     PARIS      1889. 

La  participation  du  Brésil  à  l'Exposition  Universelle  était  dès 
lors  un  fait  accompli.  A  Rio-de-Janeiro,  M.  le  vicomte  de  Caval- 
canti  avait  obtenu  un  plein  succès.  A  Paris,  le  Comité  franco- 
brésilien,  continuant  son  œuvre,  avait,  sur  un  avis  télégraphique 
de  M.  le  vicomte  de  Cavalcanti,  constitué,  en  vingt-quatre  heures, 
par  acte  notarié,  un  syndicat  de  garantie,  et  son  fondé  de  pouvoirs 
à  Rio-de-Janeiro,  M.  le  vicomte  de  Figueiredo,  signait  avec  le 
Gouvernement  brésilien  un  contrat  en  vertu  duquel  le  syndicat 
prenait  à  sa  charge  l'organisation  de  l'Exposition  du  Brésil  au 
Champ  de  Mars. 

M.  le  vicomte  de  Cavalcanti  organisa  alors  le  Comité  central 
de  Rio  de-Janeiro.  Ce  comité  mit  un  grand  zèle  et  une  patrio- 
tique activité  dans  l'accomplissement  de  sa  mission.  Dans  les 
provinces  les  présidents  et  les  particuliers  réunirent  leurs  efforts 
pour  suivre  l'exemple  donné  par  la  capitale  de  l'Empire.  Des 
commissions  furent  constituées  ;  quelques  provinces  leur  accor- 
dèrent des  subsides  spéciaux. 

Le  11  décembre  1888,  Sa  Majesté  l'Empereur  ouvrait  en 
personne  l'Exposition  préparatoire  à  Rio-de-Janeiro  et,  répondant 
à  un  discours  de  M.  le  vicomte  de  Cavalcanti,  Sa  Majesté  exprima 
son  plaisir  de  constater  dans  cette  Exposition  les  progrès  de 
l'industrie  brésilienne. 

Les  hommes  d'initiative  qui  ont  eu  foi  dans  cette  entreprise 
voient  donc  leurs  efforts  couronnés  de  succès.  Tous  les  Brésiliens 
venus  à  Paris  pour  visiter  l'Exposition  sont  heureux  et  fiers  de 
voir  que  leur  pays  a  pris  une  part  si  honorable  à  cette  grande 
lutte  pacifique  et  en  témoignent  hautement  leur  vive  satisfaction. 

Le  Brésil  en  i  889,  dont  la  publication  a  été  confiée  au  dévoue- 
ment et  aux  soins  éclairés  de  M.  de  Santa  Anna  Nery  répondra 
aux  désirs  du  public  désireux  d'avoir  des  renseignements  exacts 
sur  le  Brésil. 

M.  de  Santa  Anna  Nery  a  été  très  bien  secondé  par  les  collabo- 
rateurs de  cet  ouvrage,  MM.  le  baron  de  TefTé,  membre  corres- 
pondant de  l'Institut;  H.  Gorceix,  le  baron  de  Rio-Branco,  le 
baron  de  Itajubâ,  Favilla  Nunes,  Mac-Dowell,  L.  Cruls,  Morize, 
R.  de  Oliveira,  Eduardo  Prado,  Ladislao  Netto,  Ferreira  de  Araujo, 
Leitao  da  Cunha,  A.  Rebouças  et  Alves  Barbazo. 


COMMISSARIAT  GÉNÉRAL  DU  BRÉSIL 

A   l'Exposition    Universelle    de    1889 


Commissaire  Général  :  Son  Excellence  M.  le  Vicomte  de  Cavalcanti, 
sénateur,  conseiller  d'État. 

Commissaires  Généraux  adjoints  :   M.  E.  Lourdelet,  président  de 
la  Chambre  syndicale  des  Négociants-Commissionnaires  de  Paris  ; 
M.  E.  da  Silva-Prado,  avocat. 

Secrétaire  Général  :  M.  Amédé  Prince,  vice-président  de  ia  Chambre 
syndicale  des  Négociants-Commissionnaires  de  Paris. 

Commissaires  :  M.  le  Baron  d'Albuquerque,  ancien  député  ; 

M.  Carlos  F.  d'Almeida,  négociant; 

M.  Eduardo  Ferreira  Cardozo,  attaché  à  la  Légation  impériale  du 
Brésil  ; 

Son  Excellence  M.  le  Baron  d'Estrella,  chambellan  de  S.  M. 
l'Impératrice  du  Brésil  ; 

M.  Uaymond-Benoist  d'Etiveaud,  négociant  ; 

M.  le  Vicomte  de  Figueiredo,  président  de  la  Banque  Internationale 
du  Brésil  ; 

M.  Adolpho  Klingelhoefer,  ancien  négociant  ; 

M.  C  Pra,  vice-président  de  la  Chambre  syndicale  des  Négociants- 
Commissionnaires  de  Paris  ; 

M.  D.  Pector,  président  de  la  Chambre  syndicale  du  commerce 
d'exportation  ; 

M.  F.-.I.  de  Santa-Anna  Nery,  directeur  du  journal  V Amérique  ; 

M.  R.-E.  de  Souza-Dantas,  membre  du  Conseil  de  S.  M.  l'Empereur 
du  Brésil,  ancien  ministre  d1État  ; 

M.  Manoel-Augusto  Teixeira,  ingénieur. 


COMMISSION  DE  PUBLICITÉ 


Président  :  M.  le  Conseiller  R.-E.  de  Souza-Dantas. 

Secrétaire-Rapporteur  :  M.  F.-J.  de  Santa-Anna  Nery 

Membres  :  M.  le  Baron  d'Albuquerque  ; 
Son  Excellence  M.  le  Baron  d'Estrella  ; 
M.  E.  da  Silva-Prado. 


AU  LECTEUR 


Pendant  la  dernière  quinzaine  du  mois  de 
Novembre  1888,  le  Syndicat  du  Comité  Franco- 
Brésilien  a  bien  voulu  nous  confier  le  soin  d'éditer 
les  ouvrages  destinés  à  faire  mieux  connaître  le 
Brésil  actuel,  à  l'occasion  de  V Exposition  Universelle 
de  1889,  à  Paris.  Moins  de  six  mois  nous  séparaient 
alors  de  la  date  marquée  pour  V inauguration  de 
cette  grande  fête  internationale.  Nous  avons  cru, 
cependant,  devoir  accepter  cette  tâche  aussi  flatteuse 
que  diffiede.  Nous  n'aurions  certainement  pas  pu  la 
mener  à  bonne  fin  si  nous  n  avions  pas  trouvé  en 
M.  F.-J.  de  Santa-Anna  Nerg,  l'écrivain  brésilien 
bien  connu,  un  collaborateur  d'un  dévouement  à  toute 
épreuve.  C'est  lui  qui  a  réuni,  en  quelques  mois, 
malgré  la  distance  qui  nous  sépare  du  Brésil,  ce 
groupe  d'écrivains  hors  ligne  qui  nous  a  permis  de 
publier  un   livre   absolument  nouveau  sur  le  Brésil 


VIII  AU     LECTEUR. 

actuel.  C'est  lui  qui  a  composé  quelques-unes  des 
monographies  de  ce  livre,  qui  a  revu  tous  les  articles, 
en  ij  ((joutant  parfois  des  notes  précieuses. 

Chacun  des  chapitres  de  ce  volume,  écrit  et 
imprimé  en  quelques  mois,  a  été  traité  par  un  spé- 
cialiste, et,  grâce  à  cette  collaboration  variée  et 
désintéressée,  nous  osons  nous  flatter  d'avoir  réussi 
ce  donner  une  idée  assez  exacte  de  la  nouvelle 
évolution  qu'accomplit  en  ce  moment  le  grand  empire 
de  V Amérique  du  Sud. 

L'ÉDITEUR. 


INTRODUCTION 


LE     BRESIL    ACTUEL 


Par    M.     F.-J.     DE     SANTA-ANNA    NERY 


Les  Expositions  Universelles,  que  l'on  a  tant  critiquées, 
ont  du  moins  l'avantage  incontestable  de  permettre  aux  diffé- 
rents États  qui  y  prennent  part  d'établir  une  sorte  de  bilan 
officiel  pour  la  plupart  des  branches  de  leur  production.  Quelque 
riche  ou  quelque  pauvre  que  l'on  soit,  il  est  toujours  utile  de 
connaître  exactement  le  point  de  prospérité  ou  de  décadence 
où  Ton  se  trouve.  Pour  cela,  il  suffit  aux  individus  de  mettre 
en  ligne  de  compte  leur  actif  et  leur  passif.  Il  n'en  va  pas  tout 
à  fait  ainsi  quand  il  s'agit  des  peuples.  Afin  d'apprécier  avec 
quelque  précision  leur  état  économique,  il  faut  qu'ils  le  compa- 
rent à  celui  de  leurs  voisins,  car,  dans  la  lutte  internationale 
du  commerce  et  de  l'industrie,  tout  n'est  qu'affaire  de  relation 
et  de  relations. 

Les  peuples  ne  sont  plus,  comme  autrefois,  des  individua- 
lités  totalement  indépendantes  les  unes  des  autres.  Ils  tendent 
de  plus  en  plus  à  composer  un  grand  corps,  un  organisme 
gigantesque,  animé  d'une  vie  pour  ainsi  dire  isomorphe,  sujet 
à  certaines  commotions  périodiques  qui  rébranlent,  mais,  en 
même  temps,  participant,  dans  une  large  mesure,  aux  bienfaits 


X  LE     BRÉSIL     EN     18  89. 

do  la  production  universelle.  Il  y  a  communication  des  parties 
au  tout,  et  réaction  du  tout  sur  les  parties,  de  sorte  que  l'étroite 
solidarité  économique  de  presque  toutes  les  nations  des  deux 
mondes  constitue  à  la  fois  la  raison  de  leur  faiblesse  et  la 
garantie  de  leur  puissance. 

Nous  saisissons  donc  avec  empressement  l'occasion  qui 
nous  est  offerte  de  récapituler  brièvement  tout  ce  que  le  Brésil 
a  fait  d'utile  et  de  grand  depuis  quelques  années,  et  nous  ne 
craignons  pas  de  mettre  en  parallèle  ses  progrès  avec  ceux  que 
les  autres  nations  du  nouveau  continent  ont  accomplis. 

Il  y  a  vingt-deux  ans  que  l'on  n'a  vu  le  Brésil  à  Paris.  Nous 
voulons  dire  le  Brésil  tout  entier,  dans  la  variété  et  la  mul- 
tiplicité de  ses  produits.  L'exhibition  de  ses  cafés,  qu'il  a  faite 
au  Palais  de  l'Industrie  en  janvier  1883,  bien  que  réussie  en 
tout  point  et  portant  sur  la  culture  la  plus  répandue  de  l'em- 
pire, n'était  qu'une  Exposition  partielle  et  ne  pouvait  donner 
qu'une  faible  idée  de  la  situation  générale  du  pays. 

En  1867,  nous  avons  tenu  avec  un  certain  éclat  notre  place 
d'exposants.  En  1878,  pour  certaines  raisons  d'économie  inté- 
rieure, nous  avons  cru  devoir  nous  abstenir.  Cette  année,  si 
nous  ne  nous  présentons  pas  officiellement  à  Paris,  du  moins 
y  iigurons-nous  en  nombre  et  d'une  manière  satisfaisante. 

C'est  déjà  beaucoup  que  la  première  nation  latine  du  nou- 
veau monde  ait  pu  prendre  son  rang  aux  grandes  assises 
ouvertes  en  ce  moment.  Si  elle  a  renoncé  à  un  grand  luxe  d'éta- 
lages et  à  une  grande,  profusion  de  décors  dans  son  installation 
du  Champ  de  Mars,  c'est  qu'elle  préfère  Yêtre  au  imraîlre, 
c'est  qu'elle  se  contente  de  montrer  modestement  et  sans 
trompe-l'œil  le  chemin  qu'elle  a  parcouru  depuis  l'Exposition 
Universelle  de  1867. 

Le  Brésil  est  venu  à  Paris,  non  pas  pour  en  imposer  aux 
yeux,  mais  pour  faire  constater  à  la  vieille  Europe  qu'il  n'est 
pas  indigne,  par  ses  progrès  réalisés,  d'entrer  plus  largement 
encore  dans  le  concert  économique  des  grands  États.  Le  Brésil 


INTRODUCTION  XI 

est  venu  à  Paris,  non  pas  pour  rechercher  la  vaine  satisfaction 
de  récompenses  honorifiques,  mais  pour  nouer  plus  solidement 
les  liens  qui  rattachent  à  l'Europe,  pour  ouvrir  de  nouveaux 
débouchés  à  ses  matières  premières,  et  surtout  pour  donner 
confiance  à  tous  ceux  qui  seraient  prêts  à  le  choisir  pour  leur 
nouvelle  patrie,  à  y  porter  leur  travail  ou  à  y  faire  fructifier  leurs 
capitaux. 

Pour  être  Américains  du  Sud,  nous  n'en  sommes  pas  moins 
Américains,  c'est-à-dire  pratiques. 

Mais  par  une  coquetterie  de  nation  libérale  et  latine  le  Bré- 
sil n'a  pas  voulu  se  présenter  à  Paris,  au  moment  du  centenaire 
delà  Révolution  française,  sans  lui  apporter  une  preuve  évidente 
de  son  respect  véritable  pour  les  Droits  de  l'Homme  et  de  ses 
progrès  dans  la  liberté,  comme  il  l'avait  déjà  fait  en  1867. 

En  effet,  en  1867,  le  Brésil  entrait  à  Paris  en  annonçant 
qu'il  ouvrait  le  grand  fleuve  de  l'Amazone  aux  pavillons  de 
toutes  les  nations  amies.  En  1889,  il  y  vient  en  montrant  son 
drapeau  vert  et  or  d'où  a  disparu  la  tache  noire  de  l'esclavage. 
Il  y  apporte  une  Bastille  détruite,  et  l'affranchissement  de  plus 
d'un  million  d'hommes.  Il  y  apporte  une  Révolution  faite  d'hier, 
et  qui,  elle,  n'a  fait  verser  que  des  larmes  de  reconnaissance. 

En  1867,  le  Brésil,  jeune  encore,  n'ayant  pas  même  un 
demi-siècle  de  vie  autonome,  ne  donnait  que  des  espérances  : 
il  se  présentait  comme  un  État  qui  compte  sur  l'avenir  pour 
réaliser  les  longs  espoirs  et  les  vastes  pensées.  Ces  espérances, 
les  réaliserait-il  jamais?  Ces  promesses,  les  tiendrait-il  un 
jour  ?  Son  avenir,  de  quoi  serait-il  fait?  —  Il  vient  aujourd'hui 
apporter  sa  réponse. 

En  effet,  depuis  cette  époque,  si  rapprochée  de  nous,  cepen- 
dant, il  a  conquis  sa  virilité;  il  a  accompli  tout  ce  qu'on  atten- 
dait de  lui  :  et  ce  n'est  pas  sans  une  certaine  fierté  qu'il  peut 
exposer  le  fruit  de  ses  efforts. 

Le  gros  public  ignorait  alors  presque  entièrement  le  Brésil, 
ou,  du  moins,   il  considérait  comme  une  quantité  des  plus 


XII 


LE     BRÉSIL     EN      1889. 


négligeables  cet  empire  presque  aussi  vaste  à  lui  seul  que  l'Eu- 
rope Continentale.  11  circulait  môme  encore  à  notre  endroit  de 
vieilles  histoires  qui  nous  reléguaient  au  rang  de  certains  insu- 
laires fort  peu  avancés  en  civilisation.  Malgré  de  savants  tra- 
vaux publiés  sur  quelques-unes  de  nos  régions  et  sur  différentes 
productions  de  nos  contrées,  nous  demeurions  aussi  inconnus 
que  méconnus.   Les  livres  des  voyageurs,  qui  nous  avaient 
visités,  restaient  enfouis  dans  les  bibliothèques,  ou  n'étaient 
consultés  que  par  un  petit  nombre  de  curieux.  On  faisait  un 
succès  à  certain  pamphlétaire  qui  avait  saisi  et  exhibé  nos 
ridicules  avec  autant  d'ingratitude  que  d'esprit.  On  nous  con- 
fondait dédaigneusement  avec  les  colonies.  On  ne  connaissait 
guère  du  Brésil  que  le  Brésilien  d'opérette,  la  fièvre  jaune  et  les 
serpents  à  sonnettes.  Quant  à  son  histoire,  quant  aux  merveil- 
leuses ressources  qu'il  renferme,  on  s'en  préoccupait  assez 
peu.  L'Amérique  du  Nord  était  tout  et  se  recommandait  à  tous 
les  esprits.  Quiconque  aurait  parlé  d'émigrer  au  Brésil,  eût  été 
pris  pour  un  original  ou  pour  un  chimérique  découvreur  de 
nouveaux  mondes. 

Les  choses  ont  bien  changé  depuis.  Nous  avons  été  vulga- 
risés. On  s'est  occupé  de  nous.  Le  Brésil  a  conquis  l'attention. 
Il  a  beaucoup  fait  parler  de  lui  dans  les  journaux,  dans  les 
ouvrages  de  toute  sorte.  Il  a  môme  créé  des  sociétés  d'études. 
Grâce  à  toute  cette  publicité,  grâce  aussi  aux  Brésiliens  qui 
traversent  la  mer  tous  les  ans  pour  venir  en  Europe,  on  sait 
qui  nous  sommes,  ce  que  nous  valons  et  ce  que  nous  voulons. 
On  sait  que  nous  n'habitons  pas  aux  antipodes,  mais  à  quel- 
ques jours  de  l'Europe,  et  qu'on  peut  nous  venir  voir  sans  qu'il 
en  coûte  beaucoup  et  de  la  manière  la  plus  confortable  du 
monde.  Nous  commençons,  enfin,  à  être  un  peu  plus  connus 
que  tel  petit  pays   des  Balkans  dont   la  presse   européenne 
décrit  avec  complaisance  les  révolutions  tapageuses. 

Ce  progrès  nous  honore,  car  il  est  en  grande  partie  notre 
œuvre.  C'est  le  Brésil  qui  a  révélé  le  Brésil  au  monde.  C'est 


INTRODUCTION.  XIII 

lui  qui  s'est  fait  connaître  en  s'afiirmant  partout.  Il  ne  doit 
guère  sa  nouvelle  réputation  qu'à  lui-même. 

Des  régions,  dont  on  parlait  à  peine  il  y  a  vingt  ans,  ont 
grandi  et  ont  pris  leur  place  au  soleil  de  la  civilisation.  Dans 
le  nord,  l'Amazonie  a  surgi  belle,  séduisante,  riche.  Dans  le 
sud,  San-Paulo  a  montré  ce  que  peut  le  sang  latin  infusé  dans 
les  veines  d'un  peuple  du  nouveau  monde.  De  tous  côtés,  nos 
provinces,  animées  d'une  belle  et  noble  émulation,  ont  déve- 
loppé leurs  ressources  et  se  sont  produites  dans  les  luttes 
économiques  qui  fortifient. 

En  1867,  nous  l'avons  dit,  le  grand  fleuve  de  l'Amazone 
était  rendu  libre  et  ouvert  aux  pavillons  des  nations  amies. 
A  cette  époque,  les  deux  provinces  baignées  par  cet  Océan 
d'eau  douce,  par  cette  mer  intérieure,  produisaient  à  peine 
8  millions  de  kilogr.  de  caoutchouc.  En  ce  moment,  elles  en 
fournissent  près  de  16  millions  de  kilogs.  En  vingt-un  ans  la 
production  a  été  plus  que  quintuplée.  Leurs  revenus  provin- 
ciaux ont  suivi  la  même  progression  :  de  un  million  de  francs, 
ils  se  sont  élevés  à  15  millions.  Leur  population  a  certainement 
doublé.  La  province  de  Para  a  une  exportation  de  188  francs 
par  tête  et  par  an;  celle  de  l'Amazone  en  a  une  de  174  francs; 
tandis  que  la  République  Argentine  ira  que  108  francs,  et  les 
États-Unis  de  l'Amérique  du  Nord  à  peine  76  francs  60. 

Qui  connaissait,  seulement  de  nom,  la  province  de  San- 
Paulo,  il  y  a  un  quart  ce  siècle  ?  Elle  était  perdue  dans  les  infi- 
niment petits.  Ses  revenus  généraux  et  provinciaux  attei- 
gnaient à  peine  5  millions  :  c'est  le  budget  d'une  petite  ville  de 
France.  Elle  ne  recevait  pas  d'immigrants.  Son  réseau  de 
chemins  de  fer  sortait  à  peine  des  projets.  San-Paulo  n'existait 
pas  pour  l'Europe.  Hé  bien  !  ce  coin  de  terre,  situé  dans  le 
Brésil  méridional,  fait  aujourd'hui  l'étonnement  des  écono- 
mistes et  leur  prépare  de  nouvelles  surprises.  San-Paulo  fournit 
maintenant  des  revenus  qui  s'élèvent  à  la  somme  respectable  de 
32  millions  de  francs,  et  a  presque  accaparé  l'immigration  qui 


XIV  LE     BRESIL     EN      188  9. 

se  dirige  vers  le  Brésil.  Ses  grandes  cultures  de  café,  son 
climat  et  sou  sol  admirables,  son  initiative  à  la  fois  hardie  et 
pondérée  lui  ont  attiré,  l'année  dernière,  plus  de  cent  mille 
immigrants  d'Europe.  C'est  la  prospéritée  assurée,  car  ce  qui 
manque  le  plus  au  Brésil,  ce  n'est  pas  la  terre,  ce  sont  les  bras. 
—  La  province  de  San-Paulo  peut  être  avantageusement  com- 
parée à  n'importe  quel  département  français  pour  sa  richesse, 
ses  exploitations  rurales  et  son  administration  locale.  Les  voies 
de  transport  y  ont  atteint  un  grand  développement  relatif,  et 
son  réseau  ferré,  d'une  étendue  de  près  de  2.500  kilomètres, 
a  été  construit,  à  l'exception  d'une  seule  ligne,  au  moyen  de 
capitaux  nationaux. 

D'autres  provinces  que  l'on  connaissait  à  peine  d'après  les 
cartes  et  dont  on  ignorait  généralement  les  ressources  —  Gearâ, 
Pernambuco,  Bahia,  Espirito-Santo,  Minas-Geraes,  Paranâ. 
Rio-Grande-du-Sud,  etc.,  —  déploient  une  activité  et  une  puis- 
sance de  travail  qui  n'ont  pas  été  infécondes.  Elles  sont  dans 
le  mouvement  qui  emporte  le  Brésil,  par  de  nouvelles  voies, 
vers  un  but  supérieur.  Leur  crédit  s'affirme,  tant  à  l'intérieur 
qu'à  l'extérieur,  et  il  s'emploie  à  un  usage  reproductif,  c'est-à- 
dire  au  perfectionnement  de  leur  outillage  industriel. 

Rien  n'est  laissé  au  hasard.  Le  génie  de  l'homme  se  prend 
à  tous  les  moyens  de  production  et  de  circulation  des  richesses. 
Ce  sont  des  banques  que  l'on  crée  au  profit  des  agriculteurs  :  ce 
sont  des  crédits  que  Ton  vote  pour  attirer  et  fixer  l'immigration 
européenne.  Ici  se  construisent  des  fabriques  et  des  usines  des- 
tinées à  transformer  sur  place  les  matières  premières  innom- 
brables qu'on  envoyait  autrefois  en  Europe  et  qui  nous  en  reve- 
naient pour  être  vendues  dans  le  pays  à  des  prix  fort  élevés. 
Là,  l'industrie  locale  nous  rend  de  moins  en  moins  tributaires 
de  l'Europe  pour  les  objets  manufacturés  dont  nous  avons 
besoin.  Ailleurs,  on  défriche  le  sol  et  l'on  essaie  de  nouvelles 
cultures  plus  rémunératrices  ou  mieux  appropriées  aux  néces- 
sités locales  ;  on  perfectionne  ce  qui  est  et  l'on  crée  ce  qui 


INTRODUCTION.  XV 

manquait.  Partoul  règne  et  se  déploie  l'effort  humain  sur  une 
terre  vierge  et  féconde. 

On  dirait  que  le  géant  de  l'Amérique  du  Sud,  assoupi  pen- 
dant si  longtemps,  se  réveille  enfin,  animé  du  désir  de  tout 
refaire  à  nouveau  :jam  novus  nascitur  or  do. 

Nous  nous  sommes  aperçus  que  nous  détenions  un  trésor, 
et  c'est  à  qui  l'arrachera  aux  entrailles  de  notre  terre. 

Nos  provinces  accomplissent  cette  double  évolution  :  de 
l'état  commercial,  elles  passent  à  l'état  agricole  et  industriel 
simultanément.  Et,  lorsque  nous  aurons  de  la  sorte  élargi  notre 
agriculture  et  développé  notre  industrie,  notre  commerce,  qui, 
jusqu'ici,  ne  reposait  que  sur  des  bases  incomplètes,  aura  trouvé 
ses  véritables  assises  et  acquerra  une  puissance  considérable. 

Si,  maintenant,  nous  jetons  un  regard  sur  l'ensemble  du 
pays,  nous  sommes  bien  plus  encore  frappés  de  ses  merveilleux 
progrès,  réalisés  en  moins  d'un  quart  de  siècle. 

En  1867,  la  population  du  Brésil  n'atteignait  pas  dix  millions 
d'habitants.  Un  sixième  environ  de  cette  population  était  com- 
posé d'esclaves.  —  Le  Brésil  compte  aujourd'hui  quatorze 
millions  d'habitants  au  moins,  et  plus  un  seul  esclave!  Le  mot 
môme  d'esclavage  a  disparu  de  notre  pays,  a  été  rayé  de  nos 
lois.  Il  n'y  a  plus  que  des  citoyens  libres  soumis  aux  mêmes 
devoirs  et  jouissant  des  mêmes  droits.  Et,  puisqu'il  fut  un 
temps  où  l'on  donnait  une  valeur  vénale  à  des  êtres  créés,  comme 
nous,  à  l'image  de  Dieu,  il  faut  dire  ici  que  la  libération  de  ce 
million  et  demi  d'hommes  a  coûté  au  Brésil  trois  milliards  au 
bas  mot  sans  atteindre  sa  prospérité.  Nous  n'avons  reculé 
devant  aucun  sacrifice  pour  nous  affranchir  de  cet  héritage 
douloureux  de  l'Europe,  et  nous  avons  arraché  de  nos  épaules 
cette  tunique  de  Nessus,  sans  que  le  sang  coulât,  comme  aux 
États-Unis.  Nous  l'avons  dépouillée  au  milieu  des  acclamations 
d'un  peuple  qui  fêtait  son  entrée  définitive  dans  la  civilisation, 
et  aux  applaudissements  du  monde  entier,  qui  semblait  nous 
être  reconnaissant  de  tant  d'audace. 


XVI  LE     BRÉSIL     EN     1889. 

Cet  acte  de  justice  tardive  ne  saurait  avoir  pour  le  Brésil  des 
conséquences  lâcheuses,  comme  nous  essayons  de  le  prouver 
dans  l'un  des  chapitres  de  ce  livre.  Cette  transformation  dans 
la  main-d'œuvre  ne  compromettra  aucun  des  intérêts  vitaux  de 
l'empire.  Le  travail  libre,  en  remplaçant  le  travail  servile,  pro- 
duira de  meilleurs  fruits.  Il  attirera  vers  nous  le  travailleur 
européen.  En  effet,  l'immigration  a  suivi  une  marche  ascen- 
dante à  mesure  que  l'esclavage  décroissait. 

En  1867,  il  ne  venait  que  10.000  immigrants  chez  nous.  — 
En  1888,  les  deux  seuls  ports  de  Rio-de- Janeiro  et  de  Santos  en 
ont  reçu  132.000.  Cette  année-ci,  le  Brésil  entier  compte  sur  un 
arrivage  de  plus  de  150.000,  et  ce  chiffre  ira  sans  cesse  en 
croissant.  Ces  hôtes  laborieux  ne  se  contentent  pas  de  nous 
apporter  le  secours  de  leurs  bras  et  de  leur  expérience  ;  ils 
s'initient  assez  promptement  à  nos  mœurs,  et,  séduits  par 
l'esprit  libéral  de  nos  lois,  ils  demandent  assez  souvent  à  entrer 
dans  la  grande  communion  nationale.  Nous  recrutons  des 
citoyens  dévoués,  là  ou  nous  n'espérions  trouver  que  des  colons 
laborieux.  C'est  un  double  profit  pour  la  patrie  brésilienne. 

De  1822,  date  de  la  proclamation  de  notre  indépendance,  jus- 
qu'à 1867,  soit  en  quarante-cinq  ans  à  peine,  4.000  d'entre  les 
immigrants  ont  demandé  des  lettres  de  naturalisation.  —  De 
1867  à  mai  1888,  soit  en  vingt  ans,  6.395  d'entre  eux  sont 
devenus  Brésiliens.  —  De  1867  à  1883,  la  moyenne  des  natura- 
lisations était  de  88,8  par  an.  Elle  est  actuellement  de  870 
par  an. 

Il  semble  que,  par  une  juste  récompense,  nous  recevions 
chaque  jour  le  prix  de  notre  généreuse  action. 

Si  nous  continuons  à  comparer  l'état  présent  du  Brésil  avec 
sa  situation  établie  au  moment  de  l'Exposition  universelle  de 
L867,  nous  constatons  dans  tous  les  ordres  de  l'activité  natio- 
nate  un  progrès  immense. 

Ainsi,  les  recettes  afférentes  à  l'État,  aux  provinces  et  aux 
municipalités  étaienl  <l<i  233  millions  de  francs  en  1867.  —  Elles 


INTRODUCTION.  XVII 

B'êlèvent  à  rheuro  actuelle  à  plus  de  570  millions,  et  offrent  une 
plus-value  de  près  de  deux  fois  et  demie. 

Toutes  les  branches  de  l'administration  ont  contribué  à  ces 
heureux  résultats. 

Les  douanes,  qui  produisaient  200  millions  en  18G7,  four- 
nissent aujourd'hui  près  de  300  millions  de  francs. 

Les  postes  ont  vu  leur  recette  monter  de  2  millions  et  demi 
à  5  millions. 

Les  télégraphes,  qui  donnaient  à  peine 73.000  francs,  rendent 
aujourd'hui  6  millions. 

En  1867,  nous  n'avions  que  683  kilomètres  de  voies  ferrées. 
—  Nous  en  avons  maintenant  près  de  10  mille. 

Alors,  le  Brésil  était  isolé  du  monde.  —  Aujourd'hui,  des 
fils  terrestres  et  des  câbles  sous-marins  le  relient  aux  deux 
Amériques,  à  l'Europe,  au  monde.  Il  peut  correspondre  avec 
l'Univers. 

Le  téléphone  a  pénétré  jusque  dans  F  Amazonie,  et  les 
tramways  sillonnent  les  rues  de  toutes  nos  grandes  villes. 

Notre  commerce  et  nos  rapports  de  toute  nature  ont  béné- 
licié  de  tous  ces  progrès,  de  tous  ces  instruments  de  communi- 
cation rapide. 

Le  commerce  extérieur  du  Brésil  était  estimé,  en  1867,  à 
900  millions.  Il  dépasse  1  milliard  un  quart. 

Le  développement  de  la  navigation  au  long  cours  a  été 
parallèle  à  cet  essor  commercial. 

En  1867,  le  nombre  des  navires  au  long  cours  et  de  grand 
cabotage,  entrés  et  sortis,  était  de  12.500,  jaugeant  ensemble 
moins  de  ï  millions  de  tonneaux.  —  En  1887,  ce  mouvement 
maritime  est  représenté  par  15.000  navires,  jaugeant  ensemble 
10  millions  de  tonneaux,  c'est-à-dire  le  triple. 

Un  autre  grand  agent  commercial,  la  Banque  de  crédit  et 
d'escompte,  s'est  développé  avec  des  capitaux  considérables. 


XVIII  LE     BRÉSIL     EN     18  89. 

Éd  1867,  on  comptait  six  banques  à  Rio-de-Janeiro  et  onze 
dans  les  provinces.  —  Aujourd'hui,  les  deux  seules  places  de 
Jlio  et  de  San-Paulo  en  ont  autant  que  tout  le  Brésil  d'alors. 

Et  partout  on  constate  le  môme  progrès,  incessant,  sérieux, 
profond,  dans  les  arts,  les  lettres,  les  sciences,  comme  dans 
l'agriculture,  l'industrie  et  le  commerce,  --  dans  la  politique 
môme  et  dans  l'administration,  comme  dans  l'économie  sociale 
et  dans  les  connaissances  humaines. 

Le  Brésil  est  en  travail,  et  l'œuvre  se  poursuit  sans  bruit, 
sans  réclame.  Il  fuit  les  exagérations  intéressées  et  se  garde 
des  annonces  mensongères.  Il  compte  sur  le  temps  et  sur  la 
sagesse  des  hommes  pour  être  apprécié  comme  il  le  mérite. 

C'est  à  peine  s'il  nous  a  été  permis  d'enregistrer  ici  quelques 
généralités  sur  ses  progrès  récents,  et  dresser  l'inventaire  de 
ce  qui  a  été  fait  dans  ces  dernières  années.  C'est  à  l'œuvre  seu- 
lement que  l'on  doit  connaître  l'ouvrier.  Nous  espérons,  cepen- 
dant, que  de  tout  ce  qu'on  va  lire  il  résultera  la  conviction  pour 
tous  que  le  Brésil  a  beaucoup  travaillé  depuis  vingt-cinq  ans, 
qu'il  s'est  élevé  peu  à  peu,  sans  secousses  violentes  et  aussi 
sans  orgueilleux  transports  de  triomphe,  et  qu'il  peut  aspirer 
à  de  hautes  destinées.  Ces  destinées,  il  les  atteindra  sûrement 
s'il  persiste  dans  la  même  voie. 

Nous  avons  fait  beaucoup  déjà;  il  nous  reste  encore  plus  â 
faire.  Il  nous  est  impossible  de  nous  arrêter  sans  compromettre 
tout  ce  qui  a  été  tenté  jusqu'ici. 

En  avant  donc  \  Et  pour  le  progrès  ! 

Débarrassé  de  la  plaie  séculaire  qui  le  rongeait,  le  Brésil 
s'avance  d'un  pas  ferme  et  décidé  à  la  conquête  de  toutes  les 
nouveautés.  Sans  doute  il  porte  encore  au  flanc  les  traces  de  la 
vieille  cicatrice  noire  ;  mais,  en  disant  à  l'Europe  qui  lui  avait 
légué  cette  infirmité  peut-ôtre  nécessaire  :   Vide  latus!  il  peut 


INTRODUCTION.  XIX 

lui  montrer  du  môme  coup  les  remèdes  qui  l'ont  guéri  :  la 
liberté  dans  l'ordre,  le  travail  dans  la  paix. 

S'il  ne  lui  est  pas  encore  permis  de  monter  au  Capitole  pour 
rendre  grâces  aux  dieux  des  grandes  choses  accomplies,  il  peut, 
du  moins,  tout  en  se  montrant  modeste  quand  il  se  considère, 
se  dire  lier  quand  il  se  compare  ! 


CHAPITRE  PREMIER 


NOTIONS     GÉNÉRALES 


Situation,  limites,  superficie1.  —  Le  Brésil  est  situé  entre 
5°10'  nord  et  33°45'  sud,  et,  abstraction  faite  des  îles  de  Fer- 
nando-de-Noron.ha  et  de  la  Trindade,  entre  8°19'26"  est  et 
30°58':26"  ouest,  de  Rio-de-Janeiro.  Ses  points  extrêmes  sont  : 
au  Nord,  la  chaîne  de  montagnes  ou  serra  de  Roruima,  aux 
sources  du  Cotingo,  affluent  du  Tacutu,  par  5°10'  nord  et  17°35' 
ouest  de  Rio-de-Janeiro;  au  Sud,  la  barre  du  Chuy,  par  33°4& 
sud  et  10°:2i':27''  ouest;  à  l'Est,  la  pointe  de  Pedra,  près 
d'Olinda,  par  8°0'57"  sud  et  8°19'16"  est;  à  l'Ouest,  les  sources 
du  Javary,  par  6°59W  sud  et  30°58'26"  ouest  de  Rio-de- 
Janeiro. 

Ses  limites  sont  :  au  sud-est,  à  Test  et  au  nord-est,  l'Océan 
Atlantique  ;  au  nord,  les  Guyanes  française,  néerlandaise  et 
anglaise,  et  le  Venezuela;  au  nord-ouest,  à  l'ouest  et  au  sud- 
ouest,  la  Colombie,  l'Equateur,  le  Pérou,  la  Bolivie,  le  Paraguay 
et  la  République  Argentine  ;  au  sud,  la  République  orientale 
de  l'Uruguay.  Il  a  donc  sur  ses  frontières  tous  les  États  et  colo- 
nies de  l'Amérique  du  Sud,  excepté  le  Chili. 

Ses  limites  avec  la  république  de  l'Uruguay  ont  été  définies 
par  les  traités  du  12  octobre  1851  (art.  3)  et  du  15  mai  1854 
(art.  1er). 

Avec  la  République  Argentine,  elles  ont  été  stipulées  par  un 


1.  Nous  nous  sommes  borné  à  résumer  ici  les  notions  données  par 
MM.  J.  Capistrano  d'Abreu  et  A.  do  Valle-Cabral  dans  leur  beau  travail  sur 
la  géographie  de  Wappaeus,  qu'ils  ont  refondue  dans  la  partie  se  rappor- 
tant au  Brésil. 


2  LE     BRÉSIL     EN     18  89. 

traité  en  date  du  14  décembre  1857  (art.  1er).  Mais  ce  traité  n'a 
pas  été  ratifié  par  la  République,  qui  réclame  comme  limites  les 
rios  Chapecô  et  Chopim.  Les  deux  Etats  sont  en  négociations 
pour  régler  ces  limites  à  l'amiable. 

Avec  le  Paraguay,  les  limites  ont  été  marquées  définitive- 
ment par  le  traité  du  9  janvier  1872  (art.  1er). 

Avec  la  Bolivie,  les  limites  ont  été  tracées  par  le  traité  du 
27  mars  1867  (art.  2). 

Avec  le  Pérou,  les  limites  ont  été  tracées  en  conformité  avec 
le  traité  du  23  octobre  1851  (art.  7). 

Avec  les  États-Unis  de  Colombie,  il  n'y  a  pas  de  traité  de 
limites,  celui  du  25  juin  1853,  proposé  par  le  Brésil,  n'ayant  pas 
été  accepté  par  l'autre  partie. 

Avec  le  Venezuela,  les  limites  ont  été  fixées  par  un  traité  en 
date  du  5  mai  1850  (art.  2). 

Avec  la  Guyane  française,  l'article  107  du  Congres  de  Vienne 
(1815)  et  la  Convention  de  Paris  du  28  août  1817  ont  établi  la 
limite  à  TOyapock  entre  4°  et  5°  nord;  l'Oyapock,  jusqu'à  sa 
source,  et,  après,  la  chaîne  de  Tumucumaque  sont  les  fron- 
tières marquées  sur  la  carte  du  Brésil  de  1883.  La  France  pro- 
pose comme  limite  le  canal  de  Carapaporis,  qui  sépare  File  de 
Maracà  des  terres  adjacentes  au  Cap  Nord,  depuis  la  branche 
septentrionale  de  l'Araguary,  si  celui-ci  n'a  pas  d'obstacles,  et, 
dans  le  cas  où  il  serait  obstrué,  le  premier  cours  d'eau  en  allant 
vers  le  nord,  lequel  se  jette,  sous  le  nom  de  Manaye  ou  Carapa- 
poris, dans  le  canal  de  ce  nom,  par  1°45'  nord.  En  1841,  le  terri- 
toire contesté,  connu  sous  le  nom  de  Mapa  ou  Amapâ,  a  été  neu- 
tralisé, et  en  1862  les  deux  pays  échangèrent  des  déclarations 
positives  à  ce  sujet  dans  l'arrangement  conclu  entre  eux  pour  le 
jugement  des  criminels  et  signé  à  Paris  le  28  juin  1802. 

Avec  la  Guyane  néerlandaise,  il  n'y  a  pas  de  traité  non  plus; 
le  Brésil  place  ses  limites  de  ce  côté  sur  la  serra  de  Tumucu- 
maque. 

Avec  la  Guyane  anglaise,  pas  de  traité  non  plus.  Le  Brésil 
fait  passer  ses  frontières  par  les  serras  d'Essary,  Acarahy  et 
Tumucumaque.  Un  échange  dénotes  (28  janvier  et  29  août  1842) 
a  neutralisé  le  territoire  limitrophe  appelé  Pirâra. 

A  cause  des  litiges  <|iii  existent  au  sujet  de  ces  frontières,  la 
superficie  du  Brésil  ne  peut  pas  être  calculée  d'une  manière  très 
exacte.  On  l'évalue  à  S. 337. 218  kilomètres  carrés. 

Sa  plus  grande  étendue,  d'après  M.  le  professeur  L.-J.  Marlins- 


NOTIONS     GENERALES. 


Penha,  est  do  4.280  kilomètres  du  nord  au  sud,  entre  la  barre 
duChuy  et  les  sources  du  Cotingo;  et  de  4.353  kilomètres  de 
Test  à  l'ouest,  entre  la  pointe  de  Pedra  et  les  sources  du 
Javary. 

Côtes,  Caps  et  Baies.  —  La  configuration  horizontale  du 
Brésil  présente  la  forme  d'un  triangle,  dont  le  centre  est  ouvert 
au  commerce  extérieur  au  moyen  de  quelques  grands  fleuves  à 
peine.  Cependant,  sa  position  géographique  est  privilégiée  : 
deux  tiers  de  ses  frontières  sont  formés  par  des  côtes  mari- 
times, et  celles-ci,  quoique  peu  découpées,  offrent,  cependant, 
un  grand  nombre  de  ports,  qui  seront  signalés  plus  loin,  au 
chapitre  II. 

Du  Cap  d'Orange,  sur  la  rive  droite  de  l'Oyapock,  jusqu'au 
Cap  du  Nord,  considéré  comme  la  frontière  nord-est  de  l'em- 
bouchure de  l'Amazone,  la  côte  suit,  pendant  190  milles,  la  di- 
rection moyenne  sud-sud-est. 

Du  Cap  du  Nord  jusqua  la  pointe  Tijoca  s'étend,  sur  180 
milles,  l'énorme  embouchure  de  l'Amazone  parsemée  d'îles. 

De  la  pointe  Tijoca  au  Cap  Gurupy,  la  côte  se  dirige,  entre 
est  et  sud,  presque  sans  découpures.  On  y  trouve,  cependant, 
la  baie  de  Pria-Unga,  où  débouche  le  Gurupy,  et  celle  de  Caité, 
où  se  déverse  le  cours  de  ce  nom. 

Du  Cap  Gurupy  jusqu'au  Morne  Itacolumi,  extrémité  nord- 
ouest  de  la  baie  de  San-Marcos,  la  côte  décrit  une  courbe  vers  le 
sud-est,  et  on  y  remarque  :  l'anse  de  Tury-Assù,  où  débouche 
le  cours  d'eau  de  ce  nom,  et  les  baies  de  Cabellos-da-Velha  et  de 
Cuma. 

A  l*est  du  Morne  Itacolumi  s'ouvre  la  grande  baie  de  San-Mar- 
cos, qui  baigne  l'île  de  Maragnon  et  où  débouche  le  rio  Mearim. 
Entre  la  côte  orientale  de  l'île  de  Maragnon  et  le  continent 
s'ouvre  la  baie  de  San-José,  plus  petite  et  beaucoup  moins  sûre 
que  celle  de  San-Marcos  ;  le  rio  Itapicurû  y  débouche. 

La  baie  de  San-José  est  fermée  à  l'est  par  l'île  de  Santa-Anna, 
séparée  du  continent  par  un  canal  étroit,  mais  navigable.  A  par- 
tir de  cette  île,  la  côte  se  dirige  vers  est-sud-est,  pendant  100 
milles,  jusqu'à  la  barre  de  la  Tutoya,  la  plus  occidentale  des  six. 
bouches  du  Parnahyba.  Elle  est  basse,  stérile,  et  offre  l'aspect  de 
draps  étendus,  d'où  son  nom  de  Lengôes  (draps  de  lit).  A  peu 
près  au  milieu  débouche  le  rio  Preguiças,  assez  profond  à  son 
embouchure. 


4  LK     BRÉSIL     EN     1889. 

Entre  la  barre  delà  Tutoya  et  celle  d'Iguarassû,  la  cote  est 
basse  et  inondée  pendant  la  saison  des  pluies. 

A  Test  de  l'embouchure  du  Parnahyba,  la  côte  s'étend  dans 
la  direction  moyenne  de  sud-est  jusqu'à  la  pointe  du  Touro,  sans 
offrir  aucune  embouchure  de  cours  d*cau  remarquable.  Le  rio 
Touro  s'y  déverse. 

A  partir  de  la  pointe  du  Touro,  la  côte  poursuit  vers  sud-sud- 
est,  pendant  23  milles,  jusqu'au  Gap  San-Itoque.  Entre  celui-ci  el 
Olinda,  on  trouve  deux  ports  remarquables  :  Natal,  à  l'embou- 
chure de  Rio-Grande-du-Nord,  et  Parahyba,  à  l'embouchure  du 
cours  d'eau  du  même  nom.  Un  banc  de  sable  situé  à  3  milles  au- 
dessous  de  la  ville  ferme  l'accès  du  port  de  Natal  aux  grands 
navires. 

Dans  cette  partie  de  la  côte,  de  môme  que  plus  loin,  vers  le 
sud,  jusqu'à  Bahia,  s'étend  un  banc  étroit  de  corail,  qui  commence 
à  se  faire  voir  depuis  Céarà  ;  tantôt,  il  se  rapproche  du  littoral, 
tantôt  il  s'en  éloigne  de  300  à  400  mètres  et  même  davantage  en 
certains  endroits.  Sur  quelques  points  le  récif  a  une  solution  de 
continuité  et  permet  aux  grands  navires  l'entrée  dans  la  plupart 
des  ports  et  des  cours  d'eau  de  cette  partie  du  littoral.  Sur 
d'autres  points,  le  récif  forme  les  ports  eux-mêmes,  comme  à 
Pernambuco  et  à  Rio-Grande-du-Nord. 

A  partir  d'Olinda,  la  côte  suit  vers  le  sud-ouest  pendant 
2  milles  et  demi  jusqu'à  la  forteresse  du  Brum,  située  à  l'entrée 
du  port  di1  Pernambuco,  le  plus  septentrional  des  beaux  mouil- 
lages de  la  côte  orientale  du  Brésil.  Grâce  aux  travaux  exécutés 
récemment  à  Pernambuco,  l'entrée  de  ce  port  est  accessible 
même  aux  grands  navires. 

De  Pernambuco  jusqu'à  la  baie  de  la  Toussain  (Todos-os-San- 
tos),  la  côte  décrit  quelques  courbes  et  ne  présente  que  deux 
élévations  :  le  cap  de  Santo-Agostinho  et  celui  de  Santo-Antonio. 
Sur  toute  cette  étendue  le  récif  dont  nous  avons  parlé  se  trouve 
très  J'approche  de  la  côte,  mais  il  livre  de  nombreux  passages  aux 
ports,  anses  et  embouchures  du  littoral.  On  n'y  trouve  qu'un  seul 
port  quelque  peu  spacieux,  celui  de  Maceiô,  dans  la  baie  de  ce 
nom. 

Le  rio  San-Francisco,  l'un  des  plus  grands  du  Brésil,  dé- 
bouche dans  ces  parages.  On  y  trouve  aussi  le  rio  Cotindiba,  le 
Yasa  Barris  ou  Sergipe,  le  Real,  elles  lagunes  du  Nord,  de  Man- 
guâba  (reliée  à  la  précédente  par  un  canal  étroit)  et  du  Giquiâ. 

Entre  le  cap  de  Sauto-Antonio  et  l'île  d'itaparica,  on   trouve 


NOTIONS     GENERALES.  5 

la  belle  baie  de  Todos-os-Santos,  qui  a  de  3  à  4  milles  de  large  à 
son  entrée  et  où  débouchent  plusieurs  fleuves. 

Entre  Bahia  (la  baie)  et  Rio-de-Janeiro,  la  côte  se  divise  en 
trois  régions  bien  distinctes. 

La  première  s'étend  entre  15°  et  17°  sud,  dans  la  latitude  des 
rochers  d'Itacolumi.  Elle  est  assez  haute,  et  on  y  trouve  :  le  port 
du  Morne  de  San-Paulo,  à  l'embouchure  du  rio  Una  ;  la  baie  du 
Camamû,  sûre,  profonde,  dans  laquelle  débouchent  plusieurs 
cours  d'eau  ;  le  rio  des  Contas,  dont  l'embouchure 'est  fréquen- 
tée par  les  marins  de  la  côte  ;  la  petite  baie  d'Ilhéos,  où  débouche 
le  rio  Cachoeira  ou  des  llhéos,  dont  le  cours,  sur  une  étendue  de 
2  lieues,  est  navigable  pour  les  navires  de  14  pieds  de  port; 
Olivença  ;  Canavieiras,  à  l'embouchure  du  rio  Pardo  ou  Patipe  : 
Belmoute,  à  l'embouchure  du  Jequitinhonha,  accessible  aux 
petites  barques  ;  Santa-Cruz,  où  Pedro  Alvares-Cabral  débarqua 
le  24  avril  1500  ;  Porto-Seguro,  à  l'embouchure  du  rio  Buranhem  ; 
le  cap  Ioacema  ou  Insuacome,  facile  à  reconnaître  à  cause  de  ses 
blancs  rochers,  les  premiers  qui  frappent  les  yeux  du  navigateur 
qui  vient  du  nord,  ayant  dans  son  voisinage,  à  20  milles  de  dis- 
tance vers  ouest-sud-ouest,  le  mont  Paschoal,  qui  se  dresse  à  536 
mètres  au-dessus  du  niveau  de  la  mer,  et  qui  fut  le  premier  site 
aperçu  par  Cabrai;  la  barre  de  Cramimuan,  à  l'embouchure  du 
petit  cours  d'eau  de  ce  nom,  remarquable  à  cause  du  voisinage 
des  Itacolumis.  On  donne  ce  nom  à  un  groupe  de  récifs  et  de  bancs 
de  corail,  situés  entre  16°49'  et  16°57"  sud,  sur  une  étendue  de 
7  milles  du  nord  au  sud  et  de  4  milles  de  l'est  à  l'ouest,  qui 
restent  à  nu  pendant  la  marée  basse.  En  dehors  de  ce  groupe  de 
récifs,  il  n'y  a  pas  d'autres  bancs  de  corail,  si  ce  n'est  sur  4  points 
de  cette  région:  entre  Bahia  et  le  Morne  de  San-Paulo;  entre 
Boipeba  et  Camamû  ;  en  face  d'Ilhéos,  et  entre  Santa-Cruz  et 
Porto-Seguro.  Ces  récifs  sont  connus  et  ne  présentent  plus  aucun 
danger. 

La  deuxième  division  de  la  côte  s'étend  depuis  les  Itacolumis 
jusqu'à  Espirito-Santo,  de  17°  à  20°  sud.  Elle  est  très  basse,  excepté 
sur  une  étendue  de  5  à  6  milles  entre  le  Prado  et  Comaxatiba.  La 
côte  court  du  nord  vers  le  sud  jusqu'à  la  pointe  de  Baleia,  où  elle 
penche  vers  sud-ouest;  à  Porto-Alegre  elle  revient  à  la  direction 
nord-sud,  qu'elle  garde  jusqu'à  l'embouchure  du  rio  Dôce.  Delà, 
elle  prend  la  direction  sud-sud-ouest.  —  Les  points  les  plus  remar- 
quables de  cette  section  sont  :  la  barre  du  Prado,  à  l'embouchure 
du  Jacurucû,  entrée  assez  dangereuse  :1a  pointe  de  Baleia,  la  partie 


6  LK     BRÉSIL     EN      1889. 

la  plus  orientale  de  cette  côte  ;  Caravellas,  à  l'embouchure  du 
cours  d'eau  de  ce  nom,  accessible  aux  navires  de  fort  tonnage  ; 
Porto-Alegre,  à  l'embouchure  du  Mucury;  San-Matheus;  la  barre 
du  rio  Dôce,  à  l'embouchure  du  cours  d'eau  de  ce  nom  ;  la  barre 
de  Santa-Cruz  ou  d'Aldeia-Velha  ;  la  barre  d'Almeida,  à  l'embou- 
chure du  rio  des  Reis-Magos  ;  la  baie  d'Espirito-Santo,  l'une  des 
meilleures  entre  Bahia  et  Hio-de-Janeiro,  mais  d'un  accès  peu 
facile  et  dans  laquelle  ne  peuvent  pas  pénétrer  des  navires  dépla- 
çant plus  de  12  pieds  d'eau. 

D'Espirito-Santo  à  Rio-de-Janeiro  la  côte  présente  une  série 
de  hautes  montagnes,  qui,  d'abord,  se  montrent  isolées  ou 
réunies  en  groupe,  et,  ensuite,  à  partir  du  rio  Parahvba,  sous 
forme  de  chaînes  ininterrompues,  visibles  à  15  ou  20  lieues.  Le 
lond  va  en  diminuant  graduellement  à  mesure  que  Ton  se  rap- 
proche de  la  côte.  La  direction  moyenne  de  la  côte  entre  la  baie 
d'Espirito-Santo  et  le  cap  San-Thomé  est  S.-S.-O.,  en  décrivant 
une  courbe  concave  peu  prononcée.  Du  cap  San-Thomé  jusqu'au 
cap  Frio  la  direction  change  vers  O.-S.-O.,  et  du  cap  Frio  jusqu'à 
l'entrée  de  Rio-de-Janeiro  elle  court  directement  vers  l'ouest. 

Les  points  les  plus  remarquables  de  cette  partie  de  la  côte 
sont  :  le  golfe  de  Guarapari,  où  débouche  le  cours  d'eau  du  même 
nom,  abrité  par  un  groupe  d'iles  ;  la  baie  de  Benevente,  entre  la 
pointe  de  ce  nom  au  nord  et  File  Franceza  (Française)  au  sud  ;  l'île 
Franceza,  séparé  du  continent  par  un  petit  canal  ;  l'embouchure 
de  l'Itabapoâna;  San-Joao-da-Barra,  à  l'embouchure  du  Parahyba; 
le  cap  San-Thomé,  entouré  de  lagunes,  dont  la  plus  grande  est  la 
lagune  Feia  ;  Imbityba  ;  Macahé,  ayant  à  5  milles  de  distance  le 
groupe  des  îles  de  Santa-Anna;  la  barre  de  San-Joâo,  située  sur 
une  belle  baie,  dont  la  partie  nord  s'appelle  baie  Formosa,  et  la 
partie  sud,  baie  de  Santa-Anna  ;  le  cap  des  Buzios,  qui  forme  la 
limite  méridionale  de  la  baie  de  Santa-Anna  ;  à  l'ouest  de  ce  cap 
on  trouve  un  excellent  mouillage. 

Entre  le  cap  des  Buzios  et  le  cap  Frio  on  trouve:  la  nouvelle 
barre  du  cap  Frio,  à  l'embouchure  de  la  lagune  d'Araruama,  où 
est  située  la  ville  de  Gabo-Frio  ;  le  cap  Frio,  extrémité  escarpée 
de  File  du  même  nom,  dont  le  point  le  plus  élevé  se  trouve  à 
394  mètres  au-dessus  du  niveau  de  la  mer.  L'île,  séparée  du  conti- 
nent par  un  détroit  de  150  à  200  mètres  de  largeur,  offre  aux 
navires  un  mouillage  profond  à  L'abri  des  tempêtes  du  Sud. 

Du  cap  Frio  jusqu'à  l'entrée  de  Rio-de-Janeiro  la  côte  se  dirige 
vers   l'ouest,    présentant,  jusqu'à  la  pointe   Negra  (Noire),  une 


NOTIONS    GENERALES.  / 

plage  sablonneuse  et  stérile,  qui  sépare  les  lagunes  intérieures  de 
l'Océan;  entre  La  pointe  Negra  et  celle  d'Itaipû,  on  trouve  le 
petit  groupe  des  îles  de  Marica. 

L'entrée  de  lasplendide  baie  de  Rio-de-Janeiro,  dans  laquelle 
on  trouve  de  nombreuses  îles,  dont  la  plus  importante  est  File 
Basa,  n'a  ni  récifs  ni  banes.  S'élargissant  entre  des  murs  graniti- 
ques verticaux,  elle  offre  une  entrée  libre  aux  plus  grands  navires, 
et,  même  à  marée  basse,  elle  n'a  jamais  moins  de  11  à  1°2  mètres 
de  profondeur.  Tout  de  suite  après  la  passe,  qui  n'a  que  1 .500  mètres 
de  large,  la  baie  s'étend  considérablement  à  droite  et  à  gauche, 
tonnant  de  ce  côté  la  baie  de  Botafogo,  et,  de  l'autre,  la  baie  de 
Jurujuba.  Au  nord  de  la  ville  de  Rio-de-Janeiro,  située  à  gauche, 
sur  une  élévation  au  nord  de  Botafogo,  la  baie  prend  des  propor- 
tions imposantes  et  forme  un  bassin  ovale  de  30  à  36  kilomètres 
de  long  sur  18  à  24  de  large,  peuplé  d'îles  pittoresques,  entouré  de 
montagnes,  dont  les  plus  hautes  se  trouvent  à  l'Ouest  de  la  barre. 

A  partir  de  l'entrée  de  la  baie  de  Rio-de-Janeiro,  la  côte  suit 
la  même  direction  ouest,  jusqu'au  morne  de  Marambaya,  Monta- 
gneuse et  escarpée  jusqu'à  la  pointe  de  Guaratiba,  elle  présente 
ensuite  une  plage  sablonneuse,  qui  sépare  les  eaux  de  la  baie  de 
Sepitiba  de  l'Océan. 

Ensuite,  elle  décrit  une  courbe  prononcée  vers  le  sud- 
ouest,  en  suivant  les  contours  de  File  Grande  et  en  terminant  à  la 
pointe  Cairoçu;  puis,  jusqu'au  port  de  Santos,  elle  suit  la 
direction  moyenne  S.-S.-O.;  de  Santos  jusqu'à  la  baie  de  San- 
Francisco  elle  se  dirige  vers  S. -0.,  en  décrivant  ainsi  une  autre 
courbe,  après  laquelle  elle  court  en  ligne  droite  vers  le  sud, 
jusqu'à  l'île  de  Santa-Catharina. 

Sur  toute  cette  étendue,  la  côte  est  plus  accidentée  que  partout 
ailleurs  au  Brésil,  et  ses  points  les  plus  remarquables  y  sont:  la 
pointe  de  Guaratiba,  ayant  800  pieds  de  haut,  contrefort  des 
chaînes  de  montagnes  qui  entourent  Rio-de-Janeiro  ;  l'île  de 
Marambaya,  basse  et  couverte  de  palétuviers,  mais  dont  l'extré- 
mité occidentale  forme  une  colline  de  700  pieds  de  haut  ;  la  baie 
de  Sepetiba  ;  l'île  Grande,  haute  et  triangulaire  ;  la  baie  d'Angra- 
dos-Reis,  assez  grande,  avec  un  excellent  mouillage  ;  l'île  de 
San-Sebastiâo,  avec  un  bon  mouillage  dans  le  canal  qui  la  sépare 
du  continent  ;  la  baie  de  Santos,  port  à  l'abri  de  tous  les  vents, 
excepté  de  ceux  soufflant  de  sud-ouest;  l'île  d'Iguape,  basse, 
composée  de  dunes,  devant  laquelle  s'étend  l'étroite  lagune  de 
Mar-Pequeno,  dont  la  partie  sud-ouest  offre  de  bons  mouillages; 


8  LE     BRESIL     EN     18  8  9. 

la  baie  de  Paranaguâ,  avant  une  superficie  de  15  milles  ;  l'île  de 
Mol,  située  devanL  la  baie  précédente,  qu'elle  abrite  et  dont  elle 
partage  l'entrée  en  deux  canaux  ;  le  cap  Joào-Dias,  extrémité 
élevée  de  l'île  de  San-Franciseo;  l'île  de  Santa-Catharina,  séparée 
du  continent  par  un  bras  de  mer  étroit  ;  le  cap  de  Santa-Martha, 
extrémité  d'une  chaîne  de  montagnes  qui  suit  la  cote  à  10  lieues 
de  distance  de  la  lagune  sur  laquelle  est  située  la  ville  de  Laguna. 

Depuis  le  Cap  de  Santa-Martba  jusqu'à  la  barre  de  Rio- 
Grande,  sur  une  étendue  de  283  milles,  la  cote  se  dirige  vers  le 
sud-ouest  et  est  basse  et  uniforme. 

Depuis  Le  31°  sud  jusqu'à  l'entrée  de  Rio-Grande,  la  côte  affecte 
la  forme  d'un  isthme  étroit,  composé  de  dunes,  appelées  plage  de 
Pernambuco  et  plage  de  l'Estreito,  qui  séparent  la  lagune  des 
Patos  (canards)  de  la  mer.  Cette  lagune  s'étend  du  nord-est  au 
Sud-Ouest;  elle  est  navigable  jusqu'à  Porto-Alegre,  et  reçoit 
plusieurs  cours  d'eau;  aussi  ses  eaux  sont-elles  douces  jusqu'au 
sud  de  l'île  des  Marinheiros,  dans  le  voisinage  de  San-José-do- 
Norte  et  de  Rio-Grande,  situés  l'un  vis-à-vis  de  l'autre.  La  barre 
de  Rio-Grande,  embouchure  de  l'unique  canal  qui  conduit  de  la 
mer  à  la  lagune  des  Patos,  a  généralement  11  pieds  d'eau,  et 
moins  encore  à  proximité  de  la  ville  ;  elle  est  entourée  de  sables 
qui  changent  de  position  parfois. 

Depuis  l'embouchure  du  Rio-Grande  jusqu'au  rio  Chuy,  limite 
du  Rrésil  avec  la  République  orientale  de  l'Uruguay,  la  cote  se 
dirige  vers  le  sud-ouest,  sous  le  nom  d'Albardào.  On  ne  peut 
guère  l'approcher  sans  danger,  à  cause  des  bancs  de  sable.  Elle 
forme  une  zone  couverte  de  dunes,  presque  inhabitée,  entre 
l'Océan  et  la  lagune  Mirim,  lagune  navigable  qui  communique 
avec  la  nier,  au  moyen  du  rio  Chuy,  et  avec  la  lagune  des  Patos, 
au  moyen  du  rio  San-Gonçalo. 

Iles  et  groupes  d'iles.  —  Nous  avons  déjà  signalé  plusieurs 
îles,  et  nous  allons  en  signaler  d'autres,  tout  en  revenant  sur 
quelques-unes  déjà  citées  précédemment. 

L'Amazone  possède  des  îles  fort  nombreuses.  Elles  sont  de 
deux  sortes.  Les  unes  se  trouvent  au  milieu  du  fleuve  dont  elles 
émergent;  elles  sont  basses,  planes,  sans  rochers  ni  récifs, 
rarement  marécageuses,  couvertes  d'une  végétation  épaisse  spé- 
ciale où  dominent  les  embaubas  (cecropia  peltata)  au  tronc  blanc. 
D'autres  sont  des  parties  du  continent,  découpées  et  modifiées 
par  les  eaux;  elles  ont  l'aspect  des  terres  adjacentes  et  attei- 


NOTIONS     GENERALES.  9 

gncnt  parfois  de  grandes  dimensions.  L'île  de  Paricatuba  a 
166  kilomètres  carrés  et  est  plus  grande  que  la  Principauté  de 
Liechtenstein.  L'île  de  Tupinambarâna  a  2.453  kilomètres  cariés, 
et  est  presque  aussi  grande  que  le  grand-duché  de  Luxembourg 
(2.587).  L'île  de  Marajô  a  5.328  kilomètres  carrés  et  est  incompa- 
rablement plus  grande  que  les  Açorcs,  Madère,  lïéligoland,  Malte 
et  Gibraltar  renais.  Cette  île,  quoique  située  dans  la  mer,  est 
entourée  d'eau  douce  de  tous  les  côtés,  et  elle  sépare  le  rio  Para 
de  l'Amazone.  C'est  de  là  que  vient  tout  le  bétail  qui  approvi- 
sionne la  ville  de  Para,  port  de  premier  ordre. 

Parmi  les  autres  îles  dn  Brésil,  en  remontant  du  nord  vers  le 
sud,  on  peut  citer  :  Pile  de  Maranhâo,  qui  a,  à  son  extrémité 
nord-ouest,  la  ville  de  San-Luiz-do-Maranhâo  ;  Itamaracâ,  île 
fertile,  sur  laquelle  est  bâti  un  fort  ;  Itaparica,  où  l'on  a  installé 
une  usine  de  houille;  Governador,  la  plus  grande  de  la  baie  de 
Rio-de-Janeiro  ;  Villegaignon,  dont  le  nom  rappelle  celui  d'un 
aventurier  français  qui  s'y  installa  au  xvic  siècle  ;  Grande,  possé- 
dant des  terres  exceptionnellement  fertiles  ;  des  Porcos-Grande, 
avec  des  terres  propres  pour  la  culture  et  un  bon  mouillage  ;  de 
San-Sebastiào,  presque  aussi  vaste  et  aussi  fertile  que  la  Grande; 
de  San-Francisco,  à  l'embouchure  du  San-Francisco-du-Sod, 
ayant  18  milles  sur  9  ;  de  Santa-Catharina,  mesurant  30  milles 
sur  10,  assez  élevée,  sur  laquelle  est  bâti  le  chef-lieu  de  la  pro- 
vince de  ce  nom. 

Toute  la  zone  de  la  côte  comprise  entre  le  Cap  Frio  et  le  Cap 
de  Santa-Martha  est  peuplée  d'un  assez  grand  nombre  d'iles. 
Outre  celles  que  nous  venons  de  citer,  il  y  en  a  d'autres,  moins 
importantes  ;  elles  se  trouvent  tantôt  isolées,  tantôt  formant  des 
groupes  plus  ou  moins  considérables.  Le  plus  remarquable  de  ces 
groupes  est  celui  de  la  baie  d'Angra-dos-Reis,  qu'on  pourrait 
appeler  l'archipel  d'Angra.  Le  sol  de  toutes  ces  îles  se  prête  à  des 
cultures  variées. 

Nous  avons  encore  l'archipel  des  Abrolhos  ou  de  Santa-Bar- 
bara,  autrefois  dangereux,  mais  bien  connu  des  navigateurs  de 
nos  jours.  Il  se  compose  de  5  îles  et  de  plusieurs  récifs,  situés  à 
30  milles  de  la  côte  à  peu  près.  Dans  le  voisinage,  les  poissons  et 
Les  baleines  abondent.  L'île  de  Santa-Barbara,  la  plus  grande  et 
lapins  septentrionale  des  cinq,  a  1.500  mètres  sur  300,  et  possède 
un  phare.  Les  quatre  autres  sont  :  Redonda,  Seriba,  Suéste  et 
Guarita.  Ces  iles  ont  à  proximité  un  grand  banc  de  corail,  appelé 
parcel  dos  Abrolhos. 


10  LE     BRÉSIL     EN     18  89. 

L'autre  archipel  est  celui  de  Fernando-de-Noronha,  composé 
de  la  grande  île  du  même  nom,  de  quelquesautresîleset  de  récifs» 
Fernando-de-Noronha  est  à  75  lieues  du  Cap  de  San -Roque,  et 

sert  de  prison  aux  galériens.  Au  nord-est  de  cette  île,  on  trouve 
six  autres  petites  îles,  dont  la  plus  considérable,  Tîle  Rata,  d'une 
lieue  d'étendue,  possède  des  dépôts  de  guano. 

Entre  ce  groupe  et  le  continent,  il  y  a  un  banc  de  corail 
dangereux,  appelé  Rocas. 

On  trouve  finalement  l'île  de  la  Trindade  avec  les  îlots  adja- 
cents de  Martim-Vaz. 

Aspect  physique,  Montagnes  et  Plateaux1.  —  La  plus 
grande  partie  du  pays  se  compose  d'un  plateau  de  300  à  1.000 
mètres  de  hauteur,  borné  au  nord  et  à  l'ouest  par  les  grandes 
dépressions  continentales  de  l'Amazone  et  du  Paraguay,  presque 
unies  au  moyen  de  la  vallée  du  Madeira  et  de  son  tributaire,  le 
Guaporé.  Elle  comprend  également  une  partie  du  plateau  de  la 
Guyane,  la  plus  grande  partie  de  la  dépression  de  l'Amazone  et 
la  partie  supérieure  de  celle  du  Paraguay.  Il  faut  encore  ajouter 
à  ces  quatre  divisions  une  région  maritime,  qui  occupe  une 
bande  étroite  entre  l'Océan  et  le  bord  oriental  du  grand  plateau 
brésilien.  Quoique  on  le  représente  généralement  comme  monta- 
gneux, le  plateau  brésilien  se  compose  en  grande  partie  de 
vastes  plaines  profondément  creusées  par  les  vallées  de  fleuves 
nombreux.  Les  véritables  montagnes  —  celles  qui  sont  dues 
au  soulèvement  du  sol  —  se  trouvent  principalement  à  l'Est  et 
au  centre,  et  on  peut  les  considérer  comme  constituant  deux 
chaînes  presque  séparées  par  les  hautes  plaines  du  bassin  du 
San-Francisco  et  de  celui  du  Paraguay. 

La  chaîne  orientale  ou  maritime  suit  la  côte  de  l'Atlantique  à 
une  petite  distance  du  littoral,  depuis  le  voisinage  du  cap  de 
San-Roque,  et  se  prolonge  presque  jusqu'aux  limites  méridionales 
du  pays. 

La  chaîne  centrale  ou  Goyana  occupe  une  partie  du  Sud  de 
Goyaz,  une  partie  de  la  province  de  Minas-Geraes  à  l'ouest  du 
San-Francisco,  et  se  joint  à  la  chaîne  orientale  par  une  saillie 
transversale  qui  s'étend  vers  l'ouest  à  travers  le  sud  de  Minas- 

1.  M.  Orville  A.  Derby,  directeur  de  la  section  de  géologie  nu  Muséum 
National  de  Etio-dc- Janeiro,  nous  a  autorisé  à  puiser  dans  la  notice  qu'il  a 
rédigée  pour  le  Brazil  Geographico  e  Historico,  de  MM.  Capistrano  de  Abreu 
et  Valle-Cabral. 


NOTIONS     CKNÉRALES.  H 


Geraes.  Celle  saillie  transversale  fait  partie  de  la  grande  ligne 
départage  des  eaux  du  continent,  à  laquelle  on  donne  généra- 
lement le  non,  de  Serra  das  Vertente*  ou  Chaîne  des  Versants, 
dénomination  peu  appropriée,  car  une  partie  considérable  de  la 
liene  de  partage  des  eaux  n'est  pas  précisément  montagneuse. 
'  1  es  montagnes  du  système  oriental  forment  une  zone  longue 
et  comparativement  étroite,  de  20  lieues  environ  dans  sa  plus 
grande  longueur  dans  les  provinces  au  Sud  de  Rio-de-Jane.ro 
ae  l  ou  S  lois  davantage  dans  le  Sud  de  Minas-Geraes,  et  de  oO 
;,  60  lieues  à  l'Est  du  rio  San-Francisco. 

Dans  les  provinces  de  Paranâ,  San-Paulo,  Bio-de- Janeiro, 
Espirito-Santo,  et  dans  le  sud-est  de  Minas-Geraes,  où  cette 
chaîne  atteint  son  plus  grand  développement,  il  y  a  deux  divi- 
sions parallèles  bien  définies  :  la  Serra  do  Mar  et  la  Serra  de  la 
Mantiqueira,  qui  s'étendent  du  sud-ouest  vers  nord-est.  Leurs 
points  culminants  sonl  :  les  pics  des  Orgues  (2.232  mètres),  devant 
la  baie  de  Rio-de-Janeiro,  dans  la  Serra-do-Mar  ou  chaîne  mari- 
time •  etritatiaia  (2.712  mètres),  le  plus  élevé  du  Brésil,  dans  la 
Serra  de  la  Mantiqueira,  à  l'angle  des  trois  provinces  de  Rio-de- 
Janeiro,  San-Paulo  et  Minas-Geraes. 

Au  Nord  du  parallèle  de  Rio-de-Janeiro,  la  ligne  culminante 
de  la  chaîne  passe  de  la  Serra  de  la  Mantiqueira  (qui  continue 
dans  la  direction  du  nord-est)  à  un  embranchement  qui,  sous  le 
nom  de  Serra  do  Espinhaço  (chaîne  de  l'épine  dorsale),  s  ache- 
mine vers  le  nord,  le  long  de  la  rive  orientale  du  bassin  du  San- 
Francisco.  Les  points  les  plus  élevés  de  celte  chaîne  sont:  les 
pics  dïtacolumi  (1.752  mètres)  et  Caràça  (1.953  mètres)  près 
d'Ouro-Preto  ;  Piedade  (1.783  mètres)  près  de  Sabarâ  ;  et  Itamhe 
(1.823  mètres)  dans  la  région  de  Diamantina.  Les  montagnes  de 
cetlo  chaîne  orientale  deviennent  plus  basses  au  nord  et  au  sud 
des  provinces  citées  plus  haut,  et  au  nord  du  San-Francisco  elles 
sont  représentées  par  de  petites  chaînes  et  des  sommets  arrondis 

isolés. 

La  chaîne  centrale  ou  Goyana  se  compose  au  moins  de  deux 
divisions  distinctes:  celle  des  chaînes  de  la  Ganastra  et  delà 
Matta-da-Corda,  —  qui  s'étendent  généralement  vers  le  nord, 
depuis  les  sources  du  San-Francisco  jusqu'au  bord  méridional  du 
bassin  de  son  grand  affluent  occidental,  le  Paraguay,  -  et  celle 
des  montagnes  du  sud  de  Goyaz,  qui  s'étendent  vers  nord-est, 
entre  les  sources  des  bassins  du  Tocantins-Araguaya  et  du 
Paranâ.    La  première  se  détache  de  la  saillie  dorsale  déjà  citée 


12  LE     BRÉSIL     EN     1889. 

qui,  partant  de  la  Serra  de  la  Mantiqueira,  s'étend  à  travers  le  sud 
de  Minas-Geraes,  et  dont  le  point  culminant  est  la  Serra  de  la 
Canastra,  ou  prend  naissance  le  San-Francisco,  et  qui  a  L.282 
mètres  d'élévation.  La  seconde  est  moins  connue  scientifique- 
ment. Ses  points  culminants  sont  les  Monts-Pyrénées,  près  la  ville 
de  Goyaz,  avant  de  2.310  à  2.932  mètres. 

Les  grandes  plaines  à  couches  horizontales  ou  presque  hori- 
zontales du  plateau  brésilien  sont  celles  des  bassins  du  Paranâ, 
de  l'Amazone,  du  San-Francisco  et  du  Parnahyba. 

La  grande  plaine  du  bassin  de  Paranâ  —  qu'on  peut  consi- 
dérer comme  comprenant  également  le  bassin  de  l'Uruguay  — 
renferme  la  plus  grande  partie  des  provinces  de  Rio-Grande-du- 
Sud,  de  Santa-Catharina  et  de  San-Paulo,  une  partie  du  sud-ouest 
de  Minas-Geras  et  du  Sud  de  Goya/  et  la  partie  élevée  de  Matto- 
Grosso.  Son  élévation  maxima,  le  long  de  la  rive  orientale  dans 
les  provinces  de  Paranâ  et  de  San-Paulo,  est  de  1.000  mètres  à 
peu  près,  moyenne  qui  diminue  un  peu  plus  au  sud  et  à  l'ouest. 

La  grande  plaine  de  l'Amazone  renferme  la  plus  grande  partie 
des  provinces  de  Matto-Grosso  et  de  Goyaz,  une  grande  partie  du 
sud  de  Para  et  une  partie  relativement  petite  du  sud  de  la  pro- 
vince de  l'Amazone  et  l'ouest  de  Maragnon.  Le  Tocantins- Ara- 
guaya,  le  Xingû,  le  Tapajoz  et  le  bas  Madeira  avec  son  tributaire 
le  Guaporé  descendent  tous  de  ce  plateau  par  une  série  de 
rapides,  à  100  ou  200  milles  de  l'Amazone.  Sun  bord  méridional 
est  un  escarpement  de  800  à  1.000  mètres  au-dessus  du  niveau 
de  la  mer,  en  face  de  la  dépression  du  Paraguay  et  du  Guaporé  ; 
cet  escarpement  a  pris  le  nom  de  Serra  des  Parecis. 

La  grande  plaine  du  San-Francisco  se  trouve  spécialement  à 
l'ouest  de  ce  lleuve,  dans  la  partie  occidentale  de  Minas-Geraes 
et  de  Bahia,  et  il  est  élevé  de  800  mètres  environ. 

La  grande  plaine  du  Parnahyba  occupe  toute  la  province  de 
Piauby  à  peu  près,  une  partie  du  sud  de  Maragnon  et  de  l'ouest 
de  Géarâ,  et  forme  peut-être  un  tout  ininterrompu  avec  la  grande 
plaint;  amazonienne  le  long  de  la  ligne  de  partage  des  eaux  entre 
le  Tocantins  et  le  Parnahyba. 

Toutes  ces  grandes  plaines  sont  profondément  découpées  par 
de  nombreuses  vallées  de  fleuves,  de  sorte  que  presque  partout 
elles  offrent  un  aspect  assez  accidenté,  et  leurs  sommets  arrondis 
et  leurs  escarpements,  produits  par  la  dénudation,  sont  géné- 
ralement cités  comme  des  montagnes  et  figurent  sous  cette  forme 
sur  les  cartes  du  pays. 


NOTIONS     GÉNÉRALES.  13 

On  ne  connaît  que  d'une  manière  assez  imparfaite  encore  la 
partie  brésilienne  du  plateau  de  la  Guyane.  Le  long  de  la  ligne 
de  partage  des  eaux  entre  les  fleuves  qui  coulent  vers  la  mer  des 
Antilles  et  l'Amazone,  il  y  a  des  montagnes  dont  les  points  cul- 
minants s'élèvenl  à  2.000  mètres  et  même  davantage,  et  les  hau- 
teurs se  rapprochent  assez  près  du  fleuve  en  plusieurs  endroits 
entre  l'embouchure  du  rio  Negro  et  la  mer.  Cette  région  est  bai- 
gnée par  le  rio  Negro  et  par  son  tributaire,  le  rio  Branco,  et  par 
un  grand  nombre  d'autres  rivières  de  moindre  importance,  parmi 
lesquelles  il  faut  citer  le  Jamundâ,  le  Trombetas,  le  Paru,  le  Jary 
et  l'Araguary. 

La  grande  dépression  de  l'Amazone  est  relativement  étroite 
dans  la  partie  inférieure  du  fleuve,  au-dessous  de  l'embouchure 
du  rio  Negro  :  dans  cette  partie,  la  largeur  moyenne  est  de  100  à 
200  milles.  Dans  la  partie  supérieure,  entre  le  rio  Negro,  le 
Madeira  et  les  contreforts  des  Andes,  elle  s'élargit  considéra- 
blement et  prend  la  forme  d'un  flacon  florentin.  En  général,  le 
fleuve  est  bordé  par  de  basses  plaines  d'alluvion,  parfois  assez 
larges,  sujettes  à  des  inondations,  où  l'on  trouve  un  grand 
nombre  de  lacs  peu  profonds  et  de  canaux  latéraux  du  grand 
fleuve  et  du  cours  inférieur  de  ses  tributaires.  Les  terres  les  plus 
élevées  y  sont  :  soit  des  plaines  n'ayant  pas  plus  de  300  mètres 
d'élévation,  formées  par  des  dépôts  particuliers  à  la  dépression, 
soit  des  contreforts  ou  des  sommets  arrondis  et  dénudés  des 
bords  des  grands  plateaux  orientaux  sur  les  deux  côtés  ou  du 
plateau  andin  au  commencement  du  bassin. 

La  partie  brésilienne  de  la  dépression  du  Paraguay  se  compose 
de  la  partie  supérieure  des  immenses  plaines  du  bassin  de  ce 
fleuve  qui  forment  une  grande  partie  de  la  République  Argentine, 
du  Paraguay  et  de  la  Bolivie  orientale.  Ces  plaines  se  trouvent  à 
quelques  centaines  de  mètres  au-dessous  du  niveau  général  des 
terres  du  plateau  qui  les  entourent  et  du  niveau  des  nombreux 
sommets  arrondis  et  contreforts  qui  s'élèvent  de  leur  sein.  La 
plupart  du  temps  elles  se  trouvent  très  peu  au-dessus  du  niveau 
du  Paraguay  et  de  ses  tributaires,  qui  les  traversent,  et,  pendant  la 
saison  des  pluies,  elles  se  transforment,  en  plus  d'un  endroit,  en 
immenses  lagunes  ou  marécages. 

La  région  atlantique  se  compose  d'une  bande  de  terres  basses, 
ayant  généralement  à  peine  quelques  lieues  de  largeur,  situées 
entre  la  côte  et  le  bord  du  plateau  central.  Au  sud  de  Rio-de- 
Janeiro,  elle   se  compose  de   basses  plaines  sablonneuses,   rem- 


14  LE     BRESIL     EN      1889. 

plies  de  lagunes,  et  do  contreforts  et  sommets  dénudés  du  pla- 
teau. Au  nord  de  Rio-de- Janeiro,  on  trouve,  outre  ces  contreforts 
et  sommets  arrondis,  des  mornes  et  des  plaines  d'une  formation 
particulière  à  cette  ceinture  de  côte,  s'élevantdelOO  à  200  mètres. 

Structure  géologique  et  Minéraux.  —  La  géologie  de  la 
vaste  aire  du  Brésil  est  relativement  peu  connue.  Avant  1807,  on 
n'y  avait  pas  rencontré  des  fossiles,  et  les  investigations 
d'Eschwege,  Sellow,  Martius,  Pissis,  d'Orbigny  et  autres  étaient 
exclusivement  géognostiques.  Quoique  possédant  une  grande 
valeur,  l'identification  et  la  classification  de  terrains  qu'ils  pré- 
sentaient étaient  fort  incomplètes,  car  elles  ne  s'appuyaient  pas 
sur  la  paléontologie.  La  base  d'une  véritable  division  paléontolo 
gique  a  été  posée  par  les  récentes  investigations  de  Ilartt  et  de 
ses  collaborateurs.  Il  y  a  encore  beaucoup  à  faire,  mais  on  a 
déjà  obtenu  une  notion  plus  claire  de  la  structure  géologique  du 
pays. 

La  base  du  grand  plateau  brésilien  se  compose  d'anciennes 
roches  métamorphiques,  qui  forment  la  presque  totalité  des 
montagnes  et  se  montrent  isolées  dans  toutes  les  provinces,  sur 
presque  tous  les  points  où  les  plaines  ont  été  profondément 
dénudées. 

Elles  se  divisent  en  deux  grandes  séries. 

La  plus  ancienne,  composée  de  roches  hautement  cristallines, 
telles  que  granit,  syénite,  gneiss  et  micaschistes,  Ilartt  l'a 
rapportée  au  système  laurentien,  opinion  confirmée  par  la  décou- 
verte, en  plusieurs  endroits,  de  YFozoon  canadense  qui  le  carac- 
térise. 

La  seconde  série,  moins  parfaitement  cristalline,  se  compose 
de  quartzites,  de  schistes,  de  minerais  de  fer  et  de  calcaires,  et 
on  peut  la  rapporter  avec  une  certitude  presque  égale  au  système 
huronien. 

Le  système  laurentien  se  développe  principalement  dans  les 
régions  de  la  Serra-do-Mar  et  de  la  Mantiqueira,  dont  il  forme  les 
pics  principaux.  On  le  trouve  également  dans  toutes  les  autres 
montagnes,  mais  subordonné  au  système  huronien  ou  aux  forma- 
tions plus  modernes,  partout  où  celles-ci  se  trouvent  relevées  en 
forme  de  plis  montagneux.  Dans  la  Serra-do-Mar,  les  roches  les 
plus  abondantes  et  caractéristiques  sont  les  gneiss  granitiques, 
qui,  en  conséquence  de  l'abondance  et  de  la  grandeur  des  cris- 
taux  feldspathiques,  présentent  souvent  un  aspect  porphyrique; 


NOTIONS     GÉNÉRALES.  15 

et  qui,  à  cause  de  leur  stratification  très  indistincte,  apparaissent 
dans  les  magnifiques  coupoles  et  aiguilles  qui  caractérisent  la 
partie  la  plus  élevée  de  cette  chaîne,  le  long  de  la  côte  de  Rio-de- 
Janeiro,  San-Paulo  et  Paranâ.  Une  grande  partie  de  ce  gneiss  est 
granitifère.  Dans  la  serra  de  la  Mantiqueira,  quoique  les  princi- 
pales hauteurs  soient  formées  de  granit  ou  de  gneiss  granitoïde, 
les  roches  prédominantes  sont  les  gneiss  schisteux  et  les  micas- 
chistes. Les  marbres  sont  rares  dans  cette  formation,  mais  il  en 
apparaît  encore  quelques  couches  légères  qui  persistent  d'une 
manière  remarquable  sur  de  longs  espaces. 

Le  système  laurentien  du  Brésil  n'est  pas  remarquablement 
riche  en  minerais  d'une  valeur  économique,  et  sous  ce  rapport  il 
est  bien  inférieur  à  l'autre  série.  On  y  trouve  des  dépôts  étendus 
de  minerais  de  fer,  et  dans  sa  partie  supérieure  l'or  est  distribué 
peu  abondamment.  A  Test  de  Minas-Geraes  on  rencontre  en 
abondance  des  pierres  précieuses,  et  dans  la  môme  région  on 
connaît  de  beaux  dépôts  de  graphite. 

Le  système  huronien  est  spécialement  caractéristique  des 
régions  de  la  Serra-do-Espinhaço,  de  la  Ganestra,  de  la  Matta-da- 
Corda  et  des  montagnes  de  Goyaz,  où  ses  roches  forment  les 
principales  élévations  de  la  surface.  Il  apparaît  aussi,  concurrem- 
ment avec  le  système  laurentien,  dans  la  plaine  montagneuse  du 
sud  de  Minas-Geraes,  dans  la  partie  méridionale  de  la  Serra-do- 
Mar  et  de  la  Mantiqueira,  dans  la  partie  accidentée  de  la  vallée 
du  haut  Paraguay,  et  généralement  dans  les  vallées,  partout  où 
les  roches  métamorphiques  fondamentales  sont  mises  à  nu  par 
la  dénudation. 

Les  roches  prédominantes  de  cette  série  sont  les  schistes 
hydromicacés  et  chloritiques,  et  les  quartzites  schisteux  et  mica- 
cés, parfois  flexibles,  qui  ont  reçu  le  nom-  d'itacolumite.  Le  mica 
de  cette  série  est  remplacé  souvent  par  le  fer  micacé,  donnant 
une  roche  particulière,  appelé  itabirite,  laquelle  avec  la  dispari- 
tion du  quartz,  passe  à  des  couches  massives  d'hémétite  ou,  plus 
rarement,  de  magnétite.  Ces  couches  de  fer,  d'une  abondance  et  d'une 
étendue  extraordinaires,  placent  les  régions  huroniennes  du  Brésil 
au  nombre  des  plus  riches  du  monde  en  minerais  de  fer.  Les  affleu- 
rements de  ces  roches  ferrugineuses  donnent  naissance  à  une 
croûte  de  conglomérat  de  formation  plus  récente,  composée  de 
masses  de  minerais  de  fer  cimentées  par  du  limonite,  connu  sous 
le  nom  de  tapanhoacanga,  qui  parfois  couvre  des  aires  de  plu- 
sieurs milles  d'étendue.  On  trouve  aussi,   dans  cette  série,  de 


16  LE     BRÉSIL     EN     18  89. 

Longues  couches  de  marbre.  Le  caractère  presque  universelle- 
ment schisteux  dos  strates  huroniens,  qui  partout  s'inclinent  en 
angles  très  élevés,  communique  une  apparence  particulière, 
dentelée,  aux  montagnes  dont  ils  forment  les  principales  éléva- 
lions  et  qui  ainsi  présentent  un  contraste  remarquable  avec  les 
coupoles  et  les  aiguilles  du  système  laurentien. 

C'est  dans  cette  série  que  se  trouve  le  grand  dépôt  minéral  du 
Brésil.  L'abondance  du  fer  de  première  qualité  y  est  extraordi- 
naire. Presque  tout  l'or  extrait  à  Minas-Geraes,  San-Paulo. 
Paranâ,  Goyaz,  Matto-Grosso  et  Bahia  a  été  extrait  de  mines 
appartenant  à  cette  série  ou  principalement  d'alluvions  qui  en 
dérivent.  Le  tapanhoacanga  y  a  été  travaillé  longuement,  car 
Vitabirite  dont  il  se  compose  est  parfois  extraordinairement  riche 
en  or,  qui  se  montre  en  lignes  irrégulières  d'un  mélange  parti- 
culier de  fer  et  d'oxyde  de  manganèse,  appelé  jacutingua  par  les 
mineurs,  formation  spéciale,  à  ce  qu'il  semble,  aux  terrains  auri- 
fères brésiliens. 

Dans  les  autres  roches  de  cette  série,  l'or  se  montre  dans  des 
veines  de  quartz  accompagné  de  sulfures  de  fer,  d'arsenic,  et 
aussi,  mais  plus  rarement,  de  cuivre,  de  bismuth,  de  plomb  et 
d'antimoine.  Quelques-unes  de  ces  veines  pyritifères  sont  extra- 
ordinaires par  la  taille  et  par  la  constance.  Les  mines  de  topaze 
d'Ouro-Preto  sont  situées  dans  des  veines  de  lithomarge  et  de 
quartz,  qui  traversent  les  schistes  de  cette  série. 

Depuis  longtemps  on  soupçonnait  qu'il  y  avait  connexité 
entre  les  roches  huroniennes  et  les  alluvions  diamantifères  de 
Minas-Geraes,  de  Goyaz,  de  Matto-Grosso  et  de  Bahia.  De  récentes 
investigations  de  Derby  et  Gorceix  ont  prouvé  définitivement 
que  près  de  Diamantina  les  diamants  apparaissent  dans  des 
veines  associées  au  schiste  huronien  et  semblables  à  celles  qui 
contiennent  des  topazes  près  d'Ouro-Porto.  Il  est  probable  que, 
dans  tout  le  Brésil,  ils  ont  eu  la  môme  origine,  et  que  les  casca- 
Ihos  dont  ils  ont  tous  été  tirés  exclusivement,  à  une  seule  excep- 
tion près,  sont  dérivés  directement  soit  de  ces  roches  soit  de 
formations  ultérieures  constituées  par  les  détritus  de  ces  mêmes 
roches. 

La  Serra  do  Espinhaço,  dans  une  partie  de  son  étendue  à 
travers  le  Nord  de  Minas-Garaes  et  le  centre  de  Bahia,  est 
revêtue  d'un  grand  linceul  de  grès,  qui  parfois  devient  du  con- 
glomérat et  présente,  dans  ses  parties  les  moins  grossières,  une 
grande   ressemblance  avec    Vitacolumite   du   système  huronien T 


NOTIONS     GENERALES.  17 

avec  lequel  on  l'a  confondu  généralement.  Ses  plis  sont  simples 
et  il  s'étend  sur  les  arêtes  des  strates  huroniens  et  laurentiens. 
Comme  ou  n'y  a  pas  encore  rencontré  des  fossiles,  son  horizon 
géologique  est  douteux;  mais  on  peut  le  rapporter  avec  quelque 
certitude  au  silurien.  Très  probablement  il  faut  rapporter  à  la 
même  série  une  partie  des  grès  de  la  ligne  de  partage  des  eaux 
du  San-Francisco-Tocantins,  et  peut-être  ceux  du  versant  de 
l'Amazone  et  du  Paraguay. 

L'extrémité  méridionale  de  la  Mantiqueira,  au  sud  de  San- 
Paulo  et  à  Paranâ,  et  quelques-unes  des  montagnes  du  bord  du 
plateau  continental,  àl'estdela  serra  do  Espùihaeo,  dans  le  nord 
de  Bahia  et  de  Se'rgipe,  présentent  encore  une  formation  ou  des 
formations  consistant  en  grès,  schistes  argileux  et  calcaires, 
plus  modernes  probablement  que  le  huronien,  et,  par  consé- 
quent, probablement  silurien. 

La  grande  plaine  du  bassin  du  Paranâ  se  compose,  en  grande 
partie,  de  couches  horizontales  ou  presque  horizontales  de  grès 
et  de  schiste  argileux  et  calcaire,  dont  une  partie  considérable, 
pour  ne  pas  dire  le  tout,  appartient  aux  époques  devoniennes  et 
carbonifères.  Jusqu'à  présent  on  n'a  pas  déterminé  d'une  ma- 
nière définitive  la  distribution  et  les  limites  de  ces  deux  forma- 
tions. On  sait,  d'après  les  fossiles,  que  la  formatinn  devonienne 
occupe  une  aire  étendue  dans  les  campas  généraux  ou  grandes 
prairies  du  Paranâ.  Les  strates  carbonifères  couvrent  une  région 
très  vaste  plus  à  l'ouest,  dans  la  môme  province,  au  sud  et  au 
centre  de  San-Paulo,  à  Santa-Catharina  et  à  Rio-Grande-du-Sud. 
Les  deux  formations  se  rencontrent  probablemedt  à  l'Ouest  de 
Minas-Geraeset  à  Matto-Grosso.  On  a  trouvé  de  la  houille  dans 
toutes  les  provinces  depuis  San-Paulo  jusqu'à  Rio-Grande-du- 
Sud,  et  dans  cette  dernière  province  il  y  a  déjà  des  mines  de 
charbon  de  terre  en  exploitation.  Les  couches  de  ces  deux  for- 
mations sont  traversées  par  de  nombreuses  et  immenses  digues 
de  diorite,  qui  produisent  par  décomposition  un  terrain  rouge 
foncé,  appelé  terra  rôxa  (terre  violette),  célèbre  par   sa   fertilité. 

A  l'ouest  des  zones  devonienne  et  carbonifère,  une  aire  très 
vaste  du  bassin  du  Paranâ  est  couverte  d'un  long  linceul  de 
grès  associé  à  de  nombreux  dykes  et  nappes  de  trapp  amygda- 
loïde,  très  semblable  par  l'aspect  et  par  les  minéraux  qu'il  con- 
tient aux  roches  de  l'Europe  et  de  l'Amérique  du  Nord  de  l'âge 
triassique,  auquel  cette  formation  est  attribuée  provisoirement. 
"Cette  formation   couvre  le   bord   oriental   du   plateau   h  Santa- 


18  LE      15KÉSIL     EN      1880. 

Catharina,  cl  elle  forme  de  vastes  plaines  à  l'ouest  des  province* 
de  Eiio-Grande-du-Sud,  de  Paranâ  cl  de  San-Paulo.  La  forma- 
lion  amygdaloïde  présente  presque  partout  de  belles  améthystes 
et  des  agates,  qui  sont  exportées  en  grande  quantité  des  pro- 
vinces méridionales  du  Brésil. 

La  plaine  amazonique  du  plateau  se  compose,  la  plupart  du 
temps,  comme  celle  du  bassin  du  Paranâ,  de  grès  et  de  schistes 
argileux  adossés  à  des  roches  métamorphiques  qui  apparaissent 
dans  les  vallées  des  fleuves  et  rivières.  On  ne  connaît  pas  l'âge 
géologique  de  ces  strates,  car  on  n'a  pas  encore  rencontré  des 
fossiles  dans  cette  région.  D'Orbigny  a  rapporté  à  l'âge  carbo- 
nifère  les  couches  adjacentes  à  la  barre  du  Guaporé,  apparem- 
ment parce  qu'elles  ressemblent  aux  couches  carbonifères  de  la 
Bolivie  orientale  où  Ton  a  rencontré  des  fossiles.  Aussi  bien  la 
formation  devonienne  que  la  formation  carbonifère  se  trouvent 
représentées  le  long  des  rives  amazoniques  du  plateau.  11  est 
très  probable  que  ces  couches  s'étendent  à  travers  le  plateau  et 
constituent  en  partie  la  plaine  dont  nous  nous  occupons.  La  ressem- 
blance apparente  des  plaines  de  F  Amazone  et  du  Paranâ  favo- 
rise cette  manière  de  voir.  D'un  autre  côté,  on  peut  supposer 
que  les  strates  de  l'âge  secondaire  des  bassins  du  Parnahyba  et 
du  San-Francisco  s'étendent  à  travers  la  ligne  de  partage  des 
eaux  du  Tocantins  et  forment  une  partie  de  la  zone  amazo- 
nique. 

Outre  les  formations  déjà  citées  comme  formant  les  mon- 
tagnes des  deux  côtés  du  San-Francisco,  on  en  a  reconnu  deux 
et  peut-être  trois  dans  son  bassin. 

La  première  et  la  pins  ancienne  de  ces  formations  se  com- 
pose de  grès  dur  et  bleuâtre,  de  schiste  argileux,  en  partie  altéré 
en  ardoise  et  en  calcaire,  qui,  d'après  les  indications  des  quel- 
ques fossiles  qu'on  y  a  rencontrés,  appartiennent  à  l'époque 
silurienne  et  devonienne.  Ces  couches  sont  troublées  et  pré- 
sentent des  plis  simples.  Cette  circonstance  a  ramené  bien  sou- 
vent le  calcaire  à  la  superficie  ;  de  là  est  venue  l'idée  qu'il  est  la 
roche  prédominante  dans  la  série,  idée  peu  exacte,  car,  si  l'on 
tient  compte  de  l'épaisseur,  il  y  a  d'autres  roches  plus  impor- 
tantes. Ces  strates  forment  do  hautes  saillies  dorsales  sur  les 
deux  côtés  de  la  vallée  qui  s'étend  parallèlement  aux  montagnes 
huroniennes;  mais  elles  ne  forment  pas,  à  ce  qu'il  semble,  les 
hauteurs  culminantes  de  la  Ligne  de  partage  des  eaux.  On  ren- 
contre  des  formations  semblables  et  peut-être  identiques  dans 


NOTIONS     GÉNÉRALES.  19 

la  vallée  du  Tocamtins  et  an  centre  de  Bahia,  à  Test  de  la  serra 
doEspinhaço.  Dans  Le  calcaire  de  cette  série  abondent  les  grottes 
salitreuses,  qui  ont  fourni  à  Lund  des  restes  importants  de  mam- 
mifère- de  l'âge  quaternaire.  Sur  plusieurs  points  on  y  trouve  de 
la  galène  argentifère. 

L a  seconde  formation  se  compose  de  strates  horizontaux  de 
grès  et  de  schiste  argileux,  qui  composent  de  vastes  étendues  à 
l'ouest  de  Minas-Geraes  et  de  Bahia.  11  n'y  a  pas  encore  de 
fossiles  qui  permettent  d'en  déterminer  l'âge  géologique.  Quel- 
ques auteurs  la  rapportent  à  l'époque  secondaire,  d'autres  a 
fâge  tertiaire  ;  mais  il  est  probable  qu'elle  correspond  égale- 
ment  à   la  formation  carbonifère   ou   devonienne   du  bassin  du 

Paranâ. 

Dans  la  partie  inférieure  de  la  haute  vallée,  dans  les  provinces 
de  Pernambuco,  Bahia  et  Alagôas,  on  voit  des  grès  et  des  schistes 
argileux,  dans  lesquels  on  a  rencontré  des  fossiles  crétacés  qui 
apparemment  correspondent  à  la  formation  du  bassin  du  Par- 
nahyba.  Ils  peuvent  appartenir  à  la  même  formation  que  les 
couches  quelque  peu  semblables  de  la  partie  supérieure  de  la 
vallée  ;  mais  il  y  a  des  raisons  de  croire  qu'ils  s'en  distinguent 
en  réalité.  Dans  toute  cette  région  le  sol  est  imprégné  de  sel,  et  il 
est  probable  que  des  couches  salifères  entrent  dans  cette  formation. 
Le  bassin  du  Parnahyba  est  presque  exclusivement  occupé  par 
une  grande  formation  de  grès,  dans  laquelle  on  trouve  des  nodules 
calcaires  qui  contiennent  de  beaux  échantillons  de  poissons  fos- 
siles de  Page  crétacé.  La  même  formation  se  retrouve  également 
dans  la  province  de  Géarâ,  à  quelque  distance  des  limites  du 
bassin. 

La  formation  tertiaire  est  représentée  sur  divers  points  du 
plateau,  comme,  par  exemple,  dans  les  vallées  du  haut  Parahyba 
et  du  haut  Tiété  à  San-Paulo,  et  sur  divers  points  entre  les  mon- 
tagnes de  Minas-Geraes,  par  de  petits  bassius  de  dépôts  d'eau 
douce,  qui  parfois  contiennent  des  lignites.  Des  dépôts  sembla- 
bles se  retrouvent  probablement  sur  d'autres  points  dans  les 
vallées  des  fleuves;  mais,  dans  le  grand  plateau  continental,  on 
ne  connaît  d'une  manière  positive  aucune  formation  tertiaire 
d'origine  marine. 

L'époque  quaternaire  est  représentée  par  des  dépôts  fluviaux 
et  lacustres,  et  par  une  couche  terreuse  à  fleur  du  sol,  qui  couvre 
une  grande  partie  du  plateau  et  résulte  de  la  dénudation 
subaérienne. 


20  LE     BRÉSIL     EN     1889. 

L'existence  de  véritables  dépôts  glaciaires  dans  le;  pays  n'est 
pas  prouvée.  Cependant,  quelques  géologues  rapportent  à  l'action 
des  glaciers  certains  dépôts  artificiels  dont  l'origine  est  encore 
problématique. 

Le  peu  que  l'on  sait  sur  la  partie  brésilienne  du  plateau  de  la 
Guyane  fait  penser  que,  quant  à  la  structure  géologique,  il  ne 
diffère  pas  beaucoup,  probablement,  du  plateau  brésilien.  Les 
roches  fondamentales  sont  laurehtiennes  et  huroniennes,  et.  les 
montagnes  les  plus  élevées  sont  couvertes  d'un  grand  drap  de 
grés  d'âge  inconnu,  qui  peut  être  comparé  peut-être  à  celui  de  la 
chaîne  d'Espinhaço.  Le  long  du  bord  méridional  du  plateau  les 
couches  de  la  dépression  amazonique  s'étendent  sur  les  roches 
cristallines.  Mais  on  ne  sait  pas  encore  jusqu'où  elles  s'étendent 
dans  les  terres  plus  élevées  du  plateau. 

Dans  la  dépression  amazonique,  les  formations  silurienne 
supérieure,  devonienne  et  carbonifère  —  chacune  avec  ses  fos- 
siles caractéristiques,  très-abondants  et  variés  dans  les  deux 
dernières  —  se  retrouvent  dans  la  partie  étroite  de  la  vallée  qui 
demeure  au-dessous  de  la  barre  du  rio  Negro.  Elles  se  composent 
de  grès  et  de  schiste  argileux,  auxquels  s'ajoute  le  calcaire  dans 
la  formation  carbonifère.  Une  partie  du  schiste  argileux  silurien 
est  aluminifère.  Les  digues  de  diorite  sont  nombreuses  et 
considérables. 

Les  couches  de  ces  trois  formations  sont  un  peu  troublées  et 
présentent  en  général  une  inclinaison  suave  de  chaque  côté  vers 
la  ligne  centrale  de  la  vallée. 

Couvrant  ces  formations  plus  anciennes,  on  trouve  des  cou- 
ches horizontales  de  grès  mou  et  d'argile  brillante,  diversement 
colorés,  formant  des  mornes  aplatis  de  300  mètres  d'élévation  à 
peu  près,  qui  semblent  appartenir  à  l'époque  tertiaire.  Les 
plaines  basses  adjacentes  à  l'embouchure  sont  probablement  des 
formations  plus  modernes  de  la  même  époque. 

Dans  la  région  du  haut  Amazone  on  voit  apparaître  la  forma- 
tion crétacée  avec  des  reptiles  fossiles  caractéristiques  dans  le 
Purûs  ;  et  des  dépôts  tertiaires  avec  des  lignites  et  beaucoup  de 
mollusques  fossiles  du  type  des  mollusques  d'eau  salée  occupent 
une  aire  considérable  le  long  de  l'Amazone,  des  deux  côtés  de  la 
frontière  péruvienne. 

Les  vastes  aires  de  terres  basses  de  la  dépression  amazonique 
sont  formées  par  des  dépôts  de  l'époque  quaternaire  et  peut-être 
des  dernières  époques  tertiaires;  elles  s'élèvent  à  peine  à  quel- 


NOTIONS     GÉNÉRALES.  21 

ques  mètres  au  dessus  du  niveau  du  fleuve  et  sont  sujettes  à  des 
inondai  ions  en  grande  partie. 

La  dépression  du  Paraguay  est  occupée  par  des  sommets 
dégradés  des  différentes  formations  du  plateau  et  parla  grande 
formation  des  pampas,  célèbres  par  leurs  gigantesques  mammi- 
fères  fossiles.  Cette  formation  est  de  l'époque  tertiaire  et  de 
l'époque  quaternaire  ;  mais  il  est  probable  qu'on  rencontrera  des 
formations  plus  anciennes  à  proximité  des  limites  du  bassin. 

Les  traits  géologiques  de  la  région  du  littoral  sont  (outre  les 
récentes  plaines  sablonneuses,  les  lagunes  et  les  sommets  dont 
nous  venons  de  parler)  une  série  de  roches  crétacées,  qui  se 
montrent  sous  forme  de  bassins  isolés  dans  les  provinces  de 
Bahia  vers  le  nord,  et  une  série  tertiaire  qui  apparaît  le  long  de 
presque  toute  la  cote,  depuis  les  environs  de  Rio-de-Janeiro 
jusqu'à  l'embouchure  de  l'Amazone. 

La  formation  crétacée  des  îles  et  des  bords  de  la  baie  de 
Todos-os-Santos  consiste  en  dépôts  d'eau  douce,  en  grès  et  en 
schiste  argileux,  contenant  d'abondants  fossiles  de  reptiles  et  de 
poissons.  Les  couches  sont  légèrement  soulevées  et  se  dressent 
en  mornes  de  30  à  40  mètres  au  dessus  du  niveau  de  la  mer. 

Dans  les  provinces  de  Sergipe,  Alagôas,  Pernambuco,  Para- 
hyba  et  Para,  où  cette  formation  a  été  reconnue,  les  couches 
sont  d'origine  marine;  elles  sont  légèrement  soulevées  aussi  et 
ont  peu  d'élévation  au  dessus  du  niveau  de  la  mer.  La  partie  la 
plus  intéressante  de  cette  série  est  un  calcaire  sablonneux  conte- 
nant une  faune  variée  et  abondante,  surtout  en  mollusques.  On 
ignore  encore  le  rapport  qu'il  y  a  entre  cette  série  du  littoral  et 
les  couches  crétacées  du  plateau  qui  se  trouvent  à  un  niveau  plus 
élevé. 

La  formation  tertiaire  s'étend  horizontalement  et  forme  des 
plaines  qui  s'élèvent  à  une  hauteur  de  100  mètres  environ.  Les 
bords  de  ces  plaines  présentent  du  côté  de  la  mer  de  longues 
lignes  de  talus  de  sable  et  d'argile  brillamment  colorés,  qui 
constituent  un  trait  bien  caractéristique  de  la  côte  septentrionale 
du  pays. 

Il  n'y  a  point  de  volcans  au  Brésil.  Dans  la  partie  continentale 
on  ne  trouve  même  pas  de  vestiges  de  volcans  éteints.  La  petite 
ile  montagneuse  de  Fernando-de-Noronha  est  le  seul  point 
connu  du  territoire  brésilien  ayant  une  origine  volcanique. 


CHAPITRE   II 

HYDROGRAPHIE 

Par     M.     le     Baron     de     TEFFÉ 


Aucun  pays  au  monde  ne  possède  un  système  hydrographique 
aussi  complet  et  aussi  développé  que  le  Brésil.  Sur  une  su- 
perficie de  8.337.218  kilomètres  carrés,  comprenant  39  de- 
grés d'étendue  en  latitude  (depuis  la  Serra  Paracaïma  par 
5°,  10'N.,  jusqu'à  l'embouchure  du  Chuy  par  33°,46'S.)  et  39  1/2 
degrés  en  longitude  sur  le  même  parallèle  de  7°  au  sud  de 
Féquateur  (depuis  la  côte  de  Parahyba  jusqu'aux  sources  du 
Javary),  l'empire  du  Brésil  compte  un  nombre  .très  considérable, 
on  pourrait  même  dire  extraordinaire,  de  fleuves,  de  rivières,  de 
lacs  et  de  lagunes  navigables. 

Eu  première  ligne,  parmi  ses  fleuves,  il  faut  citer  le  colossal 
Amazone.  Dans  son  cours  de  5.400  kilomètres,  il  baigne  des  terres 
brésiliennes  sur  ses  deux  bords,  depuis  le  village  de  Tabatinga, 
sur  la  frontière  du  Pérou,  jusqu'à  l'Océan  Atlantique,  sur  une 
étendue  de  3.800  kilomètres,  soit  plus  des  deux  tiers  de  son 
parcours. 

Parmi  les  lagunes,  la  plus  remarquable  est  celle  des  Patos 
(Canards),  également  navigable,  mesurant  environ  200  kilomè- 
tres de  long  sur  60  kilomètres  de  large,  et  située  à  l'extrémité 
sud  de  l'empire. 

1.  Contre-amiral  de  la  marine  impériale,  directeur  du  Bureau  Hydrogra- 
phique de  Bio-do-Janeiro,  membre  correspondant  de  l'Institut  de  France 
Académie  des  Sciences)  et  de  l'Académie  des  Sciences  de  Madrid,  chambel- 
lan de  S.  M.  l'Impératrice  du  Brésil,  etc. 


24  LE     BRÉSIL     EN     18  89. 

L'hydrographie  brésilienne  est  encore  inconnue  des  géogra- 
phes en  grande  partie;  le  parcours  des  affluents  et  des  confluents 
des  principales  artères  mesure  des  milliers  de  kilomètres,  et  Leur 

nombre  est  si  grand*  que  cette  ignorance  s'explique  tout  natu- 
rellement. 

L'Amazone  compte  un  très  grand  nombre  d'affluents.  Au 
nombre  des  principaux  on  peut  citer,  pour  le  bord  septentrional 
du  fleuve,  les  suivants  :  l'içâ,  le  Japurâ,  le  rio  Negro,  ayant 
chacun  plus  de  1.000  kilomètres  de  cours;  le  Trombetas  et  le 
Paru,  en  ayant  plus  de  500;  le  Jary,  PAnamarapucû,  le  Jatapû,  et 
le  légendaire  Jamunda  ou  Nhamundâ,  qui  s'unit  au  Trombetas  à 
peu  de  distance  de  l'Amazone.  Sur  le  même  bord  gauche,  des 
centaines  d'autres  rivières  se  jettent  dans  le  Fleuve-Océan 
jusqu'auprès  du  cap  du  Nord,  où  débouche  l'Araguary  dont  on 
connaît  les  terribles  porôrôcas. 

Sur  la  rive  droite  ou  méridionale,  en  partant  de  la  frontière 
péruvienne,  on  trouve  d'autres  affluents  remarquables  par  le 
volume  de  leurs  eaux,  tels  que  le  Javary,  le  Jutahy,  le  Juruâ,  le 
Tefle,  le  Coary,  le  Puriïs,  le  Madcira,  le  Tapajoz,  le  Xingû,  et  le 
ïoeantins,  qui  communique  avec  ce  bassin.  Tous  ils  ont  un 
parcours  de  1.500  à  3.000  kilomètres,  et  presque  tous  sont  navi- 
gables à  la  vapeur,  et  sont  déjà  sillonnés  par  des  lignes  régu- 
lières de  bateaux  à  vapeur. 

A  l'embouchure  même  du  fleuve  gigantesque,  on  trouve  Pile 
de  Marajô,  mesurant  environ  300  kilomètres  de  long  sur  220  de 
large,  possédant  des  cours  d'eau  navigables  sur  une  étendue  de 
plus  de  100  kilomètres,  comme  l'Arary,  par  exemple,  qui  prend 
sa  source  dans  le  lac  de  ce  nom. 

Sur  la  rive  méridionale  de  l'Amazone,  on  trouve  encore  plus 
de  30  rivières  ayant  un  cours  de  100  à  500  kilomètres,  sans  parler 
des  longs  et  innombrables  sous-aifluents  qui  se  rencontrent  sur 
les  deux  rives. 

Un  grand  nombre  de  fleuves  se  jettent  dans  l'Atlantique.  Les 
principaux  en  commençant  par  le  Nord,  sont  :  le  Gurupy,  le 
Tury-Assû,  le  Pindaré,  le  Méarim,  l'Itapicurû  (dans  la  baie  de 
San-Marcos  et  dans  celle  de  San-José),  le  Parnahyba  (dont  les 
sources  coulent  do  la  même  chaîne  de  montagnes  qui,  par  le 
versant  occidental,  envoie  ses  eaux  alimenter  le  Tocantins), 
PAcaraû,  le  Jaguaribc,  le  Mossorô,  i'Assû,  le  Parahyba-du-Nord, 
le  Capiberibe,  l'Ipojûca,  le  Formoso,  le  Mundahu,  le  grand  San- 
Francisco  (dont  le  cours  est  de  3.000  kilomètres  environ),  leYasa- 


HYDROGRAPHIE.  25 

Barris,  l'Itapicurû-du-Sud,  le  Paraguassû,  le  rio  des  Contas,  le 
Jequitinhonha,  le  Mucury,  le  San-Matheus,  le  Dôce,  le  Parahyba- 
du-Siul,  l'Iguâpe,  le  San-Francisco-du-Sud  (qui  serait  plutôt  un 
bras  de  mer),  L'Itajahy,  le  Tijucas,  le  Tubarâo  (à  l'intérieur  de  la 
barre  de  Laguna),  l'Araranguà,  le  Mampitûba,  et  enfin  le  petit 
fleuve  Chuy,  qui  sépare  le  Brésil  de  la  République  Orientale  de 
l'Uruguay. 

Dans  la  lagune  des  Patos  débouchent  le  Jaeuhy,  le  Gahy,  le 
Camaquam  et  le  rio  des  Sinos.  Dans  la  lagune  Mirim  se  jette  le 
Jaguarao,  et,  dans  le  canal  de  San-Gonçalo,  le  Piratiny. 

Au  nord  de  l'Amazone,  il  faut  encore  citer  l'Oyapock,  et  le 
grand  rio  Branco,  affluent  du  rio  Negro,  qui  court  entièrement 
sur  le  territoire  brésilien  ;  et,  au  sud,  il  faut  relever  une  partie 
navigable  de  l'Aquiri  (bras  du  Purûs),  le  Guaporé  (bras  principal 
du  Madeira),  le  Juruena,  TArinos  et  le  San-Manoel  (qui  forment 
le  rio  ïapajoz),  le  rio  des  Mortes  (qui  grossit  l'Araguaya,  principal 
bras  du  Tocantins). 

Dans  les  versants  occidentaux  de  la  chaîne  générale  (Serra 
Gérai),  naissent  également  des  fleuves  de  premier  ordre  qui  arro- 
sent et  fertilisent  l'intérieur  du  Brésil,  et  qui,  après  un  long 
parcours,  vont  jeter  leurs  eaux  dans  l'Océan  par  le  rio  de  la 
Plata.  Ainsi,  l'Uruguay  prend  sa  source  dans  la  province  de 
Santa-Catharina;  l'Iguassû,  dans  celle  de  Paranâ;  le  Paranâ, 
dans  celle  de  Minas-Geraes.  Il  est  formé  par  le  Paranahyba,  grossi 
parles  eaux  du  rio  des  Velhas,  du  Corumbà,  du  rio  des  Bois,  du 
rio  Grande,  du  Tieté,  du  Pardo,  du  Paranâpanema,  de  Fïvahy,  et, 
enfin,  par  l'Iguassû,  qui,  à  son  confluent,  forme  la  frontière  du 
Brésil  avec  la  République  Argentine. 

Finalement,  le  Paraguay  prend  naissance  dans  la  Serra  du 
Pary;  du  versant  septentrional  de  cette  chaîne  coulent  les  eaux 
qui  forment  l'Arinos,  principal  bras  du  Tapajoz,  qui  lui-même  se 
jette  dans  l'Amazone. 

Les  amateurs  de  géographie  doivent  étudier  avec  attention 
l'intéressante  région  qui  forme  la  province  de  Matto-Grosso.  C'est 
là  le  véritable  cœur  du  Brésil.  C'est  de  là  que  sortent  les  grandes 
artères  qui  portent  la  vie  aux  points  les  plus  extrêmes  de  ce 
grand  corps.  En  effet,  près  de  Yilla-Bella,  les  sources  du  Guaporé, 
bras  principal  du  Madeira,  sont  à  peine  éloignées  de  quelques 
centaines  de  mètres  des  ruisseaux  Aguapehy  et  Estiva,  qui  se 
jettent  dans  le  Jaurû,  bras  considérable  du  Paraguay.  Au  moyen 
d'un  petit  canal,  que  les  Portugais  ont  tenté  d'établir  au  siècle 


20  LE     BRÉSIL     BU     18  89. 

dernier,  de  petites  barques  à  fond  plat  pourraient  passer  de  l'un 
à  lauliv.  el  effectueraient  ainsi  Te  plus  étonnant  des  voyages,  en 
allant  de  L'embouchure  de  I&Plata  à  L'embouchure  de  l'Amazone 
par  L'intérieur  des  terres  ! 

De  même  le  Cuyabâ,  bras  important  du  Paraguay,  naît  sur  le 
versanl  méridional  de  cette  même  Serra  Azul,  sur  le  versant  sep- 
tentrional de  laquelle  se  forment  le  Paranàtiuga  et  d'autres 
sources  du  rio  San-Manoel,  bras  considérable  du  ïapajoz.  La 
Serra  de  la  Chapada  sépare  encore  d'autres  bras  orientaux  de  ce 
même  rio  Cuyabâ  de  la  source  la  plus  importante  du  rio  des 
Mortes,  bras  considérable  de  l'Âraguaya. 

La.  province  de  Matto-Grosso  est  donc  la  région  où  se  trouve 
la  ligne  de  partage  des  eaux  qui  s'acheminent  vers  les  deux 
grands  bassins  de  l'Amazone  et  de  la  Plata. 

Les  lacs  sont  fort  nombreux.  La  province  de  l'Amazone  seule 
en  compte  une  infinité.  Mais  là  comme  ailleurs  beaucoup  de  ces 
lacs  sont  peu  connus,  et  les  cartes  ne  font  mention  que  d'un  petit 
nombre  d'entre  eux.  En  partant  du  Nord,  on  peut  citer  les  sui- 
vants : 

Amazonas.  —  Les  lacs  d'El-Rei,  d'Amapâ,  d'Urubûquâra, 
Taperibatûba,  Saracâ,  Matary,  Macuary,  Manacapurû.  Cudajaz, 
Trocary,  Gupeia,  lagune  Amanâ,  Marahâ  et  Marihé,  tous  au  nord 
die  l'Amazone.  Au  sud,  on  trouve  les  lacs  :  Andirâ,  Hyapuâ,  Aba- 
iuiis,  Larv,  Paratary,  Autaz,  Maraquiry,  Canuman,  Jacaré,Maués, 
Macary,  Andirâ,  Uaicurapâ,   le  lac  Grande,  la  lagune  de  l'Ouro. 

Para.  —  Dans  l'île  de  Marajo,  les  lacs  Arary,  Aruan,  Mon- 
dango  et  d'autres  moins  importants. 

Màragnon.  —  La  lagune  Burigiatiba,  du  Yianna,  Jacaré-Assû, 
Taveira,  de  Ïres-Pontas,  de  la  Matta,  du  Capim,  de  Jussâra  et  de 
la  Morte. 

Piauhy.  —  Lagune  de  Parnaguâ,  du  Matto,  Itans,  Mujû, 
lagune  Dourada,  lagune  de  Pimenteiras. 

Rio-Grande-du-Nbrd*.  —  Lagunes  Piatô,  Ponta-Grande,  Groa- 
bvras  et  Papary. 

PcriKimlniro.  —  Lagune  de  Yilla-Bella. 

Alaijôns.  —  Lagune  Manguâba,  Mundabû,  Jequiâ,  Escura, 
Timbô,  Jacaracica,  Taboleiro,  Auuaxiuma,  Pacas,  lagune  Gom- 
prida,  Boassica,  Coqu(>iro,  lgi'eja,  Azeda. 


HYDROGRAPHIE. 


27 


Bahia.  —  Lagune  de  la  Cachoeira. 

Espirito-Santo.  —  Lagune  Juparanan,  Jacunem,  du  Boquei- 
râo,  (TAguiar,  du  Chôro-d'Agua,  du  Pâo-Dôce,  du  Pâo-Gigante. 

Rio-de-Janeiro.  —  Lagune  Araruâma,  Saquarema,  Cururu- 
pina,  Maricâ,  Piabanha;  Jésus,  Paulista,  Carapcbûs,  Jurupatiba, 
lagune  de  Cima,  Imboacica,  Jacuné,  lagune  Fcia,  Jacarépaguâ, 
Marapondy,  Rodrigo-de-Freitas. 

Rio-Grande-rdu-Sud.  —  Lagune  des  Patos,  Mirim,  Mangucira, 
Mostardas,  San-Simao,  de  la  Réserva,  des  Quadros,  et  un  grand 
nombre  d'autres  qui  vont  se  relier  à  la  lagune  de  Santa-Martha, 
du  Camaclio,  de  la  Laguna,  dans  la  province  de  Santa-Catharina. 

Matto-Grosso.  —  Lagunes  d'Uberâba,  Jauy,  Gahyba,  sur  la 
frontière  de  la  Bolivie,  Câceres,  Bahia-Negra  et  Mandioré. 

Cette  courte  notice  resterait  par  trop  incomplète  si  je  ne  disais 
pas  quelques  mots  de  la  partie  du  Brésil  baignée  par  l'Océan. .La 
côte  maritime  de  L'empire  a  un  développement  de  G. 600  kilo- 
mètres, depuis  LOyapock  jusqu'au  Chuy;  elle  offre  à  la  naviga- 
tion plusieurs  ports  excellents,  un  grand  nombre  de  mouillages 
et  la  plus  belle  et  la  plus  vaste  baie  du  inonde,  celle  de  Rio-de- 
Janeiro. 

Parmi  les  ports  qui  reçoivent  des  navires  de  plus  de  G  mètres 
de  tirant  d'eau,  citons  : 

Para.  —  Le  port  de  Belém,  dans  la  baie  de  Guajarà. 

Maragnon.  —  Les  ports  de  l'Eira,  Alcantara,  et  île  du  Medo, 
dans  la  baie  de  San-Marcos. 

Céard.  —  Les  ports  de  Fortaleza,  Mucuripe,  Parâ-Curû,  Jeri- 
quaquâra  et  Retiro-Grande. 

Rw-Grande-du-Nord.  —  Les  ports  de  Bahia-Formosa  et  Piti- 
tinga. 

Parahyba-du-Nord.  —  Ceux  de  Pitimbû  et  de  la  baie  de  la 
Traiçâo. 

Pernambuco.  —  Ceux  de  Tamandaré,  Lamarâo  et  de  File  de 
Fernando-de-Noronha. 

Alagôas.  —  Celui  de  Maceiô. 

Bahia.  —  Ceux  de  San-Salvador ,  Morro-de-San-Paulo , 
Cimamû,  Ilhéos,  Santa-Cruz,  Cabralia,  Joacema,  Abrélhos. 


28  LE     BRÉSIL     EN     1S8  9. 

Rio-de- Janeiro.  —  La  baie  de  Guanabâra,  celle  de  Vile  Grande, 
les  anses  de  Cabo-Frio,  Buzios,  Imbetiba,  l'ancrage  des  iles  de 
Santa-Anna. 

San-Paulo.  —  Ceux  de  San  Los,  San-Sebastiào,  île  des  Porcos, 
île  du  Bom-Abrigo. 

Paranâ.  —  Les  baies  de  Paranaguâ  et  Antonina. 

Santa-Catharina.  —  La  baie  du  Norte,  Ratones,  Caieira, 
Ganchos,  Bombas,  Itapacorôy. 

Pour  les  navires  moins  importants  et  pour  la  navigation  de 
cabotage,  le  nombre  des  ports  et  abris  est  encore  plus  considé- 
rable. Je  n'en  citerai  que  les  principaux  : 

Para.  —  Les  baies  et  anses  de  Caïté,  Burunanga,  Toquem- 
boque,  Imburaby  et  Guaperôba;  la  baie  de  Maracanâ,  formée  par 
File  de  la  Praia-Grande,  est  bien  abritée. 

Maragnon.  —  Dans  le  delta  du  rio  Parnahyba  on  trouve  les 
barres  du  Meio,  du  Cajû,  du  Carrapato  ou  Carnaûba  et  de  la 
Tutoya,  les  trois  premières  pour  des  navires  d'un  faible  tonnage, 
et  la  dernière,  offrant  un  port  bien  abrité,  pour  les  navires  de 
plus  de  4  mètres  de  tirant.  La  barre  du  rio  Guarapirâ  reçoit  des  na- 
vires de  4  mètres  1/2.  Les  barres  de  PreguiçasetduLago  donnent 
accès  aux  petits  yachts.  La  baie  du  Pria,  où  débouche  le  rio  Mairy, 
est  parsemée  de  bancs  au  milieu  desquels  naviguent  les  caboteurs. 
La  baie  de  San-José  est  presque  complètement  obstruée.  Dans  le 
voisinage  du  port  d'Alcantara,  il  y  a  plusieurs  ancrages  abrités. 

Piauhy.  —  Cette  province  n'a  que  10  milles  de  cote  dans  le 
delta  du  Parnahyba  ;  malgré  cela,  elle  a  deux  ports.  Celui  de 
l'Amarraçào  est  formée  par  Tune  des  six  bouches  du  Parnahyba, 
qui  la  sépare  de  la  province  de  Céarâ  ;  il  peut  recevoir  des  barques 
de  3  mètres  1/4  jusqu'au  port  de  ce  nom,  à  deux  milles  de  la 
barre.  Celui  des  Canarias  a  environ  3  mètres  de  profondeur,  mais 
à  l'intérieur  de  la  barre  il  y  a  de  G  mètres  à  7  mètres  1/2. 

Céarâ.  —  La  barre  de  Jaguaribe  (Aracaty),  dont  le  canal  est 
changeant  à  cause  du  mouvement  des  sables,  a  4  mètres  d'eau 
aux  marées  basses  ordinaires  ;  les  bateaux  à  vapeur  des  compa- 
gnies de  Pernambuco  et  Maragnon  y  font  escale.  La  barre  du 
Choro*  est  accessible  aux  petits  navires.  Le  port  de  la  Lagoinha 
est  peu  spacieux,  mais  il  offre  un  bon  mouillage.  L'anse  du  Mun- 
dahù  est  un  port  d'escale  pour  les  bateaux  à  vapeur  de  la   côte, 


HYDROGRAPHIE.  20 

et,  malgré  ses  lianes  et  ses  récifs,  il  a  deux  ancrages  surs  pour 
les  navires  de  3  mètres.  Les  anses  de  Pcrnambuquinho  et  de 
l'Aracaty-Assû  sont  de  simples  ouvertures  situées  à  l'intérieur 
d'un  récif,  niais  elles  ont  un  excellent  fond  de  vase  de  10  à  12 
mètres  de  profondeur.  Les  caboteurs  pénètrent  dans  les  barres 
de  l'Acarahû,  Marisco  et  Presidio,  malgré  les  écueils.  Le  meilleur 
porl  de  la  province  et  le  pins  abrité  est  celui  de  Camocim,  ayant 
4  mètres  de  profondeur.  Les  barres  du  Comorupim,  Comoropim- 
Baixo  et  ïimonha donnent  accès  aux  petits  navires. 

Rio-Grande-du-Nord.  ■ —  La  barre  du  chef-lieu  de  la  province 
est  d'un  accès  difficile  pour  les  grands  navires  ;  mais,  à  l'endroit 
le  plusbas  du  canal,  qui  se  trouve  entre  les  bouées,  il  y  a  toujours 
2  mètres  60  d'eau  à  la  marée  basse,  et  tout  le  reste  du  canal  n'a 
pas  moins  de  -4  mètres.  L'entrée  serait  facile  n'étaient  les  détours 
rapides  et  étroits.  Le  cap  de  San-lloque,  Mara-Cajahû  et  la  baie 
du  Touro  ont  assez  d'eau  pour  les  navires  moyens,  car  la  sonde 
trouve  toujours  de  5  à  G  mètres  de  profondeur.  La  barre  du 
Mossoro  est  fréquentée  par  les  bateaux  à  vapeur  cùtiers,  qui  vont 
mouiller  dans  un  port  où  l'ancre  prend  bien  et  qui  a  7  mètres 
de  profondeur. 

Parahyba-du-Nord.  ■ —  Le  port  de  Cabedello  reçoit  des  navires 
de  i  mètres  60  ;  mais  ceux-ci  ne  peuvent  remonter  le  fleuve  jus- 
qu'en face  du  chef-lieu  de  la  province  que  pendant  la  marée 
haute.  Le  port  de  Mamanguâpe,  à  l'embouchure  du  Parahyba, 
reçoit  des  navires  cô tiers. 

Pernambuco.  —  Le  port  du  rio  Formoso  est  excellent  et  a  un 
fond  suffisant  pour  les  grands  navires,  mais  la  barre  en  est  fort 
étroite,  elle  n'est  guère  qu'une  solution  de  continuité  du  récif  qui 
longe  la  côte,  de  sorte  que  ce  port  n'est  accessible  qu'aux  petits 
navires.  La  barre  du  Serinhaém  n'est  assez  profonde  que  pour  les 
petits  caboteurs.  Le  port  des  Gallinhas  et  lerioSuapese  trouvent 
dans  les  mêmes  conditions.  L'anse  de  Guaybû,  célèbre  pour  sa 
forteresse,  est  un  ancrage  sûr  pour  les  navires  de  haut  port.  Le 
port  du  Uecife  ou  Mosqueiro  a  5  mètres  1/2  de  profondeur.  C'est 
une  des  meryeilles  de  la  nature  :  à  200  mètres  de  la  rive  et  dans 
une  direction  parallèle  se  prolonge  en  ligne  droite,  sur  une  éten- 
due d'une  lieue,  un  récif  en  forme  de  muraille,  élevée  aujourd'hui 
par  la  main  de  l'homme,  mais  qui,  avant  ces  travaux,  défendait 
tout  naturellement  le  port  contre  la  fureur  des  vagues  de 
l'océan.  La  barre  du  Pào-Amarello    est    fréquentée  par   des  na- 


30  LE     BRÉSIL     EN      18  8  9. 

vires  n'ayant  pas  besoin  de  plus  de  3  mètres  d'eau.  L'ancrage 
d'Itamaracà  est  excellent  et  a  5  mètres  de  profondeur.  La  petite- 
barre  du  Gerimunha  donne  accès  aux  navires  qui  ont  besoin  de 
3  mètres  de  tirant  d'eau.  Le  port  de  Goyanna  a  4  mètres  de  pro- 
fondeur. Celui  de  Pitimbû  ou  des  Français  est  spacieux,  mais 
son  lit  est  mauvais  pour  l'ancre,  quoiqu'il  ait  de  8  à  10  mètres 
de   profondeur  dans  la  barre. 

Alagôas.  —  La  barre  de  Camaragipe  reçoit  des  navires  de 
5  mètres  de  tirant. 

Sergipc.  —  La  barre  du  rio  Real  donne  entrée  aux  petits  na- 
vires. Celle  du  Vasa-Barris  n'a  que  4  mètres  à  marée  haute  et  est 
d'un  accès  difficile  ;  mais  le  fleuve  est  navigable,  jusqu'à  20milles 
de  son  embouchure,  par  de  petits  navires.  Celle  d'Aracajû,  dans 
le  rio  Gotindiba  ou  Cotinguiba.,  n'a  que  2  mètres  1/2  d'eau,  et, 
comme  elle  est  formée  de  bancs,  on  n'y  peut  pénétrer  qu'avec 
un  bon  pilote.  Le  rio  Japurâtuba  a  une  barre  peu  profonde  qui 
n'admet  que  de  petits  caboteurs.  Le  rio  San-Francisco,  l'un  des 
plus  considérables  du  Brésil,  prend  sa  source  près  d'Ouro-Preto, 
dans  la  province  de  Minas-Geraes,  traverse  les  provinces  de 
Bahia  et  Pernambuco,  et,  à  230  kilomètres  de  la  mer,  sépare  les 
provinces  de  Sergipe  et  d'Alagôas  en  formant  leur  limite  jusqu'à 
la  côte,  ^a  barre  a  4  mètres  1/2  à  marée  haute. 

Bahia.  —  La  barre  du  rio  Caravellas  a  5  mètres  1/2  à  marée 
haute  :  à  l'intérieur,  elle  a  de  9  à  10  mètres  sur  un  lit  de  vase. 
Alcobâça  et  Prado  sont  deux  ports  pour  les  caboteurs  qui  n'ont 
pas  besoin  de  plus  de  2  mètres  de  tirant.  Le  port  de  Como- 
xatiba  est  formé  par  le  récif  qui  longe  la  côte  et  il  offre  un  bon 
ancrage  de  5  à  G  mètres  de  profondeur  pour  une  douzaine  de 
navires  ;  cependant,  la  barre  est  tellement  étroite  qu'elle  n'ad- 
met que  des  navires  d'un  faible  tonnage. 

La  barre  de  Cramimuan  a  2m,2  de  profondeur.  Le  port  de 
Joacema  est  abrité,  peut  recevoir  de  grands  navires  et  a  8  mètres 
de  profondeur.  La  barre  duFrade  est  dangereuse,  mais  le  fleuve  est 
navigable  sur  une  grande  étendue  pour  les  caboteurs.  Le  port  de 
Porto-Scguro  est  abrité  contre  les  vents  du  Nord-Est,  mais  il  est 
complètement  ouvert  à  ceux  du  Sud  et  du  Sud-Est.  Les  baies  de 
Santa-Cruz  et  Cabralia  constituent  de  magnifiques  ancrages  ;  le 
fond  est  de  vase  et  a  de  13  à  14  mètres  de  profondeur  dans  la 
première  et  de  7  à  8  mètres  dans  la  seconde  de  ces  baies.  Le  port 
de  Belmonte,  à  l'embouchure  du  fleuve  de   ce  nom  ou  Jequitin- 


II  Y  DROGUAI* II IE.  31 

honha,  n'offre  que  2m,30  aox  navires,  à  la  marée  haute.  La  barre 
de  Ganavieiras  a  de  Am,(\  à  An\\)  de  profondeur,  à  marée  haute, 
dans  le  canal  du  milieu;  la  navigation  côtière  fréquente  beaucoup 
ce  port.  Olivenca  et  Comaûratuba  n'ont  que  2m,5  de  profondeur. 
Dans  le  rio  des  Contas,  le  canal  d'entrée  n'a  que  4m,o  d'eau  à 
marée  haute,  mais  à  l'intérieur  de  la  barre,  vis-à-vis  le  village, 
le  fond  a  de  10  à  12  mètres.  Les  bassins  formés  par  les  rios  Aratû 
et  Real  près  de  leur  embouchure  ont  2m,5  d'eau. 

Espirîto-SantQ.  —  Les  cours  d'eau  appelés  Camaquam,  Itapé- 
mirim  et  Piûma  sont  accessibles,  à  leurs  embouchures,  aux 
navires  d'un  faible  tonnage.  Le  port  de  Guarapary  est  l'un  des 
meilleurs  de  cette  côte,  et  il  peut  recevoir  des  navires  ayant 
besoin  de  5  mètres  d'eau.  A  Benevente  on  ne  trouve  que  lm,50 
d'eau.  Le  port  de  Victoria,  bien  abrité,  admet  des  navires  de 
6  mètres.  Les  rios  Dôce,  San-Matheus,  Mucury  et  Villa-Nova- 
d'Almeida  ne  sont  accessibles  qu'aux  petites  barques. 

Rin-de- Janeiro.  —  Angra-dos-Reis  a  5  mètres  d'eau;  Mangara- 
tiba,  Paraty,  Jerumerim,  Mambucaba  en  ont  3  mètres.  La  baie  de 
Sepetiba  a  20  milles  de  long  sur  6  de  large  ;  sa  profondeur  varie 
de  2m,20  à  3  mètres,  mais  l'entrée  n'a  parfois  que  lm,80  d'eau.  La 
barre  de  Cabo-Frio,  qui  est  la  môme  que  celle  de  la  grande  lagune 
Araruâma,  a  5  mètres  d'eau,  mais  l'entrée  de  la  barre  offre  quelque 
difficulté.  La  barre  de  San-Joâo  a  4  mètres  d'eau  à  marée  haute. 
Le  port  du  rio  des  Ostras,  à  l'embouchure  du  cours  d'eau  de  ce 
nom,  est  bien  abrité,  et  a  4  mètres  d'eau.  Celui  d'Imbetiba  est 
très  fréquenté,  il  est  profond,  mais  se  trouve  exposé  aux  vents  de 
N.-N.-E.  jusqu'à  E.-E.-E.,  malgré  son  brise-lames.  Celui  de  Macahé 
a  une  passe  très  étroite,  au  milieu  de  bancs  et  de  récifs,  et  il 
n'est  accessible  qu'aux  caboteurs  qui  n'ont  pas  besoin  de  plus  de 
2m,80  à  3  mètres  d'eau.  A  San-Joâo-da-Barra,  à  l'embouchure  du 
Parahyba,  il  y  a  un  ancrage  très  fréquenté  par  les  caboteurs,  car 
ce  port  dessert  la  ville  de  Campos,  l'une  des  plus  commerçantes 
de  la  province.  A  l'époque  des  plus  hautes  marées,  ce  port  n'a 
pas  plus  de  2m,50  à  3  mètres  d'eau. 

San-Paulo.  —  Le  port  des  Palmas,  dans  l'île  des  Porcos,  est 
une  excellente  baie,  abritée  contre  les  vents;  il  a  7m,30  de  profon- 
deur et  un  lit  de  vase.  L'ile  du  Bom-Abrigo  est  un  mouillage  de 
8  à  0  mètres  de  fond.  La  baie  de  Cananéa  a  3  mètres  d'eau.  Iguape 
donne  accès,  par  la  barre  de  l'Icapâra,  à  des  navires  qui  ne  dépla- 
cent pas  plus  de  2  mètres  d'eau. 


32  LE     BRÉSIL     EN      1889. 

Paranâ.  —  A  Paranagué  des  navires  déplaçant  jusqu'à 
6  mètres  d'eau  peuvent  pénétrer  jusqu'à  Antonina,  à  l'extré- 
mité occidentale  d'une  longue  et  belle  baie,  où  il  y  a  un  ancrage 
de  (')  ;'i  6m,50  de  profondeur. 

Santa-Catharina.  —  Les  anses  do  Garopaba  et  Imbituba  ont 
3m,50  d'eau  et  sont  abritées  contre  l«is  vents.  Laguna  est  un  port 
commerçant  qui  n'a  que  de  21",--*)  à  2m,50  de  profondeur.  Le  port 
de  Desterro  est  un  excellent  ancrage  et  les  naviges  ayant  besoin 
de  moins  de  4  mètres  d'eau  peuvent  y  entrer.  Pinheiro,  Pantano- 
do-Sul  et  Lagoinha  sont  des  anses  ayant  .'Jm,50  d'eau.  Porto-Bello 
est  une  anse  de  4  mètres  de  profondeur.  Caixa-d'Aço,  véritable 
merveille  de  beauté  et  de  sécurité,  est  un  mouillage  de  5  mètres 
de  profondeur.  Le  port  de  San-Francisco-do-Sul  est  bon  et 
sûr,  mais  sa  barre  n'a  que2m,50  d*eau.  Les  navires  qui  ont  besoin 
de  pilote  s'abritent  bors  de  la  barre,  près  des  iles  de  la  Graça. 
Gambriû  est  une  anse  assez  vaste  qui  a  2m,50  d'eau.  Itajahy  est 
un  cours  d'eau  navigable  et  sa  barre  est  fréquentée  par  les  paque- 
bots de  la  côte. 

Bio-Grande-du-Sud.  —  La  barre  de  ce  port  commerçant  n'a 
que  3m,70  d'eau  à  l'époque  des  marées  ordinaires,  mais  le  service 
de  pilotage  qu'on  y  trouve  est  le  plus  parfait  de  toute  la  côte  du 
Brésil. 


32  bis. 


ESQUISSE    DE    LA    CARTE  GÉOLOGIQUE   DU   BRÉSIL 

ORGANISÉE  PAR  ORVILLE  A.  DERBY 
''Extraite   du    tl  Brazil   Geographipo   e    Ilistorico  ") 


CvCH      Terrain  Arcl 


Laurent  i  en. 


)  Huronien. 
{  Silurien. 
—      Palaeozoïque  )  Devonien 


(  Car  boni  1ère 


—      Carbonifère. 


Terrain  Triassique  (?) 

—  Crétacé. 

—  Tertiaire  et  Quaternaire. 


32  ter. 

ESQUISSE  DE  LA  CARTE  PHYSIQUE  BU  BRÉSIL 

Organisée  par  Orville  A.  Derby  (Extraite  du  "  Brazil  Geographico  e  Historico  ") 
PROVINCES 

XV  Paranâ. 

XVI  Santa  Catharina. 

XVII  Rio  Grande  do  Sul 
XVIII Minas  Geracs. 

XIX  Goyaz. 

XX  Matto  Grosso, 


I 

Ama/.onas. 

VIII 

Pernambuco. 

il 

Par;». 

IX 

Alagoas. 

J 11 

Maranhào. 

X 

Sergipe. 

IV 

Piauhy. 

XI 

Bahia. 

V 

XII 

Espirito  Santo 

VI 

Rio  Grande  do  Norte. 

XIII 

Rio  de  Janeiro 

VII 

Paraln  lia. 

XIV 

S.  i'aulo. 

FLEUVES    ET    RIVIERES 

A  Amazonas. 

c   Xingû. 

k   Branco. 

B  Paraguay. 

d   Tapajoz. 

1    Jequitinbonha 

C  Parai îî. 

e  Madeira 

m  Doce. 

D  Uruguay. 

i'   Guaporc 

n   Parahyba. 

E  S.  Francisco. 

g  Punis, 
b   Juruâ. 

o   Rio  Grande. 

F  Parnahvba. 

p   Tieté. 

a  Tocantins. 

i    Javary 

q  Paranapenema 

b  Araguaya 

j    Negro. 

r    Iguassù. 

rr^g     Elévation  de     0    à   300  mètres, 

lliUlUJ  —        —      0  à  1000       » 

—        —  plusdelOOO      » 


HYDROGRAPHIE. 

TABLE  DE  LA  DIFFÉRENCE  DE  NIVEAU 


33 


A   L  ÉPOQUE   DES    SYZIGIES    DANS    LES    PRINCIPAUX   PORTS    DE   LA  COTE   DU   BRESIL, 
Organisée  par  le  Bureau  Hydrographique 


PROVINCES 


Marauhùo 


Piauhj 
Cear.'i  . 


Rio  Grande  do  Norte, 


Par; 


Pernarabuco 


Alagôas . 
Bahia..] 


Espirito-Santo  . 

Rio  de  Janeiro 


Sanla  Galbarina 


M  IMS 

ES    PORTS 


Rio  Grande  do  Sul. 


Belem 

Salinas 

Caïté 

Gurupj 

S.    Lui/. 

Illia  de  Sanla  Anna 

Preguiças 

Tutoya 

Amarraçâo 

(Iranja , 

Acaraluï 

Portaleza , 

Aracaty 

Mossorô 

Cabo  de  S.  Roque  

Natal  (port) 

Natal  (barre) , 

Parahyba  (port) 

Parahjba  (barre) 

Itamaracu 

Recife 

Tamandarc 

Barra  Grande 

Maceiô  (Jaraguû) 

S.   Salvador  

Aralû  

Paraguassù 

Ilaparica 

Rio  Una 

Gamamû 

Rio  de  Coulas 

Ilhéos 

Canavieiras 

Sanla  Cruz,  Cabralia 

Porto  Seguro 

Joacema 

Caravellas 

Victoria 

Macabc 

Buzios 

Cabo-Fro  (ville) 

Rio  de  Janeiro 

Sepetiba 

Paraty 

Enseada  l'aimas  (ilha  Grande 

S.  Sebastiâo  (ilha) 

Qbatuba 

Santos 

S.  Francisco  do  Sul 

Cambriû 

Itapacoroy  

Desterro , 

Rio  Grande  do  Sul  (barre). . 


ÉTABLISSEMENT 

DU  POllI 

121 

i.OO  m. 

7 

30 

7 

00 

(i 

30 

7 

00 

G 

00 

5 

45 

5 

00 

4 

30 

5 

30 

5 

00 

5 

30 

4 

45 

5 

00 

4 

00 

5 

00 

4 

30 

5 

30 

5 

00 

5 

00 

4 

30 

4 

00 

4 

30 

5 

00 

4 

2o 

5 

0G 

5 

20 

5 

15 

4 

00 

4 

00 

4 

00 

4"  00 


00 
40 

45 
30 
35 
00 
2    50 

2  30 

3  00 


2  58 

2  00 
1  45 
1  45 

3  00 


4  00 

3  05 

2  10 

2  00 

2  30 

2  30 
Irréeulier 


Différence  de  niveau 
entre  la  marée  basse 
et  la  plus  liante  marée 


lm98 

2  07 


97 

G2 
94 
95 
32 
(J8 
G4 
97 
98 
Gt 
05 
31 
65 
3L 
31 
65 
98 
65 
98 
98 
30 
30 
30 
30 
30 
30 
80 
00 
00 
^0 
60 
70 

85 

60 

30 

05 

38 

50 

00 

01 

80 

50 

70 

65 

30 

20 

50 

20 

20 

80 


0  60 


CHAPITRE  III 

CLIMATOLOGIE 

Par     M.    HENRI     MORIZE1 


Un  empire  aussi  vaste  que  le  Brésil,  qui  s'étend  sur  la  plus 
grande  partie  du  continent  sud  américain,  depuis  5°10'  de  lati- 
tude nord  jusqu'à  33°45'  sud,  doit  présenter  nécessairement 
une  grande  variété  de  climats  différents.  Par  suite  de  sa  posi- 
tion dans  l'hémisphère  austral,  la  disposition  des  saisons  s'y 
trouve  entièrement  renversée,  et,  bien  que  la  succession  de  ces 
divisions  de  l'année  n'y  soit  guère  tranchée  le  plus  souvent,  on  y 
a  conservé,  cependant,  l'usage  des  termes  :  printemps,  été, 
automne,  hiver;  seulement,  le  printemps  correspond  à  l'automne 
de  l'Europe  et  vice  versa. 

Jusqu'à  présent  les  observations  suivies  qui,  seules,  peuvent 
donner  une  idée  exacte  des  éléments  météorologiques  qui  carac- 
térisent une  contrée,  y  ont  été  peu  nombreuses  relativement.  On 
peut,  cependant,  en  les  combinant  avec  celles  qui  ont  été  exé- 
cutées par  les  voyageurs  qui,  depuis  longtemps  déjà,  ont 
sillonné  le  Brésil,  diviser  le  Brésil  entier  en  trois  grandes  zones  : 
la  zone  tropicale,  la  zone  sous-tropicale  et  la  zone  tempérée 
douce. 

La  première  zone,  que  nous  appelons  tropicale,  torride  ou 
équatoriale,  comprend  toute  la  partie  du  Brésil  dont  la  tempé- 
rature moyenne  s'élève  au-dessus  de  25°.  La  ligne  qui  limite  cette 
zone,  c'est-à-dire  l'isotherme  de  25°,  passe   au  sud   de  Pernam- 

i.  Astronome  à  l'Observatoire  Impérial  de  Rio-de-Janeiro.  M.  L.  Cruls 
directeur  de  cet  Observatoire,  a  revu  tout  ce  travail,  fait  sous  sa  direction. 


36  LE     BRÉSIL     EN      1889. 

buco,  peut-être  par  Alagôas  ou  Sergipe,  coupe  une  parlie  de 
Goyaz,  et  descend  dans  Matto-Grosso,  au-dessous  de  Guyabâ.  Les 
provinces  de  Pernambueo,  Parahyba-du-Nord,  Rio-Grande-du- 
Nord,  Céarâ,  Piauhy,  Maranhâo,  Para  et  Amazonas  sont  donc 
entièrement  situées  sous  cette  zone. 

La  deuxième  zone,  que  nous  appelons  sous-tropicale  ou  chaude, 
s'étend  entre  l'isotherme  de  25°  et  celui  de  20°.  Cet  isotherme 
passe  au  sud  de  la  province  de  San-Paulo,  coupe  celle  de  Paranâ, 
en  séparant  entièrement  les  provinces  de  Santa-Catharina  et 
Rio-Grande-du-Sud,  ainsi  que  la  plus  grande  partie  de  celle  de 
Paranâ  et  une  partie  de  la  province  de  San-Paulo. 

La  troisième  zone,  que  nous  appelons  tempérée  douce,  s'étend 
à  travers  tout  le  Sud  et  comprend  les  provinces  de  Paranâ, 
Santa-Catharina,  Rio-Grande-du-Sud,  ainsi  qu'une  fraction  de 
San-Paulo.  La  température  moyenne  y  oscille  entre  15  et  20 
degrés. 

1.  —  La  zone  tropicale  peut  se  subdiviser,  suivant  M.  Draenert, 
professeur  à  l'École  agricole  de  Bahia,  qui  a  spécialement  étudié 
la  distribution  pluviométrique  au  Brésil,  en  trois  parties  dis- 
tinctes, suivant  l'époque  de  pluies  :  1°  le  Haut-Amazone  ;  c2°  l'in- 
térieur de  toutes  les  provinces  de  Maraiihao,  Para,  Matto-Grosso, 
Piauhy  (et  môme  Bahia  et  Minas-Geraes)  ;  3°  la  région  littorale 
de  Para,  Maranhâo,  Piauhy,  Céarâ,  Rio-Grande-du-Nord  et  Para- 
hyba-du-Nord. 

1°  Dans  la  région  du  Haut-Amazone,  Tannée  météorologique 
peut  se  diviser  en  deux  époques  :  l'une  des  grandes  pluies,  et 
l'autre  des  petites  pluies,  qui  toutes  deux  produisent  une  crue 
des  eaux  du  fleuve.  La  grande  crue  commence  à  la  fin  de  février 
et  va  jusqu'en  juin  ;  la  petite  crue  commence  à  la  mi-octobre  et 
se  termine  vers  le  commencement  de  janvier.  Le  niveau  des 
eaux  du  lleuve  varie  considérablement,  et  la  différence  de 
niveau  peut  atteindre  ï\  mètres  entre  l'étiage  inférieur  qui 
se  présente  en  septembre,  et  l'étiage  supérieur  qui  se  produit 
d'avril  à  mai.  Entre  ces  deux  crues  sont  intercalées  deux  périodes 
de  sécheresse,  une  grande  et  une  petite,  qui  se  produisent  :  la 
première,  de  juillet  à  la  mi-octobre,  et  la  dernière  de  janvier  à 
février.  A  la  fin  de  la  grande  crue,  il  se  produit  une  chute  de 
température  qui  ne  dure  que  quelques  jours  et  qui  est  fréquem- 
ment favorisée  par  le  vent  du  sud.  L'abaissement  de  tempéra- 
ture est  tel  que  l'on  prétend  que  beaucoup  de  poissons  du  rio 
TefTé  en   meurent   tous  les  ans.    M.  J.  Pinkas,  qui  a  longtemps 


CLIMATOLOGIE.  37 

séjourné  dans  ces  régions  comme  ingénieur  en  chef  du  chemin  de 
fer  projeté  du  Madeira  à  Mamoré,  y  a  fait  quelques  observations 
Intéressantes. 

La  température  moyenne  du  Haut-Madeira  serait  de  26°  cen- 
tigrades, soit  2°  au-dessous  de  la  température  de  l'équateur, 
suivant  Humholdt.  La  température  la  plus  élevée  a  été  de  39°5, 
ce  qui  est  relativement  faible.  Toutefois,  la  sensation  de  chaleur 
est  toujours  très  forte,  à  cause  du  degré  hygrométrique  de  l'air 
qui  est  très  élevé,  L'hygromètre  oscille  constamment  entre  80 
et  100,  et  la  condensation  nocturne,  qui  se  produit  immédiatement 
après  le  coucher  du  soleil,  est  si  forte,  que  les  explorateurs,  qui 
dormaient  sous  d'épaisses  tentes,  trouvaient  le  matin  tous  leurs 
vêtements  mouillés,  et  la  couverture  de  la  tente  ruisselante 
d'eau,  comme  si  une  forte  pluie  eût  tombé  pendant  la  nuit. 
Cette  humidité,  des  plus  préjudiciables  à  la  santé,  se  comprend 
quand  on  voit  une  hauteur  de  2  mètres  d'eau  tomber  entre  les 
mois  de  novembre  et  de  mai.  Dans  cette  partie  de  l'Amazone,  le 
vent  dominant  est  celui  de  sud-ouest,  fréquemment  entrecoupé 
de  calmes.  Suivant  M.  Pinkas,  le  refroidissement,  dont  nous 
avons  parlé  plus  haut,  se  produit  indifféremment  pendant  les 
mois  de  mars,  d'avril  et  de  mai.  La  cause  en  serait  dans  réchauf- 
fement rapide  de  la  colonne  d'air  qui  couvre  ces  régions  et  qui, 
s'élevant  dans  les  parties  plus  hautes  de  l'atmosphère,  produi- 
rait un  puissant  appel  qui  serait  comblé  par  la  brusque  arrivée 
de  l'air  glacé  qui  entoure  les  hauts  sommets  des  Andes.  Par  cette 
explication,  on  conçoit  que  ce  phénomène,  auquel  on  a  donne 
le  nom  de  «  friagem  »,  ne  peut  se  produire  que  par  une  journée 
calme  et  chaude.  L'arrivée  de  ce  courant  se  produit  toujours 
peu  d'heures  après  le  passage  du  soleil  au  méridien,  et  est  inva- 
riablement précédée  par  une  température  très  élevée,  une  satu- 
ration hygrométrique  presque  complète  de  l'air  et  une  dépres- 
sion barométrique  de  5  à  G  millimètres. 

2°  Ces  brusques  changements  de  température  se  produisent 
dans  toute  la  zone  tropicale  continentale.  C'est  ainsi  que  nous 
les  retrouvons  dans  la  deuxième  subdivision  de  M.  Draenert,  qui 
comprend  l'intérieur  de  toutes  les  provinces  du  Nord.  Dans  ces 
contrées,  qui  sont  caractérisées  par  de  fortes  pluies  de  printemps 
et  d'été,  il  est  très  fréquent  de  voir  des  sauts  de  plus  de  20°  se 
produire  en  quelques  heures.  Le  docteur  J.  Severiano  da 
Fonseca,  médecin  militaire,  qui  a  longtemps  séjourné  dans  la 
province  de  Matto-Grosso,  a  rapporté  dans  un  ouvrage    intitulé 


38  LE     BRESIL     EN      1889. 

Viagem  no  rcdor  do  Brazil,  les  résultats  de  ses  observations  dans 
ces  provinces. 

Les  vents  généraux  y  soufflent  du  nord-ouest  et  du  sud-est. 
Les  premiers  sont  chauds  et  humides,  tandis  que  les  derniers 
sont  toujours  très  froids.  Ces  deux  vents  se  succèdent  souvent 
avec  rapidité,  ce  qui  amène  de  brusques  chutes  thermométri- 
ques. 11  arrive  souvent  aussi,  pendant  l'été,  que  le  vent  de  la 
pampa  qui  souffle  du  sud-ouest  amène  de  véritables  tempêtes 
accompagnées  elles-mêmes  de  forts  abaissements  de  tempéra- 
ture. Suivant  le  général  Hermès  da  Fonseca,  la  température 
moyenne  annuelle  de  Cuyabd  a  été,  en  1870,  de  25°",  et  de  26°7 
en  1877;  la  température  la  plus  basse  observée  en  1876  a  été  de 
de  7°5,  et  s'est  produite  le  18  août.  Suivant  le  docteur  Joâo 
Severiano  da  Fonseca,  la  température  au  point  du  jour  est  de 
4°  à  G0  au-dessous  de  celle  de  midi,  et  elle  continue  à  croître 
jusqu'à  4  ou  o  heures  de  l'après-midi,  pour  retomber  ensuite. 
Les  explorateurs  allemands,  les  frères  Von  den  Steinen,  qui  ont 
parcouru  la  province  pendant  ces  dernières  années,  ont  laissé  à 
Cuyabâ,  entre  les  mains  du  major  Americo  de  Vasconcellos, 
d'excellents  instruments  météorologiques  avec  lesquels  celui-ci 
a  commencé  à  faire  des  observations  suivies  qui  ne  peuvent 
manquer  d'être  d'une  grande  utilité.  Nous  ne  possédons  encore 
que  deux  mois,  août  et  septembre  de  l'année  1888,  mais 
ces  deux  mois  sont  très  instructifs.  Pendant  le  mois  d'août, 
nous  ne  notons  qu'un  jour  de  pluie,  car  c'est  à  cette 
époque  que  finit  la  saison  sèche  ;  les  vents  dominants  soufflent 
alors  du  nord,  nord-ouest  et  nord-est.  Quant  ils  soufflent  fai- 
blement, ou  bien  quand  ils  sont  substitués  par  des  calmes,  la 
température  monte  aisément,  comme  le  ï27  août,  par  exemple, 
à  39°8.  Si,  par  contre,  les  vents  du  sud  sont  un  peu  forts,  comme 
le  17,  le  thermomètre  tombe  à  10°.  Si  le  vent  saute  brusquement 
du  sud  au  nord,  on  peut  avoir  une  variation  subite  de  tempéra- 
ture de  plus  de  20°.  C'est  ce  qui  est  arrivé  le  15,  où  le  thermo- 
mètre a  marqué  le  matin  1G°,  et  est  monté  dans  l'après-midi 
jusqu'à  30",  soit  une  variation  de  23°.  La  température  moyenne, 
à  7  heures  du  matin,  a  été,  pour  le  mois  d'août,  de  21°i,  et  à 
4  heures  de  l'après-midi  de  35°.  L'oscillation  moyenne  de  la  tem- 
pérature pendant  la  journée  a  donc  été  de  près  de  11°.  Le  mois 
suivant  (septembre),  la  saison  pluvieuse  est  commencée  ;  on  note 
déjà  10  jours  de  pluie  ;  la  température  est  encore  élevée,  et,  à  la 
date  du  1er  septembre,  nous  notons  il0  centigrades,  ce  qui  du  reste 


CLIMATOLOGIE.  39 

est  le  maximum  du  mois.  La  température  moyenne  à  7  heures 
du  matin  est  devenue  25°1,  et  à  4  heures  33°1  ;  si  la  chaleur  au 
matin  a  augmenté,  par  contre  elle  a  diminué  le  soir,  puisque 
l'oscillation  n'est  plus  que  de  8°. 

En  somme,  ces  observations  et  celles  de  M.  le  docteur 
J.  Severiano  da  Fonseca  permettent  de  dire  qu'à  Cuyabâ,  et  pro- 
bablement aussi  dans  le  reste  de  la  province,  la  température  est 
toujours  élevée,  moins  toutefois  pendant  les  périodes  de  fria- 
gem,  mais  que  pendant  la  saison  sèche,  si  les  journées  sont 
chaudes,  les  nuits  et  les  premières  heures  de  la  matinée  jouissent 
d'une  fraîcheur  relative. 

Quoique  les  tremblements  de  terre  n'y  soient  pas  fréquents,  on 
peut  cependant  mentionner  ceux  qui  eurent  lieu  le  24  septembre 
1749,  et  qui  fut  précédé  d'une  forte  rumeur  comparable  à  un 
orage  souterrain,  celui  du  18  septembre  1832,  et  ceux  du 
1er  octobre  1860  et  du  26  juin  1876. 

Corumbd  (180S5'  latitude  sud),  qui  est  une  des  villes  les  plus 
importantes  de  la  province,  possède  un  climat  à  peu  près  sem- 
blable à  celui  de  Cuyabâ,  et  les  brusques  variations  de  tempéra- 
ture y  sont  aussi  fréquentes,  ainsi  qu'à  Bescalvado,  qui  se  trouve 
par  16°45'  sud  et  où,  le  21  octobre  1875,  le  thermomètre  étant 
à  39°9,  survint  tout  à  coup  un  orage  du  sud-ouest,  accompagné 
de  grêle,  phénomène  rare  dans  ces  latitudes,  qui  fit  baissera  tel 
point  la  température,  qu'à  8  heures  du  soir  le  thermomètre 
n'accusait  que  15°5  ;  il  avait  donc  baissé  de  près  de  25°  en  peu 
d'heures. 

Il  existe  dans  la  province  de  Matto-Grosso  des  régions  sèches, 
sur  les  plateaux  élevés,  où  la  température  est  naturellement  plus 
tempérée,  et  il  n'est  même  pas  très  rare  d'y  voir  des  gelées  au 
mois  de  juillet. 

3°  Les  différences  entre  les  températures  moyennes  des  mois 
de  l'année  diminuent  à  mesure  qu'on  se  rapproche  du  littoral, 
qui  constitue  la  troisième  subdivision  de  la  zone  tropicale,  en  adop- 
tant la  méthode  de  M.  Draenert.  Cette  région  est  caractérisée  par 
des  pluies  qui  dominent  en  été  et  en  automne,  et,  en  général,  sur- 
tout pendant  le  mois  d'avril.  Les  mois  les  plus  chauds  sont  ceux 
d'été,  mais  la  différence  avec  ceux  d'hiver  n'est  pas  très  accentuée. 
A  Vizeu,  par  1°  12'  sud,  dans  la  province  de  Para,  on  a29°l  à  9  heures 
du  matin  en  décembre,  qui  est  le  mois  le  plus  chaud,  tandis 
qu'on  a  26°  5  en  juillet,  mois  le  plus  frais.  A  San-Lniz-de-Ma- 
ranhtïo,  par  2°31'  sud,  dont  nous  possédons  deux  années  d'obser- 


40  LE     BRESIL     EN      1889. 

vations,  les  mois  les  plus  chauds  sont  décembre  et  février,  avec 
28°,6  et  le  mois  le  plus  frais  juillet,  avec  27°, 4.  La  première  de 
ces  deux  stations  compte,  pendant  les  années  1887  et  1888,  71 
jours  de  pluie  assez  irrégulièrement  distribués,  mais  dont  le 
maximum  est  tombé  en  février-mars.  Le  vent  dominant  a  été  le 
sud-est  pendant  toute  l'année.  San-Luiz-de-Maranhâo  possède  un 
climat  très  pluvieux.  La  hauteur  annuelle  d'eau  précipitée  monte, 
suivant  les  observations  de  M.  Fabio  de  Moraes-Rego,  ingénieur 
de  la  commission  hydraulique,  à  2m  455,  repartis  sur  86  jours, 
soit  approximativement  1  jour  de  pluie  pour  3  de  temps  sec.  11 
pleut  surtout  en  avril  et  principalement  en  mars,  qui  accuse  lm040 
d'eau  en  21  jours;  par  contre,  les  mois  d'octobre,  de  novembre 
et  décembre  sont  d'une  sécheresse  presque  absolue.  La  tempé- 
rature moyenne  annuelle  est  de  27°, -4.  Les  températures  absolues 
observées  ont  été  33°, 8  et  21°, 1  et  ont  eu  lieu  toutes  deux  en 
septembre,  ce  qui  est  assez  extraordinaire.  La  température  des 
différents  mois  varie  fort  peu,  et  l'on  ne  peut  guère  signaler  de 
mois  plus  chaud  ou  plus  frais,  car  les  petites  différences  qui 
existent  se  distribuent  inégalement  sur  toute  l'année.  Les  mois 
les  plus  humides  sont  naturellement  ceux  de  mars  et  d'avril  ;  et 
l'état  hygrométrique  de  l'air  y  arrive  à  87°.  Le  vent  dominant  est 
uniformément  l'est-nord-est  pour  tous  les  mois  de  l'année. 

Therezina,  capitale  de  la  province  de  Piauby  par  5°,G'  de 
latitude  sud,  appartient  à  la  même  zone  et  à  la  même  subdivision. 
La  température  annuelle,  prise  à  9  heures  du  matin,  y  est  de 
2G°,8.  Les  mois  les  plus  chauds  sont  ceux  de  la  fin  de  la  saison 
sèche,  c'est-à-dire  septembre  et  décembre,  dont  la  température 
est  en  moyenne  de  28°, 5;  le  mois  le  plus  frais,  qui  est  mai,  avec 
26°,  1,  est  le  dernier  de  la  saison  pluvieuse.  Comme  on  le  voit, 
l'amplitude  delà  variation  annuelle  est  inférieure  à  2°,4.  Pendant 
la  saison  sèche,  le  vent  dominant  souffle  du  sud,  sud-est  et  est, 
et,  pendant  la  période  pluvieuse  du  nord.  On  compte,  pour  toute 
l'année,  05  jours  de  pluie,  et  la  hauteur  maximum,  14%,  est 
tombée  eu  avril.  Les  orages  sont  fréquents,  20  en  moyenne  par 
an,   distribués  entre  les  mois  de  septembre  à  mai. 

M.  Benjamin  Franklin,  ingénieur  chargé  de  l'étude  du  rio 
Parnahyba,  a  fait  exécuter,  pendant  l'année  1883,  des  observa- 
tions météorologiques  sur  différents  points  voisins  de  la  ville 
d1 Amarante  (lat.  0°  13'  sud,  long.  lm28s  W  de  Rio).  La  température 
moyenne  a  été  de  27°, 13,  le  maximum  35°,.'),  et  le  minimum  18°, 0. 
La  variation  de  température  d'un  mois  à  l'autre  y  est  très  faible, 


CLIMATOLOGIE.  41 

et,  par  une  singulière  anomalie,  les  mois  de  juin,  juillet  et  août 

(mois  d'hiver),  ont  moine  une  moyenne  sensiblement  plus  élevée 
que  celle  des  mois  de  décembre  et  de  janvier  (été). 

Pendant  les  mois  de  juin,  juillet  et  août,  que  dans  la  localité 
on  dénominë  mois  d'été,  il  tombe  très  peu  d'eau,  et,  dans  Tannée 
citée,  on  n'en  a  pas  même  recueilli  une  goutte;  le  même  fait  s'est 
reproduit  en  1882  et  1884.  Le  niveau  du  fleuve  suit  les  variations 
de  la  pluie,  avec  un  léger  retard,  et  arrive  par  conséquent  à  son 
niveau  le  plus  bas  au  mois  de  septembre. 

La  Province  de  Cèarâ,  située  à  Test  de  celle  de  Piauhy,  parti- 
cipe de  son  climat.  Sur  le  littoral,  comme  du  reste  dans  les  autres 
localités  de  la  région  équatoriale  maritime,  les  températures 
mensuelles  ne  diffèrent  que  faiblement.  Suivant  un  certain 
nombre  d'années  d'observations  recueillies  par  M.  Pompeu, 
la  température  annuelle  de  Fortaleza,  par  3°, 44'  de  lat. 
la  capitale  de  la  province,  est  de  26°,6  ;  la  température  minimum 
moyenne  23°,  1,  et  la  température  maximum  30°, 4.  A  mesure  que 
l'on  pénètre  davantage  dans  l'intérieur,  l'amplitude  de  la  varia- 
tion augmente.  A  Icô  (6°,  13'  de  lat.  sud)  la  moyenne  des  maxima 
est  35°, 2,  celle  des  minima  26°,6  et  la  moyenne  diurne  30°,8. 

Dans  la  petite  ville  de  Qalxeramoblm,  située  dans  une  région 
plus  élevée,  la  moyenne  devient  29°,27  et  oscille  entre  24°, 85  et 
33°,58.  A  Crato  (6°, 50'  de  lat.  sud),  la  moyenne  annuelle  est  de 
27%95,  et  son  oscillation  est  de  8°,85.  La  région  montagneuse  est 
naturellement  plus  fraîche,  et,  suivant  M.  Pompeu,  la  température 
dans  les  montagnes  d'ibiapaba,  Baturité  et  Maranguape  varie 
entre  14°  et  24°. 

La  division  de  l'année  en  deux  saisons  :  l'une  sèche,  l'autre 
pluvieuse,  est  encore  plus  accentuée  dans  la  province  de  Céarâ 
que  dans  les  provinces  adjacentes.  La  saison  sèche  s'écoule 
souvent  sans  qu'il  tombe  une  goutte  d'eau  (Pompeu,  Chorogra- 
phia  da  Provincia  do  Cearâ),  et  malheureusement  il  arrive  quel- 
quefois que  cette  sécheresse  se  prolonge  pendant  la  saison  qui 
devrait  être  pluvieuse1,  amenant  ainsi  de  grands  malheurs.  La 
saison  sèche  commence  en  juillet  et  se  prolonge  souvent  jusqu'en 
février.  La  saison  humide  prédomine  pendant  le  reste  de  l'année, 
mais  surtout  pendant  les  mois  de  mars,  avril  et  mai. 

Suivant  28  années  d'observations  pluviométriques  faites  à 
Fortaleza,  de  1849  à  1876,  la  hauteur  moyenne  d'eau  précipitée  a 

1.  C'est  ce  qui  a  lieu  en  ce  moment  (décembre  1888). 


42  LE     BRÉSIL     EN      1889. 

été  de  lm50,  la  plus  forte  de  2m45Û,  et  la  plus  faible  de  0"\S5().  La 
quintité  recueillie  pendant  la  saison  humide  (de  janvier  à  juin) 
est  en  moyenne  de  lm340,  distribuée  sur  84  jours,  et  pendant  la 
saison  sèche  (juillet  à  décembre)  140  millimètres  pour  23  jours. 
La  plus  forte  pluie  dont  on  ait  souvenance  est  tombée  le  20  mars 
1870;  elle  produisit  250  millimètres. 

Pendant  toute  la  période  de  sécheresse,  les  prairies  qui  servent 
de  pâturage  aux  immenses  troupeaux  qui  sont  encore  aujourd'hui 
nue  des  principales  richesses  de  la  province,  sont  entièrement 
desséchées  et  brûlées  par  le  soleil.  Tout  le  bétail,  dont  Fétat  de 
maigreur  et  de  faiblesse  inspire  la  pitié,  se  retire  alors  dans  les 
parties  boisées,  et  vit  tant  bien  que  mal  de  feuilles  à  demi  sèches 
jusqu'au  retour  de  la  saison  pluvieuse.  A  ce  moment,  de  vastes 
espaces,  qui  paraissaient  stériles  et  calcinés,  se  couvrent  en  quel- 
ques semaines  d'une  luxuriante  végétation  ;  les  cultures  de  café 
et  de  canne  à  sucre,  qui  semblaient  perdues,  repoussent  avec  une 
vigueur  inconnue  dans  les  autres  contrées  et,  en  peu  de  temps, 
grâce  à  l'alimentation  abondante  qu'il  retrouve,  le  bétail  rede- 
vient gras  et  vigoureux.  Mais  il  arrive  assez  souvent,  par 
malheur,  que  la  saison  pluvieuse,  au  lieu  de  succéder  à  la  séche- 
resse, se  fasse  attendre  en  vain  pendant  toute  une  année  ou 
même  pendant  plusieurs  années.  C'est  alors  la  famine,  avec  son 
cortège  d'horreurs,  qui  s'abat  sur  cette  malheureuse  province. 
Le  bétail  meurt  en  masse,  les  communications  sont  interrompues 
et  d'immenses  caravanes  de  fugitifs  se  dirigent  vers  le  littoral, 
en  marquant  leur  route  par  les  cadavres  des  malheureux  morts 
de  misère,  de  faim  et  de  soif. 

La  première  sécheresse  dont  l'histoire  ait  conservé  la  trace 
est  celle  de  1710-1711;  vinrent  ensuite  celles  de  1723-1727,  1734- 
173G,  1714-1745,  1777-1778,  et  surtout  celle  de  1790-1793.  Il 
parait  que  l'année  de  1792  se  passa  sans  qu'il  tombât  une  seule 
goutte  d'eau;  aussi  la  mortalité  devint-elle  effrayante.  Le  capi- 
taine-général de  Pernambuco  informa  la  Couronne  de  Portugal 
que  plus  d'un  tiers  de  la  population  avait  succombé.  Ce  fléau  a 
continué  et  continue  dans  le  siècle  courant  avec  une  certaine 
régularité;  les  principales  sécheresses  ont  eu  lieu  de  1808  à  1809, 
1816  à  1817,  182 i  à  1825,  1844  à  1815  et  finalement  de  1877  à 
1879.  On  peut  reconnaître  à  la  simple  vue  que,  sauf  la  seconde, 
toutes  ces  époques  correspondent  à  celles  du  siècle  passé.  Au  mo- 
ment même  ou  j'écris  ces  notes  (décembre  1888)  la  saison  est  exces- 
sivement sèche,  et  la  misère  est  déjà  grande;  peut-être  est-ce  le 


CLIMATOLOGIE. 


43 


commencement  d'une  sécheresse  qui  correspondrait  à  celle  qui 
a  été  désastreuse,  de  1790  à  L7931- 

Bien  que,  par  sa  température  élevée,  la  province  de  Pernam- 
huru  soif  située  dans  la  zone  tropicale,  son  climat  sert  de  transition 
entre  cette  zone  et  la  zone  sous-tropicale;  et,  comme  au  point  de 
vue  des  pluies,  elle  se  place  à  côté  du  littoral  de  Bahia,  Alagôas 
etSergipe,  c'est  avec  elle  que  nous  l'étudierons. 

Par  sa  température  plus  élevée  et  par  sa  plus  grande  accen- 
tuation des  saisons,  la  zone  sous-équatoriale  se  rapproche  du 
climat  des  régions  les  plus  chaudes  de  l'Europe  et  de  celles  du 
nord  de  l'Afrique. 

IL  —  La  zone  sous-tropicale  peut  se  subdiviser  au  point  de  vue 
du  régime  des  pluies  en  deux  parties  distinctes  : 

1°  A  la  première,  qui  comprend  les  provinces  d' Alagôas,  Sergipe 
et  le  littoral  de  celle  de  Bahia,  nous  ajouterons  la  province  de 
Pernambuco. 

Cette  partie  reçoit  de  la  pluie  toute  Tannée  et,  par  cela,  se 
distingue  déjà  des  régions  de  latitude  moins  haute;  mais  la  plus 
grande  partie  de  cette  pluie  tombe  pendant  les  mois  de  juin, 
juillet,  août.  Toutefois,  on  note  à  Bahia  une  légère  recrudes- 
cence, due  aux  orages,  pendant  les  mois  d'octobre  et  novembre. 

Nous  possédons  pour  la  province  de  Pernambuco  les  observa- 
tions de  trois  stations,  une  sur  le  littoral,  et  deux  dans  l'intérieur, 
dont  les  résultats  ont  été  recueillis  et  publiés  par  le  professeur 
Draenert  dans  le  Meteorologische  Zeitschrift.  Ces  trois  stations 
sont:  Recife2,    Victoria  et  Colonia-Isabel. 

Recife  (8n4' de  latitude  sud)  est  un  port  de  mer,  et  est  très- 
connu,  comme  étant  la  capitale  de  la  province  de  Pernambuco. 
Son  altitude  est  de  3  mètres  et  sa  température  moyenne  2G°2.  Le 
mois  le  plus  chaud  est  février,  avec  une  température  moyenne 
de  28°0  ;  le  mois  le  plus  frais  est  juillet  avec  23°5.  Comme  on  le 
voit,  l'amplitude  de  la  variation  de  la  température  mensuelle  est 
très  faible,  ce  qui  provient  de  l'action  régulatrice  de  l'Océan,  qui 
tend  à  rendre  les  climats  plus  stables.  La  température  maximum 
absolue  est  37°3  et  le  minimum  absolu  16°3,  donnant  une  ampli- 

1.  «  Les  sécheresses  sont  périodiques;  celles  qui  sont  de  plus  grande 
«  phase  viennent  de  100  en  100  ans,  et  de  20  en  20  ans,  sans  compter  les 
«  petites  sécheresses.  »  . 

( Considérantes  rjeraes  sobre  as  provincias  do  Ceard,  etc.,  por  Ahpio  L. 
Pcreira  da  Silva  —  Kio-de-Janeiro  1885). 

2.  Désigné  plus  généralement,  dans  les  ouvrages  en  langue  française 
sous  le  nom  de  Pernambuco  ou  Fernambouc. 


44  LE     BRÉSIL     EN     18  89. 

tu  de  extrême  de  21°.  Pendant  la  saison  des  pluies,  le  vent  qui 
prédomine  est  celui  du  sud,  qui  passe  à  Test  en  octobre,  au 
nord-est  en  novembre  et  décembre,  et  revient  au  sud,  en  passant 
par  Ni  sud-est,  aux  mois  de  mars  et  avril.  La  pluie  recueillie  en 
mn\ cune  par  année  est  2  mètres  08  :  le  mois  le  plus  humide, 
juin,  donne  0  mètre  580,  et  le  mois  le  moins  pluvieux,  décembre, 
51  millimètres  08. 

Victoria,  par  8°9'  de  latitude  sud,  dans  la  même  province,  pré- 
sente une  moyenne  de  25°1  de  température  annuelle,  déduite  de 
sept  années  d'observations.  Le  mois  le  plus  chaud  est  toujours 
celui  de  février,  dont  la  moyenne  accuse  20"7.  Le  mois  le  plus 
froid  est  juillet,  dont  la  moyenne  est  23°.  Le  maximum  et  le  mi- 
nimum absolus  sont  respectivement  39  0  et  11°6,  dont  la  diffé- 
rence est  27°4.  Pendant  la  saison  pluvieuse,  le  vent  dominant  est 
celui  du  sud-est,  et  celui  d'est  pour  le  reste  de  Tannée.  La  hauteur 
d'eau  annuelle  est  1  mètre  05.  Le  mois  pendant  lequel  la  pluie 
est  le  plus  intense  est  celui  de  juillet,  qui  produit  0  mètre  170 
d'eau. 

Les  observations  effectuées  dans  la  Colonie- Isabelle,  apparte- 
nant à  la  même  province,  pendant  6  années  et  demie,  accusent 
une  température  moyenne  de  23°7  à  peine,  ce  qui  est  dû  à  son 
élévation  au-dessus  du  niveau  de  la  mer  (230  mètres).  Le  mois  le 
plus  chaud  est  mars  et  celui  où  la  température  est  la  plus  fraîche 
c'est  août.  La  température  la  plus  élevée  qu'on  y  ait  observée 
est  35°5  et  s'est  produite  pendant  le  mois  de  janvier  ;  le  minimum 
absolu  estll°6;  l'amplitude  extrême  de  la  variation  de  tempéra- 
ture estdonc  23°9.  Les  vents  qui  prédominent  sont  ceux  du  sud 
pendant  la  saison  des  pluies,  et  ceux  du  nord-est  pendant  le 
reste  de  l'année.  La  hauteur  de  pluie  annuelle  est  de  1  mètre  037. 
Le  mois  le  plus  pluvieux  est  mai  avec  0  mètre  193,  et  le  plus  sec, 
octobre,  avec  0  mètre  109. 

Suivant  les  observations  faites  à  Bah/'a,  par  12°58'  de  latitude 
sud,  pendant  les  années  1883-1888,  par  le  conseiller  Rozendo  A. 
Guimarâes,  professeur  à  la  faculté  de  médecine,  la  pression  baro- 
métrique moyenne  annuelle,  prise  à  64  mètres  d'altitude,  est  de 
755  millimètres  22,  et  réduite  au  niveau  de  la  mer  760  milli- 
mètres 83.  La  température  annuelle  est  de  26°01.  Le  maximum 
et  le  minimum  extrêmes,  31°5et21°0,  sont  notablement  peu  éloi- 
gnés. Les  mois  de  plus  forte  chaleur  sont  ceux  de  décembre, 
janvier,  février  et  mars,  dont  la  température  moyenne  diffère  peu 
et  se  maintient  au-dessous  de  28°.  Les  mois    les   plus  frais  sont 


CLIMATOLOGIE.  -15 

juin,  juillet,  août,  pendant  lesquels  la  température  moyenne  est 
de  24°  à  peu  près.  On  compte  par  an  li°2  jours  de  pluie  et  1°2 
d'orage.  La  hauteur   d'eau  annuelle  est  de  2  mètres  163 1.    La 

pluie  est  fréquente,  surtout  pendant  les  mois  de  mars,  avril, 
mai,  juin,  et  ensuite  pendant  ceux  d'octobre  et  de  novembre. 
Le  mois  le  plus  sec  est  février  avec  6  jours  et  demi  de  pluie  et 
une  hauteur  de  83  millimètres.  Pendant  les  mois  d'avril  à  sep- 
tembre, le  vent  oscille  autour  du  sud-est  et  pendant  le  reste  de 
l'année  autour  du  nord-est. 

San-Bento-das-Lages,  dans  la  province  de  Bahia,  siège  d'une 
Ecole  d'Agriculture  où  M.  Draenert  a  été  professeur  pendant 
longtemps,  et  où  il  a  fait  des  observations  suivies,  est  situé  par 
12°37'  sud.  La  moyenne  de  10  années  y  donne  comme  tem- 
pérature annuelle  2i°8.  L'oscillation  est  assez  faible  :  on  a 
±2°i  pour  juillet  et  26°7  pour  février,  mois  de  températures 
extrêmes.  L'humidité  relative  de  l'air  est  en  moyenne  de  74 
et  la  nébulosité  4.4.  Le  vent  dominant  pendant  la  saison  plu- 
vieuse souffle  du  sud  et  pendant  le  reste  de  l'année  du  sud- 
est.  On  compte  par  an  46  jours  d'orage  et  2053  millimètres 
de  pluie,  dont  la  majeure  partie  tombe  pendant  les  mois  d'avril  à 
juillet. 

2°  Le  sud  de  la  province  de  Bahia,  les  provinces  d'Espirito- 
Santo,  de  Rio-de-Janeiro,  et  une  partie  du  littoral  de  San-Paulo, 
ainsi  que  la  partie  orientale  de  Minas,  constituent  le  reste  de  la 
zone  sous-tropicale.  Cette  subdivision  est  caractérisée  par  le  fait 
que  les  pluies  y  prédominent  surtout  pendant  l'automne  et  l'été, 
c'est-à-dire  de  décembre  à  avril. 

On  n'a  pas  d'observations  suffisantes  sur  la  province  iïFspiriio- 
Santo,  mais  tout  porte  a  croire  que  sa  température  moyenne 
oscille  autour  de  24°. 

La  série  la  plus  complète  d'observations  qui  existe  au  Brésil, 
est  celle  de  Rio-de-Janeiro.  Les  premières  remontent  à  1781  et 
ont  été  faites  par  le  père  jésuite  Sanches-Dorta,  astronome  dis- 
tingué, qui  a  longtemps  séjourné  au  Brésil.  Après  bien  des  inter- 
ruptions au  commencement  de  ce  siècle,  on  a  recommencé,  avec 
la  fondation  de  l'Observatoire  impérial,  à  prendre  régulièrement 
note  des  observations  journalières  qui  forment  aujourd'hui  une 
série  de  37  ans.  D'après  toutes  ces  observations,  la  moyenne  de 
la  température  prise  à  l'ombre,  au  sommet  de  la  colline    du   Cas- 

\ .  Suivant  le  Professeur  Draenert,  2^395.  —  moyenne  de  5  années. 


46  LE     BRÉSIL     EN      1889. 

tello,  à  66  mètres  d'altitude,  est  de  23°5.  La  chaleur  est  à  son 
maximum  pendant  les  deux  mois  de  janvier  et  février,  dont  la 
température  moyenne  est  de  26°6  ;  à  partir  de  cette  époque,  elle 
baisse  jusqu'en  juillet,  où  elle  arrive  à  20°8.  La  température 
annuelle  la  plus  élevée  a  été  observée  en  18G8  et  a  donné  2i°8r 
tandis  que  Tannée  la  plus  fraîche  a  été  1882  avec  22°1. 

La  température  maximum  absolue  à  Rio-de-Janeiro  est  37°5 
et  a  été  notée  le  25  novembre  1883.  Elle  est  considérablement  plus 
faible  que  celle  de  Paris  qui  est  de  40°0  (en  1720  et  1765).  La 
température  la  plus  basse  à  Rio-de-Janeiro  est  10°2  (notée  le 
1er  septembre  1882).  Pendant  la  saison  chaude,  la  température 
s'élève  graduellement  depuis  le  lever  du  soleil  jusqu'au  moment 
où  la  brise  de  la  mer  du  sud-sud-est  commence  à  souffler,  c'est- 
à-dire  entre  midi  et  deux  heures.  Ace  moment,  il  n'est  pas  rare  de 
voir  le  thermomètre  baisser  brusquement  de  -4°  ou  0°.  Si,  par 
hasard,  en  raison  de  perturbations  atmosphériques,  la  brise  ne 
souffle  pas,  la  température  continue  à  monter  jusqu'à  plus  de  30°; 
c'est  pendant  ces  jours-là  qu'on  observe  les  températures  les 
plus  hautes,  dont  la  sensation  est  encore  augmentée  par  le  calme 
de  l'atmosphère.  Heureusement  les  orages  sont  très  fréquents  pen- 
dant les  mois  chauds  et  viennent  rafraîchir  l'atmosphère  em- 
brasée pendant  les  dernières  heures  delà  journée. 

Les  vents  dominants  sont  ceux  du  sud-sud-est,  et  du  nord- 
nord-ouest.  Le  sud-sud-est  commence  à  souffler,  comme  brise  de 
mer,  entre  onze  heures  et  une  ou  deux  heures,  suivant  la  saison, 
jusqu'après  le  coucher  du  soleil,  et  est  d'autant  plus  intense  que  le 
soleil  est  plus  proche  de  sa  plus  grande  excursion  australe.  Après 
la  tombée  de  la  nuit,  survient  habituellement  une  période  de 
calme,  fréquemment  entrecoupée  de  brises  folles,  qui  durent  pen- 
dant un  temps  excessivement  variable.  Après  ce  moment,  sur- 
vient le  vent  de  terre  qui  dure  jusqu'au  matin,  mais  avec  une 
intensité  beaucoup  moindre  que  celle  de  la  brise  de  la  mer. 
Quand  le  soleil  repasse  dans  l'émisphère  boréal,  les  vents  du 
sud-est  et  du  sud-sud-est  deviennent  moins  forts  et  moins  fré- 
quents, tandis  que  le  vent  du  nord-nord-ouest  se  renforce  et  se 
prolonge  parfois  jusqu'autour  de  onze  heures  ou  midi.  La  quantité 
de  pluie  qui  tombe  annuellement  à  Rio  est  de  1123  millimètres, 
dont  la  plus  grande  portion  se  manifeste  pendant  les  mois  de 
novembre  à  avril. 

On  note  104  jours  de  pluie  et  29  d'orages  par  an  ;  les  mois 
pendant  lesquels  ces  derniers  se  font  le  plus  sentir   sont  surtout 


CLIMATOLOGIE.  47 

ceux  de  janvier  et  de  février.  Les  orages  de  l'été  viennent  du 
nord-ouest-ouest  ou  sud-ouest  et  sont  toujours  précédés  d'une 
baisse  barométrique  sensible.  Les  pluies  qui  viennent  du  sud-est 
sont  accompagnées  de  vent  frais  et  fort  de  la  même  direction  ; 
elles  durent  quelquefois  plusieurs  jours  et  sont  signalées  par  une 
hausse  barométrique  qui  dure  aussi  longtemps  que  la  perturba- 
tion. Les  pluies  du  sud-est  sont  plus  fréquentes  pendant  la 
saison  sèche  que  pendant  le  reste  de  l'année,  tandis  que  le  con- 
traire se  produit  pour  les  orages  de  l'ouest,  qui  durent  générale- 
ment peu,  mais  se  répètent  fréquemment  pendant  les  mois  de 
décembre  à  mars.  La  grêle  est  très-rare  ;  on  l'a  toutefois  notée 
trois  ou  quatre  fois  pendant  ces  dix  dernières  années  ;  la  plus 
mémorable  chute  eut  lieu  en  1886. 

ASanta-Cruz,  par  30' de  longitude  ouest  de  Rio  etpar22°55'  de 
latitude  sud,  il  existe,  depuis  près  de  deux  années,  un  annexe 
de  l'observatoire,  situé  à  une  altitude  de  37  mètres.  La  tempé- 
rature moyenne  a  été,  pendant  l'année  1887  1,  de  22°24,  avec  un 
maximum  absolu  de  36°6  et  un  minimum  de  10°2.  Le  mois  le 
plus  chaud  fut  décembre,  et  le  plus  frais  juillet.  Le  nombre  de 
jours  de  pluies  a  été  de  116,  qui  ont  produit  1682  millimètres 
d'eau. 

Les  vents  y  sont  assez  variables,  et,  bien  que  la  localité  soit 
située  non  loin  de  la  mer,  et  qu'il  n'y  ait  pas  d'obstacles  à  la  cir- 
culation des  vents,  les  brises  diurnes  périodiques  ne  s'y  font  pas 
sentir,  bien  qu'elles  se  manifestent  d'une  façon  très  sensible  à 
plus  de  200  kilomètres  dans  les  terres,  sur  les  hauts  plateaux  qui 
avoisinentla  ville  de  Sorocaba,  dans  la  province  de  San-Paulo. 

Xoca-Friburgo,  dans  la  province  de  Rio-de-Janeiro,  ancienne 
colonie  suisse,  située  sur  les  contreforts  de  la  chaîne  de  Macahé, 
par  22°19'  de  latitude  sud,  et  à  2  minutes  de  longitude  à  l'est  de 
Rio,  jouit,  malgré  sa  faible  latitude,  d'un  climat  excellent,  grâce  à 
son  altitude  de  876  mètres.  Suivant  M.  Engert,  à  qui  l'on  doit 
4  années  d'observations,  la  température  annuelle  moyenne  est 
de  17°2  à  peine.  Pendant  le  mois  de  janvier,  le  plus  chaud  de 
l'année,  la  température  moyenne  ne  dépasse  pas  20°3  et  le  maxi- 
mum habituel  24°2.  Pendant  les  mois  de  juillet  et  d'août,  la  tem- 
pérature moyenne  tombe  à  14°  et  le  minimum  habituel  à  9°4.  Les 
températures  extrêmes  observées  sont  29°0  et  1°0.  La  pluie  se  fait 


\.  Pendant  cette  même  année  1887,  on  compta,  à  Rio-de-Janeiro,  145  jours 
de  pluie,  qui  produisirent  131omm6  d'eau. 


4S  LE     BRÉSIL     EN     18  89. 

sentir  surtout  d'octobre  à  mars  ;  sa  hauteur  pour  l'année  est  de 
13J  i  millimètres.  Le  mois  le  plus  pluvieux  est  celui  de  janvier,  et 
le  plus  sec  celui  d'août. 

La  ville  de  Queluz,  dans  la  province  de  Minas-Geraes,  nous 
offre  un  climat  analogue.  Placée  à  1.000  mètres  au-dessus  du 
niveau  de  la  mer,  sa  température  moyenne  est,  malgré  sa  latitude 
de  20°40',  inférieure  à  20°.  Le  mois  le  plus  chaud  est  encore 
janvier,  avec  22°8,  et  le  plus  frais  juillet  avec  15°8.  Le  maximum 
absolu  est  32°4  et  le  minimum  1°0  ;  l'amplitude  de  la  variation 
est  déjà  considérable.  La  quantité  annuelle  de  pluie  est  1461 
millimètres  qui  tombent,  pour  la  plus  grande  partie,  d'octobre 
jusqu'en  mars. 

Lagoa-Santa,  (19°40'  de  latitude),  notable  parle  séjour  qu'y  a 
fait  le  célèbre  naturaliste  Lund,  est  située  un  peu  au  nord-est 
de  Ouro-Preto,  capitale  de  la  province  ;  on  y  a  observé  une 
température  moyenne  de  20°5. 

La  Compagnie  anglaise  qui  exploite  les  mines  d'or  de  Morro- 
Velko,  situées  à  13  kilomètres  au  sud  de  Sabarâ3  possède  une 
série  de  25  années  d'observations  pluviométriques.  La  moyenne 
annuelle  est  de  1G37  millimètres,  et  la  quantité  annuelle  la  plus 
forte,  qui  correspond  à  l'année  1858,  2200  millimètres. 

La  petite  ville  d' Uberaba,  située  dans  l'ouest  de  Minas  à  une 
altitude  de  750  mètres  par  19°33'  de  latitude  sud,  nous  offre  un 
vrai  climat  continental.  Suivant  le  père  Germain  d'Annecy,  prêtre 
français  qui  y  a  longtemps  séjourné,  la  température  moyenne  y 
est  de  21°  et  le  minimum  de  2°5  au-dessous  de  zéro.  Cette  basse 
température  a  été  confirmée  par  les  observations  faites  par  le 
naturaliste  Martius  qui  déclare  qu'il  n'est  pas  très  rare  de  voir 
tomber  de  la  neige  dans  ces  contrées  qui  sont  pourtant  situées  à 
peine  sous  le  20°  parallèle  ;  et  par  celles  du  Dr  Julius  Hann  qui, 
dans  sa  Climatologie,  rapporte  que  dans  quelques  endroits  situés 
entre  Barbacena  (21°13'de  latitude)  et  Ouro-Preto,  un  abaissement 
extraordinaire  se  fit  sentir  en  juin  1870.  On  nota  une  tempéra- 
ture de  —  3°5  qui  dura  cinq  à  six  jours,  et  qui  à  Barbacena  (1000 
mètres  d'altitude)  descendit  jusqu'à  —  0°.  Le  même  auteur 
rapporte  aussi  que,  le  19  juin  1843,  il  y  eut  une  forte  chute  de 
neige  à  Ouro-Preto  par  20°28'  de  latitude  sud. 

Sur  la  Serra  de  Caldas,  à  une  hauteur  de  1.270  mètres,  entre 
les  provinces  de  Minas-Geraes  et  de  San-Paulo,  il  existe  une 
station  appelée  Cascata,  dont  la  latitude  est  de  21°53'.  Pendant 
l'année  1884  on  y  a  observé  une  température  de  40°0  au  mois  de 


CLIMATOLOGIE.  49 

janvier,  et  jusqu'à  0°0  en  juin  ;  l'amplitude  de  la  variation  est 
énorme,  eu  égard  à  la  latitude,  et  est  due  à  la  position  d<>  la 
localité  loin  de  la  mer.  La  température  moyenne  est  à  peu  près 
de  18°0  et  coincide  sensiblement  avec  la  température  du  mois 
d'avril.  La  hauteur  d'eau  annuelle  est  de  1  mètre  50. 

Toute  la  région  voisine  participe  à  peu  près  du  même  climat. 
A  Ribeirâo-Preto,pa,v  21010'  et  i°32' ouest  de  Rioetune  altitude  de 
520  mètres,  la  température  moyenne  est  de  20°.  Il  gèle  quelque- 
fois pendant  les  mois  de  juin  et  de  juillet. 

La  petite  ville  de  Casa-Branca  fait  exception  à  la  modération 
de  ces  températures  moyennes.  Bien  que  son  altitude  soit  de 
710  mètres  et  sa  latitude  de  21°47,  sa  température  moyenne  est 
de  23°  et  oscille  entre  9°  et  36°. 

La  ville  de  San-Paulo,  à  730  mètres  d'altitude,  capitale  de 
la  province  du  même  nom,  est  située  sur  le  plateau  qui  s'étend 
sur  le  côté  intérieur  de  la  Serra  do  Mar.  Par  la  position  de  cette 
chaîne,  et  parla  direction  du  vent  de  mer,  le  versant  extérieur 
est  extrêmement  pluvieux.  C'est  ainsi  qu'en  haut,  à  Alto  da  Serra, 
on  recueille  3577  millimètres  ;  et  à  Cubatào,  en  bas,  3613  milli- 
mètres de  pluie  annuelle  ;  tandis  qu'à  San-Paulo,  qui  se  trouve 
entièrement  au  delà  de  la  chaine,  sur  un  plateau  où  les  vents 
arrivent  à  demi  desséchés,  on  trouve,  suivant  M.  Joyner,  1500  mil- 
limètres. Suivant  le  même  observateur,  la  température  moyenne 
annuelle  oscillerait  peu  autour  de  17°0.  La  température  maximum 
habituelle  est  de  31°8  et  le  maximum  absolu  33°1.  Il  gèle  souvent 
pendant  les  mois  de  juin  et  de  juillet  ;  mais  la  température  la 
plus  basse  ne  s'éloigne  guère  de  0°.  La  température  minimum 
absolue,  observée  par  M.  Joyner,  est  seulement  —  1°0. 

Pendant  les  mois  d'octobre  à  décembre,  le  vent  de  mer  du 
sud-est  domine  ;  de  janvier  à  mars,  c'est  le  vent  de  terre,  le 
nord-nord-ouest  ;  et  pendant  le  reste  de  l'année  le  nord-est  et  le 
sud-est.  La  nébulosité  y  est  assez  forte  7.2,  ainsi  que  le  nombre 
des  jours  de  pluie  147,  et  des  jours  d'orages  68. 

Le  climat  de  San-Paulo,  ainsi  que  celui  des  hauts  plateaux  de  la 
province  du  même  nom  et  de  celles  de  Rio  et  de  Minas-Geraes, 
sert  de  transition  entre  celui  de  la  zone  sous-tropicale  et  celui  de 
la  zone  tempérée  douce.  Par  suite  de  l'altitude,  la  température 
s'abaisse  considérablement,  et,  par  ce  fait,  ce  climat  s'éloigne  de 
celui  de  la  zone  sous-tropicale,  mais  il  s'en  rapproche  par  la  pé- 
riodicité dans  la  distribution  de  la  pluie. 

III.  —  Le  sud  delà  province  de  San-Paulo  et  les  provinces  de 

4 


50  LE     BRÉSIL     EN     18  89. 

Paranâ,  Santa-Catharina  et  Rio-Grande-du-Sud  constituent  la 
troisième  grande  division  du  Brésil.  Ce  climat  est  un,  des  plus  beaux 
qui  soient  au  monde.  La  température  y  est  1res  douce,  et  la  moyenne 
s'y  conserve  toujours  au-dessous  de  .20°.  Les  froids  peu  intenses 
qui  se  produisent  pendant  le  mois  de  juillet  sont  aussi  favorables 
à  la  saule  dos  Européens  qu'au  développement  de  toutes  les 
cultures  de  l'Ancien  Monde.  Aussi  ces  provinces  ont-elles  été, 
avec  celle  de  San-Paulo,  presque  exclusivement  choisies  par  les 
émigrants  européens. 

La  saison  des  pluies  diffère  beaucoup  de  celle  des  autres 
régions  de  l'empire  ;  bien  que  les  observations  qu'on  possède 
n'embrassent  pas  une  période  suffisante  pour  faire  connaître 
avec  certitude  les  époques  annuelles  des  pluies,  on  peut  affirmer 
qu'elles  dominent  pendant  l'automne  ou  l'hiver,  dans  la  majeure 
partie  de  cette  zone.  Du  reste,  à  mesure  que  l'on  s'éloigne  de 
l'équateur,  la  transition  entre  la  saison  sèche  et  la  saison  hu- 
mide devient  moins  distincte,  tandis  que  l'amplitude  de  la  varia- 
tion de  température,  pendant  les  différents  mois,  augmente  cons- 
tamment. 

D'après  4  années  d'observations  faites  à  Joinville  (26°17'  lati- 
tude sud)  dans  le  sud  du  littoral  de  la  province  de  Santa- 
Catharina,  la  saison  des  pluies  comprendrait  le  printemps  et 
l'été,  tout  comme  dans  la  zone  continentale,  à  Cu}rabâ  par 
exemple.  Deux  années  d'observations  ont  fourni  comme  quan- 
tité de  pluie  annuelle  228  centimètres,  ce  qui  paraît  trop  consi- 
dérable. 

Sur  les  hauts  plateaux,  à  Lages  (27°  43'  latitude  sud  et 
987  mètres  d'altitude),  les  pluies  se  produisent  en  hiver,  ainsi 
qu'il  semble  résulter  de  la  courte  description  que  le  docteur 
Avé-Lallemant  nous  a  laissée  de  ce  climat  pendant  le  mois  de 
juin  :  «  En  m'éveillant  le  matin  (à  Lages)  les  carreaux  des  fenêtres 
étaient  recouverts  de  glace,  les  étangs  étaient  gelés  et  les 
champs  couverts  de  givre.  »  —  Les  orages  se  manifestent  même 
pendant  cette  période  de  froid  :  «  En  m'éveillant  le  matin,  écrit 
encore  M.  Avé-Lallemant,  le  tonnerre  se  faisait  entendre  avec  des 
roulements  prolongés  au-dessus  des  eu  -'iMos,  et  une  pluie  fine 
tombait  d'un  ciel  gris  et  monotone.  » 

Suivant  le  même  auteur,  la  grande  chute  de  neige  qui  se 
produisit  dans  le  municipe  de  Lages,  du  2G  au  30  juillet  1858, 
coûta  la  vie  à  plus  de  30.000  tètes  de  bétail.  Quand  il  traversa  la 
Serra-do-Mar,  au  mois  d'août,  depuis  Joinville  jusqu'aux  campos 


CLIMATOLOGIE 


51 


de  Paranâ,  il  ne  se  pas3a  pas  un  seul  jour  sans  orage  on  pluie, 
et  surtout  pendant  la  nuit. 

A  Coritiba  (25027'  de  latitude    sud  et  900  mètres  d'altitude) 

ainsi  que  sur  les  hauts  plateaux  de  Paranâ,  il  neige  fréquemment 
pendant  l'hiver.  Suivant  Schultz,  les  pluies  dominent  en  hiver 
dans  toute  la  province  de  Rio-Grande-du-Sud,  au  sud  de  luSerra- 
do-Espigaô  ;2T'-V  de  latitude).  Mais  des  pluies  fréquentes  et  pro- 
longées commencent  souvent  en  mai  (automne)  et  produisent  des 
crues.  Le  vent  du  sad-ouest,  qu'on  dénomine  minuano,  amène  fré- 
quemment des  pluies  occasionnelles,  avec  baisse  de  tempéra- 
ture. 

A  Palmeira  (27°45'  sud  et  580  mètres  d'altitude),  il  tomba 
pendant  le  mois  d'août  1879  de  5  à  6  centimètres  de  neige  ;  en 
même  temps  il  y  en  eut  10  centimètres  à  Passo-Fundo  (28°28'  sud) 
et  jusqu'à  l'énorme  quantité  de  80  centimètres  à  Vaccaria  (28033'). 
Plus  au  sud,  à  San-Leopoldo  et  à  Santa-Cruz,  il  neige  quelquefois 
à  100  mètres  d'altitude.  Dans  la  ville  de  Rio-Grande,  il  en  est 
tombé,  pendant  la  nuit  du  9  au  10  août  1885,  une  épaisseur  de 
7  centimètres,  ainsi  que  12  centimètres  à  Bagé,  et  22  centimètres 
à  Cassimbinhas.  La  grêle  est,  paraît-il,  assez  fréquente,  surtout 
pendant  l'été. 

La  quantité  annuelle  de  pluie  qui  tombe  à  Bio-Grande  (32°6' 
de  latitude  sud),  ville  de  cette  province,  est  assez  faible.  Les 
observations  de  M.  Loppo  Netto,  ingénieur  du  port,  donnent 
911mm,6,  dont  le  maximum  se  produit  nettement  pendant  les 
mois  d'automne,  d'hiver  et  de  printemps.  Pendant  les  mois 
d'été,  il  en  tombe  fort  peu,  177  millimètres;  tandis  que  les 
autres  saisons  donnent  :  automne,  230  millimètres;  hiver, 
269  millimètres  et  printemps  235  millimètres.  Les  nombres  de 
jours  de  pluie  de  chaque  mois  diffèrent  peu,  ce  qui  indique  que 
les  pluies  d'été  sont  passagères,  au  lieu  que  celles  d'hiver  durent 
souvent  plusieurs  jours. 

La  période  de  1877  à  1885  a  fourni  une  température  moyenne 
annuelle  de  18°8,  avec  un  maximum  absolu  de  32°4,  arrivé  pen- 
dant le  mois  de  janvier  1884,  et  un  minimum  de  +  1°0,  en  juin 
1885.  Les  vents  qui  soufflent  dans  cette  localité  sont  extrêmement 
variables,  et  viennent  de  toutes  les  directions  ;  on  peut  toutefois 
noter  une  certaine  prépondérance  des  vents  d'est-nord-est, 
-est  et  sud-ouest. 

Les  quelques  données  climatologiques  que  l'on  possède  sur 
les  autres  stations  de  la  région  tempérée  douce  du  Brésil,  ont  et 


52  LE     BRÉSIL     EN     1889. 

recueillies  dans  l'ouvrage  du  docteur  Lange  Sud-Brasilien,  dont 
nous  les  extrayerons. 

La  ville  de  Coritiba,  capitale  de  la  province  de  Parana,  est 
située  par  25°27'  de  latitude  sud  et  une  altitude  de  900  mètres. 
Des  observations  faites  par  M.  Keller  lui  attribuent  une  tempé- 
rature moyenne  de  19°92,  avec  des  extrêmes  de  —  4°4  et  37°8. 

kJoinville,  par  26°19',  le  docteur  0.  Dorfell  a  trouvé  20°G  et 
une  oscillation  comprise  entre  4°0  et  33°0. 

La  colonie  allemande  de  Nova-Petropolis,  située  dans  la  pro- 
vince de  Santa-Catharina,  a  une  température  de  19°1,  avec  des 
températures  extrêmes  de  2G°8  en  décembre,  et  o°9  en  juin.   ' 

Le  docteur  Blumenau,  fondateur  de  la  colonie  qui  porte  son 
nom  (26°55'  sud),  y  a  fait  des  observations  pendant  de  nombreuses 
années.  La  température  moyenne  est  relativement  élevée.  Les 
températures  extrêmes  habituelles  sont  31°0  et  8°0.  On  compte 
par  an  113  jours  de  pluie  et  41  jours  d'orages.  La  pluie  tombe 
d'une  façon  irrégulière  à  peu  près  pendant  toute  Tannée,  au 
lieu  que  les  orages  sont  localisés,  surtout  pendant  les  mois  de 
novembre  à  mars. 

Les  observations  faites  par  M.  Beschoren  à  Passo-Fundo 
(28°28'  sud  et  altitude  628  mètres)  pendant  l'année  1881,  donnent 
une  température  de  17°1,  avec  des  extrêmes  de  34°4  et  0°0. 

Le  village  de  Taquâra,  au  confluent  du  rio  Santa-Maria  et  du 
rio  des  Sinos,  présente,  suivant  M.  Lange,  une  température 
moyenne  de  18°7,  ainsi  distribuée  :  été,  23°7  ;  automne,  19°4  ; 
hiver,  14°1  ;  printemps,  17°8,  avec  113  jours  de  pluie  distribués 
à  fort  peu  près  également  sur  toute  Tannée. 

Sunla-Cruz.  par  29°451  sud,  donne  une  température  annuelle 
de  19°2  avec  30°  comme  maximum  et  0°  comme  température 
minimum  absolue.  On  y  compte  115  jours  de  pluie  contre  Ï203  de 
beau  temps. 

La  ville  de  Pelotas  est  une  localité  importante  de  la  province 
de  Rio-Grande  ;  elle  est  située  à  31046'  de  latitude  sud.  La  tem- 
pérature moyenne  est  de  17°2.  Le  mois  le  plus  chaud  est  janvier 
avec  24°4  et  le  plus  frais  juin.  La  température  la  plus  basse 
observée  pendant  ce  mois  est  —  0°5  et  pendant  le  mois  de  juillet 
-+-  0°2.  La  température  la  plus  élevée,  37°5,  est  arrivée  au  mois 
de  janvier.  On  compte  33  jours  d'orages  et  83  de  pluie.  Le 
régime  des  vents  est  très  variable,  et  on  ne  saurait  guère  y  noter 
de  vent  périodique. 


CLIMATOLOGIE.  53 

Vents  dominants  sur  les  côtes  du  Brésil.  —  Les  vents 
alises  de  l'Atlantique  Sud  paraissent  se  mouvoir  en  spirale  di- 
vergente autour  d'un  centre  qui  se  mouvrait  lui-même  dans  le 
triangle  formé  par  les  îles  de  Sainte-Hélène,  Tristan-da-Cunha, 
et  Trinidade,  suivant  la  saison  de  Tannée. 

Ce  centre  est  formé  par  une  aire  de  haute  pression,  d'où  les 
vents  divergent  en  exécutant  une  révolution,  en  sens  opposé  à 
celui  de  la  rotation  des  tempêtes,  sous  la  même  latitude,  c'est- 
à-dire  en  tournant  dans  le  sens  contraire  des  aiguilles  d'une 
montre. 

Au  mois  de  janvier,  ce  centre  se  trouve  à  peu  près  à  moitié 
chemin  entre  Tristan-da-Cunha  et  Sainte-Hélène  ;  et  les  vents 
qui  soufflent  au  nord  de  sa  position  vont  jusqu'à  l'équateur  avec 
la  direction  sud-est.  A  mesure  que  l'on  s'approche  du  Brésil, 
cette  direction  change  peu  à  peu,  en  passant  par  l'est  autour  de 
Bahia,  par  le  nord-est  près  de  Rio,  et  par  le  nord  à  la  latitude 
de  l'estuaire  du  Rio  de  la  Plata.  On  dénomine  ces  vents:  alises 
du  sud-est  et  du  nord-est,  suivant  la  direction  d'où  ils  vien- 
nent, et  qui  ne  varie  que  peu  durant  toute  l'année.  Pendant  les 
mois  de  forte  chaleur,  les  alises  du  sud-est  s'arrêtent  à  l'équa- 
teur, mais  pendant  les  mois  de  juin,  juillet,  août,  septembre, 
ils  pénètrent  dans  l'hémisphère  nord  jusqu'au  delà  du  10e  pa- 
rallèle. 

Pendant  cette  saison,  le  centre  de  haute  pression,  qui  leur 
donne  naissance,  s'est  déplacé  du  côté  du  Brésil  et  se  trouve 
alors  à  peu  près  à  mi-distance  entre  Trinidade  et  Tristan-da- 
Cunha. 

A  Rio-de-Janeiro,  on  note,  comme  nous  l'avons  vu,  deux 
vents  dominants  :  le  sud-sud-est  pendant  l'été,  et  le  nord- 
nord-ouest  pendant  l'hiver  ;  tandis  que,  au  large  et  sous  la  même 
latitude,  le  vent  vient  de  l'est.  La  raison  de  cette  apparente 
divergence  provient  de  ce  qu'à  Rio,  la  brise  journalière  pério- 
dique est  très-puissante,  et  que  le  vent  qu'on  y  observe  est  la 
résultante  de  cette  brise  et  de  l'alise  du  large.  La  brise  de  mer 
qui  souffle  tous  les  jours,  mais  dont  l'intensité  varie  fortement 
avec  la  déclinaison  du  soleil,  devrait  venir  normalement  à  la 
direction  de  la  côte,  c'est-à-dire  du  sud  ;  mais  comme  l'alise 
souffle  du  nord-nord-est,  il  en  provient  un  vent  qui  souffle  sui- 
vant la  résultante  géométrique  des  deux  composantes;  cette 
direction  peut  varier  elle-même  suivant  l'intensité  des  deux 
vents  primordiaux. 


54  LE     BRÉSIL     EN      1889. 

Quand,  après  le  coucher  du  soleil,  la  brise  de  terre  se  lève, 
comme  sa  direction  est  presque  opposé  à  celle  de  l'alise,  il  en 
résulte  des  calmes  ou  des  vents  qui  peuvent  prendre  une  direc- 
tion très  oblique  relativement  à  celle  des  composantes  ;  et, 
comme  celles-ci  sont  à  peu  près  opposées,  la  résultante  doit  en 
être  très  faible,  comme  le  démontre  l'observation  journalière  qui 
donne  des  vitesses  de  10  à  12  mètres  par  seconde  pour  le  sud- 
sud-cst,  contre  2  ou  3  mètres  pour  le  vent  de  terre. 

Les  orages  sont  fréquents  sur  la  côte  du  Brésil  et  sont  accom- 
pagnés d'un  grand  développement  d'électricité.  Heureusement 
ils  sont  à  peu  près  inoffensifs,  et  les  vrais  cyclones  y  sont  aussi 
rares  qu'ils  sont  communs  à  la  latitude  correspondante  de  l'hé- 
misphère nord. 

Toutefois  il  existe  dans  le  sud  des  vents  dangereux,  qui  sont 
bien  connus  sous  le  nom  de  pamperos,  et  qui  ont  été  décrits 
depuis  longtemps  par  l'amiral  Fitzroy.  Ces  vents,  qui,  comme 
leur  nom  l'indique,  viennent  des  Pampas  ou  plaines  des  districts 
delà  Plata,  qui  ont  des  milliers  de  kilomètres  carrés,  sont  pré- 
cédés par  de  fortes  chaleurs,  par  des  vents  modérés  et  variables, 
par  des  éclairs  et  quelquefois  par  l'arrivée  de  bandes  d'insectes. 
Des  nuages  se  massent  dans  le  sud-ouest,  et  deviennent  chaque 
fois  plus  denses,  en  même  temps  que  le  tonnerre  se  t'ait  continuel- 
lement entendre  au  loin.  Le  vent  souffle  alors  avec  furie  du 
sud-ouest,  et  dure  ainsi  quelquefois  pendant  plusieurs  jours. 

Un  autre  genre  de  vent  qui  est  plus  rare,  mais  aussi  plus 
dangereux,  c'estle  sud-est  qui  souffle  quelquefois  en  tempête  et 
jette  alors  les  navires  à  la  cote  qui,  dans  cette  région,  n'offre  que 
peu  de  ports  et  encore  ces  ports  sont-ils  d'accès  difficile. 

Gomme  conclusion,  on  peut  dire  que  le  Brésil  présente  à 
l'Européen  :  une  zone  chaude  qui  ne  lui  est  pas  très  propice;  une 
seconde  zone,  où,  avec  une  hygiène  bien  entendue,  il  peut  facile- 
ment s'adapter;  et  une  treizième  zone  où  il  n'a  besoin  d'au- 
cune acclimatation,  car  il  y  trouve  le  plus  beau  et  le  plus  sain 
des  climats. 

Cette  dernière  partie  comprend  toute  la  zone  tempérée  douce, 
ainsi  que  les  hauts  plateaux  de  San-Paulo,  de  Minas-Geraes  et  de 
Rio-dc-Janciro. 


CLIMATOLOGIE.  55 


BIBLIOGRAPHIE 

Meteorologiscke  Zeitschrift,  herausgegeben  von  der  œsterreis- 
chen  Gesellschaft  fur  Météorologie  und  der  deutschen  meteoro- 
logischen  Gesellschaft, redigirt  von  DM.  Hann  und  Dr  W.  Koppen. 

—  Berlin. 

Dr  Julius  Hann.  —  Climatologie.  —  Wien. 

Revista  do  Impérial  Observatorio .  —  Rio-de-Janeiro. 

Revista  da  Sociedade  de  Geograpkia.  —  Rio-de-Janeiro. 

Revista  de  Engenharia.  —  Rio-de-Janeiro. 

Wappàus.  —  Geograpkia  Physica  do  Brazil.  —  Rio-de- 
Janeiro.  1884. 

Prof.  Draenert.  —  Die  Vertheilung  der  Regenmengen  in  Brasi- 
lien.  —  In  der  «Meteorologische  Zeitsçhrift».  — September  188G. 

Prof.  F.  M.  Draenert.  —  Das  Kùsienhlima  der  Provinz  Per- 
nambuco.  —  Meteorologische  Zeitsçhrift.  —  April  1887. 

Viagem  ao  redor  do  Brazil,  pelo  Dr  Joâo  Severiano  da  Fonseca 

—  2  vol.  Rio-de-Janeiro,  1881. 

Dr  Henry  Lange.  —  Sùdbrasilien.  —  Leipzig,  1885. 

Mappa  das  Observaçôes  meteorologicas  da  Bahia,  pelos  Drs  Con- 
selheiro  Rozendo  A.  Guimarâes  et  Pedro  da  Luz  Carrascosa. 

José  Pompeu  de  A.  Gavalcanti.  — ■  0  Ceard  em  i  8  87.  — Cho- 
rographia  da  provincia  de  Cearà.  — Rio-de-Janeiro.  —  Imprensa 
Nacional,  1888. 

Rulletin  quotidien  du  Service  Météorologique  de  V Empire  eu 
Brésil,  contenant  les  observations  simultanées,  exécutées  chaque 
jour  à  9  heures  7  minutes  du  matin  (temps  moyen  de  Rio-de- 
Janeiro  ,  ou  midi  de  Greenwich,  dans  les  stations  météorolo- 
giques du  service  des  Télégraphes  de  TÉtat,  dans  celles  des 
chemins  de  fer  de  Dom  Pedro  II,  dans  celles  de  la  Commission 
Géographique  et  Géologique  de  la  province  de  San-Paulo, 
et  de  diverses  compagnies  et  usines,  —  et  centralisées  à 
l'Observatoire  Impérial   de  Rio-deManeiro. 

The  Weather  Book,  by  rear  admirai  Fitz-Roy.  —  1  vol.  Lon- 
don,  1863. 

Atlas  der  Météorologie,  bearbeitet  von  Dr  J.  Hann.  Gotha,  1887. 


5G 


LE  B  H  KSI  L  EN   188  9. 


HAUTEUR  DE  PLUIE  ANNUELLE 


ET    TEMPÉRATURES    MOYENNES,    MAXIMUM    ET    MINIMUM,   DE  PLUSIEURS  POINTS 
DE     L'EMPIRE     DU     BUÉSIL. 


local m;  s 


-do-Maranh 


San  Lui 

Fortaleza 

Quixeramobim 

Amarante 

Recife 

Colonia  da  Victoria. . . . 

Colonia  Isabel 

Sào  Bento  das  Lages. . 

Babia 

Queluz  di1  Minas 

Ribeirùo  Preto 

Casa-Branca 

Cascata 

Nova-Friburgo 

Rio-de-Janeiro 

Santa-Cruz 

Sâo-Paulo 

Colonia  Nova-Petropolis 

Coriliba 

Colonia  Blumenau 

S.  Antonio-da-Palmeira 

Passo-Fundo 

Taquara  

Santa  Cruz 

Pelotas 

Rio  Graude  do  Sul. . . . 


3 
161 
229 

30 
ci 
» 

520 

710 
1270 

876 
06 
2b 

730 
» 

900 


(.2s 


1875 
16 


1 
<s 

G     £ 
10 

5 

3     l 

3/4 

3  4 

3  1 

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35 

1 

5 

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27°  r 

26  <i 
29  3 

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23  7 

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23  5 
18  0 
17  2 

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22  2 
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1U  1 
17  D 

21  4 
1S  0 


33°  81 

33  6 

35  5 

37  3 

3!)  0 

35  5 


31     0 

30  0 
40  0 
20     0 

37  5 
36     0 

33  1 
» 

38  0 
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34  0 

31  4 


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24  8 

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16  3 

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11  5 

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0  0 
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1  0 
10  2 

19  2 
-0  9 

5  9 
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0  0 

» 

0  0 
-0  5 

1  0 


-  = 


2155 
1500 


790 


2053 
2103 
1  ICI 
GOO  0 
1000 
1300 
1311 
1126 
4682 
15C0 


1512 


1066 

912 


AUTORITES 


Moraes  Rego. 
Pompeu. 
Pompeu. 
B.Franklin. 
Met.  Zeits*. 
Met.  /.(-Us. 
Met.  Zcils. 
Ilozendo  Gui  marées 
i)1  H.  de  Almeida 

Observations 

du 
chemin  de  fer. 
C.  Engert. 

Observatoire 
Impérial 
Met.  Zeits. 

Dr  Lange. 
!)>■  Lange. 
I)1  Lange. 
Met.  /cits. 
D'  Lange. 
!)•  Lange. 
!>'■  Lange. 
IK  L.  Netto. 


1.  Abréviation  de  Meteorologische  Zeitsclirift. 


CLIMATOLOGIE. 

DISTRIBUTION   DE   LA   PLUIE   AU   BRÉSIL 

SUIVANT  LE  PROFESSEUR  M.  F.  DRAENERT 


57 


PLUIES    D'ÉTÉ   ET    D'AUTOMNE 


1*1-1  1K    KN    Mll.l  imi:  nu:' 


Latitude  S 

Longitude  W  de  Greenwich. 

AlUtude  

Années  d'observations 

Décembre 

.l;m\  ier 

Février 

Mars 

Avril 

Mai 

Juin 

Juillet 

Août 


Septembre 
Octobre.. . 
Novembre. 

Année  .... 


Eté 

Automne. 

Hi\  er.  .  .  . 

Printemps 


Rio  de  Janeiro 

Santos. 

Alto 
da  Serra 

Cubatào. 

San-Paulo. 

22    51 

43       8 
06  m. 

29 

23     56 

40     17 

15 

23     45 
46     30 

800  ni. 
15  a. 

23     36 

40     30 

729  m. 

4 

127.4 

116.4 

96 .  î 

252.3 
314.4 

352.3 

354.6 
466.8 

459.0 

495.9 
383.5 
231.3 

105.5 
103.X 

78.1 

319.5 

209.2 
135.0 

382.8 
391.5 
182.1 

131.4 

107.3 

51.0 

49.4 
30.0 
•49.9 

140.2 
120.2 
104.9 

215.1 

208.5 
190.9 

74.7 
42.7 
18.2 

52.7 
75.2 
83.1 

113.0 
150.2 
171.2 

220.2 
251.8 
241.4 

88.0 

60.9 

100.2 

974.6 

2503.0 

3576.7 

1504.1 

340.5 

287.4 
135.9 
210.8 

919.0 
724.3 
365.3 
404.4 

1280.4 
956.4 
620.5 

719.1 

810.7 
292.7 
135.0 
255.1 

PLUIE   DE   PRINTEMPS   ET  D'ÉTÉ 


PLUE    EN    MILLIMETRES 


Latitude 

Longitude  W  de  Greenwich 

Altitude 

Années  d'observations 

Décembre 

.1  a 1 1 \  ier 

Février 

Mars 

Avril 

Mai 

Juin 

Juillet 

Août 

Septembre 

Octobre 

Novembre 

Année 

Elé 

Automne 

Hiver 

Printemps 


G 

43     30 

121  m. 

1 

80.8 
219.0 
109.8 

231.4 

81.4 
55.4 

0.0 
0.0 
0.0 

0.0 
93.8 
91.0 

905.6 

409.6 

371.2 

0.0 

181.8 


Uberaba. 

S      « 

o  — 

Congo- 
Soco. 

Itabira 

do 
Campo. 

19    33 

48      5 

750  m. 

3 

19    47 

44    19 

695  m. 

25 

19    58 

43    33 

1090  m. 

2 

20    15 
13    55 
833  m. 

1 

211.3 
308.3 
321.3 

390.0 

299 

221 

369.6 
604.3 
537.7 

232.9 
222.9 
277.1 

142.3 

109.3 

31.3 

192 
58 
5a 

253.0 
172.0 

57.9 

150.3 
60.0 
14.0 

25.0 
13.7 
29.3 

15 
11 
13 

55.1 
34.0 
20.3 

0.0 
0.0 
0.0 

59.7 
137.3 
172.0 

53 
121 

231 

93.2 
169.7 

673.5 

125.3 

108.7 
112.3 

1560.8 

1637 

2939.3 

1303.5 

840.9 

282.9 

68.0 

369.0 

910 

280 

39 

408 

1511.6 
4  2.9 
109.4 
836.4 

732.5 

224.3 

0.0 

346.3 

Queluz. 


20  40 

44     17 

982  in. 

1  2/3 

t  339.1 
301.7 
303.1 

94.5 
29.2 
31.2 

12.0 
22.3 
19.5 

109.0 

87.5 
101.0 

1453.1 
913.9 
154.9 

3C0.5 


58  LE     BRÉSIL     EN     1880. 

DISTRIBUTION   DE   LA   PLUIE  AU   BRÉSIL 

SUIVANT  LE  PROFESSEUR  If.  F.   DRAENERT 

PLUIES  D'ÉTÉ  ET  D'AUTOMNE 


l'Ll'lE    E.N     MILLIMETRES 


Latitude  S 

Longitude  W  de  tireenwicl 

Altitude 

Aimées  d'observations 

Décembre 

.Ian\  ici- 

Février 

Mars 

Avril 

Mai 

Juin 

Juillet 

Août 

Septembre 

Octobre 

Novembre 

Année 

Eté 

Automne 

Hiver 

Priotemps  


Par; 
Belei 


1    21 
48    3" 


58, 
105. 
269. 

291. 
307. 

25(3. 

133. 
82. 

77. 

52. 
17. 


1788.' 

439.! 

858. 
294." 
142.: 


san-Luiz-do- 
Maranhào. 


2    31 

45    1 

4  m. 

2 

23.2 

82.0 

237.5 

1010.2 
435.9 
376.5 

196.0 

37. 5 
35.0 

5.4 
0.0 

0.0 

2470.2 

313.7 

lN.V2.li 

208.4 
5.4 


Fortaleza 

(Cearâ). 


3    41 

38   31 

28 

38.6 

08.0 

200.0 

291.0 

372.6 
276.8 

137.5 
48.9 
15.3 

12.7 
14.3 
14. 


1491 

307 
941 

201 
41 


PLUIES  D'AUTOMNE  ET  D'HIVER 


PLUIE    EN    MILLIMÈTRES 


LatitudeS 

Longitude  W  de  Greenwich 

Altitude 

Années  d'observations 

Décembre 

Janvier 

Février 

Mars 

Avril 

Mai    

Juin 

Juillet 

Aoûl  

Septembre 

Octobre 

Novembre 

Année 

Eté 

Automne 

Hiver  

Printemps  


Pernambuco 
(Santo- 
Antonio.) 

8     4 

34    51 

3  m. 

8 

51.8 
109.8 
151.9 

150.3 
277.3 
37S.7 

586.4 
718.1 

32H.1 

173.1 
26.0 
28.9 

2972.7 

313.5 
805.6 
1624.6 
228.0 

Vicie 


35    27 
101  m. 


8 1 . 5 
50.2 

101.1 
156.2 
125.3 

112. s 
170.2 
103.8 

48.8 
L0.9 
21.9 

1050.5 

109.5 
382.6 
416.8 

81.0 


C  o  1  o  n  i  a 
Isabel. 


s  45 
35  12 
loi  m. 

0  1  2 

25.9 
36.1 
46.6 

Il  il  7 
193.0 

144.8 

153.7 
124.9 

19.9 
19.2 
19.5 

1037.0 
10s.(i 
115.  I 
424.4 

88. G 


Sào  Rcnlo 

das 

Lages. 


12  37 
38  40 
30   m. 


107.7 
10!). 7 
400.9 

275.2 

305.  I 

208.7 
111.7 
si  s 
132.3 
112.5 

2179.5 

258.3 
845.8 
715.8 

359.0 


Bahia. 


12    58 

38    30 

05  m. 

5 

1  0.6 

00.3 

101.4 

178.2 
129.7 

400.7 

319.9 
25 1 . 5 
135.2 

89.8 

100.3 
200.2 

2391.8 

268.3 

KH5.6 

709.6 

402.3 


CLIMATOLOGIE. 


59 


HAUTEUR    ANNUELLE    DE    PLUIE 


EN    PLUSIEURS    POINTS    DU    BRÉSIL,    SUIVANT    M.    F.   DRAENERT, 


LOCALITES 


Serra  de  Cubatào,  à  San-Paul 

Pernambuco 

Gongo-Soco    Minas) 

Santos 

Bahia 

Sanlo  Antonio  (Rio  Madeira) 

Sâc  Bento  das  Liages 

Para 

Sahara 

Dberaba 

Manaos 

Itabira  do  Campo 


HAUTEUR 

NOMBRE 

DE    PLUIE 

d'années 

1)1 1  Ul  111  - 

3580 

15 

2970 

6 

2940 

2 

2500 

15 

2390 

5 

2320 

1 

2180 

5 

1790 

4 

1640 

25 

1560 

3 

1400 

1 

1300 

1 

TEMPÉRATURES    MOYENNES 


DE    PLUSIEURS    POINTS    DU    BRÉSIL,    SUIVANT   M.  F.   DRAENERT. 


LOCALITES 


Para 

Manaos 

Sanlo  Antonio  (Rio  Madeira) 

Santa  Anna  do  Sobradinhoo  (Rio  S.  Francisco) 

Sâo  Lento  das  Lages 

Gongo  Soco 

Sâo  Paulo  

Joinville 

Lagoa  Santa  

Palmeira 

Santa  Cruz 

Taquara 

Coriliba 


TEMPÉRATURE 

ANNUELLE 

NOMBRE 
d'années 

27.0 

26.1 
26.0 
26.8 
24.8 
19.8 
19.1 
20.6 
20.5 
18.2 
18.9 
18.7 
17.0 

4  1/2 
5/6 
1 

3  1/2      . 

10 
1 

3 

8 

1  1/2 

3 

1 

CHAPITRE  IV 

MINÉRALOGIE 

Par     M.    HENRI     GORCEIX 


Le  Brésil,  depuis  le  dix-septième  siècle,  a  toujours  été  connu 
comme  l'un  des  pays  producteurs  des  deux  matières  les  plus  pré- 
cieuses :  l'or  et  le  diamant.  Pendant  près  de  deux  siècles,  il  n'a 
pas  cessé  d'en  exporter  des  quantités  considérables.  La  découverte 
de  l'or  coïncide  presque  avec  celle  du  pays,  et  c'est  à  la  recherche 
de  ce  métal  qu'on  doit  l'exploration  d'une  grande  partie  de  ce 
vaste  empire  par  des  aventuriers  qui  ont  parcouru  bien  des 
régions  encore  aujourd'hui  incomplètement  connues,  et  dont  les 
richesses,  à  peine  entrevues  par  eux  et  indiquées  dans  leurs 
routiers,  sont  passées  à  l'état  de  légendes.  Mais  si  les  mines  d'or 
et  de  diamants,  auxquelles  cette  partie  du  Nouveau  Monde  doit 
sa  réputation  de  richesse,  sont  jusqu'à  présent  les  seules  qui 
aient  donné  lieu  à  de  grandes  exploitations,  il  en  est,  comme  celles 
du  fer,  dont  l'importance  est  peut-être  plus  grande  encore  pour 
le  pays,  et  d'autres  dont  la  découverte  s'effectue  tous  les  jours 
à  mesure  que  le  sol  est  mieux  connu. 

Les  substances  minérales  dont  on  connaît  au  Brésil,  avec  cer- 
titude, des  gisements  exploitables  ou  exploités,  sont  :  le  diamant, 
l'or,  le  fer,  le  cuivre,  le  manganèse,  le  plomb  argentifère  ;  les 
pierres  précieuses  colorées  :  améthystes,  topazes,  cymophanes, 
béryls,  grenats,  tourmalines,  quartz  et  agate;  le  mica;  les  pierres 

1.  Directeur  de  l'École  des  Mines  d'Ouro-Preto,  Chevalier  de  la  Légion 
d'honneur,  ancien  élève  de  l'École  Normale  Supérieure  de  Paris,  agrégé  de 
l'Université  de  France,  lauréat  de  l'Institut  de  Franee. 


G2  LE     BRÉSIL     EN      1889. 

ollaires,  les  marbres,  L'amiante  ;  les  combustibles  minéraux,  le 
schiste  bitumineux,  le  graphite,  le  salpêtre. 

Seuls  l'or,  le  diamant,  les  pierres  colorées,  le  quartz,  l'agate 
et   le  mica  donnent  lieu  à  un  commerce  d'exportation. 

Je  ne  m'occuperai  avec  détails  que  des  mines  en  exploitation. 
Toutefois,  avant  de  jeter  un  coup  d'œil  rapide  sur  les  ressources 
que  le  sol  du  Brésil  offre  à  l'industrie  extractive  et  à  la  métallurgie, 
je  tiens  à  rappeler  en  quelques  lignes  les  grands  traits  de  l'oro- 
graphie et  de  la  géologie  du  Brésil,  tels  qu'ils  ont  été  fixés  par 
le  savant  géologue  Derby  dans  deux  petites  cartes,  l'une  hypso- 
métrique,  l'autre  géologique,  qui  accompagnent  les  notices 
publiées  par  lui  sur  ce  sujet  clans  le  Traité  de  Géographie  de 
Wappaeus,  et  qui  sont  reproduites  ici. 

Le  vaste  plateau  qui  constitue  la  plus  grande  partie  du  pays 
est  séparé  de  la  côte  par  une  grande  chaîne  de  montagnes  qui 
s'en  écarte  plus  ou  moins  au  nord  et  au  sud.  Ce  plateau  peut 
bien  même  être  divisé  en  une  série  de  plaines  élevées,  séparées 
par  de  profondes  dépressions  de  peu  de  longueur.  Sur  la  cote, 
depuis  le  cap  San-Roque  jusqu'à  la  province  de  Rio-Grande-du- 
Sud  et  pénétrant  longuement  dans  l'intérieur,  domine  une  puis- 
sante formation  de  roches  sans  fossiles  appartenant  à  la  série  la 
plus  ancienne  de  terrains  géologiques:  gneiss  granitiques,  micas- 
chistes, amphibolitoschistes  et  tout  un  groupe  de  roches  méta- 
morphiques, schistes  micacés,  quartz  micacés,  chistes  chlori- 
teux,  argileux,  itabirites.  —  Ces  derniers,  formés  essentiellement 
de  quartz  et  d'oligiste,  se  transforment  souvent,  par  la  disparition 
presque  complète  du  premier  de  ces  minéraux,  en  puissantes 
couches  de  minerais  de  fer  d'une  grande  pureté.  On  y  rencontre 
fréquemment  des  couches  de  calcaire  cristallin,  fournissant  ou 
de  la  pierre  à  chaux  d'excellente  qualité  ou  des  marbres  blancs 
et  de  couleurs  variées,  très  propres  à  l'ornementation,  et  de 
nombreux  dykes  de  roches  éruptives,  diabases,  porphyrites 
augitiques,  diorites,  foyaites,  phonolithes,  etc.  Les  gneiss,  micas- 
chistes, amphibolitoschistes,  formant  la  division  inférieure,  cor- 
respondraient au  laurentien  des  géologues  américains  ;  les 
quartz  micacés  (itacoloumites).  schistes  chloriteux,  micacés,  ita- 
birites, au  huronien  des  mêmes  géologues.  Ces  terrains  forment 
une  grande  partie  du  sol  des  provinces  de  Bahia,  Espirito-Santo, 
Rio-de-Janeiro,  Goyaz,  San-Paulo,  Paranâ,  Santa-Catharina,  Rio- 
Grande-du-Sud,  et  se  retrouvent  certainement  dans  toutes  les 
autres. 


MINÉRALOGIE.  63 

Les  terrains  palœozoïques  fossilifères,  dont  la  découverte  est 
surtout  due  aux  travaux  des  géologues  Hartt,  Derby  et  des 
membres  de  l'expédition  scientifique  d'Agassiz,  forment  une 
série  de  bassins,  dont  l'étude  est  à  peine  commencée,  dans  les 
provinces  de  l'Amazone,  Para,  San-Paulo,  Paranâ,  Santa-Catha- 
rina,  Rio-Grande-du-Sud;  ils  s'étendent  probablement  dans  celles 
de  Minas-Geraes,  Goyaz,  Matto-Grosso. 

Les  terrains  silurien,  devonien  et  carbonifère  y  sont  repré- 
sentés. Le  carbonifère  marin  a  fourni  de  très  nombreux  fossiles 
dans  les  provinces  de  l'Amazone,  de  Para  et  de  Paranâ;  c'est  à 
cet  horizon  géologique  qu'appartiennent  les  dépôts  de  combus- 
tible découverts  à  San-Paulo,  à  Santa-Catharina  et  Rio-Grande- 
du-Sud. 

Comme  les  terrains  plus  anciens,  ils  sont  traversés  par  de 
nombreux  dykes  de  roches  éruptives,  diabases,  porphyrites, 
mélaphyres,  dont  la  composition  produit,  comme  dans  la  pro- 
vince de  San-Paulo,  des  terres  à  café  d'une  fertilité  extraordi- 
naire. 

Les  terrains  secondaires  sont  connus  dans  les  provinces  du 
nord  :  Amazone,  Piauby,  Céarâ,  Rio-Grande-du-Nord,  Pemam- 
buco,  Sergipe,  Alagôas,  Bahia,  où  les  dépôts  crétacés  sont  sou- 
vent très  fossilifères. 

Aux  dépôts  tertiaires  appartient  une  longue  bande  de  terrain 
au  centre  de  la  vallée  où  coule  l'Amazone  ;  on  les  retrouve  for- 
mant des  plateaux  le  long  de  la  côte  et  de  petits  bassins  lacustres 
dans  l'intérieur  du  pays.  Dans  le  bassin  de  l'Amazone,  ces  terrains 
contiennent  des  couches  de  lignite,  combustible  que  Ton  re- 
trouve dans  le  tertiaire  le  long  de  la  côte  et  dans  la  province  de 
Minas-Geraes. 

Les  formations  quaternaires  sont  représentées  par  de  nom- 
breux bassins  en  général  de  peu  d'étendue,  auxquels  appar- 
tiennent les  placers  diamantifères,  et  par  les  dépôts  des  grottes 
calcaires  remarquables  parla  forme  de  mammifères  éteints  qu'ils 
ont  fournis  et  les  terres  salpêtrières  qu'ils  contiennent.  Au  point 
de  vue  industrielils  tirent  un  grand  intérêt  d'une  couche  de  conglo- 
mérat ferrugineux,  connu  vulgairement  sous  le  nom  de  «  canga  », 
formée  aux  dépens  des  itabirites  et  qui,  à  Minas-Geraes,  et  pro- 
bablement dans  d'autres  provinces,  couvre  comme  d'un  man- 
teau de  minerai  de  fer  le  haut  des  vallées  et  le  flanc  des  mon- 
tagnes. 


G4  le     B ri':  si  l    EN     1  889. 

I.  Mines  d'or.  —  C'est  à  la  plus  ancienne  série  de  ces  ter- 
rains et  particulièrement  à  leur  division  supérieure  qu'appar- 
tiennent presque  tous  les  gisements  d'or  et  de  fer  du  Brésil,  et, 
si  le  diamant  est  exploité  dans  des  graviers  de  formation  rela- 
tivement récente,  c'est  aussi  dans  ces  couches  d'âge  si  ancien 
que  se  trouve  son  gîte  primitif.  Il  n'est  guère  de  province  de 
L'Empire  où  l'or  n'ait  été  exploité,  et  on  peut  citer  comme  ayant 
des  mines  encore  en  activité  ou  abandonnées  depuis  peu,  celles 
de  Minas-Geracs,  Rio-Grande-du-Sud,  Goyaz,  Bahia,  Matto- 
Grosso,  Paranâ,  San-Paulo  et  Maranhâo.  Parmi  les  six  pre- 
mières, qui  fournissent  chaque  année  une  certaine  quantité  de 
ce  métal  précieux,  Minas-Geraes  occupe  toujours  le  premier 
rang,  et  il  serait  impossible,  malgré  la  décadence  relative  de 
l'industrie  extractive,  de  citer  toutes  Les  mines  ou  placers  encore 
exploités  par  des  Compagnies,  des  particuliers  ou  de  simples 
orpailleurs  dans  cette  province,  où  deux  siècles  de  travaux  sont 
loin  d'avoir  épuisé  la  richesse  du  sol. 

Comme  l'a  déjà  fait  remarquer  d'Eschwège,  tous  les  gise- 
ments aurifères  de  quelque  importance  se  groupent  autour  des 
trois  grandes  chaînes  méridiennes  qui  forment  comme  l'ossature 
du  pays.  La  chaîne  de  la  Mantiqucira,  se  prolongeant  dans  la 
province  de  San-Paulo,  et  dont  se  détacherait  la  chaîne  d'Espi- 
nhaço,  qui  traverse  du  nord  au  sud  la  province  de  Minas-Geraes, 
pénètre  dans  celle  de  Bahia  et  va  se  perdre  dans  la  province  de 
Pernambuco.  En  second  lieu,  la  grande  ride  qui  sépare  les  eaux 
du  San-Francisco  de  celles  de  la  Plata,  servant  de  limites  entre 
Minas-Geraes  et  Goyaz,  se  continue  dans  la  province  de  Piauhy 
et  se  termine  à  Céarâ.  A  la  troisième,  qui  accompagne  la  rive 
gauche  de  l'Araguayet  du  Paraguay,  appartiendrait  la  chaîne  des 
Paricis  dans  la  province  de  Matto-Grosso. 

C'est  principalement  dans  la  chaîne  d'Espinhaço  que  ce  grou- 
pement des  mines  d'or  autour  d'une  ligne  méridienne  paraît 
bien  régulier  ;  de  la  ville  de  Barbacena  jusqu'à  celle  de  Jaco- 
bina,  dans  la  province  de  Bahia,  sur  une  longueur  de  plus  de 
1.200  kilomètres,  ces  gisements  occupent  à  l'est  et  à  l'ouest  du 
méridien  de  Rio-de-  Janeiro  une  étroite  bande  de  terrain.  Leur 
altitude  varie  de  700  à  1.200  mètres,  et  de  cette  situation  on  peut 
conclure  à  la  salubrité  du  climat  des  régions  où  ils  sont  placés, 
salubrité  que  l'expérience  a  confirmée  depuis  longtemps. 

Ces  mines  d'or  appartiennent  à  deux  grands  groupes  :  gise- 
ments d'alluvions,  liions.  Ce  sont  naturellement  les   premiers 


MINERALOGIE.  65 

qui  ont  d'abord  attire  l'attention  des  chercheurs  d'or,  et  pen- 
dant plus  d'un  siècle  ils  ont  fourni  tout  For  exporté  par  le 
Brésil.  Ils  sont  situés  ou  sur  les  plateaux  ou  dans  les  fonds  des 
vallées,  dans  le  lit  et  sur  les  rives  des  cours  d'eau,  dont  en  géné- 
ral il  ne  s'éloignent  pas  beaucoup.  La  plupart  d'entre  eux  sont 
de  formation  récente,  mais  un  certain  nombre  appartient 
certainement  à  l'époque  quaternaire.  Souvent  à  fleur  de  terre, 
ils  sont  fréquemment,  comme  à  Minas-Geraes,  Bahia,  Matto- 
Grosso,  recouverts  d'une  couche  d'argile  d'épaisseur  variable. 
Leur  exploitation  facile  a  attiré  partout  l'attention  des  orpail- 
leurs, et  il  n'en  est  guère  où  on  ne  retrouve  aujourd'hui  des  in- 
dices d'anciens  travaux;  mais,  comme  les  travailleurs  ne  possé- 
daient que  des  moyens  très  primitifs,  il  en  est  bien  peu  qui  aient 
été  complètement  épuisés.  Aujourd'hui  encore,  sauf  dans  la  pro- 
vince de  Paranâ  dans  le  rio  Tibagy,  à  Minas-Geraes  dans  le 
rio  des  Mortes,  ces  dépôts  ne  sont  exploités  que  par  de  simples 
orpailleurs.  Pourtant,  depuis  quelques  années  ils  semblent  avoir 
repris  une  certaine  faveur,  et  des  études  et  des  tentatives  ont 
été  faites  pour  l'établissement  de  lavages  au  moyen  du  système 
hydraulique  californien. 

Quant  à  leur  richesse  et  à  leur  étendue,  elles  sont  très  diffi- 
ciles à  fixer,  la  première  étant  très  variable  dans  un  gisement,  et 
la  seconde  étant  encore  plus  incertaine  par  suite  de  leur  dissémina- 
tion dans  un  grand  nombre  de  provinces  et  des  lavages  partiels 
fort  irrégulièrement  poursuivis  par  les  orpailleurs  du  siècle  der- 
nier. Je  citerai  les  données  suivantes  pour  les  quatre  provinces 
de  Matto-Grosso,  San-Paulo,  Minas-Geraes,  Bahia. 

A  Matto-Grosso,  dans  le  bassin  du  rio  Cabaçal,  au  milieu  de 
la  région  connue  sous  le  nom  de  «  Campos  dos  Indios  Gobexis  », 
d'après  un  ingénieur  chargé  de  faire  un  rapport  pour  l'obtention 
d'une  concession,  il  existe  un  gisement  d'alluvion  encore  vierge, 
reposant  sur  les  gneiss,  couvrant  une  superficie  de  50  kilomètres 
carrés,  ayant  une  épaisseur  moyenne  de  1  m.  03,  et  dont  la 
richesse,  d'après  le  même  ingénieur,  serait  de  23  gr.  2  d'or  par 
tonne.  Dans  la  môme  province,  le  bassin  du  Cayapô  contiendrait 
de  vastes  dépôts  d'alluvions  aurifères  qui  ont  donné  lieu  à  une 
immence  concession. 

A  San-Paulo,  un  ingénieur  des  mines  de  l'école  d'Ouro-Preto, 
M.  Gonzaga  de  Campos,  a  étudié,  dans  le  municipe  d'Apiahy, 
avec  beaucoup  de  soin,  des  gisements  de  cette  nature  reposant 
sur  le  granit  et  le  micaschiste,  gisements  en  partie  déjà  exploités 

5 


GG  LE     BRÉSIL     EN      18S9. 

et  dont  la  richesse  moyenne,  sur  laquelle  on  peut  baser  une  en- 
tre prise,  serait  de  2  gr.  36"  d'or  par  mètre  cube,  chiffre  encore 
deux  fois  supérieur  à  celui  que  donnent.,  terme  moyen,  les  allu- 
vions  de  Californie.  Il  signale  dans  la  même  région  des  points  où 
la  teneur  en  or  atteint  et  dépasse  souvent  4  grammes  d'or  par 
tonne. 

Dans  la  province  de  Minas-Geraes,  près  de  la  ville  de.Cam- 
panha,  l'ingénieur  des  mines  Tavares,  de  l'école  d'Ouro-Preto, 
après  une  étude  faite  sur  le  gisement  aurifère  dit  du  «  Barro 
Alto  »,  fixe  à  10  gr.  par  mètre  cube  la  richesse  des  alluvions  de 
ce  dernier,  dont  une  grande  partie  est  encore  inexploitée.  Dans 
la  môme  région,  sur  les  bords  du  rio  Verde,  des  dépôts  d'allu- 
vion,  dont  la  concession  a  été  demandée,  contiendraient,  d'après 
l'ingénieur  des  mines  Von  Sperling,  de  l'école  d'Ouro-Preto,  de 
1  à  3  gr.  6  c.  d'or  par  mètre  cube. 

Dans  la  province  de  Bahia,  une  série  de  bassins  d'alluvions 
aurifères  occupe  une  vaste  superficie  au  milieu  de  la  chaîne  de 
montagnes  d'Assurua,  dont  la  direction  nord-sud  est  la  même 
que  celle  d'Espinhaço.  Ces  alluvions,  où  depuis  longtemps  sont 
établis  des  lavages  d'orpailleurs,  ont  donné  lieu  à  une  tentative 
d'exploitation  sur  une  grande  échelle.  D'après  les  études  préli- 
minaires, l'épaisseur  de  ces  dépôts,  formés  par  des  graviers  avec 
gros  blocs  de  quartz,  varie  de  0,25  à  1  m.  Ils  sont  en  général 
couverts  d'une  couche  d'argile  de  0m.  20 à  5  m.  d'épaisseur  ;  leur 
superficie  attendrait  50  k.  carrés;  leur  richesse,  très  variable,  est 
comprise  entre  les  limites  de  0  gr.  47  c.  à  21  gr.  par  tonne.  En 
1887,  dans  un  seul  placer  de  ces  bassins,  les  orpailleurs  lavant 
simplement  les  graviers  à  la  batêa  ont  tiré  50  kil.  d'or. 

Les  travaux  des  orpailleurs  sont  très  irréguliers  et  intermit- 
tents. Un  grand  nombre  d'entre  eux  sont  à  la  fois  chercheurs 
d'or  et  cultivateurs,  et  ne  consacrent  au  lavage  qu'un  partie  de 
leur  temps.  Leur  nombre abeaucoup  diminué,  et,  à  Minas-Geraes, 
il  ne  doit  guère  dépasser  3.000,  en  y  comprenant  les  chercheurs 
de  diamants  qui  retirent  en  même  temps  de  l'or  des  lavages  des 
graviers  diamantifères.  Comme  importance  viennent  ensuite  les 
provinces  de  Bahia,  ltio-Grande-du-Sud,  Paranâ  et  Matto-Grosso. 
A  Minas-Geraes,  les  municipes  où  se  trouve  encore  un  certain 
nombre  d'orpailleurs  sont  ceux  de  Ouro-Preto,  Marianna,  Ponte- 
Nova,  Santa-Barbara,  Caêté,  Sabarâ,  Itabira,  Conceiçâo,  Serro, 
Diamantina,  Minas-Novas,  Gram-Mogol,  Pitanguy,  Paracatés, 
San-Joâo-del-ltcy.  Ceux  de  Diamantina,  Gram-Mogol,  Minas-Novas 


MINÉRALOGIE.  67 

en  possèdent  le  plus  grand  nombre.  A  Bahia,  on  les  rencontre 
dans  ceux  de  Chique-Chique,  Rio-das-Contas,  Jacobma;  et,  aRio- 
Grande-du-Sud,  dans  le  municipe  de  Caçapava. 

En  général,  l'or  d'alluvion  an  Brésil  est  en  grains  fins,  for- 
mant souvent  une  véritable  poudre  ;  les  pépites  volumineuses 
sont  très-rares  ;  les  plus  considérables  viennent  des  dépôts  de 
sable    exploités   il    y    a  quelques  années   dans  la   province  de 
Maranhào,  des  mines  d'Assuruâ  dans  la  province  de  Bahia,  et, 
dans  la  province  de  Minas-Geraes,  des  gisements  deMinas-Novas. 
Les  beaux  cristaux  sont  surtout  abondants  à  Goyaz,  et  dans  les 
alluvions  des  environs  de  la  ville  de  Serro  (Minas-Geraes).  Le 
titre  de  For  d'alluvion  est  en  général  très-élevé  :  il  ne  descend 
pas  au  dessous  de  20  cent,  au  833,  et,  quelquefois,  comme  dans 
les  dépots  des  environs  du  village  d'Antonio-Pereira  (municipe 
d'Ouro-Preto),  il  atteint  24  k.  au  1.000.  Dans  les  sables  qui  pro- 
viennent de  la  décomposition  des  itabirites,  il  est  fréquemment 
allié  au  palladium. 

Les  gisements  d'or  autres  que  les  placers  ne  sont  exploites 
d  une  manière  suivie  que  dans  les  provinces  de  Minas-Geraes, 
Rio-Grande-du-Sud  et  Bahia.  Cette  dernière  ne  compte  à  l'heure 
qu'il  est  qu'une  seule  mine  en  activité,  celle  de  Jacobina.  Dans  la 
province  de  Rio-Grande-du-Sud,  il  existe  un  certain  nombre  de 
filons  de  quartz  aurifère  exploités  par  des  entreprises  locales. 
C'est  donc  encore  la  province  de  Minas-Geraes  qui  occupe  ici  le 
premier  rang,  et  c'est  surtout  d'elle  que  je  m'occuperai. 

Au  point  de  vue  de  leur  nature,  ces  gisements  se  groupent 
autour  de  trois  types:  1°  filons  de  quartz  avec  minerais  sulfurés 
rares;  2°  filons  de  pyrites  aurifères;  3°  couches  d'itabirites 
aurifères. 

Les  filons  de  quartz  contenant  de  l'or  sont  excessivement 
nombreux  à  Minas-Geraes  comme  dans  beaucoup  d'autre  provin- 
ces ;  ce  sont  eux  qui,  après  les  alluvions,  ont  d'abord  attiré 
l'attention  des  anciens  mineurs.  L'or  y  est  en  général  visible  à 
l'œil  nu,  facile  à  distinguer  et  à  séparer  par  un  broyage  et  un 
simple  lavage  dans  la  batêa.  Leur  puissance  s'élève  rarement  au- 
dessus  de  2  mètres,  descend  même  à  quelques  centimètres.  L'or 
y  est  irrégulièrement  disséminé,  et  quelquefois  il  y  forme  de  véri- 
tables nids,  fournissant,  comme  cela  est  arrivé  pour  un  filon  de 
quartz  encore  exploité  dans  la  ville  d'Ouro-Preto,  plus  de  1  kil. 
d'or  pour  moins  d'un  mètre  cube  de  roche.  Le  dénombrement 
complet  de   ces  filons  est  impossible  à  faire,   même  à  Minas- 


68  LE     BRÉSIL     EN      1889. 

Geraes.  On  en  compte  cinq  importants,  autrefois  exploités,  dans 
la  ville  d'Ouro-Preto.  Il  n'y  a  pas  pour  ainsi  dire  de  paroisse  dans 
le  plateau  central  de  Minas  qui  n'en  compte  que  quelques-uns;  je 
citerai  les  localités  d'Antonio-Pereira,  Forquim,  Cata-Preta,  Cata- 
Branca,  Roça-Grande,  Caêté.  A  cette  catégorie  de  liions  se  ratta- 
chent des  gisements  plus  complexes,  comme  ceux  de  Sumidouro 
(municipe  de  Marianna),  de  Gatas-Altas,  de  Noruega,  où  l'or  est 
disséminé  dans  de  petites  veines  de  quartz  friable,  formant  un 
lilon  composé  au  milieu  de  schistes  argileux,  qui  eux-mêmes  se 
chargent  d'or,  et  d'autres  plus  difficile  à  définir  où  la  roche 
quartzeuse  ou  schisteuse  s'imprègne  d'or  très  fin  et  forme  une 
série  de  grains  de  chapelet  d'une  grande  richesse. 

Les  filons  aurifères  pyriteux  sont  les  plus  importants  ;  ce  sont 
eux  qui  fournissent  la  plus  grande  partie  de  l'or  produit  au 
Brésil.  Leur  puissance  peut  atteindre,  comme  dans  la  mine  de 
Morro-Velho,  plus  de  10  mètres  ;  leur  extension  en  direction  est 
très  considérable.  Ils  constituent  ou  de  vrais  filons  coupant  les 
strates  de  schistes  ou  de  quartzites,  ou  des  couches  intercalées 
dans  ces  mêmes  roches.  Les  minerais  qui  forment  la  gangue  de 
l'or  sont  essentiellement  pyriteux:  pyrites  arsenicales,  pyrites 
martiales  avec  proportions  variables  de  quartz  en  petits  grains. 
Ils  sont  accompagnés  de  minéraux  plus  rares  :  comme  pyrite 
magnétique,  dont  la  mine  de  Morro-Velho  fournit  de  très  beaux 
cristaux  et  qui  se  retrouve  dans  les  mines  de  Gaêté  et  de  Passa- 
gem  ;  Tourmalines  (mine  de  Passagem,  d'Antonio-Perreira  Cata- 
Preta);  de  pyrite  cuivreux,  galène,  stibine,  albitc,  caliste,  sidérose, 
jozéite,  etc.  La  teneur  en  or  du  minerai  est  en  général  peu 
élevée.  La  moyenne  de  la  mine  de  Morro-Velho,  par  exemple, 
pour  une  période  de  20  années  d'exploitation,  est  de  18  grammes 
par  tonne,  ce  qui  représente  à  peu  près  les  trois  quarts  de  la 
teneur  réelle.  Dans  certains  cas,  cette  richesse  augmente  considé- 
rablement. La  Compagnie  «  The-Ouro-Preto  gold  mines  »  expose 
des  pyrites  arsenicales  donnant  près  de  200  grammes  à  la  tonne  ; 
celle  de  «  St-John  del  ltey  »,  un  bloc  de  pyrite  de  même  nature 
rendant  82  grammes  à  l'essai.  Mais,  d'un  autre  côté,  cette  teneur 
est  généralement  constante  et  à  une  profondeur  verticale  de 
G00  mètres.  La  mine  de  Morro-Yelho  rendait  encore,  en  1886, 
17  grammes  par  tonne,  lorsque  à  une  profondeur  de  moins  de 
100  mètres  cette  teneur  était  à  peu  près  la  même  ou  même  infé- 
rieure. 

Les  couches  oVItabirilcs  aurifères  forment  un  gisement  spécial 


MINÉRALOGIE.  69 

et  particulier  au  Brésil.  Ces  roches,  comme  nous  l'avons  déjà  dit, 
sont  formées  de  fer  oligiste  et  de  quartz  avec  proportions  variables 
d'oxyde  de  manganèse  et  souvent  un  peu  de  lithomarge.  Elles 
occupent  en  général  la  partie  supérieure  des  terrains  archéens 
de  Miuas-Geraes.  Leur  structure  est  en  général  schisteuse,  leur 
consistance  peu  considérable,  et  fréquemment  au  milieu  d'elles 
apparaissent  d'énormes  couches  friables  de  même  nature,  dési- 
gnées sous  le  nom  de  Jacoutinga,  et  qui  souvent  contiennent  de 
l'or.  Ce  métal  en  général  y  est  disséminé  irrégulièrement,  mais  il 
forme  souvent  de  véritables  lignes  de  plusieurs  centimètres  de 
grosseur  apparaissant  au  milieu  de  la  roche  noire  comme  des 
cordons  jaunes.  Ces  gisements  sont  alors  d'une  richesse  extraor- 
dinaire, comme  on  peut  le  voir  par  les  échantillons  exposés  par 
la  Compagnie  «  Dom-Pedro-North-del-Rey  »  qui  exploite  la  mine 
de  Maquiné  (municipe  de  Marianna),  dont  quelques-uns  fournis- 
sent à  l'essai  plus  de  81  kilogrammes  par  tonne.  Cette  même 
exploitation  a  extrait,  en  1868,  103  tonnes  de  minerai  qui  ont 
donné  124  kilogrammes  d'or.  La  roche  étant  très  friable,  l'or  en 
général  en  petites  écailles  ou  en  pépite  de  grosseur  notable,  la 
séparation  est  facile  et  peu  coûteuse.  Les  plus  célèbres  de  ces 
mines  sont  celles  de  :  Gongo-Socco  (municipe  de  Caêté)  dont  les 
travaux,  commencés  en  1826,  interrompus  en  1856,  avaient  pro- 
duitpour  1.118. 195  livres  sterlingd'or;  de  Cocaes(dansle municipe 
de  Santa-Barbara)  dont  on  peut  voir  des  échantillons  exposés  ; 
de  Pitanguy,  Agua-Quente  (dans  le  même  municipe)  ;  Taquaril 
(dans  celui  de  Sabarâ),  qui  toutes  ont  produit  des  quantités 
considérables  d'or.  L'or  des  itabirites  est  souvent  allié  au  palla- 
dium ;  les  orpailleurs,  qui  aujourd'hui  lavent  les  sables  des 
petits  cours  d'eau  aux  environs  de  Gongo-Socco,  en  extraient  de 
couleur  noirâtre  qui  contient  jusqu'à  12  p.  100  de  palladium. 

Six  Compagnies  étrangères  poursuivent  des  exploitations  d'or 
à  Minas  ;  cinq  ont  leur  siège  à  Londres,  la  sixième  à  Paris.  Ce 
sont: 

«  St-John  del  Rey  gold  mines,  limited  »,  siège  à  Londres, 
capital  social  253.000  livres  sterling,  ou  environ.       6.388.000  fr. 

«  Santa-Barbara  Gold  mine,  limited  »,  siège  à 
Londres,  capital  social  60.000  livres,  ou 1.515. 000 

«  Pitanguy  »,  siège  à  Londres,  capital  social 
25.000  livres,  ou 031 .  000 


A  reporter 8.534.000  fr. 


70  LE     BRÉSIL    EN     18  89. 

Report 8.534.000  fr. 

Dom  Pedro  North  del  Itey  »,  siège  à  Lon- 
dres, capital  social  125.000  livres,  ou 3.19G.000 

«  The  Ouro-Preto  Gold  mines,  limited»,  siège 
à  Londres,  capital  social  800.000  livres,  ou 10.100.000 

«  Compagnie  des  mines  d'Or  de  Faria»,  siège 
à  Paris,  capital  social 1 .800.000 


Soit  la  somme  totale  de 23.590.000  fr. 

engagée  dans  les  exploitations  d'or  de  Minas.  Ce  chiffre  serait 
bien  plus  considérable  si  on  y  ajoutait  celui  des  capitaux  de 
Compagnies  possédant  encore  des  mines  dans  la  province,  mais 
dont  les  travaux  sont  arrêtés  depuis  plusieurs  années. 

La  Compagnie  de  St-Jolm  del  Rey  exploite  depuis  1835  un 
filon  de  pyrites  arsenicales  au  lieu  dit  Morro-Velho,  près  du  bourg 
de  Congonhas,  à  12  kilomètres  au  sud  de  la  ville  de  Sabarâ.  La 
partie  riche  du  filon  forme  une  espèce  de  colonne  inclinée  de  45° 
sur  l'horizon;  sa  puissance  moyenne  peut  être  évaluée  à  8 mètres 
sur  une  extension  de  plus  de  100  mètres.  Les  travaux  ont  été 
poursuivis  depuis  1835  et  à  peine  interrompus  en  1867  par  un 
incendie,  et  en  1886  par  un  éboulement  qui  les  a  fait  provisoi- 
rement suspendre,  lorsqu'ils  atteignaient  une  profondeur  de  plus 
de  600  mètres,  jusqu'à  l'achèvement  de  nouveaux  puits.  De  1835 
à  1887,  la  quantité  d'or  fourni  par  cette  mine  atteint  en  nombre 
rond  près  de  50.000  kilogrammes.  En  estimant  à  2.800  francs  le 
prix  du  kilogramme  d'or  au  titre  de  19  à  20  on  trouve  140.000.000 
de  francs  pour  la  valeur  de  l'or  produit  par  la  mine  pendant  ce 
laps  de  temps.  A  ce  chiffre  il  faudrait  ajouter  celui  de  l'or  extrait 
de  1725  à  1835,  presque  un  siècle,  temps  pendant  lequel  la  mine 
a  été  exploitée  par  des  particuliers.  La  production  la  plus  élevée 
correspond  à  l'année  1875;  elle  a  été  de  2.170  kilogrammes, 
chaque  tonne  de  minerai  produisant  34  gr.  7  d'or.  La  moyenne 
de  vingt  années,  de  1855  à  1875,  a  donné  18  gr.  d'or  par  tonne;  en 
1886,  cette  moyenne  pour  10  mois  de  l'année  a  été  de  16  gr.  5. 
La  teneur  réelle  doit  être  environ  de  un  quart  supérieure  à  ce 
chiffre  par  suite  des  pertes  qui  se  produisent  dans  la  préparation 
mécanique.  La  richesse  de  certaines  parties  du  filon  est  beaucoup 
plus  considérable,  comme  on  peut  le  voir,  dans  le  bloc  de  pyrites 
arsenicales  qui  donne  à  l'essai  82  gr.  d'or.  L'importance  de  cette 
exploitation  est  considérable;  en  pleine  activité  elle  occupe  plus 


MINÉRALOGIE. 


71 


de  1.200  ouvriers  de  toute  qualité,  et  extrait  en  moyenne  près  de 
150  tonnes  de  minerai  par  jour;  elle  peut  être  considérée  actuel- 
lement comme  le  type  des  grandes  mines  d'or  de  l'Amérique 
autant  par  la  puissance  du  filon  que  par  l'ensemble  des  procèdes 
qui  mit  été  adoptés  pour  l'extraction  de  l'or. 

Depuis  huit  ans,  la  même  Compagnie  exploite  à  13  kilomètres 
de  la  ville  de  Sabarâ  un  autre  gisement  de  pyrites  aurifères  au 
village  de  Cuyabâ.  Les  couches  de  minerai  sont  très  puissantes, 
mais  leur  teneur  en  or  est  bien  moindre  que  celle  de  Morro-Velho. 
Du  1er  mars  1887  au  27  février  1888,  la  mine  a  produit  87  kilo- 
grammes d'or.  L'or  extrait  ne  dépasse  pas  une  moyenne  de 
5  gr  5  par  tonne,  mais  de  même  que  dans  les  autres  mines,  on 
pe^ut  rencontrer  des  parties  plus  riches,  comme  celles  exposées 
par  l'Ecole  des  Mines  provenant  de  cette  localité  et  donnant  à 
l'essai  il  gr.  d'or  par  tonne. 

La  mine  de  Panj  appartient  à  la  Compagnie  de  «  Santa-Barbara 
Gold  Mine»;  elle  est  située  près  du  village  de  San-Francisco, 
dans  le  municipe  de  Santa-Barbara,  à  12   kilomètres  environ  de 
cette  ville.  La  gangue  de  l'or  est,  comme  à  Morro-Velho,  la  pyrite 
arsenicale,  à  laquelle  il  faut  joindre  les  grenats,  l'amphibole  et 
quelques  autres  minéraux.  Le  filon  dirigé  nord-sud  est  nettement 
intercalé  au  milieu  des  schistes  micacés  et  amphibolifères  qui  en 
forment  le  toit  et  le  mur,  et  dont  il  suit  les  ondulations;  c'est  un 
filon-couche   dont  l'inclinaison  vers  l'ouest  varie  de  30°  à  40°. 
Comme  à  Morro-Velho,  le  minerai  est  broyé  dans   des  bocards, 
dont  le  sabot  en  fer  est  fabriqué  dans  les  petites  forges  du  pays. 
La   préparation    mécanique   laite   sur   des    tables  inclinées   est 
complétée  par  l'amalgamation  dans  des  tonneaux.  La  Compagnie 
a  commencé  ses  travaux  en  1862,  et  la  mine  a  produit  jusqu'à 
ce   jour    2.038  kilogrammes  d'or.  Actuellement    la   Compagnie 
emploie  trois  cents  personnes,  mineurs  ou  ouvriers  de  la  surface. 
En  1887,  la  quantité  d'or  extrait  s'est  élevée  à  196  kilogrammes, 
la  teneur  moyenne  a  été  de  11  grammes  par  tonne;  mais,  comme 
les  pertes  sont  plus  considérables  qu'à  Morro-Velho,  j'estime  à 
environ  18  grammes  d'or  par  tonne  la  teneur  réelle  du  minerai. 
La   Compagnie    The  Ouro-Preto   gold  Mme    a   commencé  ses 
travaux  en  1884  dans  les  quatre  mines  de  Passagem,  Raposos, 
Espirito-Santo  et  Borges.  Aujourd'hui  ses  efforts  se  sont  concen- 
trés sur  le  gisement  de  Passagem,  situé  dans  le  village  du  môme 
nom,  sur  la  route   d'Ouro-Preto   à  Marianna,  à  7  kilomètres  de 
la  première  de  ces  villes.  Le  filon  appartient  à  la  môme  catégorie 


72  LE     BRESIL     EN      1889. 

qus  celui  de  Pary;  il  est  intercalé  au  milieu  de  schistes  micacés 
qui  forment  le  muret  des  itabiritesau  toit;  sa  direction  est  nord- 
est,  sud-ouest;  son  inclination  vers  le  sud-est  est  en  moyenne  de  20°, 
sa  puissance  est  variable  comme  on  peut  le  voir  sur  les  sections 
de  la  mine  exposées  par  la  Compagnie,  mais  elle  atteint  souvent 
plus  de  5  mètres.  La  gangue  de  l'or  est  encore  le  quartz,  la  pyrite 
arsenicale  accompagnée  de  pyrite  martiale,  la  pyrite  magnétique, 
le  bismuth, les  grenats,  la  galène,  etc.  La  Compagnie  emploie  plus 
de  500  ouvriers.  Le  minerai  est  broyé  sous  56  bocards  ordinaires 
et  20  du  système  californien.  L'amalgamation  présente  le  fait 
particulier  de  fournir  une  quantité  notable  de  bismuth  qui  passe 
à  l'état  d'amalgame  liquide  avec  une  proportion  notable  d'or.  Au 
mois  de  novembre  1888  la  quantité  de  minerai  traité  a  été  de 
1.930  tonnes,  qui  ont  fourni  21.268  grammes  d'or,  12  grammes 
environ  par  tonne,  et  plusieurs  kilogrammes  de  bismuth.  Comme 
on  peut  le  voir  par  les  beaux  échantillons  de  pyrites  arsenicales 
à  grains  fins  exposés  par  la  Compagnie,  cette  teneur,  dans 
certaines  parties  du  filon,  est  beaucoup  plus  considérable.  Le 
titre  de  l'or  est  un  des  plus  élevés  de  la  province  de  Minas,  il  ne 
descend  pas  au-dessous  de  23  karats  au  958.  En  1887,  la  mine 
a  fourni  270  kilogrammes  d'or;  cette  production  va  augmentant 
chaque  jour  par  suite  du  développement  des  travaux.  A  Raposos, 
les  travaux  sont  beaucoup  moins  importants  ;  le  gisement  consiste 
en  une  série  de  colonnes  riches  placées  dans  des  couches  de 
schistes,  relevées  vers  Test;  la  production  journalière  y  est  d'en- 
viron 65  grammes  d'or. 

La  mine  de  Faria  appartient  à  la  Compagnie  des  Mines  d'Or 
de  Faria,  dont  les  travaux  préliminaires,  commencés  depuis  un 
peu  plus  d'un  an,  ne  tarderont  pas  à  être  terminés.  Le  filon  auri- 
fère, dont  l'exploitation  est  entreprise,  est  situé  dans  le  municipe 
de  Sabarâ,  à  quelques  kilomètres  de  distance  de  celui  de  Morro- 
Velho.  La  gangue  de  Tory  est  constituée  par  des  pyrites  de  fer  qui 
ont  été  exploitées  jusqu'à  une  petite  profondeur  par  les  anciens 
propriétaires,  qui  à  l'aide  de  procédé  très  imparfaits  retiraient 
24  grammes  d'or  par  tonne.  L'exploitation  d'or  de  Faria  qui,  dans 
peu  de  temps,  entrera  comme  facteur  dans  la  production  de  For  à 
Minas,  est  déjà  remarquable  par  son  installation,  où  se  trouve 
une  application,  unique  au  Brésil  et  peut-être  dans  l'Amérique 
du  Sud,  du  transport  au  moyen  de  l'électricité  de  la  force  néces- 
saire aux  principes  d'épuisement  et  à  l'extration  du  minerai. 

Le  gisement  de  Maquiné  appartient  au  type  déjà  indiqué  des 


MINÉRALOGIE.  73 

itabirites  friables,  où  l'or  est  placé  au  milieu  de  ces  roches  à  fer 
oligiste.  La  mine  est  située  à  3  kilomètres  de  la  ville  de 
Marianna,  à  15  kilomètres  de  celle  d'Ouro-Preto;  elle  appartient 
à  la  Compagnie  «  Dom  Pedro  Northdel  Rey»  qui  l'exploite  depuis 
1865.  Depuis  cette  époque  jusqu'à  Tannée  1868  elle  a  produit 
2.427  kilogrammes  d'or,  et  aurait  payé  cent  pour  cent  du  capital 
employé  dans  l'exploitation.  Après  plusieurs  années,  les  travaux 
on  été  arrêtés  par  les  eaux,  à  une  profondeur  relativement  peu 
considérable,  où  le  minerai  conservait  encore  une  grande  richesse. 
On  peut  se  faire  une  idée  de  sa  richesse  par  la  «  Jacoutinga  », 
exposée  par  la  Compagnie,  où  il  est  facile  de  séparer  à  la  main 
des  pépites  d'or.  Les  couches  superficielles,  par  de  simples 
lavages  à  la  batêa,  ont  produit,  encore  en  1888,  3  à  4  kilogrammes 
d'or  par  mois. 

Les  mines  de  Jacoutinga  aurifère  sont  à  peine  représentées 
aujourd'hui  par  celles  de  Maquiné,  de  Pitanguy  et  d'Itabira-de- 
Matto-Dentro  ;  cette  dernière,  exploitée  par  de  simples  travail- 
leurs, a  produit  encore,  en  1888,  40  kilogrammes  d'or. 

Le  nombre  de  celles  qui  ont  été  abandonnées,  soit  à  cause  de 
l'invasion  des  galeries  par  les  eaux,  soit  à  cause  de  l'irrégularité 
de  la  teneur  en  or,  qui  disparait  presque  complètement  à  certains 
moments,  est  considérable  ;  je  citerai  celles  de  Cocaes,  Taquaril, 
Agua-Quente  et  la  plus  célèbre  de  toutes,  celle  de  Gongo-Socco. 


A  ces  grandes  Compagnies,  qui  forment  comme  l'aristocratie 
des  mineurs  du  Brésil,  il  faut  joindre  à  Minas-Geraes  une  série 
de  petites  exploitations,  appartenant  à  des  particuliers  et  dont  le 
nombre  s'élève  actuellement  à  24.  Chacune  d'elles  a  un  petit 
moulin  à  or  de  4  à  10  bocards  ;  quelques-unes  comptent  seule- 
ment deux  ou  trois  travailleurs,  dont  fait  presque  toujours  partie 
le  propriétaire  ;  d'autres  en  ont  de  15  à  20.  En  général  elles  sont 
établies  sur  des  filons  de  quartz  d'où  l'or  est  plus  facile  à  extraire 
par  de  simples  lavages  à  la  batêa,  après  que  les  sables  ont  été 
enrichis  sur  des  tables  inclinées  ou  dans  des  canaux  par  un 
système  qui  au  siècle  dernier  était  généralement  employé  au 
Brésil.  C'est  un  phénomène  curieux  même  à  observer  à  Minas- 
Geraes  que  de  voir  avec  quelle  facilité  des  gens  ayant  quelques 
économies  n'hésitent  pas  à  les  hasarder  dans  une  exploitation 
d'or,  espérant  presque  toujours  arriver  plus  tard  à  vendre  leur 
mine   à   une  Compagnie    pouvant  disposer  de   ressources  plus 


74  LE     BRÉSIL     EN     18  89. 

considérables.  Dans  cette  province  on  ouvre  une  galerie,  on 
creuse  an  puits,  on  installe  une  pompe  avec  la  môme  facilité 
qu'ailleurs  on  défriche  an  champ.  Les  plus  intéressantes  de  ces 
exploitations  (et  qui  se  sont  fait  représenter  à  l'Exposition  par 
de  beaux  échantillons)  sont  celles  groupées  autour  de  la  ville  de 
Gaêté,  San-Luiz-do-Encanto,  Carrapatos,  Serro,  et  plusieurs  autres 
qui  n'ont  pas  envoyé  de  minerai;  celles  de  Tillage,  deSumidouro 
et  de  Barri  (dans  le  municipe  de  Santa-Barbara)  et  celle  de  Cata- 
Preta,  une  des  plus  anciennes  du  pays,  car  sa  découverte  daterait 
de  1690. 

La  mine  de  San-Luiz-do-Encanto,  appartenant  à  M.  Luîz 
A.ugusto  de  Figueiredo,  consiste  en  un  filon  irrégulier  de  quartz 
où  l'or  est  accompagné  de  pyrites  diverses,  de  galène  et  de 
stibure.  Celle  de  Carrapatos  se  trouve  dans  les  mêmes  conditions; 
mais  il  existe  aussi  une  couche  de  quartzite,  avec  pyrites  mar- 
tiales aurifères.  Les  exploitations  du  Sumidouro  sont  établies  sur 
un  filon  composé,  formé  de  petites  veines  de  quartz  granuleux 
avec  limonite,  oxyde  de  manganèse  cobalteux  et  rarement  des  py- 
rites martiales.  Les  schistes  en  contact  contiennent  aussi  de  for. 
Le  filon,  dont  la  direction  est  nord-sud,  a  une  extension  de  plu- 
sieurs lieues,  et  depuis  plus  d'un  siècle  il  est  exploité  à  ciel  ouvert 
en  divers  points.  Les  mines  du  village  de  Barra  appartiennent  à  la 
famille  Penna.  Dans  celle  dite  de  Barra,  l'or  se  rencontre  dans  un 
filon  de  limonite  provenant  certainement  de  la  décomposition  de 
pyrites  et  offrant  un  intérêt  particulier.  Des  échantillons  de  ce 
chapeau  de  filon  rendent  15  gr.  d'or  à  la  tonne,  teneur  qui  s'élève 
à  45  gr.  pour  des  concrétions  ferrugineuses.  Ce  filon  est  accom- 
pagné de  quartzite  sableux,  de  sables  ocreux,  de  limonite  et 
hématite  concrétionnés,  dont  on  peut  voir  des  échantillons  rendant 
jusqu'à  260  gr.  d'or  par  tonne.  La  mine  de  San-Bento  se  trouve 
dans  les  mêmes  conditions,  et  son  propriétaire,  M.  Domingos 
Penna,  expose  des  sables  ocreux  contenant  de  30  à  75  gr.  d'or 
par  tonne.  Ces  mines  ont  été  exploitées  à  ciel  ouvert  dès  le  com- 
mencement du  siècle;  aujourd'hui  les  propriétaires  ont  ouvert 
des  galeries  et  occupent  en  moyenne  quinze  ouvriers  par  jour. 


De  1700  a  1820,  d'Eschwege  estime  à  1.404.965  livres  troy  ou 
531.403  kilogrammes  l'or  produit  par  Minas-Geraes,  ce  qui  donne 
une  moyenne  annuelle  de  4.450  kilogrammes.  De  1820  à  18G0,  la 
production  de  cette  province,    d'après  Henwood,  aurai!  été  de 


MINÉRALOGIE.  75 

171.000  livres  troy  ou  63.825  kilogrammes,  en  moyenne  par  an 
1.535  kilogrammes.  De  1800  à  ISSS,  j'évalue  à  G0. 000  kilogrammes 
cette  production,  ch  iflVe  qui  n'est  certainement  pas  exagéré,  vu  que 
pendant  cette  période  la  mine  de  Morro-Velho  a  été  en  pleine 
activité,  ainsi  que  celles  de  Morro-Santa-Anna,  Taquaril,  Morro- 
San-Vicente,  Roça-Grande,  [tabira;  la  moyenne  de  la  production 
annuelle  aurait  été  alors  de  2.142  kilogrammes.  Donc, en  résumé, 
d'après  les  calculs  qui  offrent  le  plus  de  garanties,  la  province  de 
Minas  a  elle  seule,  de  1700  à  1888,  aurait  produit  658.228  kilo- 
grammes d'or,  soit,  en  estimant  à  2.800  francs  le  kilogramme  d'or, 
une  somme  de  plus  de  1  milliard  813  millions  de  francs!  Et  les 
mines  sont  loin  d'être  épuisées.  Quelques-unes  même  sont  à  peine 
effleurées!  Castelnau,  dans  le  récit  de  son  expédition  dans 
l'Amérique  du  Sud,  évalue  cette  production  à  un  chiffre  beaucoup 
plus  élevé  qui  atteindrait  en  1849  près  de  5  milliards  de  francs  ! 
A  ce  chiffre  il  faudrait  joindre  l'or  produit  parles  autres  provinces 
—  Bahia,  Maranhâo,  San-Paulo,  Paranâ,  Rio-Grande-du-Sud, 
Goyaz  et  Matto-Grosso  —  qui,  d'après  le  même  auteur,  atteindrait 
la  valeur  de  500  millions  !  Ce  dernier  chiffre  ne  me  paraît  pas 
exagéré,  car  Goyaz  et  Matto-Grosso  ont  été  pendant  longtemps  des 
centres  de  production  très  actifs.  La  statistique  est  d'ailleurs 
d'autant  plus  difficile  à  faire  qu'une  partie  de  l'or  extrait  par  les 
orpailleurs  reste  dans  le  pays,  où  il  est  transformé  en  bijoux  ou 
même  gardé  à  l'état  de  poudre,  et  à  Minas-Geraes,  dans  bien  des 
familles,  il  existe  de  ces  petits  trésors  conservés  avec  soin  ! 

A  Goyaz,  près  de  Meia-Ponte,  une  Compagnie  formée  dans  le 
pays,  au  capital  de  700  contos  de  réis,  environ  2  millions,  exploite 
un  dépôt  superficiel  aurifère  provenant  de  la  décomposition  des 
roches  sous  jacentes. 

A  Rio-Grande-du-Sud,  plusieurs  concessions  ont  été  accordées 
dans  les  municipes  de  Caçapâva  et  de  Bagé,  et  quelques  particu- 
lier- exploitent  des  filons  de  quartz  compacte  avec  pyrites 
martiales. 

Dans  la  province  de  Bahia,  près  de  Jacobina,  une  Compagnie 
au  capital  de  700.000  francs  a  commencé  des  travaux  d'ex- 
ploitation sur  un  gisement  d'une  roche  fournissant  des  sables 
quart/eux  ([ni  donnent  à  Tessai  116  gr.  d'or  par  tonne  au  titre 
de  21  k.  5. 

II.  Mines  de  diamants.—  L'existence  des  diamants  dans  les 
terrains  aurifères  du  nord  de  la  province  de  Minas-Geraes  a  été 


7G  LE     BRÉSIL     EN     1889. 

connue  avec  certitude  en  1789.  Depuis  cette  époque  jusqu'à  nos 
joins  cette  province  n'a  jamais  cessé  de  fournir  chaque  année  des 
quantités  notables  de  cette  pierre  précieuse.  Cette  production  a 
notablement  diminué  pendant  ces  dernières  années,  surtout 
depuis  1870,  par  suite  de  la  baisse  considérable  des  prix  produite 
par  La  quantité  de  diamants  que  les  mines  du  Cap  de  Bonne- 
Espérance  versent  tous  les  ans  dans  le  commerce.  Ce  n'est  qu'à 
la  qualité  supérieure  des  brillants  du  Brésil,  à  leur  éclat,  à  leur 
pureté  que  leur  valeur  a  pu  se  maintenir  à  un  taux  qui  a  sauvé 
d'une  ruine  complète  les  exploitations  du  pays. 

Aujourd'hui,  malgré  ces  conditions  défavorables,  dans  tous 
les  bassins  diamantifères  du  Brésil  on  trouve  encore  des  tra- 
vailleurs, dont  les  découvertes  journalières  montrent  que  ces 
gisements  ne  sont  pas  épuisés.  Ils  sont  situés  dans  les  provinces 
de  Minas-Geraes,  Bahia,  Paranâ,  Goyaz,  Matto-Grosso  et  San- 
Paulo.  Dans  d'autres  provinces  l'existence  de  cette  pierre  pré- 
cieuse a  été  signalée,  mais  je  ne  m'occuperai  que  des  gisements 
ayant  quelque  importance  et  dont  la  situation  est  bien  connue. 

C'est  encore,  comme  pour  l'or,  la  province  de  Minas-Geraes 
qui  est  la  plus  riche.  Dans  cette  province  comme  dans  les  autres 
le  diamant  est  exploité  dans  des  dépôts  aV  allumons  quaternaires.  On 
ne  connaît  encore  que  deux  gisements  faisant  exception  à  cette 
règle,  que  jusqu'à  ces  dernières  années  on  considérait  comme 
générale.  Dans  la  province  de  Minas-Geraes  les  gisements  les  plus 
importants  sont  ceux  de  Cocaes,  à  dix  lieues  au  nord  de  la  ville 
d'Ouro-Preto;  de  Diamantina,  le  plus  important  de  tous,  qui 
comprend  une  bande  de  terrain  de  plus  de  200  kilomètres  de 
longueur,  sur  quelques  lieues  de  largeur  appartenant  aux  bassins 
du  Jequitinhonha,  du  Rio-Dôce  et  du  San-Francisco,  depuis  la 
vallée  de  Conceiçào  jusqu'au  Jequitahy  ;  de  Gram-Mogol,  dans  le 
bassin  du  Jequitinhonha  ;  de  l'Abaeté  affluent  du  San-Francisco; 
de  Bagagem,  dans  celui  du  Paranà. 

Dans  la  province  de  Bahia,  les  terrains  diamantifères  couvrent 
de  vastes  surfaces  dans  le  municipe  de  Rio-das-Contas,  compris 
dans  le  bassin  du  Paraguassû,  autour  des  villes  de  Lençoes  et  de 
Sincoral  ;  c'est  même  sous  cette  dénomination  que  sont  connus 
les  gisements.  Dans  le  bassin  du  Rio-Pardo,  près  de  son  embou- 
chure, il  yaà  peine  deux  ans,  ont  été  découverts  d'autres  placers 
diamantifères  qui  portent  le  nom  de  Canavieiras. 

A  Paranâ,  les  graviers  diamantifères  du  rio  Tibagy  sont 
exploités  par  une  Compagnie. 


M I  N  E  R  A  L  0  G  IB. 

ats  se  présentent  partout  avec  les  mêmes  carac- 
- ,s oit  sur  leurs  rives,  soit  sur  des 
plateaux  traversés  petits  cours  d'eau  presque  à  sec  pen- 

dant Pété,  soit  même  au  milieu  des  g     -   -      -  montagnes. 

Qs  sont  formés  d'un  lit  de  cailloux,  Cascalho,  des  mineurs, 
uns  le  lit  des  rivières  el  recouverts  d'une  couche  de 
sables  plus  ou  moins  argileux,  à  angles  à  peine  usés,  «  gour- 
goulho  dans  les  montagnes  et  sur  quelques  plateaux,  et  alors  à 
fleur  de  terre.  Les  éléments  de  ces  graviers  appartiennent  à  un 
grand  nombre  de  minéraux  dont  près  de  40  espèces  ont  été  déter- 
minées par  moi  et  dont  on  peut  voir  une  collection  exposée  par 
les  Mines  d'Ouro-Preto. 

-  minéraux  forment  comme  les  satellites  des  diamants:  les 
plus  fréquents  et  les  plus  abondants  sont  les  oxydes  de  titane. 
rutile  [Agulhas  des  mineurs),  anatase  (Siricoria  ,  rutile  pseumor- 
phose   de    L'Anatas  tourmalines    roulées 

/       tes),   alumine   hydratée  avec  acide  phosphorique  et  terres 

-  de  la  famille  du  cérium    F   tas),  oxydes  de  fer,  hématite, 

-  neril,  cabocl  .jtc. 

A.  ces  es         -         .aunes  il  faut  joindre  des  minéraux  consi- 

-  jusqu'à  présent  comme  très  rares, la  xénotime,  la  monazite. 
].'  -       en  grains,  en  paillettes  dans  tous  les  gisements 

diamantifères  et  suffit  quelques  fois  à  payer  les  frais  d'une  exploi- 
tation ;  le    platine,  moins  fréquent,,   se  trouve  surtout  dans  les 

-  les  environs  de  la  ville  du  Serro. 

Dans  le  gisement  de  San-Joâo-da-Chapada,  à  30  kilomètres  à 

l'ouest  de  la  ville  de  Diamantina,  le  diamant  se  trouve  en  place  et 

iploité  au  milieu  de  schistes  altérés,  souvent  transformés  en 

s  de   liverses  couleurs,  dont  l'Ecole  des  Mines  d'Ouro-Preto 

a  au-  -  élection.  Ces  schistes,  souvent  imprégnés 

de  petits  cristaux  octaè'driques  de  martite,  sont  traversés  par  des 

veines  de  quartz  avec  oxyde  de  titane,  comme  ceux  où  se  trouvent 

placés      -  gisements  de  topazes  des  environs  d'Ouro-Preto,  et  ils 

appartiennent  au  même  horizon  géologique.  Auprès  de  la  ville  de 

Grau.        .       le  diamant  se  trouve  dans  des  quartzites  micacés  ou 

lumites  passant  à  des  poudingues,  où  les  galets  de  quartz  se 

fondent  dans  une  roche  de  même  nature  que  la  précédente. 

La  recherche  du  diamant  est  partout  précédée  de  celle  du 
gravier  qui  annonce  sa  présence,  et  la  découverte  d'un  gise- 
ment non  encore  exploité  d'un  de  ces  dépôts  d'alluvions  est  tou- 
jours suivie  de  celle  de  cette  pierre  précieuse.   Dans  le  Jequiti- 


78  LE     BRÉSIL     EN     18  89. 

nhonha  quelques  mètres  cubes  de  graviers  accumulés  dans  des 
marmites  de  géants  creusées  dans  le  lit  de  la  rivière  ont  souvent 
fourni  pour  plus  d'un  million  de  francs  de  diamants.  Les  travaux 
sont  faits,  soit  par  des  ouvriers  isolés,  orpailleurs  du  diamant, 
connus  sous  le  nom  de  Garimpeiros,  ou  par  des  associations  for- 
me, s  dans  le  pays.  Les  premiers  ne  peuvent  travailler  que  dans 
les  lits  des  petits  cours  d'eau,  sur  les  rives  des  rivières  ou  dans 
les  dépôts  superficiels  des  plateaux.  Les  autres  entreprennent 
souvent  des  travaux  considérables  pour  dessécher  le  lit  de  cours 
d'eau  exigeant  l'installation  de  pompes  d'épuisement,  la  cons- 
truction de  barrages  importants.  Dans  tous  les  cas,  le  gravier 
découvert  est  lavé  par  des  procédés  très  simples,  ou,  après  un 
simple  débourbage,  le  diamant  est  séparé  dans  des  toeasplus  pro- 
fondes que  celles  qui  servent  à  l'extraction  de  l'or.  Le  bassin  de 
Diamantina  est  le  seul  où  subsistent  encore  les  exploitations  en 
grand,  et  leur  nombre  a  beaucoup  diminué;  partout  ailleurs  on 
ne  rencontre  plus  que  des  travailleurs  isolés.  Les  centres  les  plus 
productifs  sont  ceux  du  Serro,  de  Diamantina,  qui  se  subdivisent 
en  un  grand  nombre  de  petits  districts,  comme  ceux  de  Curra- 
linho,  Gaêté-Mirim,  Jequitahy,  etc.,  de  Terra  Branca,  de  Gram- 
Mogol,  de  Sincoral  et  de  Canavieiras,  ces  deux  derniers  dans  la 
province  de  Bahia. 

En  général  les  diamants  du  Brésil  sont  bien  cristallisés,  inco- 
lores, les  pierres  colorées  sont  rares,  et  de  belle  eau.  Le  Boort 
et  le  Carbonado  ou  diamant  noir  sont  beaucoup  plus  rares. 
Ce  dernier  vient  surtout  des  gisements  de  Bahia,  mais  on  le 
rencontre  aussi  fréquemment  dans  le  district  de  Terra-Branca, 
province  de  Minas-Geraes.  Le  Brésil  n'a  guère  fourni  de  gros 
diamants,  et  parmi  les  parangons  on  ne  peut  citer  avec  certi- 
tude que  l'Etoile  du  Sud,  découverte  en  1853  dans  le  district  de 
Bagagem,  pesant  brut  254  karats  5  et  après  la  taille  125  karats  5, 
et  le  diamant  de  M.  Dresden,  découvert  dans  la  même  localité 
en  1857,  pesant  117  karats  5  et  après  la  taille  7G3  karats  5.  Tous 
deux  appartiennent  aujourd'hui  à  un  prince  de  l'Inde,  et  ont  été 
achetés,  le  premier  deux  millions  de  francs,  le  second  un  million 
de  francs.  Les  petits  diamants  connus  sous  le  nom  de  «  vitriers  » 
sont  assez  fréquents. 

Il  y  a  quelques  années  le  Brésil  exportait  tous  ses  diamants  à 
l'état  brut;  aujourd'hui  une  partie  est  taillée  dans  le  pays.  Dans 
le  municipe  de  Diamantina  on  compte  19  tailleries  occupant 
146  ouvriers,  taillant  460  karats  de  diamants  par  mois  au  prix 


MINÉRALOGIE.  79 

de  5.000  réis  le  karat  ou  environ  1  \  francs.  Dans  la  ville  de  Serro, 

il  existe  une  taillerie  et  dans  celle  de  Jequitahy  deux.   Une  partie 

s  diamants  est  montée  dans  le  pays,  l'autre  est  exportée. 

Je    n'ai  «les  données  exactes  sur  la  production  des  diamants 

que  pour  la  province  Minas-Geraes : 
Le    district  de  Diamantina    a 

produit  en  1S87 3.481  grammes  de  diamants. 

Celui  du  Serro 717         —  — 

1).'  Gram-Mogol 537        —  — 

De  Jequitahy 788        —  — 

J'estime  à 150  grammes 

ceux  des  antres  localités,  ce  qui 

donne   pour    la    production    de 

Minas-Geraes  en  1887.      .      .      .     5.673  grammes  de  diamants. 

Comme  les  diamants  sont  encore  exploités  à  Bahia,  dans  les 
districts  de  Sincoral,  Lençoes,  Bom-Jesus,  près  de  Franca  ;  dans 
la  province  de  San-Paulo,  à  Rio-Claro  :  à  Dois-Irmâos,  dans 
celle  de  Goyaz;  à  Matto-Grosso,  dans  un  grand  nombre  de  cours 
d'eau,  je  ne  crois  pas  être  au-dessous  de  la  vérité  en  évaluant  à 
8  kilogrammes  la  production  totale  du  Brésil.  Le  prix  moyen 
dans  le  pays  est  de  500  francs  par  octave  du  poids  de  3  gr.  589, 
et  par  conséquent  leur  vente  peut  avoir  produit  un  peu  plus  d'un 
million  de  francs.  J'ai  déjà,  dans  un  travail  publié  sur  ce  sujet, 
évalué  à  deux  tonnes  et  demie  la  production  de  cette  pierre 
précieuse,  jusqu'en  1830.  Comme  on  le  voit,  ce  chiffre  peut 
encore  être  considéré  comme  représentant  presque  exactement 
la  part  totale  du  Brésil  dans  le  commerce  du  diamant. 

III.  Mines  de  fer.  —  La  richesse  du  Brésil  en  minerais  de 
si  telle  que  dans  certaines  parties  de  la  province  de  Minas- 
Geraes,  des  minerais  de  première  qualité  sont  employés  aux 
usages  les  plus  vulgaires  :  pavage  des  rues,  construction  des 
murs  de  séparation  de  propriétés,  etc.  1  C'est  encore  cette  province, 
comme  pour  l'or  et  le  diamant,  qui  occupe  le  premier  rang  ; 
parmi  les  privilégiées,  viennent  ensuite  celles  de  San-Paulo, 
Santa-Catharina,  Matto-Grosso,  Goyaz,  Espirito-Santo,  Bahia  ;  et 
il  n'en  est  aucune,  je  crois,  où  l'on  ne  trouverait  quelque  gise- 
ment exploitable  pouvant  servir  à  la  fabrication  du  fer. 

A  Minas-Geraes,  les  minerais  de  fer  ne  forment  ni  filons  ni 
amas  profondément   enfouis   dans  le    sol,  mais  bien  d'énormes 


80  LE     BRÉSIL     EN     18  89. 

couches,  souvent  superficielles,  ou  dos  montagnes  de  centaines 
de  mètres  de  hauteur  1  Ils  appartiennent  à  deux  classes  bien 
distinctes:  celle  des  itabirites  et  celle  des  conglomérats  ferru- 
gineux ou  Canga.  Les  premières  roches  forment,  en  général, 
comme  il  a  été  indiqué  à  propos  de  For,  le  terme  supérieur  des 
terrains  archéens  de  Minas.  Lorsqu'elles  se  présentent  avec  leurs 
caractères  typiques,  elles  sont  formées  de  zones  parallèles,  souvent 
ondulées,  plissées,  d'oligiste  écailleux  et  de  quartz.  Parmi  les 
échantillons  exposés  par  la  Compagnie  Dom  Pedro-d'el-Rey  on 
en  voit  qui  donnent  une  idée  exacte  de  cette  structure.  Comme 
minéraux  accessoires,  les  oxydes  de  manganèse,  la  martite,  la 
magnétite,  la  lithomarge  y  sont  fréquents.  Je  n'y  ai  jamais  ren- 
contré de  sulfures.  Leur  consistance  est  en  général  assez  friable, 
la  structure  schisteuse  fréquente,  mais  souvent  la  roche  se 
réduit  à  une  masse  sableuse.  Le  quartz  venant  à  disparaître 
complètement,  elles  passent  à  des  roches  uniquement  formées 
de  fer  oligiste,  de  magnétite  et  d'oxyde  de  manganèse,  qui  repré- 
sentent les  plus  beaux  minerais  de  fer  que  l'industrie  puisse 
désirer.  Dans  ce  dernier  cas,  ce  sont  ou  des  couches  d'oligiste 
schisteux,  ou  des  amas  d'hématite  compacte,  ou  des  masses 
sableuses  d'oligiste  et  de  pyrolusite.  Tous  ces  différents  types 
sont  représentés  par  les  échantillons  qu'expose  l'Ecole  des  Mines 
d'Ouro-Preto.  Rarement  couvertes  par  des  couches  de  schistes 
argileux,  elles  sont  presque  toujours  à  fleur  de  terre,  et,  fréquem- 
ment, comme  à  Gandarela,  à  GO  kilomètres  au  nord  d'Ouro- 
Preto,  on  y  trouve  intercalées  de  puissantes  assises  de  calcaire 
cristallin.  Elles  ont  été  soumises  à  de  profondes  érosions,  et  les 
gisements  puissants  qu'elles  forment  encore  ne  représentent 
qu'une  faible  partie  de  l'extension  qu'elles  avaient  à  une  autre 
époque  géologique.  Leurs  débris  entraînés  par  les  eaux  sur  les 
flancs  des  montagnes,  où  se  sont  arrêtés  les  plus  gros  fragments, 
dans  le  fonds  des  vallées,  puis  cimentés  par  des  actions  secon- 
daires, ont  formé  la  deuxième  série  des  minerais  de  Minas- 
Gcraes,  représentée  par  le  conglomérat  ferrugineux,  connu  sous 
le  nom  de  Canga,  qui  donne  aux  régions  où  il  domine  un  aspect 
particulier  rappelant  celui  de  champs  de  laves  noires  solidi- 
fiées !  Ce  conglomérat  atteint  souvent  2  à  3  mètres  d'épaisseur, 
il  contient  les  mêmes  minéraux  que  les  itabirites  d'où  il  procède, 
aurifère  dans  certains  cas,  si  riche  en  magnétite  que  presque 
partout  il  rend  impossible  dans  le  pays  l'usage  de  la  boussole. 
Il  est  impossible  d'évaluer  même  approximativement  l'impor- 


MINERALOGIE.  81 

tance  totale  de  ces  minerais.  Ils  couvrent  les  flancs  des  monta- 
gnes, presque  sans  interruption,  sur  plus  de  200  kilomètres  de 
longueur.  Autour  d'Ouro-Preto  tous  les  mornes  en  sont  formés. 
Les  montagnes  de  Cocaes,  le  pic  d'Itabira-do-Campo,  d'Itabira- 
de-Matto-Dentro,  d'Itambé,  de  Morro-Gaspar-Soares  et  bien 
d'autres  en  sont  entièrement  constitués.  Sur  les  bords  du  Piri- 
cicaba,  affluent  du  Rio-Dôce,  dans  lesmunicipes  de  Bomfîm,  de 
Piumhy,  de  FAbacté  et  dans  d'autres  encore,  le  sol  en  est  couvert, 
alimentant  une  végétation  spéciale,  caractérisée  par  le  cinchonna 
ferruginea.  Autour  d'Ouro-Preto,  dans  un  rayon  de  10  kilomètres, 
j'évalue  à  plus  de  quarante  millions  de  mètres  cubes  la  masse 
des  itabirites  et  des  conglomérats  qui  couvrent  le  sol,  et,  à  plus 
de  100  millions  de  tonnes,  la  quantité  de  fer  qu'elle  peut 
fournir  ! 

Comme  qualité,  les  analyses  suivantes  montrent  la  valeur  des 
échantillons  exposés  par  l'École  des  Mines  d'Ouro-Preto  : 


1°  Hématite  compacte  de  Gandarela  : 

Sesquioxyde  de  fer 99.209  correspondant  à  69.666 

Sesquioxyde  de  magnésie 0.013                 de  fer. 

Chaux trace. 

Magnésie » 

Quartz  et  silice 0.240 

Acide  phosphorique 0.005  correspondant  à  0.0022 

Soufre 0.000      de  phosphore  0/0. 

Eau 0.455 

99.924 


2°  Oligiste   granuleux    de     Cacunda ,     près    Itabira-de-Matto- 
Dentro  : 

Sesquioxyde  de  fer 99.801  correspondant    à    69.86 

Sesquioxyde  de  magnésie 0.007  de  fer. 

Chaux trace. 

Silice 0.140 

Acide  phosphorique 0.003  correspondant  à  0.0024 

Soufre 0.000        de  phosphore  0/0. 

£au 0.000 

99.933 

6 


82  LK     BRÉSIL     EN     1880. 

o°  Itabirite  en  poudre  de  Gandarela  : 

Magnétite 83.83  correspondant  à  G8. 3  0/0 

Sesquioxyde  de  ffer .'{1.7:2  de  fer. 

Bioxyde  de  magnésie 0.7-4 

Quartz  et  silice 1.13 

Alumine 1.02 

Ct. aux 0.14 

Soufre 0.00 

Perte  par   calcination 1.41 

99. 99 

Dans  ces  minerais,  les  proportions  de  manganèse  sont  souvent 
plus  considérables;  dans  l'échantillon  exposé,  elles  dépassent  90/0, 
et,  dans  le  gisement  d'où  il  provient,  la  pyrolusite  forme  de 
petites  veines  et  souvent  des  amas. 

4°  Conglomérat  ferrugineux  (Canga)  de  Gandarda  : 

Sesquioxyde  de  fer 91 .49  correspondant 

Bioxyde  de  manganèse 0.27    à  64.04  0/0    de  fer. 

Quartz  et  silice 4.78 

Alumine 0.74 

Chaux 0.25 

.Magnésie traces. 

Acide  phosphorique » 

Soufre 0.00 

Perte  par  calcination 2.02 

100.15 

Les  conglomérats,  si  abondants  dans  la  province  de  Minas  et 
dont  le  traitement  au  haut  fourneau  est  facile,  offrent  une  compo- 
sition un  peu  variable:  l'acide  phosphorique  s'y  présente  souvent 
en  quantité  plus  notable,  mais  presque  partout  la  teneur  en  fer 
ne  descend  pas  au-dessous  de  60  0/0. 

Ces  minerais  sont  à  peine  utilisés,  encore  aujourd'hui,  dans 
un  certain  nombre  de  petites  forges,  disséminées  dans  la  pro- 
vince des  Minas  et  jalonnant  les  gisements  d'itabirite.  Le  fer  y 
est  préparé  par  la  méthode  directe,  soit  dans  des  fours  italiens, 
variante  du  procédé  catalan,  soit  dans  de  petits  fourneaux  à  cuve 


MINERALOGIE.  83 

femdinhos),  méthode  qui  parait  spéciale  à  la  province  des  Minas. 
Le  combustible  employé  est  le  charbon  de  bois  préparé  dans  des 
fosses  et  dont  le  prix  de  revient  varie  de  23  à  30  francs  la  tonne. 
Le  minerai  employé  est  le  fer  oligiste  pur,  provenant  des  itabi- 
rites  en  poudre,  Lavés  dans  un  petit  canal  ou  simplement  pris 
dans  le  cours  du  petit  ruisseau  le  plus  voisin.  La  valeur  du  mi- 
nerai est  si  minime  qu'elle  n'entre  pas  en  compte  dans  le  prix 
du  fer  préparé.  L'air  est  fourni  au  fourneau  par  une  trompe  ins- 
tallée sur  une  chute  d'eau  qu'on  trouve  facilement  dans  le  massif 
montagneux  de  la  province,  et  qui  sert  en  même  temps  de  force 
motrice.  J'estime  à  cent  le  nombre  de  ces  petites  forges  dont  le 
plus  grand  nombre  forment  cinq,  groupes  :  i°  celui  du  Gualaxo, 
à  l'est  d'Ouro-Preto;  2°  de  Gandarela  au  nord  ;  de  San-Miguel-de- 
Piricicaba  ;  4°  d'Itabira-de-Matto-Dentro  ;  5°  de  Conceiçâo-do- 
Serro.On  en  trouve  encore  quelques-unes  plus  au  nord  et  à  l'ouest. 

Ces  forges  produisent  à  peu  près  3,000  tonnes  de  fer  par  an, 
fer  qui  est  transformé  sur  place  en  instruments  de  travail,  faux, 
houes,  pelles,  fleurets  démines,  sabots  de  bocards,  clous,  fers  à 
mulets  et  à  chevaux.  La  qualité  des  produits  se  ressent  des  pro- 
cédés primitifs  employés,  mais  le  minerai  est  de  si  bonne  qualité 
que  souvent  d'habiles  ouvriers  obtiennent  soit  du  fer  nerveux 
très  doux,  comme  celui  exposé  par  la  forge  de  Gandarela,  soit  un 
acier  assez  dur  pour  être  employé  à  la  fabrication  des  fleurets  de 
mines. 

Les  prix  varient  d'une  zone  à  une  autre  ;  on  peut  prendre 
comme  moyenne  de  vente,  à  la  forge,  du  fer  en  verge  plate 
132  mille  réis  par  tonne,  ou,  au  change  actuel  de  350  réis  par 
franc,  377  francs,  ce  qui  donne  pour  la  valeur  du  fer  brut  fabriqué 
à  Minas  un  peu  plus  de  un  million  de  francs,  chiffre  qu'il  faut  cer- 
certainement  plus  que  doubler  pour  avoir  celui  des  objets  fabri- 
qués. 

Ces  chiffres  sont  bien  faibles  si  on  les  compare  aux  besoins 
d'une  province  comptant  plus  de  trois  millions  d'habitants,  et  où 
l'agriculture  et  l'industrie  minière  prennent  tous  les  jours  de 
nouveaux  développements  et  surtout  à  l'énorme  richesse  en  mi- 
nerais de  fer  qu'elle  possède.  Cet  état  de  choses  va  se  modifier 
avec  l'établissement  de  voies  de  communications  rapides  et  éco- 
nomiques. Déjà  une  Compagnie  organisée  dans  le  pays  a  com- 
mencé la  construction  d'un  haut  fourneau  et  d'une  mine  métal- 
lurgique près  du  bourg  d'Itabira-do-Campo. 

A  San-Paulo,  on  retrouve  en  certains  points  les  itabirites  avec 


84  LE     BRÉSIL     EN      1889. 

leurs  caractères  ordinaires  ;  mais,  en  outre,  il  y  existe  des  amas 
considérables  de  magnétite  pure  en  relation  avec  des  diorites  et 
des  porphyrites  augitiques,  gisements  analogues  aux  célèbres 
mines  deTaberg  en  Norwège.  Un  de  ces  gisements  est  exploité  à 
[panéma,  près  delà  ville  de  Sorocaba,  pour  les  besoins  de  l'usine 
à  fer  d'Ipanema  qui  appartient  au  gouvernement.  Cette  usine, 
dont  les  produits  sont  exposés,  possède  deux  hauts  fourneaux  en 
travail  qui  ont  produit,  en  1887,  790  tonnes  de  fonte.  Le  minerai 
extrait  du  gisement  de  magnétite  voisin  de  l'usine  contient 
67,6  0/0  de  fer.  Dans  la  môme  province,  sur  les  bords  du  Jacou- 
piranguinha,  affluent  du  rio  Iguape,  en  partie  navigable  pour  des 
bateaux  de  fort  tonnage,  existent  des  gisements  encore  plus  con- 
sidérables du  même  minerai  en  relation  avec  des  couches  d'un 
calcaire  imprégné  en  plusieurs  points  de  cristaux  d'apatite.  Une 
Compagnie  a  commencé  la  construction  de  deux  hauts  fourneaux 
pour  l'utilisation  de  ce  minerai  et  l'exploitation  des  forêts  vierges 
qui  couvrent  encore  la  région. 

A  Santa-Catharina,  près  du  bord  de  la  mer,  non  loin  d'un  port 
accessible  à  tous  les  navires,  des  amas  d'hématite,  manganési- 
fères  passent  quelquefois  à  de  véritables  minerais  de  manganèse. 
Ces  minerais,  qui  forment  des  montagnes  entières,  contiennent, 
terme  moyen,  30  pour  100  de  manganèse  et  25  à  30  pour  100  de 
fer.  L'extraction  et  le  transport  de  ce  minerai  du  morne  Cariguaba 
est  si  facile  que  le  concessionnaire  de  la  mine  estime  de  3  à  5  francs 
le  prix  de  revient  d'une  tonne  rendue  à  bord. 

Il  est  impossible,  je  le  répète,  de  citer  tous  les  autres  gise- 
ments de  minerai  de  fer,  même  les  plus  importants,  des  provinces 
de  Rio-Grande-du-Sud,  Matto-Grosso,  Espirito-Santo,  Goyaz. 
Dans  cette  dernière  province,  comme  à  Minas,  les  itabirites 
forment  des  amas  puissants  et  le  conglomérat  ferrugineux  {canga) 
couvre  le  sol  sur  bien  des  lieues  carrées,  comme  aux  environs  de 
Corumbà. 

IV.  Manganèse.  —  Les  minerais  de  manganèse,  sauf  ceux 
de  la  province  de  Santa-Catharina,  n'ont  jamais  donné  lieu  à  des 
études  spéciales.  A  Minas-Geraes,  ils  sont  intimement  mélangés 
aux  minerais  de  fer,  et  sont  un  des  éléments  constituant  les 
titabirates  où,  comme  à  la  mine  d'or  de  Taquaril,  ils  atteignent 
des  proportions  comparables  à  celles  du  fer.  A  Gandarela,  ils 
forment  des  veines  de  pyrolusites  au  milieu  de  la  roche  aréneuse 
et  souvent  même  des  amas.  Les  eaux  ravinant  ces  roches  laissent 


MINÉRALOGIE.  85 

disséminés  sur  le  sol  des  blocs  de  ces  minéraux,  dont  on  peut, 
comme  à  Gandarela,  comme  à  Antonio-Pereira,  à  12  kilomètres 
est  d'Ouro-Preto,  recueillir  de  grandes  quantités  sans  difficultés. 
Le  titre  commercial  de  ces  minerais,  dont  on  peut  se  faire  une 
idée  d'après  les  échantillons  exposes  par  l'Ecole  des  Mines 
d'Ouro-Preto,  dépasse  souvent  80.  En  bon  nombre  d'autres  points, 
comme  aux  environs  de  Queluz,  d'Ouro-Preto,  de  Diamantina,  on 
trouve,  au  milieu  des  schistes  micacés  et  des  schistes  argileux,  des 
petits  filons  et  des  rognons  de  sécrétions  de  manganite  et  de  prilo- 
méiane.  Dans  les  mêmes  régions,  dans  les  bas-fonds,  il  s'est 
formé  des  dépots  considérables  de  manganite  analogues  aux 
minerais  de  fer  des  marais. 

A'.  Mines  de  cuivre.  —  En  de  nombreux  points  de  diverses 
provinces  du  Brésil,  des  indices  de  l'existence  de  minerai  de 
cuivre  ont  été  depuis  longtemps  signalés.  Dans  la  province  de 
Rio-Grande-du-Sud,  près  de  la  ville  de  Caçapâva,  au  milieu  de 
roches  diorites  et  métaphyriques,  des  gisements  de  calchosine 
avec  covelline  ont  donné  lieu  à  quelques  recherches,  ainsi  que 
dans  la  province  de  Matto-Grosso,  dans  le  bassin  du  Jaourou.  A 
Minas-Geraes,  la  calchopyrite  est  fréquemment  mélangée  aux 
pyrites  aurifères,  mais  en  petites  proportions.  On  en  trouve  dans 
quelques  filons  de  quartz  ou  aux  affleurements.  Sa  présence  est 
indiquée  par  des  tâches  vertes  de  malachite,  comme  près  de  la 
ville  de  Sete-Lagôas.  Dans  la  province  de  Céarâ,  un  gisement 
important  vient  d'être  concédé  par  le  gouvernement  au  lieu  dit 
Buhira  dans  le  municipe  de  Viçosa,  et  a  commencé  à  donner  lieu 
à  des  travaux  d'exploitation.  Le  filon,  de  0m,50  de  puissance  aux 
affleurements,  est  placé  au  milieu  de  schistes  superposés  à  des 
roches  gneissiques.  La  gangue  est  siliceuse  ;  le  minerai,  au 
moins  jusqu'à  la  profondeur  des  quelques  mètres  atteints  par  les 
premiers  travaux  de  recherche,  est  formé  de  cuivre  natif  et  de 
cuprites  donnant  à  l'essai  40  pour  100  de  cuivre. 

VI.  Mines  de  plomb.  —  Peu  nombreux  aussi  sont  les  gisements 
bien  connus  des  minerais  de  plomb.  Dans  la  province  de  Rio- 
Grande-du-Sud,  dans  le  district  aurifère  de  Lavras-de-Santo- 
Antonio,  on  rencontre  de  nombreux  filons  de  quartz,  contenant 
fréquemment  des  mouchetures  de  galène  qui  quelquefois  y  forme 
de  petits  amas.  Dans  la  province  de  San-Paulo,  je  citerai  les  gise- 
ments de  galène  argentifère  d'Iporanga,  qui  ont  donné  lieu,  à 


86  LB     BRÉSIL    EN     1889. 

quelques  recherches,  de  cérusite  et  de  galène  argentifère  dans  le 
même  municipe.  Dans  celui  d'Apiahy,  l'ingénieur  des  mines 
Go ozaga  de  Campo s  a  découvert  des  blocs  d'une  brèche  feldspa- 
thiqne  avec  galène  donnant  5O0  gr.  d'argent  par  100  kilogrammes 
de  plomb  d'oeuvre.  Dans  la  province  de  Minas-Geraes,  la  galène 
comme  la  calehopyrite  se  trouve  dans  presque  tous  les  gisements 
aurifères;  elle  prend  une  certaine  importance,  comme  on  peut  le 
voir  par  les  échantillons  exposés,  dans  les  filons  de  quartz  avec 
or  visible  des  environs  de  la  ville  de  Gaèté  et  plus  particulière- 
ment dans  la  mine  de  M.  Luiz-Augusto  de  Figueiredo.  Au  milieu 
du  filon  composé  aurifère  de  Sumidouro,  non  loin  de  la  ville  de 
Marianna,  au  lieu  dit  Yarado,  affleure  un  filon  de  quartz  conte- 
nant de  la  galène  quelquefois  avec  or,  donnant  à  Fessai,  en 
moyenne,  pour  100  kilogrammes  de  plomb  d'oeuvre,  50  gr.  d'or 
pur  et  111  gr.  d'argent.  Dans  le  bassin  diamantifère  de  Diaman- 
tina,  dans  la  propriété  de  l'abbé  Manoel  Alves,  on  trouve  un  gros 
filon  de  quartz  compacte,  vertical,  avec  mouchetures  de  galène  et 
or  visible  à  gros  grains. 

Un  gisement  beaucoup  plus  considérable  et  qui  a  donné  lieu 
à  des  travaux:  de  recherches  importants,  poursuivis  à  diverses 
reprises  depuis  le  commencement  du  siècle,  est  celui  de  l'Abaété. 
Il  est  situé  dans  le  municipe  de  ce  nom,  au  milieu  d'une  vaste 
propriété  appartenant  à  l'Etat,  à  700  kilomètres  au  nord-ouest 
d'Ouro-Preto.  Cette  mine,  connue  depuis  1877,  a  été  étudiée  avec 
soin  par  l'ingénieur  des  mines  de  l'Ecole  d'Ouro-Preto,  Oliveira, 
qui  en  a  fait  l'objet  d'un  travail  publié  dans  les  Annales  de 
V Ecole  des  Mines  d'Ouro-Preto.  Les  deux  filons  de  galène  sont 
dirigés  N.  25°  S.  25°  E.  ;  leur  inclinaison  est  de  50°  sur  l'hori- 
zon ;  leur  puissance  est,  à  la  petite  profondeur  atteinte,  peu 
considérable.  La  gangue  est  calcaire  ;  la  galène  en  gros  cristaux. 
Le  minerai  donne  50  à  60  p.  100  de  plomb  contenant  de  150  à 
200  grammes  d'argent  pour  100  kilogrammes  de  plomb  d'eeuvre. 

VII.  Bismuth  et  Antimoine.  —  On  ne  connaît  pas  encore 
de  gisements  proprement  dits  de  bismuth  et  d'antimoine,  mais 
leurs  minerais  sont  fréquents,  dans  les  gisements  aurifères 
de  Minas-Geraes.  Dans  un  filon  de  quartz  avec  or,  près  du 
village  de  Forquim,  a  45  kilomètres  à  l'est  de  la  ville  d'Ouro- 
Preto,  on  trouve  le  bismuth  combiné  au  soufre  et  au  sélénium,  for- 
mant l'espèce  minéralogique  si  rare,  la  jozéite.  Dans  la  mine 
d'or  de  Passagem,  il  est  assez  abondant  pour  donner  lieu   à  un 


MINÉRALOGIE.  87 

production  de  .v>0  à  00  kilogrammes  par  an,  tirés  de  l'amalgame 
liquide  qui  sert  à  la  séparation  de  l'or.  Dans  le  filon  de  quartz 
aurifère  de  la  mine  de  Cata-ÏJranca,  aujourd'hui  inexploitée,  la 
bîsmuthine  était  abondante.  La  stibine  se  présente  sous  les 
mêmes  conditions,  el  encore  plus  fréquemment  dans  les  mines  de 
Morro-San-Yironte  et  de  Gaété. 

VI II.  Gisements  de  combustibles.  —  Jusqu'à  présent  les 
dépôts  de  combustibles  minéraux  connus  sont  bien  loin  d'être 
en  rapport  avec  les  richesses  si  considérables  de  minerai  de  fer 
que  présente  le  pays.  Pourtant  le  terrain  carbonifère  est  aujour- 
d'hui bien  repéré  dans  les  provinces  de  Para,  de  l'Amazone,  de 
San-Paulo,  de  Paranâ,  de  Santa-Catharina  et  de  Rio-Grande-du- 
Sud. 

Dans  les  deux  provinces  de  Para  et  de  l'Amazone,  les  terrains 
appartenant  à  cet  horizon  géologique  sont  d'origine  marine,  et 
leur  faune  a  une  grande  analogie  avec  celle  du  carbonifère  des 
États-Unis  de  l'Amérique  du  Nord.  Il  n'y  a  clone  aucune  raison 
de  croire  à  l'impossibilité  de  rencontrer,  comme  dans  ces  pays, 
au  milieu  de  leurs  couches,  des  dépôts  de  combustibles.  Les 
quelques  sondages  faits  sans  méthode  jusqu'à  présent  ont  à 
peine  effleuré  les  couches  supérieures,  et  de  leur  non-réussite  on 
ne  peut  logiquement  tirer  aucune  conclusion  négative. 

Dans  la  province  de  San-Paulo,  dans  le  municipe  de  Tatuhy, 
où  il  existe  quelques  affleurements  de  charbon  de  terre,  un  son- 
dage beaucoup  pins  important  a  fait  reconnaître  l'existence  de 
quelques  minces  lits  de  combustible,  et  indiqué  l'utilité  pratique 
de  travaux  analogues  dans  cette  province,  où  d'autres  affleure- 
ments de  même  nature  ont  été  signalés. 

A  Santa-Catharina,  près  de  la  rivière  Tnbarao,  existe  un 
bassin  de  combustible  minéral  ou  charbon  bitumineux  de  bonne 
qualité,  dont  la  concession  a  été  donnée.  Dans  le  bassin  du  Rio 
Ararangua,  plus  au  sud,  dans  la  même  province,  se  montrent 
des  affleurements  de  combustible  analogue  au  précédent  et  qui 
ont  aussi  déterminé  une  concession  donnée  à  une  entreprise  par- 
ticulière. 

La  province  de  Rio-Grande-du-Sud  paraît  jusqu'à  présent  la 
mieux  dotée  sous  ce  rapport.  Le  charbon  de  terre  s'y  rencontre 
dans  une  série  de  petits  bassins  lacustres,  dont  l'âge,  d'après 
les  géologues,  serait  carbonifère,  encaissé  au  milieu  de  roches 
cristallines  :  granits  et  porphyres.  Les  couches  de  combustible 


88  LE     BRÉSIL     EN     1889. 

alternent  avec  des  lits  d'argile  et  de  schistes.  Los  bassins  bien 
connus  sont  ceux  de  San-Sépé,  municipe  de  Caçapâva  ;  de  Can- 
diote et  Jaguarào,  municipe  de  Bagé  ;  de  San-Joâo  d'Herval, 
municipe  de  Piratiny,  et  enfin  de  Arroio-dos-Ratos,  municipe 
de  Porto-Alegre.  Le  bassin  de  Candiota,  où  le  charbon  affleure 
en  divers  points  sur  les  bords  du  petit  cours  d'eau  de  même  nom 
et  sur  ceux  du  Jaguarâo-Chico,  est  traversé  par  le  chemin  de  fer 
de  Pelotas  à  Bagé;  il  a  été  rapporté  par  Agassiz  et  Carruthers  au 
carbonifère.  Carruthers  y  a  découvert  une  série  de  plantes 
fossiles  appartenant  aux  genres  flemingites,  odoniopteris,  Nœgcr- 
rathia,  calamités,  etc.  Le  charbon  a  une  densité  de  i.24  à  1.80 
et  forme  60  à  G3  pour  100  de  coke.  Ce  bassin,  bien  que  considé- 
rable, n'a  pas  encore  donné  lieu  à  une  exploitation  régulière. 

Seul  le  gisement  de  Arroio-dos-Ratos  est  depuis  plusieurs 
années  exploité  par  une  Compagnie,  qui  fournit  du  combustible 
aux  machines  fixes  des  mines  des  villes  environnantes  et  aux 
petits  vapeurs  qui  font  la  navigation  des  cours  d'eau  et  des 
lagunes  Patos  et  Mirim  de  la  province  et  au  chemin  de  fer  de 
l'État.  La  Compagnie  a  creusé  plusieurs  galeries  et,  outre  le 
charbon,  vend  des  agglomérés. 

IX.  Substances  diverses.  —  A  côté  de  ces  mines  d'une 
importance  plus  ou  moins  considérable,  il  existe  dans  le  pays  un 
grand  nombre  de  gisements  de  substances  utilisables  dans  l'in- 
dustrie. Je  citerai,  sans  entrer  dans  de  grands  détails  sur  leurs 
gisements,  le  marbre,  la  pierre  ollaire,  l'amiante,  l'ocre,  les 
schistes  bitumineux,  les  argiles  plastiques,  le  kaolin,  le  gra- 
phite, la  plombagine,  la  pierre  à  chaux,  les  granits,  porphyres 
et  autres  pierres  de  construction,  le  salpêtre,  puis  le  quartz,  le 
mica,  les  agates  et  les  pierres  précieuses  colorées. 

Marbres,  —  Les  calcaires  cristallins  appartenant  aux  terrains 
archéens  ou  paléozoïques  sont  fréquemment  en  grains  assez 
fins  pour  pouvoir  bien  prendre  le  poli  et  fournissent  des  marbres 
d'ornementation.  A  Rio-Grande-du-Sud  et  à  San-Paulo,  il  existe 
des  établissements  préparant  en  grand  ces  marbres  du  pays. 
A  .Minas,  ils  sont  très  abondants;  on  les  trouve  à  Car  an  dah  y, 
Antonio-Pereira,  Gandarela,  etc.  L'Lcole  des  Mines  a  exposé  des 
marbres  de  ces  deux  localités,  qui  ont  déjà  été  employés  en 
grand  pour  l'ornementation  d'églises.  Les  marbres  de  Gandarela 
sont  très  durs,  de  couleur  variant  du  blanc  au  rouge,  avec 
moucheture  d'hématite.  Ils  résistent  très  bien  aux  agents  atmos- 


MINÉRALOGIE.  89 

phériques,  particularité  qui  doit  les  rendre  précieux  dans  un 
pays  où  les  marbres  importés  d'Europe  ne  tardent  pas,  dans 
les  constructions  exposées  à  la  pluie,  à.  s'altérer  et  à  perdre  leur 
poli. 

Pierres  ollaires.  —  La  pierre  ollairc  est  utilisée  dans  le  pays 
pour  la  fabrication  d'ustensiles  de  cuisine,  de  cuves,  de  bassins, 
de  tubes  de  conduite  d'eau.  Il  en  existe  à  Minas  un  grand  nombre 
de  variétés,  dont  quelques-unes,  homogènes,  prennent  un  beau  poli 
et  se  prêtent  à  l'ornementation  et  à  la  sculpture,  usages  auxquels 
elles  ont  été  employées  dans  un  grand  nombre  d'églises  de  la 
province.  On  trouve  de  véritables  carrières  de  cette  pierre  à 
Barbacena,  Ouro-Branco,  autour  d'Ouro-Preto,  de  San-Caetano, 
Santa-Luzia,  Catas-Altas,  Santa-Barbara ,  Conceiçâo-do-Serro, 
Serro,  etc.  Les  quelques  échantillons  exposés  par  l'Ecole  des 
Mines  représentent  les  divers  types  de  cette  pierre,  dont  la 
composition  minéralogique  et  les  propriétés  physiques  sont  très 
variables. 

Amiante.  —  Les  gisements  importants  de  cette  substance, 
d'ailleurs  très  fréquente  au  milieu  des  schistes  micacés  et  chlori- 
teux  de  Minas,  sont  au  nombre  de  deux.  A  4  kiloaiètres  d'Ouro- 
Preto.  au  lieu  dit  Taquaral,  se  montre  une  couche  de  cette  subs- 
tance intercalée  entre  les  itabiritas  et  les  schistes  inférieurs. 
L'échantillon  exposé  montre  sa  nature  soyeuse.  Une  variété 
fibreuse  blanche  forme  une  couche  exploitable  près  du  bourg  de 
Roças-Novas,  municipe  de  Caeté,  au-dessus  de  roches  gneissiques. 

Ocre.  — L'ocre  est  fréquente  dans  les  provinces  de  Minas  et  de 
Santa-Catharina.  On  l'utilise  dans  la  première  de  ces  provinces, 
pour  les  peintures  à  bon  marché  des  murs  des  maisons.  A  Ouro- 
Preto,  on  l'extrait  près  de  la  ville  même,  où  elle  se  vend  au 
détail  environ  30  centimes  le  litre,  d'une  couche  placée  entre 
les  itabirites  et  les  schistes. 

Deux  échantillons,  l'un  jaune,  l'autre  passant  à  la  sanguine, 
aussi  abondante  que  l'ocre,  sont  exposés  par  l'Ecole  des  Mines. 

Le  quartz,  les  agates,  le  mica,  les  pierres  précieuses  colorées, 
améthystes,  topazes,  béryls  et  aigues-marines,  cymophanes, 
grenats,  tourmalines,  donnent  lieu  à  un  commerce  d'exportation. 

Quartz.  —  Les  quartz  bien  purs,  propres  à  la  fabrication 
des  lentilles,  des  instruments  d'optique,  des  verres  de  lunette, 
proviennent  presque  tous  de  la  Serra-dos-Cristaes,  province  de 
Goyaz,  à  peu  de  distance  de  sa  limite  avec  celle  de  Minas-Geraes. 


90  LE     BRËSII     l'.N     18  89. 

Les  cristaux  de  quartz  se  trouvent  à  fleur  de  terre,  en  général 
recouverts  d'une  couche  terreuse,  d'oxyde  de  fer  au  milieu  d'ar- 
gile .m  d'un  tuf  arônacé  provenant  de  la  décomposition  des  roches 
granitiques  sous-jacentes.  Il  est  recueilli  par  les  gens  du  pays, 
vendu  sur  place,  et  transporté  à  Bio-de-Janeiro.  Le  minéral,  si 
abondanl  dans  La  province  do  Minas-Geraes,  ne  se  présente  que 
rarement  dans  un  état  physique  qui  permette  de  l'utiliser.  Dans 
le  Rio-Dôce,  près  de  la  ville  de  Pessanha,  il  existe  dansées 
conditions  un  gisement  qui  a  fourni  un  échantillon  exposé. 

Agates.  —  Les  Agates  viennent  de  la  province  de  Rio-Grande- 
du-Sud,  où  le  gisement  exploité  se  trouve  près  de  la  ville  de 
Santa-Anna-do-Livramcnto,  sur  les  frontières  de  l'Uruguay. 

Mica.  —  Le  mica,  en  grandes  lamelles  incolores,  jaunes  ou 
noirâtres,  vient  de  la  province  de  Goya/,  ou  il  se  trouve  près  du 
chef-lieu  de  la  province  et  près  de  la  ville  de  Meia-Ponte.  Dans  le 
pays,  il  est  utilisé,  comme  en  Russie,  pour  garnir  les  fenêtres 
et  remplacer  les  verres  à  vitre. 

Topazes.  —  Les  topazes  jaunes  ou  roses  sont  encore  exploitées 
dans  les  environs  d'Ouro-Preto  dans  la  carrière  de  Boa-Vista  que 
traverse  le  chemin  de  fer  de  Dom-Pedro  II.  Leurs  gisements  for- 
ment deux  filons  au  milieu  des  schistes  micacés,  jalonnés  par  les 
anciennes  exploitations  de  Serramenha,  Boa-Yista,  José-Correia, 
Capao-Fundâo  et  Morro-de-Caxambû,  où  cette  pierre  est 
accompagnée  de  l'euclase.  La  très  grande  dépréciation  qu'ont 
subie  sur  le  marché  les  pierres  colorées  a  fait  abandonner  presque 
complètement  ces  exploitations  qui  peuvent  encore  en  fournir 
de  grandes  quantités. 

Améthystes.  —  Les  améthystes  sont  exploitées  dans  trois 
carrières  à  peu  de  distance  des  limites  des  provinces  de  Bahia  et 
de  Minas-Geraes.  Le  centre  du  commerce  de  ces  pierres  sont  les 
villes  de  Gram-Mogol,  Minas-Novas  et  Arassuahy.  C'est  autour  de 
cette  dernière  ville  que  se  trouvent,  dans  les  graviers  des  cours 
d'eau  et,  en  place,  dans  des  filons  de  quartz,  au  milieu  des  roches 
granitiques,  les  cymophanes,  béryls,  andalousites,  dichroiques, 
tourmalines,  grenats. 

Cymophanes.  —  Les  cymophanes  en  fragments  roulés,  d'un 
beau  jaune  clair  c!  de  qualité  supérieure,  proviennent  d'un  petit 
cours  d'eau  affluent  du  Jequitinhonha,  le  Piauhy  ;  elles  sont 
accompagnées  d'un  Ires  grand  nombre  de  tréphanes. 

Tourmaline.  —  La  tourmaline  noire  est  l'un  des  minéraux  les 
plus  abondants  de  la  province  de  Minas,  où  il  forme  quelquefois 


MINÉRALOGIE.  91 

de  véritables  liions.  Colles  de  couleur  claire  bien  transparentes 
ne  se  trouvent  guère  que  dans  le  bassin  moyen  du  Jequitinhonha, 
souvent  en  énormes  cristaux  au  milieu  de  filons  de  quartz.  On 
les  exploite  autour  des  villes  d'Arrassuahy,  de  Santo-Antonio-de- 
Salinas,  dans  des  graviers  où  elles  sont  accompagnées  de  béryls 
et  de  grenats.  Le  centre  du  commerce  de  ces  pierres  est  la  ville  de 
Rahia,  niais  une  partie  est  utilisée  dans  le  pays  pour  la  fabrica- 
tion des  bijoux. 

Salprftrs.  —  Le  salpêtre  est  depuis  très  longtemps  exploité 
dans  les  grottes  calcaires  du  plateau  du  San-Francisco  et  du  rio 
des  Velhas,  dans  la  province  de  Minas-Geraes,  et  dans  celles  des 
provinces  de  Goyaz  et  de  Bahia.  Les  terres  salpétrées,  en  général 
très  riches,  sont  traitées  sur  place  même,  et  le  salpêtre  est  vendu 
à,  environ  un  franc  le  kilogramme  pour  la  fabrication  de  la 
poudre  de  chasse  et  des  feux  d'artifice.  La  présence  de  l'azotate 
dans  les  régions  à  élevage  de  Minas-Geraes  est  un  fait  important 
pour  l'agriculture.  Les  eaux  qui  lavent  ces  terres  se  réunissent 
dans  les  bas-fonds,  où  elles  forment  des  mares  que  fréquentent 
les  bêtes  à  cornes.  La  nitrifîcation  dans  ces  climats  chauds,  au 
milieu  de  terres  riches  en  alcalis  ou  en  chaux,  se  fait  avec  une 
puissance  extraordinaire,  et  le  salpêtre  peut  ensuite  être  trans- 
porté par  les  eaux  d'infiltration  dans  des  grottes  au  milieu  de 
roches  quartzeuses,  où  il  forme  des  amas,  des  filons  même, 
comme  dans  celle  découverte  près  de  Diamantina  il  y  a  quelques 
jours,  et  qui  a  fourni  déjà  plus  de  40  tonnes  d'azotate  pur  cris- 
tallin, dont  des  échantillons  sont  exposés. 

Graphite.  — Le  graphite  mélangé  à  l'argile  forme  fréquemment 
à  Minas-Geraes  des  couches  qui  pourront  fournir,  comme  à  Ita- 
bira-de-Matto-Dentro  de  la  plombagine  de  bonne  qualité.  Dans 
le  bassin  inférieur  du  Jequitinhonha  existe  un  filon  de  graphite 
de  0  m.  50  à  1  m.  de  puissance  au  milieu  des  roches  granitiques. 
Ce  gisement  fournit  des  échantillons  contenant  83  p.  100  de 
carbone  et  pouvant  servir  à  la  fabrication  des  crayons. 

Nombreux  sont  donc  les  gisements  métallifères  et  de  subs- 
tances utilisables  dans  l'industrie,  déjà  connus  au  Brésil.  Bien 
plus  nombreux  doivent  être  ceux  que  le  sol  renferme,  dans  cet 
immense  pays  où  une  bien  petite  parcelle  du  sous-sol  a  été 
étudiée  et  qui  offre  un  si  vaste  champ  de  recherches  dans  des 
régions  vierges  de  toute  exploitation  ! 

Lois  et  règlements  sur  les  mines.    —    Il   me   semble   utile   de 


92  LE     BRÉSIL     EN     1889. 

c pléter  cette  notice  sur  les  gisements  métallifères  du  Brésil  en 

faisanl  connaître  brièvement  les  lois  et  les  règlements  Bur  la 
propriété  des  mines.  Ce  sujet  a  *'* l *>  traité  dans  un  bravai]  dû  au 
savant  jurisconsulte  M.  le  docteur  Antonio  II.  de  Souza-Bandeira. 

lui  premier  lieu,  depuis  La  loi  de  1867,  les  étrangers  peuvent 
acquérir  et  exploiter  des  mines  au  Brésil  dans  les  mêmes  condi- 
tions que  les  nationaux.  Les  compagnies  anonymes,  dont  Je 
siège  social  se  trouve  hors  du  pays,  n'ont  pour  fonctionner  au 
Brésil  qu'à  obtenir  du  gouvernement  une  permission  qui  exige 
fort  peu  de  formalités  et  à  accréditer  un  agent  responsable,  rési- 
dant dans  le  pays,  auprès  du  .Ministère  de  L'Agriculture,  du  Com- 
merce et  des  Travaux  publies.  Bien  que  le  Brésil  ne  possède  pas 
de  loi  codiliée  sur  les  mines,  et  que  la  matière  soit  encore  régie 
par  d'anciennes  lois  portugaises  et  par  des  décrets  et  des  arrêtés 
postérieurs  à  la  proclamation  de  L'indépendance,  il  ressort  des 
actes  du  gouvernement  que  la  propriété  des  mines  est  distincte 
de  celle  de  la  superficie.  Les  gisements  de  pierres  de  construc- 
tion et  d'ornementation,  des  substances  employés  dans  l'indus- 
trie  et  l'agriculture,  marbres,  pierre  à  chaux,  marnes,  argiles, 
amiante,  quartz,  mica,  tourbe,  pierres  précieuses  autres  que  le 
diamant  font  exception,  et  leur  propriété  suit  celle  du  sol  ;  le 
propriétaire  peut  en  disposer  à  son  gré  en  se  soumettant  simple- 
ment aux  règlements  municipaux  qui  peuvent  exister  sur  la 
matière.  La  propriété  de  tous  les  autres  gisements  peut  s'acquérir: 
1°  par  achat,  héritage  ou  donation  d'anciens  concessionnaires, 
ou  dates  minérales  accordées  par  le  gouvernement  portugais 
avant  l'indépendance  ou  depuis  cette  indépendance  par  décret 
du  gouvernement,  ou  bien  par  simple  décision  de  fonctionnaires 
spéciaux,  nommés  par  les  présidents  de  province,  mais  qui 
n'existent  de  fait  que  dans  la  province  de  Miuas-Geraes,  et  qui 
portent  le  nom  «  de  gardes  généraux  substituts  des  mines  »; 
2°  par  concession  obtenue  directement  du  gouvernement  central 
ou  des  mêmes  gardes-mines,  dont  les  attributions  et  les  carac- 
tères  sont  entièrement  différents  des  fonctionnaires  qui  portent  ce 
nom  en  France. 

Les  concessions  faites  par  les  gardes-mines  pour  un  temps 
indéterminé,  peuvent  s'étendre  sur  un  certain  nombre  d'unités 
de  superficie  [dates  minérales)  suivant  la  demande  des  in- 
téressés. Une  date  vaut  GS  hectares  b\070  centiares.  Leur  obten- 
tion n'est  précédée  que  d'une  simple  demande  faite  au  garde-mine 
du  district  qui,  à  l'aide  de  professionnels,  marque  les  limites  de  la 


MINÉRALOGIE.  93 

concession.  Les  concessions  accordées  par  le  gouvernement  sont 
précédées  d'un  permis  de  recherche  accordé  par  décret  sur 
demande  adressée  au  ministère  de  l'agriculture  en  indiquant  le 
municipe  où  ces  recherchés  doivent  être  effectuées.  Ce  permis 
donne  le  droit  de  faire  pendant  un  an,  délai  souvent  prorogé,  des 
recherches  dans  le  municipe  indiqué,  sur  une  superficie  de  cent 
hectares  dont  le  concessionnaire  peut  lui-même  choisir  l'empla- 
cement, à  condition  de  ne  pas  empiéter  sur  une  permission  anté- 
rieure à  la  sienne  et  d'indemniser  les  propriétaires  de  la  super- 
ficie des  pertes  et  dommages  que  peuvent  leur  causeries  travaux. 
Un  même  individu  peut  obtenir  plusieurs  permissions  analogues, 
pourvu  que  chacune  d'elles  soit  située  dans  un  municipe  diffé- 
rent. 

La  concession  définitive  est  donnée  par  décret  impérial  sur  la 
présentation  des  plans  avec  sections  du  gisement  découvert, 
d'une  carte  indiquant  la  composition  géologique  des  terrains 
environnants,  d'échantillons  des  minerais  découverts  et  d'un 
rapport  sur  la  puissance,  la  nature  du  gisement.  Ces  documents 
sont  soumis  à  l'examen  de  personnes  compétentes,  choisies  par 
le  ministre.  La  concession  est  faite  pour  un  temps  indéfini  et  crée, 
pour  celui  qui  Ta  obtenue,  une  propriété  soumise  aux  mômes  lois 
que  celles  de  toute  autre  espèce,  sauf  les  clauses  qui  peuvent  être 
indiquées  dans  l'acte  de  concession. 

D'après  la  loi  du  26  septembre  1867  le  gouvernement  indique 
que  le  concessionnaire  aura  à  payer  à  l'Etat  un  droit  fixe  de  5  réis 
(un  peu  plus  de  1  centime  au  pair;  par  4m,84  de  superficie  de  la 
concession,  et  une  redevance  proportionnelle  de  2  p.  100  sur  le 
produit  net  de  la  mine.  Mais  comme  cette  loi  n'a  pas  encore  pu 
être  exécutée,  car  le  règlement  qui  doit  l'accompagner  n'a  pas  été 
élaboré,  il  résulte  de  décisions  prises  par  le  ministre  des  finances 
que  les  concessionnaires  n'ont  à  payer  à  l'Etat  que  le  minime 
droit  fixe  annuel  de  2.000  réis  (un  peu  moins  de  6  francs  au  pair) 
pour  chaque  date  minérale  de  68  hectares  6.070  centiares  con 
formément  à  la  loi  budgétaire  de  1868  ! 

Aucune  redevance  n'est  fixée  en  faveur  du  propriétaire  de  la 
surface,  qui  n'a  droit  qu'aux  indemnités  qui  peuvent  lui  être 
allouées  pour  compenser  les  pertes  et  dommages  que  lui  causent 
l#s  travaux  d'exploitation. 

Les  gisements  de  diamants  sont  soumis  à  une  législation 
■spéciale,  où  il  est  clairement  et  nettement  établi  qu'ils  font 
partie  du  domaine  de  l'État.  Leur  concession,  véritable  fermage,  se 


M  LE     BRÉSIL     EN     18  89. 

fait  par  adjudication  publique,  et  il  est  en  outre  accordé  aux 
simples  laveurs  de  gra>  iers  (garimpeiros)  une  autorisation  qui  leur 
permet  et  leur  donne  le  droit  de  lavage  dans  les  terrai»  aea 
concédés.  La  concession  est  faite  pour  un  délai  de  1  an  à  10  ans, 
ei  moyennant  un  droit  minimum  de  2  réis  (un  peu  plus  de  1/2 
centime  par  mètre  carré  ;  siles  terrains  n'ont  jamais  été  exploités, 
le  droil  est  encore  abaissé  ;  si  les  terrains  ont  été  le  siège  d'an- 
ciennes exploitations,  l'unité  de  superficie  porte  le  nom  de  lot  et 
sa  valeur  varie  de  29.040  mètres  carrés  à  48-4. 000  mètres.  Un  seul 
individu  ne  peut  pas  obtenir  la  concession  de  plus  de  deux  lots. 
Les  Compagnies,  organisées  en  vue  d'exploiter  le  lit  des  rivières 
et  les  gisements  dont  la  situation  rend  les  travaux  plus  difficiles, 
peuvent  obtenir  des  concessions  plus  étendues  dans  les  conditions 
précédentes, et  dont  la  superficie  maxima soit  de  43. 5G0. 000 mètres; 
la  durée  de  la  concession  dans  ce  cas  est  élevée  à  15  ans. 

I /administration  spéciale  des  terrains  diamantifères  relève  du 
ministère  des  finances. 


ECOLE   DES   MINES   D'OURO-PRETO 


SON   ORGANISATION,   SON   ENSEIGNEMENT. 


Dès  1832,  l'idée  de  l'organisation  de  renseignement  pratique  de 
la  minéralogie  et  de  la  géologie  avait  été  adoptée  parle  gouverne- 
ment du  Brésil,  de  même  que  la  création  d'une  école  pour  l'ensei- 
gnement de  la  métallurgie,  l'exploitation  des  mines  et  la  do- 
cimasie  avait  été  décrétée. 

Le  siège  de  cette  école  devait  être  la  capitale  de  la  province 
de  Minas-Geraes,  Villa-Rica,  aujourd'hui  Ouro-Preto. 

Cette  institution  faisait  partie  du  plan  général  d'organisation 
(1  ■  l'enseignement  supérieur  qui,  dès  les  premiers  jours  de  l'in- 
dépendance, avait  été  l'objet  de  la  sollicitude  du  gouvernement 
sollicitude  d'autant  plus  nécessaire  que  jamais  la  Métropole 
n'avait  eu  souci  des  besoins  intellectuels  de  la  plus  riche  de  ses 
colonies.  Obligés  d'abord  de  faire  face  à  des  nécessités  plus 
urgentes  pour  le  pays,  les  divers  ministères  qui  se  succédèrent 
n'eurent  pas  l'occasion  d'exécuter  cette  partie  du  programme. 


MINÉRALOGIE.  95 

Il  appartenait  à  M.  le  conseiller  Joào-Alfrcdo  Correa  de  Oliveira, 
alors  ministre  de  l'Empire  (intérieur,  instruction  publique  et 
cultes  et  aujourd'hui  président  du  conseil  des  ministres,  qui  a 
donné  tant  de  preuves  de  son  dévouement  à  la  cause  de  l'instruc- 
tion publique,  de  reprendre  ce  projet  et  de  le  faire  exécuter. 

En  1874,  un  professeur  de  l'Université  de  France  appelé  au 
Brésil  pour  organiser  renseignement  delà  minéralogie  et  de  la 
géologie,  fut  chargé  par  lui  de  choisir  dans  la  province  de  Minas- 
Geraes  la  localité  qui  convenait  le  mieux  à  rétablissement  d'une 
Ecole  de  mines  et  d'organiser  les  programmes  et  le  règlement  de 
cette  institution. 

En  1875,  le  travail  étant  terminé,  l'École  des  mines  d'Ouro- 
Preto  put  commencer  ses  travaux  le  18  novembre  187G,  sous  le 
ministère  de  M.  le  conseiller  José  Bento  da  Cunha  e  Figueiredo, 
aujourd'hui  vicomte  de  Bom-Conselho. 

La  durée  des  cours,  la  nature  et  la  distribution  des  matières 
de  l'enseignement  ont  été  successivement  modifiées  par  divers 
décrets,  ayant  pour  but  de  mettre  l'organisation  de  l'Ecole  des 
mines  en  rapport  avec  les  besoins  du  pays  et  l'état  de  l'instruc- 
tion secondaire. 

En  1884,  l'Assemblée  provinciale  de  Minas-Geraes  vota  une 
subvention  annuelle  de  30  contos  de  réis  (près  de  90.000  francs 
au  change  actuel)  qui  devait  se  joindre  au  budget  ordinaire,  à 
condition  que  de  nouvelles  chaires  seraient  crées  de  manière  à 
permettre  aux  élèves  qui  en  sortiraient  de  pouvoir  exercer  les 
fonctions  d'ingénieur  des  mines  et  d'ingénieur  civil. 

Ces  conditions  furent  acceptées  par  le  gouvernement  général, 
et,  par  décret  du  27  juin  1885,  l'Ecole  fut  soumise  au  règlement 
qui  la  régit  aujourd'hui. 

Son  but,  comme  le  déclare  l'article  premier  de  ce  règlement, 
est  de  former  des  ingénieurs  pour  l'exploitation  des  mines,  pour 
les  établissements  métallurgiques,  et  en  général  pour  tous  les 
services  auxquels  correspond  son  enseignement. 

Le  régime  est  l'externat  et  les  élèves  sont  obligés  d'assister  à 
toutes  les  leçons,  de  prendre  part  à  tous  les  travaux  pratiques 
dont  le  nombre  est  fixé  chaque  année  par  la. réunion  des  profes- 
seurs. 

L'enseignement  est  complètement  gratuit,  aucune  rétribution 
n'est  exigée  des  élèves  pour  les  travaux  de  laboratoire. 

Il  leur  est  fourni  le  papier  à  dessin  dont  ils  peuvent  avoir 
besoin,   et   non  seulement  ils  peuvent  consulter  les  livres  à  la 


96  LE     BRÉSIL     EN     18  89. 

bibliothèque,  mais  aussi,  moyennant  un  reçu,  en  emprunter  un 
certain  nombre. 

En  nuire,  chaque  année,  le  budget  de  l'Ecole  comprend  un 
chapitre  destiné  à  venir  en  aide  aux  jeunes  gens  pauvres  qui  se 
recommandent  par  leur  travail  et  leurs  progrès,  et  qui  sans  ce 
secours  ne  pourraient  pas  continuer  leurs  études. 

L'enseignement  est  divisé  en  deux  parties  distinctes:  le  cours 
-encrai  et  le  cours  supérieur. 

Chacun  de  ces  cours  dure  trois  années,  et  chaque  année 
scolaire  comprend  dix  mois  de  travaux,  dont  le  dernier  est 
consacré  aux  examens  de  fin  d'année. 

Les  travaux  de  laboratoire,  les  excursions  scientifiques  peu- 
vent avoir  lieu  les  dimanches  et  les  jours  considérés  comme 
fériés. 

Cours  général.  —  Dans  le  cours  général,  les  élèves  acquièrent 
l'instruction  scientifique  nécessaire  pour  pouvoir  suivre  avec 
facilité  renseignement  technique  du  cours  supérieur. 

Les  élèves  ne  sont  admis  en  première  année  que  sur  la  pré- 
sentation de  certificats,  prouvant  qu'ils  ont  subi  avec  succès  les 
examens  de  portugais,  français,  anglais  ou  allemand,  histoire 
et  géographie,  devant  des  com'missions  chargées  de  faire  passer 
ces  examens  préparatoires,  examens  qui  peuvent  aussi  être  passés 
à  l'Ecole,  où  des  commissions  de  professeurs  sont  nommées  à  cet 
effet  par  le  directeur. 

Les  deux  premières  années  de  ce  cours  correspondent  à  ren- 
seignement secondaire  scientifique  des  lycées  de  France.  Leur 
création  a  été  rendue  nécessaire  par  les  difficultés  que  rencon- 
traient les  candidats  à  l'Ecole  pour  acquérir  les  connaissances  des 
sciences  physiques  et  naturelles  exigées  par  le  règlement,  et  dont 
l'enseignement,  dans  beaucoup  de  provinces,  ne  fait  pas  encore 
partie  des  programmes  de  l'instruction  secondaire.  Cette  dispo- 
sition, qui  certainement  complique  l'organisation  de  l'Ecole,  a 
pourtant  un  grand  avantage,  celui  de  donner  à  son  enseignement 
une  homogénéité  complète.  Presque  tous  les  professeurs  de  l'Ecole 
en  sont  d'anciens  élèves.  Ils  sont  pénétrés  des  mêmes  idées, 
suivent  les  mêmes  méthodes,  de  sorte  que  le  résultat  est  le  même 
que  si  le  même  professeur  accompagnait  les  élèves  pendant  toute 
la  durée  de  leur  séjour  à  l'Ecole. 

Tous  les  programmes,  depuis  les  plus  élémentaires  jusqu'à 
ceux  des  cours  les  plus  spéciaux,  sont  discutés  en  commun  et 
forment  un  tout,  dont  les  parties  se  complètent  mutuellement. 


MINÉRALOGIE.  97 

Les  programmes  de  troisième  année  sont  à  peu  près  ceux  de 
l'enseignement  des  cours  préparatoires  aux  écoles  supérieures 
de  même  nature  des  autres  pays. 

En  première  année, l'enseignement  comprend:  l'arithmétique, 
la  géométrie,  la  trigonométrie  et  l'algèbre  élémentaire,  les  pre- 
miers principes  de  physique  et  de  chimie,  le  dessin  d'imitation. 

La  deuxième  année:  les  compléments  de  l'algèbre,  le  calcul 
des  dérivées,  la  géométrie  analytique  à  deux  et  à  trois  dimen- 
sions, la  fin  de  la  trigonométrie  rectiligne,  la  cosmographie  et 
l'arpentage;  la  ligne  droite  et  le  plan,  en  géométrie  descriptive  ; 
la  chimie  des  métalloïdes,  la  chaleur,  l'électricité  et  le  ma- 
gnétisme, en  physique  ;  la  zoologie,  le  dessin  d'imitation. 

La  troisième  année  :  le  calcul  différentiel  et  intégral,  la  méca- 
nique rationnelle,  la  trigonométrie  sphérique  ;  les  plans  tangents 
et  l'intersection  des  surfaces,  en  géométrie  descriptive;  la  chimie 
des  métaux  et  des  matières  organiques  ;  en  physique,  le  son  et  la 
lumière;  la  botanique,  le  dessin  d'imitation. 

Un  certain  nombre  de  leçons  sont,  en  outre,  consacrées  à  la 
révision  des  parties  les  plus  importantes  du  cours  de  deuxième 
année. 

Les  leçons  sont  accompagnées  de  nombreux  exercices  prati- 
ques de  problèmes  à  résoudre,  d'épurés  à  dessiner,  et  les  élèves 
sont  soumis  à  de  fréquentes  interrogations  ;  en  première  année, 
une  composition  sur  des  sujets  mathématiques  est  faite  réguliè- 
rement chaque  semaine  sous  les  yeux  du  professeur. 

En  seconde  et  en  troisième  année,  les  élèves  sont  exercés  aux 
manipulations  de  chimie,  de  physique,  de  zoologie  et  de  bota- 
nique. 

Examens  de  passage.  —  Les  élèves  ne  peuvent  passer  d'une 
année  à  une  autre  qu'à  la  condition  d'avoir  remis  tous  les  travaux 
graphiques,  exercices,  levés  de  plans  dont  ils  ont  été  chargés,  et 
de  subir  avec  succès  les  examens  de  passage  qui  ont  lieu  à  la  fin 
de  chaque  année  scolaire;  ces  examens  portent  sur  toutes  les 
matières  de  l'enseignement  de  l'année,  et  les  élèves  ne  peuvent 
les  subir  que  si  la  moyenne  des  notes  de  l'année  atteint  le 
chiffre  8. 

Cours  supérieurs.  —  L'admission  aux  cours  supérieurs  se  fait 
par  concours,  pour  lequel  il  n'existe  aucune  limite  d'âge  inférieure 
ou  supérieure. 

Admissions.  —  Ace  concours  peuvent  se  présenter,  sans  distinc- 
tion de  nationalité,  non   seulement  les  élèves  qui  ont  terminé 

7 


LE     BRÉSIL     EH     1889. 

avec  SUccès  les  trois  années  du  cours  général,  mais  aussi  tous 
les  candidats,  de  quelque  école  qu'ils  proviennent,  qui  prouvent 
qu'ils  possèdenl  une   instruction   analogue  à  celle  donnée  dans 

ces  trois  années. 

Le  nombre  des  admissions  peul  être  fixé  par  le  ministre  de 
l'Empire.  Le  concours  porte  sur  les  matières  de  renseignement 
du  cours  généra]  et  a  lieu,  en  juin,  devant  une  commission 
nommée  par  le  directeur  de  l'école  et  dont  les  membres  doivent 
être    pris    parmi  les   professeurs.   Les  épreuves  sont  écrites  et 

orales. 

Enseignement  des  trois  années  du  cours  supérieur.  —  L'ensei- 
gnement  des  cours  supérieurs  comprend  : 

Première  année  :  Minéralogie,  docimasie,  leçons  de  physique 
et  de  chimie  industrielle,  première  partie  de  l'exploitation  des 
mines,  métallurgie  générale  et  du  1er,  stéréotomie,  charpente, 
ombres  el  plans  cotés,  mécanique  appliquée  aux  machines  à 
vapeur,  thermodynamie  hydraulique.  Travaux  pratiques  :  épures, 
analyses  de  substances  minérales,  déterminatives  de  minéraux. 
Deuxième  année:  Première  partie  de  la  géologie,  phéno- 
mènes actuels,  pétrographie,  fin  de  l'exploitation  des  mines. 
Métallurgie  :  petits  métaux,  mécanique  appliquée  à  la  résistance 
des  matériaux,  étude  des  matériaux  de  construction,  technologie 
des  petites  professions,  architecture,  topographie  superficielle  et 
souterraine,  tracé  d'une  route.  Travaux  pratiques  :  Détermination 
de  poches,  levés  de  plans,  excursions  géologiques,  visite  de 
mines  et  d'établissements  métallurgiques. 

Troisième  année  :  Seconde  partie  de  la  géologie,  description 
des  terrains  et  des  principaux  fossiles  qui  les  caractérisent, 
chemins  de  fer,  routes,  ponts  et  viaducs,  compléments  de  méca- 
nique appliquée  aux  courants  d'eau,  canaux  et  ports,  hydrau- 
Lique  agricole,  Leçons  sur  la  législation  des  mines,  économie 
politique,  droit  administratif  et  statistique.  Travaux  pratiques: 
détermination  de  fossiles,  dessins,  rédactions  de  projets  sur  la 
métallurgie,  L'exploitation  des  mines,  la  mécanique  appliquée 
ei  1rs  chemins  de  fer,  excursions  géologiques,  visites  d'usines 
et  de  travaux. 

Les  élevés  sont  obligés  de  remettre  dans  un  délai  d'un  mois 
des  rapports  sur  les  études  qu'ils  ont  faites  pendant  les  excur- 
sions scientifiques,  qui  ont  lieu  sous  la  direction  des  professeurs, 
durant  les  jours  de  congé  de  Tannée  et  les  vacances  qui  séparent 
Les  travaux  scolaires. 


MINÉRALOGIE.  00 

Les  conditions  de  passage  d'une  année  à  une  autre  sont  les 
mêmes  que  pour  le  cours  général.  A  la  fin  de  la  troisième  année, 
roux  qui  ont  satisfait  à  toutes  les  conditions  du  règlement  obtien- 
nent un  diplôme  signé  parle  ministre  de  l'Empire  et  le  directeur 
de  l'École.  L'État  ne  garantit  aucun  emploi  aux  ingénieurs 
pourvus  de  ce  diplôme,  et  comme  l'industrie  extractive  et  la 
métallurgie  sont  encore,  saut  dans  la  province  de  Minas-Geraes, 
fort  peu  développées,  ils  éprouvent,  malgré  leur  instruction 
scientifique  déjà  bien  reconnue,  des  difficultés  à  se  placer  dans 
des  entreprises  de  leur  spécialité. 

L'enseignement  est  donné  par  douze  professeurs:  six  pour 
chacun  des  cours  supérieur  et  général,  aidés  de  trois  répétiteurs- 
préparateurs  et  d'un  professeur  de  dessin.  Ces  professeurs  sont 
nommés  par  décret  impérial  après  concours;  ils  jouissent  de 
toutes  les  prérogatives  et  garanties  accordées  aux  magistrats  des 
Cours  supérieures. 

Administration.  —  L'administration  se  compose  simplement 
d'un  directeur  à  la  fois  professeur,  et  d'un  secrétaire  chargé  en 
même  temps  de  la  bibliothèque. 

Il  n'existe  ni  surveillants,  ni  agent  comptable,  et  la  nécessité 
ne  s'en  est  jamais  fait  sentir. 

Les  professeurs  indiquent  eux-mêmes,  sur  leurs  livres  de 
leçons,  le  nom  des  élèves  absents  et  les  notes  obtenues  par  les 
élèves. 

Les  collections  pour  l'enseignement  sont  les  suivantes  : 
Minéralogie  :    790   échantillons   représentant   les   principaux 
types  de  minéraux,  bien  cristallisés,  classés  dans  Tordre   suivi 
pour  les  leçons;  105  échantillons  des  minerais  des  métaux  usuels, 
modèles  en  bois,  tableaux  de  cristallographie. 

Collection  des  minéraux  et  roches  des  provinces  de  Minas- 
Gereas,  Rio-Grande-du-Sud,  San-Paulo  et  des  gisements  aurifères 
et  diamantifères  du  Brésil,  en  tout  633  échantillons.  Géologie  : 
686  échantillons  des  fossiles  caractéristiques  des  terrains,  116  des 
terrains  du  Brésil,  400  roches  types,  en  tout  2.730  échantillons 
bien  déterminés,  1.000  plaques  taillées  dans  ces  roches  pour  les 
études  pétrographiques. 

Métallurgie  et  exploitation  des  mines.  —  Le  cours  de  métallurgie 
et  d'exploitation  des  mines  est  doté  d'une  série  de  modèles  des 
principaux  appareils  et  des  fours  employés  pour  l'extraction  des 
minerais  etlapréparation  des  métaux,  et  d'une  série  de  100  échantil- 
lons de  matières  premières,  produits  secondaires  et  combustibles. 


100  i.i:     BRÉSIL    EN     1889. 

Ceux  de  mécanique  appliquée,  de  construction,  d'architecture, 
de  géométrie  descriptive  el  de  stéréotomie,  disposent  de  collec- 
tions analogues.  Pour  ces  derniers,  le  nombre  des  modèles  esl 
assez  considérable,  et  la  collection  esl  la  même  que  celle  adoptée 
en  France  pour  L'enseignement  secondaire  et  supérieur. 

Le  cabinet  de  physique  est  aussi  complet  que  l'exige  rensei- 
gnement el  renferme  plus  de  300  appareils  cl  instrument-  prove- 
nant des  meilleurs  fabricants  de  Paris. 

Les  Laboratoires  de  chimie  sont  munis  de  tous  les  réactifs, 
ustensiles,  balances  de  précision,  nécessaires  aux  travaux  «les 
élevés  et  des  professeurs.  Les  locaux  où  ils  sonl  établis  seront  à 
la  fin  de  l'année  remplacés  par  des  constructions  spéciales  en 
voie  d'exécution,  comprenant  une  salle  pour  la  chimie  générale 
où  pourront  travailler  simultanémenl  vingl  élèves,  un  Laboratoire 
«le  docimasie  avec  une  salle  spécialement  destinée  aux  profes- 
seurs, et  cabinet  de  balances  de  précision.  Le  gaz  qui  sert  pour 
les  appareils  de  chauffage  et  d'éclairage  est  fabriqué  dans  l'éta- 
blissement même  à  l'aide  de  graines  oléagineuses  de  coton  et  de 
ricin. 

La  bibliothèque,  ouverte  tous  les  jours  aux  élèves,. compte  265 
ouvrages  en  rapport  avec  les  diverses  branches  d'enseignement 
de  L'École.  Ils  sont  pour  la  plupart  écrits  en  français,  langue  que 
tous  les  élèves  entendent  et  qu'un  très  grand  nombre  parle. 
Elle  reçoit  36  publications  scientifiques  périodiques  :  6"  en  por- 
tugais ,  20  en  français,  /  en  espagnol,  4  en  anglais  et  2  en 
italien. 

Annales  de   V  Ecole   des   Mi  ans.   Recherches,   minéralogiques   et 

géologiques.  —  L'École  des  Mines   d'Ouro-Preto  ne  se  considère 

omme  simple  établissement  d'instruction   technique,  mais 

aussi  comme  un  foyer  de  propagande  pour  les  études  de  minera - 

logie  e1  de  géologie. 

Ces  études  au  Brésil  jusqu'à  ces  vingt  dernières  années  se 
limitaient  à  des  voyages  rapides  d'exploration  où  la  plus  grande 
part  appartenait  aux  étrangers. 

Ce  n'est  guère  qu'au  commencement  de  ce  siècle  même  que 
ces  voyages  devinrent  possibles  et  prirent  un  caractère  scienti- 
fique. 

L'Anglais  Mawe,  dans  ses  relations  de  voyage,  donne  des 
indications  exactes  sur  les  mines  d'or,  de  diamants,  les  gisements 
de  pierres  précieuses  el  de  salpêtre. 

Avant  lui,  en  1792,  le  patriarche  de  l'Indépendance  du  Brésil, 


MINÉRALOGIE.  101 

Bouifacio  de  Aadrada,  savant  auquel  on  doit  la  découverte  d'es- 
pèces minérales  comme  le  triphane,  si  abondant  dans  le  bassin 
moyen  du  Joquitinhonha,  avait  étudié  les  mêmes  gisements. 

Les  voyages  de  Spix  et  Martius,  si  importants  au  point  de  vue 
botanique,  apportaient  aussi  leur  contribution  aux  études  géolo- 
giques auxquelles  fournissent  encore  quelques  renseignements 
les  œuvres,  si  justement  populaires  au  Brésil,  d'Auguste  de  Saint- 
Hilaire. 

Les  deux  livres  du  baron  d'Eschwège,  Pluto  Brasiliensis  et 
Geognostisches  Gemalde  von  Brasilien,  contiennent  le  résultat 
d'observations  et  d'études  géologiques,  poursuivies  au  Brésil 
pendant  vingt  ans. 

Malgré  quelques  interprétations  fausses,  quelques  erreurs  de 
classification  de  terrains,  erreurs  provenant  surtout  de  l'état  peu 
avancé  de  la  géologie  à  l'époque  où  l'auteur  rédigeait  son 
ouvrage,  le  travail  d'Eschwège  n'en  reste  pas  moins  le  plus 
important  et  le  plus  intéressant  qui  ait  été  écrit  sur  le  Brésil,  et 
c'est  encore  un  des  plus  utiles  à  consulter.  La  province  de  Minas- 
Geraes  y  occupe  la  première  place.  Quelques  notes  du  naturaliste 
Glaussen  sont  aussi  à  citer,  et  fournissent  des  renseignements 
intéressants  sur  les  gisements  de  minéraux  rares  qu'il  a  fait  con- 
naître en  Europe.  A  la  même  époque,  Selow  recueillait  dans  la 
province  de  Rio-Grande-du-Sud  une  collection  de  roches  cristal- 
lines et  éruptives  qui  furent  étudiées  par  Weiss  et  forment 
la  matière  d'un  Mémoire  publié  dans  les  comptes  rendus  de  l'Aca- 
démie des  Sciences  de  Tienne. 

En  1843,  Pissis  publia  deux  Mémoires  importants,  accompa- 
gnés de  cartes  géologiques,  sur  les  provinces  de  Minas-Geraes  et 
San-Paulo,  dont  celui  qui  a  rapport  aux  soulèvements  des  mon- 
tagnes du  Brésil  obtint  l'honneur  d'être  inséré  dans  les  Mémoires 
des  Savantslétrangers ,  de  l'Académie  des  Sciences  de  France. 

Les  terrains  diamantifères  ont  donné  lieu  à  une  série  de  tra- 
vaux de  minéralogie  et  de  géologie  dus  à  Helmreichen,  Heuser  et 
Claraz  ;  l'étude  des  minéraux  qui  accompagnent  le  diamant  a  des 
Mémoires  de  MM.  Damour  et  des  Cloiseaux  qui  ont  servi  de  bases 
à  tous  les  travaux  ultérieurs  sur  ces  sujets. 

La  Paléontologie  du  Brésil  n'a  donné  lieu,  pendant  la  première 
moitié  de  ce  siècle,  qu'à  un  seul  travail,  mais  celui-là,  magistral, 
du  savant  de  Lagôa-Santa,  de  Lund,  sur  la  faune  quaternaire  des 
grottes  calcaires  des  plateaux  du  San-Francisco  et  du  rio  das 
Velhas. 


102  LE     BRÉSIL     i:n     18  89. 

Les  mines  d'or  ont  plu*  fréquemment  attiré  l'attention  des 
voyageurs,  el  on  trouve  but  elles  des  données  utiles  «la  us  les  récits 
des  \  de  Spix  ei  de  Martius,  Saint-Hilaire,  prince  de  Neu- 

wied,  Gardner.  Castelnau,  Burton,  \ve  Lallemand,  Von  Tschudi 
et  d'autres  encore.  L'histoire  de  ces  mines  a  été  résumée  avec 
beaucoup  de  soin  dans  l'ouvrage  d'Hennewood,  publié  en  1871 
mais  où  il  n'est  guère  question  que  de  la  province  de  Minas- 
Geraes. 

A  ce  même  ordre  d'études  se  rattachent  quelques  notices 
comme  celle  de  l'ingénieur  Bural  sur  les  gisements  de  l'or  dans 
les  itabirites  friables,  el  celles  publiées  par  M.  Vendeborn  sur  les 
mines  de  Montes  Aureos  de  la  province  de  Maranhào,  de  Natha- 
niel  Plant  sur  Les  dépôts  de  combustible  minéral  de  Rio-Grande- 
du-Sud. 

C'est  L'expédition  Thayer,  dirigée  par  A.gassiz,  qui  ouvrit  la 
nouvelle  ère  des  travaux  géologiques  au  Brésil. 

La  plus  grande  part  dans  les  travaux  géologiques  de  la  com- 
mission revient  à  llarlt,  qui,  après  avoir  visité  avec  soin  les  cites 
du  Brésil,  de  Bahia  à  Rio-de- Janeiro,  a  parcouru  plus  de 
1.000  kilomètres  à  pied  dans  l'intérieur,  pénétrant  de  Bahia 
jusqu'au  centre  de  Minas-Geraes. 

Hartt  dans  sa  Géologie  du  Brésil,  publiée  à  Boston  en  1870,  a 
résumé  tous  les  travaux,  se  rapportant  à  ce  sujet,  et  indiqué  les 
découvertes  de  l'expédition  d'Agassiz,  à  laquelle  on  doit  les  pre- 
mières  idées  nettes  et  exactes  sur  l'horizon  géologique  des  terrains 
palœozoïques  de  Paré  et  de  l'Amazone  et  des  dépots  secondaires 
des  provinces  du  nord,  de  Bahia  à  Para,  découvertes  auxquelles 
sont  associés  les  noms  de  naturalistes  brésiliens. 

C'est  à  la  suite  de  celle  expédition  que  fut  créé  le  service 
général,  aujourd'hui  supprimé,  de  la  carte  géologique  du  Brésil 
pour  l,i  directioD  duquel  Hartt  était  naturellement  indiqué. 

Les  quelques  années  que  ce  si  regretté  savant  a  passées  à 
La  tête  de  ce  service  ont  été  signalées  par  des  travaux  remar- 
quables de  paléontologie  et  degéologie  et  parla  formation  de  col- 
lections dont  l'étude  se  continue  encore.  Ces  travaux  auxquels, 
drs  Le  début,  se  trouve  associé  son  élève  et  ami  le  géologue  Derby, 
ont  été  déjà  en  partie  publiés  dans  les  Annales  du  Muséum  de  Itlo- 
de- Janeiro. 

C'est  a  M.  Derby  qu'appartenait  de  recueillir  L'héritage  scien- 
tifique de  Hartt,  donl  il  continue  aujourd'hui,  si  utilement  pour 
Je  pays  et  la  science,  les  travaux  dans  la  direction  du  service  de 


MINÉRALOGIE.  103 

lacarte  géologique  de    San-Paulo,  créé  et  subventionné  par  le 

gouvernement  de  cet  Le  province.  Les  roches  de  San-Paulo  et 
de  Rio-de-Janeiro  on!  déjà  donné  lieu  à  bien  des  études  des 
plus  intéressantes  publiées  par  ce  savant,  études  où  il  a  fait 
connaître  tout  une  série  de  roches  éruptives  dont  on  soup- 
çonnait à  peine  l'existence  dans  ces  régions  :  Fozaïtes,  Diabases, 
Métaphyres,  Phonolites,  etc.  Si  à  ces  travaux  on  joint  les  obser- 
vations île  M.  Liais,  du  Dr  Couto.  on  aura  une  idée  à  pe 
près  complète  des  naturalistes  qui  ne  sont  occupés  spécia- 
lemenl  d'études  minéralogiques  et  géologiques  au  Brésil  jus- 
qu'en   L874. 

Or  combien  petit  est  le  nombre  des  travailleurs,  surtout 
si  on  le  compare  à  l'immensité  des  champs  de  recherches 
qu'offre  un  territoire  aussi  vaste  que  celui  du  Brésil,  où  des 
provinces  entières,  comme  celles  de  Matto-Grosso  etGoyaz,  sont  à 
peu  près  complètement  inexplorées!  Combien  incomplètes  même 
sont  nos  connaissances  géologiques  de  la  province  de  Minas- 
Geraes  où  pourtant,  depuis  1792,  il  y  a  près  d'un  siècle,  le  grand 
patriote  Bonifacio  d'Andrada  a  inauguré  les  recherches  minéra- 
logiques!  Placée  au  milieu  des  montagnes  de  cette  province,  à 
i.160  mètres  au-dessus  du  niveau  de  la  mer,  entourée  de  mines 
en  exploitation,  au  milieu  de  gisements  de  minéraux  précieux  et 
rares  qui  lui  forment  comme  un  musée  naturel,  l'École  des  Mines 
d'Ouro-Preto  devait  naturellement  se  mettre  à  la  tête  des  travaux 
géologiques  et  minéralogiques  dont  la  connaissance  du  sol  est  la 
conséquence,  connaissance  qui  touche  à  tant  d'intérêts  dans  la 
société. 

Dès  le  début,  les  gisements  de  topazes  qui  entourent  Ouro- 
Preto  et  les  roches  qui  en  constituent  le  sol  ont  attiré  l'attention 
du  directeur  de  cette  Ecole,  et  ont  donné  lieu  à  une  série  de 
travaux  publiés  dans  les  comptes  rendus  des  Sociétés  scientifi- 
ques de  France. 

Puis  sont  venues  les  études  des  terrains  diamantifères,  des 
dépôts  tertiaires  d'eau  douce  du  plateau  supérieur  de  Minas,  des 
terrains  métamorphiques  et  des  roches  éruptives  si  fréquentes 
dans  la  province,  et  des  minéraux  peu  connus,  découverts  dans 
les  graviers  contenant  le  diamant. 

A  ces  travaux  se  sont  joints  ceux  des  professeurs  de  l'École, 
des  ingénieurs  qui  en  sont  sortis  et  dont  deux  sont  associés, 
sous  la  direction  de  M.  Derby,  au  service  de  la  carte  géologique  de 
la  province  de  San-Paulo. 


104  LE     BRÉSIL     EN     1889. 

L'École  a  pu  alors  créer  une  publication  spéciale  :  Annaesda 
I       '/  de  Minas  de  Ouro-Preto,  dont  quatre  numéros  ont  déjà  paru. 

Malheureusement,  absorbés  par  un  enseignement  journalier 
pendanl  dix  mois  «1»'  L'année,  directeur  et  professeurs  ae  peuvenl 
consacrer  a  ces  études  qu'un  temps  très  Limité,  et  la  publication 
entreprise  n'a  pas  encore  pris  la  régularité  qu'elle  aura  bientôt,  on 
L'espère.  Les  nombreuses  collections  de  roches  de  la  province 
recueillies  à  l'École,  les  documents  déjà  publiés  permettent  dès  à 
présent  de  commencer  L'ébauche  de  la  carte  géologique,  ébauche 
qui  doit  être  précédée  de  travaux  topographiques.  L'assemblée 
provinciale  «le  Minas-Geraes  a  même  voie  L'année  dernière  L'exé- 
cution de  ces  travaux. 

A  sa  mission  officielle  de  former  des  ingénieurs  des  mines, 
l'Ecole  des  Mines  d'Ouro-Preto  a  donc  joint  celle  d'étudier  la 
richesse  du  pays  el  spécialement  celle  de  la  province  de  Minas- 
Geraes,  d'en  faire  connaître  le  sol  et  de  propager  les  méthodes 
d'études  et  de  recherches  telles  qu'  elles  sonl  appliquées  en  Europe 
dans  les  pays  qui  marchent  à  la  tète  du  progrès  scientifique.  Elle  a 
écrit  en  tête  de  ses  annales  les  paroles  qui  résument  l'espril  qui 
guide  son  enseignement  et  lui  servent  de  devise  :  Cum  mente  et 
malleo. 

Mais  tous  les  efforts  de  celui  qui  a  organisé  l'École  auraient 
été  vains  si,  des  le  début,  dans  la  mission  qu'il  avait  à  remplir,  il 
n'eût  rencontré  protection,  aide  et  secours  auprès  de  Sa  Majesté 
I  Empereur  Dom  Pedro  II,  qui  n'a  jamais  cessé  d'encourager  ses 
travaux. 

L'histoire  de  l'École  des  Mines  d'Ouro-Preto,  que  j'ai  essayé 
de  résumer,  est  d'ailleurs  celle  de  tout  ce  qui  touche  au  dévelop- 
pement matériel  et  inoral  du  pays,  développement  qui  a  toujours 
été  l'unique  souci  du  Prince  qui  préside  aux  destinées  du  Brésil, 
mais  nul  autre  établissement  d'enseignement  supérieur  ne  doit 
autant  à  Sa  Majesté  l'Empereur. 


CHAPITRE    V 

ESQUISSE    DE    L'HISTOIRE   DU    BRÉSIL. 

Par   M.   le    Baron    de    RIO-BRANCO1 


Découverte  du  Brésil.  —  Le  9  mars  1500,  une  escadre 
portugaise,  destinée  aux  Indes,  quittait  Lisbonne  sous  le  comman- 
dement de  Pedro  Alvares  Cabrai.  Des  navigateurs  déjà  connus, 
comme  Barthélémy  Dias  et  Nicolas  Goelho,  commandaient  en 
sous-ordre.  Les  instructions,  rédigées  par  Vasco  da  Gama, 
portaient  que  l'escadre,  après  avoir  dépassé  l'île  de  Santiago 
(archipel  du  cap  Vert),  devait  cingler  constamment  vers  le  sud 
tant  qu'elle  aurait  le  vent  en  poupe;  dans  les  embardées,  elle 
devait  prendre  la  direction  sud-ouest,  courant  bâbord  amure  la 
bordée  du  large,  lorsque  le  vent  serait  contraire,  jusqu'à  la  latitude 
du  cap  de  Bonne-Espérance  ;  il  faudrait  alors  gouverner  droit  à 
l'est.  Yasco  da  Gama  voulait  ainsi  écarter  l'escadre  de  Cabrai  des 
calmes  de  la  côte  de  Guinée,  et  lui  donner  l'onde  des  vents  alises 
et  du  courant  équatorial.  Mais,  d'autre  part,  il  est  fort  probable 
qu'il  avait  la  certitude  de  l'existence  d'une  terre  dans  la  direc- 
tion du  Brésil,  car  se  trouvant  lui-même,  le  22  août  1497,  fort 
près  du  Penedo  de  Sâo  Pedro,  il  avait  vu  des  oiseaux,  dit  son 
Routier,  «  qui,  le  soir,  se  sont  dirigés  vivement  vers  le  sud-sud- 
ouest  comme  des  oiseaux  qui  s'en  vont  vers  une  terre.  » 

Le  21  avril,  Cabrai  rencontra  des  herbes  marines,  et  le  22  il 
aperçut  une  montagne.  Il  donna  à  celle-ci  le  nom  de  Mont 
Paschoal  et  au  pays  celui  de  Terre  de  la   Vraie  Croix  (Terra  da 

1.  Membre  du  conseil  de  S.  M.  l'Empereur,  Membre  deTInstitut  Historique 
et  Géographique  du  Brésil. 


106  LE     BRÉSIL     EN     1889. 

Vera  Cruz  .  ainsi  qu'il  esl  rapporté  dans  La  lettre  de  Caminha,  da 
I  ■  mai,  adressée  au  roi  Dom  Emmanuel.  Le  ~2'-\,  L'escadre  jetail 
L'ancre  à  une  demi-lieue  de  la  côte,  en  face  de  la  ri\  ière  Cahy,  et, 
Le  25,  dans  une  baie  qui  fut  nommée  Porto-Seguro,  mais  qui  pril 
|(.  m mu  de  baie  de  Sauta  Gruz  dès  qu'une  ville  de  ee  nom  y  fut 
fondée  au  wr  siècle. 

Cabrai  reprit  la  mer  le  2  mai,  continuant  son  voyage  après 
avoir  expédié  la  caravelle  du  capitaine  André  Gonçalves  pour  por- 
ter à  Lisbonne  la  nouvelle  de  la  découverte,  (ionçalves  longea  la 
côte,  probablement  jusqu'à  Pernambuco  ou  Parahyba. 

Avant  Cabrai,  un  Espagnol,  compagnon  de  Colomb,  Yicente 
Yaùe/.  Pin/on,  avait  découvert  tout  le  Littoral  nord  du  Brésil, 
depuis  le  cap  qu'il  nomma  de  Santa-Maria  «le  Consolacion  (26 jan- 
vier L500  , —  nom  changé  par  les  Portugais,  dès  l'année  suivante, 
contre  celui  de  cap  Saint-Augustin,  — jusqu'au  capdeSao  Vicente, 
aujourd'hui  cap  d'Orange.  Pinzon  découvrit  Les  bouches  de  L'Ama- 
zone Mai-  Dolce)  et  longea  la  cote  jusqu'au  golfe  de  Paria.  La 
même  année,  un  autre  Espagnol,  Diego  de  Lepe,  abordait  au  cap 
Saint-Augustin,  reconnaissait  la  côte  jusqu'à  la  rivière  San  Juliau 
(peut-être  le  Rio  de  Coulas1),  et  retournait  vers  le  nord,  en  sui- 
vant La  route  déjà  parcourue  par  Pinzon. 

Le  nom  de  Vera  Cruz,  donné  au  pays  par  Cabrai,  fut  remplacé 
par  celui  de  Terra  de  Santa  Cruz  dans  la  notification  faite  aux 
souverains  catholiques  par  le  roi  Dom  Emmanuel,  datée  de 
Cintra,  I'1  25  juillet  L50I  ;  mais  la  contrée  ne  tarda  pas  à  être  dési- 
gnée sous  le  nom  de  Brazil (Brésil),  nom  déjà  employé  dans  le 
commerce  et  qui  fut  donné  alors  à  un  bois  de  teinture  rouge 
[ibird  pitang,  des  indiens),  qu'on  trouva  en  abondance  dans  cette 
pailie  de  L'Amérique.  La  nouvelle  terre  est  déjà  nommée  Brésil 
dans  La  relation  d'Ëmpoli  qui  accompagna  Albuqerque  et  Pacheco 
au  Indes  (1503),  ainsi  que  dans  une  plaquette  de  La  Bibliothèque 
de  Dresde  (Presil,  Presillig  Landtj,  dont  la  date  parait  être  loOG,  et 
dan-  h'  Routier  du  navire  portugais  le  Bretoa, allant  au  cap  Frio 
en  L5I I. 

lue  bulle  du  Pape  Alexandre  VI  (4  mai  1493)  avait  fait  le 
partage  des  contrées  a  découvrir  entre  les  Portugais  et  les  Espa- 
gnols, en  divisant  le  monde   par  un   méridien  qui  passait  à  100 

1.  «  San  Giano,  c'est-à-dire  rivière  de  Saint-Julien  »  (chapitre  x  de  la 
Description  de  l'Amérique  qui  l'ail  suite  a  l'Histoire  de  /</  Navigation  de  Jean  11. 
Van  Linschotbn,  el  carte  du  même  auteur  j  la  première  édition  de  cet  oui  rage, 
en  hollandais,  est  de  lf.nl). 


ESQUISSE     DE     i/lIISTOIRE     DU     BRÉSIL.  107 

lieues  à  l'ouest  du  cap  Vert.  Toutes  les  terres  qui  se  trouveraient 
à  l'ouest  de  ce  méridien  étaient  attribuées  à  l'Espagne,  celles  à 
l'orient  au  Portugal.  Mais  l'année  suivante,  ces  deux  puissances 
modifièrent,  par  le  traité  de  Tordesillas  (7  juin  1494),  la  ligne  de 
démarcation,  en  la  reportant  à  370  lieues  à  l'ouest  des  îles  du 
cap  Vert.  Le  Pape  Jules  II  approuva  cet  arrangement  par  une 
bulle  du  24 janvier  1506. 

Premières  explorations.  —  De  1501  à  1502  et  de  1503  à  1504, 
il  y  eut  deux  expéditions  portugaises,  dont  Amerigo  Vespucci 
fit  partie.  La  première,  sous  le  commandement  d'André  Gonçalves, 
reconnut  la  côte  entre  le  cap  Saint-Roch  etCananéa,  poussant  en- 
suite vers  le  sud-est, jusqu'à  une  terre  qu'on  croit  être  la  Géorgie 
du  sud.  La  seconde,  sous  les  ordres  de  Gonçalo  Coelho,  visita  les 
mêmes  côtes,  de  Bahiaverslesud.  A  l'île  de  Fernando  de  Noronha 
le  chef  de  cette  seconde  expédition  et  Vespucci  s'étaient  séparés  ; 
ils  ne  purent  se  rejoindre.  Deux  petits  forts  furent  construits  : 
Tun  par  Vespucci  au  cap  Frio,  d'où  il  entreprit  un  voyage  à  l'inté- 
rieur des  terres  jusqu'à  quarante  lieues  de  la  côte;  l'autre  par 
Coelho  à  Rio-de-Janeiro,  baie  découverte  par  André  Gonçalves  et 
Vespucci  le  1er  janvier  1502.  Mais  ces  établissements  furent 
bientôt  détruits  par  les  Indiens  Tamoyos  [Tamoi,  les  aïeux),  qui 
occupaient  le  territoire  compris  entre  le  cap  Frio  et  la  partie 
orientale  du  Sâo-Paulo.  Vespucci  était  de  retour  à  Lisbonne  au 
mois  de  septembre  1504.  On  ignore  la  date  de  la  rentrée  de 
Coelho1.  Une  des  lettres  d'Amerigo  Vespucci,  publiée  en  1504, 
traduite  et  plusieurs  fois  réimprimée  à  cette  époque,  est  le  pre- 
mier document  qui  ait  fait  connaître  à  l'Europe  les  merveilles  de 
la  nature  du  Brésil  :  «  e  se  nel  mondo  »,  disait-il,  «  è  alcun 
paradiso  terrestro,  senza  dubio  dee  esser  non  molto  lontano  da 
questi  luoghi». 

1.  Varmiagen  prétend  que  ce  capitaine  a  séjourné  longtemps  dans 
la  baie  de  Rio-de-Janeiro,  et  cela  parce  que  sur  une  carte  du  Ptolémée 
de  1513  on  trouve  à  cet  endroit  deux  mots  que  Majolo,  au  xvie  siècle, 
avait  las  —  pinaculo  detentio,  —  et  qu'il  a  las  — pina  chullo  detetio  —  et  inter- 
prétés —  gonc.  choelho  detetio  (detentio).  —  Cette  interprétation  est  aujour- 
d'hui généralement  acceptée  au  Brésil,  d'après  un  mauvais  fac  simile 
publié  dans  les  Nouvelles  recherches  sur  Amerigo  Vespucci.  Dans  deux 
exemplaires  du  Ptolémée  de  1513,  que  nous  avons  examinés,  les  mots  en 
question  sont  très  lisibles  :  portogallo  detetio.  —  Le  premier  (Portugal) 
s'explique  de  lui-même;  le  second  est  évidemment  le  mot  detectio,  décou- 
verte, très  en  usage  dans  les  portulans  et  les  géographies  de  l'époque  (terra 
détecta,  etc).  On  trouve  fréquemment,  dans  les  anciennes  gravures  sur  bois, 
des  mots  mal  orthographiés  et  des  lettres  qui  manquent. 


108  LE     BRÉSIL     EN     18  89. 

D'autres  expéditions  portugaises  sur  lesquelles  les  détails 
manquent  furenl  envoyées  au  Brésil.  En  1503,  Fernando  de  Noro- 
iilia  découvril  nie  < j u ï  porte  son  nom.  La  même  année,  ou  peu 
après,  Jofto  Coelho  reconnaissait  La  côte  au  nord  du  cap  Saint- 
Ftoch.  En  1504,  un  Français  de  Honfleur,  Paulmier  de  Gonneville, 
abordail  surtrois  points  de  la  côte  déjà  visitée  par Gonçalves, 
Vespucci  el  Gonçalo  Coelho.  En  1505,  une  expédition  portugaise, 
dont  le  chef  paraît  avoir  été  Dom  Nuno  Manoel  (avec  Joâo  de 
Lisboa  el  Vasco  Gallego),  parcourut  la  côte  méridionale,  découvrit 
le  Rio  de  la  Plata  ei  poussa  jusqu'à  La  baie  de  San  Matiasen  Pata- 
gonie.  Vers  1512  ou  1513,  Affonso  Ribeiro,  dans  une  nouvelle 
exploration  de  la  côte  nord  du  Brésil,  fut  tué  par  les  Indiens. 
Presque  toutes  les  escadres  portugaises  se  rendant  aux  Indes 
commencèrenl.  depuis  1506,  à  relâcher  au  Brésil,  qui  fut  visité 
cette  même  année  par  Albuquerque  et  Tristam  da  Cunha. 

En  L508,  Solis  et  IMnzon,  les  premiers  explorateurs  espagnols 
des  mers  du  Sud,  Longèrent  les  côtes  du  Brésil  ;  puis  :  eu  lôll), 
Solis  ;  en  L519,  Magellan  (Fernào  de  Magalhâes),  qui  séjourna 
quatorze  jours  dans  Laradede  Rio-de-Janeiro  ;  en  K>20,  Diogo 
Garcia  et  Sébastien  Caboto. 

Le    Portugal   déporta  dans  cette   contrée,  dès  l'expédition  de 

1501,  quelques  criminels,  parmi  lesquels  un  bachelier,  qui  se  fixa 
à  Cananéa,  et  dont  le  nom  Duarte  Pères  nous  a  été  transmis 
par  Bui  Diaz  de  Guzman.  Vers  la  même  époque,  d'autres  Portu- 
gais s'établirent  au  Brésil.  Les  plus  connus  sont  :  Francisco 
Ghaves  et  Aleixo  Garcia,  sur  la  côte  de  Cananéa,  le  premier  dès 

1502,  comme  Pères;  Diogo  Alvares,  qui,  échappé  d'un  naufrage 
dans  l'île  d'Itaparica  (1510),  épousa  la  princesse  indienne  Para- 
guassû,  et  devint,  sous  le  nom  de  Caraniurû,  un  chef  puissant 
parmi  les  indiens  de  Bahia  ;  Joào  Bamalho,  qui  se  fixa  vers  1512 
à  Piratininga,  sur  les  plateaux  de  Paranapiacaba,  où  il  eut  de 
nombreux  enfants  de  son  union  avec  la  Pille  du  chef  indien 
Tibfriçâ  ;  et  Antonio  Rodrigues,  qui  s'unit  à  une  fille  du  chef 
Caâhobf,  et  s'établit  près  de  larivière  de  Gerybatiba  (littoral  de 
Sao-Paulo).  Presque  tous,  ils  ont  rendu  de  grands  services  au 
Portugal  lors  des  premiers  essais  de  colonisation. 

Aleixo  Garcia,  avec,  trois  autres  Portugais  et  une  armée  d'In- 
diens (!•'>-<>,  franchit  le  Paranâ,  s'adjoignit  un  grand  nombre  de 
Guaranys  du  Paraguay,  el  continua  sa  marche  jusqu'aux  fron- 
tières de  l'empire  «les  Incas.  Il  traversa  la  cordillère  de  Mizque, 
s'empara  de   plusieurs    villes,    arrivant  jusqu'aux   environs  de 


ESQUISSE     DE     L'HISTOIRE     DU     BRÉSIL.  100 

Tarabueo  (Bolivie),  et  retourna  au  Paraguay  avec  un  grand  butin 
et  des  objets  en  argent  et  en  or.  Mais,  avant  envoyé  à  Cananéa 
ou  à  Piratininga  la  nouvelle  de  la  découverte  de  ces  richesses,  il 
fut  assassiné  par  les  Guaranys1. 

En  1526,  le  Portugal  envoya  une  escadre,  sous  les  ordres  de 
Christovam  Jacques,  chargée  de  donner  la  chasse  aux  navires 
français  qui,  depuis  150  i,  trafiquaient  avec  les  Indiens. 

Jacques  établit  une  factorerie  à  Pernambuco,  visita  les  prin- 
cipaux ports  jusqu'à  la  Plata,  brûlantles  navires  qu'il  rencontrait, 
et  eut  un  combat  dans  le  Paraguassû  (1527)  avec  trois  navires 
bretons  dont  il  s'empara.  La  factorerie  de  Pernambuco  fut  prise 
et  saccagée  (déc.  1530)  par  un  galion  français2.  Williams  Iiawkins, 
de  Plymouth,  qui  vint  en  1530,  est  le  premier  Anglais  qui  ait  abordé 
au  Brésil3. 

Commencement  de  la  colonisation.  —  En  1531,  Martim  Af- 
fonso  de  Souza,  ayant  reçu  les  pouvoirs  nécessaires  pour  occuper 
le  pays,  arriva  avec  une  escadre  et  quatre  cents  colons,  s'empara 
de  trois  navires  français  qui  se  trouvaient  sur  la  côte  de  Pernam- 
buco, visita  Bahia,  stationna  trois  mois  dans  la  baie  de  Rio-de- 
Janeiro,  puis,  ayant  perdu  le  navire  qu'il  montait,  devant  l'em- 
bouchure du  Chuy,  il  envoya  à  la  Plata  son  frère  Pero  Lopes  de 
Souza,  et  retourna  avec  l'escadre  vers  le  nord.  Il  fonda  alors  la 
colonie  de  Sâo-Vicente  (22  janvier  1532),  dans  File  que  les  Indiens 
nommaient  Guirâpiran  ou  Uirâpiran  4,  nomma  le  vieux  Ramalho 
«  grand  gardien  de  la  campagne  »,  et  établit  une  partie  de  ses 
colons  dans  le  village  indien  qu'il  dirigeait  clans  le  Guapituba,  à 
l'endroit  nommé  Borda  do  Campo,  sur  le  plateau  au  nord  de  la 
chaîne  de  Paranapiacaba.  Cette  colonie  fut  désignée  plus  tard 
sous  le  nom  de  Santo-André.    De  Cananéa,  Martim  AfTonso  de 

1.  Rui  Diaz  de  Guzman,  La  Argentina,  Liv.  T,  chap.  v.  L'auteur,  qui  a 
connu  au  Paraguay  un  fils  d'Aleixo  Garcia,  a  achevé  cette  histoire  en  1612. 
Voir  aussi,  sur  Garcia,  les  ch.  50,  55  et  57  des  Comentarios  de  Alvar  Nunez 
(Cabeza  de  Vaca),  Valladolid,  1555. 

2.  Cette  factorerie  était  sous  la  direction  de  Diogo  Dias,  feitor  (gérant). 
Gaffarbl  {Histoire  du  Brésil  Français,  p.  96)  se  trompe  en  disant  que  c'était 
un  fort  commandé  par  Duarte  Coelho,  lequel  n'est  arrivé  au  Brésil  que  cinq  ans 
après. 

3.  C'est  vers  cette  année  qu'il  faudrait  mettre  un  prétendu  blocus  du  Tagc 
par  Ango.  Cette  fable  a  été  déjà  jugée  par  plusieurs  écrivains  français.  Voir 
Ferd.  Denis,  Le  Génie  de  la  navigation  (Paris,  1847),  et  Guérin,  Histoire  Maritime 
de  France,  t.  II. 

4.  Morpion,  selon  Thevet  ;  Urbioneme,  Orbionem,  ou  Orpiomma,  selon 
Stade  ;  Warapisumama,  selon  Purciias. 


110  i.i:     BH  ÈSII     EN      1  s^9- 

Souza  ;i\;iii  expédié  dans  L'intérieur,  à  la  recherche  de  l'or,    une 
petite  troupe  qui,  après  avoir  franchi  le  Paranâ,  fut  repoussée  par 

Guaranys,  el  détruite,  pendant  sa  retraite,  dans  l'Iguassû1. 

Lopes  «If  Souza,  qui  a  écrit  le  journal  desmi  voyage  maritime, 
explora  l«"  ni"  de  la  Plata,  l'Uruguay  <v(  l<'  Paranâ,  arriva  a  Sao 
Vicente  <■!  fut  expédié  en  Europe.  Chemin  faisant,  il  captura  deux 
navires  français  à  Pernambuco,  et  prit  un  fort  construit  dans  File 
d'Itamaracà  par  Jean  du  Péret,  capitaine  d'un  navire  appartenant 
au  baron  de  Saint-Blancard,  généra]  des  galères  françaises  de  la 
Méditerranée.  Il  laissa  une  garnison  dans  ce  fort. 

De  1532  ;i  1535,  le  pays,  dont  les  côtes  seulement  avaient  été 
explorées,  fut  divisé,  par  des  lignes  parallèles  à  l'équateur,  en 
quinze  sections  formanl  douze  capitaineries  héréditaires,  de  G00 
à  12.000 lieues  carrées,  dont  le  roi  Jean  III  lit  donation  à  plusieurs 
nobles  portugais  qui  devaient  y  établir  <\<'>  colonies.  Martini 
Afionso  de  Souza  fut  un  des  donataires  et  devint  (1532)  seigneur 
de  la  capitainerie  de  Sâo-Vicente  (aujourd'hui  Sao-Paulo).  11 
quitta  If  Brésil  en  I.");'»:;  el  se  rendit  célèbre  dans  les  guerres  des 
Indes;  niais,  quoique  absent,  il  s'occupa  toujours  de  son  iief 
brésilien,  envoyant  des  colons  à  Sào-Yicente  et  y  faisant  importer 
de  l'île  de  Madère  la  canne  à  sucre,  introduite  à  la  même  époque  à 
Pernambuco  par  Duarte  Coelho. 

Quelques-uns  des  donataires  ne  réussirent  pas  à  coloniser  leurs 
domaines.  Pero  Lopes  de  Souza,  par  ses  représentants,  fonda  la 
colonie  de  Santo~A»i<i,o  dunslile  de  G  uaimbé  (littoral  de  Sào-Paulo), 
et  un  autre  établissement  dans  l'île  d!Itamaracà  (1532).  Yasco  Fer- 
nandes  Coutinbo  fonda  Espirito-Santo  (1535),  aujourd'hui  Villa 
Velha,  et  Duarte  de  Lemos  commença,  en  1540,  dans  cette  capi- 
tainerie,  un  établissement  qui  devint,  à  partir  de  1558,  la  ville 
de  Victoria;  Pero  do  Campo  Tourinho  créa  la  ville  de  Porto- 
Seguro  (1530),  quelques  lieues  au  sud  de  la  baie  où  Cabrai 
.ivait  séjourné,  ainsi  que  la  ville  de  Santa-Cruz,  sur  la  baie  de 
Cabrai  (l'ancien  Porto-Seguro)  et  une  autre  colonie,  celle  de 
Santo-Amaro,  détruite  en  1564  par  les  Indiens.  Figueiredo  Correa 
envoya  des  colons  qui  furent  les  fondateurs  de  la  ville  d'Ilhéos; 
Duarte  Coelho  fonda  les  villes  tYOlinda  (1535)  et  d'Iguarassâ.  Deux 
autres  colonies  avaient  été  établies,  Tune  à  Bahia  (1530)  par 
Pereira  Coutinho.  l'autre  sur  les  rives  du  Parahyba  du  Sud  (15  in. 


1.  La  Argentine»,  «le  lî.  Diaz  de  <ii  /mvn:  Comentarios  de  À.  N.  Cabeza  m  Vaca  : 
et  Diario  <hi.  Navegaç&o  de  Pero  Lopes  de  Souza. 


ESQUISSE     DE     l/lIISTOIRE     DU     BRÉSIL.  111 

par  Pero  de  Gôcs  da  Silveira;  niais  elles  furent  bientôt  évacuées, 
les  colons  ne  pouvanl  résister  aux  attaques  des  Indiens.  D'autres 
capitaineries  furent  créées  postérieurement  (Itaparica,  155G, 
lleconcavo,  1566,  etc.);  mais  peu  à  peu,  les  rois  du  Portugal 
recouvrèrent  tous  ces  fiefs  par  héritage,  par  achat  ou  autrement. 
Les  dernières  capitaineries  qui  se  trouvaient  encore  sous  le 
régime  féodal  furent  rachetées  par  la  couronne  au  xvnr3  siècle, 
du  temps  de  Dom  José  1er  et  Pombal. 

En  L540,  l'Espagnol  François  Orellana,  venant  du  Pérou, 
descendit  le  premier  l'Amazone,  dont  les  bouches  seulement 
avaient  été  reconnues.  En  1541,  l'expédition  espagnole  d'Alvar 
Nufiez  Cabeza  de  Yaca  débarqua  en  face  de  l'île  Ste-Catherine 
(alors  ile  dos  Patos),  marcha  vers  l'intérieur  et  arriva  l'année 
suivante  à  l'Assomption  du  Paraguay. 

En  1549,  un  gouverneur  général,  Thomé  de  Souza,  fut  envoyé 
au  Brésil,  et  fonda,  la  même  année,  la  ville  de  Sâo  Salvador  de 
Bahia,  qui  fut  sa  résidence  et,  pendant  plus  de  deux  siècles,  la 
capitale  du  Brésil.  Elle  fut  érigée  en  évêché  en  1551.  Le  premier 
évoque  du  Brésil,  Sardinha,  fut  tué  par  des  Indiens  anthropo- 
phages (1556),  de  même  que  plusieurs  prêtres,  sur  la  rive  gauche 
du  Sâo  Miguel  (Alagùas).  Les  jésuites  étaient  arrivés  au  Brésil  en 
1549  avec  Thomé  de  Souza.  Ils  entreprirent  de  catéchiser  les  Indiens 
et  de  les  grouper  sous  leur  autorité  exclusive.  Parmi  eux  se  sont 
distingués  les  Pères  Joseph  de  Anchieta,  qui  envoya  les  premiers 
jésuites  au  Paraguay,  et  Emmanuel  da  Nobrega,  surnommés  les 
apôtres  du  Brésil.  En  1554  le  Père  Emmanuel  de  Paiva  créa 
une  maison  dans  le  village  indien  de  Piratininga,  qui  prit  le 
nom  de  Sâo-Paulo.  Peu  à  peu  les  habitants  de  l'ancienne  colonie 
de  Santo-André,  dirigée  par  Jean  Ramalho,  l'abandonnèrent  pour 
aller  se  fixer  à  Sâo-Paulo,  et  Santo-André  resta  désert.  En  1560, 
Sâo  Paulo,  ayant  été  élevé  au  rang  de  ville,  eut  une  municipalité. 
Dès  1539  un  gentilhomme  portugais,  Braz  Cubas,  avait  créé 
dans  la  capitainerie  de  Sâo-Vicente  une  colonie  dont  la  popula- 
tion a  grandi  et  qui  est  devenue  la  ville  de  Sanlos,  établie  en 
1545.  Les  habitants  de  cette  capitainerie  étaient  appelés  Vicen- 
tistas,  mais  la  ville  de  Sâo-Paulo,  dont  les  habitants  étaient 
nommés  Paulistas,  devenant  prépondérante,  tous  les  natifs  de 
cette  partie  du  Brésil  commencèrent  à  être  désignés  sous  ce 
dernier  nom.  Le  siège  du  gouvernement  de  cette  capitainerie 
fut  transféré  de  Sâo-Vicente  à  Sâo-Paulo  en  1683  seulement.  La 
population   se    composait   de    blancs,   Portugais,    ou   d'origine 


112  LE    BB  BS1  L     EN     1880. 

portugaise,  d'Indiens  civilisés  et  de  métis  nés  de  pères  euro- 
péens el  de  mères  indiennes.  Ces  derniers  étaient  surnommés 
mamelucos,  nom  dérive  de  manlu/mcu  lils  do  femme  indienne, 
selon  Aimeida  Nogueira]  et  ^'wim  célèbre  dans  l'Amérique  du 
Sud  pendanl  le  wirci  le  xvnie  siècle.  Les  jésuites  et  les  historiens 
du  Paraguay  el  de  la  Plata,  ont  répandu  alors  plusieurs  fables  au 
sujel  d»1  fori^inc  <1<>s  Paulistas  et  surtoul  des  mnmelucos  de  S&o- 
Paulo,  qu'ils  croyaient  descendants  d'Italiens,  de  Français  et  de 
Hollandais. 

Des  esclav.es  nègres  commencèrent  à  être  introduits  dans  le 
nord  du  Brésil,  à  Pernambuco  el  à  Bahia,  peu  de  temps  après 
la  fondation  de  ces  colonies. 

Les  Français  à  Rio-de-Janeiro.  Fondation  de  Rio.  —  Les 
marins  français  continuèrent  à  fréquenter  les  côtes  du  Brésil 
après  rétablissement  des  premières  colonies  portugaises,  qui 
étaient  encore  en  petit  nombre  et  trop  séparées  les  unes  des 
autres.  C'était  entre  le  cap  Saint-Koch  et  le  Parahyba-du-Nord, 
nommé  alors  Sào-Domingos,  sur  le  littoral  de  Alagoas,  de 
Sergipe,  et  de  Rio  de  Janeiro  qu'ils  venaient  faire  le  commerce 
avec  les  Indiens.  Sur  la  côte  de  Rio  ils  avaient  pour  alliés  les 
Tamoyos,  dont  les  flotilles  ont  souvent  attaqué  les  navires  portu- 
gais et  intercepté  les  communications  entre  les  colonies  de  Sâo- 
Vicente  et  Santo-Amaro  et  le  nord  du  Brésil.  Cunhambebe,  le 
«  grand  et  puissant  roi  Quoniambek  »,  dont  le  portrait  a  été 
publié  par  ïhevet  dans  deux  de  ses  ouvrages  (Vies  des  hommes 
illustres  et  ChosmograplueJ,  était  un  chef  Tamoyo.  Son  village 
fortifié,  nommé  Arirab,  se  trouvait  sur  la  rivière  Arirô  (rivière 
des  Vases  dans  la  carte  de  Thevet),  à  Angrados  Reis1. 

En   1550  Pero   de  Gôes  livra  un  combat,   sans  résultat,  à  un 

1.  Ce  Cunhambebe,  dont  parlent  Thevet  et  JIans  Stade  (ce  dernier  fut 
son  prisonnier  .n'est  pas  certainement  l'indien  du  môme  nom  dont  il  est  ques- 
tiondans  une  des  lettres  d'Anchieta.  Le  Cunhambebe  d'Anchieta  est  probable- 
ment un  (ils  de  l'autre.  Le  vieux  Cunhambebe  avait  dans  son  village  6  canons 

pris  sur  deux  caravelles  portugaises,  et  gardait  comme  trophée  l'habille ut 

complet  et  la  croix  de  chevalier  du  Christ  d'un  gentilhomme  portugais,  Ruy 
Pinto,  de  SSo-Vicente,  tué  dans  un  combat  naval  (1549),  où  six  petits  navires 
portugais  furent  pris.  C'est  Thevel  qui  parle  de  cette  victoire  de  Cunhambebe, 
sans  toutefois  donner  le  nom  de  Ruy  Pinto,  seul  chevalier  du  Christ  existant 
alors  dans  la  capitainerie  de  Sâo-Vicente,  et  mort  en  effet  à  cette  époque. 
Cf.  Gaspab  i>\  Madré  de  Deos,  Memorias  de  Scfo-Vicente,  54  et  55,  et  Histoire  de 
Thevet,  de  deux  voyages  par  lui  faits  aux  Inde*  australes  et  occidentales^ 
chapitre  De  la  bée  des  Roys  et  de  Beau-repaire  (Manuscrit  de  la  Bibliothèque 
nationale  de  Paris,  fonds  français,  15.454  . 


ESQUISSE     DE     L   HISTOIRE     DU     BRESIL.  113 

navire  français  près  de  Macahé1.  La  même  année,  Henri  II  de 
France  et  Catherine  de  Médicis  assistaient  à  Rouen  à  une  fête 
brésilienne  où  figuraient  cinquante  Indiens  Tobajaras. 

En  1555,  un  chevalier  de  Malte,  déjà  connu  par  ses  exploits  et 
par  ses  écrits-,  Nicolas  Durand  de  Villegaignon,  obtint  la  protec- 
tion d'Henri  II  et  de  l'amiral  de  Goligny  pour  fonder  une  colonie 
au  Brésil,  et  vint  s'établir  à  File  de  Serigype  située  dans  la  baie  de 
Rio-de- Janeiro.  Il  donna  au  pays  le  nom  de  France  antarctique  et 
éleva  dans  File  un  fort  qu'il  nomma  Goligny.  Ses  exigences 
religieuses  suscitèrent  des  difficultés  qui  nuisirent  à  rétablisse- 
ment composé  de  catholiques  et  de  calvinistes.  En  1559,  il  laissa 
à  la  tète  de  la  colonie  son  neveu  Bois  le  Comte,  pour  venir  en  Eu- 
rope demander  des  renforts  et  soutenir  de  longues  controverses 
religieuses  avec  Calvin  et  ses  adeptes.  Quelques  mois  après,  le 
gouverneur  général  du  Brésil,  Mem  de  Sa,  arrivait  à  Rio  avec 
une  escadre  et  s'emparait  du  fort  Coligny  (16  mars  1560),  qu'il 
rasa,  sans  toutefois  occuper  le  pays3.  L'île  fut  désignée  depuis 
£ette  époque  sous  le  nom  de  Villegaignon4. 

1.  Au  mois  d'août  1550,  et  non  pas  le  15  avril  1551,  au  cap  Frio,  comme  l'ont 
cru  Varnhagen  et  Gaffarel.  Le  combat  n'a  duré  qu'une  journée. 

2.  Yillegaignon,  né  à  Provins  en  1510,  mort  àBeauvaisen  1571,  était  neveu 
de  Villiers  de  l'Isle  Adam,  grand  maître  de  l'Ordre  de  Malte.  «  C'était  un  des 
hommes  de  son  siècle  le  mieux  fait,  l'esprit  orné  de  rares  connaissances,  et 
d'une  valeur  révérée  même  par  les  plus  braves  capitaines  de  son  temps  »  (Ver- 
tot,  Hist,  des  Chev.  de  Malte,  ITI,  251).  Il  avait  été  grièvement  blessé  à  l'expé- 
dition d'Alger,  sous  les  ordres  de  l'empereur  Charles-Quint  ;  avait  commandé 
des  escadres  sur  la  cote  d'Angleterre,  conduit  Marie  Stuart  en  France  (1518) 
malgré  les  croiseurs  anglais,  et  s'était  illustré  dans  les  guerres  de  Malte.  Lors  de 
son  départ  pour  le  Brésil  il  avait  déjàpublié  deux  livres  :  Caroli  V  imper atoris 
e.rpeditio  in  Africain  ad  Argieram  (Paris,  1542)  et  De  bello  Melitensi  ad  Carolum 
Cœsarem  et  ejus  eventit  Gallis  imposito  comment arius  (Paris,  1553.)  A  consul- 
ter :  Relation  de  l'expédition  de  Charles-Quint  contre  Alger,  par  Villegaignon, 
publiée  en  1874  par  H.  de  Gramont,  avec  notice  biographique. 

3.  11  n'y  avait  dans  le  fort  que  114  Français  et  quelques  centaines  d'Indiens, 
selon  Mem  de  Sa,  mais  le  nombre  de  ces  derniers  était  certainement  exagéré, 
car  l'île  n'est  pas  grande.  Après  le  bombardement  du  fort  par  l'escadre,  com- 
posée de  11  navires,  Mem  de  Sa  ordonna  (15  mars)  le  débarquement  de  260 
hommes,  dont  120  Portugais  et  Brésiliens  et  140  Indiens.  Il  n'y  a  pas  eu  de 
capitulation  comme  l'ont  dit  Thevet,  La  Popellinière,  l'historien  brésilien 
Varnhagen  et  plusieurs  autres  écrivains.  La  lettre  de  Mem  de  Sa,  sur  la 
prise  du  fort,  a  été  publiée  par  plusieurs  chroniqueurs  avec  un  change- 
ment de  phrase  :  ao  tempo  em  que  negociei.  C'est  ao  tempo  em  que  cheguei 
qu'on  doit  lire.  Voir  les  Carias  do  Brazil  do  Padre  Manoel  da  Nobrega 
(Rio,  1886  :  notes  de  Valle  Cabral,  p.  172-75)  et  première  partie,  chap.  LV1II 
de  Gabriel  Soares.  Le  père  Nobrega  s'y  trouvait  présent.  Deux  écrivains 
français,  André  Thevet,  qui  visita  deux  fois  le  Brésil  à  cette  époque,  et  Jean 
de  Lery,  arrivé  à  Rio  en  1557,  ont  raconté  cette  tentative  d'établissement 
français. 

4.  On  peut  voir  cette  île    dans    le   Panorama  de   Rio-de- Janeiro,    que  le 

8 


111 


LE     BRÉSIL     EN      1889, 


En  L961,  quatre  navires  français,  an  Mitre    L'année   suivante, 
,u,1.ui  repousses  à  Kspirito-Sanl..  par  Belcnior  d'Aeevedo. 

En  [56^  ans  alliance  ou  confédération  générale  des  tribus  des 
ramoyos  de  Rio-de-Janeiro  menaça  tes  établissements  portugais 
(1(\  ia  capitainierie  de  Sao-Vicente.  La  ville  do  Sâo-Pauk)  repoaasa 
,11H.  attaque  des  sauvages,que  les  Français  restés  à  Rio-de-Janeiro 
excitaient  contre  1rs  Portugais.  Los  pères  Anchieta  et  Nobrega, 
se  rendant  seuls  au  campement  des  Tamoyos,  parvinrent  a4é- 
sarmerles  principaux  chefs  ;  puis,  Estacio  de  Sa,  arrivé  de  Lis- 
bonne avec  quelques  navires,  réunit  les  volontaires  de  Bahia, 
d'Espirito-Santo,  de  Sâo-Vicente  et  de  Sao-Paulo,  pénétra  dans  la 
baie  de  Rio-de4aneiro  (1565)  et  y  établit,  prés  du  Pain-de-Sucre, 
un  camp  retranché  auquel  il  donna  le  nom  de  ville  de  Saint-Sé- 
bastien. Les  années  1565  et  1586  se  passèrent  en  combats  avec 
les  Tamoyos  et  les  Français.  L'année  suivante,  Le  gouverneurgé- 
néral  du  Brésil,  Mem  de  Sa,  arriva  avec  des  renforts,  ei  les  deux 
retranchements  que  L'ennemi  occupait,  L'un  à  LTruçumiri  (plage  du 
Flamengo,  faubourg  de  Rio),  L'autre  à  Paranapueuhy  (île  do  Gever- 
Qador  furent  enlevés  (20  janvier  1567).  Estacio  de  Sa  mourut  d'une 
blessure  reçue  devant  Uruçumiri. 

Mem  do  Sa  lit  démolir  Le  retranchement  et  les  cabanes  oons- 
s  près  du  Pain-de-Sucre  pour  établir  la  ville  de  Saint-Sébas- 
tien de  Rio-de-Janeiro  sur  une  colline  nommée  Morne  do  Castello 
après  la  construction  du  château  de  Saint-Sebastien1.  En  1568, 

peintre  brésilien  Victor  Meirelles  expose  actuellement  à  Paris    Du  temps  de 
Villegaignou  il  y  avait  on  rocher  à  chacune  des  deux  extrémités  de  1  île 

i    V    Gaffarel,    dans  son   Histoire  du  Brésil  français,    p.    350-51,     m., 
de  Jean  Bolès,  un  êrudit  français,  qui  aurait  été  exécuté  à  Rio  comme  lien - 
.,„,„„    567:  «...Mem  de  Sa  livra  à  leurs  rancunes  (il  est  questton  des  Jé- 
ultes  L'infortuné  Bolès,    qui    fut  jugé   pour  la    forme,  ron.lan.n,  et  aussitôt 
exécuté    Cet  acte  barbare  d'intolérance  marque  les  premiers  jours  de  la  nou- 
velle capitale.  »  -  Ce  fut  un  chroniqueur  jésuite,  Simao  de  \  ^onobllos,  qui, 
erôyant  faire  L'éloge  de  Mem  de  Sa  e1  du  père  Anchieta,  parla  de .cette >exécu- 
Sondans deux  ouvrages  qu'il  publia  en  1663et  en  1672.SelonSimao  deVascon- 
Sos  Anchieta  aurait  assisté  à  l'exécution.  Heureusement  «MPomiM 
trouve    cette  tache  dans  la  vie  du  père  Anchieta,  car  U  a  parlé  lui^êmed 
Boules,  dans  son  Information  du  Brésil  écrite  en  1,S,    1)  après  lui    Boni.  s 
envoyé à  Bahia,  de  Bahia  à  Lisbonne  (1562  et  du  Portugal  aux  Indes:  il  n  est  plu 
Sué  au  bre.il  (Voir  ce  document  page  il.  des   Informants  /'/-/--  <; 
Ittoricos   do  padre  Josar*  de  Anchieta,  B.J,  L584-1586  pubhés  à  Rio  eu  1886 
Par    MM.  Capistrano    de   Arreu  et  Valle  Cabral).   Le  baron  de  Ram iz    tom. 
?i  vil    Ze    partie,  de  la  Rev.  de  Vint.  H  est.  du   Brésil)  a  trouvé  a  la  b.bl.  ua- 
donalè  de  Rio  deix  exemplaires  d'une  brochure  pubUée  eu    1566  à  Lisbonne, 
en%ortugaïs%ar  cet  érudit  dont  le  nom  et  les   titres  étaient  :  Jean  Comtha 

^neurdl  Bollès,  gentil} fi çais,  docteur  en  Sorbonne^  -  outre  1  lnfor; 

motion  d'ANCHiETA  et  la  communication  citée,  du  baron  de  Ramu,  il  >    a 


ESQUISSE     DE     L'HISTOIRE     DU     BRESIL.  115 

quatre  navires  français  entrèrent  dans  la  rade  de  Rio  et  essayèrent 
de  s'emparer  du  village  de  Sào-Lourenço,  en  face  de  la  ville,  occupé 
par  le  chef  indien  Ararigboia,  allié  des  Portugais.  Ils  furent  re- 
poussés. La  même  année  (8  juin),  Salvador  Correa,  gouverneur 
de  Rio,  et  Ararigboia  prirent  à  l'abordage  au  cap  Frio  un  navire 
français1,  dont  l'artillerie  fut  placée  dans  le  petit  fort  de  Guia,  cons- 
truit alors  sur  la  pointe  orientale  de  l'entrée  de  Rio,  où  se  trouve 
aujourd'hui  la  forteresse  de  Santa-Cruz.  En  1570  (15  juillet)  le 
corsaire  français  Jacques  Sore,  seigneur  de  Flocques,  s'empara, 
près  des  Canaries,  du  navire  portugais  le  Santiago,  qui  conduisait 
au  Brésil  trente-neuf  jésuites,  parmi  lesquels  le  père  Ignacio  de 
Azevedo.  Sore,  qui  était  hugenot,  força  ces  religieux  à  se  jetter 
eux-mêmes  à  la  mer2.  L'année  suivante  Jean  Capdeville  prit  au 
même  endroit,  après  un  combat  opiniâtre  (13-14  sept.)  un  autre 
navire  qui  transportait  à  Bahia  le  gouverneur  portugais  et  douze 
jésuites.  Les  prisonniers  furent  massacrés.  En  1576,  Salema,  gou- 
verneur de  Rio,  fit  une  guerre  d'extermination  aux  Tamoyos  et 
s'empara  d'un  fort  construit  au  cap  Frio  par  des  marins  français. 

Commencement  de  la  domination  espagnole.  Hostilités  des 
Français,  Anglais  et  Hollandais.  —  En  1580  le  roi  d'Espagne 
Philippe  II,  devenu  roi  du  Portugal,  fut  acclamé  dans  toutes  les 
provinces  portugaises.  L'union  des  deux  couronnes  attira  sur 
le  Brésil  les  attaques  des  ennemis  de  l'Espagne.  Des  navires  fran- 
çais envoyés  pour  soutenir,  contre  Philippe  II,  les  droits  d'Antoine, 
prieur  de  Crato  (quatre  navires  en  1580.,  trois  en  1581),  furent 
repoussés  à  Rio  par  Salvador  Correa.  Sur  les  côtes  de  Rio  Grand e- 
du-Nordet  deParahyba,  les  hostilités  entre  Français  et  Portugais 
continuèrent  jusqu'en  1607.  Onze  navires  français  en  1579,  cinq 
en  158  L,  furent  brûlés  dans  le  Parahyba.  En  1584,  l'amiral  espa- 
gnol Flores  Valdez  et  les  Portugais  de  Pernambuco  s'emparèrent 
d'un  ouvrage  fortifié  que  les  Français  avaient  élevé  sur  le 
Parahyba  de  concert  avec  les  Indiens,  et  détruisirent  sept  na- 
vires français.  Un  fort  portugais  y  fut   établi,  mais  abandonné 


cette  question  ud  mémoire  très   savant   de  C.  Mendes  (TAlmeida,    publié  dans 
la  Rev.  de  l'Inst.Hist.  du  Brésil,  t.  XLII,  2e  partie. 

1.  Des  volontaires  de  Sâo-Vicente  (à  S.  Paulo)  étaient  venus  pour  cette 
expédition  sous  le  commandement  d'un  colon,  Heliodore  Eoban,  qui  fut  tué 
dans  le  combat.  Il  était  fils  du  poète  et  historien  allemand  connu  sous  le 
nom  d'Helius  Eobanus  Hessus. 

2.  Barbosa  Machado.  Mem.  de  D.  Sebastiào,  P.  III,  1.  le,  chap.  2,  pag.  239. 
La  date  donnée  par  Jarric  (1555)  n'est  pas  exacte. 


116  LE     BRÉSIL     EN     18  80. 

l'année  suivante.  Un  autre  fort  fut  construit  en  1586  sous  Le  nom 
de  Cabedello,   à  L'entrée  de  cette  rivière. 

En  L583,  L'Anglais  Edward  Fenton,  qui  fut  plus  tard  un  des 
vainqueurs  de  VInvencible  Armada,  pénétra  dans  Le  port  de  San- 
id-,  qu'il  quitta  après  an  combat  contre  des  navires  espagnols 
de  passage;  en  K>S7  Withrington  ravagea  les  environs  de  Bahia, 
el  deux  navires  français  (capitaines  Pois  de  Mill  et  Goribault) 
furenl  pris  dans  le  Sergipe ;  en  l.V.H  Thomas  Gavendish  saccagea 
Santos,  et,  en  L592,  échoua  dans  nue  attaque  contre  Espirito- 
Santo.  En  1595  des  Français  débarqués  de  dix  navires  furent 
repoussés  à  llhéos,  et  les  corsaires  James  Lancaster,  Anglais. 
et  Le  Noyer,  Français,  prirent  Recife  et  y  firent  un  grand 
butin.  En  L596  le  fort  de  Cabedello,  dans  le  Parahyba,  repoussa 
une  attaque  des  Français,  débarqués  de  treize  navires.  A  ce 
moment  sept  autres  navires  français  se  trouvaient  à  l'ancre 
devant  le  Rio-Grande-du-Nord,  trafiquant  avec  les  sauvages.  En 
1599  un  navire  du  Havre,  capitaine  Jacques  Potcl,  fut  pris  au 
cap  Frio  par  Martini  de  Sa1.  La  même  année  Olivier  van  Noort, 
après  avoir  essayé  en  vain  de  pénétrer  dans  Rio,  poursuivit  avec 
son  escadre  un  voyage  autour  du  monde  ;  en  1604,  van  Carden, 
commandant  d'une  autre  escadre  hollandaise,  repoussé  à  Bahia, 
butina  dans  le  port;  en  1615,  Joris  van  Spilbergen  en  fit  autant 
dans  le  port  de  Santos.  Vers  1623,  le  commandant  Dirck  van 
lluyter  fut  fait  prisonnier  par  Martini  de  Sa,  gouverneur  de  Rio 
et  vice-amiral  de  la  mer  du  Sud. 

En  1585,  les  colonies  portugaises  du  Brésil  avaient  une 
population  d'environ  57.000  habitants,  dont  25.000  blancs  (250  à 
ltamaracâ,  8.000  à  Pcrnambuco,  12.000  à  Bahia,  750  dans  cha- 
cune des  capitaineries  d'Ilhéos,  Porto-Seguro,  Espirito-Santo  et 
Rio-de-Janeiro,  1.500  dans  celle  de  Sâo  Vicente),  18.500  Indiens 
civilisés  (2.000  à  Pernambuco,  8.000  à  Bahia,  4.500  à  Espirito- 
Santo,  3.000  à  Rio,  1.000  dans  la  capitainerie  de  Sâo-Vicente)  et 
14.000  esclaves  africains  (10.000  à  Pernambuco,  3  à  4. 000  à  Bahia, 
100  à  Rio-de-Janeiro)2. 

i.  La  Bibliothèque  Nationale  de  Paris  possède  deux  cartes  de  1579,  par 
Jacques  Vaudeclay,  de  Dieppe,  l'une  représentant  la  côte  du  Brésil  entre 
L'Amazone  et  le  Rio-Real,  L'autre  les  environs  de  Rio-de-Jaueiro  (Vrai  Pour- 
traict  de  Geneure  el  du  cap  de  Frie).  On  peut  aussi  voir  à  la  Bibliothèque 
Nationale  de  Paris  (Lf.  "),  la  «  Remonstrance  très  humble  en  forme  d'aver- 
tissement, que  font  au  roy  et  à  nosseigneurs  de  son  conseil  les  capitaines  <le  la 
manne.  <te  France.  »  Ces!  une  publication  du  commencement  du  xvmc  siècle. 

2.  Anchibta  dans  ['Information  de  1585  donne  les  chiffres  de  la  population 


ESQUISSE     DE    L'HISTOIRE     DU     BRÉSIL.  117 

A  Rio,  le  premier  contrat  pour  l'importation  d'Africains  avait 
été  passé  en  1583  entre  le  gouverneur  Sa  et  un  nommé  Gutierres 
Yalerio.  Dans  la  capitainerie  de  Sao-Vicentc  (Sao-Paulo),  on 
employait  des  esclaves  indiens. 

Eu  L560,  Braz  Cubas,  en  1590  Affonso  Sardinha,  avaient  décou- 
vert des  mines  d'or  à  Sao-Paulo.  Déjà,  l'an  1600,  elles  étaient  en 
exploitation.  En  1590  la  ville  et  le  fort  de  Sâo-Christovâo  furent 
fondés  dans  le  Sergipe,  par  Ghristovâo  de  Barros,sur  la  rive  droite 
du  Cotindiba.  Vers  la  même  époque,  la  ville  de  Cachoeira  fut  fon- 
dée sur  le  Paraguassû  (Bahia),  et  celle  de  Natal  (1597)  dans  le 
Rio-Grande-du-Nord.  En  1608,  un  gouvernement  général  fut  créé 
pour  la  partie  méridionale  du  Brésil,  comprenant  Espirito-Santo, 
Rio  et  Sao-Vicente  (Sao-Paulo).  Rio-de-Janeiro  en  fut  la  capitale. 
En  1617.  ce  gouvernement  fut  supprimé  et  Bahia  redevint  la 
seule  capitale  du  Brésil.  En  1610,  les  Portugais  fondèrent  leur 
premier  établissement  au  Cearâ. 

Les  Français  à  Maranhao.  —  Un  gentilhomme  de  la  Touraine, 
Charles  des  Vaux,  qui  avait  été  laissé  en  1594  au  milieu  des 
sauvages  du  Brésil  par  le  capitaine  Jacques  Riffault,  rentra  en 
France  vers  1605,  et  proposa  à  Henri  IV  de  faire  occuper  le 
Maranhao,  lui  assurant  que  les  Indiens  étaient  désireux  de  rece- 
voir les  Français.  Henri  IV  confia  à  Daniel  de  la  Touche,  seigneur 
de  La  Ravardière,  qui  venait  de  faire  une  exploration  des  côtes 
de  la  Guyane1,  la  mission  d'aller  avec  Des  Vaux  s'assurer 
des  dispositions  des  sauvages.  Lorsqu'ils  retournèrent  en 
France,  Henri  IV  était  mort.  La  Compagnie  qui  devait  se 
charger  des  frais  de  l'expédition  ne  put  être  organisée  qu'en 
1612,  avec  l'appui  de  la  famille  des  Razilli.  Un  grand  nombre  de 
gentilshommes  s'enrôlèrent.  La  Ravardière,  François  de  Razilli, 
seigneur  des  Aumels,  et  Nicolas  de  Harlay-de-Sancy,  baron  de 
La  Molle  et  de  Gros  Bois,  furent  nommés  «  lieutenants-généraux 
du  roi  aux  Indes-Occidentales  et  terres  du  Brésil  »  par  la  régente 
Marie  de  Médicis,  qui  leur  accorda  en  même  temps  ses  étendards 
et  sa  devise.  Quelques  centaines  de  volontaires  partirent  de 
Cancale  sur  trois  navires,  et  arrivés  à  l'île  de  Maranhao  (6  août 
1612),    y   bâtirent  le  village   de  Saint-Louis  et  quatre  forts.  Le 

de    quelques  capitaineries.  Pour  les  autres  il  ne  donne  que    le  nombre  des 
feux    visinhos).  Nous  avons  compté  cinq  personnes  par  feu. 

1.  En  1604,  avec  Jean  Moquet.  La  Ravardière  amena  en  France  le  chef 
indien  Iapoco,  de  la  Guyane. 


118  LE     BRÉSIL     BM     1889. 

nom  de  France  équinoxiale  fut  donné  au  pays.  Mais  bientôt  La 
nouvelle  de  L'occupation  française  étant  connue  des  Portug 
ceux  ci  commencèrenl  [1613]  par  établir  an  fort,  qui  était  un  poste 
d'observation,  à  Jericoacara  Cearé  .  L'année  suivante  Jérôme 
d'Albuquerque,  qui  avait  construil  ce  fort,  fut  investi  du  comman- 
demenl  de  L'expédition  organisée  à  Pernambuco  pour  reprendre 
le  Maranliào.  ALbuquerque,  qui  était  un  Brésilien  né  de  mère 
indienne1,  avait  en  sous-ordre  le  Portugais  Diogo  de  Campos 
Moreno,  qui  fut  le  chroniqueur  de  cette  campagne2.  Arrivé  au 
Maranliào,  il  débarqua  (26  octobre  H*>lï  dans  la  baie  de  Saint- 
Joseph  sur  Le  continent,  à  l'endroit  nommé  Cuaxenduba  (aujour- 
d'hui  Villa  Velha  ou  Arguas  Boas).  Un  retranchement  fut  aussitôt 
construit,  et,  quelques  jours  après,  les  Français  commencèrent  les 
hostilités  en  s'emparant  de  trois  navires  portugais  ;  mais  le  19  no- 
vembre ils  subirent  un  échec  et  de  grain  le-  pertes  dan-  un  débar- 
quement à  Guaxenduba3.  Une  suspension  d'armes  fui  signée 
27  novembre  après  échange  d'une  correspondance  chevaleresque 
entre  La  Ravardière  et  Albuquerque4.  Deux  envoyés,  l'un  Fran- 

1.  Né  à  Olinda  on  1548,  mort  en  1618.  11  était  fils  de  Jérôme  d'Albuquer- 
que, beau-frère  de  Duarte  Coelho,  seigneur  de  Pernambuco. 

2.  Jornada  do  Maranhïïo,  dans  le  t.  I  des  Noticias  para  a  hist.  das  naçoes 
ultramarinas,  publiées  par  L'Académie  Royale  de  Lisbonne,  et  dans  le  t.  II  des 
Memorias  para  a  hist  do  Maranh&ù,  de  ('..  BIendes  de  Ai.mkida  [Rio,  1874).  A 
consulter  sur  ces  événements  Claude  d'AsBEvnxE,  Histoire  de  la  mission  en 
l'isle  de  Maragnan  Paris,  1614);  Yves  d'EvREUx,  Voyage  dans  le  nord  du  Brésil 
(édition  F.  Dénis,  Paris,  1864);  De  Lastre,  Histoire  véritable  de  ce  qui  s'est 
passé  de  nouveau  entre  les  François  et  les  Portugois  en  l'isle  de   Maragnan 

publiée  sans  nom  d'auteur  à  Paris,  1615);  Behredo,  Annaes  historicos  do 
MaranhSo,  Lisbonne,  174'.). 

:i.  Les  Français  débarqués  à  Guaxenduba  (180  Français,  1.500  Indiens) 
étaient  commandés  par  De  Pezieux,  gentilhomme  catholique,  cousin  de 
Marguerite  de  Montmorency,  princesse  de  Condé.  11  avait  sous  ses  ordres  Du 
Prat  et  le  capitaine  de  vaisseau  Claude  de  llazilli,  seigneur  de  Launay  (plus 
tard  vice-amiral  e1  gouverneur  général  du  Canada).  La  marée  basse  dc 
permit  pas  à  La  Ravardière  de  débarquer  lui-même  avec  une  colonne  qui 
devail  attaquer,  par  l'autre  Qanc,  le  retranchement  des  Brésiliens.  Parmi  les 
noms  des  gentilshommes  tués,  on  trouve  ceux  de  De  Pezieux,  de  Chabannes 
cousis  de  la  Ravardière  .  de  Rochefort,  de  Logeville,  de  Saint-Gilles,  de  La 
Haye,  de  Saint-Vincent,  d'Ambreville,  et  de  la  Roche  du  Puy.  —  Les  troupes 
de  Jeronymo  d'Albuquerque  au  combal  dc  Guaxenduba  se  composaient  de  300 
soldats  blancs  ou  métis  el  de  200  Indiens. 

4.  Une  lettre  de  La  Ravardière  du  23  novembre  commençait  ainsi:  —  «  La 
clémence  du  grand  capitaine  d'Albuquerque,  qui  fut  vice-roi  de  Sa  Majesté 
Dom  Emmanuel  aux  Indes  Orientales,  se  montre  en  vous  par  la  courtoisie 
que  vous  témoignez  à  mes  soldats  français,  el  par  le  soin  que  vous  avea  eu 
de  donner  une  Bépulture  aux  morts,  parmi  Lesquels  il  en  est  un  que  j'aimais 
comme  un  frère,  car  il  étail  brave  el  de  bonne  maison.  Je  loue  Dieu.  el  si 
nous  nous  rencontrons  de  nouveau  les  armes  à  la  main,  j'espère  qu'il  prendra 


ESQUISSE     DE    i/uiSTOIRE     DU     BRÉSIL.  119 

pus  el  l'autre  Portugais,  partirent  pour  l'Europe,  mais  l'année 
suivante  juillet)  des  renforts  arrivèrent  à  Albuquerque,  et  celui- 
ci  annonça  à  La  Kayardtère  i|ii'il  venait  de  recevoir  en  même 
temps  L'ordre  de  rompre  la  tréte.  Oiudques  mois  après,  une 
troisième  expédition  partie  de  Pernambuco  sous  le  commande- 
mont  d'Alexandre  de  Moura  arrivait,  et  La  Ravardière,  abandonné 
de  son  gouvernement,  capitula  (2  novembre).  Quatre  cents  Fran- 
çais retournèrent  en  Europe,  un  grand  nombre  restèrent  à 
Maranhào.  La  ville,  devenue  portugaise,  conserva  le  nom  de  Saint- 
Louis  de  Maranhào. 

Occupation  de  l'Amazone.  Division  du  Brésil  en  deux  gou- 
vernements. —  Alexandre  de  Moura  expédia  de  Maranhào 
(25  décembre  1615)  Francisco  Caldeira  pour  aller  occuper  l'Ama- 
zone, où  déjà  les  Hollandais  du  commandant  Nicolas  Oudaen 
possédaient  les  forts  de  Nassau  et  d'Orange,  sur  la  rive  gauche 
du  Xingû.  Caldeira  fonda  (1616)  le  fort  de  Belem  du  Para,  et 
la  même  année  les  Hollandais  construisirent  un  troisième  fort 
à  Gurupâ.  Les  hostilités  commencèrent  avec  la  prise  d'un  navire 
hollandais  par  Pedro  Teixeira  (1616).  Les  Indiens,  alliés  des 
Hollandais,  ayant  mis  en  danger  l'établissement  de  Para,  il  fallut 
d'abord  les  vaincre  ou  s'en  faire  des  alliés.  De  1620  à  1621  quelques 
centaines  d'Anglais  s'établirent  dans  la  Guyane  brésilienne.  Le 
fort  de  Gurupâ  fut  pris  en  1623  par  Bento  Maciel  Parente, 
ceux  du  Xingû  en  1625,  par  Teixeira,  qui  en  1629  s'empara  du 
fort  anglais  de  Taurege  dans  l'île  Tocujûs.  En  1631  (1er  mars)  le 
fort  Philippe,  anglais,  situé  dans  cette  même  île,  tomba  entre 
les  mains  de  Jacome  de  Noronha.  L'année  suivante  (9  juillet)  le 
dernier  fort  des  Anglais,  celui  de  Cumaû,  dont  le  gouverneur 
était  Roger  Frey,  fut  pris  par  Coelho  de  Carvalho  (François 
d'Albuquerque). 

En  1624,  le  Brésil  fut  partagé  en  deux  grands  gouvernements, 
dits  États  :  au  Nord,  Y  État  du  Maranhào,  capitale  Saint-Louis  de 
Maranhào,  comprenait  le  Para,  le  Maranhào  et  le  Cearâ  (ce  dernier 
territoire  fut  annexé  au  gouvernement  de  Pernambuco  en  1629, 
selon  Araripe,  en  1663,  selon  Varnhagen);  ausudl\£W  du  Brésil, 

sous  sa  protection  ma  juste  cause...  »  —  De  Lastre,  qui  était  uu  jeune  chirur- 
gien parisien,  fut  envoyé  au  campement  brésilien  pour  panser  les  blessés 
des  deux  partis  :  —  «  Jamais,  dit-il,  je  n'ai  vu  de  si  honnêtes  gens,  et  si  entiers 
comme  ils  sont  ;  mais  ils  avaient  bien  besoin  de  moi.  M.  de  La  Ravardière 
les  a  bien  obligés  de  préférer  leurs  blessés  aux  siens,  mais  la  France  ne  sera 
jamais  sans  courtoisie.  » 


120  LE     BRÉSIL     EN     1889. 

capitale  Bahia,  B'étendait  depuis  le  Rio-Grande-du-Nord  (depuis 
le  Cearé  en  1629  ou  1663),  jusqu'à  Sainte-Catherine,  comprenant 
les  gouvernements  de  Pernambuco, de  Bahia  etdeRio-de-Janeiro, 
qui  occupaient  le  territoire  de  seize  provinces  actuelles. 

En  L633,  Richelieu  formaune  Compagnie  française,  qui  n'a  pu 
réussir,  pour  L'exploitation  des  terres  du  Cap  de  Nord,  dans  les 
limites  du  Maroni  et  de  l'Oyapock.  On  désignait  souvent  à  cette 
époque,  la  Guyane,  sous  le  nom  de  cap  de  Nord1.  Ce  territoire 
appartenait  à  l'Espagne,  et  Philippe  IV  l'incorpora  en  partie  au 
Brésil  en  créant  la  capitainerie  hn-sHicnnc  du  Cap  de  Nord  (14  juin 
1637),  dont  la  rivière  Oyapock  ou  Vincent  Pinçon  fut  la  limite 
septentrionale.  Bento  Maciel  Parente,  donataire  de  la  nouvelle 
capitainerie,  et  gouverneur  du  Maranlifio,  lit  construire  en  1638 
le  fort  de  Desterro  à  l'embouchure  du  Qacarapy,  dans  la  Guyane 
brésilienne.  Une  expédition,  partie  de  Para  sous  le  comman- 
dement de  Pedro  Teixeira,  explora,  par  ordre  du  gouvernement 
de  Madrid,  le  cours  de  l'Amazone  jusqu'au  Pérou  (1037-39). 

Invasions  Néerlandaises.  Guerre  de  trente  ans  au  Brésil. 
—  En  1024,  une  flotte  hollandaise2,  sous  le  commandement  de 
l'amiral  Willekens,  s'empara  de  Bahia,  capitale  du  Brésil  (10  mai). 
Les  habitants  de  la  ville  et  des  environs  ne  tardèrent  pas  à  y 
assiéger  les  vainqueurs,  et  des  renforts  arrivèrent  de  Pernam- 
buco et  de  Rio-de-Janeiro.  Ce  siège  fut  dirigé  d'abord  par  l'évê- 
que  Dom  Marcos  Teixeira,  puis,  successivement,  par  Marinho 
d'Eça  et  Dom  Francisco  de  Moura,  natif  de  Pernambuco.  Deux 
gouverneurs  de  la  place,  Van  Dorth  et  Albert  Schot,  son  succes- 
seur, furent  surpris  et  tués,  dans  les  environs  de  la  ville,  par 
le  capitaine  Padilha,  Brésilien.  Une  grande  expédition  hispano- 
portugaise,  sous  la  conduite  de  Dom  Fadrique  de  Tolède3,  reprit 
l'année  suivante  Bahia  (30  avril),  et  retourna  en  Europe  après 
cette  victoire.  Deux  mois  auparavant  (12-14  mars  1025),  la  petite 
ville  de  Victoria  (Espirito-Santo),  défendue  par  le  jeune  Salvador 
Correa  de  Sa,  de  Rio,  avait  repoussé  l'amiral  Pietlleyn,  le  même 
qui,  en  1027  (1er  mars),  essaya,   dans  une  attaque  infructueuse, 

i.  Caktano  da  Silva,  VOyapock  et  l'Amazone  :  Question  brésilienne  et 
française,  ±  volumes  in-8°,  Paris,  1SG1.  Ce  livre  est  un  monument  d'érudition. 

2.  26  navires,  509  canons,  .'{.300  hommes. 

3.  56  voiles,  946  canons,  3.200  matelots,  7.^)00  soldats.  —  Un  tableau  de 
Castello,  au  Musée  de  .Madrid,  représente  le  débarquement  de  Dom  Fadrique 
à  Bahia. 


ESQUISSE     DE     L'iIlSTOIRE    DU     BRÉSIL.  12t 

de  s'emparer  de  Bahia,  défendue  par  Diogo  de  Oliveira.  Padilha 
fut  tué  dans  le  combat  de   Pitanga  contre   Piet  Jlcyn  (12  juin). 

La  capture  de  la  flotte  dite  ^Argent,  en  1628,  par  Piet 
Heyn,  encouragea  la  Compagnie  hollandaise  des  Indes  Occi- 
dentales. Une  seconde  expédition1,  sous  les  ordres  de  l'amiral 
Lonck  et  du  colonel  Waerdenburch,  fut  envoyée  contre  le  Brésil. 
Du  16  février  au  2  mars  1630,  elle  s'empara  d'Olinda  et  de 
Réeife.  Les  Brésiliens,  commandés  par  le  général  Mathias  d'Al- 
buquerque,  commancèrent  alors  contre  les  envahisseurs  une 
lutte  qui  dura  vingt-quatre  ans.  Plusieurs  chefs  brésiliens,  nés 
dans  le  pays,  parmi  lesquels  Louis  Barbalho,  Yidal  de  Negreiros, 
l'Indien  Camarâo  et  le  nègre  Henri  Dias2,  acquirent  une  juste 
renommée  dans  cette  guerre. 

Quoique  ayant  reçu  des  renforts,  les  Hollandais  se  trouvaient 
encore  réduits  en  1631  aux  villes  d'Olinda  et  de  Réeife.  Cette 
année,  à  la  nouvelle  de  l'arrivée  de  quelques  troupes  que  trans- 
portait l'escadre  de  Dom  Antoine  de  Oquendo,  ils  brûlèrent 
Olindaetse  concentrèrent  à  Réeife.  Pourtant  les  renforts  destinés 
à  Pernambuco  ne  dépassaient  pas  le  chiffre  de  sept  cents  Portu- 
gais, Espagnols  et  Napolitains  commandés  par  Sanfelice,  comte 
de  Bagnoli3.  Une  bataille  navale  sans  résultat  décisif  fut  livrée 
près  des  Abrolhos  (12  septembre),  entre  Oquendo  et  Pater,  qui 
périt  dans  le  combat. 

Mathias  d'Albuquerque  avait  établi  entre  les  rivières  Beberibe 
et  Capiberibe  le  camp  retranché  nommé  Arraial  do  Bom  Jésus,  et 
des  postes  fortifiés  aux  environs  de  Réeife.  De  1630  à  1632,  les 
Hollandais  furent  repoussés  dans  plusieurs  attaques  qu'ils  tentè- 
rent, notamment  contre  le  fort  de  Cabedello  (Parahyba),  défendu 
par  Mattos  Cardoso  (1631),  et  contre  le  cap  Saint-Augustin, 
défendu  par  Maciel  Parente  (1632.)  Cependant  cette  dernière 
année  (20  avril),    la  désertion  de  Calabar,  natif  de  Porto-Calvo, 

1.  61  navires,  7.300  hommes. 

2.  Dans  le  journal  de  la  première  partie  de  cette  guerre  (Memorias 
Diarias)  publié  par  Duarte  d'Albuquerque,  seigneur  de  Pernambuco,  on  lit 
le  passage  suivant  à  la  date  du  14  mai  1633  :  —  «  Ce  que  fit  alors  un  nègre 
nommé  Henri  Dias  montre  bien  les  difficultés  de  notre  situation.  Estimant 
que  nous  avions  besoin  de  sa  personne,  il  vint  se  présenter  au  général,  qui 
l'accepta  pour  servir  avec  d'autres  hommes  de  couleur.  »  —  Heuri  Dias  est 
devenu  peu  après  colonel  d'un  régiment  composé  de  nègres.  Son  nom  arriva 
même  à  Paris  à  cette  époque  ;  on  le  trouvera  dans  un  numéro  extraordinaire 
de  la  Gazette  de  France,  du  3  juillet  1648  (n°  97),  dans  l'article:  «  Défaite  des 
Hollandois  au  Brésil  par  les  Portugais.  » 

3.  En  dialect  napolitain,  ce  nom  est  prononcé  Bagnolo. 


122  LE     BRÉSII     i\     1889. 

mulâtre  très  brave,  el  ayant  une  grande  connaissance  do  théâtre 
des  opérations,  changea  la  situation  des  deux  partis.  Guidés  par 
lui,  les  Hollandais  commencèrent  par  le  sac  et  l'incendie 
d'Iguarassû  1632  ,  et  ils  s'agrandirent  par  la  prise  de  ftio- 
Formoso,  malgré  la  résistance  héroïque  de  Pedro  d'Albuquerque 
ci  de  ses  soldats,  par  la  conquête  de  l'île  d'Itamaraca,  du  Rio- 
Grande-du-Nord  1633  ,  du  r»>H  du  PontaJ  (cap  Saint-Augustin)  et 
•  le  Parahyba  1634).  Au  camp  retranché  de  l'Arraial  ils  avaient  été 
repoussés  deux  fois  eu  ni:;:;  ;  mais  en  1635,  après  un  siège  de  trois 
mois,  dirigé  par  Arciszewski,  la  garnison  capitula,  réduite  parla 
famine  ((>  juin).  La  même  année  l'amiral Lichthardt  s'était  emparé 
de  Barra-Grande  el  «le  Porto-Calvo  (mars),  dans  l'Alagoas,  et  le 
2  juillet,  après  cinq  mois  de  siège,  von  Schkoppe  faisait  capituler 
le  fort  de  Nazareth.  Ces  revers  forcèrent  Mathias  d'Àlbuquerque  à 
abandonner  Pernambuco  età  faire  retraite  sur  l'Alagoas.  Quelques 
milliers  de  familles  le  suivirent,  préférant  l'émigration  à  la  domi- 
nation étrangère.  Albuquerque  reprit  Porto-Calvo  (19  juillet),  et 
Calabar,  tombé  entre  ses  mains,  y  fut  exécuté.  La  retraite  se 
continua  vers  le  sud,  et  quelques  renforts  étant  arrivés  avec  un 
nouveau  général,  Rojas  y  Borja,  celui-ci  reprit  l'offensive,  mais 
il  fut  lue  à  la  bataille  de  Malta  Hedonda  (18  janvier  1636), 
gagnée  par  Arciszewski.  Camarâo  couvrit  la  retraite  des  vaincus, 
et  Bagnoli,  le  nouveau  général  en  cbef,  réussit  à  se  maintenir 
pendant  quelque  temps  dans  l'Alagoas,  et  à  inquiéter  l'ennemi 
par  des  incursions  sur  son  territoire.  C'est  alors  que  la  Hollande 
envoya  à  Pernambuco,  avec  de  nouvelles  troupes,  le  prince  Jean 
Maurice,  comte  de  Nassau-Singen,  nommé  gouverneur  général 
du  Brésil  hollandais.  xMaurice  remporta  la  victoire  de  Comendai- 
tuba  (18  février  1637)  sur  l'avant-garde  de  Bagnoli  commandée 
par  Almiron,  s'empara  de  Porto-Calvo,  et  poussa  sa  marche  triom- 
phante jusqu'au  Sao-Francisco.  La  même  année  l'amiral  Lich- 
thardt  fut  repoussé  dans  un  débarquement  à  Ilhéos  (27  juin), 
Garstman  prit  d'assaut  le  fort  de  Cearâ,  et  von  Schkoppe  ravagea 
Sergipe  et  força  Bagnoli  à  battre  en  retraite  sur  Bahia. 

.Maurice  de  Nassau  essaya  alors  de  s'emparer  de  la  ville  de 
Bahia  (1638),  mais  il  échoua  dans  deux  assauts,  et  dut  se  rem- 
barquer, après  quarante  jours  d'investissement,  ayant  subi  des 
pertes  très  grandes.  Bagnoli,  qui  avait  dirigé  la  défense,  fut  créé 
prince  par  Philippe  II. 

Maurice  fonda,  dans  l'île  d'Antonio  Yaz,  liauritistadt, 
qui    est  aujourd'hui,    sous    le    nom    de   Santo-Antonio,  ww    des 


ESQUISSE      DE     L'HISTOIRE     DU     BRÉSIL.  123 

trois  quartiers  de  la  ville  de  Récife  ;  il  attira  au  Brésil  les 
naturalistes  Piso  et  Maregraf,  le  cosmographe  Ruiters,  le  mathé- 
maticien Cralitz,  le  savant  Herckmann,  le  poète  Plante,  les 
peintres  Franz  Post  et  A.  van  den  Eckhoute,  l'architecte  P.  Post  ; 
il  créa  un  observatoire,  proclama  la  liberté  des  cultes  (quelques 
restrictions  furent  faites  peu  après  sur  Tordre  de  la  métropole) 
et  obtint  des  États  généraux  la  liberté  du  commerce,  le  monopole 
de  la  compagnie  des  Indes  occidentales  restant  limité  à  l'impor- 
tation des  esclaves  et  à  l'exportation  des  bois  de  teinture  (1G38). 

En  1639,  le  comte  da  Torre,  arriva  à  Bahia  comme  gouverneur 
général  du  Brésil,  amenant  une  flotte  et  des  troupes  dont  le  nom- 
bre avait  été  réduit  de  moitié  par  suite  d'une  épidémie  pendant 
le  séjour  des  navires  en  Afrique.  Ayant  reçu  des  renforts  de  Rio- 
de-.laneiro  et  de  Sâo-Paulo,  il  fit  voile  pour  débarquer  l'armée 
près  de  Récife,  mais  les  courants  et  le  mauvais  temps  amenèrent 
la  flotte  jusqu'au  cap  Saint-Roch,  suivie  par  les  Hollandais  qui 
l'attaquèrent  quatre  fois  sans  succès  (13, 14, 15  et  17  janvier  1640). 
La  rupture  entre  le  comte  da  Torre  et  l'amiral  espagnol  Yega 
Bazan,  priva  le  premier  de  l'appui  de  cette  flotte.  Une  partie  de 
l'armée  débarqua  dans  le  port  de  Touro  (7  février)  sous  la  con- 
duite de  Louis  Barbalho,  l'autre  retourna  à  Bahia,  avec  le  comte 
da  Torre  et  le  prince  de  Bagnoli1,  sur  les  transports  qui  restaient, 
et  qui  auraient  pu  être  capturés,  les  navires  de  guerre  espagnols 
et  portugais  ayant  continué  leur  route  vers  le  golfe  du  Mexique. 
Dans  cette  marche  de  trois  cents  lieues  jusqu'à  Bahia,  Barbalho 
réussit  à  traverser  tout  le  territoire  occupé  par  les  Hollandais. 
Il  commença  par  faire  prisonnier,  dans  un  combat  sur  le  Potengy, 
le  gouverneur  de  Rio  Grande,  Garstman  ;  puis,  il  prit  d'assaut 
Goyana  (28  février),  et  remporta  de  nouvelles  victoires  à  Salgado 
(Alagoas,  rive  droite  du  Parahyba)  et  à  Unhaû  (Nhuanhû  dans 
la  carte  de  Barlœus),  où  deux  combats  furent  livrés2. 

Du  29  avril  au  30  mai,  les  plantations  et  les  fermes   des  envi- 


1.  Quelques  historiens  ont  prétendu  que  le  prince  de  Bagnoli  avait  quitté 
alors  le  Brésil.  Il  y  est  mort,  à  Bahia,  le  26  août  1640,  et,  selon  Pacte  de 
décès,  il  a  été  enterré  dans  l'église  du  Couvent  des  Carmes.  On  trouve  ce  ren- 
seignement au  §  407  de  YHistoria  Milita?  do  Brazil,  ouvrage  inédit  de  Miralles, 
qui  l'a  achevée  en  1762  à  Bahia. 

2.  Les  rapports  de  L.  Barbarlho,  du  comte  da  Torre  et  de  son  successeur 
n'ont  pas  été  découverts  jusqu'ici.  C'est  grâce  à  des  documents  espagnols  et 
hollandais  inédits,  et  à  des  lettres  de  Bahia  interceptées  par  les  Hollandais, 
qu'il  a  été  possible  de  donner  ici  quelques  renseignements  nouveaux  et  de 
rectifier  certains  faits  et  certaines  dates. 


121  LE      BRÉSIL     EN     18  89. 

rons  de  Bahia  furent  ravagées  par  l'amiral  Lichthardt.  Le  21  juin, 
Le  marquis  de  Montalvâo,  premier  vice-roi  nommé  pour  le  Brésil, 
arrivail  à  Bahia.  Louis  Barbalho  envoyé  au  Rio  Real,  y  défit 
L'ennemi  I  août),  et,  après  une  lutte  très  meurtrière,  réussit  à 
s'emparer  du  forl  principal  des  Hollandais  (10  septembre).  Les 
habitants  de  Victoria  et  Villa  Velha  dans  l'Espirito-Santo,  re- 
poussèrent une  attaque  du  colonel  Koen  [29-30  octobre). 

l'en  après,  la  nouvelle  de  la  révolution  du  Portugal  contre  la 
domination  espagnole  arrivait  à  Bahia  (15  février  1641)  et  se 
répandait  dans  tout  le  Brésil.  Le  duc  de  Bragance,  acclamé  roi 
du  Portugal,  sous  le  nom  de  Jean  IV,  était  aussitôt  reconnu  dans 
les  capitaineries  du  Brésil  non  occupées  par  les  Hollandais,  et  dans 
toutes  les  colonies  portugaises.  Un  ambassadeur  de  Jean  IV 
fut  reçu  à  la  Haye,  et  le  13  février  les  Etats  généraux  ordonnèrent 
que  désormais  les  Portugais  seraient  traités  en  amis.  Le  12  juin 
un  traité  fut  signé  à  la  Haye  stipulant  un  armistice  de  dix  ans 
entre  la  République  et  le  Portugal  et  une  alliance  offensive  et 
défensive  contre  l'Espagne.  Mais  Maurice  avait  profité  du  moment 
pour  occuper  le  Sergipe  jusqu'au  Rio-lleal  (avril  1641),  pour 
envoyer  l'amiral  Jol  s'emparer  de  Saint- Paul  de  Loanda  et  de 
l'île  de  Saint-Thomé,  en  Afrique,  et  pour  faire  la  conquête  de 
Maranhâo  (25  novembre),  sous  prétexte  que  le  traité  n'avait  pas 
encore  été  ratifié  par  le  Portugal. 

L'année  suivante,  les  habitants  du  Maranhâo,  dirigés  par 
Muniz  Barreiros  et  Teixeira  de  Mello,  se  soulevèrent,  et  réussirent 
à  chasser  les  Hollandais  en  1644.  Presque  en  même  temps  les 
Indiens  s'emparaient  du  fort  de  Cearâ  qu'ils  détruisirent,  mais 
bientôt  les  Hollandais  y  établirent  un  nouveau  fort. 

Le  déclin  du  pouvoir  hollandais  au  Brésil  commençait  ainsi  au 
moment  où  les  provinces  brésiliennes  conquises  se  voyaient 
abandonnées  de  la  métropole.  En  1644,  Maurice  de  Nassau 
retournait  en  Europe. 

Le  23  mai  L645,  Fernandes  Vieira,  Antoine  Cavalcanti  et  plu- 
sieurs autres  des  plus  riches  habitants  de  Pcrnambuco,  encouragés 
secrètement  par  le  gouverneur  général  du  Brésil  portugais, 
Antoine  Telles  daSilva,  signèrent  rengagement  de  provoquer  une 
insurrection  pour  «  libérer  leur  patrie  ».  La  révolution  éclata  le 
13  juin,  et  les  régiments  de  l'ancienne  armée  de  Pernambuco, 
commandés  par  Vidal,  Camarâo  et  Henri  Dias,  se  rallièrent  peu 
après  aux  insurgés.  Fernandes  Vieira  gagna  la  bataille  de 
Tabocas  (3  août),  et,  réuni  à  Vidal,  força  le  commandant  en  chef 


ESQUISSE     DE     L'iIISTOIRE     DU     BRESIL.  125 

hollandais    Hous  à   mettre  bas  les  armes  au  combat  de  Casa- 
Forte  (7   août).   Pour  venger   ces  revers,  Lircthardt  détruisit  à 
Tamandaré  (9   septembre)  une    petite  escadre  partie  de   Bahia 
sous    le    commandement    de    Serrao    de   Paiva.    Les  Brésiliens 
s'emparèrent   des    forts    de    Serinhaem  (3   août),   Porto    Galvo 
(17    septembre),     Pencdo    (17    septembre),    Sergipe    et    de     la 
ville  d'Olinda  qui  avait  été  rebâtie  du  temps  de  Maurice;  mais 
ils  furent  repoussés  à  Itamaracâ  (23  septembre).  Dans  les  ter- 
ritoires  de   Parahyba  et   Rio-Grande  ils   remportèrent   les   vic- 
toires de  Inhobim  (11  septembre)  et  de  Cunhaû  (23  novembre), 
puis  celle   de    Guajû   (26  janvier   1646),   gagnée   par   Camarâo. 
C'est  en  1646  (24  avril)  qu'a  eu  lieu  la  belle  défense  de  Tijuco- 
papo  par  Agostinho  Nunes.   La  même  année,  Vidal  et  Vieira  bat- 
taient l'ennemi   dans  l'île  d'Itamaracâ,  qu'ils  durent  cependant 
évacuer  à  la  nouvelle  de  l'arrivée  de   grands  renforts  conduits 
par  l'amiral  Banckert1  et  le   général  Sigemundt  von  Schkoppe. 
Celui-ci  subit  un  échec  dans  son  attaque  contre  la  ville  d'Olinda 
(5  août).  Vers  la  fin  de  l'année,  les  Hollandais  occupèrent  de  nou- 
veau Penedo  et  l'embouchure   du  Sâo-Francisco,   mais  une  de 
leurs  divisions  ayant  été  détruite  près  de  ce  fleuve,  à  Urambû, 
(31  décembre)  par  François  Rebello,  ils  évacuèrent  ces  parages. 
En  1647,  Schkoppe  menaça  la  capitale  du  Brésil  en  se  fortifiant 
dans   file   d'Itaparica.  Rebello  envoyé  contre   lui    fut  repoussé 
et    tué   (10   août).    Le   15    décembre,  Schhoppe   se   rembarquait 
à   la  hâte,   et   sept  jours   après  la  flotte    du   comte    de  Villa- 
Pouca,  nommé  gouverneur  général  du  Brésil,   arrivait  à  Bahia, 
amenant  quelques  troupes.  De  leur  côté,  les  Hollandais  recevaient 
de  grands  renforts  conduits  par  l'amiral  De  With,  et  le  général 
Schkoppe  se  décidait  à  sortir  pour  attaquer  l'armée  assiégeante, 
commandée  alors  par  le  général  Barreto  de  Menezes.  La  bataille 
eut  lieu  le  19  avril  1648  sur  les  collines  de  Guararapes,  et  la  vic- 
toire de  Barreto  fut  complète.  Peu  après,  dans  un  combat  naval 
devant  Bahia,  entre  De  With  et  une  partie  de  l'escadre  de  l'amiral 
Louis  da  Silva  Telles,  le   commandant  du  galion  partugais  le 
Rozario,  Pedro  Carneiro,  fut  abordé  par  deux  vaisseaux  ennemis. 


1.  Yarnhagen  l'appelle  Baucher.  Il  s'est  trompé  en  lisant  le  nom  ainsi 
orthographié  et  transformé  dans  l'ouvrage  de  Moreau,  à  qui  l'erreur  n'est  pas 
imputable,  car  Moreau  a  connu  personnellement  Banckert.  C'est  à  une  mau- 
vaise interprétation  du  manuscrit  à  l'imprimerie  qu'on  doit  attribuer  cette 
faute.  L'amiral  en  question  était  Joost  van  Trappen,  dit  Banckert,  déjà 
célèbre,  surtout  après  les  batailles  des  Dunes  (1639)  entre  Tromp  et  Oquendo. 


12G  LE     BRÉSIL     El      188t. 

Voyanl  mue  La  résistance  devenait  impossible,  il  mil  Le  feu  à  La 
Sainte-Barbe,  et  sauta,  entraînant  dans  sa  perte  les  deux  oarires 
hollandais  '. 

\  ,,,.  expédition  organisée  à  Elio  -  de  -  Janeiro  [»ar  L'amiral 
Salvador  Correa  de  Sa,  natif  de  cette  ville,  s'empara  des  forts  de 
Loanda,  et  repril  Angola  aux  Hollandais    1648  . 

Le  i!)  février  1649,  L'armée  hollandaise  ('prouva  des  pertes 
plus  considérables  que  L'année  précédente  dans  nue  nouvelle 
bataille  gagnée  par  Barreto  à  Oitiseiro  sur  les  mêmes  collines  de 
Guararapes.  Le  siège  de  Mauritzstadt  el  de  Récife,  commencé  en 
1645,  dura  encore  cinq  années,  les  Hollandais  se  trouvant  maîtres 
de  La  mer.  Enfin  nue  escadre  portugaise  sous  Le  commandemenl 
de  Jacques  de  Hagalhaes,  arriva  pour  bloquer  le  port,  et  Barreto 
commença  L'assaut  des  forts  extérieurs  dont  il  s'empara.  Le 
général  Schkoppe  capitula  26  janvier  1654)  cl  toutes  les  for- 
teresses qu'occupaient  encore  au  Brésil  Les  Hollandais  furenl 
remises  au  roi  de  Portugal. 

La  conquête  de  l'intérieur  au  XVIe  et  XVIIe  siècles.  Guerres 
des  Paulistas.  Découverte  des  mines  d'or.  —  De  1573  à  1578, 
peu, lui!  Le  gouvernement  de  Brito  e  Almeida,  plusieurs  expédi- 
tions pénétrèrent  dans  L'intérieur  des  terres.  Sébastien  Tourinho, 
qui  déjà  était  arrivé  à  Minas-Geraes  par  le  Rio-Dôce,  partit  de 
Porto-Seguro  (1573)  jusqu'aux  montagnes  des  Orgues  (Rio-de- 
Janeiro),  puis,  prenant  la  direction  nord-ouest,  il  traversa  le 
terri  Ici  ri'  de  Minas-Geraes  et  descendit  le  Jequitinhonha.  Dias 
Adorno  pénétra  jusqu'à  .Minas  parla  rivière  de  Caravellas.  Bas- 
liào  Àlvares,  de  Porto-Seguro,  Gabriel  Soares  de  Sousa,  de 
Bahia  l'auteur  du  Tratado  descriptivo  do  Brazil  em  1587), 
Domingos  Martins  Câo,  d'Espirito-Santo,  avant  1598,  Marcos  de 
Aseredo  Coutinho,  vers  la  même  époque,  dirigèrent  des  expé- 
ditions au  Sào-Francisco  et  à  Minas.  Martim  de  Sa,  de  Rio-de- 
Janeiro,  dépassa  La  chaîne  de  Mantiqueira  vers  1592.  Mais  les 
expéditions  parties  de  Sâo-Paulo  furent  plus  aombreuses. 

Du  temps  de  La  domination  espagnole  (1580-1640),  les  Pau- 
listas, qui  ont  été  Les  pionniers  du  Brésil  au  centre  et  au  sud  de 

1.  Rapporl  du  L9  décembre  L648  du  général  Schkoppe.  Le  aom  «lu  com- 
mandant du  Rosario,  qu'un  historien  moderne  de  cette  guerre  a  r< 
,j(.  Qe  pag  connaître,  se  trouve  dans  le  Portugal  Restaurado,  d'EmcEnu,  H,  25fi 
(édit.  de  1751  ,et  dans  L'ouvrage  de  Sauta  Teresa,  II,  133.  Pedro  Carneù 
chevalier  de  Malte,  de  même  qu'nn  officier  qui  se  trouvait  à  son  boni,  et  qui 
périt,  comme  ton!  l'équipage:  Alphonse  de  Norouha,  deuxième  fils  du  comte  Je 
Liuhares. 


ESQUISSE     HE     I.   HISTOIRE    DU     BRESIL.  127 

l'Empire,  s'avancèrent  très  loin  dans  L'intérieur  dos  terres,  à  la 
recherche  do  l'or  et  faisant  la  chassa  aux  Indiens,  qu'ils  rédui- 
saient en  esclavage  pour  approvisionner  les  plantations  delà 
côte.  Attaqués  par  les  sauvages,  ils  se  bornèrent  d'abord  à  la 
défensive,  puis  ils  prirent  la  résolution  de  se  débarrasser  de 
leurs  ennemis,  La  première  guerre  offensive  des  Paulistas,  di- 
rigée par  Jeronymo  Leitâo,  fut  faite  contre  les  Tupininquins  de 
l'Anhemby,  aujourd'hui  Tiété,  qui  comptaient,  selon  les  jésuites 
espagnols,  trois  cents  villages  et  30.000  combattants.  Ces  villages 
turent  presque  tous  détruits  et  un  grand  nombre  d'Indiens  ré- 
duits en  esclavage.  La  guerre  dura  six  ans.  De  159^  à  1599,  sous 
la  conduite  dWffonso  Sardinha,  puis,  de  Jorge  Correa  et  Joào  do 
Prado,  ils  firent  une  seconde  guerre  d'extermination,  celle-ci 
contre  les  sauvages  de  la  rivière  Jeticay,  aujourd'hui  Rio-Grande, 
qui.  avec  le  Paranahyba,  forme  le  Paranà.  Déjà  dans  les  pre- 
mières années  du  xvir3  siècle  (1601-1602),  comme  le  montre  le 
Routier  de  Glimmer,  les  Paulistas  arrivaient  à  Sabarâ  dans 
l'intérieur  de  Minas-Geraes.  Une  troisième  grande  expédition, 
qui  parait  avoir  été  dirigée  par  Nicolas  Barreto,  Manoel 
Preto  et  plusieurs  autres  habitants  de  Sâo-Paulo,  poussa 
plus  au  nord  (1602)  et  ravagea  pendant  cinq  ans  les  villages  et 
campements  indiens  du  Paraupaba,  c'est-à-dire  du  Haut- Ara - 
guaya.  On  prétend  qu'en  1592  Sébastien  Marinho  était  arrivé  à 
Goyaz. 

En  1606,  les  Paulistas  ne  pouvaient  mettre  sur  pied,  pour 
ces  expéditions,  que  1.800  hommes,  dont  300  blancs  et  1.500 
Indiens,  presque  tous  munis  d'armes  à  feu  et  protégés  dans  les 
combats  par  une  cuirasse  en  cuir  ouaté1.  Ils  augmentèrent  leur 
nombre  en  s'adjoignant  des  aventuriers  de  Rio-de-Janeiro  et 
d'Espirito-Santo  et  les  Indiens  prisonniers.  Manoel  Preto2  avait  à 


1.  «....  Todos  muy  bien  araiaclos  con  escopetas,  vestidos  de  escupiles, 
que  son  al  modo  de  dalmaticas,  estofodas  de  algodon,  con  que  vestido  el 
soldado  de  pies  à  cabeça,  pelea  con  seguridad  de  las  saetas  ;  à  son  de  caxa, 
vandera  tendida,  y  orden  militai*...  »  (Montoya,  Conquista  E spiritual,  §  75, 
page  92  .  —  Au  commencement  de  notre  siècle,  les  soldats  de  Sâo-Paulo, 
employés  contre  les  Indiens  sauvages,  conservaient  encore  ce  costume.  Le 
peintre  Debret  les  a  représentés  dans  son  Voyage  Pittoresque  au  Brésil 
(Tome  I,  planche  21  :  «  Sauvages  civilisés,  soldats  indiens  de  Mogy-das-Cruzes 
combattant  des  Botocudos  ».) 

2.  Ce  Manoel  Preto  était  Portugais.  Nous  lisons  dans  un  ouvrage  récent 
qu'il  était  surnommé  à  Sào-Paulo  «  le  héros  de  la  Guayra  ».  C'est  par 
erreur  qu'on  lui  donne  ce  nom,  car  il  était  probablement  mort  au  moment 
de  la  conquête  de  la  province  de  Guayra.  Les  jésuites  parlent  d'un  nommé 


128  M-     BRÉSIL     EN     1889. 

lui  seul  L.000  combattants  indiens  dans  ses  terres  d'Expectaç&o, 
près  de  Sâo-Paulo.  On  donnait  ;i  ces  expéditions  à  L'intérieur  le 
nom  de  Bandeira  [drapeau  ,  et  aux  individus  qui  les  compo- 
saient celui  de  bandeirantes. 

Vers  L620,  Les  expéditions  de  Sao-Paulo  commencèrent  à  se 
porter  contre  Les  sauvages  qui  habitaient  les  côtes  méridionales 
du  Brésil.  Plusieurs  milliers  d'Indiens  Patos  furent  amenés  à 
Sâo-Vicente  et  à  Rio-de- Janeiro.  En  L627,  les  Paulistas  furent 
attaqués  par  le  cacique  Tayaobâ,  allié  des  jésuites  espagnols. 
L'année  suivante,  pour  se  venger  de  cette  agression,  les  Paulistas 
ravagèrent  les  frontières  de  la  province  «le  Guayra.  Les  Espagnols 
et  les  jésuites  du  Paraguay  donnaient  ce  nom  au  territoire  compris 
mitre  Le  Paranapanema,  L'Itararé,  L'Iguassûet  la  rive  gauche  du 
Paranâ.  On  y  voyait  en  1 630  deux  petites  villes  habitées  par  des 
Espagnols  :  CiudadReal,  sur  Le  Pequiry,  prèsde  son  embouchure 
dans  le  Paranâ,  et  Villa-Rica,  sur  l'Ivahy,  ainsi  que  plusieurs 
villages  d'Indiens  soumis  aux  jésuites  du  Paraguay.  Loreto  et 
Santo-Ignacio,  sur  la  rive  gauche  du  Paranapema,  fondées  en 
1610,  el aient  les  plus  anciennes  et  les  plus  importantes  de  ces 
missions.  Les  autres  étaient  de  création  récente  :  Angeles,  for- 
mée avec  les  Indiens  du  chef  Tayaobâ  (1628)  et  San-Thomé  (1628  , 
sur  le  Curumbatahy;  Conception  de  los  Gualachos  (1628),  près 
des  sources  de  cette  rivière  ;  San-Pablo  (1627;  et  Santo-Antonio 
(1628),  sur  la  rive  droite  de  l'Ivahy;  San-José  (1624),  et  San- 
Xavier  (1623),  sur  deux  affluents  de  la  rive  gauche  du  Tibagy  ; 
Encarnacion  {1625),  Jésus  Maria  (1630)  et  San-Miguel  sur  la  rive- 
gauche  de  cette  rivière,  et  San-Pedro  (1627)  à  l'est  du  Tibagy.  A 
l'embouchure  de  l'Iguassû,  les  jésuites  espagnols  possédaient  la 
réduction  de  Santa  Maria  Maior  (1426),  et,  sur  le  Paranâ,  du 
confluent  de  l'Acaraig  vers  le  sud,  plusieurs  autres  ;  mais  elles 
formaient  la  province  du  Paranâ.  Dès  1620,  ils  avaient  com- 
mencé à  créer  leurs  établissements  sur  l'Uruguay  et  ses  affluents, 
région  désignée  alors  sous  le  nom  de  province  d'Uruaig. 

En  1630,   les  Paulistas,  dirigés  par  Antoine  Raposo  Tavares1, 

Joào  Prcto  qui  a  visité  à  cette  époque  Guayra  et  s'est  établi  à  l'Assomption  ; 
mais  c'était  un  charlatan,  et  non  un  héros.  —  Manoel  Preto  avait  trois  frères  : 
Innocencio,  Sebastien  et  Joseph,  et  uu  iils,  Antoine  Preto. 

1.  Les  chroniqueurs  de  la  province  de  Sào-Paulo  et  tous  les  historiens 
confondent  souvent  ce  Raposo  Tavares  avec  Antoine  Raposo.  Ce  dernier 
est  mort  en  1633.  Son  iils,  Antoine  Raposo,  partit  en  1631,  conduisant 
quelques  renforts,  pour  la  guerre  contre  les  Hollandais.  Enl6il,il  se  trouvait 
à  Cartagène  des  Indes  avec  plusieurs  autres  officiers  et    soldats   portugais  et 


ESQUISSE     DE     L'HISTOIRE     DU     BRÉSIL.  120 

qui  avait  sous  sos  ordres  Frédéric  de  Mello,  Antoine  Bicudo, 
Simâo  Alvares  et  Manoel  Morato4,  remontèrent  le  Ribeira  d'Iguape, 
franchirent  la  chaîne  de  Paranapiacaba  et  tombèrent  sur  la  partie 
méridionale  delà  province  de  Guayra.  Bicudo  s'empara  de  San- 
Ifiguel  :  Alvares,  de  Santo-Antonio ;  Morato,  de  Jesus-Maria.  «  Nous 
venons  »,  disaient-ils,  «  vous  chasser  de  ce  pays,  car  il  est  à  nous 
et  non  au  roi  d'Espagne2».  L'année  suivante,  les  Paulistas  s'empa- 
rèrent de  San-Pablo  et  de  San-Xavier,  repoussèrent  dans  ce 
dernier  village  une  attaque  des  Espagnols  de  Villa-Rica,  puis  ils 
s'emparèrent  de  San-Pedro  et  de  Goncepcion  de  los  Gualachos.  Les 
jésuites  réunirent  à  Loreto  et  à  Santo-Ignacio  tous  les  indiens  qui 
avaient  réussi  à  échapper  à  ces  razzias,  et  prirent  la  résolution 
d'abandonner  la  province  de  Guayra  pour  aller  s'établir  entre  le 
Paranâet  l'Uruguay  (1631),  où  ils  avaient  déjàplusieurs  missions. 
Ils  ne  conservèrent  de  ce  côté  que  les  réductions  de  Santa-Maria 
Maîor  de  l'iguassû  et  de  Natividad  de  l'Acaraig,  évacuées  en  1633. 
Aussitôt  après  leur  départ,  les  Paulistas  s'emparèrent  des  villes 
espagnoles  de  Yilla-Rica  et  de  Ciudad-Real  (1631),  qu'ils  détrui- 
sirent de  fond  en  comble.  Grâce  à  l'intervention  de  l'évêque  du 
Paraguay,  qui  se  trouvait  en  tournée  pastorale  dans  la  première 
de  ces  villes,  leurs  habitants  purent  partir  sans  être  inquiétés  et 
allèrent  s'établir  sur  les  bords  du  Jejuy  (Paraguay). 

En  1632  les  Paulistas  franchirent  le  Haut-Paranâ  et  s'empa- 
rèrent de  trois  réductions  d'indiens  Itatines,  que  les  jésuites 
venaient  de  fonder  à  l'ouest  du  Rio-Pardo  (Matto-Grosso),  ainsi 
que  de  la  ville  espagnole  de  Santiago  de  Jerez,  située  sur  un 
plateau  de  la  chaîne  d'Amambahy,  près  des  sources  de  FAqui- 
dauana3.  Plusieurs  Espagnols  étaient  de  connivence  avec  eux, 
et  allèrent  se  fixer  à  Sâo-Paulo. 

brésiliens  débarqués  delà  flotte  de  VegaBazan.  En  1651,  il  arrivait  àGurnpâ, 
daus  le  fleuve  des  Amazones,  —  Antoine  Raposo  Tavares  était  un  natif  de 
San-Miguel  deBéjaen  Portugal.  Il  arriva  à  Sâo-Vicente  en  1622,  et  il  a  été 
incontestablement  le  chef  des  premières  expéditions  contre  les  établissements 
des  jésuites  du  Paraguay,  selon  les  déclarations  faites  à  Madrid  par  Montoya 
et  Lourenço  de  Mendoça,  prélat  de  Rio-de-Janeiro. 

1.  Mello  était  un  natif  de  Espirito-Santo,  selon  Paes  Leme  (Nobiliarchia 
Paulistana)  ;  Bicudo  était  un  Paulista.  Sur  les  deux  autres,  cités  par  Techo 
(Hist.  prov.  Paraquariœ)  nous  n'avons  pu  trouver  aucun  renseignement. 

2.  «  Yenimos  a  echarlos  de  toda  esta  région  porque  esta  tierra  es  nuestra 
y  no  del  Rey  de  Espaùa  »  (Montoya,  Conq.  Esp.  §  35).  Dans  une  de  ses  repré- 
sentations au  Roi,  Montoya  disait  :  —  «  en  aquellas  villas  parece  no  conocen  a 
V.  M.  por  sus  cedulas,  que  reciben  con  mosquetes  y  mechas  encendidas,  y 
nunca  las  ejecutan.  » 

3.  Ces   villages  venaient    à  peine   d'être  fondés.  Une  ville  de  Jerez  avait 


i:   |  LE     BP  ÊSII     EN     1889. 

De  1626  à  1624  les  jésuites  du  Paraguay  avaient  réussi  h 
étendre  leurs  établissements  sur  une  grande  partie  du  territoire 
qui  forme  aujourd'hui  La  province  brésilienne  de  Rio-Grande-du- 
Sud.  Lors  de  la  première  Invasion  des  Paulistas  (1636)  les  réduc- 
tions ou  bourgs  jésuitiques  étaient  au  aombre  de  quinze,  entre 
l'Ijuhy  linii)  el  la  Serra  Gérai,  au  nord,  ribiruhy  (alors  Ibicuity) 
cl  le  Jacuhy  (Igay,  nommé  aussi  Phasido),  au  sud,  l'Uruguay,  à 
l'ouest,  el  le  Taquary  (alors  Tebicuari,  on  rivière  del  Espirito 
Santo),  à  l'est.  La  partie  orientale  de  ce  territoire  fut  désignée  sous 
le  nom  de  «province  de  Tape1».  Ces  établissements  furent  détruits, 
comme  ceux  de  la  province  de  Guayra,  aussitôl  après  leur  fonda- 
tion. Elaposo  Tavares  quitta Sâo-Paulo  avec  son  armée  (sept.  1636), 
ri  le  3  décembre,  aprè  s  un  combat  de  si\  heures,  il  prit  Jesus-Maria 
de  Yequi(Rio-Pardo).  Les  réductions  de  San  Uiristobal,SanJoaquin 
(>l  Sant'Ana  lurent  évacuées,  mais  les  Paulistas  firent  un  grand 
nombre  de  prisonniers,  et  repoussèrent  uneattaque  des  Indiens  di- 
rigés par  lePère  Romero.  La  réduction  de  Natividad  de  Araricâ 
l'ut  abandonnée,  et  il  ne  resta  aux.  jésuites  dans  le  territoire  de 
Tape  que  leur  colonie  de  Santa  Tercsa  de  ïbituruna.  Celle-ci  leur 
lui  enlevée  l'année  suivante  (décembre  1637).  En  1638  les  Pau- 
listas complétèrent  la  destruction  des  établissements  espagnols 
situes  à  l'orient  de  l'Uruguay.  Vainqueurs  h  Caaro,  à  Caazapâ- 
guazû,   où  le  combat  dura  deux  journées,   à  Caazapâmini    et  à 

été  fondée  en  1579,  par  Melgarejo,  sur  le  Mbotetey  aujourd'hui  Mondego),  puis 
évacuée.  Ed  1503  RuiDiaz  de  Guzman, gouverneur  de  Guayra,  fonda  avec  des  habi- 
tants  de  Ciudad-Real  une  seconde  ville  de  Jerez  sur  la  rive  droite  du  Mondego. 
En  1625  ses  habitants,  ayant  obtenu  l'autorisation  du  gouverneur  du  Para- 
guay, allèrent  s'établir  sur  les  plateaux  de  l'Amambahy,  à  l'endroit  nommé 
;'i  cette  époque  «  Llanos  de  Yaguary.  »  Les  trois  villages  détruits  étaient 
Saint-José  d'Itatines,  Angeles  e1  San-Pedro-y-San-Pablo. 

1.  Les  bourgs  ou  villages  (Pueblos)  des  jésuites  du  Paraguay  ont  changé 
souvenl  de  place  e1  d'autres  bourgs  du  môme  nom  ont  été  fondas  dans  des  en- 
droits différents.  Voici  ceux  qui  existaient  à  Rio-Grande-du-Sud  en  1636etles 
dates  de  leur  fondation:  — Sur  la  rive  droite  du  Rio  Pardo(àeette  époque  Yequi 
ou  Rio  Verde),  en  remontant  cette  rivière,  San  Chrxstobal (1634)  et  Jesuê-Maria 
:  sur  la  rive  gauche,  près  de  ses  sources,  San  Juarjuin  (1 633;.  SurlePasso 
de  Jacuhy,  rive  gauche  du  fleuve  de  ce  nom,  SanfAna  (1633) ;  rive  droite  de 
l'Araricà,  Natividad  (1632).  Près  d*'s  sources  du  Jacuhy,  non  loin  de  l'endroit 
■  m  se  trouve  aujourd'hui  Cruz-Alta,  Santa  Thereaa  de  Ïbituruna  (1633).  Dans 
[es  sources  de  l'Ijuhy  Grande,  San  Carias  de  Cadpi (1631);  sur  l'Ijuhy  Mirim, 
rive  droite.  Apostoles  de  Cadzapàguazû  (1631),  et,  en  descendant  cette 
rivière,  Martyres  de  Caaro  [1628  .  Entre  l'Ijuhy  el  le  Piratiny,  Candelaria  de 
Cadzapdminï  (1611  :  rive  gauche  du  Piratiny,  près  de  son  confluent  dans 
l'Uruguay,  San  Nicolas  (1626  :  sur  la  rive  droite  de  1*1  tù  (alors  Tibiquaci), 
Thomé  (1633  ;  sur  la  droite  de  Tlbicuhy,  en  remontant  cette  rivière, 
i é  de  Itaquatià  (1633),  S.  Miguel  (1632),  et  SS.  Cosme-y-Damian (1634). 


ESQUISSE     DE     L'HISTOIRE     DU     BRÉSIL.  131 

San  Nicolas1,  ils  forcèrent  les  jésuites  à  émigrer  avec  les  Indiens 
qui  purent  échapper  à  cette  catastrophe,  et  qui  allèrent  s'incor- 
porer aux  réductions  situées  entre  l'Uruguay  et  le  Paranâ  ou 
former  dans  ces  parages  de  nouvelles  bourgades,  dont  quelques- 
unes  conservèrent  les  noms  de  celles  qui  venaient  d'être 
détruites2.  En  1641  (mars),  les  Paulistas  essayèrent  d'attaquer 
ces  missions,  mais  ils  furent  repoussés  par  les  Guaranys  près  du 
Mbororé  (rive  droite  de  l'Uruguay).  Leurs  expéditions  étaient 
dirigées  à  cette  époque  plutôt  vers  l'ouest  et  le  nord  que  vers  le 
sud.  On  vit  alors  les  Paulistas  pousser  leurs  courses  jusque  dans 
la  partie  septentrionale  du  Paraguay,  dans  le  district  de  Santa 
Cruz  de  la  Sierra,  et  dans  les  cordillères  du  Pérou.  En  1636  un  de 
leurs  chefs,  François  Pedroso  Xavier,  prit  et  détruisit  la  seconde 
Yilla-Rica,  sur  le  Jejuy  (Paraguay),  ainsi  que  plusieurs  villages 
indiens  des  environs.  Poursuivi  par  Andîno,  ancien  gouverneur 
du  Paraguay,  il  l'attendit  dans  les  montagnes  de  Maracajû,  et, 
après  un  combat,  le  força  à  battre  en  retraite. 

Entre  les  municipalités  et  les  habitants  de  Sâo-Paulo,  de  Rio- 
de-Janeiro,  duMaranhào  et  du  Para,  d'un  côté,  et  les  jésuites,  de 
l'autre,  une  longue  lutte  s'engagea  à  cause  des  Indiens,  dont  ces 
derniers  défendaient  la  liberté,  mais  qu'ils  étaient  accusés  d'ex- 
ploiter à  leur  profit.  A  Rio,  on  essaya  de  faire  sauter  avec  de  la 
poudre  la  chambre  du  premier  prélat  de  cette  ville,  Lourenço  de 
Mendoça  (1632),  qui  défendait  la  liberté  des  Indiens.  A  Sâo-Paulo, 
les  habitants  s'emparèrent  de  tous  les  Indiens  qui  travaillaient 
dans  les  plantations  du  collège  des  jésuites  (1633),  et  expulsèrent 
ces  religieux  (1640)  de  la  ville.  Les  bulles  du  pape  et  les  ordres  du 
roi  obtenus  par  Ruiz  de  Montoya,  Dias  Tailo  et  Lourenço  de  Men- 
doça, condamnant  l'esclavage,  n'étaient  pas  exécutés.  Des  trou- 
bles éclatèrent  à  Rio.  En  1661  quelques  Paulistas  voulurent  se 
séparer  du  Portugal  et  nommer  roi  Amador  Bueno.  Celui-ci 
refusa,  et  fit  acclamer  roi  Jean  IV,  déjà  reconnu  dans  toute  la 
partie  du  Brésil  non  occupée  par  les  Hollandais.  En  1653  les 
jésuites  purent  rentrer  à  Sâo-Paulo,  en  acceptant  les  conditions 
qu'imposèrent  les  habitants. 

1.  Dans  ces  combats,  un  Nicolas  Nenguirû  «  bello  et  pace  bonus  », 
commandait  l'aile  droite  des  Guaranys.  C'était  peut-être  un  ascendant  de 
Nicolas  Nenguirû,  devenu  célèbre  pendant  la  guerre  de  1754-56. 

2.  C'est  alors  que  furent  fondées  dans  cette  région  Santo  Thomé,  Apos- 
toles,  San  Carlos,  San  José,  San  Nicolas  (transféré  plus  tard  de  nouveau  sur  le 
Piratiny,  mais  à  un  endroit  différent  du  primitif),  Candelaria,  Martires, 
San  Cosme,  Sant'  Ana. 


1  LE     BB  ES  M.     EN      1  >  ■ 

En  L664,  les  habitants  de  Paré  et  de  Maranhâo,  où  Le  célèbre 
Vntonio  Vieira  défendait  La  Liberté  des  Indiens,  chassèrenl 
aussi  Les  jésuites.  L'animosité  dura  jusqu'à  L'expulsion  de  cel 
ordre  L759).  En  L755  (6  juin)  et  en  L 758  (8  mai),  Pombal  obtint 
du  roi  Joseph  ["deux  lois  qui  mirent  fin  à  l'esclavage  des  Indiens, 
en  pendant  exécutoire  dans  tout  Le  Brésil  une  Loi  du  Ier avril  1680. 

La  conquête  de  l'intérieur  aux  XVIIe  et  XVIIIe  siècles.  — 
Au  moment  de  L'expulsion  des  Hollandais  (1654),  les  établis- 
sements portugais  au  Brésil  s'étendaienl  sur  le  littoral  compris 
entre  le  fleuve  des  Amazones,  au  nord,  el  Paranaguâ,  au  sud. 
Dans  L'île  de  Sainte-Catherine,  il  n'y  avaii  alors  qu'une  douzaine 
de  colons  de  Sào-Paulo. 

Le  gouvernemenl  du  Para  comptait  seulement  les  petites  villes 
de  Belem  do  Para,  deCameta*  et  de  Gurupâ,  et  le  for!  dcDesterro 
dans  rUacarapy,  rive  droite  de  L'Amazone.  Le  Maranhào  ne  pos- 
sédait que  la  ville  de  Saint-Louis,  et  les  villages  de  Santa-Maria 
de  Guaxenduba  ou  \guas-Boas,  et  de  Tapuytapera  (Alcantara). 
En  suivant  la  côte  vers  le  sud,  on  trouvait  dans  le  Cearâ  le  village 
et  le  fort  de  et-  nom.  Le  Rio-Grande-du-Nord  comptait  la  ville  de 
Natal  et  plusieurs  villages  d'Indiens  (Apuâ,  Jaragua,  Pirari,  etc.)  ; 
Parahyba,  la  capitale,  Parahyba  (Frederica  des  Hollandais),  le 
village  de  Sâo-Pedro-e-Sâo-Paulo  (Mamanguape),  et  plusieurs 
villages  d'Indiens  :  Petimbii,  Nhiajereba,  Ibiapuâ,  Pindaûna,  Nhu- 
majay,  Urutaguy,  aujourd'hui  Alhandra,  Itapuâ,  et  Guiraobira, 
aujourd'hui  [ndependencia.  Pernambuco  était  plus  peuplé:  on  y 
voyait  les  villes  d'Olinda,  de  Recife  et  Santo-Antonio  (Mauritzstadt) 
el  d'Iguaraçû,  1rs  bourgs  de  Goyanna,  Sao-Lourenço-de-Tijuco- 
papo,  Conceiçâo-de-Itamaracâ  (Villa  Schkoppe),  Sâo-Francisco 
de  Pâo-d'Alho,  Luz,  Guaibipopaba,  Sào-Lourenço-da-Matta, 
Santo-Amaro  (Jaboatâo),  Muribeca,  Sâo-Miguel  de  Ipojuca,  Naza- 
reth do  CabodeS.Agostinho,  Santo-Antonio  do  Gabo,  Serinhaem, 
Santo-Amaro,  près  Serinhaem,  et  Sâo-Gonçalo-do-Una;  quelques 
villages  moins  importants,  parmi  lesquels  Taquara,  Guia-de  Çara- 
cunhayâ  (aujourd'hui  Nazareth),  Prazeres  (lloria-de-Goitâ)  et 
Santo-Antâo  (Victoria),  et  plusieurs  villages  indiens  (Gaârecé, 
[tapecirica,  etc.)  Dans  le  territoire  de  la  province  actuelle  dMA/- 
gôas  se  trouvaienl  Les  bourgs  de  Porto-Calvo,  Santa-Luzia-do- 
Norte,  Conceiçào-de-Alagôas,  Penedo  (Mauritius  (\<>>  Hollandais) 
et  Ajuda  (aujourd'hui  Anadia),  ainsi  que  les  villages  de  Sào-Gon- 
çalo-de-Peripueira,  Santo-Amaro  (Atalaia)  et  AnnunciaçSLo  l  Pilar). 


ESQUISSE     DE     i/lIISTOIRE     DU     BRÉSIL.  133 

Dans  le  territoire  de  Sergipe  :  la  ville  de  Sâo-Christovâo  et  les 
villages  de  Santo-Àntonio,  sur  le  Sâo-Francisco  (Porteira),  et 
Santo-Antonio-da-Serra-d'Itapuama  (Itabaiana). 

Bahia  comptait  la  capitale  du  Brésil,  Sâo  Salvador  de  Bahia 
(probablement  20.000  habitants),  la  ville  de  Camamû,  les  bourgs 
de  Cachoeira,  Santo-Amaro,  Valença,  Gayrû,  outre  plusieurs 
villages  :  et,  au  sud  du  Rio  de  Contas,  le  village  de  Barra  do  Rio 
de  Contas,  la  ville  d'Ilhéos,  le  village  de  Santa-Cruz,  la  ville  de 
Porto-Seguro,  les  villages  de  Trancoso,  Patatibe  (Villa-Verde)  et 
Caravellas.  Espirito-Santo  :  les  villes  de  Yictoria  et  Espirito- 
Santoet  les  villages  indiens  de  Sâo  Mathêos,  ReisMagos  (Almeida), 
Santa-Anna  (Guaraparim)  et  Reritigba  (Benevente). 

Dans  le  Rio-de- Janeiro,  la  ville  de  ce  nom  n'avait  en  1648  que 
2.500  habitants,  outre  une  garnison  de  600  hommes,  et  ne  comp- 
tait que  trois  ou  quatre  rues  parallèles  à  la  mer,  entre  les  collines 
de  Gastello  et  Sâo-Bento.  Dans  le  territoire  qui  forme  aujour- 
d'hui cette  province  et  le  Municipe  neutre,  on  voyait  en  1654  les 
villes  d'Ilha-Grande  (aujourd'hui  Angra-dos-Reis)  et  de  Cabo-Frio, 
et  le  villages  de  Sâo  Christovâo  (aujourd'hui  faubourg  de  Rio), 
Irajâ,  Iguaçû,  Trairaponga  (Merity),  Magepe  (Mage),  Cassarebû 
(Santo  Antonio  de  Sa),  Desterro  (ltamby),  Conceiçâo  (Itaborahy), 
etGaxindiba  (Sâo-Gonçalo),  les  villages  indiens  de  Sâo-Lourenço, 
Icarahy,  Cabuçù  (Yilla-Nova),  Sâo  Pedro  de  Araruama,  Sepitiba, 
Guia  (Mangaratiba)  et  Paraty. 

Le  territoire  de  Sâo-Vicente  (aujourd'hui  Sâo-Paulo)  possé- 
dait, sur  le  littoral,  les  villes  d'Ubatuba,  Saint-Sébastien,  Santos, 
Sâo  Yicente  (capitale),  Itanhaem,  Iguape  et  Cananéa,  et  le  village 
de  Paranaguâ  ;  dans  l'intérieur,  les  villes  de  Sâo-Paulo,  Mogy  das 
Cruzes,  Parnahyba,  Itaboaté  (Taubaté),  Jacarehy  et  les  bourgades 
de  O',  Garulhos,  Conceiçâo  dos  Pinheiros,  Sâo  Miguel, Santo-Amaro 
de  Ibirapuera,  Ajuda  (Itaquaquecetuba),  Jundiahy  (ville  en  1655), 
Guaratinguetâet  Araçaryguama,  outre  plusieurs  villages  ou  établis- 
sements dont  les  propriétaires  possédaient  un  grand  nombre 
d'Indiens  esclaves  ou  militarisés.  Un  village  commença  à  se  former 
à  Sorocaba  en  1654. 

De  1660  à  1662  une  expédition  dirigée  par  Paes  Leme  (Fernâo 
Dias),  natif  de  Sâo-Paulo,  traversait  la  chaîne  de  Mantiqueira  et 
explorait  une  grande  partie  de  l'intérieur,  dépassant  les  monta- 
gnes de  Serro-Frio.  Vers  1663,  un  autre  Paulista,  Lourenço 
Castanho  Taques,  découvrait  de  l'or  dans  le  district  qu'on  désigna 
sous  le   nom  de  Minas  dos  Cataguâs  et,  peu  après,  sous  celui  de 


134  LB     BRÉSIL     EN     18 

Minas-Geraes.  Plusieurs  autres  expéditions  parties  de  Sâo-Paulo 
pénétrèrent  dans  L'intérieur  à  La  recherche  de  mines.  PaschoaJ 
Paes  d'Araujo  arriva  en  1672  aux  sources  du  Tocantins;  Barthé- 
lémy Bueno,  surnomme';  par  les  Indiens  l'Anhanguera  (le  diable),  et 
Antoine  Pires  de  Gampos,  s'avancèrent  en  L 682  dans  La  même  direc- 
tion;  Emmanuel  de  Borba  Gato,  gendre  de  Paes  Leme,  Antoine 
Dias  Arzao  et  un  grand  aombre  de  Paulistas  s'établirent  dans 
Minas-Geraes,  où  plusieurs  villages  furent  fondés  vers  La  lin  du  wir 
siècle.  Bientôt  des  aventuriers  accoururent  venant  de  Rio-de- 
Janeiro  et  de  Bahia,  et  L'émigration  portugaise,  qui  se  portait 
principalement  vers  Bahia  et  Pernambuco,  prit  un  grand  déve- 
loppement et  commença  à  se  diriger,  par  lUo-de-Janeiro,  vers  la 
région  des  mines.  Des  conflits  éclatèrent  en  1708  entre  les 
Paulistas  et  les  aventuriers  des  autres  parties  du  Brésil  et  du 
Portugal,  que  les  premiers  désignaient  par  les  noms  de  Foras- 
teiros  un  d'Emboabas  (de  amô,  Loin,  etaôa,  homme).  Les  Paulistas, 
dirigés  par  Domingos  da  Silva  Monteiro,  remportèrent  une  victoire 
au  Rio  das  Mortes,  mais  ils  y  furent  battus  peu  après  par  Bento 
do  Amaral  Coutinho,  natif  de  Rio,  envoyé  par  Manoel  Nunes 
Vianna,  le  chef  des  Emboabas,et  durent  se  retirer  sur  Pitanguy  *. 
Le  gouverneur  Antonio  d'Albuquerque,  arrivé  en  1700,  parvint  à 
mettre  un  terme  à  cette  guerre  civile,  nomma  les  premières  auto- 
rités du  Minas-Geraes,  et  y  organisa,  avec  les  forces  des  deux 
partis,  les  premiers  régiments  miliciens  et  un  autre  de  troupes 

réglées. 

Au  moment  de  l'invasion  hollandaise,  quelques  nègres  esclaves 
de  Pernambuco  avaient  abandonné  leurs  maîtres  et  s'étaient 
établis  dans  les  forêts  de  Palmarès  (Alagôas).  Leur  nombre  s'éleva 
bientôt  à  plusieurs  milliers,  et  ils  réussirent  à  maintenir  leur 
indépendance  pendant  plus  de  soixante  ans,  en  repoussant  d'abord 
les  attaques  des  Hollandais,  ensuite  celles  des  Brésiliens-Portu- 
gais. Ils  ne  furent  entièrement  soumis  qu'en  1697,  après  une  guerre 
de  plusieurs  années,  par  une  petite  armée  venue  de  Sâo-Paulo 
sous  la  conduite  de  Domingos  Jorge  Velho.  Au  moment  de  la 
défaile  finale,  les  principaux  chefs  nègres  se  jetèrent  du  haut 
d'un  rocher,  préférant  La  mort  à  l'esclavage. 

Le  territoire  du  Piauhy  commença  à  être  peuplé  en  1674  par 
Domingos   Affonso  Mafrense,    habitant  de  la  rive  nord  du  Sâo- 

1.  Cette  guerre  civile  a  été  peu  étudiée  et  1rs  documents  publiés  Jusqu'ici 
sont  tout  à  fait  insuffisants. 


ESQUISSE     DE     L   HISTOIRE     DU     BRESIL.  135 

Francisco.  En  17 IS  et  1719  les  premiers  établissements  portugais 
du  Matto-Grosso  furent  fondés  par  Antoine  Pires  de  Campos  fils* 
Paschoal  Moreira  Cabrai  et  d'autres  Paulistas. 

Le  commerce  du  Brésil  du  XVIe  au  XVIII0  siècle.  —  Les 
possessions  portugaises  du  Brésil  n'avaient  de  commerce  direct 
qu'avec  La  métropole.  Cependant,  dès  le  xviG  siècle,  quelques 
marcha  mis  étrangers  établirent  des  factoreries  ou  des  maisons  de 
commerce  dans  les  principaux  ports.  Les  célèbres  Schetz,  d'An- 
vers, avaient  un  agentà  Sâo  Vicente  et  y  possédaient  une  sucrerie. 
Pendant  la  réunion  du  Portugal  à  l'Espagne  (1580-1640)  des  rela- 
tions de  commerce  assez  suivies  s'établirent  entre  Bahia,  Rio  et 
la  Plata. 

Aux  xvic  et  au  xvn8  siècles  l'exportation  du  Brésil  consistait 
principalementen  sucre,  en  bois  de  teinturerie  et  de  construction 
et  en  cuirs.  L'élevage  se  faisait  surtout  dans  le  Parahyha  do 
Norte  et  à  Sâo-Paulo.  L'exportation  de  l'or  et  des  diamants  ne 
commença  à  être  importante  que  dans  les  premières  années  du 
xvme  siècle.  A  cette  époque  un  commerce  clandestin  assez  consi- 
dérable se  faisait,  par  la  Colonia  du  Sacrement,  entre  Rio-de- 
Janeiro  et  les  provinces  espagnoles  de  la  Plata. 

Au  xvne  siècle,  pendant  la  guerre  avec  la  Hollande,  l'usage 
s'établit  de  réunir  en  flotte,  sous  la  protection  de  bâtiments  de 
guerre,  les  navires  qui  faisaient  le  commerce  entre  le  Portugal, 
Bahia  et  Rio-de-Janeiro.  L'amiral  brésilien  Salvador  Gorrêa  de  Sa 
commanda  quelques-unes  de  ces  flottes.  En  1649,  une  puissante 
compagnie,  la  «  Companhia  Gérai  do  Commercio  do  Brazil  », 
dont  le  nom  fut  changé  en  1660  contre  celui  de  «  Junta  clo  Com- 
mercio »,  fut  organisée  à  Lisbonne.  Cette  compagnie  privilégiée 
possédait  dès  le  début  un  grand  nombre  de  navires  armés  et 
entretenait  un  régiment  d'infanterie  et  d'artillerie  de  marine. 
Elle  envoyait  chaque  année  une  flotte  qui,  de  Lisbonne  et  d'O- 
porto,  se  rendait  à  Recife,  à  Bahia  et  à  Rio-de-Janeiro,  et  rame- 
nait à  Lisbonne  les  produits  du  pays.  Les  représentations  des 
commerçants  de  Rio  et  de  Bahia  contre  ce  monopole,  amenèrent 
des  réformes  d'abord  et  ensuite  la  suppression  de  la  compagnie 
(1720);  mais  l'usage  des  flottes  de  commerce  continua,  sous  la 
protection  des  navires  de  guerre.  Une  ordonnance  du  10  sep- 
tembre 1765,  rendue  par  le  marquis  de  Pombal,  permit  aux 
navires  marchands  de  voyager  entre  le  Portugal  et  le  Brésil  sans 
suivre  les  convois.  En  1755,  le  même  ministre  créa  deux  nouvelles 


136  LE     BRÉSIL     EN     1SS9. 

compagnies  priviligiées,  celle  du  «  Grand  Para  et  Maranhao  i  I 
celle  de  «  Pernambuco  el  Parahyba.  »  Elles  furenl  supprimées 
en  1788. 

Sous  le  gouvernement  de  Salvador  Corrêa  de  Sa,  à  Rio-de- 
Janeiro,  el  vers  la  même  époque  à  Bahia  [1650)  des  chantiers 
de  construction  navale  furenl  créés  dans  ces  deux  ports.  Plusieurs 
grands  vaisseaux  et  frégates  de  la  marine  royale  furent  construits 
au  Brésil.  De  nouveaux  chantiers  furent  créés  au  xvur1  et  au 
commencement  du  xix"  siècle,  époque  à  laquelle  les  portugais 
faisaieul  construire  au  Brésil  une  grande  partie  de  leurs  bâti- 
ments de  guerre. 

Guerres  avec  les  Espagnols  et  invasions  françaises  aux 
XVIIe  et  XVIII1'  siècles.  —  En  1680,  Colonia  do  Sacramento  fut 
fondée  par  Dom  Manoel  Lobo,  gouverneur  de  Rio -de- Janeiro,  sur  la 
rive  gauche  de  la  Plata,  en  face  de  Buenos-Aires,  très  loin  de  la 
partie  peuplée  du  Brésil,  dont  l'établissement  le  plus  méridional 
se  trouvait  alors  dans  l'île  de  Sainte-Catherine.  Elle  a  été  le  sujte 
de  longues  querelles  avec  l'Espagne  à  qui  elle  resta  acquise 
par  le  traité  de  Saint-Ildefonse  (1777).  L'année  même  de  sa  fon- 
dation, elle  fut  prise  par  les  Espagnols  de  Buenos-Aires  et  les 
Guaranys  des  Missions  jésuitiques  du  Paranà  et  de  l'Uruguay, 
sous  la  conduite  de  Vera  Mujica  (7  août).  Elle  fut  restituée  au 
Portugal  parle  traité  du  7  mai  1 08 1 ,  et  rebâtie  en  1083.  L'année 
suivante,  des  colons  du  Sao-Paulo  fondèrent  la  ville  de  Laguna 
sur  la  côte  de  Sainte-Catherine. 

Après  plusieurs  tentatives  de  colonisation,  les  Français  s'éta- 
blirent à  Cayenne,  d'où  ils  chassèrent  les  Hollandais  en  lGGi. 

Le  premier  gouverneur  français,  Le  Febvre  de  la  Barre, 
retourna  en  France  l'année  suivante,  et  y  publia  un  livre1  dans 
lequel  on  lit  les  passages  suivants  :  «  La  Guyane  Françoise, 
proprement  France  Equinoxiale,  qui  contient  quelques  quatre- 
vingts  lieues  françaises  de  coste,  commence  par  Je  cap  d'Orange, 
qui  est  une  pointe  de  terre  basse  qui  se  jette  à  la  mer,  et  dont 
l'on  prend  connaissance  par  trois  petites  montagnes  que  l'on 
voit  par  dessus  el  qui  sont  au-delà  de  la  rivière  Yapoco,  qui  se 

jette    à  la   mer   sous  ce   cap L'on   peut  à  la  rivière  Marony 

mettre  les  homes  de  la  Guyane  Françoise.  » 

l.  De  la  Barre,  Description   de  la   France  equinoxiale,  ci-devant  ap} 
Guyane.  Paris,  L666,  in-'i". 


ESQUISSE     DE     L'HISTOIRE     DU     BRÉSIL.  137 

Cette  nouvelle  colonie  fut  prise  par  les  Anglais  en  1G67,  et 
reconquise  la  même  année  par  les  Français.  En  107i  elle  tomba 
aux  mains  des  Hollandais,  qui  la  conservèrent  pendant  trois  ans. 
l-ii tîn,  en  L677  Hic  redevint  française. 

Dans  le  territoire  de  la  «  capitainerie  du  cap  du  Nord  »,  créée 
par  le  roi  d'Espagne,  qui  l'annexa  en  même  temps  au  Brésil1,  les 
Portugais  possédaient  le  fort  de  Gurnpâ,  fondé  en  1623  sur  la 
rive  droite  de  l'Amazone,  et  au  nord  de  ce  fleuve,  dans  la  Guyane 
brésilienne,  les  forts  de  Desterro,  dans  TUacarapy,  fondé  en 
1638,  et  de  L'Araguary,  construit  en  1G60.  Ce  dernier,  ayant  été 
détruit  par  la  pororôca  (mascaret),  fut  rebâti  en  1685.  En  1688  les 
Portugais  de  Para  bâtirent  deux  autres  forts,  ceux  du  Toheré  et 
de  Sauto  Antonio  de  Macapâ,  ce  dernier  sur  l'emplacement  du 
fort  de  Cumaû,  pris  aux  Anglais  en  1632. 

En  mai  1637  le  marquis  de  Ferroles,  gouverneur  de  Cayenne, 
prétendant  que  l'Amazone  devait  être  la  limite  des  possessions 
françaises2,  s'empara  des  quatre  forts  portugais  de  la  rive  droite, 
rasa  ceux  de  l'Araguary,  du  Tohéré  et  de  Desterro,  et  ne  conserva 
que  celui  de  Macapâ.  Des  troupes,  envoyées  de  Para  par  le  gouver- 
neur Antoine  d'Albuquerque  (commandants  Fundao  et  Muniz  de 
Mendoça),  reprirent  Macapâ  un  mois  après  (28  juin). 

Pendant  la  guerre  de  succession  d'Espagne  la  ville  de  Colonia 
fut  assiégée  et  bombardée,  à  partir  du  17  octobre  1704,  par  les  Espa- 
gnols de  Buenos-Aires.  Son  gouverneur,  le  général  Yeiga  Cabrai, 
repoussa  toutes  les  attaques  et  évacua  la  place  (15  mars  1705;  par 
ordre  du  roi  du  Portugal.  A  cet  effet,  le  capitaine  de  vaisseau 
Amaro  José  de  Mendonça  avait  été  envoyé  de  Rio  avec  quelques 
navires  qui,  après  un  combat,  mirent  en  fuite  ceux  des  Espagnols, 
qui  Taisaient  le  blocus  du  port.  Cette  place  fut  rendue  au  Portugal 
par  le  traité  de  paix  signé  à  Utrecht  le  6  février  1715. 

En  1710  une  expédition,  dont  le  commandement  fut  confié 
par  Louis  XIV  au  capitaine  de  vaisseau  Jean-François  Du  Clerc3, 

1.  Nous  avons  vu  que  la  limite  nord  de  cette  capitainerie  était  l'Oyapock 
ou  Vincent  Pinson. 

2.  Selon  de  Ferroles,  le  nom  Oyapock  venait  du  galibi,  —  Ouepô,  île,  — 
et  devait  s'appliquer  à  l'Amazone,  où  se  trouve  l'île  de  Marajô,  qui  est  la  plus 
grande  de  colle  région.  En  réalité  le  nom  Oyapock  vient  de  deux  mots  de  la 
langue  des  Oyampis  :  Ouaya,  pointe,  et  poko,  grand.  L'Oyapock  des  Portu- 
gais était  la  même  rivière  appelée  Yapoc  ou  lapoco  par  les  Français  Jean 
Moquet  1616  .  de  la  Barre  (1669),  Dclislc  (cartes  de  1703, 1716  et  1722),  ' Thomas 
Corneille  (1708),  De  Fer  (1719),  Lombard  (1723,  1726),  d'Anville  (1729  et  1748), 
La  Martinière    1732  et  1739). 

3.  Natif  de  la  Guadeloupe   et    seigneur    de   Léogane.   «  C'était  un  jeune 


138  LE     BRÉSIL     EN     1889. 

partit  de  la  Rochelle  'lo  mai)  pour  s'emparer  de  Rio-de- Janeiro. 
Cette  ville  comptail  alors  L 2. 000  habitants1.  L'expédition  se  com- 
posai! d'un  vaisseau,  quatre  frégates  et  L.100  hommes  de  troupes 
de  marine.  Du  Clerc  débarqua  (11  septembre)  sur  la  plage  de 
Guaratiba,  à  quelques  lieues  de  Rio,  et,  par  Jacarépaguâ,  il 
gagna  les  montagnes  de  Tijuca.  Le  gouverneur,  François  de 
Castro  Moraes,  réussit  à  réunir  plus  de  2.000  hommes,  qu'il 
plaça  presque  tous  derrière  un  fossé,  du  côté  de  la  campagne, 
devant  la  plaine  de  Rozario.  Mais  Du  Clerc  prit  une  direction 
différente,  en  suivant  un  sentier  nommé  alors  «  azinhaga  de  Ma- 
tacavallos  »,  tourna  la  colline  de  Santo  Antonio2,  refoula  plusieurs 
détachements,  et  pénétra  (19  septembre]  dans  L'intérieur  de  la 
ville3.  Là  il  rencontra  la  résistance  des  étudiants  de  Rio,  qui,  sous 
la  conduite  de  Bento  do  Amaral  Gurgel,  s'étaient  retranchés  dans 


homme  plein  «le  cœur,  entreprenant  et  intrépide  :  il  ('tait  allé  en  France 
avec  .M. Casse,  lieutenant  du    Roi  »  Labàt,  édit.  de  1722,  V,   4 G7 ) . 

1.  Document  «les  Archives  à  Rio,  cil-''  par  Caetano  i»\  Silva,  VOyapock, 
etc.,  11,  p.  566. 

2.  La  ville  de  Rio  occupait  alors  l'espace  compris  entre  la  mer,  les 
collines  deCastello  etde  Sâo  Bento  et  nu  fossé  désigné  sous  le  nom  de  valla, 
<|iii  allait  du  lac  et  du  champ  Santo  Antonio  (aujourd'hui  place  de  Carioca) 
jusqu'à  Prainha.  Ce   fossé   suivait  la  direction   de   la  rue  désignée   autrefois 

sou-  I''  i i  de  Valla  (aujourd'hui  Uruguayana)  et  qui  n'existait  pas  encore; 

puis,  à  l'entrée  de  la  rue  d'Antonio  Vaz  Viçoso  (aujourd'hui  S.  Pedro),  il  chan- 
geail  de  direction  pour  arriver  à  la  mer  en  passant  entre  les  collines  de  Sâo 
Bento  et  do  Conceiçâo.  La  rue  Direita  ou  rue  da  Cruz  (aujourd'hui  Primeiro 
de  Marco  était  la  seule  qui  s'étendit  du  Castello  à  Sâo  Bento.  La  maison 
du  gouverneur  se  trouvait  dans  cette  rue,  en  face  de  la  rue  du  Palacio 
(aujourd'hui  d'Alfandega),  entre  la  douane,  ù  droite,  et  le  Trapiche  da  Cidade 
(magasin  nu  dépôt  de  la  ville),  à  gauche.  Du  coté  de  la  campagne,  la  dernière 
pue  parallèle  à  la  rue  Direita  était  celle,  des  Ourives;  du  côté  de  Sâo  Bento, 
la  dernière  rue  perpendiculaire  à  la  rue  Direita  était  celle  d'Antonio  Vaz 
Viçoso.  Entre  cette  rue,  la  Direita  et  le  morne  de  Sâo  Bento,  il  y  avait  une 
plaine  el  un  marécage.  Les  églises  de  Rosario  et  de  Sâo  Domingo?,  ainsi 
que  la  propriété  nommée  Chacara  do  Fogo  (elle  a  donné  son  nom  à  une 
rue  devenue  aujourd'hui  des  Andradas),  se  trouvaient  on  dehors  des  limites 
de  la  ville  dans  une  plaine  entourée  de  marécages.  Deux  sentiers  condui- 
saient de  ce  côté  à  l'intérieur;  un  autre,  aommé  chemin  de  Desterro  (aujour- 
d'hui rue  d'Evaristo  da  Veiga  ,  et  plus  loin  Azinhaga  de  Matacavallos  'aujour- 
d'hui lue  de  Riachuelo),  commençait  près  du  lac  Santo  Antonio,  côtoyait  les 
montagnes  de  Desterro  Santa  Theresa),  et,  par  Matta  dos  Porcos,  allaita 
Engenho  Pequeno  dos  Padres  aujourd'hui  Engenbo  Velho),  aux  montagne* 
de  Tijuca,  et  à  Engenho  Novo.  Sri, m  un  voyageur  français  quia  visité  Bio,  en 
1703,  avec  le  capitaine  Le  Roux  de  VAigle,  la  rue  Direita  formait  à  elle  seule 
plus  de  la  moitié   de    la  ville    Journal   d'un    voyage  sur  les  costes  d'Afri 

aux  Indes  etc.,  Amsterdam,  1723,  p.  288). 

3.  Par  Caminho  (chemin)  do  Desterro,  Caminho  da  ConceiçSo  d'Ajuda 
(aujourd'hui  rue  d'Ajuda),  rue  do  Parto  aujourd'hui  Saint  José),  rue  da  Mi  e- 
ricordia,  place  do  Carmo  (aujourd'hui  place  Dom  Pedro  il)  <•!  rue  Direita. 


ESQUISSE     DE     L'HISTOIRE     DU     BRESIL.  130 

la  maison  du  gouverneur.  Le  colonel  Grcgorio  de  Castro  accourut 
à  la  tête  de  quelques  troupes,  et  un  combat  sanglant  fut  livré 
dans  la  rue  Direita,  où  les  Français  s'étaient  emparés  d'un  maga- 
sin donnant  sur  la  mer  (Trapiche  da  Cidade).  D'autres  troupes 
arrivèrent  avec  le  gouverneur,  et  Du  Clerc  fut  forcé  de  mettre  bas 
les  armes1.  Quelques  mois  après,  le  18  mars  1711,  on  le  trouva 
poignarde  dans  la  maison  qu'il  habitait  à  Rio.  Le  gouverneur 
attribua  ce  crime,  dontl'auteur  restainconnu,  à  quelque  vengeance 
particulière,  provoquée  par  les  galanteries  de  Du  Clerc. 

Le  9  juin  1711,  Duguay-Trouin  partait  de  la  Rochelle  avecune 
puissante  escadre  pour  venger  cet  échec2.  Malgré  les  repré- 
sentations du  gouverneur  Castro  Moraes,  qui  se  plaignait  du 
petit  nombre  de  troupes  dont  il  disposait  et,  surtout,  du  manque 
d'officiers  et  d'artilleurs,  le  gouvernement  de  Lisbonne  ne  lui 
avait  pas  envoyé  de  renforts.  La  «  flotte  du  commerce  »,  qui 
tous  les  ans  venait  de  Lisbonne,  terminait  son  chargement  à 
Rio  lorsqu'un  navire  anglais  apporta  (25  août)  la  nouvelle  de  la 
prochaine   arrivée  de  Duguay-Trouin3.   On  commença  alors   à 

1.  Du  Clerc  n'avait  plus  que  630  hommes.  Il  envoya  en  France  une  relation 
de  ce  combat,  mais  elle  n'a  jamais  été  publiée.  On  trouve  dans  la  Revue  de 
l'Institut  Historique  du  Brésil,  t.  XXIII,  p.  420-22,  la  réimpression  d'un  docu- 
ment de  l'époque,  contenant  la  liste  des  officiers  français  tués  ou  prisonniers  ; 
mais  les  noms  sont  si  mal  orthographiés,  qu'il  est  presque  impossible  de  les 
reconnaître.  Ainsi  le  nom  de  —  De  la  Salle  —  est  écrit  —  «  Laffalt,  ai  de 
camp.  »  Parmi  les  morts  se  trouvait  un  prince  «  de  China,  Farina  »  (sic)  ;  parmi 
les  prisonniers  blessés,  les  marquis  de  Linars  et  de  Signy,  MM.  de  Préfon- 
taine, de  Saint- Léger,  de  Coigny,  etc.  Du  côté  des  Portugais  plusieurs  offi- 
ciers furent  tués.  Le  colonel  Gregorio  de  Castro  fut  de  ce  nombre. 

2.  Cette  escadre  se  composait  de  17  navires,  ayant  740  canons  et 
o.764  hommes  :  Le  Lis  et  le  Magnanime  de  71  canons  chacun  ;  V Achille,  le 
Glorieux,  le  Brillant  et  le  Fidèle,  de  66  ;  le  Mars,  de  56  ;  Y  Argonaute,  de  46  ; 
le  Chancelier  et  V  Aigle,  de  40  chacun  ;  la  Bellone,  de  38  ;  Y  Amazone,  de  36  ; 
la  Glorieuse,  de  30;  VAstrée,  de  22;  la  Concorde,  de  20;  la  Française  et  le 
Patient,  galiotes.  Cette  escadre  fut  augmentée  d'une  petite  prise  anglaise. 

3.  La  flotte  du  commerce  devait  partir  pour  Bahia  le  3  septembre 
[Lettre  de  Velho,  publiée  par  Pizarro,  Memorias  historicas  do  Rio  de  Janeiro, 
I,  53).  Le  27  août  un  édit  (Bando)  du  gouverneur  donnait  des  ordres  au  sujet 
de  l'embarquement  des  prisonniers  français  qui  devaient  partir  sur  cette 
flotte  (Document  des  Archives  publics,  à  Rio).  Dans  les  Mémoires  de  Duguay- 
Trouin,  de  même  que  dans  la  Relation  de  ce  qui  s'est  passé  pendant  la 
campagne  de  Rio  de  Janeiro,  publiée  dans  la  Gazette  de  France  (n°  9  de  1712), 
il  est  question  de  4  vaisseaux  et  de  3  frégates  portugaises.  La  Gazette  du 
12  déc.  1711,  où  l'on  trouve  l'extrait  dune  lettre  de  Lisbonne,  donne  des  nou- 
velles plus  exactes  au  sujet  de  la  composition  de  cette  flotte:  «  —  La  flotte  du 
Brésil  avait  mis  à  la  voile  pour  revenir,  composée  de  12  navires  richement 
chargés,  escortés  par  3  vaisseaux  de  guerre.  »  En  effet,  trois  vaisseaux  seu- 
lement protégeaient  cette  flotte  :  le  vaisseau  amiral,  dont  le  nom  nous  est 
inconnu    (les  documents    de   l'époque  le   désignent  sous  le  nom  de  «  Capi- 


140  LE     BRESIL     EN     1  889. 

construire  à  la  hâte  des  retranchements,  el  on  expédia  des 
courriers  à  l'intérieur  pour  demander  des  renforts,  mais  ceux-ci 
ne  purenl  pas  arriver  à  temps.  Le  L2  septembre,  protégé  par  un 
brouillard,  Duguay-Trouin  s'approcha  de  la  côte  de  Rio  el  força 
l'entrée  de  la  rade  malgré  le  feu  des  forts,  des  batteries1  el  de 
six  navires  mouillés  près  de  l'île  de  Villei^ii^mui.  l'ne  explo- 
sion fit  sauter  la  batterie  de  cette  ile,  et  les  navires  portugais, 
voyanl  qu'ils  allaient  être  abordés,  coupèrent  les  chaînes  et 
allèrenl  s'échouer  près  de  la  ville,  où  ils  furent  brûlés  par  ordre 
du  contre-amiral  Costa  de  Aihayde.  Le  13,  avant  l'aube,  le  cheva- 
lier de  Goyon  s'empara  de  l'île  das  Cobras,  près  delà  \ille,  et 
le  lendemain  Duguay-Trouin  débarqua  sur  la  plage  de  Sào  Diogo 


tanea     .   le  SŒo-Boaventura,   capitaine  Gillel  du  Bocage,  el   I'-  Prazeres.  Ce 

dernier  appartenait  à  la  «  Junta  do  Coininercio  »    ou    Compagnie  'In    C - 

merce,  les  deux  autres  a  la  marine  de  guerre.  11  y  avait  encore  a  Rio,  an 
momenl  de  l'arrivée  de  Duguay-Trouin,  le  Barroquinha,  garde-côte,  de 
36  ••anuiis.  capitaine  Amaro  José  de  Mendonça.  D'après  un»'  lettre  du  ir<>u- 
verneur  Ant.  d'Albuquerque,  le  vaisseau  amiral  et  le  SSo-Boaventura 
avaient,  ensemble,  58  canons'.  Il  esl  probable  que  le   Prazeres  n'étail  pas  su- 

périeur  aux  autres.  Il  y  avait  a •  a  Rio  '■>  vaisseaux  du  Roi  et  1  vaisseau  de 

la  Compagnie,  armés,  ensemble  d'environ  130  canons,  outre  deux  navires 
marchands  anglais,  qui  portaienl  un  certain  nombre  de  pièces.  Ces  navires 
étaienl  sous  le  commandement  du  contre-amiral  Gaspar  da  Costa  de  Athayde, 
I*'  même  qui,  réuni  a  l'escadre  anglaise,  avait  commandé  celle  du  Portugal 
au  combat  du  17  mars  1703,  contre  de  Pointis. 

1.  Ils  étaient  mouillés  près  de  Villegaignon,  selon  les  documents  portu- 
gais, el  qoe  entre  Boa-Viagem  el  la  pointe  de  Jurujuba,  position  indiquée 
dans  le  Plan  de  la  Baye  et  de  la  ville  de  Rio  (Mémoires  de  Duguay-Trouin  . 
Dans  cette  dernière  position,  ils  auraient  été  pris,  le  jour  même  de  l'entrée 
de  l'escadre  française.  —  Voici  les  noms  et  le  nombre  exact  des  canons  des 
forts  de  Rio,  lors  de  l'attaque  de  Duguay-Trouin  :  —  A  l'entrée  du  porl  : 
Batterie  de  Praia  de  Fora,  6  canons;  Huilerie  de  Praia  Vermélhay  12;  Forte- 
resse de  Santa  Ci*uz,  commandant  le  major  Miguel  Alves  Pereira,  44  canons. 
dont6en  bronze;  Forteresse  de   ScCo-JoSo    (comprenant    les  batteries  de  Sào- 

Martinho,    SSo-Diogo,    Sâo-José   et    Sâo-Theodosio),    co landant  le  major 

Ant.  Soares  de  Azevedo,  30  canons,  donl  s  enbronze.  Sur  la  rade:  Batterie 
de  Villegaignon,  commandant  le  capitaine  Emmanuel  Ferreira  Estrella, 
20  canons;  batterie  de  Boa-Viagem,  1U  (la  batterie  de  Gravatâ  existail  déjài 
mais  elle  n'étail  pas  armée)  ;  fort  et  batterie  de  Vile  das  Cobras,  commandanl 
le  capitaine  Diogo  Barbosa  Leitào,  12.  Dans  la  ville  et  ses  environs  :  Fort  de 
Siïo-Sebastfâo,  capitaine  Joseph  Correa  de  Castro,  5;  Redoute  SSo-Januario^ 
Ll;  Redoute  Santa-Luzia,$  tous  les  trois  dans  le  morne  de  Castcllo);  Fort 
Santiago  nommé  aussi  de  Misericordia  ou  du  Calabouço),  1  canon;  Retran- 
chement du  mome  de  SSo-Bento  il  a  été  commandé  par  le  capitaine  de  vais- 
seau Gillel  du  Bocage,  grand  père  du  célèbre  poète  portuguais),  8  canons; 
redoute  da  Prainha,  suis  artillerie.  Sur  le  morne  de  Conceiçâo  il  y  avait  un 
retranchement  sans  artillerie,  qui  protégeai!  la  maison  de  Pévèque.  Total,  174 
ciiions.  dont  14  en  bronze.  Varnhagen  cite  par  erreur  le  fort  de  Lage,  dont 
Duguay-Trouin  ne  parle  pas.  Ce  fort,  commencé  vers  1717,  n'était  pas  encore 
terminé  en  1718. 


ESQUISSE     DE      [/HISTOIRE     DU     BRÉSIL.  141 

avec  3.800  hommes,  \  mortiers  et  20  gros  pierrrers  en  fonte  K  II 
occupa  aussitôt,  sans  coup  férir,  les  mornes  de  Sao-Diogo,  Pro- 
videncia  el  Livramento,  qui  n'étaient  pas  fortifiés,  et  fit  établir, 
dan-  l'île  das  Cobras  e1  sur  Le  morne  de  Pina  (aujourd'hui  Saude), 
des  batteries  qui  ouvrirent  leurs  feux  contre  le  retranchement 
de  Sao-Bento  el  le  foH  Saint-Sébastien2.  Le  gouverneur  Castro 
Moraes  n'avait  pu  réunir,  pour  la  défense  de  la  ville  et  des  forts 
delà  baie,  que  2.800  hommes3;  mais  toute  défense  devenait 
impossible,  la  ville  pouvant  être  détruite  facilement  des  hauteurs 
occupées  par  les  Français. 

Après  plusieurs  escarmouches  sans  résultat  et  une  sommation 
à  la  place,  l'escadre  et  les  batteries  françaises  commencèrent  un 
bombardement  général  dans  la  soirée  du  20  septembre.  Le  gou- 
verneur ordonna  aux  troupes,  vers  11  heures,  d'évacuer  la  ville, 
qui,  le  lendemain  matin,  fut  occupée  par  Duguay-Trouin4,  infor- 
mé de  cet  abandon  par  les  prisonniers  de  l'expédition  Du  Clerc. 

1.  Duguay-Trouin,  Mémoires,  édition  de  1740,  page  174.  Ces  troupes  for- 
maient trois  brigades,  commandées  par  les  chevaliers  de  Goyon,  de  Cour- 
serac  et  de  Bcauve. 

2.  Selon  Duguay-Trouin  (Mémoires),  5  mortiers  et  18  canons  à  File  das 
Cobras,  et  10  canons  dans  le  Morro  da  Saude,  outre  les  4  mortiers  qu'il 
avait  avec  lui.  Les  documents  de  l'Alçada  montrent  que  la  ville  n'avait  pour 
riposter  à  ce  feu  que  8  canons  dans  le  retranchement  du  morne  de  Sào- 
Bento,  5  dans  le  fort  de  Sâo-Sebastiâo  (Castello)  et  1  dans  celui  de  San- 
tiago où  se  trouve  aujourd'hui  l'Arsenal  de  guerre.  Les  autres  forts  de  la  rade 
étaient  trop  éloignés,  et  ne  servaient  pas  à  la  défense  de  la  ville.  La  batterie 
de  Villegaignon,  plus  rapprochée,  avait  été  détruite  par  l'explosion.  Les  re- 
doutes de  S.  Januario  et  Santa-Luzia,  situées  sur  le  versant  méridional  du 
Morne  du  Castello,  ne  pouvaient  prendre  aucune  part  au  combat  d'artillerie 
livré  au  nord  de  cette  colline. 

3.  Troupes  réglées:  Les  deux  régiments  de  Rio  (terço  Velho  etterçoNovo) 
590  hommes,  colonels  François-Xavier  de  Castro  Moraes  et  Jean  de  Paiva;  régi- 
ment de  la  Colonie  du  Sacrement  (terço  daColonia),  300  hommes,  major  Domin- 

llenriques  ;  —  milices:  régiment  des  nobles  et  des  privilégiés  (régimento  da 
nobreza  e  privilegiadosi,  550  hommes,  colonel  Emmanuel  Corrêa  Vasques  ; 
deux  régiments  de  miliciens  (régimentos  de  Ordenanças)  780  hommes,  colonels 
Balthasar  de  Abreu  Cardoso  et  Chrispim  da  Cunha;  compagnie  des  employés 
de  la  Monnaie  (Moedeiros),  50  hommes;  troupes  de  la  marine  (soldats  des 
régiments  da  «  Armada  »,  ou  ilotte,  et  de  la  «  Junta  do  Commercio,  »  ou 
compagnie  du  commerce)  400  hommes.  Total  2.670  hommes,  dont  G00  occu- 
paient les  forts  de  la  rade.  11  faut  y  ajouter  les  artilleurs,  qui  formaient  deux 
compagnies  de  50  hommes.  —  C'est  la  première  fois  que  ces  chiffres  sont 
publiés.  Nous  les  avons  trouvés  dans  l'exposition  présentée  par  l'ancien 
gouverneur  de  Rio  à  VAlçada  ou  commission  de  magistrats  chargée  de 
l'enquête. 

4.  «...  un  feu  général  et  continuel  des  batteries  et  des  vaisseaux,  qui, 
joint  aux  éclats  redoublés  d'un  tonnerre  affreux,  et  aux  éclairs  qui  se  succé- 
daient les  uns  aux  autres,  sans  laisser  presqu'aucun  intervalle,  rendait  cette 
nuit  affreuse.  »  (Duguay-Trouin,  Mémoires). 


1  12  LE     BRÉS1  i.     EN     1  889. 

Les  forts  situés  à  l'entrée  du  porl  se  rendirent  à  La  première 
sommation,  dès  qu'ils  furenl  renseignés  sur  La  fuite  du  gouver- 
neur. Le  contre-amiral  Costa  de  Athayde  prit  le  commandement 
des  troupes  réunies  à  Engenho-Novo,  dans  les  environs  de  la  ville, 
où  un  retranchement  fut  construit.  Quelques  renforts  arri- 
vèrent de  Paraty  et  d'Ilha  Grande  (Angra  dosReis)1,  et  d'autres 
étaienl  en  marche;  mais  Duguay-Trouin,  ayant  fait  savoir  qu'il 
détruirai!  La  ville  de  fond  en  comble  si  elle  n'était  pas  rachetée, 
sans  plus  tarder,  par  une  contribution  de  guerre,  le  gouverneur 
se  décida,  conseillé  par  Les  jésuites,  à  signer  une  convention 
(10  octobre)  pour  le  paiementdela  rançon.  Trois  jours  après, 
Antonio  d'Albuquerque  arrivait  à  Iguassû  avec  6.000  hommes, 
venant  de  Minas-Geraes 2,  mais  la  convention  fut  respectée,  et, 
le  dernier  versement  ayant  été  fait  le  4  novembre,  la  ville  fut 
évacuée  par  les  Français,  qui  gardèrent  cependant  les  forts  de 
la  rade  jusqu'au  13,  jour  du  départ  de  l'escadre.  Albuquerque, 
déférant  à  la  demande  du  conseil  municipal  et  des  habitants  de 
Rio,  resta  à  la  tête  du  gouvernement. 

En  1712,  la  métropole  envoya  au  Brésil  un  certain  nombre  de 
canons  et  un  officié!'  du  génie,  le  général  Macé,  chargé  d'augmen- 
ter et  d'améliorer  les  fortifications  de  Rio  et  de  Bahia3.  Le  malheu- 
reux gouverneur  Castro  Moraes,  qui  n'avait  pu  résister  au  puis- 
sant armement  français,  fut  condamné  à  finir  ses  jours  en  pri- 
son dans  une  forteresse  de  l'Inde  et  eut  tous  ses  biens  confisqués  ; 
le  colonel  François-Xavier  de  Castro  Moraes,  son  neveu,  fut  con- 
damné à  la  déportation  perpétuelle.  Le  gouverneur  du  fort  Sâo- 
Joâo  avait  licencié  ses  hommes  et  n'avait  pu  tirer  sur  l'escadre 
de  Duguay-Trouin  lorsqu'elle  força  l'entrée  ;    puis,  craignant  la 


1.  580  hommes,  dirigés  par  François  do  Amaral  Gurgel,  qui  n'était  pas 
le  môme  Amaral  dont  parle  Duguay-Trouin.  Ce  dernier,  tué  dans  une  escar- 
mouche près  de  la  Lagoada  Sentinella,  était  Bento  do  Amaral  Gurgel,  l'ancien 
commandant  des  étudiants. 

2.  9  bataillons  (terços)  de  miliciens,  1  delà  ligne  et  1  régiment  de  cavalerie 
composé  de  miliciens  :  —  «  Perto  de  6.000  homens  da  melhor  e  mais  luzida 
gente  que  tem  as  ditas  Minas,  assim  Forasteiros  como  Paulistas...  »  (Lettre 
du  26  novembre  1711,  d'Albuquerque,  au  Roi). 

3.  De  nouveaux  forts  fuient  alors  construits  et  quelques-uns  des  anciens 
réparés  ou  augmentés.  Le  2  mais  1718,  le  gouverneur  Brito  de  Menezes 
envoyait  au  Roi  un  état  des  forts  de  Rio,  dont  voici  le  résumé  :  —  Praia  de 
Fera,  (i  canons;  Praia  Vermelha,  12;  San  ta-Cruz,  53,  dont  15  en  bronze; 
S&o-Jo&o,  42,  dont  s  en  bronze  ;  Boa-Viagem,  10;  Gravatâ,  10;  Villegai- 
gnon,  20  ;  Jl/m  dus  Cobras,  26;  Saint-Sébastien,  24;  Sào-Januario,  11;  Santa- 
Luzia,  1 1  ;  Santiago, S\  Prainha,  4;  ConceiçcCo  (presque  terminé),  36.  Total,  262, 
c'est-à-dire,  une  augmentation  de  92  bouches  à  feu. 


ESQUISSE     DE     L'HISTOIRE     DU     BRÉSIL.  143 

punition  de  cette  faute,  il  avait  déserté,  quittant  Rio  avec  les 
Français.  Il  fui  déclaré  traître  et  infâme,  condamné  à  être  pendu, 
et  ses  descendants  mâles,  jusqu'au  second  degré,  déclarés  in- 
fâmes. Etant  absent,  il  fut  exécuté  en  effigie.  Le  major  Alves 
Pereira,  commandant  du  fort  de  Santa-Cruz,  avait  fait  son  devoir, 
le  1*2,  et  Duguay-Trouin  a  avoué  que  l'entrée  de  Rio  lui  avait 
coûté  300  hommes  hors  de  combat,  dont  80  tués  ;  mais  il  a  été 
prouvé  que  Alves  Pereira  avait  licencié,  lui  aussi,  une  partie  de 
la  garnison,  et  que,  sans  offrir  de  résistance,  il  avait  capitulé  le 
±'>  septembre,  après  l'abandon  de  la  ville.  Il  fut  déporté  à  Angola. 
Le  commandant  de  l'ile  das  Cobras,  qui,  le  12,  avait  demandé 
des  renforts,  qu'on  ne  se  pressa  pas  d'ailleurs  de  lui  envoyer, 
avait  perdu  cette  position.  Il  fut  expulsé  du  service.  Quant  au 
contre-amiral  Costa  de  Athayde,  qui,  ne  pouvant  songer  à  se  battre 
sur  mer,  avait  brûlé  ses  navires  pour  augmenter  le  nombre  des 
défenseurs  de  la  place,  il  perdit  par  ce  fait,  dans  l'opinion  de  la 
foule,  la  réputation  qu'il  avait  gagnée  par  plusieurs  actions 
d'éclat,  et,  arrivé  à  Lisbonne,  il  devint  fou.  Il  est  mort  dans  cette 
ville  le  8  septembre  1716  *. 

Après  la  guerre  de  succession,  le  Portugal  chercha  à  régler 
avec  la  France  la  question  des  limites  entre  le  Brésil  et  la 
Guyane  française.  Un  traité  provisionnel  et  suspensif  avait  été 
signé  à  Lisbonne  le  4  mars  1700,  déclarant  indécise  entre  les 
deux  couronnes  la  possession  des  terres  situées  entre  le  fort  de 
Macapâ  et  «  la  rivière  d'Oyapoc  dite  de  Vincent  Pinson  ».  Au 
congrès  d'Utrecht,  les  plénipotentiaires  français  acceptèrent, 
après  discussion,  le  texte  portugais  et  français  rédigé  par  le 
comte  de  Tarouca  et  par  Dorn  Luiz  da  Cunha,  ambassadeurs  du 
Portugal.  Le  traité  fut  signé  le  11  avril  1713  et  il  déclarait 
(art.  8)  que  la  France  renonçait  à  ses  prétentions  «  sur  la  pro- 
priété des  terres  appelées  du  Cap  du  Nord,  et  situées  entre  la 
rivière  des  Amazones  et  celle  de  Japoc  ou  Vincent  Pinson.  » 

La  place  de  Colonia  fut  assiégée  de  nouveau  par  les  Espa- 
gnols, depuis  le  3  octobre  1735  jusqu'au  2  septembre  1737.  Cette 
fois,  sous  le  commandement  du  général  Vasconcellos,  elle  résista 
victorieusement,,  parce  que  une  escadre  portugaise  assurait  les 
communications  entre  la  place  et  Rio-de-Janeiro,  et  que  d'im- 
portants renforts  et  des  approvisionnements  furent  envoyés  aux 
assiégés  par  Gomes  Freire  d'Andrada,  depuis  comte   de  Boba- 

1.  Gazeta  de  Lisboa  du  12  septembre  1716. 


1  i  i  LE     BRÉS1 1.     EN     I  889. 

délia,  gouverneur  des  capitaineries  de  Rio-de-Janeiro  el  de  Minas- 
Geraes.  Des  troupes  de  Rio,  de  Bahia  et  de  Minas,  sous  le  com- 
mandemenl  du  général  Paes,  parties  de  Colonia,  occupèrent 
alors  «'t   fortifièrent  le  EUo-Grande  du  Sud  (1737).  Les  Paulislas 

aient  déjà  établis  au  nord  du  Jacuhy. 

La  limite,  suivant  un  méridien  fixé,  par  le  traité  de  Tordesil- 
-  i  i'.i'i  ,  n'avait  été  respectéeni  parles  Portugais  au  Brésil,  ni 
par  les  Espagnols  aux  Indes  Orientales.  Au  xvi°  et  au  wir  siècle 
les  astronomes  des  deux  pays  n'arrivaient  pas  à  s'entendre  sur 
la  position  de  la  ligne  de  partage.  L'Espagne  avait  pris  posses- 
sion des  Philippines  el  avail  réclamé  et  obtenu  du  Portugal 
une  indemnité  pour  L'occupation  des  Moluques,  soutenant  que 
ces  îles  se  trouvaient  dans  l'hémisphère  espagnol.  Dans  ce  cas,  le 
méridien  de  partage  passanl  plusàl'ouest,  une  grande  partie  de  la 
Patagonie,  des  provinces  de  la  Plata,  de  Tucuman  el  du  Paraguay 
v(.  seraient  trouvées  dans  l'hémisphère  portugais.  On  chercha 
enfin  à  régler  le  litige  par  le  traité  de  .Madrid  du  13  janvier  1750, 
qui  fut  négocié  parle  Brésilien  Alexandre  de  Gusmâo,  bien  que 
son  uom  ne  figure  pas  dans  ce  document.  Le  principe  de  l'un 
possidetis  fut  adopté  avec  cette  limitation,  que  le  Portugal  céda  il 
;i  l'Espagne  la  place  de  Colonia  en  échange  du  territoire  situé  au 
nord  de  ribicuhy  el  à  l'orient  de  l'Uruguay,  sur  lequel  les  jésuites 
espagnols,  chassés  en  1638  par  les  Paulistas,  étaient  revenus  et 
avaient  fondé  sept  nouvelles  villes  (1087-1707).  Les  jésuites  espa- 
gnols excitèrent  alors  les  Indiens,  qu'ils  avaient  armés  et  disci- 
plines, à  résister  aux  ordres  duroi  d'Espagne.  11  fallut  recourir 
à  la  guerre  pour  prendre  possession  de  ce  territoire,  nommé  des 
«  Missions  orientales  de  Uruguay  »  (1754-1756),  et  les  Guaranys 
furent  vaincus  à  la  bataille  de  Caâibaté  (10  février  175G)  par  les 
armées  de  Buenos- Aires  et  du  Brésil,  commandées  par  Andonaegui 
et  Gomes  Freire  d'Andrada.  C'est  après  cette  guerre  que  Dom 
Joseph  Ier,  suivant  les  conseils  de  Pombal,  prononça  l'expulsion 
des  Jésuites    1759). 

Les  commissaires  nommés  par  l'Espagne  et  le  Portugal 
n'ayant  pu  s'entendre  pour  la  délimitation  des  frontières,  et  le 
traité  ayant  été  très  attaqué  à  Madrid  et  à  Lisbonne,  les  deux 
gouvernements  finirent  par  l'annuler(12  février  1701). 

Le  pacte  de  famille  amena  une  nouvelle  guerre  dans  le  sud  du 
Brésil.  Les  Espagnols,  sons  Ceballos,  bloquèrent  et  attaquèrent 
la  Colonia,  qui  dut  capituler  (6  juin  1761— 30  octobre  L762),  puis 
ils  s'emparèrent  des  deux  rivesdu  Rio-Grande-du-Sud,  et,  malgré 


ESQUISSE     DE     L   HISTOIRE     DU      BRESIL.  145 

les  stipulations  du  traité  de  Paris  (10  février  1763),  ils  ne  ren- 
dirent que  la  Colonia.  En  1707  les  Brésiliens,  dirigés  par  Sâ-e- 
Faria,  reprirent  la  rive  nord  du  Rio-Grande. 

De  1772  à  1775  la  place  de  Colonia  s'est  trouvée  presque  tou- 
jours bloquée  par  des  navires  espagnols,  et  à  partir  de  1773  plu- 
sieurs escarmouches  et  combats, dans  lesquels  s'illustra  le  Brésilien 
Raphaël  Pinto  Bandeira,  eurent  lieu  sur  les  frontières  du  Rio- 
Grande-du-Sud.  Doin  Joseph  Ier,  voyant  que  l'Espagne  ne  faisait 
pas  droit  à  ses  réclamations,  envoya  plusieurs  régiments  et  une 
escadre  au  vice-roi  marquis  de  Lavradio,  qui,  avec  ces  renforts  et 
des  troupes  brésiliennes,  concentra  une  armée  dans  le  Rio-Grande- 
du-Sud.  Le  4  avril  1775  plusieurs  navires  portugais  (commandant 
Hardcastle)  forcèrent  l'entrée  de  Rio-Grande.  L'année  suivante 
(  1!»  février)  une  partie  de  l'escadre  portugaise  (contre-amiral  Mac- 
Doual)  y  pénétra  après  un  vif  combat  contre  les  batteries  et  les 
navires  espagnols.  Le  26  mars  (1776)  Pinto  Bandeira  s'emparait 
du  fort  de  Santa-Thecla,  dans  l'intérieur,  et  le  1er  avril,  le  général. 
Bôhm,  se  rendait  maître  des  forts  espagnols  de  la  rive  sud  du  Rio- 
Grande.  Le  territoire  que  les  Espagnols  détenaient  depuis  1762 
fut  ainsi  repris.  Pour  venger  ces  défaites,  l'Espagne  envoya  contre 
le  Brésil  le  général  Geballos  avec  une  grande  flotte  et  une  armée 
nombreuse  qui  s'emparèrent  de  l'île  de  Sainte-Catherine  (fév.  1777) 
et  de  la  Colonia  (3  juin  1777).  Presque  en  même  temps  le  roi  Dom 
Joseph  1er  mourait  (24  fév.  1777)  et  Pombal  tombait  en  disgrâce. 
Par  le  traité  de  Saint-Ildefonse  (1er  oct.  1777)  l'Espagne  garda 
la  Colonia,  rendit  l'île  de  Sainte-Catherine  et  renonça  à  ses  pré- 
tentions sur  la  partie  orientale  du  territoire  de  Rio-Grande-du- 
Sud,  ainsi  que  sur  presque  tous  les  territoires  occupés  parles 
Brésiliens  à  l'ouest  de  la  ligne  fixée  par  le  traité  de  Tordesillas. 

Développement  et  progrès  du  Brésil  depuis  la  découverte 
des  mines  jusqu'au  commencement  du  XIXe  siècle.  —  Les  rois 
Dom  Pedro  11(1667-1706)  et  Dom  Jean  V  (1706-1750)  avaient  fa- 
vorisé le  développement  de  la  colonisation  en  encourageant  les 
expéditions  des  Paulistas  vers  l'intérieur  et  vers  le  sud,  et  en  en- 
voyant à  Sainte-Catherine  et  au  Rio-Grande-du-Sud  quelques 
milliers  de  familles  des  Açores  et  de  Madère.  Pendant  ce  dernier 
règne  le  Brésilien  Alexandre  de  Gusmào,  devint  à  Lisbonne  un 
conseiller  très  écouté  du  roi  et  de  ses  ministres.  Dom  Joseph  1er 
(1750-1777)  et  le  marquis  de  Pombal,  montrèrent  le  plus  grand 
dévouement  aux  intérêts  et  au  progrès  du  Brésil,  sans  oublier  le 

10 


1  [i,  LE     BRÉSl  I.     i:\      1  889. 

Maranhào  el  If  Para,  qui  avaient  été  jusqu'alors  un  peu  délaissés. 

En  17(H  VÉtat  du  Maranhào  comprenait  Les  deux  capitaineries 
(h-  Maranhào  et  de  Para,  cette  dernière  créée  en  1652.  Le  Piauhy, 
doni  la  partie  centrale  commençait  à  être  peuplée  par  «1rs  émi- 
grants  de  Bahia,  était  une  dépendance  du  gouvernemenl  général 
du  Brésil.  Quelques  religieux  ri  surtout  les  cannes,  ers  derniers 
à  partir  de  L695,  avaient  commencé  Leurs  missions  dans  L'Ama- 
zonie. Le  L6  août  Kl.')!),  Pedro  Teixeira,  d'après  les  instructions 
«lu  mi  d'Espagne  Philippe  IV,  qui  était  en  même  temps  rni  du 
Portugal,  avait  pris  possession  de  la  rive  gauche  du  Napo  pour 
la  couronne  du  Portugal,  et  toute  la  vallée  de  L'Amazone,  depuis 
le  confluent  de  celle  rivière  jusqu'à  l'océan,  resta  annex» 
gouvernement  de  Maranhào.   En    L660,  un  village  d'indiens  civi- 

.  qui  prit  plus  lard  le  nom  de  Silves,  lui  formé  sur  le  lac 
Saracâ.  En  1750  le  Haut  Amazone  portugais  comptait  déjà  qua- 
rante-six bourgades  d'indiens  el  30.000  feux.  En  17.>7  la  capi- 
tainerie de  Sào-José  do  Rio  Negro  y  fut  créée  avec  un  gouver- 
neur subordonné  à  celui  de  Para4.  Le  territoire  de  Piauhy  fut 
annexé  à  L'État  de  Maranhào  en  1715,  et  à  partir  de  1750  il  forma 
une  capitainerie  dont  le  gouverneur  était  subordonné  à  celui  de 
Maranhào.  En  177."),  l'État  de  Maranhào  fut  supprimé,  et  son 
territoire  divisé  en  deux  capitaineries  générales  :  celle  de  Para, 
avec  la  capitainerie  suhalternc  de  Rio-Negro,  et  celle  de  Ma- 
ranhào, avant  comme  dépendance  la  capitainerie  de  Piauhy. 

compagnie  générale  du  commerce  du  Maranhào  et  du  Grand 
Para,  créée  en  1755  par  Pombal,  rendit  les  plus  grands  services 
au  développement  de  l'agriculture,  du  commerce  et  de  la  coloni- 
sation dans  cette  vaste  région  (17o5-1788).  Une  partie  de  l'émi- 
gration portugaise,  dirigée  vers  le  Maranhào  et  le  Para,  y  vint 
de  nouvelles  villes  ou  renforcer  la  population  des  hourgades 
.îles,  composée  presque  entièrement  d'indiens.  L'ancien 
fort  de  Saint-Antoine  de  Macapâ,  ou  Cumaû,  près  du  Cap  de 
Nord,  que  les  Portugais  avaient  rasé,  n'ayant  pas  été  rétabli, 
malgré  Le  traité  d'Utrecht,  Pombal  lit  construire,  en  1704,  le  fort 
d  mt-Joscph  de  Macapâ,  sur  la  rive  gauche  de  l'Amazone, 
presque  sous  la  ligne  équinoxiale  (3  minutes  de  latitude  nord). 

I.  La  ville  de  Barcellos  primitivemenl  village  de  Marina),  fui  la  capital-' 
de  la  aouvelle  capitainerie.  Barra  du  Rio  Negro  (aujourd'hui  Manâos)  devint 
temporairemenl  la  capitale  (1791-99),  puis,  Barcellos  (1799-1804).  Latin  Barra 
resta  La  capitale  à  partir  de  L804.  —  Cette  capitainerie  l'ut  supprimée  en  182-J 
td  incorporée  a  la  province  de  Paré. 


ESQUISSE     DE     L  IIISTOIRE     DU     BRESIL.  147 

Dans  l'État  du  Brésil,  le  pays  fut  subdivise,  et  plusieurs  gou- 
vernements  furent  créés  pendant  le  xviuc  siècle,  au  fur  et  à 
mesure  que  la  population  augmentait  et  se  répandait.  En  1701, 
cet  u  Etat  »,  dont  la  ville  de  Bahia  continuait  à  être  la  capitale, 
commençait,  au  nord,  dans  le  Piauhy,  et,  après  l'annexion  de  ce 
territoire  au  Maranhâo  (1715),  dans  le  Ceara  ;  et  il  avait  comme  li- 
mite méridionale,  contestée  d'ailleurs  par  l'Espagne,  la  rive  gauche 
de  la  Plata,  où  le  Portugal  ne  possédait  que  Colonia  do  Sacro- 
mento.  Le  territoire  de  Ceara,  la  capitainerie  de  Rio-Grande 
(do  Norte),  et  le  territoire  de  l'Alagôas,  dépendaient  du  gou- 
verneur général  de  la  capitainerie  de  Pernambuco.  Le  Para- 
hvba  était  une  capitainerie  indépendante  depuis  1684;  en  1755 
elle  fut  subordonnée  au  gouverneur  général  de  Pernambuco.  Le 
S. jrgipe  et  l'Espirito-Santo  relevaient  du  gouvernement  du  vice- 
roi,  à  Bahia. 

Le  gouverneur  général  de  Rio-de-Janeiro  avait  sous  sa  dé- 
pendance tous  les  territoires  du  sud,  jusqu'à  la  Plata,  et  une 
grande  partie  de  l'intérieur,  qui  commençait  à  se  peupler.  En 
1709,  la  capitainerie  générale  de  Sâo-Paulo  et  Minas  fut  créée  ; 
en  1720,  Minas  forma  une  capitainerie  générale  indépendante. 
D'autres  gouvernements  furent  créés  successivement  :  en  1738  à 
Santa-Catharina,  en  1748  à  Goyaz  et  à  Matto-Grosso,  en  1760  à 
Rio-Grande-du-Sud.  En  1798,  les  gouvernements  de  Ceara  et  de 
Parahyba-do-Norte,  devinrent  indépendants  de  Pernambuco,  et 
TEspirito-Santo  forma  une  capitainerie  subordonnée  au  gouver- 
nement de  Bahia.  Les  autres  divisions  du  territoire  brésilien 
datent  de  notre  siècle  :  le  Piauhy  devint  une  capitainerie  indé- 
pendante en  1811,  l'Alagôas  en  1817,  Sergipe  en  1820 1. 

Au  xvic  siècle,  il  n'y  avait  pour  tout  le  Brésil  qu'un  évêque  à 
Bahia  et  un  prélat  à  Rio-de-Janeiro  (prélature  depuis  1577).  En 
1676  l'évêché  de  Bahia  fut  érigé  en  archevêché  ;  Rio-de-Janeiro 
et  Olinda,  en  1676,  Sâo  Luiz  de  Maranhâo  en  1677  devinrent  les 
sièges  de  trois  nouveaux  évechés.  D'autres  furent  créés  au  XVIIIe 
siècle,  à  Belem  du  Para  (1720),  à  Sâo-Paulo  (1746),  à  Marianna, 
dans  le  Minas-Geraes  (1748).  Goyaz  et  Matto-Grosso  devinrent  des 
prélatures  en  1776. 


1.  Depuis  l'indépendance  du  Brésil,  seulement  deux  provinces  ont  été 
créées;  celles  de  l'Amazone  (l'ancienne  capitainerie  de  Rio-Negro  supprimée 
en  1823)  et  du  Paranâ.  Des  projets  pour  la  création  de  plusieurs  nouvelles 
provinces  ont  été  présentés  aux  Chambres,  mais  aucune  décision  n'a  été  prise 
jusqu'ici. 


1  18  LE     BRÉSIL     EN     1  889. 

Pendant  le  règne  de  Jean  V,  plusieurs  Brésiliens  accusés 
d'hérésie  furent  poursuivis,  envoyés  à  Lisbonne  H  brûlés  par 
L'Inquisition.  LVévêque  de  Rio- de -Janeiro,  François  de  Sam  Jero- 
nymo  L 702-1725),  s'est  distingué  particulièrement  dans  ces  persé- 
cutions. Un  Brésilien,  qui  habitait  Lisbonne,  Antoine-Joseph  da 
Siva,  natif  de  Etio-de- Janeiro,  était  le  premier  poète  dramatique 
.lu  Portugal  à  cette  époque.  Ses  opéras-comiques  devinrent  très 
populaires,  mais  ses  succès  d'esprit  lui  valurent  d'être  brûlé  par 
L'Inquisition,  à  Lisbonne,  le  L8  octobre  1739. 

Les  premiers  signes  de  la  rivalité  entre  les  natifs  du  Brésil  et 
les  Portugais  européens  se  montrèrent  au  commencement  du 
wiu'  siècle,  dans  la  ville  de  Etio-de-  Janeiro,  en  L  704,  où  les  natu- 
rels du  pays  battirent  la  Liste  di-s  Portugais  européens  aux  élec- 
tions municipales;  à  Minas-Geraes,  parla  guerre  civile  nommée 
des  «  Emboabas  -,  dont  il  a  été  déjàquestion  (1708-1709)  ;  et  à  Per- 
nambuco,  par  celle  des  «  Mascates  »,  entre  les  habitants  d'Olinda 
cl  ceux  de  Becife  (1710-1711).  Vers  la  même  époque  il  veut  des 
troubles  à  Bahia  (1711),  et  en  L 720  une  rébellion  promptement 
comprimée  éclata  à  Villa-Rica  (Ouro-Preto)  contre  le  gouverneur, 
le  comte  d'Assumar,  qui  accusa  les  révoltés  de  vouloir  créer  un 
gouvernement  républicain,  dont  le  général  retraité  Vôiga  Cabrai, 
l'ancien  défenseur  de  Golonia,  devait  être  le  chef.  Veiga  Cabrai 
fut  envoyé  à  Lisbonne  où  il  est  mort  en  prison,  et  un  des  tribuns 
de  la  révolution,  Filippe  dos  Santos,  fut  pendu  et  écartelé  à  Villa- 
Bica. 

Les  lois  du  6  juin  1755  et  du  8  mai  ,1758  proclamèrent  la  liberté 
complète  des  indiens  du  Brésil.  Presque  en  même  temps  Dom 
Joseph  Ier  et  Pombal  défendaient  l'introduction  d'esclaves  dans  le 
Portugal,  les  Açores  et  Madère  (19  septembre  17G1  ;  1767,  1776) 
et  déclaraient  libres  les  nouveau-nés  (16  janvier  1773).  Ces  lois 
ne  visèrent  pas  le  Brésil,  où  le  nombre  des  esclaves  continua  à 
augmenter  par  la  traite  et  les  naissances,  malgré  les  idées  géné- 
reuses et  humanitaires  prêchées  dans  un  livre  publié  en  1758  par 
l'abbé  Manoel   Ribeiro  Rocha,    avocat   à  Bahia1.  En  1794  et   en 

1.  Ethiope  resgaiado,  empenhado,  sustentado,corregido,  in&truido,  e  liber- 
tado,  Pelo  padre  Manoel  Ribeiro  Rocha,  lisbonense,  domiciliario  da  cidade  da 
Bahia,  e  nella  advogado,  e  backharel  formado  nu  universidade  de  Coimbra. 
Lisbonne,  in-8°,    1758. 

Dans  ce  livre  Rocha  demandait  que  toul  esclave  fût  rendu  à  la  liberté 
après  un  temps  de  Bervice  suffisant  pour  indemniser  le  maître,  et  que  les 
enfants  de  femmes  esclaves,  naissant  libres  (ingenuos),  ne  fussent  astreints  à 
sen  ir  les  maîtres  de  leurs  mères  que  jusqu'à  l'âge  de  quatorze  ou  quinze  ans. 


ESQUISSE     DE     L   HISTOIRE     DU     BRESIL.  149 

1798  encore,  L'évêque  Âzeredo  Goutinho  publiait  des  ouvrages 
dans  lesquels  il  cherchait  à  démontrer  la  justice  et  la  nécessité 
de  la  traite. 

lui  L759,  les  jésuites  furent  expulsés  du  Portugal  et  de  toutes  les 
possessions  portugaises.  Malgré  les  difficultés  que  dansles  derniers 
temps  ils  avaient  suscitées  au  gouvernement  de  Lisbonne,  notam- 
ment lorsque  les  commissaires  portugaiset  espagnols  s'occupaient 
de  l'exécution  du  traité  de  limites  de  1750,  on  ne  peut  s'empêcher 
de  reconnaître  que  ces  religieux  ont  rendu  les  plus  grands  services 
au  Brésil.  La  conquête  et  la  colonisation  de  l'Amérique  portugaise 
au  xvic  et  au  xvnc  siècles  est  en  grande  partie  leur  œuvre. 
Gomme  missionnaires,  ils  ont  réussi  à  gagner  à  la  civilisation  des 
milliers  d'indiens,  et  la  race  indigène  devint,  grâce  àleur  dévoue- 
ment, un  facteur  considérable  dans  la  formation  du  peuple 
brésilien.  Ils  ont  été  toujours  les  défenseurs  de  la  liberté  des 
indiens  et  les  éducateurs  de  la  jeunesse  brésilienne  qui  cherchait 
à  s'instruire.  Le  Brésil  doit  aux  écoles  fondées  par  les  jésuites 
presque  tous  les  grands  noms  de  son  histoire  littéraire  du  xvic 
au  xvme  siècles,  les  poètes  Gregorio  de  Mattos  (1633-1696), 
Basilio  da  Gama  (1748-1795),  l'auteur  du  beau  poème  Y Uraguay, 
Durâo  (1736-1781),  auteur  du  Caramurû,  Claudio  Manoel  da  Costa 
(1729-1789)  et  Alvarenga  Peixoto  (1748-1793),  les  orateurs  sacrés 
Antoine  de  Sa  (1620-1678)  et  Eusebio  de  Mattos  (1629-1692),  les 
historiens  Yicente  do  Salvador  (1567-1639)  et  Rocha  Pitta  (1660- 
1738),  et  le  diplomate  et  homme  d'État  Alexandre  de  Gusmao 
(1895-1753) !. 

Le  général  Gomes  Freire  de  Andrada,  comte  de  Bobadella,  qui 
gouvernait  depuis  1733  le  Rio-de-Janeiro  et  les  capitaineries  du 
sud,  et  en  outre,  depuis  1735,  celle  de  Minas-Geraes  (de  1737  à 
1739  il  avait  été  en  même  temps  gouverneur  du  Sâo-Paulo),  fut 
nommé  en  1762  vice-roi  du  Brésil.  La  ville  de  Rio-de-Janeiro 
devint  à  partir  de  cette  date  la  capitale  du  Brésil.  Elle  comptait 
alors  environ  30,000  habitants1. 

La  longue  administration  du  comte  de  Bobadella  fut  une  des 
plus  fécondes  et  des  plus  éclairées  de  l'époque  coloniale.  11  trouva 

1.  En  1711,  la  ville  de  Rio  n'avait  que  12.000  habitants.  En  1749  elle  comp- 
tait 3.723  l'eux  ut  24.397-habitants,  les  enfants  au  dessous  de  cinq  ans  non 
compris  Balthasar  Lisboa,  Annaes,  I,  17G)  ;  en  1808  la  population  était  de 
46,944  habitants,  sans  compter  la  garnison,  composée  de  2,400  hommes  (Pizarro, 
Memorias  hist.,  VU,  145,  146);  en  1821,  80,000  habitants  (10,063  feux),  plus 
5,600  hommes,  qui  formaient  la  garnison  ;  137,078  habitants  en  1838,  et 
203,206  en  1849. 


LE     BRÉSIL     EN      18 

.1  Rio  des  collaborateurs  intelligents  et  dévoués,  parmi  Lesquels 
Les  généraux  Joseph  da  Silva  Paes  el  J.-P.  Pinto  Alpoim.  Le 
premier  a  été  le  fondateur  et  L'organisateur  <ltis  établissements 
portugais  de  La  partie  méridionale  <lu  Rio-Grande-du-Sud  (1737) 
el  a  secondé  puissammenl  les  efforts  du  roi  Jean  A'  et  de  Boba- 
della pour  développer  La  colonisation  de  Sainte-Catherine  et  du 
Rio-Grande-du-Sud.  C'est  Bobadella  qui  a  terminé  à  Rio  (4750) 
l'aqueduc  de  Carioca,  La  seule  œuvre  architecturale  vraiment 
remarquable  que  les  Portugais  aienl  laissé  au  Brésil,  et  qui,  avec 
ses  deux  étages  d'arcades  reliant  les  montagnes  de  Sainte-Thé- 
rèse à  la  colline  Saint- Antoine,  avait  L'aspect  grandiose  d'une 
construction  romaine,  avant  d'être  presque  entièrement  masqué 
par  des  maisons,  coin  me  il  Test  aujourd'hui. 

Bobadella  est  mort  à  Rio  Le  1er  janvier  1763  peu  après  l'arrivée 
de  La  nouvelle  de  la  capitulation  de  Colonia  du  Sacrement,  qu'il 
u'avaii  pas  réussi  cette  fois  à  approvisionner  et  à  défendre.  Profi- 
tant de  l'arrivée  de  deux  frégates  anglaises  commandées  par  John 
Macnamara,  il  avaii  organisé  une  expédition  sous  le  comman- 
dement de  Vasco  Alpoim,  L'ami  du  poète  Basilio  da  Gama,  pour 
reprendre  la  place.  Une  frégate  et  un  transport  portugais  furenl 
réunis  aux  navires  anglais,  et  le  5  janvier  1703  cette  escadre 
attaqua  la  Colonia,  mais  elle  fut  repoussée  par  Ceballos.  Macna- 
mara périt  avec  presque  tout  l'équipage  dans  l'incendie  de  sa 
frégate. 

Plusieurs  des  successeurs  du  vice-roi  Bobadella,  surtout  le 
marquis  de  Lavradio  (1769-1779),  quoique  occupé  par  la  guerre 
cou  Ire  les  Espagnols,  et  Dom  Louis  de  Yasconcellos  e  Souza, 
favorisèrent,  comme  lui,  la  colonisation,  ainsi  que  la  recherche 
et  L'exploitation  des  mines  d'or,  l'agriculture  et  les  études  litté- 
raires. (Test  du  temps  de  Bobadella,  que  le  caféier,  importé  à 
Paré  en  17-27  par  1(3  major  Palheta,  grâce  à  un  don  de  Madame 
Claude  d'Orvilliers,  femme  du  gouverneur  de  Cayenne,  puis 
introduit  au  Maranhâo  en  1770,  commença  à  être  cultivé  à  ltio- 
de- Janeiro.  Quelques  pieds  avaient  été  importés  dans  cette  ville, 
vers  17(r2,  parJean-AlbertCastello-Branco,deParâ,  chancellieràla 
cour  d'appel, et  ils  fournirent  la  graine  pour  les  premiers  essais  de 
plantation,  faits  à  Resende  et  à  Sâo  Gonçalo,  d'où  la  culture  se 
propagea  dans  tous  les  districts  de  Serra-do-Mar  de  la  province 
de  Rio,  puis  dans  les  provinces  de  Sâo-Paulo,  de  Minas-Geraes 
et  de  Bahia. 

Le  Brésil   se    développait  et  comptait  déjà  à  cette  époque  des 


ESQUISSE     DE     L'ilISTOIRE     DU     BRÉSIL.  151 

hommes  distingués  qui  figuraient  parmi  les  premiers  littérateurs 
et  -avants  du  Portugal.  Plusieurs  sociétés  littéraires  furent  fon- 
dées  :  à  Bahia,  VAcademiados  Esquecidos  (1724),  sous  les  auspices 
du  vice-roi  Cezar  de  Menezes  (1720-1735),  et  dont  Rocha  Pitta  a 
eh*  le  membre  l«i  plus  illustre;  dans  la  môme  ville,  la  Sociedade 
Brazileira  dos  Academicos  renascidos  (17ou2),  qui  fut  de  courte 
durée  par  suite  de  l'arrestation  de  son  directeur,  accusé  de  haute 
trahison  ;  à  Rio-de- Janeiro,  YAcademia  dos  Fclizes  (1730)  et  YAca- 
demia  dos  Sclectos  (17S2),  fondées  par  Bobadella,  YAcademia 
Scientifica  (1772-1779),  protégée  parle  vice-roi  Lavradio,  et  la 
Sociedade  Litteraria  (1786),  créée  sous  le  gouvernement  du  vice- 
roi  Vasconcellos.  Cette  dernière  fut  dissoute  par  le  comte  de 
Rezende  (1794),  et  ses  principaux  membres,  le  poète  Silva  Alva- 
renga,  l'helléniste  Marques  Pinto,  le  moraliste  Mariano  da  Fon- 
seca  (après  l'Empire,  marquis  de  Maricâ)  et  le  docteur  Jacintho 
Silva,  furent  emprisonnés,  poursuivis  et  relâchés  seulement  en 
1797.  Yilla-Rica  (Ouro-Preto),  chef-lieu  de  Minas-Geraes,  était 
devenue,  comme  Rio  et  Bahia,  un  des  centres  de  la  vie  intellec- 
tuelle au  Brésil.  Cette  province  avait  produit  les  deux  plus  grands 
poètes  épiques  du  Brésil,  Basilio  da  Gama  et  Durao,  les  premiers 
dont  l'inspiration  fut  vraiment  américaine  et  nationale. 

La  presse  n'existait  pas;  une  seule  imprimerie  avait  été  fondée 
à  Rio,  vers  1747,  sous  les  auspices  du  comte  Bobadella,  par 
Isidore  da  Fonseca,  et  supprimée  par  ordre  de  la  métropole. 

En  1789,  une  conspiration  ayant  pour  but  l'indépendance  fut 
découverte  à  Minas-Geraes.  Parmi  les  chefs  du  mouvement 
projeté  se  trouvaient  les  poètes  Gonzaga,  Claudio  Manoel  da 
Costa  et  Alvarenga  Peixoto,  le  lieutenant-colonel  Freire  de 
Andrade,  plusieurs  prêtres  et  les  docteurs  Alvares  Maciel  et  Vidal 
Barbosa.  Ce  dernier  avait  étudié  à  Montpellier  et  à  Bordeaux,  et 
avait  appartenu  à  un  groupe  d'étudiants  brésiliens,  dont  faisait 
partie  Maia  (Joseph  Joaquim  da),  de  Rio,  mort  en  Europe,  et  qui 
en  1780  avait  eu  des  pourparlers,  à  Nîmes,  avec  Thomas  Jeffer- 
son,  à  propos  de  l'indépendance  du  Brésil. 

Les  chefs  de  cette  conspiration  furent  condamnés  à  mort, 
mais  la  reine  Dona  Maria  Irc  commua  cette  peine  dans  celle  de 
la  déportation  perpétuelle  en  Afrique.  Claudio  da  Costa  s'était 
suicidé  pendant  le  procès  à  Rio-de-Janeiro.  Une  seule  exécution 
eut  lieu,  celle  d'un  sous-lieutenant,  Silva  Xavier,  le  Tiradentes, 
dont  le  nom  devint,  par  ce  fait,  populaire  au  Brésil. 

Le  Brésil   comptait,  en  1800,  environ  3.200.000  d'habitants, 


152  LE     BRÉSIL     EN     1889. 

dont  La  moitié  étaient  des  nègres  esclaves.  En  L817-1818  il  avait 
3.817.900  habitants  (sans  compter  1rs  enfants  au-dessous  de  dix 
ans),  dont  L.043.000  blancs,  259-400  indiens  civilisés,  526.500 
mulâtres  ou  nègres  libres,  et  L. 930.000  esclaves.  La  difficulté  des 
communications  entre  les  différentes  provinces  arrêtait  l'essor 
des  aspirations  à  L'indépendance.  Les  provinces  de  l'extrême 
nord  étaient  en  communication  directe  avec  la  métropole  et 
n'avaient  presque  pas  de  relations  avec  Bahia,  Rio-de-Janeiro  et 
les  provinces  méridionales.  L'influence  portugaise  était  plus  con- 
sidérable à  Belem  do  Para,  9âo  Luiz  de  Maranhâo  et  Babia  que 
dans  les  autres  villes    du  Littoral  brésilien. 

En    1800   le  montant   de    L'exportation    brésilienne  était    de 
5G.  1-20.000  francs,  celle  de  l'importation  de  53.400.000  francs. 

Hostilités  des  Français  et  guerre  de  1801  entre  l'Espagne 
et  le  Portugal.  —  Pendant  les  guerres  de  la  Révolution,  quelques 
combats  furent  livrés  entre  les  Français  et  les  Portugais  sur  les 
cotes  du  Brésil.  En  1726  (il  août)  la  division  navale  du  comman- 
dant Rivière  essaya,  près  de  la  ville  de  Santa-Cruz  (Bahia),  un 
débarquement  qui  fut  repoussé  parles  miliciens  de  Porto-Seguro, 
embusqués  dans  une  position  avantageuse  et  dirigés  par  le  capi- 
taine Antonio-Mariano  Borges1.  En  1800  (juillet)  une  autre  divi- 
sion navale  française,  sous  le  commandement  du  capitaine 
Landolphe,  bloqua  pendant  quelques  jours  le  port  de  Rio-dc- 
Janeiro.  En  1800  le  brick  portugais  le  Minerva,  capitaine  Louis  da 
Cunha  Moreira,  sombra  dans  un  combat  contre  une  frégate  fran- 
çaise, et  en  1801  la  corvette  YAndorinha,  capitaine  Costa  Quin- 
tella,  résista  à  une  attaque  de  la  frégate  la  Chi/fone,  capitaine 
Guyeisse. 

En  1801,  la  guerre  ayant  éclaté  entre  l'Espagne  et  le  Portugal, 
le  gouverneur  du  Paraguay,  Lazaro  de  Rivera,  attaqua  sans 
succès  L6-25  septembre)  le  fort  de  Nova-Goimbra,  dans  le  Matto- 
Grosso,  défendu  par  Almeida  Serra,  et  le  capitaine  brésilien 
Rodrigues  do  Prado  s'empara  d'un  poste  fortifié  des  Espagnols 
sur  l'Apa  (1er  janvier  1802).  Le  général  Yeiga  Cabrai,  gouverneur 
de  Rio-Grande-du-Sud,  avait  réuni  sur  les  frontières  une  petite 
armée.  11  s'empara  de  la  rive  gauche  du  Jaguarào  et  du  Chuy, 
tandis  que  Marques  de  Sousa  (Emmanuel),  un  de  ses  lieutenants, 

1.    Cf.  JUBIBN    DE    LA    GrAVIÈRB,  SoUO&ÙrS  d'un     (U)liral,   I.   335,     e1     Acriol.l, 

Memorias  hist.  du  Bahia,  J.  271. 


ESQUISSE     DE     L   HISTOIRE     DU     BRESIL.  153= 

forçait  le  fort  espagnol  de  Cerro-Largo  à  capituler  (30  octobre),, 
et  que  quelques  volontaires  brésiliens  commandés  par  Santos 
Pedroso  et  Borges  do  Ganto,  faisaient  hardiement  la  conquête  des 
Missions  espagnoles  de  la  rive  gauche  de  l'Uruguay  et  de  toute 
la  partie  occidentale  du  Rio-Grande-du-Sud  au  nord  du  Quarahim. 
Les  traités  de  Badajoz  (G  juin  1801)  et  d'Amiens  (25  mars  1802) 
n'ayant  stipulé  aucune  restitution  de  territoire,  l'Espagne  garda 
la  place  d'Olivença  dont  elle  s'était  emparée  en  Europe,  et  le 
Portugal  conserva  l'importante  conquête  qu'il  venait  de  faire  en 
Amérique. 

L'arrivée  de  la  Famille  de  Bragance.  Le  Royaume  du  Brésil. 
—  Le  Portugal  était  gouverné,  depuis  le  10  février  1792,  par  le 
prince  du  Brésil,  Dom  Jean,  régent  du  royaume  au  nom  de  sa 
mère,  la  reine  Dona  Maria  Ire.  En  1807,  Napoléon,  allié  à  l'Espa- 
gne, imposa  au  Portugal  de  rompre  avec  l'Angleterre,  et  le  prince 
régent  dut  céder,  espérant  ainsi  gagner  l'amitié  et  l'alliance  du 
vainqueur  de  l'Europe.  Par  deux  décrets,  datés  du  25  octobre  et 
du  8  novembre  1807,  Dom  Jean  adhéra  au  blocus  continental  et 
ordonna  la  saisie  des  propriétés  des  Anglais  en  Portugal.  Le 
vicomte  Strangford,  ministre  britannique  à  Lisbonne,  demanda 
ses  passeports  et  se  rendit  (17  novembre)  à  bord  de  l'escadre  du 
contre-amiral  sir  Sidney  Smith,  qui  venait  d'arriver  et  qui 
commença  aussitôt  le  blocus  du  Tage.  Presque  toute  l'armée 
portugaise  avait  été  distribuée  sur  les  côtes  pour  s'opposer  aux 
attaques  des  Anglais1,  lorsque  le  gouvernement  du  régent  apprit 
que  les  Espagnols  et  les  Français  venaient  de  franchir  la  frontière 
et  que  Junot  marchait  rapidement  sur  Lisbonne2.  La  France  et 
l'Espagne,  ce  qu'on  ignorait  encore,  avaient  signé,  le  27  octobre,  le 
traité  de  Fontainebleau,  pour  le  partage  du  Portugal  et  de  ses  posses- 


1.  Cela  est  prouvé  par  plusieurs  documents  portugais  et  anglais.  Voici 
un  passage  de  la  dépêche  du  1er  décembre  1807  adressée  par  sir  Sidney 
Smith  à  W.  W.  Pôle  :  —  «  The  distribution  of  the  portuguese  force  was 
made  wholly  on  the  coast,  while  the  land  side  was  left  totally  unguarded  » 
(Barrow,  Life  and  correspondent  of  adm.  Sir  Sidney  Smith,  Londres,  1848 
t.  II,  p.  266). 

2.  Cette  nouvelle  fut  apportée  à  Lisbonne  par  le  lieutenant-colonel  Lecôr 
(Charles-Frédéric),  qui  avait  fait  détruire  le  pont  sur  le  Zezere,  ce  qui  retarda 
de  deux  jours  la  marche  de  Junot.  Lecor,  nommé  colonel,  puis  général, 
commanda  une  division  dans  l'armée  de  Wellington.  En  1815  il  passa  au, 
Brésil  auquel  il  rendit  de  grands  services  pendant  les  guerres  de  la  Plata  et 
de  l'indépendance.  Il  fut  créé  baron  de  Laguna  par  Jean  VI,  et  vicomte  par 
Pedro  Ier. 


154  LE     BRÉSIL     EN      1889. 

sions.  Lord  Strangford  et  sir  Sidney  Smith  entrèrent  alors  en  corres- 
pondance avec  le  gouvernement  portugais,  ei  le  prince  régent, 
conformément  au  conseil  que  l'Angleterre  lui  avait  donné  l'année 
précédente,  el  d'accord  avec  ses  ministres,  qui  considéraient  la 
résistance  à  l'invasion  comme  impossible  en  ce  moment,  se  décida 
à  partir  pour  le  Brésil.  Une  flotte  uombreuse,  accompagnée  jusqu'à 
Rio-de-Janeiro  par  quelques  vaisseaux  anglais,  quitta  Le  Tage  le 
i2(.)  novembre  amenant  la  famille  royale,  la  cour,  les  membres  du 
gouvernement  el  les  fonctionnaires  des  principaux  départements 
de  l'Etat.  Le  lendemain,  Junot  faisail  son  entrée  à  Lisbonne. 

La  famille  royale  arriva  à  Bahia  Je  ±1  janvier  1808  et  y 
séjourna  plus  d'un  mois.  Le  7  mars  elle  arrivait  enfin  à  Rio-de- 
Janeiro. 

Ainsi  fut  réalisée  parla  force  des  circonstances  cette  transla- 
tion de  la  cour  portugaise  au  Brésil,  tant  de  fois  projetée:  par 
Jean  IV  dès  le  xvu''  siècle,  par  dom  Luiz  da  Cunlia  en  17l>(),  par  le 
marquis  de  Pombal  en  17G1.  Les  Brésiliens  ont  su  comprendre 
toute  l'importance  de  cet  événement,  qui  marquait  la  fin  du 
régime  colonial  et  le  commencement  de  leur  indépendance 
commerciale  et  politique.  L'enthousiasme  fut  grand  à  Bahia  et  à 
Rio.  Dans  celte  dernière  ville,  au  milieu  des  bruyantes  ovations 
de  la  foule,  le  prince-régent  a  pu  entendre,  dès  le  jour  de  son 
débarquement,  des  enthousiastes  qui  l'acclamaient  comme 
ce  empereur  du  Brésil.  »  Lui-même  disait-dans  son  manifeste  du 
1er  mai,  adressé  aux  puissances  amies,  qu'il  «  élevait  la  voix 
du  sein  du  nouvel  empire  qu'il  était  venu  créer.  » 

Un  décret  du  28  janvier,  daté  de  Bahia,  avait  ouvert  les  prin- 
cipaux  ports  du  Brésil  au  commerce  des  nations  en  paix  avec 
le  Portugal.  Cette  mesure,  déjà  arrêtée  à  Lisbonne  dans  les  con- 
seils du  prince,  fut  vivement  appuyée  par  le  savant  économiste 
brésilien  Joseph  da  Silva  Lisboa  (vicomte  de  Cayrû),  alors  profes- 
seur Bahia,  qui  la  défendit  plus  tard  contre  les  plaintes  des  né- 
gociants et  des  armateurs  portugais  mécontents  de  la  destruction 
de  leur  monopole  commercial.  Un  autre  décret  du  1er  avril  abro- 
gea la  loi  du  5  janvier  1785  qui  avait  ordonné  la  fermeture  des 
établissements  de  filature  et  de  tissage  ainsi  que  plusieurs  autres 
fabriques  qui  commençaient  à  s'établir  au  Brésil,  et  prononça  la 
liberté  de  l'industrie.  Les  étrangers  furent  admis  à  la  propriété 
foncière,  des  faveurs  furent  accordées  aux  industriels  et  aux 
agriculteurs,  et  une  banque  de  dépôt,  d'escompte  et  de  circula- 
tion fut  fondée  à  Rio.   Dom  Jean  établit  au  Brésil  les   départe- 


ESQUISSE     DE     L'HISTOIRE     DU     BRÉSIL.  155 

monts,  tribunaux  et  conseils  que  possédait  l'ancienne  métro- 
pole, créa  des  écoles  supérieures  (à  Rio  et  à  Bahia),  ainsi  que 
l'imprimerie  royale,  le  journal  officiel,  la  bibliothèque  royale,  le 
pnuséum  d'histoire  naturelle  et  plusieurs  jardins  botaniques  ;  il 
accorda  au  Brésil  L6  décembre  1815)  le  titre  de  Royaume,  —  la 
monarchie  portugaise  prenant  celai  de  Royaume-Uni  de  Portugal, 
du  Brésil  et  des  Algarves,  —  fit  les  premiers  essais  de  colonisa- 
tion étrangère  en  vue  de  l'abolition  de  la  traite,  appela  plusieurs 
Brésiliens  à  des  situations  importantes  dans  l'administration,  fa- 
vorisa les  explorations  scientifiques  dans  l'intérieur  du  pays  *, 
protégea  les  lettres  et  les  arts,  porta  les  limites  du  Brésil  jusqu'à 
la  rive  gauche  de  la  Plata,  par  l'annexion  de  la  Banda  Orientale 
de  l'Uruguay,  et  commença  l'œuvre  de  l'unification  du  Brésil  par 
l'établissement  de  communications  entre  Rio-de-Janeiro  et  les 
provinces,  dont  la  plupart  étaient  restées  jusqu'alors  étrangères 
les  unes  aux  autres.  Le  20  mars  1816,  devenu  roi  par  la  mort  de 
sa  mère,  il  prit  le  nom  de  Jean  VI.  Plusieurs  de  ses  ministres, 
parmi  lesquels  le  marquis  d'Aguiar,  le  comte  de  Linhares,  le 
comte  da  Barca  et  Yillanova-Portugal,  le  secondèrent  vivement 
dans  cette  politique  large  et  toute  brésilienne,  et  se  montrèrent 
fiers  de  collaborer  avec  lui,  à  la  fondation  de  l'empire  sud-améri- 
cain. Quoique  la  presse  ne  fut  pas  libre,  on  lisait  presque  partout 
au  Brésil  le  Correio  Brazihense,  revue  très  libérale  publiée  à 
Londres  (1808-1822)  par  le  Brésilien  Hippolyto  da  Costa  Pereira. 

De  1808  à  1814  un  grand  nombre  de  négociants  anglais  s'éta- 
blirent dans  les  principales  villes  maritimes  du  Brésil.  A  la  paix 
générale,  le  décret  du  18  novembre  1814  déclara  que,  à  partir  de 
ce  jour,  les  ports  brésiliens  étaient  ouverts  aux  navires  français. 

En  1815  les  premiers  Français  débarqués  à  Rio  furent  reçus  avec 
des  acclamations  par  le  peuple.  En  1816  arrivèrent,  sous  la  direc- 
tion de  Joachim  Lebreton,  de  l'Institut,  les  artistes  appelés  par 
Jean  VI  pour  créer  à  Rio  l'école  des  Beaux-Arts.  C'étaient,  entre 
autres,  les  peintres  Nicolas-Antoine  Taunay  et  Jean-Baptiste 
Debret,  le  sculpteur  Auguste  Taunay,  le  graveur  Zéphirin  Ferrez 
et  l'architecte  Grandjean  deMontigny. 

Par  le  traité  d'Amiens,  du  25  mars  1802,  le  Portugal  avait  dû 
abandonner  ses  droits  sur  la  rive  droite  de  l'Oyapock,  acceptant 
comme  limite  entre  le  Brésil  et  la  Guyane  française  le   cours  de 

1.  Ces  explorations  ont  été  faites  par  Auguste  de  Saint-Hilaire,  Spix  et 
Martius,  le  prince  Maximilien  de  Neuwied,  Pohl,  Mawe,  Esclrwege  et  plu- 
sieurs autres  savants  étrangers. 


156  LE     BRÉSIL     EN      1889. 

l'Araguary  el  une  ligne  droite  tirée  de  la  source  de  cette  rivière 
jusqu'au  Rio-Branco.  Mais,  l'empereur  Napoléon  ayant  rompu  ce 
traité  et  envahi  le  Portugal,  le  général  Magalhàes  do  Menezes,  gou- 
verneur du  Par;'),  annonça,  par  une  proclamation  (lep  oct.  1808), 
qu'il  allait  rétablir  la  frontière  fixée  par  le  traité  d'Utrcclit,  à  la 
rivière  Oyapock  ou  Vincenl  Pinson;  puis,  selon  des  instructions 
nouvelles  reçues  de  Rio,  il  déclara  que  L'expédition  destinée  à 
l'Oyapock  serait  dirigée  contre  Cayenne. 

Des  troupes  brésiliennes  sous  le  commandement  du  lieu  tenant- 
colonel,  bientôt  général,  Emmanuel  Marques  d'Elvas,  partirent 
du  port,  de  Paré  et  de  l'île  <le  Marajô  sur  une  flottille  organisée 
par  le  gouverneur,  et  furent  ralliées  en  route,  au  cap  de  Nord,  par 
deux  bâtiments  de  guerre  portugais  et  par  une  corvette  anglaise, 
dont  le  capitaine  était  James  Lucas  Yeo  plus  tard  Sic  James/1.  Le 
Ler  décembre  isos  les  Alliés  occupèrent  la  haie  de  L'Oyapock  et 
le  !.">  ils  s'emparèrent  du  poste  fortifié  de  l'Approuague,  au  con- 
fluent du  Gourrouaïe  ;  puis,  550  soldais  brésiliens,  20  marins 
portugais  et  80  anglais,  débarquèrent  le  7  janvier,  avanl  L'aube, 
à  l'entrée  du  Mahury  sur  la  côte  orientale  de  l'île  de  Cayenne, 
et  enlevèrent  le  même  jour  les  batteries  de  Diamant,  Dégras-des- 
Cannes,  Trio,  cette  dernière  à  l'entrée  de  la  Crique -Fouillée,  et 
une  quatrième  batterie  qui  protégeait  la  maison  de  campagne  du 
gouverneur  Victor  Hugues,  située  sur  le  canal  Torcy-.  Le  soir, 
Victor  Hugues  essaya  sans  succès  de  reprendre  la  position  de 
Dt'gras-des-Canncs,  défendue  par  Marques  d*Elvas,  et  le  lendemain 
le  capitaine  Yeo  reprit  et  incendia  la  maison  du  canal  Torcy,  qui 
avait  été  occupée  pendant  la  nuit  par  un  détacbement  français. 

Les  Alliés  marchèrent  i  8  janvier)  sur  Legrand-Beau-Regard, 
ancienne  habitation  des  jésuites,  située  sur  une  hauteur,  et  de  là 
ils  envoyèrent   un   parlementaire  à  Victor    Hugues,    qui  s'était 


1.  Corvette  anglaise  Confiance,  20  canons  ;  navires  portugais  bricks  Voador 
(cap.  il'-  frégate  J.- A.  Salgado)  el  Infante  l)<>ni  Pedro  (cap.  L.  da  Cunha  Mo- 
reira)  18  canons  chacun:  goélette  Général  Magalhàes,  \±  c.  ;  cuters  Vingança 
et  Lcao,  s  canons  chacun  ;  smack  Paquete,  2  canons  ;  trois  canonnières  por- 
tant chacune  un  canon,  et  plusieurs  transports.  Le  -■>  décembre  te  Paquete  (cap. 
.l.-.M.  Pereira  Pinto)  prit  la  goélette  la  Petite  Adèle,  de  4  canons. 

2.  Ces  fortifications  étaient  peu  importantes:  à  L'Approuague  il  y  avait  un 
seul  canon,  trois  dans  la  batterie  «lu  Diamant,  dont  le  commandant,  le  capi- 
taine Chevreuil  fut  tué  ;deux  canons  à  Dégras-d  es-Cannes  ou  Dégrad-Gannes  , 
deux  à  Trio  ;  deux  dans  le  canal  Torcy,  le  1  janvier,  et  deux  petites  pièces  de 
campagne  le  lendemain.  Il  y  avait  .il  homme  s  au  Dégras-des-Cannes  et  50 
dans  chacune  de- autres  positions.  La  perte  des  Allies  fut  d'une  quarantaine 
d'hommes  tués  ou  bli 


ESQUISSE     DU     L'HISTOIRE     DU     BRÉSIL.  157 

retiré  d'abord  sur  le  Moulin  de  Loyola,  ensuite  sur  Gaycnne. 
(tes  pourparlers  amenèrent  La  capitulation  signée  au  Bourda,  le 
|2janvier,  stipulanl  que  La  colonie  serait  remise  aux  troupes  du 
prince  du  Brésil,  que  La  garnison  sortirait  de  Cayenne  avec  les 
honneurs  de  La  guerre  et  qu'elle  serait  transportée  en  France, 
ainsi  que  tous  les  employés  de  la  colonie  et  leurs  familles,  sur  des 
bâtiments  portugais.  Le  li,  les  Alliés  firent  leur  entrée  à  Cayenne1 
et  ce  fut  un  officier  brésilien,  Cunha  Morcira,  capitaine  du 
brick  Infante  Dom  Pedro,  qui  amena  en  France  le  gouverneur 
Victor  Hugues2.  Le  gouvernement  militaire  de  la  Guyane  fut 
confié  à  Marques  cTElvas  et  le  gouvernement  civil  au  lieutenant- 
colonel  Pinto  de  Souza,  d'abord,  et  ensuite,  à  partir  du  19  juillet 
1810,  à  un  magistrat  brésilien,  Macielda  Costa,  «  qui  a  laissé  dans 
la  colonie,  dit  Ternaux-Gompans,  une  grande  réputation  de 
capacité  et  d'intégrité.  »  «  Il  y  fit  régner,  ajoute  cet  historien, 
un  ordre  parfait,  et  introduisit  de  notables  améliorations  dans 
toutes  les  branches  de  l'administration3.  » 

Au  congrès  de  Tienne,  alors  que  F  Angleterre  gardait  ses 
conquêtes  coloniales4,  le  Portugal  qui  avait  tant  souffert  pen- 
dant les  guerres  de  la  République  et  de  l'Empire  français,  et  qui 


1.  Rapports  de  Marques  d'Elvas,  du  29  déc.  1808,  daté  de  l'Approuague  ; 
du  21  janvier  (deux),  datés  de  Cayenne;  du  capitaine  Yeo,  du 26  décembre  et  15 
janvier  ;  Ratification  conditionnelle  de  la  capitulation  par  le  général  Magalhàes 
de  Menezes  en  date  du  17  février  ;  plusieurs  manuscrits  brésiliens  (parL.  da 
Cunha  Moreira,  Claudio  Luiz  da  Costa,  etc.)  ;  Baginsky,  Ephémérides  histo- 
riques de  la  Guyane  française,  mus..  Selon  les  documents  portugais  et  anglais 
Victor  Hugues,  avait  au  moment  de  la  capitulation,  593  hommes  de  troupes 
réglées,  100  miliciens  et  près  de  500  esclaves  armés.  Selon  le  capitaine  de 
frégate  Bouyer  {La  Guyane  Française,  Paris,  1861,  page  63),  Victor  Hugues 
avait  sous  ses  ordres  511  soldats  européens,  200  miliciens  et  500  noirs  armés. 

2.  Cunha  Moreira,  depuis  vicomte  de  Cabo-Frio,  amiral  et  ministre  de  la 
marine  au  Brésil,  était  uu  natif  de  Bahia. 

3.  Ternaux-Gompans,  Notice  historique  de  la  Guyane  Française,  Paris, 
1843.  —  «  L'ordre,  l'économie,  et  le  désintéressement  »,  dit  Vignal  «  prési- 
dèrent à  la  conduite  des  agents  du  Gouvernement  portugais...  »  Le  passage 
pu  cet  auteur  fait  l'éloge  de  l'administration  brésilienne  est  trop  long  pour 
que  nous  puissions  le  reproduire  ici.  Voir  Coup  d'œil  sur  Cayenne  par  Vignal, 
Paris  1823,  in-8°,  page  40  et  suivantes.  —  Maciel  da  Costa  (Jean  Severiano), 
ii'''  i  Minas-Geraes,  a  été  un  des  rédacteurs  de  la  Constitution  du  Brésil  et 
un  des  plus  illustres  hommes  d'État  de  ce  pays.  L'empereur  Dom  Pedro  Ier 
l'a  nommé  conseiller  d'État  et  sénateur  de  l'Empire  et  lui  a  donné  le  titre 
•de  marquis  de  Queluz.  11  a  été  plusieurs  fois  ministre  d'État  et  est  mort 
en   1833. 

4.  En  ce  qui  concerne  la  Guyane  Française,  l'Angleterre  a  réclamé  de  la 
France  la  somme  de  74.523  liv.  sterl.,  malgré  la  vente  de  plusieurs  navires 
français  que  Yeo  envoya  en  Angleterre.  Cette  somme  fut  réduite  à  250.000 
francs  par  un  arrangement  avec  Louis  XV111. 


I  :.  LE     BRÉSIL     EN      L889. 

avait  pris  une  part  si  considérable  dans  les  campagnes  qui  ame- 
aèrenl  la  chute  de  Napoléon  Ier  4,   s'engageait,  par  l'article  L07  de 

inal  du  congrès  9  juin  L815),  «  à  restituer  à  sadi te  Majesté 
r\e  POj  de  France)  La  Guyane  Française  jusqu'à  La  rivière  d'Oya- 
pock,  dont  L'embouchure  est  située  entre  Le  quatrième  et  le  cin- 
quième degré  de  latitude  septentrionale,  limite  que  Le  Portugal 
a  toujours  considérée  comme  ••elle  qui  avait  été  fixée  par  Le 
traité  d'Utrecht  ».  Les  plénipotentiaires  français  acceptèrent  la 
restitution  en  ces  termes,  qui  précisaient  d'une  façon  si  claire  la 
limite  maritime  de  L'Oyapock,  mais  la  question  ne  fut  pas  tran- 
chée, comme  le  croyaient  les  diplomates  portugais.  Les  gouver- 
nements de  La  Restauration,  de  Juillel  et  du  second  Empire  renou- 
velèrent les  anciennes  controverses,  el  ce  différend  n'a  pas  pu 
être  réglé  jusqu'ici  entre  Le  Brésil  et  la  France. 

La  Guyane  fut  rendue  à  la  France  par  les  autorités  brési- 
liennes (21  novembre)  à  L'arrivée  du  général  Carra  Saint-Cyr, 
gouverneur  nommé  par  Louis  W'Ill. 

Aussitôt  après  son  installation  au  Brésil,  le  Gouvernement 
portugais  avait  eu  L'intention  d'occuper  la  rive  gauche  de  la 
Plata,  de  concert  avec  les  Anglais  qui  devaient  envoyer  une  nou- 
velle expédition  contre  Buenos-Aires  pour  venger  les  deux  échecs 
qu'ils  venaient  de  subir  dans  cette  ville;  mais  l'insurrection  des 
;nols  contre  la  domination  française  et  leur  alliance  avec 
L'Angleterre  et  le  Portugal,  firent  abandonner  ce  projet.  La  prin- 
cesse, puis  reine,  Dona  Carlota,  femme  de  Dom  Jean  VI,  alors 
prince  régent,  et  sœur  de  Ferdinand  VII,  entama  avec  les   auto- 

espagnoles  et  avec  plusieurs  des  partisans  de  l'indépen- 
dance de  l'Amérique-du-Sud  des  négociations  qui  contrecar- 
rèrent souvent  la  politique  du  cabinet  de  Rio-de-Janeiro.  En  1S10 
la  révolution  de  L'indépendance  commença  à  Buenos-Aires  par  la 
déposition   des  autorités  espagnoles  (25  mai)  et  une  longue  pé- 

l.  Peudant  les  campagnes  de  la  Péninsule  et  du  midi  de  La  France    1808- 
1S1V    |,  f0  mée  portugaise  a  varié  beaucoup.    En  L811  le  Portugal 

comptail  «  La  masse  srraimeni  énorme  pour  sa  population  de  335.439  hommes 
sous  les  armes  »  (Balbi,  Essai  statistique  sur  le  royaume  'lu  Portugal,  Paris, 
ISS2,  i      vol..  p  Parmi  les  Brésiliens  qui  se  sont  illustrés  dans  cette 

guerre  pour  l'indépendance  du  Portugal,  nous  citerons  le  savant  minéralo- 
Bonifacio  de  Ajidrada-e-Silva  et  les  poètes  Luis  Paulino  Pinto  da 
França  el  JoaquimJosé  Lisboa.  Le  premier,  qui  devait  être  plus  tard  Le  grand 
ministre  de  L'indépendance  brésilienne,  a  été  major,  puis  lieutenant-colonel 
d'un  bataillon  formé  de  professeurs  et  d'étudiants  de  l'université  de  Coùnbre 
et  drs  écoles  du  pays.  Pinto  da  França  est  mort  général  de  l'armée  portu- 
gais 


ESQUISSE     DE     L   HISTOIRE     DU     BRESIL.  15$ 

riode  de  troubles,  de  révolutions  et  de  guerres  civiles,  s'ouvrit 
dans  les  provinces  de  la  Plata.  Dom  Jean  fit  réunir  aussitôt  sur 
les  frontières  du  Elio-Grande-du-Sud  une  armée  d'observation 
composée  des  troupes  réglées  et  des  miliciens  de  cette  province, 
ainsi  que  de  quelques  régiments  de  Sainte-Catherine  et  de  Sâo- 
Paulo.  Le  capitaine-général  du  Rio-Grande-du-Sud,  Dom  Diogo 
insa  (depuis  comte  de  Rio-Pardo),  esprit  éclairé  et  homme 
d'une  rare  énergie,  éleva  cette  armée  au  plus  haut  degré  d'ins- 
truction et  de  discipline  et  la  prépara  aux  succès  qu'elle  obtint 
dans  les  campagnes  suivantes.  En  1811  il  ne  restait  aux  Espa- 
gnols,  à  la  Plata,  que  la  ville  de  Montevideo,  assiégée  par  une 
armée  de  Buenos- Aires  et  par  celle  des  Uruguayens  ou  Orientaux, 
ces  derniers  dirigés  par  José  Artigas.  A  la  demande  du  gouver- 
neur espagnol  et  de  Dona  Carlota,  Dom  Jean  se  décida  à  inter- 
venir pour  combattre  la  révolution  de  l'indépendance.  Le  géné- 
ral Sousa  envahit  la  Banda  Orientale  de  l'Uruguay  (1811)  et  le 
siège  de  Montevideo  fut  levé.  Les  Argentins  se  rembarquèrent 
pour  Buenos-Aires  et  Artigas  fut  forcé  de  se  réfugier  avec  ses 
troupes  dans  l'Entre-Rios  et  le  Gorrientes.  Déjà  l'armée  brési- 
lienne se  trouvait  sur  la  rive  gauche  de  l'Uruguay,  prête  à  franchir 
ce  fleuve  lorsqu'un  armistice  illimité  fut  signé  à  Buenos-Aires 
(26  mai  1812)  entre  un  envoyé  spécial  de  Dom  Jean  et  le  gouverne- 
ment révolutionnaire.  Lord  Strangford,  ministre  anglais  à  Rio- 
de-Janeiro,  avait  obtenu  la  neutralité  de  Dom  Jean  dans  la  lutte 
des  peuples  de  la  Plata  contre  l'Espagne,  et  le  général  Sousa, 
dont  les  troupes  avaient  été  partout  victorieuses  contre  les  bandes 
indisciplinées  d' Artigas,  recevait  l'ordre  de  suivre  cette  nouvelle 
ligne  de  conduite  et  de  repasser  immédiatement  la  frontière  du 
Rio-Grande-du-Sud. 

L'armée  de  Buenos-Aires  revint  alors  assiéger  Montevideo,  et 
en  1814  cette  place  capitula.  Mais  bientôt  Artigas,  très  populaire 
parmi  les  gauchos  ou  campagnards,  de  la  Banda  Orientale,  de 
l'Entre-Rios  et  de  Gorrientes,  se  souleva,  réussit  à  chasser  les 
troupes  de  Buenos-Aires  et  forma,  avec  les  provinces  de  l'Uruguay, 
une  confédération  dont  il  devint  le  chef  absolu  sous  le  titre  de 
«  protecteur  ».  L'existence  même  du  gouvernement  argentin  fût  en 
danger,  car  Artigas  détacha  de  son  obéissance  deux  autres  pro- 
vinces, Santa-Fé  et  Gordova.  C'était  le  commencement  de  la  longue 
lutte  entre  les  unitaires  argentins,  partisans  d'une  patrie  grande 
fortement  constituée,  et  les  fédéralistes  dont  la  propagande  ten- 


160  LE     BRÉSIL     EN     1889. 

dait  à    la  dissolution  nationale  en  soulevant  contre  L'hégémomie 
.h1  Buenos-Aires  les  rivalités  et  les  haines  des  provinces. 

Deux  émigrés  politiques,  Nicolas  Berrera,  Uruguayen,  el  le 
généra]  Carlos  de  Alvear,  Argentin,  solicitèrent  L'intervention 
du  Brésil  contre  Artigas  el  l'occupation  de  la  Banda  Orientale  de 
l'Uruguay.  L'agent  du  gouvernemenl  de  Buenos-Aires  à  Hio-de- 
Janeiro,  Manoel  J.  Garcia,  approuvait  cette  intervention  que  le 
marquis  d'Alegrete,  capitaine-général  du  Rio-Grande-du-Sud 
conseillait,  de  son  côté.  Une  division  portugaise,  sous  la  conduite 
du  lieutenant-général  Lecôr  (Charles-Frédéric),  fut  appelée  au 
Brésil  et  alla  renforcer  l'armée  brésilienne  déjà  réunie  à  Rio- 
Grande-du-Sud.  Les  hostilités  s'ouvrirent  en  même  temps  sur 
quatre  points  différents  :  la  frontière  du  district  des  Missions 
Brésiliennes  (capitale  Sâo  Borja)  où  commandait  le  général 
Chagas  Santos,  celle  du  Quarahim,  défendue  par  l'armée  brési- 
lienne du  général  Curado,  et  les  frontières  de  Cerro-Largo  et  de 
Santa-Theresa.  L'armée  du  général  Le  cor,  composée  de  troupes 
portugaises  et  brésiliennes,  et  destinée  à  occuper  Montevideo,  fut 
divisée  en  deux  colonnes:  la  principale,  sous  les  ordres  de  Lecôr, 
pénétra  par  Santa  Theresa,  longeant  presque  toujours  la  côte; 
l'autre,  sous  le  général  Silveira,  marcha  par  Cerro-Largo  pour  se 
réunir  près  de  Maldonado  à  Lecôr.  Le  principal  effort  d' Artigas, 
dans  le  but  d'empêcher  le  mouvement  offensif  de  ces  deux  géné- 
raux, fut  dirigé  contre  le  district  des  Missions  et  la  frontière 
du  Quarahim.  Ses  troupes  indisciplinées  envahirent  de  ce  coté 
le  territoire  brésilien,  mais  avant  leur  concentration,  elles  furent 
battues  et  repoussées  devant  Sâo  Borja  (3  octohre  1816)  par  José 
de  Abreu,  sur  ribiraocahy  (19  octobre)  par  le  général  Menna 
Barreto  (Joào  de  Deos),  à  Garumbé  (27  octobre)  par  le  général 
Oliveira  Alvares,  tous  les  trois  appartenant  à  l'armée  de  Curado. 
Cependant,  Artigas  ayant  reçu  des  renforts  de  l'Entre-Rios  et  de 
Corrientes  et  ayant  réuni  ce  qu'il  avait  pu  sauver  des  vaincus  de 
ces  combats,  réorganisa  son  armée,  et  l'envoya  de  nouveau,  sous 
la  conduite  d'Andrés  Latorre,  contre  Curado,  alors  campé  sur  le 
Catalan.  Le  3  janvier  (1817)  Artigas,  qui  se  disposait  à  rejoindre 
Latorre,  fut  attaqué  par  Abreu  dans  l'Arapehy  et  mis  en  fuite;  le 
lendemain,  le  marquis  d'Alegrete,  capitaine-général  du  Rio- 
Grande-du-Sud,  et  Curado  remportaient  sur  Latorre  la  victoire 
de  Catalan.  Cette  bataille  réduisit  Artigas  à  se  tenir  sur  la  défen- 
sive et  à  éviter  pendant  deux  ans  toute  rencontre  avec  les  Brési- 
liennes et  les  Portugais. 


ESQUISSE     DE     L'HISTOIRE    DU     BRÉSIL.  161 

!      _  ...  alS  bastien  Pinto,  qui  commandait  Tavant-garde  de 

L'armée  de  Lecdr,  avait  gagné  sur  la  division  de  Fructuoso  Rivera 
la  victoire  d'iudia  Bfuerta  L9  novembre  181G).  De  son  côté,  la 
colonne  du  général  Siiveira,  ayant  repoussé  les  attaques  de  la 
divisi'  gués,  à  Pablo  Paez  1 1  décembre),  et  de  celle  de  Rivera 

a  Calera  de  Santa  Lucia  '3  janvier),  faisait  jonction,  à  Pan 
d'Azucar,  avec  Lecdr,  qui  continuait  sa  marche  sur  Montevideo. 
Cette  ville  fut  alors  évacuée  par  les  troupes  d'Àrtigas,  et  Lecdr  y  lit 
-  m  entrée,  accueilli  comme  un  libérateur  par  la  municipalité  et  les 
habitants,  le  20janvier  1817.  La  ville  de  Maldonado  avait  déjà  fait 
-  omission  à  l'escadre  portugaise,  mais  toute  la  campagne 
continua  sous  la  domination  d'Artigas,  qui  employa  quelques 
troupes,  sous  la  conduite  de  Rivera,  au  blocus  de  Montevideo.  Vue 
victoire  remportée  sur  ce  dernier  par  Lecôr  à  Paso  de  Cuello 

18  mars  1817  ,  ne  changea  en  rien  la  situation,  car  la  force  prin- 
cipale d'Artigas  consistait  dans  sa  nombreuse  cavalerie.  Du  côté 
des  Missions,  le  général  Chagas  Santos  ravagea  une  partie  du 
Corrientes,  mais  il  échoua  dans  une  attaque  contre  AndrésTacuary, 
dit  Andrés  Artigas  ou  Andrésito,  qui  s'était  retranché  à  Apostoles 

-2  juillet).  Cet  échec  fut  vengé  par  Ribeiro  (Rento  Manuel),  de 
l'armée  de  Curado,  qui  réussit  à  surprendre  à  Belen  (15  septembre), 
la  division  du  colonel  Berdun,  le  vaincu  d'Ibiraocahy,  et  à  amener 
prisonnier  ce  chef  et  presque  tous  ses  officiers. 

A  l'intérieur,  une  révolution  républicaine  et  séparatiste,  dirigée 
par  Domingos  Martins,  natif  de  FEspirito-Santo,  éclata  dans 
la  province  de  Pernambuco  1817).  Elle  ne  rencontra  pas  un  grand 
nombre  de  partisans  et  fut  promptement  réprimée  par  une  petite 
armée  composée  principalement  de  miliciens  de  Bahia  et  de 
FAlagôas.  Treize  des  chefs  de  la  révolution  furent  mis  à  mort. 

Une  entente  secrète  s'établit  vers  la  fin  de  1817  entre  les 
gouvernements  de  Rio-de-Janeiro  et  de  Ruenos-Aires  en  vue  des 
opérations  contre  le  général  Artigas.  De  nouvelles  troupes  furent 
envoyées,  de  Rio,  de  Sâo-Paulo  et  de  Pernambuco,  à  Montevideo, 
et  deux  expéditions  partirent  de  Buenos-Aires  pour  soumettre  la 
province  d'Entre-Rios,  mais  elles  furent  toutes  les  deux  vaincues 
par  Ramirez,  lieutenant  d'Artigas  (25  décembre  1817  ;  25  mars 
L818).  L'armée  brésilienne  de  Curado  marcha  alors  du  Quarahim 
(1818)  pour  opérer  sur  la  rive  gauche  de  l'Uruguay  au  nord  du 
Rio-Negro.  Le  7  avril,  une  division  de  cette  armée  (Menna  Bar- 
reto  remportait  la  victoire  de  Guabijùet  forçait  Artigas  à  aban- 
donner le  village  de  Purificacion,  dont  il  avait   fait  sa   capitale, 

il 


i.i.     m;  ÉS1  lin      1  889. 

puisRibeiro   Bento  Manoel)    franchissail    l'Uruguay,   s'emparait 
Ltteries   <■< m^t mil <--  dans   l'Entre-Rios   pour  empêcher    le 
ye  d'une  Qotille  portugaise    [Calera  de  Barquin,  Perrucho- 
Vernael  Paso  de  Vera  ,  el   mettait  en  fuite  à  Arroyo-de-la-China 
la  cavalerie  de  Ramirez.  Dans  les  Missions  de  Corrientes,  Ch 
Santos  s'emparait  de  San-Garlos  (31  mars-3  avril),  et,  sur  la  rive 
gauche  de  la  Plata  les  Portugais  occupaient  Colonia  (3  mai  .  Plu- 
sieurs combats  de   cavalerie   eurent  alors  lieu    dan-   la  Banda- 
Orientale.  Le  4  juillet     L818)    Ribeiro    (Bento  Manoel)    tomba  a 
l'improviste  sur  le  campement  de  José  Artigas  à  Queguay-Chico, 
et  dispersa  complètement  son  armée  ;  mais    bientôt   ce   général 
organisait  dans  l'Entre-Rios  et  le  Corrientes  de  nouvelles  handes 
armées  pour  envahir  le  Rlo-Grande-du-Sud.  Andrés  Artigas,  à  la 
trie  de  quelques  milliers  de  Guaranys  et  des  troupes  du  Cor- 
rientes,  où    il   avait   vaincu    les    partisans   de    Buenos-Aires  et 
issé  l'attaque  d'une  Ûotille  paraguayenne,  franchit  l'Uruguay 
(25  avril   L819),  et  s'empara  facilement  des  petites  villes    povos 
du  district    brésilien  des  Missions,  celle  de  Sào-Borja  exceptée. 
L<>  colonel  Arouche,  qui  était  alors  le  plus  populaire  el  le  plus 
-     lit  parmi  les  jeunes  officiers  de  l'armée  brésilienne,  essaya 
prendre  le  bourg  de  Sâo-Nicolao,  mais  il  fui  repouss 
péril  dans  ce  combat  (9  mai).  Des  renforts  arrivèrent,  conduits 
par   h    é   de  Abreu  (depuis   baron   de   Serro-Largo),  qui  réussit 
à  écraser  les  envahisseurs  au  combat  d*Itacoruby  ((>  juin  1819). 
Quelques  jours  après,  Andrès  Artigas  était  fait  prisonnier.  Plu- 
sieurs autres  commandants,  parmi  lesquel  Otorgués,  furent  pris 
dans  des  combats  moins   importants,  et  le  28  octobre   Ribeiro 
Bento  Manoel)  gagnait  sur  Fructuoso  Rivera  la  victoire  d'Arroyo- 
Grande. 

José  Artigas  avait  envoyé  Ramirez,  gouverneur  de  l'Entre- 
Rios,  et  Estanislâs  Lopez,  gouverneur  de  Santa-Fé,  contre 
Buenos-Aires,  et  ces  deux  caudilhos  réussirent  à  vaincre  ses 
,id\  i  renverser  le  gouvernement  de   la  Républiqu 

entrer  dans  la  capitale  ;  en  même  temps  il  envahissait  pour  la 
troisième  fois  la  province  brésilienne  de  Rio-Grande-du-Sud,  rem- 
portait une  victoire  sur  Abrcu  près  de  Flbirapuilan  (14 
décembre  L819  ,  et  étail  enfin  repoussé  par  ce  général,  déjà 
réuni  au  général Camara,  sur  le Santa-Maria (17 et  27  décembre). 
Le  comte  de  Pigueira,  capitaine-général  du  Rio-Grande-du-Sud, 
étant  accouru  avec  de  nouvelles  troupes  qui  se  réunirent  à 
\breu  et  Camara,  poursuivit  l'armée  ennemie,  et  celle-ci 


ESQUISSE     DE     L'HISTOIRE    DU     BRESIL.  163 

lui  entièrement  détruite  à  la  bataille  de  Taquarembd  (22  jan- 
vier L820).  Artigas  espérait  encore  continuer  la  résistance  dans 
l'Entre-Rios  et  Le  Corrientes,  mais  Ramirez,  fier  de  sa  victoire  sur 
Buenos-Aires,  se  révolta  contre  Lui,  et,  après  plusieurs  combats, 
Le  força  à  se  réfugier  au  Paraguay,  où  il  fut  arrêté  et  interné  à 
Guruguaty  par  Le  dictateur  Francia*. 

La  Banda  Orientale  s'unit  par  fédération  au  Royaume  du 
Brésil,  prenant  le  nom  d'État  Gisplalin  (31  juillet  1821). 

L'indépendance  et  le  règne  de  l'empereur  Dom  Pedro  Ier. 
—  En  1820,  le  régime  constitutionnel  fut  proclamé  par  les  Por- 
tugais et  des  Cortès  constituantes  furent  convoquées  à  Lisbonne. 
Jean  VI  accepta  à  Rio  le  nouvel  ordre  de  choses  (26  février  1821) 
après  l'adhésion  de  Para  et  de  Bahia  à  la  Constituante,  et  dans 
presque  toutes  les  provinces  brésiliennes  des  comités  de  gouver- 
nement remplacèrent  l'autorité  des  anciens  capitaines-généraux. 
Rappelé  en  Europe  par  les  Cortès,  le  roi  se  résigna  enfin  à  partir, 
mais,  en  quittant  Rio-de-Janeiro  (26  avril),  il  y  laissa  comme 
régent  du  Royaume  du  Brésil  son  fils  aîné,  le  prince  royal  Dom 
Pedro,  avec  un  ministère  dont  le  comte  dos  Arcos  était  le  membre 
le  plus  influent. 

Les  Cortès  de  Lisbonne  suivirent  à  l'égard  du  Brésil  une  poli- 
tique contraire  à  celle  que  le  roi  avait  adoptée  :  elles  votèrent  la 
suppression  des  écoles  et  des  tribunaux  supérieurs,  ordonnèrent 
la  dissolution  du  gouvernement  central  de  Rio,  le  rappel  de  Dom 
Pedro,  et  cherchèrent  à  rompre  l'unité  brésilienne  par  le  rattache- 
ment direct  de  chaque  province  à  la  métropole,  malgré  l'opposition 
des  députés  de  plusieurs  provinces  du  Brésil,  surtout  de  ceux  de 
Sâo-Paulo,  Rio,  Bahia  et  Pernambuco,  ayant  à  leur  tête  Antonio 
Carlos  de  Andrada,  Villela  Barbosa  (depuis  marquis  de  Paranaguâ) 
et  Lino  Coutinho.  La  désunion  des  provinces  avait  été  déjà  obte- 
nue en  partie  par  l'installation  des  comités  provinciaux  de 
gouvernement.  L'autorité  du  régent  ne  s'étendit  bientôt  que 
sur  Rio-de-Janeiro  et  les  provinces  méridionales  et  centrales  ; 
même  dans  plusieurs  de  ces  provinces  il  rencontra  quelques 
résistances  de  la  part  des  comités,  qui  presque  tous  voulaient 
jouer  un  rôle  indépendant.  Mais  les  décrets  des  Cortès  finirent 

1.  Artigas  fut  mis  en  liberté  quelques  années  plus  tard,  mais  il  n'a 
jamais  voulu  retourner  dans  son  pays.  Il  est  mort  à  l'Assomption  le  23  sep- 
tembre 18oÛ  (et  non  en  1826  comme  Ta  dit  un  grand  ouvrage  en  voie  de 
publication  à  Paris).  11  était  né  à  Montevideo  le  19  janvier  1764  (et  non  en  1746). 


164  LE     BRÉSIL     EN     1SS9. 

par  produire  un  mouvement  presque  général  en  faveur  de  l'au- 
tonomie brésilienne,  qu'on  pensait  d'abord  pouvoir  concilier 
avec  l'union  des  deux  Royaumes,  moyennant  la  création  d'un 
Parlement  siégeant  au  Brésil.  Le  9  janvier  L822,  Dom  Pedro 
répondit  à  une  démarche  de  la  population  de  Rio  et  de  Sâo-Paulo 
en  déclarant  qu'il  resterait  dans  le  pays,  força  les  troupes  portu- 
gaises qui  voulaient  s'opposer  à  cette  résolution  à  s'embarquer 
pour  le  Portugal,  et  forma  un  nouveau  ministère  16  janvier)  avec 
José  Bonifiacio  d'Andrada,  qui  s'associa,  quelques  mois  après, 
son  frère  Martim-Francisco  d'Andrada.  Bientôt  il  accepta  le  titre 
de  «  Défenseur  perpétuel  du  Brésil  »  (13  mai),  et,  sur  les  conseils 
<le  Lédo,  alors  chef  du  parti  libéral  à  Rio,  de  Cunha  Barbosa  et 
de  Clémente  Pereira  (les  deux  premiers,  rédacteurs  du  Reverbero 
Constitucional))  il  convoqua  à  Rio  une  Assemblée  constituante 
(décret  du  3  juin).  Il  se  trouvait  en  voyage  lorsque,  sur  La  plaine 
de  PYpiranga,  près  de  la  ville  de  Sâo-Paulo,  un  courrier,  expédié 
de  Rio  par  José  Bonifacio,  le  rejoignit  avec  des  lettres  annonçant 
iscussions  orageuses  aux  Cortès  de  Lisbonne  et  plusieurs 
décisions  prises  par  celle  assemblée,  notamment  celle  qui  ordon- 
nait des  poursuites  contre  les  membres  du  cabinet  de  llio-de- 
Janeiro.  Le  prince,  entouré  des  personnes  de  sa.  suite  et  des  offi- 
ciers et  soldats  de  sa  garde  d'honneur,  proclama  alors  l'indé- 
pendance du  Brésil  (7  sept.  1822),  et,  arrivé  à  Rio,  il  fut  acclamé 
empereur  constitutionnel  (12  oct.). 

Les  troupes  portugaises  avaient  été  forcées  de  quitter  Pernam- 
buco  dès  1821.  A  Bahia,  le  général  Madeira,  ayant  sous  ses  ordres 
une  armée  et  une  escadre  nombreuses,  résista  plusieurs  mois  au 
siège  des  Brésiliens,  dirigés,  d'abord,  par  le  général  Labatut, 
ensuite  par  J.-J.  de  Lima-e-Silva.  Deux  attaques  des  Portugais, 
l'une  contre  les  positions  de  Pirajâ  (8  nov.  1822),  l'autre  contre 
l'île  d'Itaparica  (6janv.  1823),  furent  repoussées.  La  disette  était 
déjà  grande  dans  la  ville  lorsque  l'escadre  brésilienne,  sous  le 
commandement  de  lord  Cochrane,  arriva  pour  bloquer  le  port. 
Le  2  juillet  Madeira  se  rembarqua  pour  Lisbonne,  mais  une  partie 
des  transports  qui  conduisaient  ses  troupes  furent  capturés  par 
l'escadre  impériale.  Les  Portugais  qui  occupaient  les  villes  de 
Sùo-Luiz  do  Maranhâo  et  de  Para  firent  leur  soumission  à  l'arrivée 
de  quelques  navires  de  lord  Cochrane  (28  juillet  et  11  août  1823). 
Dans  l'intérieur,  le  commandant  Fidié,  après  une  longue  résis- 
tance, capitula  à  Caxias  (1er  août);  à  la  Plata,  le  général  portugais 
Macedo,  assiégé  dans  la  ville  de  Montevideo  par  Lecér,  qui  avait 


ESQUISSE     DE     i/lIlSTOIRE     DU     BRÉSIL.  165 

le  commandement  des  Brésiliens,  capitula  (18  nov.),  ayant  vu  ses 
navires  repoussés  dans  une  attaque  (21  oct.)  contre  la  division 
navale  brésilienne  (commandant  Pedro  Nunes)  qui  était  venue 
bloquer  le  port. 

Le  ministère  Andrada,  qui,  par  son  énergie,  a  rendu  de  grands 
sen  ices  à  la  cause  de  l'indépendance,  sévit  rigoureusement  contre 
tous  ceux  qui  étaient  soupçonnés  d'être  contraires  à  la  monar- 
chie et  à  l'union  des  provinces,  supprima  en  fait  tous  les  journaux 
d'opposition,  et  poursuivit  ou  exila  un  certain  nombre  de  libé- 
raux, parmi  lesquels  Lédo,  élu  député  à  la  Constituante,  Cunha 
Barbosa  et  Clémente  Pereira  l.  A  la  Constituante,  qui  se  réunit 
le  3  mai  1823,  cette  politique  fut  blâmée  par  plusieurs  députés. 
Le  2  juillet,  le  ministère  subissait  un  échec  dans  l'élection  du 
bureau  de  l'assemblée,  et,  deux  jours  après,  la  cour  d'appel 
acquittait  les  inculpés  politiques  de  Rio.  L'empereur  ayant  mani- 
festé l'intention  d'arrêter  les  procès  politiques  à  Sao-Paulo,  les 
Andradas  donnèrent  leur  démission2,  et  le  ministère  Carneiro  de 
Campos  (marquis  de  Caravellas)  fut  organisé  (17  juil.  1823).  Mais 
la  discussion  du  projet  de  Constitution  traînait  en  longueur, 
l'opposition  augmentait,  et  la  majorité  décida,  contre  le  vote  du 
ministère,  que  toutes  les  lois  votées  par  l'Assemblée  seraient 
promulguées  sans  la  sanction  de  l'empereur.  La  liberté  de  la 
presse  ayant  été  rétablie,  plusieurs  journaux  de  l'opposition 
commencèrent  à  exciter  les  haines  de  la  population  contre  les 
natifs  du  Portugal  qui  avaient  adhéré  à  l'indépendance.  Les 
séances  delà  Constituante  devinrent  orageuses,  et  dom  Pedro  Ier? 
formant  un  nouveau  ministère  avec  Villela  Barbosa  (marquis 
de  Paranaguâ)3,  prononça  la  dissolution  de  la  Constituante  (12 
novembre),  mesure  déjà  conseillée  par  José  Bonifacio  d'Andrada, 
qui,  maintenant  dans  l'opposition,  fut  exilé  à  son  tour,  avec  ses 
frères  et  quelques  uns  de  ses  partisans. 

Dom  Pedro  prépara,  à  l'aide  de  son  conseil  d'État  (J.-J.  Carneiro 
de  Campos4,  Villela  Barbosa,  Maciel  da  Costa,  Carvalho-e-Mello, 
et  plusieurs  autres),   une    Constitution   dont  les  municipalités 


1.  Lédo  se  réfugia  à  Buenos-Aires  ;  Clémente  Pereira,  Cunha  Barbosa  et 
le  général  Xobrega  furent  déportés  en  France.  Ils  quittèrent  Rio  sur  un  navire 
français  à  destination  du  Havre  (20  déc.  1823). 

2.  Porto-Seguro,  Historia  da  Independencia,  Mus.  (Détails  fournis  à  son 
gouvernement  parle  chargé  d'affaires  d'Autriche). 

3.  Né  à  Rio,  le  20  novembre  1769  ;  décédé  à  Rio,  le  11  septembre  1846. 

4.  Né  à  Bahia,  le  4  mars  1768  ;  mort  à  Rio,  le  8  septembre  1836. 


166  LE      BRÉSIL     EN      I 

demandèrenl  l'adoption,  sans  qu'une  seconde  Constituante  fût 
réunie.  En  conséquence,  le  serment  d'obéissance  à  cette  Consti- 
tution rai  prêté  le  25  mars  l<S2i. 

Une  insurrection  républicaine  et  fédéraliste  éclata  dans  les 
provinces  «lu  nord,  de  Pernambuco  à  Cearé  (juillet  1824),  au 
moment  où  une  grande  expédition  portugaise  se  préparait  contre 
le  Brésil.  Cette  révolte  fut  promptement  réprimée  (sept.-novembre) 
par  le  général  F.  de  Lima-e-Silva  e\  Les  partisans  de  l'union.  A 
Pernambuco,  ces  derniers  étaient  dirigés  par  laies  Barre to,  créé 
marquis  de  Ilecife.  Seize  des  révolutionnaires,  parmi  lesquels  le 
Père  Caneea,  furent  condamnés  el  exécuti 

Par  le  traité  du  29  août  1825,  conclu  entre  le  Brésil  et  le 
Portugal,  avec  la  médiation  de  ^'Angleterre,  et  grâce  aux  conseils 
de  Canning,  l'indépendance  du  Brésil  fut  reconnue. 

Une  révolution,  organisée  à  Buenos-Aires  par  Lavalleja,  éclata 
en  1825,  dans  la  Panda  Orientale,  devenue  province  Cisplatine  après 
la  constitution  de  l'empire.  Les  Brésiliens,  qui  n'y  avaienl  ; 
qu'un  1res  faible  corps  de  troupes,  commenceront  par  une  victoire 
peu  importante  à  Arbolito  (3  sept.),  mais  bientôt  une  grande  partie 
de  leur  cavalerie  fut  détruite  dans  une  surprise  à  Rincon  (24 sept.) 
et  au  combat  de  Sarandy  (12  oct.),  engagé  imprudemment  par 
Ribeiro  (Bento  Manoel)  et  Bento  Gonçalves  contre  toute  l'armée 
des  Uruguayens  révoltés.  Les  Brésiliens  restèrent  dès  lors  réduits 
aux  places  de  Montevideo  et  de  Colonia,  et  le  gouvernement  de 
Buenos-Aires  déclara  cette  province  incorporée  au  territoire  de 
la  République.  L'escadre  impériale  commença  les  hostilités  par 
le  blocus  des  côtes  de  Buenos-Aires.  L'amiral  argentin  Brownfut 
repoussé  par  l'amiral  brésilien  Rodrigo  Lobo,  le  9  février  1826,  puis 
il  subit  des  pertes  très  grandes  en  attaquant  Colonia  (20  fév.-13 
mars),  défendue  parle  général  Rodrigues  l.  Plusieurs  autres  enga- 
gements  eurent  lieu,  en  1820,  entre  les  forces  navales  brésiliennes 
et  argentines  les  uns  sans  résultat,  les  autres  favorables  aux 
premières.  Le  plus  important  fut  le  combat  du  30  juillet, 
gagné  sur  Brown  parle  commandant  brésilien  Norton.  En  1827, 
deux  expéditions  que  la  marine  impériale  fit  sur  le  Ûeuve 
Uruguay  (commandant  Sena  Pereira)  et  en  Patagonie  (comman- 
dant Sbepbcrd)  furent  anéanties  près  de  l'île  de  Juncal  (8-0  fév.  . 
par  Brown,  et  dans  le  Rio  Negro  de  Patagones  (7  mars),  par  <le- 

l.  Manoel  Jorge  Rodrigui  s,  créé  en  L840  baron  de  Taquary  après  la  ba- 
taille '!'■  ce  nmii  contre  les  séparatistes  du  Rio-Grande-du-Sud. 


ESQUISSE     DE    L   HISTOIRE     DU     BRESIL.  167 

corsaires  sous  La  conduite  de  Bysson.  Sur  terre,  le  général  brési- 
lien marquis  de  Barbacena,  ayant  attaqué  avec  des  forces  infé- 
rieure l'armée  du  général  Alvear,  fut  repoussé  à  la  bataille 
d'Ituzaingo  ^20fév.).  Peuaprès,  L'amiral  brésilien  Pinto  Guedes, 
baron  do  Elio-da-Prata,  remportait  sur  Brown  la  victoire  de  Monte 
Santiago  (7-8  avril).  Cette  guerre  que  les  fautes  du  gouvernement 
et  des  généraux  et,  surtout,  L'esprit  de  parti  d'un  grand  nombre  de 
membres  de  l'opposition,  rendirent  impopulaire  au  Brésil,  se  ter- 
mina parl;>  convention  du  27  août  1828  conclue  sous  la  médiation 
de  L'Angleterre  :  le  Brésil  et  la  République  Argentine  renoncèrent 
à  la  province  qu'ils  se  disputaient,  et  y  créèrent  la  République 
Orientale  de  l'Uruguay,  que  plus  tard  le  Brésil  défendit  contre 
L'ambition  du  dictateur  Rosas. 

Par  la  mort  de  Jean  VI  (1826),  l'empereur  Dom  Pedro  Ier  était 
devenu  en  même  temps  roi  du  Portugal.  Il  donna  une  Charte 
constitutionnelle  à  ce  royaume,  puis  il  s'empressa  d'abdiquer  la 
nouvelle  couronne  en  faveur  de  sa  fille  Dona  Maria  II. 

Les  Chambres  brésiliennes,  créées  par  la  Constitution,  se 
réunirent  pour  la  première  fois  en  1826,  et  pendant  tout  le  règne 
de  Dom  Pedro  Ier  l'opposition,  composée  de  libéraux  monar- 
chistes, partisans  du  parlementarisme  anglais,  de  quelques  fédé- 
ralistes et  républicains,  se  trouva  en  majorité  à  la  Chambre  des 
députés.  On  faisait  au  Brésil  les  premiers  essais  du  système  re- 
atatif,  et  si  l'empereur  était  jeune,  inexpérimenté  et  impé- 
tueux, on  peut  dire  aussi  que  les  partis  et  la  presse  avaient 
encore  à  faire  leur  éducation  politique.  Le  ministère  Paranagua, 
qui  était  au  pouvoir  depuis  1823,  celui  du  vicomte  de  Sâo  Leo- 
poldo  qui  lui  succéda  (16  janvier  1827),  se  composaient  seulement 
nateurs  ou  d'hommes  n'appartenant  pas  au  Parlement. 
Le  20  novembre  1827  l'empereur  forma  enfin  un  ministère 
parlementaire  avec  le  député  Araujo  Lima  (marquis  d'Olinda)  ; 
mais  dom  Pedro,  ayant  congédié  son  ministre  de  la  guerre 
à  la  suite  d'une  révolte  de  quelques  régiments  étrangers  à  Rio, 
révolte  énergiquement  étouffée,  les  députés  faisant  partie  du 
ministère  donnèrent  leur  démission.  Deux  des  membres  les  plus 
influents  de  la  Chambre,  Costa  Carvalho  et  Vasconcellos,  ayant 
refusé  d'organiser  un  nouveau  cabinet,  cette  mission  fut  confiée 
au  député  Clémente  Pereira  (15  juin  1828)  que  les  libéraux  aban- 
donnèrent aussitôt.  Ce  ministère  et  celui  de  Paranagua, 
qui  lui  succéda  (4  décembre  1829),  rencontrèrent  une  vive  oppo- 
sition à  la  Chambre  et  dans  la  presse.   L'arrivée  de  l'escadre  du 


li. s  LE     BRÉS1  l.     i:\      1  s  8 9. 

baron  Roussin  L828  ,  envoyée  par  Charles  X  pour  réclamer  quel- 
ques uavires  français  que  le-  Brésiliens  avaient  capturés  pen- 
dant 1»'  blocus  de  l.i  Plata,  «'i  La  nécessité  nu  le  gouvernement  im- 
périal se  trouva  di1  cédera  cette  injonction,  ûrenl  grand  tortàl'em- 
pereur,  ci  augmentèrent  considérablement  l'irritation  populaire. 
La  révolution  de  l<s:;n  en  France  vint  passionner  L'opinion,  et  la 
chute  de  Charles  X  fut  célébrée  presque  partout,  an  Brésil,  par 
<le^  réjouissances  publiques.  Plusieurs  journaux  nouvellement 
créés,  à  Rio  et  dans  les  provinces,  commencèrent  à  prêcher,  les 
uns  le  fédéralisme  et  d'autres  la  répuhlique.  Aux  élections  de 
1830  ces  deux  partis  firent  passer  plusieurs  de  leurs  candidats. 
En  1831  quarante- quatre  nouveaux  journaux  furent  créés  à  Rio. 
Tous  les  ministres,  tous  les  sénateurs  qui  se  montraient  dévoués 
à  l'empereur  étaient  présentés  comme  des  partisans  de  l'abso- 
lutisme. VAurora  Fluminemey  fondé  en  1827  par  Evaristo  da 
Veiga,  était  le  plus  inlluent  et  le  mieux  écrit  des  journaux  d'oppo- 
sition. Le  19  mars  1831,  Dom  Pedro  l°r,  dont  le  plus  plus  grand 
défaut  était  d'être  né  en  Portugal,  essaya  de  gouverner  avec  un 
ministère  libéral  (F.  Carneiro  de  Campos).  Mais  les  haines  entre 
Brésiliens  et  Portugais  étaient  trop  vives  à  cette  époque  pour 
que  la  concorde  s'établit.  Ces  derniers  ayant  fait  des  manifes- 
tations  impéralistes,  des  conflits  sanglants  curent  lieu  dans  les 
rues.  L'empereur  forma  alors  un  cabinet  composé  seulement  de 
sénateurs  (Paranaguâ).  Un  mouvement  populaire,  appuyé  par  la 
défection  d'une  partie  des  troupes,  eut  lieu.  On  réclamait  le 
retour  du  ministère  congédié  (G  avril  1831).  Fatigué  de  cette 
opposition,  et  désireux  de  venir  soutenir  en  Europe  les  droits  de 
sa  fille  contre  l'usurpateur  Dom  Miguel,  Dom  Pedro  Ier,  qui,  il  y 
avait  (|iielques  jours,  avait  déjà  annoncé  à  ses  conseillers  d'État 
sa  résolution  d'abdiquer1,  ne  voulut  pas  céder  devant  les  révoltés. 
11  abdiqua  donc  en  faveur  de  son  fils  (7  avril  1831)  et  partit  pour 
l'Europe  où  il  parvint,  avant  de  mourir  à  l'âge  de  trente-six  ans 
(1834  .  à  établir  le  gouvernement  constitutionnel  et  à  assurer  le 
trône  du  Portugal  à  sa  fille,  après  une  lutte  à  laquelle  il  prit  part 
personnellement  avec  un  héroïsme  devenu  légendaire  dans  ce 
pays. 

Régne   de  l'empereur  Dom  Pedro  II.  —  Dom  Pedro  II,  son 
fils  et  son  successeur  sur  le  trône  du  Brésil,  était  âgé  de  cinq  ans. 

i.  Vicomte  de  Sao-Leoi>ou>o,  Memorias. 


ESQUISSE     DE     L'ilISTOIRE     DU     BRÉSIL.  169 

ÇJne  régence  gouverna  l'empire  jusqu'en  1840.  Elle  se  composa 
d'abord  de  trois  membres  :  les  sénateurs  marquis  de  Caravellas 
(J.-J.  Carneiro  de  Campos)  et  Vergueiro,  ainsi  que  le  général 
François  de  Lima-e-Silva,  formèrent  la  régence  provisoire  jus- 
qu'au 17  juin  1831;  ce  dernier,  avec  les  députés  Costa  Carvalho 
et  Braulio  Muniz,  la  régence  définitive  qui  gouverna  jusqu'au 
L2  octobre  1835.  Après  l'Acte  additionnel,  il  n'y  eut  plus  qu'un 
régent  unique  (1835-1840).  Ce  fut  une  époque  de  troubles.  Les 
partisans  du  fédéralisme  et  les  réactionnaires,  partisans  de 
dom  Pedro  I",  agitèrent  les  provinces  et  tentèrent  plusieurs 
fois  de  renverser  le  gouvernement  de  la  régence.  La  guerre 
civile  ensanglanta  le  Cearâ  (1831-32),  Pernambuco  (1832-35), 
le  Para  (1831-33, 1835-37),  Bahia  (1837-38),  le  Maranhào  (1838-41), 
le  Ilio-Grande-du-Sud  (1835-45),  et  plusieurs  autres  provinces. 
Le  parti  libéral  monarchiste  (libéral  moderado),  dont  Evaristo 
da  Veiga  et  Vasconcellos1  devinrent  les  principaux  directeurs, 
garda  le  pouvoir  depuis  1831  jusqu'en  1837,  et  eut  à  lutter 
contre  les  fédéralistes,  qui  étaient  presque  tous  républicains 
(parti  libéral  exaltado),  et  les  réactionnaires  (parti  restaurador  ou 
Caramurû)  dont  les  frères  d'Andrada,  rentrés  de  l'exil  en  1828 
et  reconciliés  avec  Dom  Pedro  Ier,  devinrent  les  principaux  con- 
seillers. Ce  dernier  parti  demandait  le  retour  de  Dom  Pedro  Ier 
comme  régent;  mais  ce  prince,  sollicité  à  Lisbonne  par  Antonio 
Carlos  d'Andrada,  en  1833,  refusa2.  Le  député  Feijô3,  devenu  mi- 
nistre le  4  juillet  1831,  étouffa  énergiquement  toutes  les  révoltes 
suscitées  à  Rio  par  les  deux  partis  d'opposition.  Aux  troupes  in- 
disciplinées, qui  avaient  profité  des  mauvais  exemples  de  quel- 
ques-uns de  leurs  chefs,  et  que  ceux-ci  ne  pouvaient  plus  con- 
tenir, il  opposa  la  garde  nationale  créée  par  la  loi  du  18  août 
1831  ;  aux  clubs  fédéralistes,  Evaristo  da  Yeiga  opposa  la  «  So- 
ciété des  défenseurs  de  la  liberté  et  de  l'indépendance  nationale  » 
(Sociedade  defensora),  vaste  organisation  qui  a  eu  une  grande  in- 
fluence dans  la  marche  des  événements  politiques  du  Brésil. 
C'est  à  cette  époque  (1832),  qu'Auguste  de  Saint-Hilaire  traçait 
un  sombre  tableau  des  maux  que  les  discordes  produisaient  sur 


1.  Evaristo  da  Veiga,  né  à  Rio  le  8  octobre  1799,  y  est  mort  le  12  mai  1837. 
Bernado  de  Vasconcellos  était  né  à  Ouro-Preto  le  27  août  1795.  Il  est  mort  à 
Rio  le  lor  mai  1850. 

2.  Porto  Seglro  Hisl.  da  Indep.,  mns. 

3.  Diogo  Feijô,  né  à  Sâo-Paulo  en  1784  ;  mort  dans  la  même  ville  le 
10  novembre  1843. 


170  LE     BRÉSIL     EN     1889. 

les  bords  de  l'Uruguay.  •■  C'était  naguère  un*'  des  plus  belles 
contrées  de  T Amérique  méridionale.  Ses  habitants  voulurenl  se 
fédérer  et  commencèrenl  par  se  désunir  :  chaque  village,  chaque 
hameau  prétendit  faire  sa  patrie  à  part  ;  d'ignobles  chefs  s'ar- 
mèrenl  de  Ions  côtés  ;  la  population  lui  dispersée  ou  anéantie...» 
et,  à  propos  du  Brésil  qu'il  «  aimait  presque  à  l'égal  de  son  pays  . 
et  qu'il  comparai!  aux  États-Unis,  prospérant  sous  le  régime 
fédéral,  il  écrivait  :  «  L'union  américaine,  et,  surtout,  L'esprit  qui 
anime  les  Américains,  tendent  à  rendre  chaque  jour  plus  com- 
pacte la  société  qui  a  formée  ce  peuple,  ou,  du  moins,  celle  qui 
se  forme  dans  chaque  province.  Les  Brésiliens,  au  contraire,  ne 
sauraient  établir  chez  eux  le  système  fédéral  sans  commencer 
par  rompre  les  faibles  liens  qui  les  unissent  encore.  Impatients 
de  toute  supériorité,  plusieurs  chefs  hautains  de  ces  patriarchies 
aristocratiques  dont  le  Brésil  est  couvert,  appellent  sans  doute  Le 
fédéralisme  de  tous  Leurs  vœux;  mais  que  les  Brésiliens  se  tien- 
nent en  garde  contre  une  déception  qui  les  conduirait  à  L'anar- 
chie et  aux  vexations  d'une  foule  de  petits  tyrans,  mille  fois  plus 
insupportables  que  ne  l'est  un  seul  despote  l.   » 

Pour  donner  satisfaction  aux  libéraux  monarchistes,  parti- 
sans de  l'autonomie  provinciale,  des  réformes  constitutionnelles 
(Acte  additionnel)  furent  votées  en  1834.  Les  fédéralistes  deman- 
dèrent  alors  que  les  présidents  de  province  fussent  choisis 
par  les  provinces  elles-mêmes  ou  nommés  par  le  gouvernement 
central  sur  des  listes  de  trois  noms  présentées  par  les  assemblées 
provinciales;  mais  la  majorité-  eut  la  sagesse  de  repousser  ces 
propositions  (12  juillet),  qui  auraient  brisé  l'unité  nationale  et 
seraient  devenues  la  cause  de  luttes  semblables  a  celles  qui  ont 
entrave  les  progrès  de  plusieurs  Etats  hispano-américaii 

Après  la  réforme  constitutionnelle,  Feijé  fut  élu  régent  de 
l'empire,  qu'il  gouverna  depuis  le  12  octobre  1835.  Avant  son 
élection,  le  Gearé  avait  déjàété  pacifié  en  1832  à  là  suite  du 
combat  de  Missào  Velha,  et  Pernambuco,en  1835,  grâce  à  L'inter- 
vention de  L'évêque  Perdigào.  Le  régent  Feijé,  à  son  tour,  réussit 


1.  An.,  de  Saint-Hilaire,  l'n'iis  de  l'histoire  des  révolutions  de  l'Empire  du 
Brésil,  faisant    suite  à  son  \'<>'/'/r/e  dans  le  district  des  Diamants,  Pari-. 

2.  62  voix  contre  2">.  La  majorité  a  été  formée  surtout  par  les  députés 
de  Rio  il'-  Janeiro,  Sâo-Paulo  <■!  .Minas.  Parmi  les  députés  qui  repoussèrenl 
ces  propositions  Be  trouvaienl  Evaristo  da  Veiga,  Vasconcellos,  Carnein 

Paranâ),  Araujo  Lima  Olinda),  Custodio  Dias,  Alvares   Machado,  Rodrigues 
Torres  (Itaborahy  . 


ESQUISSE   DE   L'HISTOIRE   DU   BRÉSIL.  171 

à  rétablir  l'ordre  dans  le  Paré  par  l'action  énergique  du  général 
Andréa  (1836);  mais  une  révolution,  dirigée  par  le  colonel  Bento 
Gonçalves,  éclata  dans  le  Rio-Grande-du-Sud  (20  septembre  1835) 
et  le  fédéralisme  y  dégénéra  en  guerre  séparatiste. 

La  mort  du  duc  de  Bragance(dom  Pedro  Ier)  à  Lisbonne,  le 
24  septembre  1834,  amena  la  transformation  dos  partis  politiques 
brésiliens.  Le  plus  grand  nombre  des  réactionnaires  se  réunirent 
à  l'opposition  parlementaire  qui  se  forma  en  1836  dans  les  rangs 
du  parti  libéral  monarchiste,  dont  les  membres  les  plus  influents 
étaient  Araujo  Lima,  Bernardo  de  Vasconcellos,  Carneiro  Leâo, 
Rodrigues  Torres,  Paulino  de  Souza  et  Calmon.  Cette  fusion 
donna  naissance  au  parti  qui  depuis  lors  prit  le  nom  de  conser- 
vateur, et  qui  triompha  aux  élections  de  1836. 

Le  19  septembre  1837,  Feijô  démissionna  et  confia  la  régence 
au  chef  de  l'opposition,  Araujo  Lima3,  que  les  électeurs,  quel- 
ques mois  après,  confirmèrent  dans  ce  poste.  Cinq  ministères 
conservateurs  se  succédèrent  depuis  le  19  septembre  1837, 
jusqu'au  23  juillet  1840  :  ceux  de  Vasconcellos  (19  septembre),  de 
François  de  Paul  d'Almeicla-e-Albuquerque  (16  avril  1839), 
de  Alves  Branco,  depuis  vicomte  de  Caravellas  (1er  septembre 
1839),  de  Lopes  Gama,  depuis  vicomte  de  Maranguape  (18  mai 
1840)  et  de  Vasconcellos  (22  juillet  1840),  qui  n'a  duré  que 
quelques  heures.  Une  révolte  militaire  et  séparatiste,  qui 
éclata  en  1837  dans  la  ville  de  Bahia  (7  novembre),  fut  étouffée 
par  la  garde  nationale  et  les  volontaires  de  celte  province, 
qui  assiégèrent  aussitôt  la  capitale,  et  par  quelques  troupes 
arrivées  de  Pernambuco  et  de  Rio,  sous  la  conduite  du  général 
Callado.  La  ville  fut  prise  après  un  combat  sanglant  (13-15  mars 
1838),  et  l'ordre  fut  plus  ou  moins  assuré  partout,  excepté  dans 
le  Rio-Grande-du-Sud,  où  les  séparatistes  remportèrent  en  1838 
plusieurs  avantages,  et,  sous  la  conduite  de  Canavarro  et  de 
Garibaldi,  s'emparèrent  (juillet  1839)  d'une  partie  de  la  province 
de  Sainte-Catherine.  Us  en  furent  chassés  quelques  mois  après 
(novembre)  par  le  général  Andréa  et  par  Mariath,  commandant 
de  la  flotiile  impériale  en  opérations  dans  cette  partie  de  l'Empire. 
Depuis  1836,  toute  l'histoire  politique  du  Brésil  se  résume 
dans  la  lutte  des  deux  grands  partis  constitutionnels,  le  conserva- 
teur et  le  libéral.  La  Chambre  des  députés,   conformément  à  la 


3.  Pedro  de  Araujo  Lima,  depuis  marquis  d'Olinda  ;  né  à  Engenho  Antas, 
près  Serinhaem  (Pernambuco),  le  22  décembre  1793  ;  mort  à  Rio,  le  7  juin  1870. 


172  LE     BRÉSIL     EN      L  889. 

doctrine  défendue  par  Vasconcellos,  devint  prépondérante  à 
partir  de  1831.  Un  projel  de  loi  interprétatif  de  l'Acte  additionel, 
ayanl  pour  but  de  mieux  fixer  Les  attributions  des  législatures 
provinciales  et  de  mettre  an  terme  aux  empiétements  de  ces 
assemblées  sur  les  attributions  du  pouvoir  central  ou  sur  l'auto- 
nomie communale,  fut  discuté  pendant  les  sessions  parlementaires 
de  1838  à  L840,  et  adopte  seulement  dans  cette  dernière  année 
(loi  du  L2  mai  1840). 

L'opposition  libérale  commença  à  demander,  en  1840,  ladécla- 
ration  de  la  majorité  du  jeune  empereur,  qui  n'avait  alors  que 
quinze  ans.  Ilollanda  Gavalcanti  vicomte  d'Albuquerque),  les  deux 
frères  Andradas  (Antonio  Carlos  et  Martim  Francisco)*  et  Alvares 
Machado  se  mirent  à  la  tête  de  cette  agitation  ;  plusieurs  conser- 
vateurs, comme  le  marquis  de  Paranaguâ  (Villela  Barbosa),  se 
rallièrent  à  cette  opinion,  qui  était  devenue  celle  de  la  grande 
majorité  de  la  nation  devant  l'insuccès  des  gouvernements  électifs 
à  maintenir  l'ordre  public  et  l'union  des  provinces,  et  le  23  juillet 
l'empereur  fut  déclaré  majeur  par  les  deux  Chambres  réunies  en 
Assemblée  générale. 

Dom  Pedro  II  commença  son  gouvernement  avec  les  libéraux 
(Ilollanda  Cavalcanti  et  les  Andradas)  ;  puis,  du  23  mars  1841  au 
2  février  1844,  il  gouverna  avec  les  ministères  conservateurs  du 
marquis  de  Paranaguâ  (23  mars  1841)  et  de  Carneiro  Leao  (20jan- 
vier  1843).  Le  Maranhao  fut  pacifié  par  le  général  L.-A.  de 
Lima-e-Silva  (1841),  créé  baron,  puis  comte,  marquis  et  duc  de 
Caxias  ;  mais  une  autre  révolution  éclata  bientôt  dans  les  provinces 
de  Sâo-Paulo  et  de  Minas-Geraes  (1842).  L'ordre  fut  rétabli  par  ce 
même  général  après  la  bataille  de  Santa-Luzia  (20  août). 

Le  cabinet  Carneiro  Leào  ayant  présenté  sa  démission  par 
suite  du  manque  d'accord  avec  l'empereur,  et  un  autre  chef  con- 
servateur, Costa  Carvalho,  s'étant  excusé  de  former  un  nouveau 
ministère,  cette  mission  fut  confiée  (2  février  1844)  à  un  libéral, 
Almcida  Torres  (vicomte  de  Macahé). 

Les  libéraux  gouvernèrent  jusqu'au  29  septembre  1848  avec 
le  cabinet  du  2  février  1844  et  ceux  du  5  mai  1846  (vicomte  d'Albu- 
querque),  du  22  mai  1847  (Alves  Branco,  vicomte  de  Caravellas), 
du  8  mars  1848  (vicomte  de  Macahé)  et  du  31  mai  de  la  même 
année  (Paula-e-Souza).  La  guerre  civile  du  Rio-Grande-du-Sud, 
qui  avait  duré  dix  ans,  fut  terminée  le  1er  mars  1845  par  le  général 

1.  L'ainé,  José Bonifacio  de  Andrada-e-Silva,  était  mort  a  S.  Domingos, 
faubourg  de  Nictheroy,  le  6  avril  1 838.  Il  était  né  à  Santos,  le    \:i  juin  1763. 


ESQUISSE   DE    L'HISTOIRE   DU   BRÉSIL.  172 

de  Caxias,  et  cette  même  année,  alors  que,  tout  le  pays  étant 
pacifié,  lf  gouvernement  impérial  aurait  pu  commencer  à  s'occuper 
uY  la  répression  de  La  traite  des  noirs,  qui  se  faisait  par  contre- 
bande sur  les  côtes  de  l'empire  depuis  que  la  loi  du  4  novembre 
IS;U  avait  défendu  cel  odieux  commerce,  l'Angleterre  est  venue 
rendre  la  situation  plus  difficile  en  humiliant  le  Brésil  par  le  vote 
du  bill  Aberdeen,  D'après  cette  nouvelle  loi  anglaise  les  négriers 
et  les  ua\  ires  suspects  de  s'employer  à  la  traite  devaient  être  cap- 
turés  par  la  marine  royale,  même  dans  les  eaux  territoriales  de 
l'empire,  et  seraient  justiciables  des  tribunaux  anglais.  L'exécu- 
tion  du  bill  Aberdeen  et  les  violences  pratiquées  sur  les  cotes  du 
Brésil  par  les  croiseurs  anglais,  soulevèrent  dans  le  pays  un 
sentiment  général  d'indignation,  dont  les  négriers  profitèrent  :  le 
chiffre  des  Africains  introduits  annuellement  au  Brésil  tripla  dans 
la  période  de  1816  à  1850  *. 

Le  27  septembre  1848,  les  conservateurs  revinrent  aux  affaires 
avec  le  ministère  du  marquis  d'Olinda.  Une  nouvelle  révolution 
éclata  à  Pernambuco,  dirigée  par  les  députés  du  parti  libéral  de 
cette  province.  Plusieurs  combats  eurent  lieu,  et  le  2  février  1848 
l'armée  révolutionnaire,  par  un  mouvement  rapide,  essaya  de 
s'emparer  de  la  capitale,  Recife,  que  l'énergique  président  Tosta 
f  marquis  de  Muritiba)  sut  défendre  avec  des  volontaires  et  des 
gardes  nationaux,  appuyés  par  des  troupes  de  la  marine.  L'arrivée 
de  la  petite  armée  du  général  Goelho  au  milieu  du  combat  assura 
la  victoire  du  gouvernement. 

Ce  fut  la  dernière  révolution  tentée  au  Brésil.  Elle  eut  comme 
résultat  d'augmenter  énormément  dans  toutes  les  provinces  la 
force  du  parti  conservateur,  car  les  classes  éclairées,  et  la  popula- 
tion en  général,  étaient  lasses  de  toutes  ces  agitations  et  de  ces 
guerres  intestines. 

Pendant  le  règne  de  Dom  Pedro  II,  la  répression  des  révoltes 
a  été  suivie  toujours  d'une  amnistie2. 


1.  Africains  débarqués  au  Brésil  pendant  les  cinq  années  qui  ont  précé- 
dées le  bill  Aberdeen  :  1840  :  30.410  ;  —  1841  :  16.000  ;  —  1842  :  17.435  ;  — 
1843  :  19.095  ;  —  1844  :  22.849  ;  —  1845  :  19.453. 

Après  le  bill  Aberdeen  et  avant  la  loi  Eusebio  de  Queirôs  :  1845  :  50.324  ; 
—  1847  :  5G.172  ;  —  1848  :  60.000  ;  —  1849  :  54.000  ;  —  1850  :  23.000. 

Après  la  loi  Eusebio  de  Queirôs  (1850)  :  1851  :  3.287  ;  —  1852  :  700  ;  de 
1853  à  1856,  les  deux  dernières  tentatives  d'introduction  d'esclaves,  512. 

2.  Un  républicain  français,  Charles  Ribeyrolles,  émigré  du  2  décembre 
écrivait  en  1859  :  «  Au  Brésil,  depuis  des  années,  il  n'y  a  plus  ni  procès  poli- 
tiques, ni  prisonniers  d'Etat,  ni  procès  de  presse,  ni  conspiration,  ni  trans- 


1  ;  |  LE     BRÉS IL     EN      L8€ 

Le    marquis  cTOlinda,   en  divergence  d'idées  avec    Lous 
collègues  el  avec  L'empereur  au  sujet  de  La  politique  à  suivre  vis- 
à-vis  du  dictateur  argentin  Elosas,  quitta   Le  cabinet  (6  octobre 
1849)    el    fui   remplacé    dans    La  présidence  du  conseil  par  Le 
marquis  de  Monte-Alegre  (Costa   Carvalho).   Le  portefeuilli 
affaires   étrangères   lui  confié  au  conseiller  Paulino   de  Souza, 
depuis  vicomte  d'Uruguay1.  C'est  alors  que  le  Brésil  signa 
la   République  Orientale  de  L'Uruguay,  dont  Le   représentant  ù 
Rio  était  Andrés  Lamas,  et  les  Etats  de  L'Entre-Rios  el  de  Cor» 
rientes,  les  traités  d'alliance  de  1851,  qui  assurèrent  la  victoire 
des  Libéraux  des  républiques  de  Plata,  la  liberté  de  la  naviga- 
tion   dans    les    affluents    de   ce    lieux»',   et  l'indépendance    de 
l'Uruguay  et  du  Paraguay.   Carneiro  Leâo,  depuis  marquis  de 
Paranâ,  fut  envoyé  a  la  Plata  par  L'empereur,  comme  son  repré- 
sentant auprès  des  gouvernements  alliés. 

Le  gouvernement  de  L'Uruguay  était  réduit  à  la  ville  de  Monte- 
vidéo,  assiégée  depuis  1842  par  une  armée  argentine  ayant  pour 
cher  le  général  Oribe.  En  ltt.'>l  le  maréchal  de  Caxias,  à  la  tête  de 
-20.000  Brésiliens,  et  Urquiza,  à  La  lèle  de  L'armée  de  L'Entre-1 
envahirent  L'Uruguay,  tandis  (pie  l'escadre  impériale,  di 
l'amiral  Grenfell,  menaçait  Buenos-Aires  et  protégeait  le  passage 
des  troupes  de  L'armée  alliée.  Oribe  capitula  (19  octobre' ,  Gn 
força  les  batteries  de  Tonelero,  dans  le  Paranâ  (17  décembre),  et 
La  principale  année  des  alliés  marcha  sur  Buenos-Aires.  La  bataille 
de  Monte-Caseros  (3  février  1852)  mit  un  terme  à  la  tyrannie  de 
liosas  qui  opprimait  depuis  vingt-trois  ans  les  peuples  de  la  Plata. 
Le  dictateur  argentin,  chassé  du  pays,  se  réfugia  en  Angleterre2. 

portatiou.  La  pensée  n'y  est  point  justiciable  de  la  police,  saisie  en  douane, 
suspecte,  marquée.  L'âme  esl  libre  dans  toutes  ses  confessions,  et  Le  citoyen 
dans  tous  ses  mouvements.  La  raison  d'Etat  chôme.  El  cela  pourquoi?  parce 
que  Dom  Pedro  11  a  nus  [a  Majesé  non  dans  la  prérogative,  non  dans  la 
personne,  mais  dans  le  caractère,  dans  les  œuvres;  parce  que  l'esprit 
rai  du  pays  esl  tolérance,  conciliation,  sociabilité;  parce  que  le  catholicisme 
lui-même,  quoique  ayant  privilège  d'Etat,  n'ose  plus  y  jongler  de  l'anathème 
et  de  la  foudre  »  (Ribeyrolles,  Le  Brésil  Pittoresque,  Rio  de  Janeiro, 
tome  1' r.  p.  141). 

1.  Né  a  Paris  le  •  octobre  1807,  mortà  Rio  le  15  juillet  L866. 

2.  L'Annuaire  de  !•/.  Revue  des  Deux-Mondes,  de  1S52,  a  apprécié  en  ces 

du  Brésil:  —  «  On  ne  saurait  méconnaître  l'habileté  et  la 
vigueur  que  le  cabinet  de  Rio-de-Janeiro  a  mises  à  conduire  celte  affaire. 
C'est  pour  lui  an  Incontestable  succès,  d'autant  plus  flatteur  pour  l'esprit 
national,  que  le  I'.résil  a  la  ressource  dose  dire  qu'il  a  réussi  là  où  les  gou- 
vernements les  plus  puissants  de  l'Europe  ont  échoué.  »  —  On  sait  que  le 
dictateur  Rosas  avait  eu  des  démêlés  avec  la  France  et  l'Angleterre.  La  France 


ESQUISSE    DE    L'HISTOIRE   DU    BRÉSIL.  175 

En  1850,  sur  la  proposition  du  ministre  de  La  justice  Eusebio 
de    Queirôs,  les   Chambres   votèrent  presque  à  l'unanimité  des 

moyens  plus  sûrs  que  ceux  de  La  Loi  de  IttlU  pour  la  répression 
de  la  traite  (loi  du  \  septembre  L850).  La  fermeté  de  l'Empereur 
el  L'énergie  qu'Eusebio  de  Queirôs  mit  à.  appliquer  rigoureuse- 
ment la  nouvelle  Loi,  brisèrent  toutes  les  résistances  des  négriers, 
alors  très  puissants  à  Rio-de-Janeiro,  et  l'importation  d'esclaves 
eessa  complètement  au  Brésil1. 

Le  ministère  Monte-Alègre,  réduit  en  1852  à  un  seul  député 
par  L'entrée  de  plusieurs  de  ses  membres  au  Sénat,  présenta  sa 
démission  à  l'Empereur.  Le  ministre  des  finances  Rodrigues  Torres 
(depuis  vicomte  d'Itaborahy),  fut  chargé  de  la  présidence  du 
conseil  et  reconstitua  le  cabinet  (11  mai  1852)  avec  deux  de  ses 
collègues  et  trois  nouveaux  ministres,  mais  il  résigna  le  pouvoir 
l'année  suivante,  et  le  marquis  de  Paranâ  (Carneiro  Leâo),  nommé 
président  du  conseil  (6  septembre  1853),  inaugura  la  politique  de 
conciliation,  en  formant  un  ministère  composé  de  conservateurs 
et  de  libéraux.  C'est  de  1850,  fin  delà  période  des  guerres  civiles, 
et,  surtout,  à  partir  du  ministère  Paranâ,  que  datent  véritablement 
les  grands  progrès  réalisés  par  le  Brésil.  A  la  mort  de  cet  homme 
d'Etat  (3  septembre  18562),  le  maréchal  deCaxias,  ministre  de  la 
guerre,  devint  président  du  conseil  et  continua  cette  politique 
d'apaisement.  Puis  vint  le  ministère  du  marquis  d'Olinda  (4  mai 


bloqua  une  première  fois  les  côtes  de  Buenos-Aires  du  28  mars  1838  au 
29  octobre  1840  (amiraux  Leblanc,  Dupotet  et  de  Mackau),  protégea  le  gouver- 
nement de  Montevideo  et  le  général  Lavalle,  chef  de  l'armée  des  unitaires 
argentins  eu  lutte  avec  Rosas,  et  s'empara  de  File  de  Martin  Garcia.  En  1845, 
à  la  suite  de  la  mission  du  marquis  d'Àbrantes  (Calmon),  envoyé  par  le  Brésil 
en  Europe,  la  France  intervint  de  nouveau,  cette  fois  de  concert  avec  l'An- 
gleterre ;  mais  lord  Aberdeen  et  Guizot  commirent  la  faute  de  se  passer  de  la 
ration  des  troupes  brésiliennes.  Le  blocus  de  Buenos-Aires  fut  établi  le 
18  septembre  1845  par  les  amiraux  Laine  et  lnglefield.  La  même  année  les 
commandants  Tréhouart  et  Hotham  remportaient  la  victoire  d'Obligado.  Deux 
ans  après  15  juillet  1847),  l'Angleterre,  voyant  qu'elle  n'arrivait  à  aucun  ré- 
sultat, traita  avec  Rosas  et  retira  son  escadre.  L'amiral  français  Leprédour 
continua  seul  le  blocus  jusqu'au  11  juin  1848.  A  partir  de  cette  date,  la 
France  se  borna  à  allouer  au  gouvernement  de  Montevideo  une  subvention 
qui  fut  réduite  en  1850,  et  devint  insuffisante.  Le  Brésil  commença  alors  à 
fournir  les  sommes  nécessaires  à  la  défense  de  la  place  (1er  juillet),  et  l'année 
suivante  il  se  décida  à  prendre  l'offensive. 

1.  Lorsque  cette  question  fut  discutée  en  conseil  de  ministres, 
FEmpereur,  devant  les  objections  d'un  des  membres  du  cabinet,  qui  considé- 
rait dangereux  pour  l'ordre  public  les  moyens  de  répression  demandés  par 
Eusebio  de  Queirôs,  déclara  qu'il  préférait  perdre  sa  couronne  que  de  souffrir 
la  continuation  de  la  traite  (J.  Xabuco,  0  Abolie ionismo.  Londres,  1883,  p.  2). 

2.  Le  marquis  de  Paranâ  était  né  à  Jacuhy  (Minas),  le  11  janvier  1801. 


176  LE     BRÉSIL     EN     1889. 

1857  ,  pendanl  Lequel  La  séparation  <l<i>  deux  partis  commença  a 
se  Faire  de  aouveau  par  L'opposition  d'un  grand  nombre  de 
conservateurs  '. 

En  L857  le  Brésil  se  prépara  à  La  guerre  contre  le  dictateur 
Carlos  Lopez  « ]  ni  s'obstinait  à  refuser  la  libre  communication, 
par  La  voie  fluviale  du  Paraguay,  entre  La  province  brésilienne  de 
Matto-Grosso  et  le  Littoral  de  L'Empire.  Le  traité  du  \1  février  1858, 
signé  à  l'Assomption2,  assura  la  liberté  de  La  navigation  sur  le 
Paraguay  non  seulemenl  au  Brésil  mais  à  toutes  Les  autres  puis- 
sances. 

Du  1-2  décembre  1858  au  24  mai  L862,  trois  cabinets  conser- 
vateurs se  succédèrent  :  Abaeté  (12  décembre  ,  Perraz  (10  août 
L859)  et  Caxias  (3  mars  L861).  Pendant  ce  dernier  ministère  un 
grand  oombre  de  conservateurs,  —  Zacarias  de  Vasconcellos, 
Olinda,  Nabuco,  Saraiva,  et  plusieurs  autres,  —  s'allièrent  à 
L'opposition  et  assurèrent  L'avènement  des  Libéraux,  qui  occu- 
pèrent Le  pouvoir  depuis  Le  24  mai  L862  jusqu'au  16  juillet  L868, 
sous  les  ministères  de  Zacarias  de  Vasconcellos  (24  mai!862), 
du  marquis  d'Olinda  (30  mai  L862),  de  Zacarias  ;  [15  janvier  L864), 
de  Furtado  (31  août  L864  ,  d'Olinda  [\~2  mai  186o)etde  Zacarias 
(3  août  1866).  Cette  période  est  signalée  par  une  nouvelle 
intervention  brésilienne  dans  l'Uruguay,  par  la  guerre  du 
Paraguay,  par  les  luttes  entre  les  deux  fractions  du  nouveau 
parti  libéral,  c'est-à-dire  entre  les  libéraux  historiques  dirigés  par 
Theophilo  Ottoni  et  leur  nouveaux  alliés,  et  par  le  commence- 
ment de  la  propagande  en  laveur  de  l'abolition  graduelle  de 
l'esclavage.  Le  7  septembre  1867  le  Brésil  ouvrit  au  commerce 
changer  L'Amazone  <d  une  partie  de  ses  affluents,  ainsi  que  le 
Sâo-Francisco  jusqu'à  Pcnedo  (décret  du  7  décembre  1866). 

En  1864,  les  réclamations  du  gouvernement  impérial  (ultima- 
tum du  '<  août,  du  ministre  Saraiva),  ayant  été  repoussées  par  le 
gouvernement  de  La  République  Orientale  de  l'Uruguay,  qui  était 
entre  les  mains  du  parti  blanco,  le  Brésil  reconnut  comme  belli- 
gérant  le  gênerai   Venancio  Flores,   chef  dp  parti  Colorado,  qui, 

1.  «  La  première  partie  du  programme  accomplie  dans  les  vingt  der- 
nières années  »,  a  dit  en  1859  Charles  de  Ribeyrolles,  «  fut  nue  œuvre  utile: 
il  fallait  constituer  L'unité  du  pays  e1  ne  point  Le  Laisser  tomber  en  satrapii  a 
fédéralistes  ou  maritimes.  Si  Ton  veut  être  un  peuple,  il  faut  d'abord  être 
une  patrie.  »  (Ribeyrolles,  Le  Brésil  pittoresque;  Rio,  L859,  t.  111,  page    L40. 

2.  Plénipotentiaires  :  du  Brésil,  le  conseiller  Silva-Paranhos,  depuis 
vicomte  de  Rio-Branco  ;  du  Paraguay,  le  général  François  Solano  Lopez, 
depuis  dictateur. 


ESQUISSE   DE   L'HISTOIRE   DU   BRÉSIL.  177 

depuis  1862,  dominait  sur  une  grande  partie  des  départements 
de  la  campagne  et  tenait  en  échec  les  troupes  du  gouvernement. 
L'armée  brésilienne,  sous  le  commandement  du  général  Menna 
Barreto  (Jean-Propice),  et  celle  de  Flores,  prirent  d'assaut  Pay- 
sandû  (2  janvier  1865]  et  assiégèrent  Montevideo,  qui  fut  en 
même  temps  bloque  par  l'escadre  impériale  de  l'amiral  Taman- 
daré. 

Par  le  traite  de  pacification  du  20  février,  entre  le  gouverne- 
ment de  Montevideo  et  le  général  Flores,  traité  rédigé  par  le 
ministre  du  Brésil,  Silva-Paranhos,  ce  général  fut  reconnu  comme 
gouverneur  provisoire  de  la  République,  et  les  Alliés  firent  leur  en- 
trée dans  la  ville  assiégée.  La  République  de  l'Uruguay  devint  l'al- 
liée du  Brésil  contre  le  dictateur  du  Paraguay,  François  Solano 
Lopez  4,  qui,  sans  déclaration  de  guerre,  avait  capturé  un  paquebot 
brésilien  (12  novembre  1864),  emprisonné  son  équipage  ainsi  que 
tous  les  passagers,  et  envahi  la  province  brésilienne  de  Matto- 
Grosso2.  Peu   après,  les  Paraguayens  s'étant   emparés  de  deux 

i.  Son  père,  le  dictateur  Carlos  Lopez,  l'avait  nommé,  par  testament, 
vice-président  du  Paraguay.  A  la  mort  de  Carlos  Lopez  (10  septembre  1862), 
il  prit  possession  du  gouvernement  et  convoqua  un  Congrès,  qui  le  nomma 
président  de  la  République.  On  sait  que,  sous  le  nom  de  République,  le  Para- 
guay était  un  pays  gouverné  despotiquement,  et  que  son  peuple  avait  été 
habitué  à  l'obéissance  passive  par  les  jésuites,  dès  les  premières  années  delà 
■conquête  espagnole,  puis  par  le  célèbre  docteur  Jbrancia  et  par  Carlos 
Lopez.  Le  nouveau  dictateur,  Solano  Lopez,  militarisa  le  pays.  Son  projet 
était  d'augmenter  le  Paraguay  au  dépens  de  la  République  Argentine,  par  la 
conquête  des  provinces  de  Corientes  et  de  l'Entre-Rios,  ainsi  que  de  l'ile  de 
Martin-Garcia,  qui  domine  l'entrée  de  Paranâ  et  de  l'Urugay.  Puis,  après  la 
victoire,  il  comptait,  comme  Napoléon  1er,  se  faire  acclamer  Empereur.  On 
trouva  à  la  douane  de  Buenos-Aires  en  1865,  le  modèle  de  couronne  impériale 
que  son  ministre  à  Paris  lui  remettait.  En  1864,  le  ministre  Carreras,  envoyé 
au  Paraguay  par  le  gouvernement  de  Montevideo,  réussit  à  détourner  Lopez 
de  a  ligne  politique  qu'il  s'était  tracée  en  le  persuadant  qu'une  alliance 
secrète  avait  été  signée  entre  le  Brésil  et  la  République  Argentine  pour  la 
ccnquête  et  le  partage  du  Paraguay  et  de  l'Uruguay.  Il  paya  cher  cette  inven- 
tion, car  s'étaut  réfugié  au  Paraguay  après  la  chute  du  parti  blanco,  il  fut 
emprisonné  en  1868,  mis  à  la  torture  et  fusillé  le  27  septembre.  Des  milliers 
.1  étrangers  et  de  Paraguayens  furent  exécutés  par  ordre  de  Lopez.  La  folie 
seulement  peut  expliquer  la  conduite  du  dictateur  paraguayen  après  ses 
premières  défaites.  En  1865  (décret  du  8  août)  Lopez  créa  «l'Ordre  national 
du  mérite  »  dont  le  grand  cordon  ne  pouvait  être  donné  aux  présidents  de 
République. 

2.  Matto-Grosso  n'avait  alors  qu'une  garnison  de  875  hommes  disséminés 
sur  son  vaste  territoire,  et  5  petites  canonnières,  outre  sa  garde  nationale, 
qui  n'avait  pas  été  mobilisée,  car  on  ne  s'attendait  pas  à  une  invasion. 
La  partie  méridionale  de  cette  province  fut  attaquée  par  9.000  Paraguayens 
et  une  escadre  nombreuse.  Les  communications  entre  le  littoral  du  Brésil  et 
cette  province  lointaine,  se  faisaient  alors,  comme  aujourd'hui,  par  la  voie 
fluviale  du  Paranâ  et  du  Paraguay. 

12 


[78  1. 1:     îiui.siL     i..\     l  .s.y.i. 


cannoniere 


-  argentines  et  envahi,  encore  une  fois   sans   décla- 


o 


ration  de  guerre,  la  province  de  Cor  ri  en  tes  (13  avril  1865),  uno 
triple  alliance  fut  signée  >i  Buenos-Aires  ;  1"'  mai)  entre  le  Brésil, 
l,i  République  Argentine  et  l'Uruguay  ',  et  les  troi^  Etats  entre* 
P in-, -ut  une  guerre  Longue  et  difficile,  dont,  en  lait,  le  Brésil  sup- 
porta  presque  tout  le  poids-.  Le  général  Bartholomé  Mitre,  prési- 
dent de  la  République  Argentine,  <"iit  le  commandemenl  eu  chef 
dus  armées  alliées  pendant  les  premières  années  de  la  guerre3. 
Les  Brésiliens  débutèrent  par  la  victoire  navale  de  Riachuek), 
remportée  par  l'amiral  Barroso  sur  l'escadre  paraguayenne 
(Il  juin  1865).  Une  division  de  troupes  qui  s'avançait  sur  la  rive 
droite  de  L'Uruguay,  fut  anéantie  à  Yatay  (17  août)  par  les  Alliés, 
sous  la  conduite  de  Flores.  Un  autre  corpsd'armée  qui  avail  péné- 
tré par  SâO-Borja  (10  juin),  dans  la  province  brésilienne  de   llio- 

1.  Plénipotentiaires  :  du  Brésil,  le  Conseiller  F.  Octaviano  ;  de  la  Répu- 
blique Argentine,  li.  Elizalde  ;  de  l'Uruguay,  C.  de  Castro. 

-2.  Le  gouvernement  de  la  République  de  l'Urugay  ne  pouvait  pas  em- 
ployer dans  cette  guerre  lointaine  un  plus  grand  nombre  de  troupes  car  ou 
craignait  un  soulèvement  du  parti  blanco,  ce  qui,  d'un  autre  côté,  toréait  le 
Brésil  à  conserver  sur  les  frontières  de  cette  République  des  troupes  d'obser- 
vation. La  République  Argentine  n'était  pas  encore  la  nation  florissante  d'au- 
jourd'hui. La  grande  prospérité  de  cette  République  date  précisément  de 
la  -lierre  du  Paraguay  et  du  gouvernement  éclairé  du  général  Mitre.  Elle 
ne  comptait  en  1869  que  1.877.000  habitants,  et  l'influence  de  certains  gou- 
verneurs de  province  Taisait  ombrage  au  gouvernement  central.  Ain.-i.  le 
général  Urquiza,  foui  puissant  dans  l'Entre-Rios,  n'a  fourni  un  seul  soldat 
contre  Lopez.  En  général,  les  fédéralistes  argentins  espéraient  que  la  victoire 
du  dictateur  du  Paraguay  serait  la  victoire  de  leur  parti,  et  le  gouvernement 
de  Buenos-Airès  fut  mal  secondé  par  les  provinces  pendant  toute  la  durée  de 
la  guerre. 

3  Au  commencement  de  la  guerre  (1864)  Lopez  avait  une  armée  de 
80.000  hommes,  selon  le  général  Resquin,  sou  chef  d'état-major,  et  le  lieu- 
tenant-colonel Thompson,  \\\\  de  ses  ingénieurs M(War  in  Paraguay,  chap.  V). 
En  1865,  après  la  prise  <\>^  deux  cannonnières  argentines,  sa  marine  de 
guerre  se  composait  de  39  navires  et  de  plusieurs  chalands  (chatas).  Le  Brésil 
n'avait  en  1864  qu'une,  armée  de  15.000  hommes.  Sa  Hotte  comptait 
Y.)  navires.  A  l'appel  de  l'Empereur,  .'17  bataillons  de  volontaires  furent  orga- 
oiséa  en  I86S  :  L3  à  Bahia,  Il  à  Rio-de-Janeiro  (ville  de  Rio.  7  ;  province,  4), 
s  à  Pernambuco,  4  à  Rio-Grande-du-Sud,  3?dans  chacune  des  provinces  de 
Sao-Paulo,  Minas-Geraes  et  Maranhâo,  2  à  Para,  2  à  Piauhy,  1  dans  chacune 
des  provinces  de  Cearâ,  de  Rio-Grande-du-Nord,  l'arahvha.  Alagôas,  Goyâz 
et  Matto-Grosso  ;  1  composé  de  volontaires  du  Cearà,  de  Piauhy  et  de  Ser- 
gipe  :  1  seul  (n"  16,  puisn0  18)  composé  d'étrangers.  La  garde  nationale  de  Rio- 
Grande-du-Sud  a  fourni  presque  toute  la  cavallerie  de  l'armée  impériale. 
En  L886  la  Hotte  brésilienne  comptait  62  navires,  dont  i  cuirassés,  En  1867, 
les  cuirassés  étaient  au  nombre  de  10  (un  cuirassé  avait  été  perdu  au  bom- 
bardement de  Curuzû  par  l'explosion  d'une  torpille).  Au  mois  de  février  1868 
dre    en   opérations  avait  13  cuirassés,    28  cannonières,  4.500  hommes, 

155  ca is.  En  1869  avril    la  flotte  brésilienne! comptait,  outre  de  nombreux 

transports,  Sj  navires,  dont  10  cuirassés,  211  canons  et  6.447  hommes. 


ESQUISSE     DE     i/niSTOIRE    DU     BRÉSIL.  170 

Grande-du-Sud,  fut  enfermé  dans  la  ville  d'Uruguyana  et  obligé 
de  mettre  bas  les  armes  (18  septembre).  L'empereur  Dom  Pedro  II 
se  trouvait  alors  à  la  tête  des  Alliés,  et  ce  fut  dans  ce  campe- 
ment qu'il  reçut  le  ministre  Thornton,  envoyé  par  l'Angleterre 
pour  lui  demander  la  reprise  des  relations  diplomatiques  avec 
le  Brésil,  rompues  dès  18(53  *.  Lopcz,  qui  s'était  laissé  battre  en 
détail,  sans  savoir  tirer  parti  de  la  superioté  numérique  de  ses 
armées,  évacua  la  province  de  Corrientes  pour  attendre  sur  le 
territoire  du  Paraguay  les  ennemis  qu'il  s'était  faits,  et  auxquels 
il  laissait  ainsi  le  temps  et  la  liberté  nécessaires  à  l'organisation 
des  troupes  et  aux  préparatifs  de  l'attaque. 

En  1866  les  Alliés  se  trouvaient  en  face  du  Paso-dc-la-Patria, 
dans  le  Paranâ,  ayant  réuni  une  armée  qu'ils  croyaient  suffisante 
à  l'offensive,  mais  qui  n'était  pas  supérieure  en  nombre  à  celle 
de  leur  adversaire2.  Les  Brésiliens  commencèrent  par  le  bombar- 
dement des  positions  ennemies  et  l'occupation  de  l'île  d'Itapirû, 
où,  sous  la  conduite  de  Villagran  Cabrita,  ils  repoussèrent  une 
attaque  des  Paraguayens  (10  avril).  Quelques  jours  après,  protégé 
par  l'escadre  impériale,  le  général  Ozorio  (marquis  de  Herval), 
débarqua  avec  10.000  Brésiliens  sur  la  rive  gauche  du  Paraguay 
(16  avril),  remporta  deux  victoires  à  Confluencia  sur  les  troupes 
qui  vinrent  l'attaquer  (16  et  17  avril),  et  occupa  le  fort  d'Itapirû. 
D'autre  part,  l'artillerie  de  l'escadre  brésilienne  ayant  forcé 
Lopez  à  évacuer  les  retranchements  de  Paso-de-la-Patria,  toute 
l'armée  alliée  put  débarquer  librement  sur    les  positions  cou- 

1.  Le  naufrage  d'un  navire  anglais  sur  les  côtes  de  Rio-Grande-du-Sud 
et  l'arrestation  de  quelques  marins  anglais  à  Rio  avaient  donné  lieu  à  ce 
conflit  entre  le  gouvernement  impérial  et  le  ministre  anglais  à  Rio.  Le  roi 
des  Belges  Léopold  lor,  choisi  comme  arbitre,  adonné  une  décision  favorable 
au  Brésil. 

2.  Lopez  attendait  les  Alliés  avec  47  ou  48.000  hommes  dans  les  retran- 
chements de  Paso-de-la-Patria  et  d'Humaïtâ.  11  avait  en  outre  un  corps  d'ob- 
servation  à  Itapua  (3.000  hommes)  et  des  troupes  d'occupation  dans  la  partie 
méridionale  du  Matto-Grosso.  Voici  les  forces  des  Alliés  à  cette  époque 
(mars  1866;  :  l°r  corps  brésilien,  33.078  hommes  (général  Ozorio)  ;  armée 
argentine,  11.500  hommes  (président  Mitre,  général  en  chef  des  Alliés)  ; 
armée  uruguayenne,  1.580  hommes  (général  Flores).  Total,  devant  le  Paso- 
de-la-Patria.  46.258  hommes,  et  l'escadre  brésilienne.  A  cette  même  date 
13.000  Brésiliens  formant  le  2e  corps  d'armée  (général  Porto-Alègre),  se  trou- 
vaient sur  l'Uruguay,  8.498  sur  les  frontières  méridionales  du  Rio-Grande- 
du-Sud.  el  6.361  daDs  la  province  de  Matto-Grosso.  Total  des  Brésiliens, 
60.943  hommes;  des  Argentins  et  Urugayens,  13,000  hommes.  Les  chiffres 
que  nous  donnons  dans  ce  travail  résultent  de  l'examen  des  documents  des 
Alliés  et  de  ceux  de  Lopez,  ainsi  que  des  déclarations  d'un  grand  nombre  d'of- 
ficiers paraguayens. 


180  LE     BRÉSIL     EN     1S89. 

quises  par  Ozorio.  Le  dictateur  transporta  alors  son  quartier- 
général  à  Paso  Pucû,  au  centre  de  plusieurs  lignes  fortifiées 
qui  renfermaienl  un  vaste  terrain  situé  entre  les  batteries 
d'Humaïté  e1  de  Curupaïty,  sur  le  Ûeuve  Paraguay,  el  les  posi- 
tions de  Sauce,  Rojas  el  Espinillo.  Ces  lignes  étaient  presque 
partout  inabordables  car  elles  étaient  construites  derrière  des 
marécages  et  des  petits  lacs.  La  bataille  d'Estero-Bellaco 
(2  mai),  gagnée  par  Ozorio  el  Flores,  et  celle  de  Tuyuty  [24  mai), 
par  le  président  Mitre,  qui  avait  en  sous-ordre  ces  deux 
généraux,  assurèrent  aux  Allies  la  possession  de  la  partie  sud- 
ouest  du  Paraguay,  qu'ils  venaient  d'occuper,  et  forcèrent  Lopez 
à  se  borner  à  La  défensive,  mais  ils  durent  rester  inactifs  devant 
les  retranchements  ennemis,  en  attendant  des  renforts.  Cepen- 
dant, le  16  juillet  ils  s'emparèrent  des  positions  de  Potrero 
Piriz  et  Boqueron,  mais  ils  furent  repoussés  le  18,  à  Sauce.  Les 
premiers  renforts  arrivés,  le  général  brésilien  comte  de  Porto- 
Alégre  (Marques  de  Souza),  appuyé  par  l'escadre  impériale,  prit 
d'assaut  Curuzû,  ouvrage  avancé  de  Curupaïty  (2  septembre),  et, 
ayant  reclamé  des  renforts  pour  pousser  en  avant,  il  s'ensuivit 
entre  les  généraux  alliés  ries  diseussions  pendant  lesquelles 
Lopez  augmenta  les  fortifications  de  Curupaïty.  Enfin,  le  prési- 
dent Milic,  avec  presque  toute  l'armée  argentine,  se  réunit  à 
Porto-Alegre,  et  le  22  septembre  ils  échouèrent  à  l'assaut  de 
Curupaïty. 

Ce  fut  alors  que  D.  Pedro  II  concentra  le  commandement  de 
ses  armées  de  terre  et  de  mer  entre  les  mains  du  maréchal  de 
Caxias,  et  que  la  plus  grande  partie  de  l'armée  argentine  se  retira 
pour  aller  reprimer  des  révoltes  et  des  résistances  de  gouverneurs 
de  province.  En  18G7  (22  juillet),  après  plusieurs  mois  d'inaction 
forcée  (le  choléra  avait  ravagé  les  campements  et  y  faisait  encore 
un  grand  nombre  de  victimes),  Caxias,  resté  général  en  chef  des 
Alliés  après  le  départ  de  Mitre  pour  Buenos- Aires,  commença  ses 
opérations  entre  Humaïtâ  et  les  lignes  de  Paso-Pucû.  Il  partit 
du  camp  retranché  de  Tuyuty,  dont  le  commandement  fut  confié 
à  Porto-Alegre,  et,  par  une  marche  de  flanc,  il  alla  se  placer  au 
nord-est  des  positions  ennemies,  du  côté  Tuyû-Cuê.  Mais  l'armée 
alliée  n'était  pas  assez  nombreuse  pour  investir  complètement 
un   si   vaste    système    de  fortifications1.  Les  cuirassés  brésiliens 

1.  Voici  la  compositioD  de  l'armée  alliée  le  22  juillet  1867  : 
Général  en  chef,  le  maréchal  marquis    puis  due;  de  Caxias.  —  En  marche 
sur  Tuyû-Cuê  avec  le  général  en  chef  :    Brésiliens,    1er  et  3c  corps  d'armée 


ESQUISSE    DE     L  HISTOIRE    DU    BRESIL.  181 

(amiral  Ignacio,  vicomte  (Tlnhaûma)  forcèrent  le  passage  de 
Curupaïty  [iSaoût),  et  commencèrent  le  bombardement  d'Humaïtâ, 

on  attendant  l'arrivée  de  quelques monitors  d'un  faible  tirant  d'eau 
que  le  ministre  de  la  marine  Affonso  Celso  faisait  construire  à 
l'arsenal  de  Rio.  Dans  les  environs  d'Humaïtâ  et  des  campements 
des  Alliés,  eurent  lieu  plusieurs  combats  assez  vifs  entre  les  Brési- 
liens et  l»1^  Paraguayens.  Le  20  septembre  la  division  de  cavalerie 
du  général  And  rade  Neves,  Brésilien,  remportait  la  victoire  de  Pilar. 
Peu  après,  Porto-Alégre  repoussait  l'ennemi  à  EsteroRojas  (24  sep- 
tembre ,  et  la  cavalerie  brésilienne,  sous  la  conduite  du  général 
Victorino  Monteiro,  parvenait  à  détruire  celle  de  l'ennemi  dans 
les  combats  de  Parê-Cuê  (3  octobre)  et  de  Tatayibâ(21  octobre). 
Le  général  Menna  Barreto  (Jean-Emmanuel)  s'emparait  de  Po- 
trero-Obella  (27  octobre)  et  de  Tayi  (2  novembre).  Comprenant 
l'importance  de  cette  opération,  qui  lui  fermait  les  communica- 
tions fluviales  entre  Humaïtâ  et  le  reste  du  pays,  Lopez  envoya 
contre  Tuyuty,  la  base  d'opérations  des  Alliés,  ce  qu'il  avait 
d'hommes  disponibles  sous  la  conduite  du  général  Barrios 
(3  novembre).  Les  Paraguayens  commencèrent  la  journée  en 
s'emparant  facilement  des  retranchements  occupés  par  un  batail- 
lon d'artillerie  brésilien  et  par  quelques  troupes  argentines,  mais 
ils  échouèrent  à  l'assaut  de  la  redoute  centrale,  où  se  trouvait 
Porto-Alegre,  et  subirent  des  pertes  très  grandes  lorsque  ce 
général  put  prendre,  à  son  tour,  l'offensive1. 

sous  le  commandement  des  généraux  Argollo  (vicomte  dTtaparica)  et  Ozorio 
(marquis  d'Herval),  21.521  hommes,  48  canons  ;  Argentins,  6.016  hommes, 
13  canons,  c'est-à-dire  presque  toute  leur  armée  en  opérations,  sous  le 
général  Gelly-y-Obes  ;  Uruguayens,  500  hommes,  6  canons,  sous  le  général 
E.  Castro,  qui  formaient  tout  le  contingent  d'un  des  trois  Alliés.  Total  des 
Allies  en  marche  sur  Tuyû-Cuê,  28.037  hommes.  — Retranchements  de  Tuyuty 
et  de  Paso-de-la-Patria: — Brésiliens,  2e  corps  d'armée,  général  comte  de 
Porto-Alegre  (Marques  de  Souza),  10.331  hommes  et  72  canons;  Argentins, 
sous  le  commandement  du  colonel  Baez  (Paraguayen),  700  hommes  et 
12  canons  (une  «  légion  »  composée  de  300  Paraguayens  faisait  partie  de 
cette  force).  —  Retranchements  du  Chaco  (rive  droite  du  Paraguay),  près  des 
positions  occupées  par  l'escadre  brésilienne  :  Brésiliens,  1.098  hommes, 
colonel,  puis  général,  Gurjâo.  —  Campement  d'Aguapehy  (province  argentine 
de  Corrientes)  :  Brésiliens,  2.600  hommes,  général  Portinho.  Garde  des  dépôts 
et  des  hôpitaux  (Corrientes,  Cerrito,  etc.)  :  Brésiliens,  4.499  hommes.  Les  Bré- 
siliens avaient  à  cette  époque,  outre  les  forces  ci-dessus  déclarées,  10.557  ma- 
lades. —  Province  de  Matto-Grosso  :  Brésiliens,  7,000  hommes. 

Paraguayens  :  L'armée  de  Lopez  à  Humaïtà  et  derrière  les  lignes  de 
Espinillo,  Rojas,  Sauce  et  Curupaity,  comptait  alors  30.000  hommes. 

1.  Le  savant  Agassiz  s'exprime  ainsi  dans  son  Voyage  au  Brésil  :  «  La 
puissance  du  Brésil  s'affirme,  en  ce  moment  même,  par  la  poursuite  de  la 
guerre   la    plus  importante  dont  l'Amérique  du    Sud    ait  été  le  théâtre.  En 


1  32  LE     BRÉSIL     i.  \     1889. 

Le  L9février  L868,  avanl  Le  jour,  sii  petits  cuirassés  brési- 
liens, commandés  par  Delphim  de  Carvalho,  forcèrenl  les  batteries 
d'Humaïtâ,  pendant  que  toute  L'escadre  de  L'amiral  Lnhaiima 
bombardail  les  fortifications  ennomies,  el  que  Caxias  prenail 
d'assaut  Reducto  Cierva,  ou  Kstablecimiento.  Dès  lors,  Lopez  ne 
util  plus  en  sécurité  à  Humaïta,  et,  ayant  essayé  sans  succès 
un  abordage  contre  les  grands  cuirassés  brésiliens  à  l'ancre 
devant  Riod'Oro,  en  aval  d' Humai  té  -1  mars),  il  traversa  Le  lleuvc 
en  face  de  (•••lie  forteresse,  avec  une  partie  do  sod  armée,  pour 
aller  organiser  de  nouvelles  défenses  sur  le  Tebicuary.  Ci  x  ias 
s'empara  <\c>  Lignes  <!•'  Curupaïty,  Sauce,  Hojas  et  Espinillo 
(21  mars),  puis  força  la  garnison  d'Humaïté  à  se  réfugier  sur  la 
rive  droite  du  Paraguay,  <»ù,  après  plusieurs  jours  do  combat  sur 
la Laguna  Veré,,  elle  mit  bas  les  armes  à  Isla-Poî  [5  août).  Mar- 
chant ensuite  vers  Le  nord,  il  s'empara  des  fortifications  duTebi- 
cuary,  el  arriva  à  Palm  as,  devant  de  nouvelles  Lignes  de  défense 
élevées  par  L'ennemi  sur  la  rive  droite  du  Pikysyry,  ei  proti 
par  dc^  marais,  qu'il  ne  put  ni  attaquer  de  front,  ni  tourner.  11  lit 
alors  construire,  sur  la  rive  droite  du  Paraguay  (Chaco  .  une  sorte 
de  chaussée  traversant  des  forêts  inondées  par  les  eaux  du  lleuvc 
(d,  Laissanl  à  Pal  mas  les  Argentins  et  LTrugayens,  ainsi  qu'une 
division  de  son  armée,  il  conduisit  par  cette  route  18.000  Brési- 
liens1, qui,  transportés  par  le-  cuirassés,  débarquèrent  sur  les 
derrières  des  ouvrages  ennemis.  Là  il  gagna  sur  le  général 
Caballero  les  batailles  du  Pont  d'itôrdré  (0  décembre)  (d  d'Avay 
(Il  décembre),  et  dix  jours  après  il  commenci  l'attaque  des 
retranchements  de  Lopez  à  Lomas  Valentinas,  nom  sous  lequel 
sont  désignées  les  collines  de  [ta-Ibaté  et  deCumbarity.  Le  même 
jour   il  décembre)  il  s'emparait  de  la  ligne  du  Pikysyry,  d'une 

effet,  la  lutte  ([no  ?« >ut im t  le  Brésil  n'a  aucun  caractère  égoïste  ;  dans  sa 
querelle  avec  le  Paraguay,  le  peuple  brésilien  doit  être  regardé  comme  le 
porte-drapeau  de  la  civilisation.  Tout  ce  que  je  sais  de  cette  guerre  m'a 
convaincu  qu'elle  a  été  entreprise  par  des  motifs  honorables,  et  qu'en  lais- 
sant de  cr.ir  1rs  petites  intrigues  des  individus, inévitable  suite  -le  ers  grands 
mouvements,  elle  est  conduite  dans  un  esprit  de  désintéressement  absolu. 
!.'•  Brésil,  dans  cette  lutte,  mérite  la  sympathie  dn  momie  civilisé  :  ce  qu'il 
attaque,  c'est  une  organisation  tyran  nique  demi-cléricale  et  demi-militaire 
qui,  eu  prenant  le  titre  de  République,  déshonore  le  beau  uom  qu'elle 
usurp 

l.  Effectif  de  l'armée  alliée  le  5  décembre  1868:  Brésiliens,  24.666  >ans 
compter  911  restés  à  Humaïta  :  Argentins,  4,300  ;  Uruguayens,  300.  Total: 
2'».2iii».  Effectif  de  l'armée  <\<-  Lopez:  corps  du  général  Caballero.  (i.c.uu  hommes  : 
retranchements  de  Lomas  Valentinas  el  du  Pikysyry,  13.000  ;  Angostura, 
1.300  ;  renforts  arrivés,  1.600  hommes.  Total  :  22.:>oii  hommes. 


ESQUISSE    DE    L'illSTOIRE    DU     BRÉSIL.  183 

partie  dos  retranchements  du  quartier  général  ennemi  et  de 
presque  tous  ses  canons.  Les  troupes  restées  à  Palmas  purent 
alors  franchir  le  Pikysyry  et  faire  leur  jonction  avec  Caxias,  et  le 
27  décembre,  les  Alliés  se  rendaient  maîtres  de  Lomas  Yalenti- 
nas.  Lopez  réussit  à  se  sauver  dans  la  direction  de  Cerro  Léon, 
suivi  d'une  cinquantaine  d'officiers  et  soldats,  son  armée  ayant 
été  complètement  détruite  dans  cette  campagne,  la  plus  sanglante 
de  la  guerre  du  Paraguay.  Les  Brésiliens  y  perdirent,  eux  aussi, 
en  lues  et  blessés,  une  grande  partie  de  leur  effectif1.  La 
forteresse  d'Angostura,  où  commandait  l'anglais  Thompson,  se 
rendit  aux  Alliés  (30  décembre),  qui,  aussitôt,  marchèrent  sur 
L'Assomption.  La  ville  était  déserte,  Lopez  ayant  forcé  les  habi- 
tants de  toute  la  rive  gauche  du  Paraguay  à  se  retirer  vers  l'inté- 
rieur. Pendant  sa  fuite  il  rencontra  quelques  troupes  de  renfort 
qui  venaient  le  rejoindre,  et  il  alla  se  fortifier  sur  la  Cordillère 
d'Ascurra,  où  il  parvint  à  organiser  une  nouvelle  armée2. 

Le  maréchal  de  Caxias,  malade,  avait  dû  laisser  le  comman- 
dement de  l'armée  (janvier  1869),  et  partir  pour  Rio.  La  dernière 
campagne  fut  dirigée  par  le  comte  d'Eu  (16  avril  1869 -1er  mars 
1870  ,  qui  prit  d'assaut  la  ville  de  Piribebuy  (12  août,),  écrasa  la 
majeure  partie  de  l'armée  de  Lopez,  conduite  par  Caballero,  à  la 
bataille  de  Campo-Grande  (18  août),  et  fit  poursuivre  les  vaincus 
dans  toutes  les  directions,  au  milieu  des  déserts  et  des  forêts  de 
l'est  et  du  nord  du  Paraguay,  malgré  les  difficultés  immenses 
qu'offrait  l'approvisionnement  des  troupes.  Enfin,  après  plusieurs 
engagements  partiels,  un  de  ses  lieutenants,  le  général  Camara, 
parvint  à  découvrir  et  à  surprendre  (1er  mars  1870)  le  campement 
de  Lopez  à  Cero-Corâ,  sur  un  affluent  de  l'Aquidaban,  près  des 
frontières  de  la  province  brésilienne  de  Matto-Grosso.  Le  dictateur 
n'avait  plus  qu'un  millier  d'hommes  qui  se  dispersèrent  à  l'arrivée 
des  Brésiliens.  Il  fut  tué  pendant  la  fuite,  et  cette  mort  mit  fin  à  la 
guerre  du  Paraguay  3. 

1.  Effectif  de  l'armée  alliée  le  31  décembre  1869  :  Brésiliens,  17.857  hommes 
(16.455  en  marche  sur  l'Assomption,  922  à  Villeta,  480  à  Humaïtà)  ;  Argentins, 
4.000  ;  Uruguayens,  300. 

■1.  La  nouvelle  armée  que  Lopez  avait  organisée  pour  cette  dernière  cam- 
pagne se  composait  de  16.000  hommes.  Celle  des  Alliés  était  formée  par  25.000 
Brésiliens,  3.000  Argentins  et  300  Urugayens. 

3.  Cette  guerre  a  coûté  au  Brésil  un  milliard  et  demi  de  francs 
(630  mille  contos). 

Voici  la  statistique  aussi  exacte  que  possible,  des  pertes  que  les  combats 
ont  occasionnés  aux  Alliés  et  au  dictateur  Lopez  : 

Brésiliens  :  5.858  tués  (dont  563  officiers)  ;    24.804  blessés  (2.051  officiers)  ; 


184  LE    BRÉSIL    EN    1889. 

Dès  L869  l  '  février  ,  après  les  victoires  du  maréchal  de  Caxias, 
le  ministre  des  affaires  étrangères  du  Brésil,  Silva-Paranhos, 
avait  été  envoyé  au  Paraguay  pour  diriger  la  réorganisation  du 
Le  Lo  août  (1869)  un  gouvernement  provisoire,  composé  de 
trois  Paraguayens,  fut  installé  à  l'Assomption  sous  les  auspices 
des  Alliés  '.  Ce  gouvernement  décréta,  sur  la  demande  du  comte 
d'Eu,  l'abolition  de  l'esclavage  au  Paraguay  (2  octobre  1869),  et 
signa  avec  les  Alliés  la  convention  préliminaire  de  paix  du 
2(i  juin  1S70.  Le  traité  définitif,  ainsi  que  celui  de  limites  (9  jan- 
vier 1872)  furent  négociés  à  L'Assomption  parle  baron  de  Cotegipe. 
Le  Brésil  se  contenta  des  frontières  dont  il  était  en  possession 
depuis  le  xvnie  siècle,  et  maintint  au  Paraguay  une  petite  armée 
et  une  escadre  pour  défendre  le  nouveau  gouvernement  et 
assurer  l'indépendance  de  cet  Etat,  qu'il  avait  déjà  protégé 
contre  l'ambition  du  dictateur  argentin  Rosas  (1845-1852).  Les 
dernières  troupes  brésiliennes  évacuèrent  le  Paraguay  le 
22  juin  1876  après  le  règlement  de  la  question  de  limites  entre 
le  Paraguay  et  la  République  Argentine. 

Le  parti  conservateur  était  revenu  aux  affaires,  le  1G  juillet 
L868,  avec  le  ministère  présidé  par  le  vicomte  d'Itaborahy,  qui 
employa,  comme  le  cabinet  précédent,  de  Zacarias  de  Vascon- 
cellos,  la  plus  grande  énergie  à  terminer  la  guerre  du  Para- 
guay ,  et  s'occupa  d'améliorer  la  situation  des  finances  de  l'Em- 
pire. 

L'abolition  de  l'esclavage  était  devenue  une  des  grandes  préoc- 
cupations de  Dom  Pedro  II  et  des  hommes  politiques  brésiliens, 
surtout  après  la  lutte  sanglante  dont  les  Etats-Unis  furent  le 
théâtre.  En  1866  (23  janvier),  l'Empereur  avait  accueilli  avec 
faveur  un  plan  d'abolition  graduelle  qui  lui  avait  été  présenté  par 
le  sénateur  Pimenta  Bueno,   créé  peu  après  vicomte   et  marquis 


1.592    disparus  et    prisonniers    (39  officiers);   total,  32, 254  hommes  hors  de 
combat    2.653  officiers). 

Argentins:     1,572  tués    (105  officiers),   4.026   blessés    (374  officiers),   343 
prisonniers  (1G  officiers)  ;    total,  5.944  hommes  (495  officiers). 

Urugayens  :  188  tués   (40  officiers),  704  blessés  (73    officiers;   total:  1.192 
hommes    L13  officiers). 

/     apitulalion  :  39.390  homme?  hors  de  combat,  dont  3.261  officiers. 

Paraguayens:  environ  85.000  tués,  blesses  ou  prisonniers. 

1.  Ce  fut  avec  des  prisonniers  de  guerre,  mis  en  liberté  parles  Alliés 
avec  les  vieillards,  les  femmes  et  les  enfants,  affranchis  de   la    tyrannie  de 
Lopez   par  les  expéditions  brésiliennes  envoyées  aux   forêts   de   l'intérieur, 
<pie  le  Brésil  a  pu  faire  renaître  le  Paraguay  et  ce  peuple   epae  le    dictateur 
avait  cherché  à  anéantir. 


ESQUISSE    DE     L'niSTOIRE     DU     BRÉSIL.  185 

de  Silo  Yicente1.  Ce  projet,  qui  répondait  entièrement  aux  vues 
de  l'Empereur,  fut  étudié  par  le  conseil  d'Etat  (1867-G8),  adopté 
avec  quelques  modifications,  mais  ajourné  pendant  la  durée  de 
la  guerre.  C'était  pour  le  Brésil  une  question  difficile,  car  tout  le 
travail  agricole  était  entre  les  mains  des  esclaves,  qui  formaient 
alors  un  cinquième  de  la  population  totale  de  l'Empire.  En  1870, 
après  le  rétablissement  de  la  paix,  la  Chambre  nomma,  sur  la 
proposition  du  député  Teixeira  junior,  aujourd'hui  vicomte  de 
Cruzeiro,  une  commission  dont  la  majorité,  composée  d'abolition- 
nistes,  rédigea  un  projet  (15  août)  identique  au  système  proposé 
par  le  marquis  de  Sâo  Vicente.  Des  divergences  d'opinion  entre 
les  ministres  amenèrent  alors  le  cabinet  Itaborahy  à  résigner  le 
pouvoir.  Sào  Yicente,  qui  était  aussi  un  des  chefs  du  parti  conser- 
vateur, et  à  qui  appartenait  l'honneur  de  l'initiative  dans  cette 
réforme,  fut  chargé  par  l'Empereur  d'organiser  le  nouveau  minis- 
tère (29  septembre  1870)  ;  mais  bientôt,  avant  laVentrée  des  Cham- 
bres, ce  savant  jurisconsulte  et  homme  d'Etat  se  retira,  décou- 
ragé devant  les  attaques  des  journalistes  de  l'opposition.  Le 
vicomte  de  Rio-Branco  (Silva-Paranhos)  forma  un  autre  cabinet 
conservateur  (7  mars  1871),  qui,  après  une  lutte  parlementaire 
de  cinq  mois,  réussit,  malgré  une  nombreuse  opposition,  à  faire 
triompher  la  première  loi  d'émancipation  graduelle  (28  septembre), 
sanctionnée  le  même  jour  par  la  princesse  impériale  Dona  Izabel, 
qui  était  la  régente  de  l'Empire  pendant  le  premier  voyage  de 
Dom  Pedro  II  en  Europe 2.  Cette  loi  déclarait  désormais  libres 
tous  les  enfants  nés  au  Brésil,  facilitait  les  manumissions,  et 
créait  un  fonds  spécial  destiné  à  racheter  chaque  année  un 
certain  nombre  d'esclaves3. 

1.  Le  député  Joaquim  Nabuco,  que  M.  E.  Levasseur,  de  l'Institut,  a 
surnommé  avec  raison  le  «  Buxton  brésilien  »,  a  écrit  les  lignes  suivantes 
dans  un  livre  publié  à  Londres  en  1883  :  «  Il  est  certain  que  l'action  person- 
nelle de  l'Empereur  s'est  exercée,  surtout  depuis  1845  jusqu'en  1850,  dans  le 
sens  de  la  suppression  de  la  traite,  et,  depuis  1866  jusqu'en  1871,  en  faveur 
de  l'émancipation  des  enfants  nés  de  mères  esclaves.  C'est  cette  influence  qui 
a  produit  la  loi  Eusebio  de  Queirôs  en  1851  et  la  loi  Rio-Branco  en  1871.  Ce 
fait  là,  si  le  souverain  voulait  écrire  ses  mémoires  et  raconter  l'histoire  de 
ses  divers  ministères,  il  pourrait  le  prouver  par  un  très  grand  nombre  de 
documents.  La  part  qui  revient  à  l'empereur,  dans  tout  ce  qui  a  été  exécuté 
pour  la  cause  de  la  libération  est  très  grande,  elle  est  essentielle.    » 

2.  65  députés  se  prononcèrent  pour  l'émancipation,  45  contre  (7  députés 
étaient  absents  et  2  sièges  vacants).  Au  Sénat  la  majorité  fut  grande  :  33  pour 
la  réforme,  7  contre  (16  sénateurs  étaient  absents  et  2  sièges  vacants). 

3.  Voir  sur  cette  loi  Michaux-Bellaire,  Considérations  sur  l'abolition  de 
l'esclavage  au  Brésil,  Paris,  1876;  et  L.  Couty,  L'esclavage  au  Brésil,  Paris  1881. 
—  Nous    avons   déjà   fait  mention    d'un    des  précurseurs  de  cette  cause  de 


LE     BRÉSIL     l'N      1889. 

La  discussion  de  la  réforme  avail  amené  la  scission  <lu  parti 
conservateur.  Un  grand  nombre  de  députés  et  quelques  séna- 
teurs se  séparèrent  du  cabinet  et,  dirigés  par  l'ancien  ministre 
Paulino  de  Souza,  ils  continuèrent  à  le  combattre  jusqu'en  L875- 
A  cette  époque  le  \  icomte  de  Rio-Branco  ayant  donné  sa  Rémis- 
sion, le  duc  de  Caxias l  forma  un  nouveau  ministère  (25  juin)  qui 
parvint  à  rétablir  l'union  des  conservateurs. 

Uni'  réforme  électorale,  votée  celle  même  année,  tout  en 
maintenant  L'élection  à  deux  degrés,  qui  existait  depuis  la  fonda- 
tion de  L'Empire,  établissait  le  vole  incomplet  avec  le  scrutin  de 
liste  ;  mais  l'opposition  Libérale  el  un  grand  nombre  de  conserva- 
teurs, parmi  Lesquels  Le  baron  de  Cotegipe  et  le  conseiller 
Paulino  de  Souza.  réclamaient  depuis  quelque  temps  l'élection 
directe.  Du  5  janvier  1S7S  au  20  août  1885,  le  gouvernement  fut 
aux  mains  des  libéraux.  Leur  premier  ministère,  présidé  par  le 
conseiller  Cansansâo  de  Sinimbu  tenta  cette  réforme  et  échoua 
devant  l'opposition  des  conservateurs  au  Sénat.  Son  successeur, 
le  conseiller  Saraiva  (28  mars  1880),  réussit  à  la  réaliser 
L'appui  du  baron  de  Cotegipe.  qui  était  devenu  le  chef  des  conser- 
vateurs, et  la  loi  du  9  janvier  188J  établit  enfin  le  suffrage  direct, 
et,  pour  l'élection  des  députés,  le  scrutin  d'arrondissement. 

Sous  ce  dernier  ministère  un  groupe,  d'abord  peu  nombreux, 
formé  d'hommes  appartenant  à  tous  les  partis,  commença  à 
agiter  l'opinion  et  à  demander  qu'une  date  fut  fixée  pour  l'abo- 
lition totale  de  l'esclavage.  11  se  composait  de  quelques  rares 
membres  du  Parlement,  entre  autres  le  député  Joaquim  Xabuco, 
et  de  plusieursjournalistes,  parmi  lesquels  il  faut  citer  en  première 

l'émancipation  an  Brésil,  l'abbé  Manoel  Ribeiro  Rocba  (1758  .  En  1810,  an 
magistrat,  Velloso  de  Oliveira,  de  la  province  de  Sâo  Paulo,  dans  un  mémoire 
adressé  à  Jean  VI,  alors  prince  régent,  demandait  la  liberté  des  enfants  qui 
naîtraient  de  mères  esclaves.  Hippolyte  da  Costa  Pereira,  dans  le  Correio 
Braziliense  (1808-22  signalail  L'émancipation  graduelle  des  esclaves  comme 
une  nécessité  pour  le  Brésil.  En  1822,  un  député  de  Babia,  Borges  de  Barros 
(depuis  vicomte  de  Pedra-Branca),  proposait  au  Cortès  constituantes  de  Lis- 
bonne,  sans  aucun  succès,  un  projet  d'émancipation  graduelle.  En  1825,  José 
Bonifacio  de Andrada  e  Silva  publiait  un  autre  projet  d'émancipation  pro- 
gressive. Le  18  mai  1830,  Antoine  Ferreira  França  présentait  à  la  Chambre  des 
députés  un  projet  pour  l'émancipation  graduelle  de  l'esclavage,  qui  devrait 
finir  entièremenl  le  25  mars  1881,  cl  trois  ans  après  (8  juin  1833),  un  autre 
projet  déclarant  Libres  tous  Les  uouveau-nés.  La  Chambre  refusa  de  discuter 
ces   deux  propositions. 

1.  Le  maréchal  de  Caxias,  né  à  Estrella  (province  de  Rio-de-Janeiro)  le 
2."»  août  1803,  est  morl  à Santa-Monica  (même  province)  le  7  mai  1880.  Quelques 
'"ois  après  L«»  nov.  Le  vicomte  de  Rio-Branco  (né  à  Bahia  le  L6  mars  1816) 
mourait  à  Rio-de-Janeiro. 


ESQUISSE     DE     L' HISTOIRE    DU     BRÉSIL.  187 

Kgne  Ferreira  de  Menezes  el  José  do  Patrocinio.  L'agitation  alla  en 
grandissanl  sous  les  ministères  MartinhoCampos  (21  janvier  1882), 
Paranagué  3  juillet  1882)  el  Lafayette  Pereira  (21  mai  1883). 

En  1884  les  provinces  de  Ceara  et  d'Amazonas  affranchirent 
leurs  esclaves,  et  la  même  année  le  ministère  Dantas  (du  6  juin), 
vivement  appuyé  par  l'Kmpereur  et  par  les  abolitionnistes, 
demanda  au  Parlement  la  libération  des  esclaves  à  partir  de  l'âge 
de  soixante  ans.  Une  coalition  de  quelques  libéraux  et  de  presque 
tous  les  députés  conservateurs  repoussa  cette  proposition  par 
une  motion  contre  le  ministère1,  et  l'Empereur  prononça  la  disso- 
lu! ion  de  la  Chambre;  mais  les  élections  générales  ne  changèrent 
pas  notablement  la  force  relative  des  partis,  et  à  la  rentrée  le 
ministère  dut  se  retirer  après  avoir  subi  un  second  échec  2.  Cepen- 
dant la  discussion  engagée  dans  le  Parlement  et  dans  la  presse 
avait  donné  une  grandeimpulsion  à  l'idée  aboli  tionniste.  Le  conseil- 
ler Saraiva  forma  un  nouveau  ministère  libéral  (6  mai  1885),  qui, 
avec  l'appui  des  conservateurs,  fît  triompher  à  la  Chambre  un 
projet  qui  déclarait  libres  les  esclaves  âgés  de  soixante  ans,  à 
condition  qu'ils  serviraient  encore  trois  ans  leurs  anciens  maîtres, 
fixait  un  tarif  de  la  valeur  des  esclaves  décroissant  avec  les 
années,  augmentait  les  fonds  destinés  au  rachat  annuel  des 
esclaves,  et  appliquait  certains  impôts  à  encourager  l'immigra- 
tion européenne.  La  discussion  de  ce  projet  fut  continuée  au 
Sénat  sous  la  direction  d'un  ministère  conservateur  organisé  le 
20  août  par  le  baron  de  Cotegipe,  et  la  nouvelle  loi  fut  promul- 
guée   le  28  septembre  1885. 

Le  nombre  des  esclaves,  qui  était  d'environ  1.800.000  en  1870, 
de  1.584.000  en  1873,  de  1.050.000  en  1885,  se  trouvait  réduit  à 
7 13.419  en  1887.  Il  y  avait  en  outre  (mars  1887)  plus  de  500.000  en- 
fants d'esclaves3,  nés  libres  en  vertu  delaloi  de  1871,  et  18. 946  sexa- 
génaires qui  devaient  encore  des  années  de  service. 

Cette  même  année  les  sénateurs  Corrêa  de  Oliveira  (Jean- 
Alfred)  et  Antonio  Prado,  deux  chefs  conservateurs,  se  pronon- 
cèrent pour  la  nécessité  d'une  nouvelle  loi,  et  ce  dernier  se  mit  à 
la  tête  de  la  propagande  dans  la  province  de  Sao-Paulo.  Un  grand 

!.  Cette  motion  fut  adoptée  par  59  voix  (42  députés  conservateurs  et 
17  libéraux    contre  52  (48  libéraux  et  4  conservateurs). 

2.  Cinquante  députés,  dont  43  libéraux,  3  conservateurs  et  2  républicains 
votèrent  pour  le  cabinet  ;  cinquante-deux  contre  (43  conservateurs,  9  libéraux), 

3.  Le  30  juin  1885  il  y  avait  439.831  enfants  d'esclaves,  nés  libres,  mais 
qui  étaient  au  service  des  maîtres  de  leurs  mères. 


188  LK     BRÉSIL     EN     18  80. 

oombre  de  planteurs,  parmi  Lesquels  tous  les  membres  de  la 
famille  Prado,  commencèrent  a  Libérer  leurs  esclaves,  et  ce  mou- 
vement de  générosité  gagna  le  pays  toul  entier.  Le  10  mars  isss 
Le  ministère  Gotegipe  ayant  donné  sa  démission,  La  princesse 
impériale  régente  chargea  Le  conseiller  Corrêa  de  Oliveira  de  for- 
un  t  un  nouveau  ministère, et  cet  homme  d'Etat  s'adjoignil  comme 
collègue  le  conseiller  Antonio  Prado.  Enfin,  après  quatre  jours 
de  discussion,  les  deux  Chambres  votèrenl  presque  à  l'unanimité, 
au  milieu  de  l'enthousiasme  général,  la  loi  du  \',\  mai  1SS8  qui  a 
aboli  complètement  dès  cette  date,  et  sans  aucune  restriction, 
l'esclavage  au  Brésil {. 

Pendant  le  règne  actuel,  et  par  suite  des  voyages  de  l'empe- 
reur à  l'étranger,  la  princesse  impériale  Doua  Izabel  a  eu  trois 
fois  la  régence  de  l'Empire  :  du  25  mai  1871  au  30  mars  1872,  du 
2G  mars  1S7C»  au  25  septembre  1877  et  du  30  juin  1887  au  21 
août  1888. 

Depuis  une  quarantaine  d'années,  le  Brésil,  pacifié  à  l'inté- 
rieur, a  fait  de  grands  efforts,  sous  la  direction  de  l'empereur 
Dom  Pedro  II,  pour  répandre  l'instruction,  pour  élever  le  niveau 
de  l'enseignement,  pour  développer  l'agriculture,  l'industrie  et  le 
commerce,  et  pour  tirer  partie  des  richesses  naturelles  du  sol  par 
la  construction  de  voies  ferrées,  par  l'établissement  de  lignes  de 
navigation  et  par  des  faveurs  accordées  aux  immigrants.  Les 
résultats  obtenus  depuis  la  clôture  de  la  période  révolutionnaire 
sont  déjà  considérables  :  nulle  part  en  Amérique,  sauf  aux  Etats- 
Unis  et  au  Canada,  la  marche  du  progrès  n'a  été  plus  ferme  ni 
plus  rapide. 

i.  La  Chambre  des  députés  se  compose  aujourd'hui  de  125  membres, 
mais  :j  sièges  étaient  vacants,  et  22  conservateurs  et  7  libéraux  n'étaient  pas 
présents  au  vote.  Quatre-vingt-quatre  députés  (64  conservateurs  et  20  libé- 
raux) votèrent  pour  l'abolition;  9  conservateurs,  contre. 

Au  Sénat,  composé  de  60  membres,  quarante-trois  (19  conservateurs  et 
2t  littéraux  ont  voté  pour  la  loi,  6  conservateurs  contre.  Cinq  conserva- 
teurs et  quatre  libéraux  étaient  absents  et  3  sièges  vacants. 


CHAPITRE  VI 

POPILVTIOX,    TERRITOIRE,    ÉLECTORAT 

Par  M.  J.-P.  FAVILLA-NUNES1 


I.  Population.  —  En  dehors  d'une  tentative  d'enrôlement  de 
la  population  faite  par  M.  le  conseiller  Paulino  de  Souza,  nous 
n'avons  encore  eu  au  Brésil  qu'un  seul  recensement  général, 
opéré  en  1872,  il  y  a  près  de  dix-sept  ans,  parles  soins  de  M.  le 
conseiller  Joâo-Alfredo,  alors  ministre  de  l'intérieur.  C'est  la 
seule  base  sérieuse  que  nous  possédions  pour  nos  études  de  dé- 
mographie. Dans  la  ville  de  Rio-de-Janeiro,  on  a  procédé  à  plu- 
sieurs recensements  locaux  à  différentes  époques.  Le  premier  de 
ces  recensements  partiels  eut  lieu  en  1799,  par  ordre  du  comte 
de  Rezende,  alors  vice-roi  du  Brésil  colonial.  Le  second  fut  effec- 
tué sous  le  règne  du  roi  de  Portugal  Dom  Jean  VI,  en  1821. 

Le  troisième  fut  effectué  en  1838  par  les  soins  de  feu  le 
conseiller  Bernardo  de  Vasconcellos,  alors  ministre  de  l'intérieur. 
Enfin,  en  1849,  on  procéda  à  un  nouveau  recensement  à  Rio-de- 
Janeiro  par  ordre  de  feu  le  conseiller  Eusebio  de  Queiroz,  alors 
ministre  de  la  justice. 

Le  recensement  de  1872  donnait  au  Brésil  une  population  de 
9.930.478  habitants.  Mais  ce  recensement  était  incomplet.  Il  ne 
comprenait  ni  32  paroisses  dans  tout  l'Empire,  ni  10.993  Indiens 
localisés  dans  des  hameaux  de  la  province  de  Maragnon,  ni 
4.059  habitants  de  la  province  de  Rio-de-Janeiro. 

1.  M.  Favilla-Xunes  s'est  fait  connaître  au  Brésil  par  une  série  d'études 
de  statistique  dont  quelques-unes  ont  été  publiées  par  les  soins  du  Gouver- 
nement. Cette  notice,  que  nous  avons  arrangée,  est  empruntée  à  Tune  de 
ces  études  qu'il  nous  a  envoyée. 


l'jo  LE     BRÉSIL     EN      1889. 

Celle  population  de  9.930.478  habitants  comprenait  8.419.672 
citoyens  et  1 .510.806  esclaves,  car  L'esclavage  existait  encore  à  cette 
époque  là.  Au  point  de  vue  de  la  race,  ces  (.). 930.  178  habitants  se 
répartissaienl  en  3.80i  782  habitants  mulâtres  et  métis,  3.787.289 
habitants  de  race  caucasienne,  L. 959. 452  habitants  de  race  afri- 
caine, et  386.955  habitants  de  race  indienne-américaine.  Au  point 
de  vue  du  sexe,  on  comptai!  5. 1 23.869  habitants  du  sexe  masculin, 
dont  4.318.699  libres  et805.170  esclaves;  et  1.806.609  habitants 
du  sexe  féminin,  dont  1.100.973  libres  et  705.636  esclaves.  Au 
point  de  vue  de  la  religion,  on  comptait  9.902.712  habitants 
catholiques,  dont  8.391.906  libres  et  1.510.806  esclave-,  et 
27.766  habitants  non-catholiques,  tous  libres.  Au  point  de  vue  de 
la  nationalité,  la  population  libre  (8.419.672)  se  répartissait  en 
8.176.191  Brésiliens  et  243.481  étrangers. 

Celte  population  n'a  pu  rester  stationnaire  eu  aucune  manière 
depuis  cette  époque.  N'ayant  aucune  base  proportionnelle  pour 
en  faire  l'estimation,  on  L'a  calculée  d'une  manière  plus  ou  moins 
divergente. 

.Nous  essayons  aujourd'hui  une  estimation  rapprochée  de  la 
réalité,  et  nous  l'établissons  sur  des  coefficients  raisonnables  et 
aussi  exacts  <|ue  possible. 

En  calculant  en  général  les  naissances  probables  à  4  pour  100 
de  la  population  et  les  décès  à  2  pour  100,  la  différence  en  faveur 
de  la  natalité  est  de  2  pour  100.  Ce  calcul  ne  s'applique  qu'aux 
provinces  qui  ne  reçoivent  pas  encore  un  nombre  sensible  d'im- 
migrants, et  il  faut  se  rappeler  que  les  populations  rurales  ou  les 
populations  disséminées  sur  de  vastes  territoires,  comme  cela 
arrive  au  Brésil,  ont  plus  d'éléments  de  vitalité  et  de  fécondité 
que  les  populations  urbaines  ou  accumulées  sur  un  petit  es- 
pace. 

Aussi  donnons-nous  pour  chacune  des  provinces  que  nous 
allons  énumérer  la  proportion  suivante  d'augmentation  annuelle 
parlOO  habitants:  Maragnon,  Piauhy,  Céarâ,  Rio-Grande-du-Nord, 
Pernambuco,  Aiagôas,  Sergipe,  Bahia,  Goyaz  et  Matto-Grosso, 
-2  pour  L00:  —  Amazon  as,  qui  a  reçu  un  certain  nombre  d'immi- 
grants, 2,5  pour  100  ;  Para,  Espirito-Santo,  Rio-de-Janeiro  (ville), 
Rio-de-Janeiro  (province),  Paranâ,  Santa-Catharina,  Rio-Grande- 
du-Sud  et  Minas-Geraes,  3  pour  100;  San-Paulo,  3,5 pour  100. 

L'augmentation  de  la  population  produite  parles  Immigrants 
se  trouve  donc  être  la  suivante  [tendant  les  seize  années  écoulées 
depuis   1S72: 


POPULATION,      TERRITOIRE,      ÉLECTORAL  191 

Provinces.  Augm.  ann.  par  100  hab.      Total  en  1G  années 

rYmazonas 

Paré 


Espirito-Santo 

Rio-de-Janeiro  (ville) 

Rio-de-Janeiro  (province). 

Saa-Paulo 

Paranë 

Santa-Catharina 

Rio-Grande-du-Sud 

Minas-Geraes 


0,5.... 

1,0 

1,0.... 
1,0.... 
1,0.... 
1,5.... 
1,0.... 
1,0.... 
1,0.... 
1,0..., 

Total.. 


11.521 

44.037 
13.141 

43.995 

125.885 

175.843 

20.095 

25.514 

69.570 

326.357 

855.958 


Ce  calcul  donne  une  moyenne  annuelle  de  53.497  immigrants 
pour  tout  l'Empire.  On  ne  peut  pas  trouver  ce  chiffre  exagéré, 
car  le  seul  port  de  Rio-de-Janeiro  a  reçu,  pendant  les  dix  années 
écoulées  de  1875  à  1884,  comprises  dans  la  période  dont  nous 
nous  occupons,  228.407  immigrants,  et  pendant  les  quinze  années 
écoulées  de  1870  à  1884  le  nombre  des  immigrants  débarqués  à 
Rio-dc-.Ianeiro  a  été  de  303.179. 

La  population  entière  du  Brésil  se  répartissait  de  la  manière 
suivante,  selon  le  recensement  de  1872  : 


PROVINCE: 


Amazonas 



Maranhào 

l'iauli\ 



Rio-Granile-du-Xonl 
Parahyba-du-Nord  . . 
Pernambuco 



Bahia 

Espirito-Santo 

Rio-de-Janeiro 

ulo 

Paranâ 

Santa-Catharina  . . . 
Rio-Grande-du-Sud. 



Goyaz 

Matto-Gr  isso 

Total 


POPULATION 

POPULATION 

TOTAL 

LIBRE 

ESCLAVE 

56.631 

979 

57.610 

247.779 

27.458 

L75.237 

284.101 

74.939 

359.040 

178.427 

23.795 

202.222 

689.773 

31.913 

721.689 

220.959 

13.020 

233.979 

354.700 

21.526 

376.226 

752.511 

89.028 

841.539 

312.268 

35.741 

348.009 

153.620 

22.623 

176.213 

1.211.792 

167.824 

1.379.613 

59.478 

22.659 

82.137 

226.033 

48.939 

274.972 

490.087 

£92.637 

782.724 

680.742 

156.612 

837.354 

116.162 

10.560 

126.722 

144.818 

14.984 

159.802 

367.022 

67.791 

434.816 

1.669.276 

370.459 

2.039.735 

149.743 

10.652 

160.395 

53.750 

6.667 

60.417 

8.429.672 

1.510.806 

9.930.478 

192 


LE     BRÉSIL     EN     18  89. 


Cette  même  population,  calculée  d'après  nos  indications  pré« 
cédentes,  donne,  pour  L'année  1888,  1rs  résultats  suivants: 


PROVINCES 


\i  GMBH  rATIO 

annuelle 

par  ioo  bah 


Amazonas 

l'ara    

Maragnon 

l'iauliy 

Cearâ  

Elio-Grande-du-Nord 

Parahyba 

Pernambuco 

Alagoas 

Sergipe 

Bahia 

Espirito-Santo 

Municipe  neutre.. . 

Rio  de-Janeiro 

San-Paulo 

Parana 

Santa-Catharina  . . . 
Rio  i  irande-du-Sud. 

Minas-Geraes 

Goyaz 

Matto-Grosso 

Total. . . 


AUJllKM.UIiiN 


23.014 
132.113 
118.410 

64.711 

230.939 

74.813 

120.392 

2G9.292 

111.362 

50.397 

441.  176 

39.42S 

131.986 

377.655 

408.918 

00.826 

7U.544 

208.711 

97!).  072 

51.326 

19.333 


4.050.805 


POPULATION 
on  1888. 


80.054 
407.350 
188.443 

952.625 

308.852 
49(3.618 

1.110.831 
459.371 
232.640 

1.821.083 
121.562 
406.958 

l. 164.438 

1.306.272 
187.548 
236.340 
613.527 

3.018.807 

211.721 

79.750 


11.0U2.335 


Dans  ce  calcul  nous  avons  tenu  compte  des  10.993  Indiens  de 
la  province  de  Maragnon  et  des  4.059  habitants  de  l'une  des 
paroisses  de  la  province  de  Uio-de-Janeiro  qui  n'avaient  pas  été 
compris  dans  le  recensement  de  1872.  Mais  nous  avons  négligé 
les  32  paroisses  qui  n'ont  pas  été  comprises  dans  le  recensement 
de  1872  dans  les  provinces  de  Maragnon,  Piauhy,  Sergipe,  Rio-de- 
Janeiro,  Uio-Grande-du-Sud  et  Minas-Geraes.  Nous  n'avions 
aucune  base  pour  en  faire  une  estimation,  même  approximative. 

Le  tableau  suivant  renferme  toutes  les  données  relatives  à  La 
population  du  Brésil  : 


POPULATION,  TERRITOIRE,  ÉLECTORAT, 


193 


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l',U  LE     BRÉSIL     EN     18  80. 

II.  Territoire. —  D'après  Les  meilleurs  calculs  il  semble  établi 
que  La  superficie  totale  du  Brésil  embrasse  une  superficie  de 
8.337.218  kilomètres  carrés,  soit  85  [tour  100  du  territoire  de 
L'Europe  entière. 

Detousles  pays  d'Euro] t  d'Amérique,  si  Ton  en  exclut  les 

possessions  et  domaines,  c'est  le  Brésil  qui  a  la  plus  grande  su- 
perficie. 

Les  États-Unis  de  l'Amérique  du  .Nord  avec  ses  38  États 
comptent  4.404.668  kilomètres  carrés,  et  3.926.692  kilomètres 
carrés  de  plus  appartenant  aux  territoires  annexes,  au  territoire 
indien,  à  celui  d'Alaska  et  aux  baies  de  Delaware,  Raritan  et 
New-York. 

En  Europe,  L'État  qui  a  le  plus  vaste  territoire  est  la  Russie, 
avec  5.016.024  kilomètres  carrés,  3.321.194  kilomètres  carrés  de 
moins  que  le  Brésil.  Cependant.,  L'empire  russe  est  le  plus  grand 
pays  du  inonde  au  point  de  vue  de  la  superficie,  car,  ;ivec  la 
Sibérie,  le  Caucase,  l'Asie  centrale,  en  Asie,  et  Le  Grand-Duché  de 
Finlande,  en  Europe,  il  a  21.702.230  kilomètres  carrés  de  super- 
ficie. 

La  grande-Bretagne  vient  après.  En  Europe,  elle  n'a,  avec 
l'Irlande,  que  314.951  kilomètres  carrés  ;  mais  avec  l'empire  des 
Indes  et  les  autres  possessions  elle  a  un  territoire  de  20.135.547 
kilomètres  canes. 

La  Chine  proprement  dite  est  plus  petite  que  le  Brésil,  car 
elle  compte  à  peine  4.024.690  kilomètres  carrés  ;  mais  avec  la 
Mandchourie,  la  Mongolie,  le  Tibet,  le  Dsoungarie,  le  Tourkistan 
de  l'Est  et  la  Corée,  elle  aune  superficie  de  11.792.548  kilomètres 
carrés. 

Le  territoire  du  Brésil  se  divise  comme  suit  : 

Kilomètres  carrés. 

Amazonas 1.897.020 

Paré 1.149.712 

Maranhâo 459.884 

Piauhy 301.797 

Ce  na 10Ï.250 

Rio-Grande-du-Nord 57.485 

Parahyba 7ï.7.;i 

Pernambuco 128.395 


A  reporter 4.173.274 


POPULATION,     TERRITOIRE,     ÉLECTORAL  19*. 

Report 4.173.274 

AJagôas 58. 491 

Sergipe 19.090 

Bahia 426.427 

Espirito-Santo 44.839 

Municipe  neutre 1.394 

Rio-de-Janeiro 68.982 

S.  Paulo 290.876 

Parané 221.319 

Santa-Catharina 74.156 

Rio-Grande-du-Sud 236.553 

Minas-Geraes 574.855 

Goyaz 747.311 

Matto-Grosso 1.379.651 


Total 8.337.218 

La  province  la  plus  petite  est  celle  de  Sergipe,  qui  n'a  que 
39.090  kilomètres  carrés.  Malgré  cela,  elle  est  encore  plus  grande 
que  le  Danemark,  que  les  Pays-Bas,  que  la  Belgique,  que  les 
Républiques  de  Haïti  et  de  San-Salvador  et  que  beaucoup  d'autres 
États. 

La  plus  grande  est  celle  de  l'Amazonas,  avec  1.897.020  kilo- 
mètres carrés.  Elle  se  divise  en  15  Municipes,  de  sorte  que  cha- 
cun d'eux  a  une  superficie  moyenne  de  126.468  kilomètres  carrés, 
lu  Municipe  quelconque  de  cette  province  est  donc  plus  étendu 
que  le  Portugal,  la  Bavière,  la  Grèce,  la  Bulgarie,  la  Serbie  ou 
la  Suisse. 

Exception  faite  de  la  Russie,  n'importe  lequel  des  autres 
Etats  de  l'Europe  est  plus  petit  que  l'une  des  provinces  de  l'Ama- 
zonas, de  Para,  de  Goyaz  et  de  Matto-Grosso. 

Cette  dernière  province  se  compose  de  10  Municipes,  ayant 
chacun  en  moyenne  une  superficie  de  137.965  kilomètres  carrés. 
Mais  il  y  en  a  un,  le  Municipe  de  Santa- Anna-do-Parnahyba,  qui  ne 
se  compose  que  d'une  paroisse  ayant  une  superficie  de  158.273 
kilomètres  carrés. 

Nous  allons  donner  le  territoire  du  Brésil  et  ses  vingt  pro- 
vinces séparément,  en  le  comparant  à  celui  de  divers  pays  du 
globe  : 


196  LE     BRÉSIL     EN     1S89. 

Kilomètres   carrés. 

Russie,  avec  la  Finlande,  la  Sibérie  et  le 

Caucase 21.702.230 

Angleterre,   avec  les  Indes   et  toutes 

possessions 20.135..Vi7 

Sibérie 12.495.109 

Chine,  Mandchourie  et  pays  sujets  à  la 

Couronne 1 1 .  7(.i2..Vitt 

Etats  de  l'Europe  avec  les  mers  et  les 

baies  intérieures 9.902.631 

États-Unis  avec  tous  les  Territoires.   .  9.331.360 

Brésil 8.337.218 

Canada,  avec  les  mers  et  les  lacs  inté- 
rieurs   8.301.503 

Empire  Ottoman  avec  toutes   les  pos 
sessions    immédiates,     États   tribu- 
taires  et  protectorats G.23G.250 

États-Unis  sans  les  Territoires  annexes .  5 . 4?4 .  G68 

Russie  d'Europe  avec  la  Pologne.    .    .  5.016.02 \ 

Empire  chinois  sans  les  dépendances.  4.024.690 

Asie  centrale 3.017.760 

Egypte 2.987.000 

République  Argentine 2.835.970 

Australie   occidentale 2.527.530 

Mexique 1.945.723 

Province    de  VAmazonas 1.897.020 

Quecnsland 1.730.630 

Province    de    Malto-Grosso 1.379.631 

Bolivie 1.297.255 

Province  de  Paru. 1.149.712 

Venezuela 1.137.615 

Pérou 1.119.941 

Australie  méridionale 983.655 

Colombie 830.700 

Maroc,  Sahara  et  dépendances.    .    .    .  812.300 

Nouvelles  Galles  du  Sud 800.730 

Province  de    Goyaz 7  i7 .  311 

Siam 726.850 

Equateur 643,295 

Chili  avec  les  îles (536.769 

Autriche-Hongrie 625.168 


POPULATION,      TERRITOIRE,     ELECTORAT. 


197 


Kilomètres  carrés. 

Province  de  Minas-Geraes 574.853 

Empire  allemand 540.514 

Chili  sans  les  îles  et  les  possessions.   .  537.187 

France 528.571 

Espagne  et  dépendances 507.033 

Espagne  sans  les  dépendances.    .    .    .  500.443 

Caucase 459.884 

Province  de  Maragnon 459.884 

Suède 450.574 

Annam,  avec  laCochinchine,  leTonkin 

et  Tsiampa 440.500 

Algérie 430.000 

Province  de  Bahia 426.427 

Japon 382.447 

Finlande 373.603 

Prusse 348,258 

Territoire  Transcaspien 327.068 

Turquie  d'Europe,   possessions  immé- 
diates, Roumélie  orientale,   Bosnie, 

Herzégovie,  Sandjak,  Bulgarie.    .    .  326.376 

Hongrie 322.285 

Norvège 318.195 

Grande-Bretagne  et  Irlande 314.951 

Province  de  Piauhy 301.797 

Autriche 299.984 

Italie 296.323 

Province  de  San-Paulo 290.876 

Nouvelle   Islande 270.392 

Turquie  d'Europe,  sans  les  dépendances  262 .  404 

Paraguay 238.290 

Province  de  Rio-Grande-du-Sud.    .    .    .  236.553 

Victoria  (Australie) 227. 610 

Province  de  Paranâ 221.319 

Uruguay 186.920 

Un  Municipe  de Matio-Grosso 158.273 

Nicaragua 133.800 

Roumanie 129.947 

Province  de  Pernambuco 128.395 

Un  Municipe  de  T Amazonas 126.468 

Guatemala 121.140 


U;     BRÉSIL     EN     1889. 

Kilomètres  carréi 

Honduras 120.480 

Tunisie '  L6.348 

Province   de    Cearâ L04.250 

Portugal 89.625 

Irlande 84.252 

Ecosse 78.895 

Bavière 75.859 

Province  de  Parahyba-du-Nord .    .    .    .  74.731 

Province  de  Santa-Catharina 74.156 

Province  de  Rio-de-Janeiro 68.982 

Tasmanie 68.309 

Grèce      64.688 

Bulgarie 63.927 

Provint*'  d'Alagâas 58.494 

Province  de  Rio-Grande-du-Nord.    .    .  57.485 

République  dominicaine 53.343 

Costa-Rica 51.760 

Serbie 48.590 

Province   d'Fspirito-Santo 44.839 

Suisse 41.390 

Province  de  Sergipe 39.090 

Danemark 38.302 

Sibérie 37.200 

Hollande •    •    .  33.000 

Belgique 29.455 

Haïti 23.911 

San-Salvador 18.720 

Monténégro 9.030 

Luxembourg 2.507 

M  unir  if»'  Neutre 1.394 

Andorre -){)  l 

Liechtenstein 157 

Saint-Marin 

Monaco 


9-7 


En  acceptant  comme  base  le  calcul  de  la  population  que  nous 
venons  d'établir,  le  territoire  des  provinces  du  Brésil  comparé 
avec  le  chiffre  de  la  population  donne  comme  densité  kilométrique 
les  résultats  suivants  : 


POPULATION,  TERRITOIRE,  ÉLECTORAT. 


199 


P  R  0  VIN  CE  S 

POPULATION 

SUPERFICIE 
en  kilom.  carrés 

HABITANTS 
par  kilom.  carré 

A  mazonas 

Para    .                          

80.654 

407.350 
488.443 
266.933 
952.625 
308.852 
496.618 

1.110.831 
459.371 
232.640 

1.821.089 
121.562 
406.958 

1.164.438 

1.306.272 

187.548 

236.346 

64.527 

3.018.807 

211.721 

79.750 

1.897.020 

1.149.712 

459.884 

301.797 

104.250 

57.485 

74.73.1 
128.395 

58.491 

39.090 
426.427 

44.839 
1.394 

68.982 
290.876 
221.319 

74.156 

236.553 

574.855 

747.311 

1.379.651 

0.04 

0.35 
1.06 

0.88 
9.13 
5.37 
6.64 
8.63 
7.85 
5.95 
4.27 
2.71 
291.96 
16.88 
4.49 
0.84 
3.18 
2.72 
5.25 
0.28 
0.06 

Cearil. 

Total 

14.002.335 

8.337.218 

1.67 

Ce  tableau  démontre  que  la  population  spécifique  du  Brésil 
est  à  peine  de  1.67  habitants  par  kilomètres  carrés,  et  que  les 
provinces  ayant  un  territoire  très-vaste  sont  les  moins  peuplées 
relativement,  tandis  que  celles  qui  ont  un  territoire  moins  vaste 
ont  une  population  plus  dense. 

Classées  d'après  la  superficie  de  leur  territoire,  les  provinces 
occupent  le  rang  suivant  : 

Kilomètres  carrés. 

Amazonas 1.897.020 

Matto-Grosso 1.379.651 

Para 1.149.712 

Goyaz 747.311 

Minas-Geraes 574.855 

Maragnon   459.884 

Bahia 426.427 

Piauhy    301.797 

San-Paulo 290.876 

Rio-Grande-du-Sud 236.553 

Paranâ 221e319 

Pernambuco 128.395 

Cearâ 101.250 


200  LE     BRÉSIL     EN     1889. 

Kilomètres  carrés. 

Parahyba-du-Nord 71.731 

Santa-Catharina 74.156 

Rio-de-Janeiro 68.982 

Alagôas 38.491 

Rio-Grande-du-Nord 57.483 

Espirito-Santo U.839 

Sergipc 39.090 

Municipe  Neutre 1.394 

Classées  d'après  la  densité  de  la  population,  les  diverses 
provinces  occupent  un  rang  bien  différent,  comme  on  va  le 
voir  : 

Habitants 
par  kilomètres  carrés. 

Municipe  Neutre 291.96 

Rio-de-Janeiro 16.88 

Cearà 9.13 

Pernambuco 8.63 

Alagôas 7.83 

Parahyba-du-Nord 6.64 

Sergipe 3.95 

Rio-Grande-du-Nord 5.37 

Minas-Geraes 5.25 

San-Paulo 4.49 

Bahia 4.27 

Santa-Catharina 3.18 

Rio-Grande-du-Sud 2.72 

Espirito-Santo 2.71 

Maragnon 1.06 

Piauhy.    . 0.88 

Paranâ 0.84 

Para 0.35 

Goyaz 0.28 

Matto-Grosso 0.05 

Amazonas 0.04 


Le  tableau  suivant  montre  le  rang  qu'occupe  chacune  des 
provinces  du  Brésil,  au  triple  point  de  vue  de  la  superficie,  de  la 
population  absolue  et  de  la  population  par  kilomètre  carré  : 


POPULATION,     TERRITOIRE,     ÉLECTORAT.  201 

D'après  D'après  D'après 

le  la  la   densité 

territoire.      population,      kilométrique. 

Ainazonas 1  20  21 

Matto-Gosso 2  21  20 

Para 3  il  18 

Goyaz 4  17  19 

Minas-Geraes 5  1  9 

Maragnon 6  9  15 

Bahia 7  2  11 

Piauhy 8  14  16 

San-Paulo 9  3  10 

Rio-Grande-du-Sud    .    .  10  7  13 

Paranâ 11  18  17 

Pernambuco 12  5  4 

Cearâ 13  6  3 

Parahyba-du-Nord.    .    .  14  8  6 

Santa-Catharina.    ...  15  15  12 

Rio-de-Janeiro 16  4  2 

Alagôas 17  10  5 

Rio-Grande-du-Nord .    .18  13.  8 

Espirito-Santo 19  19  14 

Sergipe 20  16  7 

Municipe  Neutre.    ...  21  12  1 

On  voit  que  la  province  de  TAmazonas  est  la  première  en 
erritoire,  l'avant-dernière  en  population  et  la  dernière  au  point 
f  de  vue  de  la  densité  de  la  population,  et  que  le  Municipe  neutre, 
le  dernier  au  point  de  vue  de  retendue  du  territoire,  est  le  dou- 
zième pour  la  population  absolue  et  le  premier  au  point  de  vue 
de  la  densité  de  la  population. 

Si  jamais  le  Brésil  parvenait  à  être  peuplé  comme  la  Belgique, 
son  vaste  territoire  contiendrait  le  chiffre  formidable  de 
1.667.443.600  habitants,  c'est-à-dire  une  population  supérieure  à 
celle  du  monde  entier  à  l'heure  présente  ! 

III.  Électorat.  —  L'Empire  du  Brésil  est  divisé  en  125  districts 
électoraux,  qui  élisent  125  représentants  temporaires  (députés, 
élus  pour  4  ans),  60  représentants  à  vie  (sénateurs)  et  641  mem- 
bres des  assemblées  provinciales  (élus  pour  2  ans). 

Ces   125   districts  électoraux  comprennent  20   provinces  et 


202  LE     BRÉS1  i.     i  N      L8 

892  Municipes,  avec  330  villes,  562  bourgs  (villas]    el    L.866   pa 
poiss 

Jusqu'à  la  révision  de  1887,  le  nombre  des  électeurs  au  Brésil 
étail  de  220.000  à  peu  près,  soit  1.5  pour  L00  de  la  population 
totale.  C'esl  un  des  électorats  les  moins  nombreux  que  l'on  con- 
naisse. 

L"  tableau  suivant  donne  quelques  indications  précieuses  au 
sujet  de  la  représentation  nationale,  d'après  le  territoire  de 
chaque  province,  d'après  sa  population  et  les  revenu-  qu'elle 
verse  à  L'État. 


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CHAPITRE  VII 


TRAVAIL    SERYIIE    ET    TRAVAIL    LIBRE 


Par  M.  F.-J.  de  SANTA-ANNA  NERY 


La  loi  n°  3353  du  13  mai  1888  a  aboli  définitivement  l'escla- 
vage dans  l'empire  du  Brésil.  Elle  n'a  pas  rendu  seulement  la 
liberté  aux  noirs  qui  restaient  encore  en  servitude,  et  dont  le 
nombre,  d'après  une  statistique  officielle  en  date  du  30  mars  1887, 
s'élevait  à  723.419,  évalués  à  la  somme  de  485.225  contos,  soit,  au 
change  de  400  réis  pour  1  franc,  à  plus  de  1  milliard  213  millions 
de  francs.  La  loi  d'or  —  lei  aurea,  comme  on  l'a  appelée  là-bas 
—  a  aussi  rompu  tout  lien  entre  les  anciens  maîtres  et  les  affran- 
chis ou  ingenuos,  nés  libres  en  vertu  de  la  loi  du  28  septembre 
1871,  mais  qui  devaient  leurs  services  jusqu'à  l'âge  de  21  ans 
accomplis  aux  maîtres  de  leur  mère.  Bien  plus  :  cette  loi,  en 
libérant  les  derniers  esclaves  et  en  faisant  rentrer  dans  le  droit 
commun  les  affranchis,  a  établi  implicitement  que  les  uns  et  les 
autres  devenaient  citoyens  brésiliens  par  le  fait  même  de  leur 
libération. 

Les  philanthropes  ont  le  droit  de  se  réjouir  de  semblables 
mesures.  Les  négrophiles  peuvent  triompher.  Les  uns  et  les 
autres  ont  raison.  Le  Brésil  a  fait  grandement  les  choses.  S'il  a 
été  le  dernier  État  chrétien  et  civilisé  qui  ait  gardé  l'esclavage, 
du  moins,  en  le  supprimant,  a-t-il  élevé  les  esclaves  de  la  veille 
au  niveau  de  leurs  anciens  maîtres,  et  a-t-il  su,  par  une  éducation 
libérale,  battre  en  brèche  les  préjugés  qui,  dans  d'autres  pays, 
ont  établi  une  barrière  infranchissable  entre  les  races.  Là-bas, 


206  LE     BRESIL    EN     1889. 

les  noirs  libérés  peuvent  cire  assurés  do  vivre  sur  un   pied  de 
parfaite  égalité  sociale  avec,  les  autres  races. 

Mais  si  le  philantrophe  et  le  négrophile  ne  voient  dans  la  loi 
•  lu  L3  niai  1888  qu'un  acte  de  justice,  l'économiste  est  obligé  d'y 
voir  autre  chose  :  une  révolution  dans  les  conditions  du  travail 
national.  Cette  révolution  est  intéressante  à  étudier  dans  ses 
conséquences.  D'abord,  parce  qu'elle  nous  montre  comment 
ii ii  pays,  (|iii  ne  vit  guère  que  d'exploitation  agricole  et  forestière, 
,i  cherché  à  opérer  la  transition  entre  le  travail  servile  non  rému- 
néré et  le  travail  libre  salarie,  ensuite  parce  que  le  Brésil  est  le 
grand  fournisseur  de  café  des  principaux  marchés  des  deux 
mondes,  et  qu'une  production  plus  ou  moins  abondante  de  cette 
denrée  entraîne  la  hausse  ou  la  baisse  de  cette  fève  entrée  dans 
la  consommation  journalière  de  tous  les  pays.  Finalement,  parce 
que  les  destinées  économiques  d'un  Etat  qui  fait  avec  l'étranger 
des  échanges  annuels  se  mon  tant  à  plus  d'un  milliard  de  francs 
ne  peuvent  pas  être  indifférentes. 

Voyons  donc  de  quelle  manière  le  Brésil  a  cherché  et  cherche 
encore  à  remplacer  les  bras  esclaves,  auxquels  il  devait  jusqu'ici 
une  partie  de  sa  production  et  qui  entraient  comme  un  facteur 
important  dans  ses  échanges  internationaux.  Car  on  ne  saurait 
nier  que  la  liberté  rendue  en  moins  de  dix-sept  ans  —  de  1871  à 
1888  —  à  près  de  deux  millions  d'esclaves  et  à  un  demi-million 
d'ingenuos  eût  entraîné  la  décadence  irrémédiable  du  pays  si  le 
gouvernement  impérial  n'avait  pas  pris  certaines  mesures  pour 
adoucir  une  perturbation  économique  aussi  radicale.  Ces  mesures 
consistent  dans  l'effort  constant  pour  attirer  au  Brésil  l'émigra- 
tion européenne,  à  laquelle  on  a  eu  recours  pour  combler  en 
partie  les  vides  faits  par  l'émancipation  des  noirs.  Le  gouverne- 
ment impérial  a  su  mener  de  front  ces  deux  œuvres  connexes, 
celle  de  l'émancipation  et  celle  de  l'immigration,  surtout  depuis 
quelques  années. 

En  effet,  depuis  1871,  date  de  la  «  loi  du  ventre  libre  » 
jusqu'en  1888,  il  est  entré  au  Brésil,  par  les  seuls  ports  de  Rio  et 
de  Santos,  plus  de  500.000  immigrants,  qui  se  sont  substitués  en 
partie  aux  esclaves  sur  les  plantations  et  ont  apporté  au  pays  les 
bienfaits  du  travail  libre.  Ces  chiffres  ne  s'appliquent  pas  aux 
arrivages  d'émigrants  dans  tout  le  Brésil  :  ils  se  rapportent  exclu- 
sivement aux  deux  grands  ports  de  Rio  et  de  Santos  et  laissent 
de  côté,  par  conséquent,  toute  l'émigration  qui  se  dirige  vers 
d'autres  points  du  Brésil,   spécialement  vers  l'Amazonie.  Tous 


TRAVAIL     SERVILE     ET     TRAVAIL     LIBRE.  207 

ceux  qui  ont  fait  la  traversée  d'Europe  à  Para  et  Mauâos  savent 
que  les  steamers  de  la  Red  Ci%oss  Lin<\  partant  de  Liverpool  pour 
Para,  Parintins,  Ltacoatiâra  et  Manâos,  avec  escale  au  Havre, 
sont  toujours  bondés  d'émigrants,  portugais  pour  la  plupart,  qui 
vont  chercher  fortune  dans  le  «  pays  du  caoutchouc  ». 

C'est  principalement  d'Italie  que  partent  aujourd'hui  pour  le 
Brésil  Les  émigrantsragriculteurs.  Cet  exode  italien  pour  l'empire 
sud  américain  est  de  date  récente.  De  1855  à  1882,  pendant  une 
période  de  vingt-huit  années,  le  Brésil  n'a  guère  reçu  que  11.000 
immigrants  de  provenance  italienne.  Mais,  depuis  lors,  l'immi- 
gration italienne  y  a  pris  une  extension  considérable. 

De  1882  à  1885,  le  chiffre  des  immigrants  italiens  qui  y  débar- 
quent commence  à  atteindre  10.000  âmes.  Les  planteurs  s'en 
trouvent  bien  et  demandent  de  nouveaux  bras  à  la  Ligurie,  au 
Piémont,  à  la  Toscane,  à  la  Lombardie,  au  Tyrol.  Aussi,  en  1886, 
le  chiffre  des  Italiens  arrivés  au  Brésil  dépasse-t-il  14.000.  Sitôt 
débarqués,  sitôt  placés.  La  fièvre  s'empare  des  planteurs,  tous 
veulent  avoir  des  travailleurs  d'Italie.  En  1887,  les  immigrants 
italiens  y  débarquent  en  nombre  supérieur  à  40.000.  En  1888,  on 
en  reçoit  plus  de  100.000. 

D'ailleurs,  le  nombre  des  autres  immigrants  augmente  égale- 
ment, comme  le  constate  avec  une  légitime  satisfaction  le 
conseiller  Rodrigo  da  Silva,  ministre  de  l'agriculture,  dans  le 
Rapport  qu'il  a  présenté  aux  Chambres  en  1888.  Les  entrées  de 
toute  provenance  dans  le  Brésil  méridional  se  répartissent  ainsi 
depuis  dix  ans  : 

1878 22.423         1883 28.670 

1879 22.189         1884 20.087 

1880 29.729         1885 30.135 

1881 11.054         1886 25.741 

1882 27.197         1887 55.986 

1888 132.000 


Ainsi,  tandis  que  la  moyenne  des  arrivées  annuelles  est, 
depuis  dix  ans,  de  27.000  immigrants  de  toute  provenance,  en 
1888,  Rio  et  Santos  seulement  ont  reçu  près  de  132.000  immi- 
grants de  toute  provenance. 

Les  Italiens  viennent  en  tête,  suivis  d'assez  près  par  les 
Portugais. 


208  LE     BRESIL     EN      1889. 

Les  Italiens,  d'ailleurs,  prospèrent  admirablement  au  Brésil. 
Ils  y  trouvent,  surtout  dans  la  zone  méridionale,  un  climat 
presque  semblable  au  leur  et  des  occupations  en  rapport  avec 
leurs  aptitudes  agricoles.  Comme  les  chiffres  sont  plus  éloquents 
que  de  simples  affirmations,  nous  citerons  ici  un  exemple  frap- 
pant de  cette  prospérité.  Dans  un  rapport  présenté  dernièrement 
par  M.  le  commandeur  Grillo,  directeur  général  de  la  Banque 
nationale,  au  Conseil  de  l'industrie  et  du  commerce,  sur  un 
projet  pour  la  création  d'une  banque  de  crédit  colonial,  il  est 
établi  que,  du  Brésil  seulement,  les  expéditions  d'argent,  faites 
par  les  Italiens  émigrés  à  leur  famille  demeurée  au  pays,  se 
montent  annuellement  à  10  millions  de  lires.  L'Italie  ne  perd 
donc  pas  tout,  en  perdant  quelques-uns  de  ses  enfants,  et  la 
mère-patrie  bénéficie  de  ses  travailleurs  d'outre-mer  en  recueil- 
lant une  partie  de  leurs  épargnes,  en  même  temps  qu'elle  étend 
ses  débouchés  commerciaux  par  leur  intermédiaire. 

Grâce  à  ses  émigrants,  l'Italie  est  en  train  de  conquérir  au 
Brésil  un  large  marché  consommateur,  à  côté  de  l'Allemagne  et 
de  l'Angleterre,  car  si  celle-ci  envoie  là-bas  ses  capitaux,  les 
deux  autres  y  envoient  leurs  nationaux,  et  si,  en  1883,  la  France 
vendait  au  marché  de  Rio  trois  fois  plus  que  l'Allemagne,  —  en 
1887,  celle-ci  a  rejoint  le  chiffre  des  ventes  françaises  sur  notre 
première  place  et  l'a  même  dépassé. 

La  plus  grande  partie  des  Italiens  qui  s'expatrient  au  Brésil 
s'y  fixent  à  demeure.  Ils  y  vont  en  famille  ;  et  les  statistiques 
dressées  par  M.  Bodio,  dont  on  connaît  l'autorité  en  ces  matières, 
font  ressortir  ce  fait  d'une  manière  précise.  En  effet,  de  1883  à 
1886  inclusivement,  il  est  revenu  des  deux  Amériques  en  Italie 
environ  51.000  anciens  émigrants,  soit  une  moyenne  de  13.500 
par  an,  moyenne  qui  tend  à  augmenter.  De  ce  nombre,  près  de 
39.030  revenaient  de  la  Plata;  près  de  14.000  des  États-Unis.  Du 
Brésil,  il  n'en  revenait  que  994  pendant  la  même  période.  Il  résulte 
de  ces  données  que  rémigrant  italien  se  rend  souvent  à  la  Plata 
d'une  manière  temporaire,  comme  celui  qui  vient  en  France.  Il  y 
va,  soit  pour  exécuter  certains  travaux  publics,  soit  pour  y  prendre 
part  aux  récoltes  annuelles.  Son  travail  terminé,  il  quitte  le 
pays,  dont  il  n'augmente  pas  la  population  d'une  manière  cons- 
tante. Il  n'en  est  pas  de  même  pour  l'Italien  qui  émigré  au  Brésil  : 
il  va  s'y  établir  sans  esprit  de  retour,  pour  essayer  d'y  acquérir 
l'aisance  et  en  jouir  sur  place.  Les  quelques  centaines  qui  revien- 
nent tous  les   ans   dans   leur  patrie   y  retournent  après  avoir 


TRAVAIL     SERVILE     ET     TRAVAIL     LIBRE.  209 

ramassé  une  petite  fortune,  et  leur  exemple  encourage  les  parents 
et  amis  à  suivre  la  même  route. 

Los  autres  pays  d'Europe  offrent  un  contingent  d'immigrants 
comparativement  restreint.  Cependant,  les  Belges  commencent  à 
émigrer  vers  Le  Brésil  avec  empressement.  En  1888,  il  est  arrivé 
àRio  un  groupe  d'immigrants  belges  qui  s'est  établi  dans  un 
centre  colonial  de  la  province  de  Minas-Geraes.  Ce  sont  tous  des 
petits  laboureurs  possédant  des  économies.  Ils  sont  l'avant-gardc 
d'autres  laboureurs  de  même  provenance,  et  c'est  grâce  au 
concours  de  pareils  éléments  que  la  transition  s'opère  sans  trop 
de  difficultés. 

Cependant,  il  est  des  pessimistes  qui  s'en  vont  disant  que  le 
Brésil  aura  à  se  repentir  de  la  grande  réforme  qu'il  vient  d'ac- 
complir  sans  indemniser  les  propriétaires  d'esclaves,  et  qu'il 
sera  victime  de  la  hâte  avec  laquelle  il  a  marché  vers  la  solution 
finale,  car,  le  9  mars  1888,  les  abolitionnistes  les  plus  avancés 
n'auraient  jamais  pu  supposer,  dans  leurs  rêves  hardis,  qu'au 
bout  de  deux  mois  ces  rêves  seraient  devenus  une  réalité. 

Nous  ne  pouvons,  pour  le  moment,  que  leur  opposer  des 
raisons  tirées  de  l'analogie  et  de  l'induction  la  plus  rigoureuse. 
Certes,  nul  n'est  prophète  pour  son  pays.  Mais  tout  le  monde 
peut  avoir  confiance  en  l'avenir  quand  le  passé  —  un  passé  d'hier 
—  est  là  pour  le  rassurer.  Or,  depuis  que  le  mouvement  d'éman- 
cipation s'est  accentué  au  Brésil  ;  depuis  que  ce  pays  sacrifie 
libéralement  l'un  des  principaux  facteurs  de  sa  richesse  maté- 
rielle, est-ce  que  la  prospérité  publique  a  diminué?  est-ce  que  la 
production  agricole  a  été  atteinte?  souffre-t-il  dans  sa  fortune  et 
dans  son  bien-être?  s'est-il  appauvri  en  se  guérissant  d'un  mal 
séculaire  ? 

—  On  est  obligé  de  convenir  qu'il  n'en  est  rien,  et  que,  tout  au 
contraire,  le  bienfait  rendu  à  toute  une  race  injustement  oppri- 
mée a  été  payé  au  centuple  par  un  surcroît  d'abondance.  Que 
l'on  nous  permette  de  prouver  cette  assertion,  paradoxale  en 
apparence,  par  quelques  chiffres  curieux. 

De  1871  à  1887,  sous  le  régime  des  deux  lois  d'émancipation 
promulguées  le  28  septembre  1871  et  le  28  septembre  1885,  non 
seulement  pas  un  seul  homme  n'est  venu  au  monde  dans  le  pays 
sans  naître  libre,  mais  encore  un  million  d'esclaves  ont  été  rendus 
à  la  liberté.  Or,  ainsi  que  nous  allons  le  voir,  la  production  géné- 
rale n'a  fait  que  suivre  une  marche  ascendante  pendant  cette 
période  de  transition.  Si  l'on  consulte  les  chiffres  se  rapportant 

14 


210  LE     BRÉSIL     EN     18  80. 

au  café,  élément  prédominant  de  la  richesse  actuelle  du  pays,  on 
esl  toui  surpris  de  constater  que  sa  production  n'a  pas  cessé  de 
croître  à  mesure  que  la  zone  noire  se  rétrécissait. 

En  effet,  on  évaluait  la  production  totale  du  Brésil  en  cafés: 
de  1835  à  1840,  à  l'époque  du  trafic  des  négriers,  à  40  millions 
de  kilos  ;  de  1855  à  1860,  à  l'époque  où  La  traite  a  cessé  complè- 
tement,  à  120  millions  de  kilos;  de  1872  à  1877,  pendant  la 
première  période  quinquennale  qui  a  suivi  le  vote  de  la  «  loi  du 
ventre  libre  »,  à  177  millions  de  kilos  ;  de  1877  à  1882,  alors  que 
la  propagande  abolitionntste  s'organisait,  à  350  millions  de  kilos  , 
finalement,  de  188-2  à  18S7,  quand  les  jours  de  l'esclavage  étaient 
comptés,  à  près  de  400  millions  de  kilos. 

Il  est  impossible  de  ne  pas  être  frappé  de  cette  progression 
constante  et  rapide,  qui  a  fait  du  Brésil  le  fournisseur  de  tous  les 
grands  marchés  à  café  dos  deux  mondes.  On  ne  peut  l'attribuer 
à  des  causes  étrangères  au  sujet  qui  nous  occupe.  Car,  il  est 
évident  que,  s'il  y  a  eu  plus  de  café  produit,  c'est  que  plus  de 
terres  ont  été  mises  en  culture  et  que  les  anciennes  plantations 
ont  été  mieux  soignées.  Or,  ou  ces  progrès  ont  été  réalisés  par 
des  esclaves  affranchis  et  par  des  ingenuos,  demeurés  attachés  au 
sol,  et,  en  ce  cas,  leur  travail  a  été  plus  fructueux  que  lorsqu'ils 
étaient  asservis,  et  Ton  a  bien  fait  de  les  émanciper  ;  ou  ces  mer- 
veilleux résultats  ont  été  obtenus  par  l'intervention  graduelle  du 
travail  libre  et  rémunéré  des  immigrants,  et  alors  il  est  prouvé 
que  l'agriculture  nationale  peut  se  passer  dès  maintenant,  sans 
trop  de  souffrances,  du  travail  servile. 

En  affranchissant  d'un  seul  coup  le  demi-million  d'esclaves 
qui  restaient,  on  a  lésé  sans  doute  quelques  intérêts  privés.  Ici, 
c'est  une  veuve  ou  un  orphelin,  dont  la  fortune  consistait  exclu- 
sivement en  esclaves,  et  qui  se  trouvent  dans  une  situation 
précaire  Là,  c'est  un  planteur  aisé,  qui  pratiquait  l'absentéisme, 
vivant  dans  les  grandes  villes  pendant  que  ses  noirs  cultivaient 
le  café  dans  la  fazenda,  et  qui  devra  se  soumettre  désormais  à  la 
giandc  loi  commune  :  «  Tu  gagneras  ton  pain  à  la  sueur  de  ton 
front  ».  Ces  exceptions,  quelque  respectables  qu'elles  soient^ 
n'étaient  pas  de  nature  à  ajourner  une  réforme  devenue  urgente. 
Toute  transformation  dans  l'outillage  entraine  d'une  manière 
fatale  ces  désastres  partiels,  promptement  réparés  pour  l'indi- 
vidu et  largement  compensés  par  l'augmentation  du  bien-être 
général.  Aussi,  pouvons-nous  affirmer  que  l'ensemble  de  la  nation 
ne  souffrira  pas  sensiblement  de  l'abolition  de  l'esclavage  et  que 


TRAVAIL     S  EU  VI  LE     ET     TRAVAIL     LIBRE.  211 

ta  pays  y  gagnera  même  dans  la  suite.  C'est  ainsi  que  les  capi- 
taux étrangers  oui  envisagé  la  situation.  Deux  faits  le  demon- 
trent. 

En  arrivant  au  pouvoir,  le  10  mars  1888,  le  ministère  présidé 
par  M.  le  conseiller  Jofto-Àlfredo  Correia  d'Oliveira  annonça  tout 
oc  suite  qu'il  s'apprêtait  à  réaliser  l'abolition.  En  même  temps, 
dressai!  à  la  place  de  Londres  pour  y  contracter  un  gros 
emprunt.  Or,  cet  emprunt  4  1/2  pour  100,  émis  à  9G,  fut  couvert 
immédiatement,  sans  que  les  capitaux  anglais  montrassent  la 
moindre  crainte  dans  l'avenir,  et  cela  au  moment  même  où  la 
santé  du  souverain  populaire  du  Brésil  inspirait  des  inquiétudes. 
11  y  a  mieux.  La  place  de  Paris  n'a  pas  encore  pris  une  part 
active  dans  les  affaires  brésiliennes,  commanditées  presque 
exclusivement  par  les  Anglais.  Or,  au  mois  de  juin  1888,  alors 
que  la  libération  était  déjà  un  fait  accompli,  il  se  formait  à  Paris 
u ii  syndicat,  ayant  à  sa  tête  MM.  Fould  et  le  vicomte  de  Figuei- 
redo,  pour  consacrer  un  capital  de  100  millions  de  francs  aux 
affaires  du  Brésil. 

Cette  confiance  s'explique  aisément.  Les  financiers  d'Europe 
savent  que  le  bras  noir  était  un  instrument  peu  intelligent  et  peu 
actif,  justement  parce  qu'il  n'était  pas  rémunéré.  L'expérience 
faite  dans  les  provinces  de  l'Amazone  et  de  Céarâ,  libérées  depuis 
quatre  ans  ;  dans  celles  de  San-Paulo,  Rio-Grande-du-Sud, 
Paranâ  et  Santa-Catharina,  où  il  ne  restait  plus  qu'une  faible 
portion  d'esclaves  employée  dans  les  travaux,  prouve  que  la 
production  n'a  rien  à  perdre  à  la  suppression  de  l'esclavage. 

A  San-Paulo,  les  recettes  de  la  douane  (destinées  à  l'État) 
et  celles  de  la  mesa  de  rendas  (destinées  à  la  province),  n'étaient 
que  de  12  millions  de  francs  en  1875-1876,  et  s'élevaient  à  près 
de  -2i  millions  en  1884-1885;  tandis  que  la  production  du  café, 
qui  n'était  que  de  40  millions  de  kilos  en  1873-1874,  montait  en 
1884-1885  à  130  millions  de  kilos. 

Dans  la  province  de  l'Amazone,  la  valeur  officielle  des  pro- 
duits exportés  (caoutchouc  principalement)  s'est  élevée  de  1873 
à  1887  dans  la  proportion  de  1  à  100. 

A  Céara,  quoique  la  terrible  sécheresse  dont  la  région  a  souf- 
fert il  y  a  douze  ans  ait  jeté  un  grand  nombre  d'habitants  hors 
du  territoire  provincial,  les  recettes  ont  doublé  d'une  année  à 
l'autre. 

Nous  pourrions  multiplier  ces  exemples. 

L'esclavage,  d'ailleurs,  entre  autres  inconvénients,  avait  celui 


212  LE     BRÉSIL     EN      18  80. 

de  repousser  l'immigrant  européen,  qui  ne  tenait  pas  à  se  com 
mettre  avec  le  travailleur  non  salarié.  Ainsi,  de  1857  à  1871, 
pendant  les  quinze  années  qui  ont  précédé  la  promulgation  de  la 
loi  Rio-Branco,  il  est  arrivé  au  Brésil  170.000  immigrants  seule- 
ment. Au  contraire,  de  1873  à  1887,  pendant  les  quinze  années 
signalées  par  le  mouvement  abolitionniste,  il  en  est  entré  près 
de  100.000. 

Un  dernier  fait  fera  ressortir  davantage  la  prospérité  du  jeune 
Brésil:  le  papier-monnaie  y  perdait  au  change,  d'une  manière 
plus  ou  moins  considérable,  pendant  ces  dernières  années,  sans 
arriver,  cependant  à  la  dépréciation  qu'il  subit  dans  la  République 
Argentine.  Or,  depuis  septembre  1888,  non  seulement  le  papier- 
monnaie  du  Brésil  a  rejoint  le  pair  (27  deniers  par  1.000  réis), 
mais  encore  il  fait  prime  sur  l'or.  Tandis  qu'àBuenos-Ayres,  dans 
la  République  Argentine,  Ton  fait  plus  de  50  pour  100  de  prime 
au  moment  où  nous  écrivons  (janvier  1889),  au  Brésil,  c'est  le 
papier-monnaie  qui  fait  prime  sur  l'or,  comme  le  démontre  le 
tableau  suivant,  que  nous  empruntons  au  journal  0  Paizf  de 
Rio-de-Janeiro. 

On  peut  donc  affirmer  sans  chauvinisme  que  l'abolition  de 
l'esclavage  au  Brésil,  réalisée  en  six  jours  (du  8  au  13  mai)  par 
l'homme  éminent  qui  a  assumé  cette  lourde  responsabilité  devant 
son  pays,  demeure  une  page  glorieuse  et  pleine  d'enseignements. 
En  la  votant  presque  unanimement,  les  Chambres  brésiliennes 
n'ont  pas  seulement  rendu  la  liberté  à  des  noirs  victimes  d'un 
crime  de  lèse-humanité,  elles  ont  aussi  affranchi  la  conscience 
des  patriotes  brésiliens,  honteux  de  voir  leur  pays  étaler  cette 
tache  au  soleil  duxixe  siècle. 

On  connaît  le  mot  fameux  de  Girardin  :  «  Confiance  !  Con- 
fiance !  »  On  dirait  que  la  grande  loi  abolissant  l'esclavage  a 
réveillé  chez  tout  le  monde  la  confiance  dans  les  destinées  du 
Brésil,  et  cette  confiance  est  justifiée  par  les  événements  :  à  la  fin 
du  mois  de  mars  1888,  la  dette  flottante  du  Brésil  était  de  près  de 
90  millions  de  francs  ;  à  la  fin  du  mois  de  mars  1889,  elle  n'existe 
plus!  Quant  au  change,  jamais,  depuis  1875,  il  n'a  été  aussi 
favorable. 


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22  1/4, 
22  3/g 
22 

21  7/5 
21   3/4 

2i  3/8 

21  12 

CHAPITRE  VIII 


LES     ZONES     AGRICOLES 


Par  M.  André  REBOUÇAS1 


L'immense  territoire  du  Brésil  peut  être  divisé  en  dix  zones 
agricoles,  qui  sont  :  I.  La  zone  Amazonienne,  comprenant  les 
provinces  de  Para  et  de  l'Amazone.  —  II.  La  zone  du  Parnahyba, 
comprenant  les  provinces  de  Maragnon  et  de  Piauhy.  —  III.  La 
zone  de  Céarâ.  —  IV.  La  zone  de  Parahyba-du-Nord,  comprenant 
les  provinces  de  Rio-Grande-du-Nord,  de  Parahyba-du-Nord,  de 
Pernambuco  et  d'Alagôas. —  V.  La  zone  du  San-Francisco,  com- 
prenant les  provinces  de  Sergipe  et  de  Bahia.  —  VI.  La  zone  du 
Parahyba-du-Sud,  comprenant  les  provinces  d'Espirito-Santo,  de 
Rio-de- Janeiro  et  de  San-Paulo.  —  VIL  La  zone  de  Paranâ,  com- 
prenant les  provinces  de  Paranâ  et  de  Santa-Catharina.  —  VIIL 
La  zone  de  l'Uruguay,  comprenant  la  province  de  Rio-Grande- 
du-Sud.  —  IX.  La  zone  Auro-ferrifère,  comprenant  la  province  de 
Minas-Geraes.  —  X.  La  zone  Centrale,  comprenant  les  provinces 
de  Goyaz  et  de  Matto-Grosso. 

I.  La  zone  amazonienne.  —  La  surface  de  la  province  de 
l'Amazone  est  de  1.897.020  kilomètres  carrés;  celle  de  la  pro- 
vince de  Para  est  de  1.149.712  kilomètres  carrés.  La  zone  ama- 
zonienne a  donc  l'énorme  surface  de  3.046.732 kilomètres  carrés. 

1.  Ingénieur,  professeur  à  l'École  Polytechnique  de  Rio-de  Janeiro,  auteur 
d'an  grand  nombre  d'ouvrages  estimés,  dont  quelques-uns  sont  cités  dans 
le  cours  de  ce  travail. 


21G  LE     I3RESIL     EN      1889. 

Tout  ce  territoire  n'est  occupe  que  par  500  à  GOO.000  habitants. 
Peuplé  comme  la  France,  à  raison  de  72  habitants  par  kilomètre 
carré,  il  ferait  la  richesse  d'une  population  de  219.3G4.70i  âmes. 

Terre.  —  Cette  zone  est  d'une  fertilité  proverbiale  :  on  peut 
même  dire  que  l'excès  de  matières  fertilisantes  est  un  des  prin- 
cipaux obstacles  à  l'occupation  de  ce  pays  par  des  immigrants 
européens.  La  terre  y  est  presque  toujours  argileuse.  La  roche 
prédominante  est  le  grès.  On  y  trouve  toute  la  série  des  grès 
classifiée  par  les  minéralogistes.  Les  argiles  pour  la  céramique 
y  sont  excellentes.  Les  indiens  ou  les  aborigènes  de  la  vallée  de 
l'Amazone  excellaient  dans  le  travail  de  l'argile.  Aussi  la  fabrica- 
tion de  briques,  de  tuiles  et  de  tous  les  produits  céramiques  est- 
elle  une  industrie  à  recommander  comme  très  lucrative  aux 
industriels  qui  désireraient  aller  s'établir  dans  la  vallée  de  l'Ama- 
zone. —  Les  argiles  blanches  y  sont  connues  sous  le  nom  indien 
de  Tabatinga.  —  On  trouve  des  calcaires  dans  la  vallée  du 
Trombela,  un  des  confluents  du  fleuve  de  l'Amazone,  et  dans  les 
localités  connues  sous  les  noms  de  Tapajoz  (île),  Manéassû, 
Monte-Alegre,  Manicoré,  Santarem,  etc.,  etc.  Le  prix  des  terres 
est  très  variable  dans  la  vallée  de  l'Amazone.  Le  Gouverne- 
ment y  possède  d'immenses  étendues.  Il  sera  toujours  facile 
aux  immigrants  d'y  obtenir  des  terres  à  des  prix  minimes. 

Produits  végétaux.  —  Caoutchouc.  La  grande  richesse  de  la 
vallée  de  l'Amazone  et  son  premier  produit  d'exportation  est  le 
caoutchouc,  nommé  là-bas  Seringa,  Sernamby  et  Borracha.  Le 
caoutchouc  est  produit  par  plusieurs  arbres  des  familles  bota- 
niques des  Euphorbiacées  et  des  Moracées,  notamment  par  les 
suivantes  :  Ilcoea]  guianensis  (Siphonia  elastica)  ;  Bevca  brasi- 
liensis  ;  Hevea  discolor ;  Jatropha  glasiovii  (caoutchouc  de  Géarâ)  ; 
Ficus  elastica  (caoutchouc  des  Indes).  —  Les  grandes  forêts  de 
caoutchouc,  nommées  Seringaes,  sont  constituées  principalement 
par  les  Heveas  ;  mais  tous  les  arbres  à  caoutchouc,  sans  en  excep- 
ter Y Urceola  elastica,  de  la  famille  des  Apocynacées,  qui  donne 
le  caoutchouc  de  Malasic,  prospèrent  admirablement  dans  la 
vallée  de  l'Amazone.  L'extraction  du  caoutchouc  se  fait  encore 
d'une  manière  primitive  par  des  gens  du  pays.  Il  y  a  là  un  im- 
mense champ  ouvert  à  L'initiative  de  l'industrie  européenne.  Des 
usines  centrales  à  caoutchouc,  établies  à  Belem,  à  Manâos,  et 
dans  les  îles  du  grand  fleuve  et  de  ses   innombrables  confluents, 


LES     ZONES     AGRICOLES.  217 

produira  ent  des  richesses  énormes  et  introduiraient  de  grands 
progrès  dans  toutes  les  branches  de  cette  importante  industrie. 
Les  arbres  à  caoutchouc  devraient  être  traités  d'une  manière  ra- 
tionnelle  e(  méthodique,  comme  les  chênes-lièges  par  les  colons 
français  en  Algérie.  Le  caoutchouc  deviendrait  ainsi  infiniment 
supérieur  et  à  meilleur  marché  ;  ces  forets  seraient  conservées 
et  augmentées.  L'exportation  du  caoutchouc  est  très  impor- 
tante, comme  Ton  verra  dans  les  tableaux  statistiques  ci-joints. 
Ce  sont  surtout  les  ports  de  New-York,  de  Liverpool,  de  Londres 
et  du  Havre  qui  en  reçoivent  les  plus  fortes  quantités.  Les  prix 
varient  de  3  à  10  francs  par  kilog.,  suivant  les  demandes  de  l'Eu- 
rope et  des  États-Unis. 

Cacao.  —  L'arbre  qui  produit  le  cacao  est  le  Theobroma  cacau, 
de  la  famille  des  Byttneracées  ou  Buetteneriacées  réunie  par 
quelques  botanistes  à  la  grande  famille  des  Malvacées.  Généra- 
lement on  ne  fait  que  récolter  les  fruits  de  cet  arbre  d'une  façon 
toute  primitive.  Comme  pour  le  caoutchouc  il  est  à  désirer  que 
les  industriels  européens  fondent  à  Belem,  à  Manâos,  et  dans  les 
îles  du  fleuve  de  l'Amazone  ou  de  ses  confluents,  des  usines 
centrales  à  cacao  et  des  fabriques  de  chocolat.  On  réussirait  à 
introduire  des  procédés  scientifiques  dans  le  traitement  des  forêts 
à  cacao,  et  on  obtiendrait  des  produits  infiniment  supérieurs  et  à 
meilleur  marché.  Le  cacao  est  exporté  pour  l'Europe  et  pour  les 
États-Unis  dans  les  proportions  indiquées  dans  les  tableaux  sta- 
tistiques ci-joints.  Les  prix  sont  très  variables  :  depuis  50  cen- 
times jusqu'à  un  franc  par  kilog. 

Vanille.  —  On  trouve  la  vanille  dans  tout  le  Brésil  ;  mais  la 
plus  estimée  vient  des  provinces  de  l'Amazone,  de  Para  et  de 
Matto-Grosso.  La  vanille  est  le  fruit  d'une  orchidée  ;  les  espèces 
les  plus  connues  sont  les  suivantes  :  Vanilla  aromatica,  Vanilla 
palmarum  (epidendron  vanilla),  Vanilla  palmifolia,  etc.  Les  plus 
belles  gousses  de  vanille  sont  très  odorantes  et  couvertes  de 
cristaux  en  aiguilles,  très  blanches,  d'acide  benzoïque.  La  vanille 
est  un  des  produits  végétaux  ayant  le  plus  de  valeur.  Le  kilog.  de 
gousses  de  vanille  se  vend  de  10  à  20  fr.  ;  une  belle  gousse,  longue 
de  20  à  22  centimètres,  large  de  1  à  2  centimètres,  vaut  de  1  à 
3  francs.  La  culture  et  la  récolte  de  la  vanille,  faites  par  des 
immigrants  intelligents,  produiraient  des  sommes  énormes.  La 
plupart  du  travail  peut  être  fait  par  des  femmes  et  des   enfants. 


218  LK     BRÉSIL      EN      18X0. 

Châtaignes  de  Para.  —  Ce  sont  les  beaux  arbres  classifiés  par 
les  botanistes  BerthoUetia  cxcclsa,  famille  des  Lecythidacées,  qui 
produisent  la  castanha  de  Para,  dont  les  Anglais  et  les  Améri- 
cains sont  très  friands,  et  qui  donne  aussi  une  excellente  huile 
pour  Tindustrie.  On  en  exporte  des  sommes  importantes  pour 
l'Europe  et  pour  les  États-Unis.  Les  prix  varient  de  20  à  00  cen- 
times par  kilogramme. 

Bois  de  construction  et  d'ébénisterie.  —  C'est  un  fait  prouvé 
par  toutes  les  expositions  universelles,  que  nul  pays  au  monde 
ne  possède  des  bois  comme  le  Brésil;  mais  il  faut  dire  que  c'est 
dans  la  vallée  de  l'Amazone  que  les  essences  forestières  du  Brésil 
acquièrent  leur  maximum  de  résistance,  de  densité,  de  colora- 
tion et  de  beauté.  La  simple  «numération  des  bois  de  la  vallée  de 
l'Amazone  occuperait  des  centaines  de  pages.  On  en  a  classifié 
déjà  au  Brésil  22.000  espèces  !  Le  catalogue  [Indice  gérai  das 
madeiras  do  Brazil,  por  André  e  José  Rebouças,  1870-1878) 
en  occupe  trois  volumes  de  300  pages  chacun.  Aussi  sommes-nous 
obligé  de  nous  borner  à  rénumération  des  plus  connus  :  Bois- 
Rose  (Paû-Rosa),  Sébastian  d'Arruda,  classifié  Pkysocalyrrma 
florida,  de  la  famille  des  Lythrariacées  ;  Bois-Satin  (Paû-Setim, 
Pequia-setim,  Pequia  marfim)  produit  par  des  arbres  du  genre 
Aspidosperma  :  A.  eburneum,  A.  sessiliflorum,  etc.,  de  la  fa- 
mille des  Apocynées  ;  Bois-écaille  (Paû-tartaruga,  Muira-pinima) 
classifié  Brosimum  discolor,  de  la  famille  des  Arthocarpacées. 
On  en  fait  des  cannes  de  toute  beauté.  Il  est  aussi  très  estimé 
pour  l'ébénisterie  de  luxe.  Bois  palissandre  (Jacarandà  ;  jacaran- 
dâtau).  Le  Palissandre,  très  riche  en  espèces  et  variétés  dans 
toute  rétendue  du  Brésil,  est  fourni  par  des  arbres  de  la  famille 
des  Légumineuses,  appartenant  aux  genres  Machaerium  et  Dal- 
bergia.  On  en  fait  une  exportation  très  importante  pour  le  Havre 
et  pour  les  principaux  ports  de  commerce  de  l'Europe  et  des 
Etats-Unis. 

Cèdre.  —  Les  cèdres  du  Brésil  sont  tout  différents  des  cèdres 
du  vieux  monde  ;  on  les  classifié  dans  le  genre  Gedrela  de  la 
famille  des  Cedrelacées,  tandis  que  le  cèdre  du  Liban  et  ses  con- 
génères appartiennent  à  la  famille  des  Conifères.  Rien  n'égale  la 
majesté  des  cèdres  brésiliens;  ils  abondent  partout  du  nord  au 
sud.  Dans  les  grandes  crues  du  fleuve  de  l'Amazone,  on  les  voit 
flotter  et  suivre  les  cours  des  eaux  comme  de  petites  îles  vertes. 


LES     ZONES     AGR   COLES.  210 

Bien  son  vont  on  a  proposé  d'établir  des  scieries  flottantes  pour 
utiliser  les  beaux  cèdres  qui  flottent  sur  l'Amazone  ;  ils  seraient 
péchés  comme  d'énormes  poissons,  sans  frais  de  transport  et 
d'abattage  en  forêt. 

Fleurs  et  plantes  fleuries.  —  11  faudrait  faire  un  traité  de 
botanique  pour  donner  une  idée  des  fleurs  de  la  vallée  de  l'Ama- 
zone. Nous  nous  bornerons  à  dire  que  la  plus  grande  fleur  connue, 
la  Victoria  régla,  flotte  sur  les  eaux  de  ce  fleuve  prodigieux.  Les 
aborigères  l'appellent  Mururé  et  aussi  Four  des  (lapés.  Les  fleurs 
parfois  sont  grandes  comme  un  petit  canot;  les  feuilles  rondes, 
d'un  mètre  de  diamètre,  peuvent  soutenir  un  enfant  à  flot. 

Les  Orchidées,  aujourd'hui  à  la  mode  dans  le  grand  monde  en 
Europe,  abondent  dans  la  vallée  de  l'Amazone  et  partout  au 
Brésil.  La  Catleyasuperba  et  la  Catleya  Eldorado  sont  natives  de 
la  vallée  de  l'Amazone.  Nous  citons  pour  mémoire  les  prix  fa- 
buleux payés  par  les  amateurs  du  vieux-monde:  Cypripedium, 
0.000  francs  ;  Cattleya  Talnoayana,  dédiée  au  sénateur  Taunay, 
vice-président  de  la  Société  Centrale  d'Immigration,  vendue 
4.500  francs  ;  Cattleya  Par icivalima,  vendue  2.500  francs  ;  Cattleya 
Nossiœ,  vendue  12.000  francs  ;  et  les  fleurs  de  YOncidium  papilio, 
qui  obtiennent  d'un  à  deux  francs,  chacune. 

Pour  l'importation  de  plantes  fleuries  il  faudra  s'adresser  à 
M.  P. -M.  Binot,  floriculteur  à  Petropolis,  province  de  Rio- 
Janeiro,  ou  à  son  correspondant,  M.  Brot,  faubourg  Saint-Denis, 
n°  89,  à  Paris,  et  à  Bruxelles,  au  Jardin  Botanique  de  l'État  ou 
à  YHorticidture  internationale,  qui  s'est  chargée  de  l'ornementa- 
tion florale  du  Pavillon  du  Brésil,  au  Champ -de-Mars. 

Plantes  ornementales.  —  L'opulence  de  la  vallée  de  l'Ama- 
zone en  plantes  ornementales  est  vraiment  inouïe.  On  y  trouve 
une  infinité  de  palmiers,  de  fougères,  d'aroïdées  et  les  plus 
beaux  arbres,  arbrisseaux,  épiphytes  et  parasites  connus.  Le 
plus  grand  arbre  de  l'Amazone  est  la  Sumaumeira,  classifîée 
eriodendronsuamaûma,  de  la  famille  des  malvacées  (Bombacées), 
un  géant  végétal  qui  rivalise  avec  le  sequria  gigantea  ou  washing- 
tonea  gigantea  de  la  Californie . 

Plantes  médicinales.  —  La  flore  thérapeutique  de  l'Amazone 
est  d'une  extraordinaire  richesse  en  espèces  et  variétés  ;  dans  ce 
travail  tout-à-fait  synoptique,  nous  nous  bornerons    à   mention- 


220  LE     BRÉSIL     EN      188  0. 

ncr  :  La  Salsepareille,  classifiée  smilax  salsaparilla,  de  la  famille 
des  smilacées.  —  L'Ipécacuanha,  classifiée  cephaelis  ipecacuan/m, 
d(>  la  famille  des  rubiacées.  L'ipécacuanha  blanche  est  fournie 
par  le  genre  richardsonia,  dont  on  connaît  les  espèces  R.  emetica, 
II.  rosea  et  R.  scabra.  —  Le  jaborandy  ou  pylocarpe,  dont  on 
extrait  la  pylocarpine,  si  employée  maintenant  en  France  et 
dans  le  monde  entier.  Les  plantes  qui  produisent  la  pylocarpinc 
abondent  dans  tout  le  nord  du  Brésil,  au  Céarâ,  à  Pernambuco 
et  ailleurs  ;  elles  sont  classifîées  dans  la  famille  des  pipéracées 
avec  les  titres  de  pilocarpus  primatus  —  piper  jaborandy  —  otlonia 
anisum.  —  Le  cubeba  classifié  piper  cubeba  dans  la  famille  des 
pipéracées,  qui  compte  une  infinité  de  plantes  médicinales.  —  Le 
curare,  le  fameux  venin  des  indiens,  aujourd'hui  si  étudié  par  les 
physiologistes  ;  il  est  produit  par  le  strychnos  castelnœi  ou  S.  Cas- 
telnaena,  par  le  S.  cogens,  par  le  S.  toxifera  etc.,  de  la  famille  des 
loyaniacées,  quelquefois  réunies  aux  solanacées.  — La  nux  vomica, 
qui  appartient  aussi  à  la  famille  des  hyaniacées,  dans  l'espèce 
strychnos-nux-vomica.  —  Il  faudrait  remplir  des  pages  entières 
pour  énumérer  les  plantes  médicinales  des  familles  des  solana- 
cées et  des  loyaniacées,  si  communes  dans  tout  le  Brésil. 

Guarana.  —  C'est  un  produit  très  singulier  de  l'industrie  des 
aborigènes  de  la  vallée  de  r  Amazone  et  qui  a  l'aspect  d'un  cho- 
colat très  clair  et  très  fortement  comprimé.  Il  est  fait  avec  les 
fruits  du  paulinia  sorbilis,  de  la  famille  des  sapindacées.  Il  a  été 
dernièrement  introduit  dans  la  pharmacopée  européenne.  Les 
naturels  s'en  servent  en  guise  de  rafraîchissement,  en  mélan- 
geant la  poudre  du  guarana  avec  de  l'eau  sucrée.  On  en  fait  déjà 
une  certaine  exportation  pour  l'Europe  et  pour  les  provinces  du 
sud  du  Brésil. 

Fruits.  —  Tous  les  fruits  de  l'équateur  et  des  tropiques 
abondent  dans  la  vallée  de  l'Amazone.  Les  ananas  à  la  forme 
conique  nommés  abacaxis  y  sont  de  toute  beauté.  C'est  le  fruit 
d'une  broméliacée,  classifiée  bromelia  ananassa  ou  ananassa  sativa, 
qu'on  voit  dans  toutes  les  serres  chaudes  de  l'Europe.  Dans 
cette  môme  famille  on  trouve  une  énorme  collection  de  plantes 
fleuries  et  de  plantes  d'ornement,  qui  sont  épiphytes  ou  pseudo- 
parasites.  —  L'avocat  ou  abacatc,  classifié  persea  gratissima,  dans 
la  famille  des  lauracées,  a  reçu  des  éloges  de  tous  les  botanistes 
qui  ont  étudié  ie  Brésil.  On  en  connaît  de  rouges  et   de  verts  ; 


LES     ZONES     AGRICOLES.  221 

dans  la  vallée  do  L'Amazone  le  fruit  acquiert  des  proportions 
gigantesques.  —  Les  cocos  ou  les  fruits  des  palmiers  sont  abon- 
dants dans  la  vallée  de  l'Amazone.  Les  naturels  font  une  énorme 
consommation  de  Vassahy  ou  jussara,  classifîé  cuterpe  eduhs. 
Les  fruits  de  cet  élégant  palmier,  délayés  dans  de  l'eau,  un  peu 
sucrée,  produisent  le  rafraîchissement  le  plus  populaire  à  Para 
et  à  Maragnon.  —  Le  cupû  ou  le  cupu-assû  est  un  fruit  d'un  par- 
fum exquis  très  employé  pour  des  glaces  et  des  sorbets,  bien 
supérieur  à  ceux  de  l'ananas.  Il  est  classifîé  dans  le  môme  genre 
theobroma  que  le  célèbre  cacao.  —  Il  va  sans  dire  qu'on  trouve 
dans  la  vallée  de  l'Amazone  une  variété  infinie  d'oranges  et 
de  bananes,  etc. 

Produits  animaux.  —  Le  fleuve  de  l'Amazone  et  tous  ses 
affluents  abondent  en  poissons  de  toute  grandeur  et  de  toutes  les 
variétés.  Le  savant  Agassiz  y  a  fait  une  collection  de  poissons, 
qui  est  devenue  célèbre  entre  les  ichthyologistes.  Le  fameux 
poisson  électrique,  le  puraqué,  est  une  des  curiosités  de  l'Amazone. 
Le  poisson  le  plus  commun  est  le  pirarucû,  qu'on  prépare 
comme  la  morue,  et  qui  est  une  des  grandes  ressources  alimen- 
taires des  habitants  de  cette  vallée. 

Les  tortues  sont  extraordinairement  nombreuses  sur  les 
rives  du  grand  fleuve.  On  consomme  des  quantités  énormes  d'œufs 
de  tortue.  A  vrai  dire,  le  pirarucû  et  la  tortue  sont  la  base  de 
l'alimentatton  des  seringueiros  ou  exploiteurs  de  caoutchouc  dans 
la  vallée  de  l'Amazone.  Les  tortues  fournissent  la  belle  écaille, 
dont  on  fait  différents  objets  de  toilette  et  d'agrément.  La  quan- 
tité d'oiseaux  aux  plumages  splendides  qui  peuplent  les  forêts  de 
l'Amazone  est  vraiment  innombrable.  Le  gibier  y  est  très  abon- 
dant. On  y  trouve  partout  le  tapir  [anta),  la  capivara,  la  pacca  et 
une  grande  variété  de  cerfs.  Les  jaguars  (onças)  fournissent  des 
peaux  aussi  belles  que  celles  du  tigre  royal  de  l'Inde.  Il  y  en  a  de 
plusieurs  espèces  :  fauves,  jaunes,  noirs,  tigrés  en  noir  et  jaune 
or,  etc.,  etc. 

Voies  de  communication.  —  A  vrai  dire,  il  n'y  a  qu'une 
seule  voie  de  communication  :  le  fleuve  avec  ses  innombrables 
affluents  et  ses  canaux  naturels  de  communication.  Il  est  impos- 
sible de  se  faire  une  idée  de  la  majesté  et  de  la  beauté  du  fleuve. 
A  l'embouchure,  il  est  si  large  qu'on  n'en  voit  pas  les  rives.  Ses 
eaux  pénètrent  dans  l'océan  comme  un  énorme  coin  hydraulique 


LE     BRÉSIL     i:\     1889. 

de  \  iii-l  lieues  de  largeur.  Sur  une  grande  étendue  les  plus  forts 
bateaux  à  vapeur  naviguent  comme  en  pleine  mer,  tant  il  est 
large  et  profond.  Dans  certains  endroits,  une  infinité  d'îles,  cou- 
vertes de  La  plus  belle  végétation  du  monde,  obligent  les  bateaux 
à  vapeur  à  parcourir  un  vrai  labyrinthe  de  canaux  bordés  d'arbres 
sup  irbes,  comme  on  n'en  voit  pas  de  pareils,  môme  aux  Indes 
dans  l<is  vallées  si  célèbres  du  Gange  et  de  Tin  dus.  On  donne  ace 
fleuve  merveilleux  une  longueur  de  2.828  kilomètres  et  à  tous  ses 
affluents  13.250  kilomètres.  Dans  les  tableaux  statistiques  ci- 
joints,  on  verra  l'extraordinaire  mouvement  de  la  navigation  à 
vapeur  sur  l'Amazone  et  sur  ses  principaux  affluents.  L'acte  de 
l'ouverture  de  ce  fleuve  majestueux  à  toutes  les  nations  du  monde 
doit  être  compté  comme  un  des  plus  brillants  du  règne  de  Dom 
Pedro  II.  La  belle  propagande  en  faveur  de  ce  bienfait  universel 
a  été  faite  avec  une  grande  éloquence  par  feu  Aureliano  Can- 
dido  Tavares-Bastos,  un  des  plus  remarquables  publicistes  du 
Brésil. 

Chemins  de  fer.  —  Pour  le  moment,  on  ne  compte  à  Para 
qu'un  seul  chemin  de  fer  :  celui  de  Belem  à  Bragança,  qui  doit 
avoir  1  il  kilomètres,  évalués  à  5.656  contosde  réis,  mais  qui  n'a 
encore  que  61  kilomètres,  jusqu'à  Apehii.  —  Le  fleuve-océan,  avec 
ses  énormes  affluents  et  son  infini  labyrinthe  de  canaux  (furos, 
igarœpês)  est  le  vrai  réseau  de  chemins  de  fer  de  cette  vallée.  De- 
puis 1867  le  grand  fleuve  est  ouvert  à  tous  les  pavillons  ;  la  navi- 
gation à  vapeur  y  fait  des  progrès  extraordinaires,  comme  on  le 
verra  dans  les  tableaux  statistiques  ci-joints. 

Agriculture.  —  La  vallée  de  l'Amazone  est  si  riche  en  pro- 
duits naturels,  et  sa  population  est  si  insignifiante  qu'on  n'y  fait 
de  l'agriculture  que  pour  les  besoins  locaux.  On  comprend  bien 
qu'il  vaut  mieux  récolter  le  caoutchouc,  le  cacao,  la  vanille,  les 
châtaignes  ou  toucas,  la  salsepareille,  l'ipécacuanha  et  les  autres 
produits  d'une  haute  valeur  que  de  se  donner  la  peine  de 
labourer  la  terre.  Mais  tous  les  produits  de  Féquateur  et  des 
tropiques  réussissent  prodigieusement  dans  les  terres  drainées 
et  irriguées  par  l'Amazone  et  par  ses  innombrables  confluents. 
Ainsi  l'indigo,  la  canelle,  les  girofles,  les  piments  de  l'Inde  et 
de  Cayenne,  le  poivre,  etc.  peuvent  être  cultivés  comme  dans 
leur  pays  natif;  le  Manioc,  qui  donne  le  meilleur  tapioca,  et 
les  maïs,  ont  été  cultivés  par  les  aborigènes,  même  avant  la  dé- 


LES     ZONES     AGRICOLES. 


223 


couverte  de  L'Amérique.  Le  tabac  produit  merveilleusement  :  le 
tabac  de  Borba,  celui  d'Irituia  et  de  L'Acarâ  sont  très  goûtés  par 
les  amateurs  de  cigarettes.  —  La  canne  à  sucre  est  excellente 
dans  la  vallée  de  l'Amazone.  Il  est  temps  d'y  fonder  quelques 
usines  centrales  cl»1  sucre.  Les  conditions  économiques  y  sont 
excellentes  à  cause  de  la  facilité  des  transports  en  bateaux  à 
vapeur  et  de  l'abondance  du  combustible.  Les  débouchés  ne 
manqueraient  pas,  le  sucre  pouvant  être  envoyé  par  les  affluents 
de  L'Amazone  jusqu'au  Pérou  et  dans  la  Bolivie.  —  Le  riz  donne 
d'abondantes  récoltes  dans  les  prairies  basses  de  la  vallée  de 
l'Amazone. —  Le  café  réussit  merveilleusement  sur  les  collines 
et  dans  les  terres  hautes;  il  a  l'aspect  du  petit  café  de  Moka. 
C'est  même  par  Para  que  le  café  a  été  introduit  au  Brésil  ;  il 
y  avait   été  importé  de  Cayenne. 

Exportations.  —  Les  principaux  articles  d'exportation  de  la 
vallée  de  l'Amazone  sont  les  suivants  :  Le  caoutchouc,  le  cacao, 
la  vanille,  le  guarana,  les  châtaignes  de  Para,  les  huiles  de  plu- 
sieurs palmiers,  la  piaçaba,  qui  est  constituée  par  des  fibres  de 
Yattalea  funifera,  de  la  famille  des  palmiers,  et  aussi  par  le  genre 
leopoldine,  la  salsepareille,  Yipécacuanha,  les  plantes  médicinales, 
le  tabac  de  Borba,  les  bois  de  construction  et  cVébénisterie,  les  cuirs 
et  peaux,  les  plumes  d'oiseaux,  etc.,  etc. 

Dans  les  tableaux  statistiques  ci-joints,  on  trouvera  la  valeur 
de  ces  différents  articles  d'exportation. 


Exportation  de  produits  forestiers  par  le  port  de  Para, 
de  janvier  à  juillet  4888  : 


Produits. 

Caoutchouc  .    . 

Cacao 

Noix  du  Brésil. 


Quantité. 

Valeur  en  contos. 

6.262.105  kilogr. 

12.924 

2.786.224      — 

1.340 

94.151  hectol. 

666 

En  transit,  venant  de  Manaos  : 


Produits. 

Caoutchouc  .    . 
Cacao 

Noix  du  Brésil. 


Quantité. 

1. 368.555  kilogr. 
181.148      — 

37.152  hectol. 


Valeur  en  contos. 

2.936 
89 


224  LE      BRÉSIL      EN      18  89. 


Mouvement    de    la  population    dans  le  port   de   Para, 
de  janvier  à  juillet   1888. 

Entrées.   —  Nationaux,  4.785;  étrangers,  1.797.  Total  :  G. 582 

Sorties.  —  Nationaux,  1.927;  étrangers,       622.  Total  :  2.549 

Accroissement  de  la  population 4.033 


Caoutchouc.  —  Exportation  par  le  port  de  Para  en  1888  : 

Caoutchouc  de  lrc  qualité  (Borracha  fina).         10.000.000  kilogr. 
Caoutchouc  de  2e  qualité  ^Sernamby) 5.000.000     — 

Total 15.000.000  kilogr. 

En  1888,  les  prix  moyens  ont  été  de  2.000 §  (à  peu  près 
6  francs)  pour  la  première  qualité,  et  de  1.000$  (à  peu  près 
3  francs)  pour  la  seconde  sorte. 


II.  La  zone  du  Parnahyha .  —  La  zone  du  Parnahybà 
comprend  les  provinces  de  Maragnon  et  de  Piauhy.  La  surface 
de  la  province  de  Maragnon  est  de  459.884  kilomètres  carrés.  La 
surface  de  la  province  de  Piauhy  est  de  301.797.  La  zone  entière  du 
Parnahyba  a  donc  une  surface  de  761.681  kilomètres  carrés.  La 
population  de  Maragnon  est  de  400  à  500.000  habitants  ;  celle  de 
Piauhy  est  estimée  de  250.000  a  300.000  habitants.  Toute  la  zone 
du  Parnahyba  ne  contient  pas  plus  de  800.000  habitants  et  est 
toute  prête  à  recevoir  des  millions  et  des  millions  d'immigrants. 
Le  grand  fleuve  du  Parnahyba  sépare  les  provinces  de  Mara- 
gnon et  de  Piauhy  :  il  est  depuis  longtemps  silloné  par  des  ba- 
teaux à  vapeur.  La  province  de  Maragnon  jouit  d'un  magnifique 
réseau  fluvial,  formé  par  les  grands  fleuves  Gurupy,  Tury-Assû, 
Pindaré,  Mearlm,  Ilapicurû  et  Munin.  Des  bateaux  à  vapeur  cir- 
culent dans  tous  ces  fleuves  et  dans  leurs  principaux  confluents. 
La  capitale  de  Maragnon,  nommée  5.  Luiz  do  Maranhâo,  se 
trouve  placée  dans  une  ile  et  reçoit  par  des  bateaux  à  vapeur 
les  produits  de  toute  cette  belle  province,  comme  si  elle  était  la 
station  centrale  d'un  grand  réseau  de  chemins  de  fer.  Son  beau 
port  reçoit  des  navires  de  tous  les  ports  d'Europe,  principale- 
ment du  Havre  et  de  Livcrpool. 


LES     ZONES     AGRICOLES.  225 

Terre.  —  Le  nord  de  la  province  de  Maragnon  touche  à 
Para,  et  possède  des  terres  à  caoutchouc  et  à  cacao,  comme 
la  vallée  de  l'Amazone.  Dans  la  vallée  de  l'Itapicurû  la  roche 
prédominante  est  un  grès  noir  ferrugineux,  qui  est  employé 
comme  pierre  de  construction  dans  la  capitale  de  Maragnon.  Aux 
environs  de  la  ville  d'Alcantara  il  y  a  un  bassin  calcaire  parfai- 
tement  déterminé.  A  l'Itacolumy  on  trouve  des  grès  ferrugineux. 
Les  grès  blancs,  verts,  rouges  et  bigarrés  sont  très  abondants 
même  dans  l'île  où  se  trouve  la  capitale  de  Maragnon.  Des  argiles 
-de  toutes  les  couleurs,  excellentes  pour  briques,  tuiles  et  produits 
céramiques,  abondent  à  Maragnon  et  à  Piauhy.  La  pierre  de 
•taille  est  fournie  par  un  grès  très  dur,  qu'on  trouve  à  Maragnon, 
dans  l'île  de  Jacumy,  tout  près  de  Itaquy.  A  Itaquy  môme  on 
exploite  des  carrières  d'un  grès  ferrugineux.  On  trouve  à  Mara- 
gnon des  marbres  aux  environs  des  villes  du  Brejo  et  de  Caxias. 
On  fait  des  dalles  avec  un  schiste,  qu'on  exploite  tout  près  de  la 
ville  de  Caxias.  Les  calcaires  de  Tresidella,  dans  la  province  de 
Maragnon,  peuvent  servir  à  la  bâtisse  et  au  chaulage  des  terres 
argileuses.  Le  fleuve  Parnahyba  abonde  en  cristaux  de  roche.  La 
roche,  qui  couvre  le  lit  de  ce  fleuve,  est  un  grès  très  dur  :  on  y 
trouve  aussi  des  puddings  et  des  conglomérats.  Sur  les  rives  de  ce 
•beau  fleuve  abondent  le  sable  et  les  cailloux.  L'ocre  jaune,  appelée 
Taud  par  les  aborigènes,  est  exploitée  tout  près  de  la  ville 
d'Oeiras,  ancienne  capitale  de  la  province  de  Piauhy.  Le  gypse, 
le  talc  et  les  calcaires  de  plusieurs  espèces  se  trouvent  dans 
plusieurs  localités  de  la  vaste  province  de  Piauhy.  On  a  signalé 
plusieurs  mines  de  fer,  de  cuivre  et  d'or,  tant  à  Piauhy  qu'à 
Maragnon  ;  les  mines  d'or  et  de  cuivre  du  Tury-Assû  et  de  Mara- 
cassumé  ont  eu  même  un  commencement  d'exploitation. 

Sel.  —  On  fabrique  le  sel  sur  toute  la  côte  du  Brésil,  depuis 
Para  jusqu'au  cap  Frio,  dans  la  province  de  Rio-de-Janeiro. 
A  Maragnon,  les  conditions  naturelles  facilitent  beaucoup  cette 
industrie.  On  trouve,  aux  environs  d'Alcantara,  de  vastes  marais 
salés,  à  fond  de  pierre  calcaire,  qui  sont  de  vraies  salines  natu- 
relles. Elles  sont  connues  sous  le  nom  indien  d'Apicwns.  Les 
marées  à  Maragnon  sont  les  plus  fortes  de  toute  la  côte  du 
Brésil  :  elles  montent  de  a  à  8  mètres  comme  dans  le  port  du 
Havre.  L'évaporation  del'eau  de  merse  fait  très  rapidement,  grâce 
au  soleil  équatorial  ;  la  saison  sans  pluie  dure  de  5  à  G  mois, 
toujours  accompagnée  d'une  forte  brise  de  E.-N.-E.,  qui  accélère 

15 


226  i.i:    MÉSIl    i:.\    1889. 

beaucoup  l'évaporation.  Des  usines  à  sel.  moulées  à  la  française, 
raffinant  le  sel  et  profilant  des  prôéuits  ehimiques  des  eomtc- 
mèves,  donneraient  à  coup  sur  de  beaux  résultats  à  Maragnon. 

Bois  de  Construction  et  d'Ébénisterie.  —  Au  nord  de  la 
province  île  Maragnon,  on  trouve  les  mêmes  essences  de  bois 
qu'à  Para;  nous  ne  ferons  donc  que  mentionner  les  suivants  à 
la  suite  de  ceux  déjà  cités  dans  la  description  de  la  première 
zone  agricole  :  Acapu  ( Waaap&u),  elassilié  Andira  Aublelil  ou 
Wacœp&ua  umericumt,  dans  la  famille  des  légumineuses.  C'est  le 
bois  le  plus  employé  là-bas,  surtout  dans  les  travaux  hydrauli- 
ques :  il  résiste  au  ver-taret  (gusemo)  ou  Teredo  navedis  des 
zoologistes.  Un  autre  bois  de  cette  zone,  YAngeUca,  classilie 
Bio&r&nya  iParaensis,  jouit  aussi  de  la  précieuse  propriété  de 
résister  aux  vers-larets.  —  Bacuky  (Pacourv,  Pacoury-Uva) 
elassilié  Platmia  insigni&,  dans  la  famille  des  Guttifères ou.  Clv&ia- 
cées.  C'est  le  bois  de  construction  le  plus  abondant  à  Maragnon 
et  celui  dont  on  fait  un  emploi  plus  général. 

Café.  — Le  café  vient  très  bien  dans  la  province  de  Maragnon  ; 
le  meilleur  est  produit  :  dans  File  de  Saint-Louis,  à  Vianna,  dans 
la  vallée  du  Pindaré  et  dans  les  collines  duMearim,  Dans  la  statis- 
tique générale  de  la  production  du  caté  de  l'Empire  du  Brésil, 
Maragnon  occupe  la  septième  place.  A  Piauhy  on  ne  cultive 
le  cale  que  pour  la  consommation  locale,  mais  il  vient  très  bien 
dans  les  terres  hautes  du  Parnahyba,  du  Gurgueia,  du  Piauhy, 
du  Canindé,  du  Poly  et  du  Longa. 

Cacao.  —  Ce  précieux  fruit  commence  à  être  régulièrement 
cultivé  à  .Maragnon.  Le  cacaoyer  est  un  bel  arbre  qui  produit 
pendant  50  à  80  ans.  On  peut  compter  sur  une  récolte  de  cinq  à 
dix  kilos  d'amandes  pour  chaque  cacoyer.  La  culture  en  est  très 
facile  ;  il  ne  faut  des  soins  que  dans  les  premiers  temps.  Dès  que 
l'arbre  commence  à  produire,  tout  le  travail  se  réduit  à  la  récolte 
et  à  tenir  l'arbre  propre  de  parasites  et  de  mauvaises  herbes. 

Um  cacaoyer  produit  chaque  année  200  fruits;  chaque  fruit  a 
de  30  à  50  amandes.  Chat] m;  amande  pèse  50  grammes.  Ainsi  on 
a  1-0  kilogrammes  em  200  fruits.  Une  ferme  à  cacao  avec  50.000 
arbres  produirait  500. (KM)  kilogrammes  d'amandes.  Si  on  compte 
1  fr.  50  par  kilo  de  cacao,  on  aura  750.000  fr.  de  recette  brute.  On 
calcule  ainsi  les  frais  d'exploitation  : 


LES     ZONES     AGRICOLES.  g&7 

Labourage    de    LOÛ    hectares,    acquisition    de 

semences,  pépinières,  eèc G7.500  fr. 

(1  fr.  25*  par  cacaoyer). 

Plantation  de  12.500  bananiers  pour  abriter  les 
>yers  dans  les  premières  années 2.000 

Personnel  pour  soigner  les  cacaoyers  pendant 
quatre  ans 100.000 

Somme 166.260  fr. 

Le  cacaoyer  commence  à  produire  régulièrement  à  la  qua- 
trième année. 

La  récolte  et  la  préparation  des  amandes  se  font  à  dix  cen- 
linies  par  kilogramme.  Aussi,  môme  avec  le  prix  des  terres, 
intérêts,  transports,  emballage,  etc.,  etc.,  arrive-t-on à 300.000 fr. 
de  revenu  net. 

Sucre.  —  La  canne  à  sucre  réussit  merveilleusement  dans 
les  provinces  de  Maragnon  et  de  Piauhy.  Dans  la  statistique 
générale  de  l'exportation  du  sucre  de  l'Empire  du  Brésil,  Mara- 
gnon occupe  la  sixième  place.  Dans  la  vallée  du  Pindaré,  on  a 
fondé,  par  l'initiative  du  négociant  danois  Martinus  Hoyer,  la 
première  usine  de  Maragnon,  qui  est  exploitée  par  la  compagnie 
«  Progresso  Agricola  »,  au  capital  de  500  contos  de  réis,  c'est-à- 
dire,  1.250.000  francs  au  change  de  400  réis  par  franc.  Gomme 
partout,  la  production  de  l'eau-de-vie  suit  celle  du  sucre. 

Coton.  —  Maragnon  a  été  toujours  renommé  par  l'excel- 
lence du  coton.  On  prétend  que  dans  les  terres  d'Alcantara  on 
produit  le  vrai  Sea-Island.  Le  coton  vient  partout  au  Brésil  ; 
les  botanistes  affirment  qu'au  moins  trois  espèces  de  coton  sont 
natives  du  Brésil,  savoir  :  Gossipium  brasiliense,  Gossipium 
fcli'jiosum,  Gossipium  vitifolium.  Dans  la  statistique  générale  de 
l'exportation  du  coton  du  Brésil,  Maragnon  occupe  la  cinquième 
place  et  Piauhy  la  onzième. 

Agriculture.  —  Nous  avons  déjà  cité  le  café,  le  cacao,  le 
sucre  et  le  coton  comme  des  produits  de  la  zone  agricole  du 
Parnahyba.  Pendant  longtemps  le  riz  a  été  le  principal  produit 
de  Maragnon:  encore  aujourd'hui  le  riz  de  Maragnon  obtient  les 
premiers   prix    sur  les    marchés    du  Brésil.    Le   tabac    réussit 


228  LE     BRÉSIL     EN     188  9. 

très  bien  à  Maragnon  et  à  Piauhy.  Dans  la  statistique  géné- 
rale de  L'exportation  du  tabac  du  Brésil,  Maragnon  occupe  la 
neuvième  place. 

Bétail.  —  Piauhy  est  renommé  pour  la  richesse  de  ses  prairies, 
nommées  campos  de  criaçâo.  On  en  exporte  des  bœufs  même 
pour  les  Guyanes.  Le  gouvernement  impérial  possède  dans  cette 
province  une  vingtaine  de  grandes  fermes  ou  fazendas,  qu'il  met 
souvent  en  adjudication.  On  fabrique  le  fromage  dans  ces  fazendas 
par  les  anciens  procédés  laissés  par  les  jésuites  ;  dans  cette 
industrie,  comme  dans  le  tannage  des  cuirs,  il  y  a  beaucoup  à 
espérer  de  l'industrie  des  immigrants  européens. 

Voies  de  communication.  —  Le  fleuve  Parnahyba  est  navigué 
à  vapeur  sur  une  étendue  de  plus  de  200  lieues;  le  Gorgueia,  un 
de  ses  principaux  affluents,  permet  la  même  navigation  sur  une 
étendue  de  130  lieues.  Dans  la  province  de  Maragnon,  les  fleuves 
Itapicurû,  Mearim,  Pindaré,  Munim  et  Tury-Assù  jouissent  des 
avantages  d'une  navigation  régulière  par  des  bateaux  à  vapeur 
de  GO  à  70  mètres  de  longueur  et  de  70  à  90  centimètres  de  tirant 
d'eau. 

Chemins  de  fer.  —  La  navigation  à  vapeur  sur  les  beaux 
fleuves  de  Maragnon  et  de  Piauhy  a  fait  retarder  jusqu'à  ce  jour 
la  construction  de  chemins  de  fer.  Nonobstant  on  a  déjà  projeté 
les  suivants  :  1°  De  la  capitale  de  Maragnon  à  Gaxias,  avec  340 
kilomètres  de  longueur  ;  2°  De  la  ville  de  Caxias  à  Theresina,  la 
capitale  de  Piauhy,  avec  126  kilomètres  de  longueur;  3°  De  la 
ville  de  Caxias  à  San-José  dos  Matôes,  sur  le  Parnahyba,  avec  150 
kilomètres  de  longueur;  4°  De  la  ville  de  la  Barra-do-Corda,  sur  le 
Mearim,  à  la  ville  de  Chapada,  avec  130  kilomètres  de  longueur  ; 
5°  De  la  Barra-do-Corda  à  la  ville  de  Carolina,  sur  le  grand  fleuve 
Tocantins,  qui  a  été  concédé,  en  novembre  1873,  par  la  province 
de  Maragnon.  Dans  la  province  de  Piauhy,  le  chemin  de  fer  le 
plus  intéressant  est  celui  delà  ville  d'Amarante  à  la  ville  d'Oeiras, 
qui  a  pour  but  de  relier  la  vallée  du  Parnahyba  à  la  vallée  du 
San-Francisco. 

Exportations.  —  Actuellement,  les  principaux  articles  d'ex- 
portation de  Maragnon  sont  les  suivants  :  Coton  —  sucre  —  eau- 
de-vie  —  bois  de  construction  et  d'ébénisterie  —  riz  —  farine  de 


LES     ZONES     AGRICOLES.  229 

manioc  et  tapioca  —  huiles  de  coco  (palmiers  —  cocos  nuci- 
fera,  etc.).  Pour  le  Piauhy  les  principaux  articles  d'exportation 
sont  les  suivants  :  Bœufs  pour  les  Guyanes  —  coton  —  tabac  — 
cuirs  —  mais  —  riz  —  haricots,  etc. 


III.  L.a  zone  €lu  Céarà.  —  Cette  zone  agricole  est  cons- 
tituée par  la  province  de  Céarâ,  d'une  surface  de  10-4.250  kilomè- 
tres carrés.  Sa  population  est  estimée  de  800.000  à  1.000.000 
d'habitants,  malgré  les  émigrations  pour  la  vallée  de  l'Amazone, 
pendant  les  crises  produites  parla  sécheresse. 

Terre.  —  Le  sol  de  Céarâ  est  constitué  principalement  par 
des  gneiss  et  des  granits.  Sur  la  ligne  du  chemin  de  fer  de 
Camocim  à  Sobral,  on  trouve  les  mêmes  granitoïdes  que  dans  la 
province  de  Rio-de-Janeiro.  Les  calcaires  et  les  marbres  se 
montrent  à  Baturité,  à  Granja,  à  Villa-Viçosa  et  à  Sobral.  Les 
argiles  pour  briques,  tuiles,  et  pour  tous  les  produits  cérami- 
ques, abondent  dans  toute  la  province  de  Céarâ.  Les  prairies 
naturelles  —  os  campos  de  criaçâo  — ■  de  Céarâ  sont  magnifiques. 
Dès  que  les  pluies  tombent  régulièrement,  le  bétail  se  reproduit 
comme  nulle  part.  Les  vallées  humides  de  Céarâ  et  les  monta- 
gnes, où  abondent  les  sources,  sont  d'une  fertilité  extraordinaire, 
même  au  Brésil.  Tous  les  produits  agricoles,  tous  les  fruits  sont 
à  Céarâ  d'une  grande  beauté,  d'un  goût  et  d'un  parfum  exquis. 
Le  café  de  la  Serra  (chaîne  de  montagnes)  de  Maranguape  est 
excellent,  et  figure  déjà  sur  les  marchés  d'Europe. 

Métaux  —  On  a  découvert  plusieurs  mines  d'or,  de  cuivre, 
de  fer,  etc.,  dans  la  province  de  Céarâ.  Pour  le  moment  on  n'ex- 
ploite que  la  mine  de  cuivre  de  Pedro-Verde,  située  dans  le 
Municipe  de  Yiçosa. 

Matières  textiles.  —  La  flore  du  Brésil  est  très  riche  en 
fibres  et  matières  textiles.  Dans  les  familles  botaniques  des  pal- 
miers, des  malvacées,  des  filiacées,  des  broméliacées,  des  liliacées 
(surtout  le  fameux  genre  fourcroya),  des  musacées  (bananiers 
sauvages),  on  trouve  une  infinité  de  plantes  donnant  des  fibres 
pour  les  tissus,  pour  les  cordes,  pour  le  papier,  etc  Encore  der- 
nièrement la  maison  Boris  frères,  de  Céarâ,  a  commencé  l'exploi- 
tation industrielle  du  gravât  a,  de  la  famille  des  broméliacées. 


23€  KE     BRÉSIL     EN     18  89. 

Caoutchouc.  —  La  province  de  Céarâ  exporte  deux  espèces 
de  cnoiilrlioiic,  bien  différentes  de  celles  de  la  vallée  de  l'Ama- 
zone, savoir:  —  la  m/ëmmoèa  on  La  bovrœka  de  mmniisobm,  pro- 
duite par  un  arbre  qu'on  appelle  la  leiteim  (productrice  de  lait), 
et  qui  esl  classifiée  jatropha  g las iovil  dans  la  famille  des  euphor- 
biacées  ;  —  la  borracha  de  mangabeira,  produite  par  la  hancornia 
osa,  de  la  famille  des  apocunacées,  qui  vaut  1  franc  à  1  IV.  50 
le  kilogramme  dans  les  ports  d'embarquement  pour  l'Europe. 
û  va  sans  dire  que,  depuis  la  vallée  de  1'  Amazone  jusqu'à  la  pro- 
vince de  Mallo-Grosso,  le  Brésil  possède  tous  les  climats  propres 
à  la  production  du  cnnufchnuc  et  de  la  <jutia-per<h<i.  Ainsi,  le 
caoutchouc  de  Malasie  est  produit  par  une  plante  de  cette  même 
famille  des  apoeyrn&eées,  si  répandue  sur  tout  le  territoire  du 
Brésil;  on  laclassifie  ureeeëa  clusiica.  Le  caoutchouc  des  Indes  est 
produit  par  Le  j&eus  eèastiea  de  la  même  famille  que  la  seringmwa 
de  l'Amazone  et  la  lesteira  de  Céarâ. 

Gutta-Percha.  —  Il  ne  faut  pas  oublier  que  la  gutta-percha, 
native  du  Brésil,  est  produite  par  deux  arbres  de  la  famille  des 
sapQtaeées,  savoir:  —  le  jaquâ,  classilié  ïucuma  g/ganlea;  — la 
riiasst/)vni(luh(f,  aussi  nommée  apraliiû  crrmdlw  (rouge),  classifiée 
mimusops  data.  La  gutta-percha  de  la  Malasie  est  produite  par 
Yisonuudra  gutta  ou  isonandra  percha  (Hooker),  de  cette  même 
famille  des  sapotacées.  C'est  dans  l'ile  de  Sumatra  (Per/j  a  h)  qu'on 
trouve  les  plus  belles  forêts  de  gutla-pereha;  l'entrepôt  principal 
est  àSingapore.  La  gutta-percha  est  encore  produite  par  la  bassia. 
parkii,  de  la  famille  des  sapofacées.  En  Abgssiiiie,  la  gulla-percha 
est  extraite  des  arbres  du  genre  mimusops  comme  la  massaranduba 
du  Brésil,  notamment  du  mimusops  schimperti  et  du  .1/.  Kwmnel. 
Il  est  de  toute  évidence  que,  dans  un  prochain  avenir,  les  immi- 
grants européens  acclimateront  toutes  ces  espèces  et  variétés  au 
Brésil,  qui  deviendra  le  principal  producteur  de  caonêehout  et  de 
gutta-percha,  de  toutes  les  qualités  demandées  pour  les  différents 
is  de  l'industrie. 

Carnauba.  —  Si  on  devait  caractériser  la  province  de  Céarâ 
par  un  arbre,  ce  serait,  bien  sûr,  la  carnaûbeira  qui  aurait  la 
préférence.  C'est  un  joli  palmier,  classilié  primitivement  par  le 
botaniste  Arruda:  Coryfhms  eerifera,  et,  définitivement  pariMûrrtwo, 
le  célèbre  auteur  de  la  Flora  èrasitiensk,  dans  l'espèce  Copermteia 
cerifèm.  La  ciirna iihi'ira  produit    une  cire  végétale,  dont  le    Céaré 


l .  i  :  s     10NBS     AGRICOLES.  231 

fait  UM  impôrlanlc^  exportation  pour  les  au! rcs  provinces  du 
Brésil  et  powr  l'Europe.  Les  chawmiitoes  dans  l'intérieur  de  la 
province  de  Céarà,  au  S«rtoë}  comme  on  dit  au  Brésil,  sont 
toutes  tait.es  du  tronc  et  des  feuilles  delà  rnrnnûbcirn.  Le  bois 
de  mrneriàa  esl  1res  résistant  ;  il  donne  des  pilotis  magnifi- 
ques peur  tes  pon!s  et  pour  les  travaux  hydrauliques  mari- 
times.  Il  résiste  bien  au  gusano  ou  ver-taret  (Teredo  navalis).  On 
a  employé  aussi  le  bois  de  carnaûba  pour  faire  des  traverses  de 
chemins  de  fer,  etc. 

Agriculture.  —  La  province  de  Céarâ  est  considérée  la 
province  la  plus  active  du  nord  de  l'Empire.  Elle  fut  la  première 
à  abolir  l'esclavage,  par  sa  propre  initiative,  le  25  mars  1884. 
Dans  la  statistique  générale  de  l'exportation  du  Brésil,  Céarâ 
occupe  la  deuxième  place  dans  l'exportation  du  caoutchouc  ;  la 
quatrième  pour  le  café;  la  troisième  pour  le  coton;  la  septième 
pour  le  sucre,  et  la  cinquième  pour  l'exportation  de  cuirs,  os, 
cornes,  etc.  On  exporte  de  Céarâ  des  oranges  pour  l'Europe, 
notamment  pour  les  ports  d'Angleterre.  Les  fruits  de  Céarâ  sont 
délicieux,  surtout  les  abacaxis,  la  plus  belle  variété  de  l'ananas, 
et  les  citas,  qu'on  nomme  dans  les  autres  provinces  du  Brésil 
pinha,  fructa  de  conde,  etc.  UAta  est  le  fruit  de  YAnona  squamosa, 
de  la  famille  des  anonacées.  Il  y  a  plusieurs  espèces  iïanonas  dans 
la  flore  brésilienne,  connues  sous  les  noms  iïaraticum,  araticum- 
panan  ;  nralicum-ponha,  etc. 

Chemins  de  fer.  —  La  province  de  Céarâ  a  deux  chemins  de 
fer,  qui  sont  déjà  en  exploitation,  et  qu'on  prolonge  en  ce  mo- 
ment, comme  moyen  de  secours  pour  la  population  de  l'intérieur 
dans  les  crises  produites  par  la  sécheresse. 

Un  ingénieur  anglais,  M.  Revy,  a  imaginé  un  grand  réservoir 
d'eau  à  Quixadâ  pour  prévenir  les  souffrances  des  agriculteurs  et 
du  bétail  pendant  les  sécheresses.  On  espère  bien  arriver,  au 
moyen  d'un  système  de  grands  et  de  petits  réservoirs  d'eau, 
construits  dans  toutes  les  vallées,  par  la  plantation  d'arbres 
spéciaux  et  par  un  réseau  de  chemins  de  fer  de  secours,  à  réduire 
au  minimum  les  crises  de  sécheresses,  le  seul  ananké  de  la  ma- 
gnifique province  de  Céarâ. 

Exportations.  —  La  province  de  Céarâ,  ayant  été  toujours 
une  province  d'agriculture  libre  et  de  petite  propriété,  présente 


232  LE     BRESIL     EN     1889. 

la  plus  grande  variété  dans  ses  produits  d'exportation.  Nous 
nous  bornerons  à  mentionner  les  suivants  :  Carnauba  (cire-végé- 
tale). Caoutchouc  de  deux  espèces  (manissoba  et  mangabeirà)^  café, 
coton,  sucre,  eau-dc-vie,  etc.,  oranges  pourLiverpool  et  Londres, 
riz,  haricots  et  fruits  divers,  cuirs,  os,  cornes,  etc.,  etc.,  peaux 
de  cerfs  et  de  chèvres,  bois  de  construction  et  d'ébénisterie. 

Statistiques.  —  Céarà. 

Importations  directes  : 

1885-1886 2.382  :  4210715 

1886-1887  3.389  :  331 §371 

Exportations  : 

1885-1886 3.237  :  654 # 447 

1886-1887 3.780  :  895 #993 

Recette  des  douanes  : 

1886 1.425  :  014  #504 

1887 2.278  :  756#882 

IV.  Lia  zone  du  Parahyba-du-]\ord.  —  Les  quatre 
provinces,  classées  dans  la  quatrième  zone  agricole  du  Brésil, 
sont  les  suivantes  :  Rio-Grande-du-Nord,  qui  a  une  surface  de 
57.485  kilomètres  carrés  et  une  population  de  250  à  300.000  ha- 
bitants; Parahyba-du-Nord,  qui  a  une  surface  de  74.731  kilo- 
mètres carrés  et  une  population  de  400  à  450.000  habitants  ;  Per- 
nambuco  (Fernambouc  des  Français),  qui  a  une  surface  de 
128.395  kilomètres  carrés  et  une  population  de  900.000  habi- 
tants ;  Alagôas,  qui  a  une  surface  de  58.491  kilomètres  carrés  et 
une  population  de  350  à  400.000  habitants. 

Dans  cette  zone  on  ne  trouve  que  deux  fleuves  importants  : 
le  Parahyba-du-Nord  et  le  Capiberibe.  Le  grand  fleuve  San-Fran- 
cisco  limite  cette  zone  agricole  au  sud. 

Terre.  —  A  Rio-Grande-du-Nord,  les  roches  prédominantes 
sont  les  grès,  les  gneiss  et  les  granits.  On  y  trouve  des  calcaires 
et  du  gypse.  L'argile  pour  briques,  tuiles  et  pour  tous  les  pro- 
duits céramiques,  abonde  dans  toutes  les  quatre  provinces  de 
cette  zone  agricole.  Dans  les  montagnes  deCaxixa,  a  sept  lieues  de 


LES     ZONES     AGRICOLES.  233 

la  ville  (TAreia,  dans  la  province  de  Parahyba-du-Nord,  on  trouve 
Le  vrai  kaolin  à  porcelaine.  Le  fleuve  Parahyba-du-Nord  coule,  à 
s. m  embouchure,  sur  un  vrai  bassin  calcaire  ;  on  est  en  train 
d'organiser  une  Compagnie  pour  la  fabrication  de  la  chaux 
hydraulique  et  des  ciments  connus  dans  le  commerce  sous  les  dé- 
nominations de  ciment  Romain  et  de  ciment  de  Portland.  Dans  les 
montagnes  de  Borborema,  qui  forment  une  chaîne  très  impor- 
tante embrassant  les  provinces  de  Rio-Grande-du-Nord,  de  Para-^ 
hyba-du-Nord  et  de  Pernambuco,  on  trouve  des  grès,  des  gneiss 
et  des  granits.  Ces  montagnes  sont  magnifiques  par  le  climat, 
par  l'abondance  d'eau  et  par  la  fertilité.  Ce  sera  la  première 
région  qui  sera  occupée  par  les  immigrants.  On  y  trouve  déjà 
quelques  Européens,  établis  spontanément  et  qui  sont  très  con- 
tents. Le  chemin  de  fer  «  Comte  d'Eu  »  dessert  déjà  la  base  de 
ces  montagnes,  tout  près  de  la  ville  d'Areia,  située  sur  un  beau 
plateau,  qui  a  mérité,  par  la  douceur  de  son  climat  et  par  la 
beauté  de  ses  panoramas,  le  surnom  de  Petropolis-du-Nord. 
La  géologie  et  la  minéralogie  de  la  province  de  Pernambuco  ont 
été  étudiées  par  le  professeur  Charles-Frédéric  Hartt,  compagnon 
du  célèbre  Agassiz  dans  son  voyage  à  la  vallée  de  l'Amazone.  La 
région  maritime  de  la  province  de  Pernambuco  est  nommée 
zona  da  Mat  ta,  ou  tout  simplement  A  Matta,  pour  signifier  la  région 
où  abondent  les  forêts.  La  roche  qui  y  prédomine  est  le  granit 
avec  ses  évolutions  pour  le  gneiss  et  pour  le  grès.  Les  montagnes 
de  Guaranhuns,  qui  limitent  les  provinces  d'Alagôas  et  de  Per- 
nambuco, abondent  en  gneiss.  Ces  montagnes  sont  aussi  belles 
que  celles  de  Borborema  et  produisent  du  café  excellent.  Les 
immigrants  peuvent  déjà  y  arriver  par  le  chemin  de  fer  de 
Recife  à  Guaranhuns,  dans  la  province  de  Pernambuco  ;  ou, 
encore  plus  rapidement,  par  le  chemin  de  fer  de  Maceiô  à  Impe- 
ratriz,  connu  sous  la  dénomination  de  Central  Alagôas.  A 
Aguas-Bellas,  dans  la  province  de  Pernambuco,  on  trouve 
des  granits  avec  des  filons  de  calcaires  cristallins,  semblables  à 
ceux  de  la  vallée  duParahyba-du-Sud,  dans  la  province  de  Rio. 
Les  granits  de  Tamandaré  et  de  Tacarahi,  dans  la  province  de 
Pernambuco,  sont  bien  connus.  Dans  file  d'Itamaracâ,  si  renom- 
mée par  l'excellence  de  ses  fruits  :  raisins,  muscatel,  mangas, 
cocos,  abacaxis,  etc.,  etc.,  on  trouve  des  calcaires.  Le  professeur 
Hartt  a  fait  une  splendide  collection  de  calcaires  fossilifères  à 
Pajehû,  à  Bezerro  et  à  San-Caetano-da-Raposa  sur  le  chemin  de 
fer  de  Recife  à  Caruarû. 


534  le    &R1SII    EN     188  9. 

Dans  la  province  à'Alagôe»,  le  gneiss  est  abondant  dans  les 
environs  de  la  fameuse  eatarwete  de  Paufo-A/ponso,  le  Niagara 
bfésélieii.  Des  calcaires  cristallins  se  trouvent  dans  les  mon- 
tagnes de  Craûnanian,  de  Graûnam  ;  on  a  signalé  aussi  des  cal- 
caires  à  Piranhas,  sur  lariirf  gauche  du  San-Franci 

Guano  et  phosphates  alcalins.  —  On  trouve  sur  tous  les  ilôts 
de  la  côte  du  Brésil  des  dépôts  de  guanos  et  de  phosphates 
alcalins,  analogues  à  ceux  du  Pérou.  Les  plus  importants  se 
I  nui  vent  dans  l'archipel  de  Fernando  de  Noronha.  Us  sont  ex- 
ploités par  une  Compagnie  brésilienne  organisée  en  octobre  1888. 
La  direction  technique  de  l'exploitation  est  confiée  au  chimiste 
français  RI.  Louis  Berthaud. 

Bois-Brésil.  —  Le  commerce  du  Bois-Brésil  {Paû-Brazil)  a 
perdu  de  son  importance  après  la  découverte  des  couleurs 
d'aniline  ;  nonobstant  on  en  fait  encore  une  certaine  exportation 
des  provinces  d'Alagôas  et  de  Bahia.  Il  est  produit  par  des 
arbres  magnifiques,  classifîés  €  ses  alpins  /n-azi.liensis;  C.  eckùmia  ; 
C.  pel/ophci-uîdes,  dans  la  grande  famille  des  Légumineuses.  Il 
faut  dire  que  ce  bel  arbre  caractérise  bien  le  Brésil,  parce  qu'on 
le  trouve  dans  les  forêts  du  nord,  du  centre  et  du  sud  de  l'Em- 
pire. 

Agriculture.  — -  La  zone  du  Parahyba-du-Nord  se  caractérise 
par  la  production  du  sucre  et  du  coton.  Le  port  de  Recife  a  pen- 
dant longtemps  concentré  le  commerce  d'importation  et  d'ex- 
portation des  quatre  provinces  de  Pernambuco,  de  Parahyba-du- 
Nord,  d'Alagôas  et  de  Rio-Grande-du-Nord.  Actuellement,  ces 
trois  petites  provinces  commencent  à  négocier  directement 
avec  les  ports  de  l'Europe  et  des  États-Unis.  A  l'embouchure 
du  Parahyba-du-Nord,  on  est  en  train  de  préparer  un  port 
de  commerce  transatlantique,  à  Cabedello,  qui  servira  de  ^arc- 
maritime  au  chemin  de  fer  Comte  oVEu.  Ce  fleuve  Para- 
hyba-du-Nord a  des  crues  régulières,  comme  le  Nil,  et  dépose  un 
limon  aussi  fertilisant  pour  la  canne  à  sucre  que  celui  du  Nil  pour 
le  blé.  Depuis  des  siècles  on  récolte  la  canne  à  sucre  à  Parahyba- 
du-Nord,  sans  même  employer  la  charrue  de  bois,  obstinément 
conservée  par  les  fellahs  de  l'Egypte. 

A  Rio-Grande-du-Nord,  la  vallée  du  Céarà-Mirim  est  la  plus 
renommée    pour    son    extraordinaire    production    do   canne   à 


LES      ZON'KS      Ali  R1C0LKS.  235 

sucre.  A  Pernambueo  on  commence  à  cultive*  régulièrement  le 
cacaoyer  sur  Les  terrains  desservis  par  le  chemin  de  fer  de  Rccife 
à  Limoeiro.  Les  plateaux  et  les  collines  de  liio-Grande-du-Nord, 
de  Parahyba-du-Nord,  de  Pernambuco  et  d'Alagôas  produisent 
très  bien  h  café.  Le  tabac  \icnl  tores  bien  partout;  on  espère 
que  la  liberté  an  travail  agricole  donnera  à  cette  culture  le  môme 
développement  crue  dans  la  province  de  Rallia.  La  canne  à  sucre 
produit  1res  bien  dans  les  terres  basses  de  la  province  cTAIagoas. 
Le  tabac  vient  mieux  dans  les  terrains  secs.  Le  café  est  excellent 
dans  les  montagnes  de  Mundahu,  à  l'extrémité  occidentale  du 
ehemin  de  fer  central  «FAlagôas  ;  c'est  sur  ces  montagnes  qu'on 
lablir  les  premiers  immigrants.  Toutes  les  plages  de  cette 
zone  agricole,  depuis  le  Rio-Grande-du-Nord  jusqu'à  l'embou- 
chure du  San-Francisco,  sont  couvertes  de  magnifiques  forêts  de 
cocotiers  (Cocos  nucifera)  ;  leurs  fruits  donnent  lieu  à  un  com- 
merce très  important. 

Immigration.  —  Le  Parlement  vient  de  voter  une  somme  de 
1.000  contosde  réis  (à  peu  près  3  millions  de  francs)  pour  un  essai 
d'immigration  européenne  dans  la  province  de  Pernambuco.  Le 
succès  de  cette  belle  entreprise  sera  magnifique,  si  on  donne  aux 
immigrants  la  propriété  directe  delà  terre,  et  si  on  les  place  sur 
les  hauts  plateaux  de  Guaranhuns,  dans  des  endroits  connus  par 
leur  fertilité  et  par  leur  abondance  en  sources  et  eaux  courantes. 
Les  insuccès  de  l'immigration  dans  le  nord  du  Rrésil  étaient  entiè- 
rement dus  à  l'esclavagisme.  Le  climat  des  montagnes  du  nord  du 
Rrésil  est  excellent  pour  les  Européens  ;  ce  qui  est  mauvais,  ici 
comme  dans  tout  le  monde,  ce  sont  les  marais  et  les  prairies  basses 
et  humides.  La  chaleur  à  Pernambuco  et  dans  toute  cette  zone 
agricole  n'atteint  jamais  les  degrés  connus  dans  la  Lombardie,  à 
Naples,  en  Espagne  et  dans  toute  la  Méditerranée.  V immigrant- 
propriétaire  est  parfaitement  libre  de  choisir  les  heures  les  plus 
convenables  pour  ses  travaux  agricoles  ;  il  n'est  pas  obligé  d'obéir 
aux  ordres  de  propriétaires  parfois  égoïstes.  Le  labourage 
de  la  terre  au  Rrésil  est  très  facile  :  un  cacaoyer  vit  50  à  80  an- 
nées ;  ce  sont  des  arbres  fruitiers,  c'est  un  travail  de  verger. 
L'immigrant-propriétaire  cultivera  la  vanille  avec  sa  femme  et 
ses  enfants;  élèvera  des  abeilles  et  des  vers-à-soie  ;  cultivera  des 
ananas  et  les  beaux  fruits  du  Rrésil;  exercera,  enfin,  une  multi- 
tude de  petites  industries  avec  les  produits  naturels,  si  abondants 
dans  les  forêts  du  pays. 


236  LE     BRESIL     EN      1889. 

Chemins  de  fer.  —  La  zone  agricole  du  Parahyba-du-Nord 
(>st  déjà  desservie  par  plusieurs  chemins  de  fer  énumérés 
ailleurs. 

Exportations.  —  Les  quatre  provinces,  qui  composent  la  zone 
du  Parahyba-du-Nord,  ont  des  articles  d'exportation  très  variés  ; 
nous  nous  bornerons  à  citer  les  suivants  :  Sucre  —  coton  — ■  bois 
de  construction  et  d'ébénisterie  —  cuirs  —  os,  cornes,  etc.,  etc., 
—  cocos  (fruits  du  cocos  nuclfera)  —  riz  —  maïs  —  tapioca  et 
farine  de  manioc  —  haricots  —  tabac  —  gratins  de  sucre  (rapa- 
duras)  —  fruits  (oranges,  ananas)  —  eau-de-vie  —  huile  de 
ricin  —  huiles  de  plusieurs  palmiers  —  café  —  caoutchouc  de 
Jatropha  et  de  Hancomia  —  bois-Brésil  —  cire  végétale  de  coper- 
nicea,  etc.,  etc. 

PROVINCE   DE   PERNAMBUCO,     TORT   DE   RECIFE 
Mouvement  maritime  en  1887. 

Entrées:  1.181  navires  jaugeant  859.216  tonneaux. 

Sorties  :   1.135  navires. 

Vapeurs  entrés 539 

Vapeurs   sortis 642 


Somme 1.181 

Il  y  a  en  plus  10    navires    de   guerre  à  vapeur    entrés  et 
sortis. 

COMMERCE  DE  SUCRE  ET  DE  COTON  DE  1878  A  1888. 

Sucre. 

1878-1879 1.055.938  sacs 

1879-1880 1.716.637  — 

1880-1881 2.224.773  — 

1881-1882 2.029.489  — 

1882-1883 1.229.579  — 

1883-1884 2.150.138  — 

1884-1885 1.661.887  — 

1885-1886 1.296.335  — 

1886-1887 1.971.216  — 

1887-1888 2.493.365  — 


LES     ZONES     AGRICOLES.  237 

Coton. 

1878-1879 31 .168  balles 

1879-1880 00.117  — 

1880-1881 119.118  — 

1881-1882 158.497  — 

L882-1883 118.280  — 

1883-1884 136.982  — 

1884-1885 149.932  — 

1885-1886 161.337  — 

1886-1887 319.134  — 

1887-1888 302.268  - 

Le  sac  de  sucre  pèse  60  kilogrammes. 

La  balle  de  coton  pèse  de  60  à  80  kilogrammes. 


V.  La  zone  du  San-Francisco.  —  La  zone  du  San-Fran- 
cisco  est  constituée  par  les  deux  provinces  de  Sergipe  et  de  Bahia. 
La  province  de  Sergipe  a  une  surface  de  39.090  kilomètres  carrés 
et  une  population  de  200  à  250.000  habitants.  La  province  de 
Eahia  a  une  surface  de  426.427  kilomètres  carrés  et  une  population 
de  1.500.000  à  1.600.000  habitants. 

Terre.  —  Dans  les  provinces  de  Bahia  et  de  Sergipe,  la  terre 
la  plus  estimée  pour  la  canne  à  sucre  est  nommée  Massapê  ;  c'est 
une  terre  forte,  une  argile  dont  les  nuances  vont  depuis  le  gris- 
perle  jusqu'au  plomb-foncé.  Au  nord  de  Sergipe,  sur  les  rives 
du  San-Francisco,  la  roche  prédominante  est  le  grès  ou,  parfois, 
les  gneiss.  On  trouve  des  calcaires  crétacés  aux  environs  des 
villes  de  Maroim  et  de  Larangeiras.  On  a  aussi  signalé  à  Sergipe 
quelques  gisements  de  marbre  blanc  et  d'un  calcaire  amorphe 
bleuâtre.  A  Bahia,  dans  les  environs  de  la  capitale,  la  roche  la  plus 
commune  est  un  granitoïde,  connu  vulgairement  sous  le  nom  de 
Coraçâo  de  Negro  (Cœur  de  noir),  à  cause  de  sa  couleur  foncée  et 
de  la  difficulté  qu'on  a  à  le  tailler. 

Au  grand  fleuve  Paraguassû,  les  roches  prédominantes  sont 
les  granits  et  les  gneiss.  Sur  les  rives  de  San-Francisco  on 
trouve  l'albâtre,  le  marbre  et  des  calcaires  de  toute  espèce.  Les 
grottes  calcaires,  à  stalactites  et  stalagmites,  comptent  parmi 
les  beautés  naturelles  de  ce  fleuve   majestueux,  si  justement 


238  LH     BAÊSLL     EN     1889, 

surnommé  La  Méditerranée  brésilienne.  Le  granit  abonde  dans  La 
chaîne  de  montagnes  d'Iliuba.  A  Camamû  on  trouve  le  calcaire 
Lithographique-  Au  sud  de  la  province  de  Bahia,  à  Taperoâ,  à 
Valença  et  à  Camann'i,  on  commence  à  exploiter  des  schistes 
bitumineux,  qui  fournissent  du  pétrole  et  du  gaz  d'éclairage.  Les 
calcaires  argileux  de  Valença  produisent  une  belle  chaux  hydrau- 
lique. 

Dans  la  province  de  Bahia,  on  nomme  Tauà  une  espèce  de 
marne  ou  de  calcaire  argileux.  On  a  signalé  des  gites  de  calcaires 
à  Santo-Amaro,  à  Inhambupe,  à  Capim-Groaso,  à  Chique-Chique 
et  à  Bom-Jcsus-da-Lapa  sur  les  rives  du  Bio-das-Contas. 

Les  argiles  plastiques  de  la  province  de  Bahia  sont  les  plus 
belles  du  Brésil  :  on  y  a,  dès  les  temps  primitifs,  fabriqué  des 
briques,  des  tuiles,  des  alcarazas  (tal/ias,  moringas,  quartinhas, 
etc.,  etc.),  et  toute  sorte  de  poterie  et  d'objets  d'utilité  ou  de 
fantaisie. 

Or  et  Diamants.  —  C'est  aux  provinces  de  Bahia  et  de  Minas 
que  le  Brésil  doit  sa  renommée  de  Pays  d'Or  et  de  Diamants.  On 
a  signalé  plusieurs  gîtes  d'or  et  d'argent  dans  la  province  de 
Bahia.  Depuis  longtemps  on  y  fait  un  commerce  régulier  de 
diamants.  Dernièrement  on  a  commencé  l'exploitation  des  mines 
d'or  d'Assuruâ,  qui  sont  déjà  sur  le  bassin  du  S.  Francisco.  Tout 
cela  n'est  dit  que  pour  mémoire.  Il  n'entre  pas  dans  notre  pro- 
gramme de  faire  du  Brésil  un  pays  minier.  A  la  formule  —  Pays 
d'or  et  de  diamants,  nous  préférons  de  beaucoup  :  —  Pays  fertile  et 
tranquille.  —  Pays  de  liberté  et  de  progrès.  —  Pays  pacifique  et 
hospitalier.  —  Pays  agricole  et  industriel.  Ce  n'est  pas  de  l'or  et 
des  diamants  que  nous  offrons  aux  immigrants  ;  c'est  tout  sim- 
plement la  propriété  d'une  terre  qui  produit  tout  ce  qu'il  y  a  de 
plus  précieux  au  monde  :  du  caoutchouc,  du  cacao,  du  café,  du 
coton,  du  sucre,  du  vin,  de  la  soie,  de  la  vanille,  tous  les  fruits, 
tous  les  bois  et  toutes  les  essences  de  l'Arabie  et  des  Indes,  de 
l'Asie  et  de  l'Afrique. 

Le  Fleuve  San-Francisco.  —  La  formule  :  Le  San-Francisco 

est  la  Méditerranée  brésilienne  est  parfaitement  exacte.  Ce  fleuve 
superbe,  embelli  par  la  pittoresque  cataracte  de  Paulo-Afïbnso, 
forme  un  trait  d'union  entre  toutes  les  provinces  du  Brésil  Cen- 
tral, depuis  Piauhy  jusqu'à  la  province  de  Minas.  Dans  les 
temps  primitifs,  le  San-Francisco  était  la  grande  route  pour  tout 


LES      ZONES      AGRICOLES.  239 

le  commerce  antérieur  du  lirésil  :  aussi  le  San-Francisco  est-il  peut- 
être  eacoreçlus  populaire  au  Brésil  que  le  magnifique  Amazone. 

Quand  ou  a  commencé  à  eonslruire  des  chemins  de  fer  au  Bré- 
sil toutes  les  lignes  •étaient  destinées  ans  rives  du  San-Francisco: 
chemin  île  fer  de  Récite  au  San-Francisco  ;  chemin  de  fer  de 
l>ahia  au  San-Francisco  ;  chemin  de  fer  de  Dom  Pedro  II  ou 
de  la  capitale  de  L'Empire  au  San-I'raiicisco.  Le  l^iulo-A/fonso, 
ou  le  Niaqwa  hrcsilicii,  divise  naturellement  le  fleuve  San- 
Francisco  en  deux  sections  :  la  section  maritime,  qui  va  jus- 
qu'au port  de  Piranhas;  la  section  supérieure,  qui  est  navigable 
par  &es  bateaux  de  rivière. 

Les  deux  premiers  bateaux  à  vapeur  qu'on  y  a  lancés  ont  été 
transportés,  tout  en  pièces,  à  dos  de  mulet.  On  vient  de  cons- 
truire un  chemin  de  fer  de  Piranhas  à  Jatobapour  relier  les  deux 
sections  du  fleuve  San-Francisco.  Le  gouvernement  a  une  com- 
mission d'ingénieurs  travaillant  incessamment  aux  améliora- 
tions de  ce  merveilleux  bassin  hydraulique.  Nous  espérons 
pouvoir  y  placer  des  immigrants-propriétaires  dans  quelques 
années. 

Bois  de  Construction  et  d'Ébénisterie.  —  Les  provinces 
de  Sergipe  et  de  Bahia  possèdent  des  forêts  magnifiques  de  bois 
excellents  pour  les  constructions,  pour  la  menuiserie  et  pour 
l'ébénisterie.  A  Sergipe,  les  plus  belles  forêts  sont  sur  le  littoral 
et  sur  les  montagnes  d'Itabaiana  :  à  Bahia,  sur  les  rives  du  Para- 
guassû  et  du  Jequitinhonha,  que  les  poètes  disent  avoir  un  Ut 
d'or  et  de  diamants.  La  liste  des  bois  de  construction  de  la  zone 
du  San-Francisco  occuperait  des  pages;  nous  nous  bornerons 
aux  plus  remarquables,  savoir  :  les  Palissandres,  nommés  au 
Brésil  Jacarandâs,  de  plusieurs  genres,  espèces  et  variétés, 
notamment  le  Jacarandà-preto  (noir)  ou  Cabiuna,  classifîé  Dalber- 
i ;  le  Jacarandd-rosa  (rose),  classifîé  Machaerium  sp  ; 
le  Jacarandd-d'esplnho,  classifîé  Machaerium  leucopterum  ;  le 
undd-rôxo  (rouge),  classifîé  Machaerium  firmum  ;  le  Jacarandd- 
tan,  classifîé  Mâcher lum  Allemani,  en  honneur  de  Freire  Allemâo, 
le  plu  re  des  botanistes  brésiliens;  le  Jacarandd-mocô   ou 

Pau-de-moc6,  classifîé  Machaerium  auriculatum  ;  le  Jacarandd- 
violêta  (violet),  classifîé  Machaerium  violaceum  ;  le  Jacarandd- 
banana,  classifîé  Swartzia  Langsdorfil,  du  nom  d'un  célèbre  voya- 
geur russe  qui  a  traversé  le  Brésil  ; 

Les  Vinhaticos,  des  bois  qui   rappellent  l'acajou,   et  qui  sont 


2-10  LE     BRESIL     EN      1889. 

très  employés  au  Brésil  pour  la  menuiserie.  En  règle  générale, 
les  meubles  brésiliens  sont  de  palissandre  ou  de  vinhatico.  Le 
Vinkatico  le  plus  commun  est  classifié,  comme  les  palissandres, 
dans  la  famille  des  légumineuses,  Eckyrospermum  Baltha- 
sarii,  Plilhymcnia  reticulata  (Bentham);  le  Gonçalo-  Alves, 
un  bois  superbe  pour  l'ébénisterie  ;  il  a,  parfois,  l'aspect  de 
Técaille;  on  le  classifié  Astronium  fraxinifolium,  dans  la  famille 
des  térébinthacées  ;  le  Potumujû,  connu  sous  le  nom  d'Araribd 
ou  à'Eriribâ  dans  la  province  de  Rio,  excellent  bois  de  cons- 
truction et  de  menuiserie,  le  plus  estimé  pour  les  portes  des 
grands  bâtiments  ;  on  le  classifié  Centrolobum  robustum, 
C.  tomentosum,  dans  la  famille  des  légumineuses; 

Le  Tapinhoam,  qui  est  peut-être  le  bois  le  plus  générale- 
ment employé  à  Bahia  dans  la  construction  navale,  dans  les 
constructions  hydrauliques  et,  surtout,  dans  la  tonnellerie.  Il 
a  l'aspect  du  chêne  de  l'Europe  et  des  États-Unis.  On  le  clas- 
sifié Sylvia  navalium,  dans  la  famille  des  lauracées. 

Agriculture.  —  Dans  la  province  de  Bahia  l'unité  agricole 
pour  la  terre  est  la  Parafa,  de  900  traças  quadradas,  c'est-à-dire, 
de  4.356  mètres  carrés.  Parèfa  signifie  le  service  d'un  homme 
dans  une  journée  de  travail.  C'est  surtout  dans  la  culture  de  la 
canne  à  sucre  que  cette  unité  est  employée.  Ainsi  on  dit  à  Bahia: 
la  Parèfa  de  Santo-Amaro  produit  de  50  à  100  arroubas  de  sucre, 
à  peu  près,  734  kilos  à  1.469  kilogrammes.  Ou  encore  :  la  Parèfa 
de  Inhambupe  produit  400  à  800  arroubas  de  sucre,  à  peu  près, 
5.876  à  11.752  kilogrammes  de  sucre.  H  y  a  encore  une  Parèfa, 
unité  de  longueur,  qui  s'applique  aux  cêrcas  (haies-vives)  ;  la 
Parèfa  de  Cêrca  est  une  longueur  de  30  Draças  ou  de  66  mètres 
de  haie-vive. 

Primitivement  on  exportait  le  sucre  dans  de  grandes  caisses 
en  bois  :  bien  souvent  on  employait  des  bois  précieux  comme 
la  palissandre,  le  cèdre  ou  le  vinliatico.  La  Caixa  d'assucar,  la 
caisse  de  sucre,  devait  contenir  50  arroubas  ou  734  kilogrammes 
de  sucre. 

La  terre  préférée,  dans  les  provinces  de  Bahia  et  de  Sergipe, 
pour  la  canne  à  sucre  est  le  massapê,  une  espèce  de  terre  forte, 
de  terre-glaise,  quelquefois  blanche,  plus  souvent  variant  du 
gris-perle  au  plomb-foncé.  Dans  certains  endroits  la  canne  à 
sucre  rapporte  trois,  quatre  et  même  cinq  fois.  On  y  appelle  cette 
production  continuelle  de  la  canne  à  sucre   sôca  e  resôca.  11  ne 


LES     ZONES     AGRICOLES.  241 

manque  pas  d'exemples  de  terres,  à  Bahia,  à  Sergipe,  à  Parahyba- 
du-Nord,  à  Rio-Grande-du-Nord,  et  surtout  dans  la  vallée  de 
L'Amazone  el  à  Matto-Grosso,  ayant  des  plantations  de  canne-à- 
sucre  (Cannaviâes),  qui  produisent  incessamment  pendant  15  à 
20  années. 

On  compte  régulièrement  sur  la  production  de  100.000  kilo- 
grammes de  canne  à  sucre  pour  un  hectare  de  terre.  Il  faut  15 
mois  entre  la  plantation  et  la  coupe  de  la  canne  à  sucre.  Un 
planteur  fait  parfaitement  la  besogne  de  deux  hectares,  qui  lui 
rapportent  200.000  kilogrammes  de  canne  à  sucre.  S'il  vend  la 
canne  aune  usine  centrale,  au  prix  de  7  $000  réis  (à  peu  près 
20  francs)  la  tonne  de  1.000  kilos,  il  obtiendra  seulement  de  ce 
chef  1.-400$  000  réis,  soit  4.000  fr. 

Si  ce  planteur  est  un  immigrant  intelligent,  il  aura  quelques 
ea levers  autour  de  sa  maison,  des  cacaoyers,  des  orangers, 
quelques  palmiers,  une  plantation  cle  maïs  et  de  légumes,  c'est- 
à-dire,  que  ces  1.000  francs,  reçus  de  l'usine  centrale,  pourront 
être  comptés  comme  revenu  net  annuel.  Tous  ces  calculs  ont 
été  confirmés  par  la  pratique.  C'est  un  fait  ordinaire  de  voir  des 
immigrants  envoyer,  à  la  Caisse  d'Epargne  ou  aux  Banques, 
des  économies  annuelles  d'un  à  deux  contos  de  réis,  soit  de 
3.000  à  6.000  francs. 

Les  provinces  de  Sergipe  et  de  Bahia  possèdent  des  régions 
magnifiques  pour  la  culture  du  coton.  Sur  un  hectare  on  peut 
planter  4.515  cotonniers,  qui  produisent  2.160  kilogrammes  de 
coton  en  gousse.  Un  planteur  peut  faire  parfaitement  la  besogne 
de  3  hectares  et  avoir  ainsi  6.480  kilogrammes  de  coton  en  gousse. 
S'il  obtient  des  usines  centrales  de  coton  125  réis  par  kilo,  sa 
récolte  annuelle  lui  produira  810  $000  réis,  à  peu  près  2.200  francs. 
Il  est  évident  que  les  raisonnements  faits  pour  le  sucre  s'appli- 
quent aussi  au  coton,  et  que  ces  2.300  francs  doivent  être  consi- 
dérés comme  le  revenu  net  annuel  d'un  immigrant,  propriétaire 
d'un  terrain  à  coton. 

On  verra  par  la  statistique  générale  de  l'exportation  du  Brésil 
que  la  province  de  Bahia  occupe  la  troisième  place  pour  l'expor- 
tation du  café.  La  production  en  est  générale  dans  les  montagnes 
et  dans  les  terres  élevées.  À  Bahia  il  s'est  produit  sur  le  café  un 
phénomène  de  transformisme  fort  curieux  et  très  digne  d'étude. 
Le  café  de  Maragogipe  ou  de  San-Felippe,  qui  reste  au  fond  de 
la  grande  rade,  au  Reconcavo,  comme  on  dit  à  Bahia,  a  acquis  la 
couleur  jaune  et  des  dimensions  énormes.  Le  fruit  ou  Ja  cerise 

16 


2  12  LE     BRÉS1  L     BU      18  89. 

a  1  r>  à  20  millimètres  de  longueur.  A  Botucatû,  dans  La  province 
de  San-Paulo,  l<is  forces  cosmiques  ont  aussi  réussi  à  produire 
une  autre  variété  de  café.  On  a  envoyé  au  i'eu  général  Morin, 
ancien  directeur  du  Conservatoire  des  A.rts-et-Métiers,  des  échan- 
tillons des  cafés  de  Maragogipe,  San-Felippe  et  de  Botucatû  pour 
être  analysés  et  étudiés  en  comparaison  avec  les  cafés  les  plus 
estimés. 

Dans  la  province  de  Sergipe,  c'est  sur  les  montagnes  de  Ita- 
baïana  que  la  production  du  café  est  plus  considérable.  Ces 
montagnes  sont  riches  en  dépôts  de  salpêtre,  qui  seront  exploi- 
tés par  les  immigrants  européens  pour  les  besoins  de  l'industrie. 
On  étudie  un  projet  de  chemin  de  fer  pour  desservir  cette  région, 
certes  la  plus  convenable  pour  l'établissement  d'immigrants- 
propriétaires. 

Tabac.  —  La  culture  du  tabac  dans  la  province  de  Bahia  es 
faite  depuis  longtemps  par  de  petits  propriétaires;  elle  n'a  l'ail 
que  prospérer  et  augmenter  après  l'abolition.  La  France 
achète  des  sommes  importantes  de  tabac  de  Bahia  pour  ses 
grandes  manufactures  nationales.  Il  appartient  à  leurs  directeurs 
d'étudier  la  convenance  d'envoyer  à  Babia  une  commission  pour 
signaler  les  progrès  à  faire  dans  la  culture  du  tabac.  On  arrivera, 
bien  sur,  à  prouver  les  avantages  d'établir  à  Babia  des  fermes- 
modèles,  dirigées  par  des  agronomes  français;  ils  indiqueraient 
aux  agriculteurs  la  manière  de  produire  les  meilleures  qualités 
de  tabac  voulues  par  les  manufactures  de  France.  Les  deux 
gouvernements,  français  et  brésilien,  dont  les  rapports  sont 
beureusement  des  plus  amicaux,  se  mettraient  d'accord  pour  la 
bonne  réussite  de  cette  entreprise,  aussi  importante  pour  l'agricul- 
ture de  l'Empire  que  pour  les  finances  de  la  République.  L'ini- 
tial ive  individuelle  pourrait  faire  encore  mieux  que  les  gouver- 
nements, si  les  grands  importateurs  de  tabac  envoyaient  des 
agents  pour  établir  des  comptoirs  àSan-Fidelis  et  àCachoeira,  pour 
fournir  des  semences  et  des  engrais  et  donner  des  instructions 
aux  planteurs.  Ils  achèteraient  le  tabac,  sur  place,  de  la  meilleure 
qualité  et  à  des  prix  très  avantageux.  L'exemple  a  été  déjà  donné 
par  la  Manchester  Cotton  Supply  Association,  qui  a  été  le  prin- 
cipal promoteur  de  la  culture  du  coton  dans  la  province  de  San- 
Paulo,  pendant  la  crise  produite  par  la  guerre  pour  l'abolition  de 
l'esclavage  aux  États-Unis. 


LES     ZONES     AGRICOLES.  243 

Cacao.  —  Toute  L'immense  zone  du  San-Francisco  est  appro- 
priée à  la  production  du  cacao,  aussi  bien  au  bord  de  la  mer,  sur 
le  littoral  des  provinces  de  Sergipe  et  de  Bahia,  que  sur  les  rives 
du  grand  fleuve.  Les  plus  belles  fermes  de  cacao  (Fazendas  de 
du  Brésil  se  trouvent  au  sud  de  la  province  de  Bahia,  à 
Camamû,  à  Porto-Seguro,  à,Valença,  à  Santa-Gruz  etc.  etc.  Nous 
recommanderons  constamment  aux  immigrants-propriétaires  la 
culture  du  cacaoyer  partout  où  elle  sera  possible.  Un  seul  immi- 
granl  peut  soigner  1.000  cacaoyers,  qui  lui  produiront  un  revenu 
net  de  1.500  à  2.000  francs.  Le  cacaoyer  rapporte  pendant  80 
années.  Une  plantation  de  cacaoyer  doit  être  considérée  par 
l'immigrant  comme  un  patrimoine  pour  lui  et  pour  sa  famille. 

Le  cacaoyer  est  aussi  beau  que  l'oranger,  mais  ses  fruits  sont 
plus  précieux;  ils  donnent  le  chocolat,  le  beurre  de  cacao,  l'eau- 
de-vie  de  cacao,  etc.,  etc.  La  pulpe  qui  enveloppe  les  amandes 
est  d'un  goût  exquis  et  très  rafraîchissante. 

Immigration.  —  Le  gouvernement  brésilien  a  été  autorisé 
par  le  Parlement  à  employer  1.000  contosde  reis,  à  peu  près  trois 
millions  de  francs,  pour  l'immigration  dans  la  province  de  Bahia. 
Le  sud  de  cette  belle  province  est  dans  les  mêmes  conditions  de 
climat  que  la  province  limitrophe  de  Espirito-Santo,  où  prospè- 
rent plusieurs  colonies  d'Italiens  et  d'Allemands,  tous  proprié- 
taire de  lots  de  terre  concédés  par  le  gouvernement  brésilien. 
Au  nord  et  au  centre  de  la  province  de  Bahia,  on  trouve  des 
chaînes  de  montagnes  où  le  climat  est  excellent,  sec  et  tempéré, 
produisant,  comme  Jacobina,  les  fruits  de  France  :  pommes, 
coings,  poires,  pêches,  etc. 

Nous  répéterons  encore  une  fois  :  —  V Immigration  dans  les 
provinces  du  nord  du  Brésil  réussira  'parfaitement  si  on  place  les 
immigrants  dans  les  belles  montagnes  et  si  on  leur  donne  la  propriété 
immédiate  de  la  terre.  Tous  les  insuccès  furent  causés  par  l'escla- 
vagisme. Ce  qui  était  impossible  —  le  travail  de  l'immigrant  à 
côté  de  l'esclave  —  est,  Dieu  merci,  hors  de  question. 

Chemins  de  fer.  —  La  province  de  Sergipe  a  en  étude  le 
chemin  de  fer  de  Aracajû,  la  capitale,  à  Simao-Dias.  Dans  la 
province  de  Bahia  on  exploite  déjà  un  certain  nombre  de  chemins 
de  fer  énumérés  plus  loin. 

Exportations.  —  Les    articles   d'exportation   plus   notables 


211  LE     BRÉSIL     EN     1889. 

des  provinces  de  Sergipe  et  de  Babia  sont  les  suivants  :  Or  et 
diamants  —  sucre  —  tabac  —  coton  —  café  —  cacao  —  eau-de- 
vie  —  bois-brésil  —  palissandre  —  fruits  (oranges,  mangas, 
cocos,  etc.)  —  huiles  de  baleine,  de  palme,  de  ricin,  etc.  —  cuirs, 
os,  cornes,  etc.  —  tapioca,  farine  de  manioc  —  haricots,  maïs 
—  caoutchouc  (de  mangabeira,  hancornla)  —  fibres  de  palmiers 
(piassaba,  tucwn,  etc.). 


VI.  L<a  zone  du  Parahyba-du-Sud .  —  Trois  provinces 
constituent  la  zone  du  Parahyba-du-Sud,  qu'on  pourrait  aussi  clas- 
sifier  :  —  La  grande  zone  du  café. —  Ces  provinces  sont:  la 
province  d'Espirito-Santo,  avec  une  surface  de  44.839  kilomètres 
carrés  et  une  population  de  100  à  120.000  habitants  ;  la  pro- 
vince de  Rio,  avec  une  surface  de  68.982  kilomètres  carrés  et  une 
population  de  850.000  à  900.000  habitants  ;  la  capitale  du  Brésil 
se  trouve  enclavée  dans  la  province  de  Rio,  dans  le  Munie ipio 
Neutro,  ou  Municipe  de  la  Cour,  qui  a  une  surface  de  1.394  kilo- 
mètres carrés  et  une  population  de  500  à  600.000  habitants;  —  la 
province  de  San-Paulo,  qui  a  une  surface  de  270.870  kilomètres 
carrés  et  une  population  de  950.000  à  un  million  d'habitants. 

Terre.  —  La  roche  prédominante  dans  la  province  d'Espirito- 
Santo  est  le  granitoïde  ou  le  gneiss-granit,  caractéristique  de 
toute  la  zone  agricole  du  Parahyba-du-Sud.  Les  calcaires  et  les 
marbres  ont  été  déjà  signalés  en  plusieurs  localités  de  cette 
province,  notamment  dans  la  Serra  de  S an-Felippe,  dans  la  vallée 
dTtapemirim.  Les  argiles  plastiques  sont  abondantes  et  employées 
partout  en  briques,  tuiles,  poteries,  etc.  On  trouve,  parfois, 
enclavés  dans  l'argile  ou  sur  le  lit  des  rivières,  des  cristaux  de 
quartz  de  toute  beauté.  Le  Museo  National  de  Rio  en  possède 
un  exemplaire  superbe,  d'un  mètre  de  longueur.  Dans  la  vallée 
du  Parahyba-du-Sud  le  gneiss-granit  est  traversé  par  des  filons 
calcaires  cristallins.  Ils  sont  exploités  pour  la  fabrication  de  la 
chaux  et  aussi  comme  marbres  d'ornementation.  Les  professeurs 
Charles-Frederick  llartt  et  Orville-Adalbert  Derby  ont  trouvé 
dans  ce  calcaire  le  fameux  Eozoon  canadense,  caractéristique  des 
terrains  laurentiens,  et  considéré  le  premier  animal  qui  s'est 
organisé  sur  noire  planète. 

Les  calcaires  de  la  Barra-do-Pirahy,  sur  le  chemin  de  fer  de 
Dom   Pedro   II  ;  ceux  de  la   Fazenda-do-Govcrno,  sur  la    route 


LES     ZONES     AGRICOLES.  245 

Uniào-Industria  ;  les  calcaires  de  Valcnça,  desservie  par  un 
embranchement  du  chemin  de  fer  de  Dom  Pedro  II  ;  ceux  de  la 
Fazenda  de  Cackoeira  de  Montserrate^  tout  près  de  la  gare  de  la 
Serraria,  sur  le  chemin  de  fer  de  Dom  Pedro  II,  doivent  être  cités 
parmi  ceux  qui  sont  en  exploitation.  Les  argiles  abondent  même 
dans  les  terrains  qui  bordent  le  port  de  Rio.  On  y  voit  des  fabriques 
montées  comme  les  plus  belles  de  Marseille.  Le  kaolin  se  trouve  à 
Nitherohy,  dans  l'île  de  Paquetâ,  etc.  Le  savant  naturaliste  D'Orbi- 
gny  a  été  tout  étonné  de  voir  à  Rio  le  granit  employé  dans  toutes  les 
constructions.  Vraiment  il  est  impossible  de  trouver  quelque  part 
une  plus  grande  variété  de  roches  granitiques,  depuis  les  gneiss 
jusqu'aux  pegmatites  et  aux  syénites,  depuis  les  diorites 
jusqu'aux  diabases. 

La  ville  de  Rio  exporte  des  pavés  ou  des  parallélipipèdes 
pour  pavage,  pour  la  Plata  et  même  pour  les  autres  villes  du 
Brésil.  Dans  la  province  de  San-Paulo  on  exploite  pour  dalles  un 
schiste  vert  foncé.  Le  municipe  de  San-Roque  a  une  importante 
exploitation  de  marbres.  Les  calcaires  abondent  à  Sorocaba, 
Itapetininga,  Cutia,  Taubaté,  Iguape,  Paranahyba,  Araraquara, 
Yporanga,  Jaboticabal,  etc.  La  fameuse  Terra  Rôxa,  terre  rouge 
foncée,  est  produite  par  la  décomposition  de  diorites  et  de 
diabases.  On  discute  encore  à  San-Paulo  si  la  Terra  Boxa  vaut 
mieux  ou  non  que  le  Massapê  pour  la  culture  du  caféyer.  Ce  qu'il 
paraît  résulter  de  ces  discussions  c'est  que  la  Terra  Boxa,  par  son 
abondance  en  fer,  fait  accélérer  la  production  du  caféyer,  qui 
commenee  à  rapporter  de  2  à  3  ans,  tandis  que  le  massapè  est 
plus  lent  dans  la  production,  mais  garde  le  caféyer  en  rapport 
pendant  une  période  plus  longue.  A  Taubaté  on  trouve  un  très 
importante  gisement  de  schistes  bitumineux,  qui  est  exploité 
par  une  Compagnie. 

Bois  de  Construction,  de  Menuiserie  et  d'Ébénisterie.  — 
Ce  sont  les  forêts  de  la  Serra-do-Mar,  de  la  chaîne  de  montagnes 
qui  borde  la  mer  depuis  le  cap  Frio  jusqu'au  cap  de  Santa-Martha, 
clans  la  province  de  Santa-Catharina,  qui  ont  mérité  les  éloges 
enthousiastes  de  Charles  Darwin,  de  Saint-Hilaire,  d'AGASSiz  et  de 
tous  les  savants  qui  ont  visité  le  Brésil. 

Un  voyageur  distingué  disait  tout  dernièrement  :  —  «  J'ai  vu 
bien  des  forêts,  partout  dans  le  monde,  mais  c'est  seulement  au 
Brésil  qu'on  voit  des  forêts  si  serrées  que  l'on  croit  pouvoir  mar- 
cher dessus.  » 


246  LE     BRÉSII    EN     1889. 

La  terre,  d'une  fertilité  incomparable,  et  les  forets  d'une 
beauté  infinie,  sont  et  seront  toujours  la  grande  richesse  du 
Brésil.  Vraiment  aucun  sol  au  monde  ne  vaut  celui  qui  est  drainé  et 
arrosé  par  l'Amazone,  par  le  San-Francisco,  par  les  deux  Parahyba 
au  nord  et  au  sud,  par  l'Uruguay,  par  le  Paranà,  et  par  leurs 
milliers  d'affluents.  Les  forets  de  caoutchouc  couvrent  des  régions 
immenses  depuis  la  vallée  de  l'Amazone  jusqu'à  la  province  de 
Matto-Grosso  ;  les  splendides  forets  de  Palmiers  à  Carnaûba 
vont  depuis  Piauhy  et  Céarâ  jusqu'à  la  vallée  du  San-Francisco 
sur  les  confins  des  provinces  de  Minas  et  Bahia  ;  les  forêts 
d'Araucaria,  du  sapin  brésilien,  vont  depuis  le  Pieu,  dans  la  pro- 
vince de  Minas,  jusqu'au  montagnes  de  Rio-Grande-du-Sud  ;  les 
forêts  multiples  de  Bois-Brésil,  de  Palissandre,  de  Cèdre,  de 
Vinhatico,  de  Peroba,  etc.,  etc.,  se  trouvent  sur  les  montagnes, 
dans  la  zone  maritime  ou  dans  les  vallées  des  grands  fleuves. 
Dans  l'impossibilité  d'énumérer  tous  les  bois  des  provinces 
d'tispirito-Santo,  de  Rio-de -Janeiro  et  de  San-Paulo,  nous  nous 
bornerons  aux  suivants:  la  Peroba,  le  chêne  du  Brésil,  employée 
partout  dans  la  construction  navale  et  dans  la  bâtisse,  dans  la 
menuiserie  et  dans  l'ébénisteric.  La  variété  Peroba-revessa  est 
mouchetée  comme  l'érable,  mais  d'un  jaune  or  plus  vif  et  plus 
brillant.  On  l'a  déjà  employée  à  Paris  pour  des  pianos  et  des 
meubles  de  luxe.  Ce  bois  superbe  forme  des  forêts  unies  dans  la 
province  de  San-Paulo,  dans  les  environs  de  la  ville  de  Campinas 
et  dans  la  région  de  la  Terra  lîôxa.  La  Peroba  de  Campos,  dans 
la  province  de  Rio-de-Janeiro,  est  employée  de  préférence  dans 
les  arsenaux  du  gouvernement.  La  Peroba  est  classifiée  Aspidos- 
perma  peroba,  dans  la  famille  des  Apocynacées. 

Les   Canellas,  dont   on    compte  une  variété   infinie,    la  plus 
estimée  étant  la  Canclla-prêla  (noire);   elles  sont  classifîées  Nec 
landra  atra,  N.  mollis,  etc.,  etc.,  dans  la  famille  des  Lauracées. 

Les  Ipês,  Pâus  d'arco  (bois  d'arc),  parce  que  les  Indiens  s'en 
servaient  pour  leurs  arcs  et  flèches.  Les  Ipês  abondent  partout  au 
Brésil.  Au  mois  de  novembre,  ils  se  distinguent,  dans  les  forêts  de 
Rio,  par  leurs  grandes  fleurs  jaunesd'or,  qui  ressortent  au  milieu 
du  vert-foncé  des  feuilles  des  autres  arbres.  Les  Ipês  sont  classi- 
fîées dans  le  genre  Tecoma,  de  la  famille  des  Bignoniacées.  Vlpê 
roxo  (roux)  est  le  Tecoma  curialis  ;  Vlpê  tabaco  est  le  Tecoma-ipê  ; 
Vlpê  Paû  d'Arco  est  le  Tecoma  sjieciosa,  etc.,  etc. 

Le  Genipapo,  qui  abonde  dans  les  provinces  de  Bahia  et  de 
Rio,    est  un  bois  très  homogène  et  très  élastique,  d'une  couleur 


LES     ZONES     AGRICOLES.  247 

lilas.  Ces!  toui  dernièrement  qu'on  l'a  introduit  dans  La  menui- 
serie et  dans  rébénisterie,  en  concurrence  avec  L'érable.  Il  es1 
classifié  Genipa  brasiliensù,  dans  la  même  famille  des  rubiacées 
où  se  trouve  le  café.  L'arbre  donne  de  gros  fruits  d'un  goût 
exquis,  auxquels  oni  attribue  des  vertus  médicinales; 

Les  palissandres,  tant  de  fois  cités,  abondent  surtout  dansles 
belles  forêts  d'itabapoana,  d'Itapemirim,  du  Rio-Doce,  duMucury, 
clr.,  etc.,  dans  la  province  d'Espirito-Santo. 

On  a  envoyé  de  cette  province  à  l'Exposition  universelle  de 
Philadelphie,  en  1876,  un  fameux  bois,  nommé  Itapicurû,  qui 
a  l'apparence  du  palissandre  traversé  par  les  fibres  jaune  d'or 
du  Vinkalico  : 

La  Massaranduba  ou  YAprahiû  vermelho,  rouge,  le  bois  le 
plus  commun  sur  le  marché  de  Rio  ;  il  est  produit  par  un  bel 
arbre  de  la  famille  des  Sapotacécs,  classifié  Mimusops  data. 

Immigration.  —  La  zone  à  café  jouit  déjà  d'un  mouvement 
d'immigration  très  important.  Dans  la  province  d'Espirito-Santo, 
on  remarque  les  importantes  colonies  de  Rio-Novo,  de  Castello,  de 
Sainte-Isabelle  et  de  Sainte-Léopoldine.  Elles  ont  une  popula- 
tion, toujours  en  progrès,  de  20.000  à  30.000  Italiens,  Allemands, 
Suisses,  Autrichiens,  Portugais,  Français,  Hollandais  et  Belges. 
A  coté  des  immigrants  se  placent  toujours  des  familles  brési- 
liennes pour  jouir  des  avantages  de  la  petite  propriété.  La  pro- 
vince d'Espirito-Santo  a  un  grand  avenir.  C'est  par  les  vallées  de 
ses  beaux  fleuves  et  par  ses  ports  de  mer  que  se  fera  l'exporta- 
tion d'une  immense  zone  de  la  province  de  Minas  et  du  centre  du 
Brésil.  Heureux  les  immigrants-propriétaires  qui  s'établiront 
dans  la  province  d'Espirito-Santo  !...  Ils  seront  enrichis  par  le 
seul  fait  de  la  majoration  du  prix  des  terres  après  la  construction 
des  chemins  de  fer  qui  desserviront  les  vallées  de  Mucury,  du 
Rio-Doce,  duSan-Matheus,  du  Benevente,  de  l'Itapemirim  et  de 
fltabapoana.  Dans  la  province  de  Rio,  on  cite  toujours  Petropo- 
lis,  the  Paradise  of  Brazil  selon  l'expression  pleine  d'enthou- 
siasme des  touristes  anglais,  quia  été  une  colonie  allemande,  et 
Friburgo,  qui  a  été  une  colonie  suisse.  Entre  Petropolis  et  Fri- 
burgo,  il  existe  un  superbe  plateau,  de  800  à  1.200  mètres  d'alti- 
tude, où  pourront  s'établir  des  milliers  d'immigrants-proprié- 
taires. 

Dans  la  province  de  San-Paulo,  le  mouvement  d'immigration 
atteint   déjà  le   beau   chiffre  de  \  0.000   Italiens  par  mois.   lisse 


248  LE     BRÉSIL     EN     1889. 

placent,  pour  commencer,  en  salaire  et  en  métayage,  chez  les  grands 
propriétaires.  Lors  de  la  merveilleuse  récolte  de  café  de  1888, 
des  familles  italiennes  ont  gagné  20  francs  par  jour.  Avec  les  éco- 
nomies d'une  seule  récolte,  elles  sont  à  même  de  s'acheter  des  lots 
de  terre  dans  les  colonies  du  Gouvernement  central  (San-Ber- 
nardo,  San-Caetano,  Porto-Feliz  et  Jundiahy )  ou  dans  celles  du 
Gouvernement  provincial,  à  Ribeiraô-Prcto,  à  Cascalho,  etc.,  etc. 
On  voit  déjà  des  immigrants  hardis  s'élancer  dans  le  Far-West 
de  San-Paulo.  La  foret  vierge  arrête  quelques  Européens,  mais 
d'autres  s'en  sont  épris  et  s'en  passionnent  follement. 

Chemins  de  fer.  —  Toute  cette  zone  possède  un  grand 
nombre  de  voies  ferrées,  principalement  dans  les  provinces  de 
Rio  et  de  San-Paulo. 

Exportation.  —  La  grande  exportation  de  la  zone  agricole  du 
Parahyba-du-Sud  est  le  café;  elle  donne  l'énorme  quantité  de  six 
millions  de  balles  de  60  kilos,  d'un  poids  total  de  360.000.000 
de  kilogrammes,  la  plus  forte  exportation  du  monde  entier. 

Les  provinces  d'Espirito-Santo,  de  Rio  et  de  San-Paulo  ex- 
portent encore  les  articles  suivants  :  Sucre  (principalement  le 
municipe  de  Campos),  eau-de-vie,  bois  de  construction  (Espirito- 
Santo),  fruits  (oranges  et  bananes  pour  le  Plata),  tabac,  cuirs, 
or  et  diamants  de  la  province  de  Minas,  etc.,  etc. 


Exportation  de  Café  tar  le  port  de  Rio -de- Janeiro 

(En  sacs  de  60  kilos.) 

1879 3.535.183  sacs. 

1880 3.563.05-4     - 

1881 4.377.118     — 

188-2 4.200.590    — 

1883 3.651.511     — 

1884 3.897.113     — 

1885 4.206.911     — 

1886 3.580.965     — 

1887 2.241.755     — 

1888 3.330.185     — 


LES     ZONES     AGRICOLES.  249 


Recettes  de  la  Do  taxe  du  port  de  Rio-de-Janeiro 

Importation. 

1887  :   110  millions  et  demi.  —  1888  :  119  millions  et  demi. 
Excédent  en  1888  :  9  millions  de  francs. 

Exportation. 

1887  :  17  millions  et  demi.  —  1888  :  19  millions. 
Excédent  en  1888  :  1/2  million  de  francs. 

Sacs  de  café  entres  à  Rio-de-Janeiro. 

(Le  sac  contenant  60  kilos.) 

1887  :  2.227.036.  —  1888  :  3.442.954. 
Excédent  en  1888  :  1.215.918  sacs  de  60  kilos. 

Exportation  de  café. 
(Par    sacs    de    60  kilos.) 

1887  :  2.241.755  sacs.  —  1888  :  3.330.185. 

Excédent  en  1888  :  1.088.430  sacs. 

Destination  du  café  exporté. 

Pour  les  États-Unis  .    .    .     1887  :  1.460.078  sacs. 
.    .    .     1888  :  2  025.509    — 

Pour  l'Europe,   etc.   .    .    .     1887  :       781.677  sacs. 
—       ....     1880  :  1.304.676    — 

Excédent  en  1888  :  Pour  l'Europe,   etc  .   .    .     522.999  sacs. 
—  :   Pour  les  États-Unis.    .    .     565.431     — 

Eau-de-Vie  de  Canne 

Importation. 

(Provenant  des  diverses  provinces  du  Brésil  et  de  divers  points 
de  la  Province  de  Rio.) 

1887  :   19.773  pipes.  —  1888   :  20.515. 
Excédent  en  1888  :  742  pipes. 


250  LE     BRÉSIL     EN     188  9. 

Exportation. 

IKSS  :    Tour  les   autres  provinces.    .    .  280  pipe-. 

—      Rio  de  La  Plata 30    — 

Europe 220    — 

Sucre  de  Canne 
Importation. 

(De  même  provenance  que  l'eau-de-vie.) 

1887  :  646.032  sacs.  —  1888  :  599.671  sacs. 

Excédent  en   1887  :   46.361. 

Ventes  de  sucre. 
1887  :  652. 524  sacs.  — 1888  :  620.454  sacs. 

Excédent  en  1887  :  32.070. 

Recettes  de  la  Douane  de  Rio-de- Janeiro  en  contos  l 

L879 41.775 

1880 42.850 

1881 41.755 

1882 40.013 

1883 39.176 

1884 40.297 

1885 40.328 

1886 43.101 

1887 45.932 

1888 48.483 

Montant  des  Traites  négociées  sur  la  place  de  Rio-de-Janeiro 

1884  :  sur  Londres  :  £  12.541  .359  =  sur  Paris  :  fr.  32.254.844 

1885  11.147.035  —  27.074.572 

1886  —  20.284.438  —  36.250.803 

1887  25.320.271  —  48.780.100 
18882           —                   22.579.863               —                  59.235. I9S 

1.  Au    change    de    350    réis    par   franc,    le    conto    vaut    bien    près    «le 
2,8G0  francs. 

2.  Voir  la  note  de  la  page  suivante. 


LES     ZONES     AGRICOLES.  251 


Valeurs  importées  a  Rjo-de- Janeiro  en  1888  * 

De  Londres:  Souverains,    401.749  s=  Argent  en  barre  4.715.000f 
1).'   France  :  monnaie. . .     238.877  —  865.000 

D'Allemagne:  Souverains,        5.000  —  115.000 

Ue  Portugal:        —  76.440  —        —  ....... 

DelaPlata:        —  1.400.813  —        —        1.782.000 


Valeur  de  l'Exportation  en  1888 

270  millions  1/2  de  francs,  provenant  des  produits  suivants  : 

Café 262.800.000  fr 

Tabac,  cigares,  cigarettes  ....  2.300.000 

Or  en  poudre  et  fondu  ......  2.250.000 

Cuirs 2.200.000 

Palissandre 300.000 

Diamants 260.000 

Tapioca 230.000 

Cornes 62.000 

Articles  divers 798.000 


270.500.000  fr 


Navigation  au  Long  Cours  en  1888 


Entrées.  Sorties. 

Anglais il 8  navires.  380  navires. 

Norvégiens 153  —  149  — 

Français 152  —  147  — 

Allemands 142  —  111  — 

Italiens 85  —  82  — 

Américains  du  Nord.  67  —  66  — 

Brésiliens 47  —  42  — 

A  Reporter  .    .    .         1.064  navires.  997  navires. 

1.  Les  chiffres  de    1888  ne   comprennent  que    onze  mois.    Les    données 
relatives  au  mois  de  décembre  n'étaient  pas  encore  connues. 


252  LE     BRÉSIL     EN     1889. 

Report 1.064  navires.  (.»'.»7  navires. 

Portugais 41      —  14  . — 

Belges 29      —  31  — 

Suédois 22       -  17  — 

Autrichiens 10       —  11  — 

Danois 9       —  4  — 

Espagnols 9       —  4  — 

Hongrois 4       —  2  — 

Hollandais 3       —  7  — 

Russes 2       —  2  — 

Argentins 2       —  4  — 

Grec 1      —  0  — 

Total 1.19G  navires.         1 .072  navires. 


Navigation  de  Cabotage 


Brésiliens 

Anglais 

Allemands 

Français 

Norvégiens 

Américains  du  Nord. 

Suédois 

Portugais 

Danois 

Autrichiens 

Italiens 

Hollandais 

Espagnols 

Belge 

Argentin 

Hongrois 

Grec 

Total  .... 


Entrées. 

Sorties. 

823 

navires. 

953 

navires. 

96 

— 

133 

— 

73 

— 

87 

— 

35 

— 

38 

— 

27 

— 

36 

— 

18 

— 

29 

— 

16 

— 

16 

— 

14 

■ — 

33 

— 

14 

— 

15 

— 

12 

— 

10 

— 

11 

— 

6 

— 

3 

— 

3 

— 

2 

— 

7 

— 

1 

— 

3 

— 

1 

— 

0 

— 

0 

— 

4 

— 

0 

— 

1 

— 

1 . 1 46 

navires. 

1.379 

navires. 

LES     ZONKS      AGRICOLES.  253 


Tonnage  des  Navires  au  Long  Cours 

Entrées.  Sorties. 

A  voile.    .         358.491  tonneaux.  322. 626  tonneaux, 

V    vapeur.      I   137.910  1.084.613 


Total.   .     1.495.410  tonneaux.       1.407.239  tonneaux. 


Tonxage  des  Navires  de  Cabotage 

Entrées.  Sorties. 

A  voile.    .  75.872  tonneaux.  129.658  tonneaux, 

A   vapeur.         489.006  508.683 


Total.    .         560.938  tonneaux.  638.341  tonneaux. 


VII.  L-a  zone  du  Paranà.  —  La  septième  zone  agricole  du 
Brésil  est  formée  parles  provinces  :  de  Paranâ,  avec  une  surface 
de  221.319  kilomètres  carrés,  et  une  population  de  250  à  300.000 
habitants  :  de  Santa-Catharina,  avec  une  surface  de  74.156  kilo- 
mètres carrés,  et  une  population  de  200  à  250.000  habitants.  La 
plupart  de  ces  immenses  surfaces  appartiennent  à  l'État  et  seront 
incessamment  consacrées  à  l'immigration. 

Terre.  —  La  chaîne  maritime,  la  Serra-do-Mar,  dont  les 
montagnes  soutiennent  lesbeaux  plateaux  de  Paranâ  et  de  Santa- 
Catharina,  est  formée  principalement  de  roches  granitiques. 
Dans  la  province  de  Paranâ  on  trouve  des  calcaires  à  Bareguy,  à 
Curitiba,  à  Assunguy,  à  Butiutuva-Grande,  à  Varoval,  etc.  Dans 
les  environs  de  la  ville  de  Curitiba,  capitale  de  Paranâ,  on 
admire  des  grottes  calcaires  à  stalactites  et  stalagmites,  notam- 
ment les  grottes  de  Itapirussû  et  Arraial-Queimado.  Dans  la 
colonie  Al fredo-C hâves,  on  a  rencontré  une  belle  carrière  de 
marbre-saccharoïde.  Les  calcaires  hydrauliques  abondent  à  The- 
resina,  autrefois  Colonia  Theresa.  Tout  près  de  la  ville  de  Lapa, 
on  exploite  un  grès  rouge  schisteux  pour  dallage.  Les  colons 
d' Assunguy  emploient  les  ardoises  de  cette  vallée  pour  la  couver- 
ture  de  leurs  maisons.  La  dolomie  abonde  à   Assunguy  et   à 


LE     BRÉSIL     EN     18  89. 

Butiutuva.  La  fabrication  de  briques,  I  ailes  et  paierie  est  facilitée 
par  l'abondance  d'excellentes  argiles  plastiques,. voire  de  kaolin, 
tant  à  Parana"  qu'à  Santa-Catharina.  Dans  cette  dernière  pro- 
vince, dans  les  mines  de  houille  du  Tubarao,  on  a  trouvé  de 
l'argile  réfractaire.  On  verra,  à  Paris,  dans  l'Exposition  spéciale 
de  ces  mines,  quelques  échantillons  pris  au  filon  nommé  Barro- 
Branco.  Dans  le  littoral  des  provinces  de  Parana  et  de  Santa- 
Catharina,  on  peutencore  voir  des  S  ambaquis,  Casqueiros,  Ostreiras, 
élevés  dans  les  temps  primitifs  par  les  aborigènes,  et  tout-à-fail 
analogues  aux  Kjôkkenmoddings  de  Suède,  de  Norwège  et  du 
Danemark.  Ils  ont  été  étudiés  par  des  anthropologistes  du 
lirésil  et  de  l'Europe,  notamment  par  le  professeur  Cli.  "Wiener 
(1882-1884).  Ces  monuments  anthropologiques  tendent  à  dispa- 
raître, car  les  habitants  utilisent  les  huîtres  et  les  coquillages, 
qui  y  abondent,  pour  la  fabrication  de  la  chaux. 

Cataracte  du  Guayra.  —  On  ne  peut  pas  parler  du  Parana 
sans  taire  mention  du  fameux  Guayra,  ou  Salto  das  Sele  Quedas 
(Saut-à-sept-chutes-d'eau),qui  est  regardé  comme  plus  admirable 
que  le  Paulo-Allbnso,  le  Niagara  brésilien.  En  effet,  le  Parana,  en 
amont  delà  cataracte,  a  4.200  mètres  de  largeur  ;  bientôt,  il  entre 
dans  un  canal  bordé  d'immenses  rochers,  étroit  de  GO  mètres,  et 
se  précipite  en  plan  incliné  de  50  degrés  d'une  hauteur  de 
17  mètres,  en  produisant  un  fracas  terrible,  qui  s'entend  à  six 
lieues  à  la  ronde.  Le  Guayra  est  presque  inconnu  en  Europe.  Cepen- 
dant il  n'y  a  peut-être  au  monde  aucune  région  plus  pittoresque 
que  le  haut  Parana,  avec  ses  beaux  affluents  l'ivahy,  le  Pikiri  et 
llguassû.  Ce  même  Iguassû  atteint  le  Parana  par  une  immense 
cataracte,  qu'on  appelle  le  Salto  de  Santa-Maria.  Le  Parana, 
l'ivaliy  et  l'Iguassu  ont  de  grandes  étendues  navigables  par  des 
vapeurs  de  80  à  120  centimètres  de  tirant  d'eau.  C'est  une  région 
qui  défie  la  curiosité  des  savants,  des  naturalistes  et  des  touristes, 
et  qui  attend  des  immigrants  pour  profiter  de  la  douceur  de  son 
climat  et  des  avantages  d'un  sol  admirablement  fertile  et  chargé 
d'immenses  richesses  naturelles. 

Houille.  —  La  province  de  Santa-Catharina  possède  dans  la 
vallée  du  Tubarao  un  important  bassin  houiller.  On  a  déjà 
construit  le  chemin  de  fer  Dona  Theresa  Christ ina  pour  servir  au 
transport  du  charbon  de  terre.  11  est  aussi  question  d'y  construire 
un  port  d'abri  pour  les  navires  de   haut  tonnage,  de  manière  à 


LES     ZONES     AGRICOLES.  255 

pouvoir  exporter  la  houille  pour  les  ports  du  nord  du  Brésil.  La 
vallée  du  Tubarào  est  remarquable  par  l'excellence  de  son  climat 
el  par  la  fertilité  de  ses  terres,  qui  apparl  iennentpresque  toutes  à 
L'État.  C'est  une  région  où  L'immigrant-propriétaire  aura  un  grand 
avenir  agricole  et  industrie]  par  L'abondance  de  combustible. 

Araucaria.  [Sapin  du  Brésil.)  —  Les  forets  d'Araucaria  brasi- 
»  doivent  être  comptées  au  nombre  des  plus  grandes  richesses 
naturelles  de  la  province  de  Paranâ.  Ces  arbres  conifères  s'élèvent 
jusqu'à  20  et  à  36  mètres,  avec  un  diamètre  de  1  mètre  50  à 
-  nulles.  Leur  bois  l'appelle  en  même  temps  le  sapin  d'Europe 
et  le  cèdre  du  Brésil.  Quelquefois  il  est  tout  blanc,  quelquefois 
jaunâtre  ;  plus  souvent  blanc  et  rose  ;  il  est  de  toute  beauté  pour  la 
menuiserie.  A  la  naissance  des  branches  on  rencontre  des  nœuds, 
chargés  de  résine,  qu'on  travaille  au  tour,  et  dont  on  fait  une 
infinité  d'objets  de  fantaisie.  Ces  nœuds  produisent  un  charbon, 
qui  est  très  estimé  par  les  forgerons.  En  1872,  l'ingénieur  Antonio 
Rebouças  a  fondé  la  première  grande  exploitation  d'Araucarias 
pour  la  Compagnie  Florestal  Paranaense  :  il  a  envoyé  à  l'Exposi- 
tion Universelle  de  Vienne,  en  1873,  un  tronc  qui  a  été  monté 
dans  le  parc,  haut  de  25  mètres,  et  qui  lui  a  valu  un  diplôme 
d'honneur.  Aujourd'hui  on  compte  à  Paranâ  plusieurs  entre- 
prises pour  l'exploitation  des  Araucarias. 

Les  fruits  de  Y  Araucaria,  les  pinhôes,  sont  comestibles.  Les 
immigrants  s'en  servent  surtout  pour  engraisser  leurs  porcs.  On 
peut  dire  que  le  Pinheiro  est  aussi  utile  à  l'immigrant  à  Paranâ 
que  Y  Érable  à  sucre  ou  Sugar-Mapple  [Acer  saccharinum)  aux 
colons  du  Canada.  En  effet,  avec  Y  Araucaria,  l'immigrant  peut 
bâtir  sa  maison,  depuis  les  fondations  jusqu'aux  combles  ;  en 
faire  le  mobilier  ;  avoir  du  bois  et  du  charbon,  et,  encore,  la 
nourriture  pour  lui  et  pour  ses  porcs. 

L'Araucaria,  comme  les  autres  conifères,  produit  de  la  résine, 
la  thérébentine,  du  goudron  et  tous  les  produits  analogues.  Les 
cendres  de  Y  Araucaria  sont  riches  en  potasse  et  en  soude.  On 
voit  donc  que  Y  Araucaria  offre  un  vaste  champ  d'exploitation 
pour  les  immigrants  intelligents  et  industrieux,  depuis  les  capi- 
talistes et  les  industriels  jusqu'aux  simples  ouvriers,  charpentiers, 
menuisiers,  tourneurs,  etc. 

Bois  de  Construction,  de  Menuiserie  et  d'Ébénisterie.  — 
Les  forêts  d'Araucaria  présentent  leur  maximum  de  richesse  à 


25G  LE     BRÉSIL     EN     188  9. 

Parané  ;  mais  elles  se  trouvent  sur  tous  les  plateaux  du  sud  du 
Brésil,  entre  300  et  800  mètres  d'altitude,  depuis  la  province  de 
Minas  jusqu'à  Rio-Grande-du-Sud.  A  Paranâ  les  forêts  d'Arau- 
caria  sont  entremêlées  d'Embuias,  bois  superbe  qu'on  emploie 
dans  la  menuiserie  et  dans  l'ébénisterie  en  concurrence 
avec  le  vieux  chêne.  VEmbuia  est  un  bel  arbre  du  genre 
Nectandra,  de  la  famille  des  Lauracées.  A  Santa-Catharina  les  bois 
les  plus  communs  sont  les  Perobas  [Aspidosperma  peroba,  famille 
des  Apocynacées)  et  les  Caneïlas-Prêtas  (Nectandra  atra,  famille 
des  Lauracées).  En  visitant  les  colonies  de  cette  province,  en 
L863,  j'ai  vu,  chez  un  immigrant,  un  tronc  de  cèdre  d'un  mètre 
et  demi  de  diamètre  et  de  20  mètres  de  longueur.  Il  n'est  pas 
rare  de  voir  à  Santa-Catharina,  comme  dans  l'Amazone,  des  canots 
creusés  dans  un  seul  tronc  de  cèdre  et  pouvant  naviguer  avec 
dix  à  vingt  personnes.  A  Paranâ  et  à  Santa-Catharina,  dans  les 
forêts  au  bord  de  la  mer,  on  rencontre  les  bois  du  nord  du  Brésil, 
quelquefois  avec  d'autres  noms.  Ainsi  le  Paâ-cVArco  (Bois 
d'Arc)  est  connu  sous  le  nom  de  Guarapory  à  Paranâ;  mais  c'est 
toujours  le  Tecoma  speciosa,  de  la  famille  de  Bignoniacées,  comme 
dans  les  provinces  du  nord  du  Brésil.  Il  ne  faudra  pas  oublier 
que  tous  les  cèdres  natifs  du  Brésil  appartiennent  à  la  famille 
des  Cedrelacécs-Meliacées  ;  les  Cèdres -Conifères  (Cedrus  Liban î, 
etc.)  ont  été  acclimatés  dans  les  provinces  du  sud  de  l'Empire. 

On  a  envoyé  de  Paranâ  aux  Expositions  de  Paris  (1867),  de 
Vienne  (1873)  et  de  Philadelphie  (1876)  un  bois  très  précieux, 
qui  ressemble  à  de  l'écaillé  mouchetée  de  jaune  et  de  noir.  Ce 
bois  est  produit  par  une  liane  énorme,  de  la  famille  des  cœsalpi- 
nacées-légumineuses,  classifiée  dans  le  genre  baukinia.  A  Paranâ 
on  appelle  cette  liane  cipô-florâo  (liane-fleuron)  ;  dans  la 
province  de  Rio  on  l'appelle  clpô-escada  (liane-escalier)  ou  encore 
cipô-unha-de-boi  (liane-ongle-de-bœuf).  Ce  bois,  même  au  Brésil, 
n'est  employé  que  dans  l'ébénisterie  de  luxe,  en  marqueterie  ou 
en  ouvrages  de  mosaïques  sur  bois. 

Maté  (Thé  du  Paraguay,  Thé  du  Brésil).  —  Le  maté  est 
encore  l'article  d'exportation  le  plus  important  de  la  province  de 
Paranâ.  On  a  fait  en  France,  en  Allemagne  et  en  Italie,  des 
études  physiologiques  sur  ce  succédané  du  thé  de  Chine  et  des 
Indes.  Par  ces  études  on  est  arrivé  à  la  conclusion  que  le  maté 
convient  mieux  que  le  café  et  le  thé  aux  dames,  aux  enfants,  aux 
convalescents,  aux  névrotiques,  à  tous  ceux  enfin  qui  soullrent 


LES     ZONES     ACUICOLES.  257 

d'insomnies  el  de  complications  nerveuses.  Aussi  commence-t-on 
à  importer  en  Europe  le  maté  de  Paranâ,  surtout  pour  le  service 
des  hôpitaux  el  maisons  de  santé.  A  Paranâ  et  dans  le  sertâo 
(centre)  du  Brésil,  on  appelle  les  arbres  qui  produisent  les 
feuilles  propres  à  la  fabrication  du  maté  :  Congonhas  et  Con- 
goinhas. Ces  arbres  appartiennent  à  la  famille  des  Ilicinacées,  dans 
le  genre-type  Ilex,  A  Paranâ  les  principales  espèces  sont  :  Ilex 
curitybensis,  I.  Paraguay  ensis,  Ilex  ovatifolia,  I.  aculifolia,  Ilex 
acrodonta,  L  obtusifolia,  Ilex  humboldliana,  Ilex  ebe?iacea,  etc.,  etc. 
1 /exportation  du  maté  de  Paranâ  se  fait  pour  le  Chili  et  la  Plata 
el  oscille  entre  12  et  14  millions  de  kilogrammes,  d'une  valeur 
de  7  à  8  millions  de  francs. 

Agriculture.  —  Pour  bien  comprendre  l'infinité  de  cultures, 
auxquelles  on  peut  se  livrer  dans  les  provinces  de  Paranâ  et  de 
Santa-Catharina,  il  faudrait  avoir  sous  les  yeux  la  carte  en  relief  de 
cette  zone  agricole  du  Brésil.  Alors  on  verrait  la  chaîne  maritime, 
l&Serra-do-Mar,  se  dresser  comme  une  immense  muraille  de  800  à 
2.000  mètres  de  hauteur,  pour  soutenir  des  plateaux,  comme  ceux 
de  Curitiba,  à  Paranâ,  et  ceux  de  Lages,  à  Santa-Catharina, 
jouissant  de  climats  européens  et  donnant  tous  les  produits  agri- 
coles de  la  France.  On  pourrait  alors  comprendre  comment  la 
province  de  Paranâ  possède,  à  elle  seule,  quatre  zones  agricoles 
parfaitement  caractérisées  :  1°  la  zone  maritime,  qui  ne  monte 
qu'à  30  mètres,  et  qui  possède  une  flore  tout  à  fait  brésilienne,  de 
palmiers,  de  broméliacées,  d'aroïdées,  de  melastomacées,  etc., 
et  dont  les  terres  sont  excellentes  pour  la  canne  à  sucre,  pour 
le  manioc  à  tapioca,  pour  Yararuta  [arrow-root),  pour  la  vanille, 
pour  les  piments,  etc.  ;  2°  la  zone  montagneuse,  formée  par  les 
contreforts  de  la  chaîne  maritime,  qui  monte  depuis  30  mètres 
jusqu'à  1.500  mètres  et  même  2.000  mètres  d'altitude,  où  on 
admire  les  forêts  de  Perobas  et  de  cèdres  brésiliens,  et  qui  pos- 
sède,  jusqu'à  300  mètres  d'altitude,  des  terres  excellentes  pour  la 
culture  du  café  ;  3°  la  zone  des  admirables  plateaux  de  Curitiba, 
•de  Campos-Geraes,  de  Guarapuava,  etc.,  etc.,  de  900  à  1.500 
mètres  d'altitude  ;  c'est  la  région  des  Araucarias,  des  superbes 
conifères  de  36  mètres  de  hauteur  et  de  2  mètres  50  de  diamètre  ; 
c'est  là  que  l'immigrant  se  trouve,  comme  en  Europe,  entre  des 
cultures  de  blé,  de  seigle,  d'avoine,  d'orge,  etc.;  il  peut  se  faire 
maraîcher  et  cultiver  les  mêmes  légumes  qu'en  France,  ou  se 
faire    horticulteur   et  envoyer  aux   marchés  des   pommes,    des 

17 


858  LE     BRÉSIL     EN     1889. 

poire-,  des  pêches,  des  raisins,  des  prunes,  etc.  Campos-Gerae$ 
signifient  des  pâturages  et  des  prairies  naturelles,  où  on  ('-levé 
iœufs  et  des  chevaux,  et  où  on  a  déjà  acclimaté  des  moutons 
—  Rambouillet,  Mérinos,  etc.,  etc.;  4°  la  zone  centrale,  qui 
forme  un  immense  plan  incliné,  qui  descend  des  liants  plateaux 
jusqu'au  niveau  du  grand  fleuve  Paranâ,  qui  arrose  les  limites 
occidentales  des  provinces  de  Paranâ  et  de  Santa-Catharina, 
entre  des  altitudes  de  300  à  100  mètres.  Les  ingénieurs  anglais 
qui  ont  parcouru  cette  zone  pour  faire  Les  études  du  chemin  de 
fer  Dona  [sabel,  ont  été  très  étonnés  de  voir  un  pays,  où  les  fleuves 
coulaient  vers  l'intérieur.  (Test  que  toutes  ces  eaux  vont  se 
déverser  dans  le  grand  estuaire  de  la  Plata,  après  avoir  arrosé  le 
Brésil,  le  Paraguay  et  la  République  Argentine.  Depuis  les  alti- 
tudes de  500  mètres,  on  commence  à  retrouver  la  végétation  brési- 
lienne de  palmiers  et  de  melastomacées,  comme  dans  la  pre- 
mière zone,  et  des  terres  pour  la  culture  de  la  canne  à  sucre,  du 
manioc,  du  café,  du  maïs,  du  tabac,  etc.  L'expédition  dirigée 
par  l'ingénieur  Antonio  Etebouças  a  rencontré  sur  les  bords  de 
l'Ivaliy,  un  des  plus  beaux  affluents  du  Paranâ,  d'immenses 
d'orangers.  Sur  les  rives  de  ce  ûeuve,  le  docteur  Faibre  a 
fondé  la  colonie  Thereza,  qui,  aujourd'hui  forme  la  ville  de 
Theresina,  située  dans  une  région  aussi  riche  en  produits  agri- 
coles qu'en  produits  minéralogiques  de  toute  espèce,  y  compris 
l'or. 

Coton.  —  Pendant  la  crise  produite  par  la  guerre  de  l'aboli- 
tion aux.  États-Unis,  toutes  les  provinces  du  Brésil,  depuis 
Para  jusqu'à  Rio-Grande-du-Sud,  ont  exporté  du  coton  pour 
Liverpool.  A  Paranâ,  c'est  le  coton  herbacé  (Gossipium  herba- 
ceum  qui  donne  un  rendement  extraordinaire.  Sur  un  terrain  de 
750  mètres  carrés,  on  a  récolté  2.937  kilos  de  coton.  On  a  vu  un 
seul  co  ton  nier  chargé  de  150  cocons.  Les  meilleures  terres  à 
coton,  a  Paranâ,  se  trouvent  dans  le  centre  de  la  province,  à 
Castro  et  à  Guarapuava.  La  culture  du  coton  commence  à  se 
relever  dans  tout  le  Brésil,  grâce  à  la  demande  des  fabriques  qui 
se  fondent  presque  dans  toutes  les  provinces. 

Ramie.  —  On  a  déjà  acclimaté  au  Brésil  la  ramie,  la  fameuse 
Candida  Sidonis  dr>  anciens  Komains.  C'est  le  produit  fibreux  de 
la  Urtica  tenacissima,  Urtica  utilis  des  botanistes.  Les  plus  belles 
plantations  de  ramie  se  trouvent  dans  la  province  de  Santa-Catha- 


LES     ZONES     AGRICOLES.  239 

rina,  dans  la  colonie  Grâû-Parâ,  fondée  dans  la  vallée  du  Tubarao 
dans  Lé  patrimoine  du  comte  d'Eu,  Dans  les  essais  d'acclimatation 
faits  a  Rio  par  M.  J.  Bellissime,  il  a  obtenu  quatre  à  cinq  récoltes 
par  an.  chaque  plante  produisant  de  lia  16  tiges.  Les  fibres  en 
sont  très  belles  et  prennent  parfaitement  toutes  les  couleurs 
de  teinturerie.  Les  plantations  de  ramie,  à  Santa-Catharina, 
s'élèvent  à  des  millions  de  pieds.  On  préfère  la  ramie-verte,  à 
feuille  cordiforme,  qui  résiste  mieux  à  la  gelée.  M.  Joaquim 
Caetano  Pinto  Junior,  initiateur  de  l'immigration  italienne  au 
Brésil,  a  fait  venir  des  machines  du  système  Landstheer  pour 
décortiquer  la  ramie  dans  la  colonie  de  Grào-Parâ.  A  l'exposition 
d'Anvers,  la  ramie  de  cette  provenance  a  été  jugée  supérieure  à 
toute  autre  et  a  obtenu  une  médaille  d'or.  La  ramie  décortiquée 
>tée,  à  présent,  de  40  à  50  francs  les  100  kilos.  L'industrie 
européenne  a  énormément  à  gagner  avec  la  ramie,  qui  sera  aussi 
une  grande  source  de  richesse  pour  les  immigrants-propriétaires 
au  Brésil. 

Vin.  —  Les  immigrants  établis  clans  ces  deux  provinces  du 
sud,  cultivent  la  vigne  et  commencent  déjà  à  faire  le  vin.  Ces 
provinces  possèdent  des  terres  et  des  climats  excellents  pour  cette 
culture.  M.  Todeschini,  un  Hongrois,  ancien  directeur  de  colonie 
à  Santa-Catharina,  nous  disait  n'avoir  jamais  vu,  pas  même  à 
Tokay,  des  grappes  aussi  belles.  Le  gouvernement  brésilien  a  fait 
venir  des  plants  de  vigne  des  localités  les  plus  renommées  d'Eu- 
rope pour  les  distribuer  dans  les  provinces  de  Minas,  San-Paulo, 
Paranâ,  Santa-Catharina  et  de  Rio-Grande-du-Sud.  Les  chemins 
de  fer  de  l'État  font  des  rabais  aux  tarifs  de  transport  pour  les 
vins  brésiliens.  Aussi  peut-on  espérer  que  bientôt  le  Brésil  sera 
compté  parmi  les  grands  producteurs  de  vins. 

Soie.  —  Les  immigrants  établis  dans  les  provinces  d'Espirito- 
Santo,  de  Paranâ,  de  Santa-Catharina  et  de  Rio-Grande-du-Sud, 
cultivent  le  mûrier  et  élèvent  des  vers  à  soie.  Les  forêts  du  Brésil 
possèdent  des  vers  à  soie  natifs,  qui  vivent  sur  différentes  plan- 
I  !S,  notamment  le  Saturnia  aurata  qui  s'alimente  des  feuilles  du 
ricin,  Palma  Christi,  Ricinus  communis  des  botanistes.  On  a  déjà 
envoyé  des  échantillons  de  soie  brésilienne  aux  marchés  d'Europe, 
et  on  les  a  cotés  de  80  francs  à  100  francs  le  kilogramme.  Il  est 
déjà  question  de  fonder  une  fabrique  de  soie  pour  faire  avancer 
plus  rapidement  sa  production  au  Brésil. 


2G0  LE     BRÉSIL     EN      L889. 

Immigration. —  Les  provinces  de  Paranâ  et  de  Santa-Catha- 
rioa  sonl  connues,  depuis  longtemps,  des  émigrants  d'Europe, 
surtoul  d'Allemagne  et  d'Italie.  Ils  connaissent  bien  les  plateaux 
de  Curitiba,  où  le  blé,  l'avoine,  l'orge  el  les  autres  grains  donnent 
un  rendement  de  80  pour  1  ;  où  les  haricots  rendent  200  pour  1, 
el  les  mais  jusqu'à  250  pour  1.  La  renommée  de  ees  plateaux,  de 
17"  centigrades  de  température  moyenne,  a  déjà  atteint  la  Polo- 
gne et  le  Tyrol.  Les  ingénieurs  Joseph  et  François  Keller,   qui 
ont  étudié  l'Iguassù    et  d'autres  affluents  du   Paranâ,  ont  écrit 
pour  les  immigrants  cet  avis  plein  d'intérêt  :    «  Un  capital  de  7 
contos   de   réis  (19.831  fr.)  employé  à  l'achat  d'un    terrain    de 
4  hectares  avec  maison,  haies,  instruments  agricoles,  bétail,  etc., 
par  une  famille  de  4  à  5  personnes,  peut  produire  un  revenu  net 
de  15  0/0  à  16  0/0,  sans  compter  la  nourriture  et  les  vêtements 
pour   la   famille   de  l'immigrant.  »  C'est  l'immigrant  Kalkmann, 
établi    à    Paranâ,    qui    a    fourni   ces    chiffres    aux    ingénieurs 
Keller.   Tous    les    environs   de    Curitiba,   le     Ilocio,  comme  on 
dit    dans   la   province,  sont    occupés    par    des    milliers    d'im- 
migrants-propriétaires,   qui    vivent   heureux   et   contents  dans 
la  culture  de  leurs  terres  et  dans  la  petite  industrie,  ou  se  font 
de  belles  économies  dans  les   transports   en  charrettes  sur  les 
routes  de  la  capitale  aux  ports  d'Antonina  et  de  Morretes,  ou  à 
(iuarapuava  et   aux  autres  villes  de  l'intérieur  de  la  province. 
On    doit    applaudir  l'initiative  des  capitalistes  anglais,  qui   ont 
acheté  en   1888,   dans  la   province  de   Paranâ,  200.000   alqueires 
de  terres,  ou  484.000  hectares,  qui  correspondent  à  1.196. 037 acres, 
en  mesure  anglaise.  En  Angleterre,  on  fait  la  propagande  de  la 
petite  propriété  avec   la  formule  :    A    cow   and    an  acre,    c'est- 
à-dire  «  Une  vache  et  une  acre   de  terre  ».  Dans  cet  immense 
domaine  de   Paranâ  la  compagnie  anglaise  pourra  donc  établir 
un    million  d'Écossais,    d'Anglais    et    d'Irlandais   qui   y   oublie- 
r  »nt   les    martyres    du    terrible    Lancllordisme .    La   province  de 
Paranâ  est  vraiment  le  paradis  des  immigrants.  Impossible  de 
trouver    un    climat    plus     doux    et    des    terres    plus    fertiles. 
Quand  on  arrive  au  plateau  de  Curitiba  et  qu'on  se  voit  entouré 
de  ces  araucarias,  si  majestueux  et  si  parfumés,  on  ne  peut  pas 
retenir  un  cri  de  joie  et  d'enthousiasme.  L'air  y  est  si  pur,  si  vif 
et  si  léger  qu'il  produit  l'effet  du  gaz  hilariant C'est  l'admi- 
rable plateau  de  Curitiba  qui  a  inspiré  les  plus  belles  pages  à 
Saint- llilaire.  Ce  panorama  splendide  a  un  cachet  extraordinaire, 
même  au   Brésil  où  on  passe  la  vie  entouré  de  merveilles,  de 


LES     ZONES     AGRICOLES.  201 

plantes  el  de  Qeurs  qu'on  ne  peul   voir  en  Europe  que  dans  les 
s  irres  chaudes  des  rois,  des  princes  et  des  millionnaires. 

Chemins  de  fer.  —  La  province  de  Paranâ  est  déjà  desservie 
par  des  voies  ferrées,  comme  on  le  verra  plus  loin. 

Exportations.  —  Les  principaux  articles  d'exportation  de 
Parané  <it  de  Santa-Catharina,  sont  :  maté  (thé  du  Brésil,  thé 
du  Paraguay'  pour  la  Plataet  pour  le  Chili  —  coton  —  bois  de 
construction —  sapin  du  Brésil  [Araucaria)  —  farines  de  manioc  — 
farines  de  maïs  —  tapioca — cuirs  —  sucre  —  eau-de-vie  —  haricots 
—  fèves,  etc.  ;  puis,  de  la  vallée  du  Tubarâo  à  Santa-Catharina  : 
bourre  et  fromages  des  colonies  —  meubles  et  ouvrages  de  me- 
nuiserie, des  colonies  de  Joinville,  Blumeneau,  etc. 


VIII.  L,a  zone  de  l'Uruguay.  —  La  province  de  Rio-Grande- 
du-Sud,  qui  forme,  à  elle  seule,  la  zone  agricole  de  l'Uruguay,  a 
une  surface  de  236.553  kilomètres  carrés.  Sa  population  est  de 
950  mille  à  un  million  d'habitants.  Le  beau  fleuve  Uruguay,  l'un 
-rands  affluents  de  la  Plata,  contourne  la  province  de  Rio- 
Grande-du-Sud  par  les   frontières  du  nord  et  de  l'ouest. 

Terre.  —  Sur  une  carte  en  relief  de  la  province  de  Rio-Grande- 
du-Sud,  on  verrait  immédiatement  que  le  sol  de  cette  belle  région 
est  formé  principalement  par  deux  immenses  plans  inclinés  :  l'un 
jetant  ses  eaux  dans  l'Océan,  l'autre  dans  l'Uruguay.  Ainsi  le  grand 
fleuve  Jacuhy  coule  vers  la  mer  par  l'entremise  de  la  Lagôa-dos- 
Patos(Lagune-des-Canards),  tandis  que  l'Ibicuhyse  déverse  sur 
la  rive  gauche  de  l'Uruguay.  On  doit  remarquer,  comme  curiosité 
hydrographique,  la  coïncidence  de  la  direction  générale  de  ces 
deux  fleuves,  qui  se  trouvent  presque  sur  un  parallèle  à  l'équa- 
teur,  et  indiquent  le  plus  court  chemin  de  l'Océan  à  l'Uruguay. 
La  rive  septentrionale  du  Jacuhy  est  montagneuse  et  tourmentée 
par  les  contreforts  de  la  chaîne  maritime  (Serra-do-Mar),  qui  finit 
exactement  à  ce  thalweg  ;  sur  la  rive  méridionale,  au  contraire, 
commencent  les  fameux  campas  (pâturages,  prairies  naturelles) 
de  Rio-Grande-du-Sud,  qui  s'étendent  jusqu'à  la  Plata. 

Au  bord  delà  mer  on  trouve  des  dunes,  et  le  terrain  est 
sablonneux  :  mais  ce  sable  est,  exceptionnellement,  très  fertile. 
Ainsi,  dans YIlhadosMarinheiros (île  des  Marins),  danslaLagoa-dos- 


262  LE     BRÉSIL     EN      18 

Patos,  toul  près  de  la  ville  de  EUo-Grande,  on  voit  le  sable  cultive 
par  des  immigrants  produire  des  légumes  de  toute  beauté,  des 
Fruits  d'Europe  et  2.000  pipes  de  vin. 

L;i  poche  prédominante  à  Rio-Grande-du-Sud  est  Je  grès.  L< '^ 
rives  el  le  lii  de  l'Uruguay  abondent  en  silex,  agathes,  cornalines 
améthystes,  etc.,  etc.  On  les  exporte  pour  l'Allemagne,  où  on  en 
(ail  une  infinité  d'objets  <le  fantaisie. 

On  exploite  les  marbres  à  Encruzilhada  et  à  Caçapava  ;  les 
calcaires  à  Bagé,  à  San-Gabriel,  à  Santa-Ànna^-do-Livramento,  et 
dans  les  collines  d'Herval  (Serra  do  Herval).  A  Caçapava  on  trouve 
aussi  de  belles  serpentines.  Au  Cahy  abondent  les  grès  blancs  et 
rouges.  Au  nord  de  la  province,  dans  la  Serra  Gérai,  on  trouve 
le  porphyre  etlesyénite.  Les  argiles  plastiques  sont  abandantes  : 
les  immigrants  allemands  en  fabriquent  des  briques,  des  tuiles 
et  la  poterie  pour  leur  ménage. 

Houille.  —  Le  charbon  de  terre  est  exploité  à  Rio-Grande- 
du-Suel  depuis  longtemps,  à  Gandiota  et  à  l'Arroyo-dos-ïtatos. 
Une  Compagnie  anglaise  :  The  Brazilian  Collieries  Company, 
Limited,  de  £100.000  ou  2.500.000  fr.,  a  exploité  la  mine  de 
l'Arroyo-dos-Ratos  pendant  un  certain  temps  ;  aujourd'hui  c'est 
une  Compagnie  brésilienne  qui  possède  cette  mine,  et  qui  en 
fait  le  service  d'exploitation.  On  y  a  installé  des  machines  pour 
la  fabrication  de  briquettes  de  charbon. 

La  province  de  Rio-Grande-du-Sud  jouit  d'un  immense  réseau 
de  navigation  à  vapeur  dans  ses  fleuves  et  dans  les  lagunes 
Mcarim  et  des  Patos  ;  ainsi  la  houille  trouve  des  acheteurs  à  la 
sortie  des  puits  de  mine. 

Bois  de  Construction,  de  Menuiserie  et  d'Ébénisterie.  — 
Dans  les  forets  des  montagnes  du  nord  de  la  province  de  Rio- 
Grande-du-Sud,  on  voit  des  Araucarias  presque  aussi  beaux  que 
dans  la  province  de  Paranâ  ;  des  Cèdres  brésiliens  de  la  famille 
des  Cedrelacées-Meliacées ;  des  Perobas  du  genre  Aspidosperma,  de 
la  famille  des  Apocynacées ;  des  Canellas,  du  genre  Nectandra  de 
la  famille  des  Lauracées,  etc.,  etc.  Dans  la  région  des  Campos  ou 
des  pâturages  et  prairies  naturelles,  les  bois  de  construction 
sont  rares.  Les  petits  cours  d'eau,  les  arroyos,  comme  on  dit  dans 
cette  province,  n'arrosent  que  des  saules  (Salix),  des  Acacias  et 
des  Mimosas  à  bois  blanc. 

Quand  on  monte  l'Uruguay,  on  voit  le  changement  de  flore  se 


LES     ZONES     AGRICOLES.  263 

faire  aussi  rapidement  que  celui  des  coulisses  et  des  décors  au 
théâtre.  Jusqu'à  Itaquy,  on  a  la  végétation  caractéristique  des 
rives  de  la  Plata  :  en  amont  d'Itaquy,  commence  la  foret  brési- 
lienne, unie  el  serrée,  enveloppée  par  les  lianes,  chargée  d'épi- 
phytes,  d'orchidées,  d'aroïdées  et  de  broméliacées,  aux  belles 
Heurs  aux  couleurs  éclatantes,  sur  les  troncs  superbes  des  cèdres, 
des  perobas  el  des  canellas,  couronnés  par  des  touffes  de  feuilles 
miroitantes,  vert  foncé,  en  beau  contraste  avec  cet  azur  du  ciel 
qu'on  ne  peut  voir  qu'au  Brésil. 

Poissons  et  pêche.  —  Depuis  les  temps  coloniaux  on  exporte 
des  poissons  salés  de  la  province  de  Rio-Grande-du-Sud,  notam- 
ment la  Tàlnha  salgada.  Les  lagunes  Méarim  et  des  Patos  offrent 
vraiment  les  meilleures  conditions  pour  des  viviers  à  poissons, 
pour  des  parcs  à  huîtres  et  pour  toutes  les  industries  connexes  à 
la  pisciculture.  Ces  énormes  étangs  ont  été  formés  par  un  barrage 
en  sable,  construit  par  les  forces  cosmiques  de  l'Océan  et  des 
fleuves  de  Rio-Grande-du-Sud  ;  du  côté  de  la  mer  ils  sont  fermés 
par  des  digues,  voire  même  par  des  dunes,  quelquefois  larges  de 
quelques  kilomètres,  d'autres  fois  assez  étroites  pour  être  rompues 
par  les  lames  de  l'Océan.  Nous  espérons  bien  placer  sur  les  rives 
de  ces  lagunes  quelques  milliers  d'immigrants  hollandais,  au 
moment  de  l'exécution  des  travaux  hydrauliques  de  Rio-Grande- 
du-Sud,  qui  sont  du  même  genre  que  ceux  de  Hoek-Van-Holland 
à  l'entrée  du  port  de  Rotterdam.  Ces  Hollandais  implanteront  à 
Rio-Grande-du-Sud  leur  industrie  de  fascinages,  et  surtout  de 
salaison  des  poissons. 

Dans  l'extrême  rapidité  de  ce  travail,  nous  n'avons  pas  parlé 
des  poissons  du  Brésil  ;  à  peine  avons-nous  fait  mention  du 
Piracurû  (Vastres  Cuvierii)  et  du  Puraqué  (Gijmnotus electricus)  de 
l'Amazone.  Mais  cette  omission  ne  doit  pas  faire  croire  que  les 
fleuves  et  les  mers  du  Brésil  ne  soient  pas  des  plus  riches  en 
poissons  de  toute  espèce.  Encore,  l'autre  jour,  un  voyageur  Russe, 
un  gourmet  fort  entendu  en  poissons  de  mer  et  de  rivière,  nous 
disait  qu'il  ne  connaissait  rien  de  plus  exquis,  en  fait  de  pois- 
sons, que  ceux  de  Rio  ;  notamment  le  badèjo  et  le  badèjete,  la 
garôpa  et  la  garopinha,  le  robalo  et  le  bijupirà.  Les  crevettes 
de  Rio-de-Janeiro  et  de  Bahia  —  les  fameux  camarôes  — ■  sont 
déjà  exportées  en  conserve  pour  Paris  et  Londres. 

Il  ne  manque  pas  d'huîtres,  de, toute  espèce  et  de  toute  gran- 
deur, sur  la  côte  du  Brésil.  Une  famille  française  vient  d'obtenir 


LE     BRÉSIL     EN     1880. 

(novembre  1888)  l'autorisation  d'établir  un  parc  aux  huîtres  dans 
La  rade  de  Rio, 

Chaque  province  du  Brésil  a  son  poisson  favori;  par  exemple  : 
la  C aval  la  pour  la  province  de  Bahia,  la  Carapéba  pour  la  province 
d'Alagôas.  Avant  la  navigation  à  vapeur,  les  baleines  fréquentaient 
la  côte  du  Brésil.  On  verra  sur  les  cartes  du  Brésil  le  nom 
très  répété  d'Armaçao,  qui  signalait  les  stations  de  pèche  de 
haleines.  Les  endroits  de  la  côte  du  Brésil  les  plus  renommés  pour 
la  pêche  sont:  Abrolhos  —  des  îles  et  des  rochers,  qu'on  voit  des 
paquebots  à  vapeur,  quand  on  vient  de  Bahia  à  Bio,  et  qui 
restent,  à  peu  près,  en  face  de  la  ville  de  Canavieiras  ;  Cabo-Frio, 
un  peu  à  l'est  de  la  ville  de  ltio  ;  l'ile  et  le  canal  de  Santa- 
Catharina;  lalagunadu  Tubarâo,  et  les  lagunes  Mearim  et  des 
Patos,  dans  la  province  de  Bio-Grande-du-Sud. 

A  Abrolhos  et  Cabo-Frio,  les  poissons  les  plus  abondants  sont 
les  Garopas  et  les  Pcscadas,  de  gros  poissons  de  un  à  deux  mètres 
de  longueur,  qu'on  prépare  salés  et  secs,  comme  la  morue,  ou 
bien  confits  en  marinade  dans  des  boites  en  fer  blanc,  pour 
l'exportation. 

Dans  le  canal  et  le  long  des  côtes  de  l'ile  de  Santa-Catharina, 
abondent  les  Garopas,  les  Pescadas  et  surtout  les  Enchovas,  en 
quantités  énormes.  Dans  les  lagunes  du  Tubarâo,  au  sud  de  la 
province  de  Santa-Catharina,  de  Mearim  et  des  Patos,  ce  sont 
les  taïnhas,  longues  de  50  à  80  centimètres,  qu'on  pêche  et  qu'on 
prépare,  comme  la  morue,  pour  être  exportées  pour  les  provinces 
du  nord  du  Brésil. 

Ainsi  donc,  on  voit  que  les  immigrants  qui  aiment  la  pêche 
et  le  poisson  se  trouveront  au  Brésil  en  pays  d'abondance. 

Agriculture.  —  La  province  de  Bio-Grandc-du-Sud  comprend 
une  région  de  prairies  naturelles  et  de  pâturages,  nommée 
Campos,  et  une  région  plus  ou  moins  montagneuse.  Les  Campos 
étaient  entièrement  réservés  pour  le  bétail,  qu'on  élevait,  comme 
à  la  Plata,  en  troupeaux  innombrables  ;  dans  la  région  monta- 
gneuse et  dans  les  vallées  des  fleuves  on  faisait  l'agriculture. 

Jusqu'à  l'Abolition,  les  grands  propriétaires  ne  faisaient  que 
l'élevage  du  bétail  et  l'industrie  des  Saladcros  ;  l'agriculture 
appartenait  aux  immigrants.  Ainsi  la  belle  colonie  de  San- 
Leopoldo  était  le  principal  fournisseur  de  céréales,  de  légumes  et 
de  fruits  aux  marebés  de  la  province  de  Bio-Grande-du-Sud. 


LES     ZONES     AGRICOLES. 

Bétail.  —  La  fameuse  industrie  des  Saladeros,  si  connue  en 
Europe  par  les  descriptions  des  voyageurs  à  la  Plata,  a  reçu  un 
coup  mortel  lors  de  l'Abolition.  Le  Xarque,  la  Carne-Secca,  la 
viande  sèche  el  -aire,  étail  un  reste  de  barbarie  relié  à  l'esclavage . 
Cette  mauvaise  nourriture  «Mail  donnée  aux  esclaves  de  Cuba  et 
du  Brésil.  A  présent  on  travaille  pour  abolir  le  Xarque,  et 
pour  exporter  les  viandes  de  bœuf  et  de  mouton  en  frigorifiques, 
comme  on  fait  en  Australie  et  surtout  à  la  Nouvelle-Zélande. 

D'un  autre  côté,  il  y  a  énormément  à  faire  pour  améliorer  les 
de  chevaux,  de  bœufs  et  de  moutons,  et  pour  élever  toutes 
les  industries  connexes  à  la  hauteur  des  progrès  modernes. 

Blé.  —  La  culture  du  blé  est  très  ancienne  dans  la  province 
de  Elio-Grande-du-Sud.  Avant  1830  on  en  exportait  du  blé  pour 
Rio  et  pour  l'île  de  Cuba. 

A  présent,  les  immigrants  italiens  et  allemands  reprennent 
cette  culture  avec  avantage.  A  Pelotas,  une  des  plus  belles  villes 
de  la  province  de  Rio-Grande-du-Sud,  on  a  établi  un  moulin  à 
vapeur,  qui  achète  le  blé  aux  planteurs  à  3.000  réis  Valqueire.  — 
L'alqueire  vaut  36  litres  et  27  centilitres.  C'est  donc  à  peu"  près 
S  fr.  50  par  30  litres. 

A  Hio-de-Janeiro,  on  a  construit  deux  moulins  à  vapeur  avec 
toutes  les  améliorations  introduites  dernièrement  par  les  Améri- 
cains. Ils  appartiennent  à  deux  puissantes  Compagnies  :  Moinhos 
Fluminenses  (Moulins  de  Rio),  et  Rio-de- Janeiro  Flour  Mills  Gra- 
naries,  Limited. 

On  fait  dans  tout  le  sud  duRrésil  des  efforts  incessants  pour 
donner  la  plus  forte  expansion  possible  à  la  culture  du  blé.  Nous 
pensons,  comme  Michel  Chevalier,  que  les  peuples  civilisés  mangent 
du  pain,  et  que  la  culture  du  blé  est  un  indice  de  civilisation. 

Le  Brésil  des  temps  coloniaux  n'avait  que  la  farine  de  manioc, 
une  nourriture  pauvre,  qui  n'a  pas  la  force  nutritive  du  blé  ;  il 
faut  que  le  Nouveau-Brésil  produise  le  froment  et  la  vigne,  comme 
la  France.  Nous  espérons  bien  pouvoir  annoncer,  dans  trois  ou 
quatre  ans,  aux  émigrants  des  belles  races  méditerranées  que  le 
Brésil  est  un  pays  de  pain  et  de  vin,  et  qu'ils  s'y  trouveront  aussi 
confortablement  qu'en  France  et  en  Italie.  Le  manioc  servira  à  la 
fabrication  du  tapioca  pour  malades  et  convalescents  ou  pour 
plats  de  dessert  et  potages. 

Vin.  —  L'immigration  italienne  a  donné  une  grande  impul- 


2GG  LE     BRÉSIL     EH      L889. 

sion  à  la  culture  de  la  vigne  dans  La  province  de  Rio-Grande-du- 
Sud.  Les  deux  IkiIIcs  colonies  Comte  d'Eu  et  Dona  Isabel  produi- 
sent déjà  do  20  à  25.000  pipes  de  vin.  Nous  avons  déjà  cité  la 
petite  lie  Dos  Marinheiros,  qui  exporte  2.000  pipes  de  vin  par  an. 
La  viticulture  lait  des  progrès  à  Piratinim,  à  Santa-Maria-da- 
Boca-do-Monte,  dans  la  vallée  du  Camaquan,  à  Monténégro, et  par- 
tout où  on  établit  des  Italiens  comme  immigrants-propriétaires.  A 
Rio-Grande-du-Sud,  le  vin  brésilien  [Vinho  national)  se  vend 
120.000  réis  à  180.000  réis,  c'est-à-dire  310  francs  à  510  francs 
la  pipe,  et  est  déjà  exporté  pour  la  ville  de  Rio.  et  pour  le  nord 
de  l'Empire. 

Immigration.  —  La  province  de  Rio-Grande-du-Sud  est  la 
plus  connue  en  Allemagne  par  les  émigrants.  L'ancienne  colonie 
de  San-Leopoldo  en  était  le  plus  fort  centre  d'attraction. 

Pendant  plusieurs  années,  les  Allemands  ne  se  dirigeaient 
que  vers  Rio-Grande-du-Sud.  La  Société  de  Colonisation  d'Ilam- 
bourg  en  a  dirigé  un  beau  courant  vers  la  province  de  Santa- 
Catharina  en  y  fondant  Dona  Francisca  et  Join ville. 

Le*  Docteur  Blumenau  a  aussi  fondé  une  belle  colonie  à  Santa- 
Catharina,  qui  porte  son  nom,  et  qui  est  une  des  plus  prospères 
du  Brésil.  Le  courant  d'immigration  allemande  s'est  divisé 
dernièrement  entre  les  provinces  de  San-Paulo,  de  Parana,  de 
Minas  et  d'Espirito-Santo.  C'est  tout  récemment,  après  le  contrat 
Caetano  Pinto  (1874-1878)  que  les  immigrants  italiens  se  sont 
dirigés  vers  la  province  de  Rio-Grande-du-Sud.  Aujourd'hui  les 
Italiens  prédominent  dans  les  colonies  Comte  d'Eu,  Dona  Isabel, 
Caxias,  Sllveira  Martins,  etc.  La  concurrence  des  deux  immigra- 
tions allemande  et  italienne  a  produit  les  plus  beaux  résultats 
ethniques  et  économiques.  Leur  race  mixte  est  d'une  extraordi- 
naire beauté.  Les  Italiens  continuent  leurs  cultures  de  blé,  d'orge, 
d'avoine,  de  seigle,  de  vin  et  de  soie,  tandis  que  les  Allemands 
ont  gardé  les  cultures  brésiliennes  du  maïs,  des  haricots,  du 
manioc,  etc.,  et  font  de  la  bière  partout. 

Du  concours  de  tous  ces  efforts  il  résultera  que  la  province  de 
Rio-Grande-du-Sud  jouira  d'un  bien-être  difficile  à  rencontrer  en 
quelque  pays  du  monde  que  ce  soit. 

Chemins  de  fer.  —  La  province  du  Rio-Grande-du-Sud  a 
une  belle  navigation  à  vapeur  dans  les  lagunes  Mearim  et  des 
Patos  et  sur  plusieurs  fleuves.  La  région  ouest   de   la  province, 


LES     ZONES     AGRICOLES.  2G7 

baignée  par  l'Uruguay,  reçoit,  aux  temps  des  eaux,  des  navires 
d'Europe  et  des  bateaux  à  vapeur  dans  les  ports  d'Uruguayana, 
d'itaquy  ei  de  San-Borja.  Le  réseau  de  voies  ferrées  y  fait  des 
progrès  tous  1rs  jours,  comme  on  le  verra  dans  un  chapitre 
spécial. 

Exportation.  —  L'extraordinaire  polyculture  de  la  province 
de  Rio-Grande-du-Sud  ;  l'élevage  du  bétail  dans  les  fameux  Campos, 
ou  pâturages  et  prairies  naturelles  ;  l'industrie  naissante  sous  la 
forte  impulsion  des  races  concurrentes  dans  l'immigration,  don- 
ne ni  ;\  cette  zone  agricole  une  infinité  d'articles  d'exportation. 
Nous  nous  bornerons  à  faire  mention  des  suivants  : 
Xarque,  Carne  secca,  viande  sèche  et  salée,  suifs,  cuirs,  cornes, 
os,  guano  animal  et  tous  les  produits  connexes  ;  poissons  salés 
(Tainhas),  laines,  maté  (thé  du  Brésil),  bières,  vins  des  colonies, 
tabac,  haricots  et  céréales,  fruits  et  confitures,  tissus  de  laine, 
tissus  de  laine  et  coton,  etc.,  etc. 


268 


u:    isHK.siL    i:\     issu. 


NAVIGATION 

.h/  /o//y  ro///'.s'  <'/  au  cabotage  du  port  de  Rio-Grande-du-Sud 
de  1 883-1884  à  1886-1887. 


EXERi 


1883-1884... 
1884-1885.. 
1885-1886.. 
1886-1887.. 


NAVIRES 


Navires  . 
Tonnage 

\;i\  ires  . 
Tonnage 

Navires  . 
Tonnage 

Navires  . 
Tonnage 


I.DMi    COL' Il  S 


8i 

22.537 

20.899 

SI 

25.876 

19 
8.089 

302 
28.109 


38.744 


202 
33 .559 


:in; 


s  s 
23.154 

76 

20.2511 

68 
L8.693 

10 

7. M 

68 

10.90'J 


100 
16.613 


in 

18. 16" 


52 


C  A  B  O  T  A  G  E 


212 

37.497 

202 
320 


32G 
86.171 


130 
33.592 


145 

31.109 


175 
17.18" 


166 
14.897 


169 

21.791 


170 
33.449 


276 


300 

si. OU 


14" 

itt.OS: 


L64 


190 
18.59 


181 
11.223 


MOUVEMENT  MARITIME 

De  là  province  de  Rio-Grande-du-Sud. 


BATIMENTS 

ANNÉE  FINANCIÈRE  188  i-85 

ANNÉE  CIVILE  1884 

Commerce 
extérieur 

Commerce 
intérieur 

Commerce 
extérieur 

Commerce 
intérieur. 

1 

■7. 

1 

■7. 

1 

■7. 

1 

■7. 

\:n  ires  ii  voile 

Tonn. 
den  i 

13.964 

20.571 

Tonn. 
dereg. 

30.111 
20.808 

Tonn. 
de  reg. 

46.338 
11.729 

Tonn. 
dereg. 

60.569 
11.811 

Tonn. 
de  reg. 

38.775 

13.100 

Tonn. 
de  reg. 

26.732 
11.347 

Tonn. 
dereg. 

35.900 
44.833 

Tonn. 
dereg. 

16.959 

42.934 

TABLEAU  DE  LA  VALEUR  OFFICIELLE 

Des  importations  et  exportations  intérieures  de  lu  province  de  liio-Grande-du-Sud 

de  1878-1879  à   1881-1882. 


EXERCICES 

IMPORTATION 

EXPORTATION* 

1878-187!) 

1  s. i;  15. 900  OOOréis. 
18.749.700  000 
1!). 031. 700  000 
21.100.700  000 

14.493.800  OOOrcis. 
12.138.000  000 
14.641.400  000 
14.737.400  000 

1879-1880 .    . 

1880-1881 

L881-188  i         

LES      ZONES     AGRICOLES.  269 

COMMERCE   Al      LONG   COURS  DE    RIO-GUANDE-DU-SUD 


Valeur  de  Vim 

portation  et  de  Vex 

oortation  de  1888- 

s  ;  à  1886-87. 

l  M  PORTATION 

1883-1881 

1884-1885 

1SS5-168G 

1SN0-18S7 

11.192.156  s 

11.785.704  s 

14.714.517  s 

19.632.135  $ 

EXPORTATION 

1883-1884 

1884-1885 

1S85-1886 

18S6-1887 

2.887.704  s 

3.239.728  $ 

3.549.789  $ 

3.734.760  $ 

Nota.  —  Sans  les  droits  perçus  à  Uruguayana  et  quelques  autres  bureaux. 

COMMERCE   MARITIME  INTERPROVINCIAL 

Valeur  de  l'importation  et  de  l'exportation  de  1883-84  à  1886-87. 


IMPORTATION 

1883-1884 

1S84-1885 

1885-1886 

1886-1887 

12.016.900  S 

12.100.400  $ 

9.122,200  $ 

9.708.533  g 

EXPORTATION 

1-3-1884 

1884-1885 

1685-1886 

1886-1887 

8.061.100  S 

7.653.GO0  $ 

8.724.500  $ 

8.525.725  $ 

TARLEAU  DES  RECETTES 

D'importation  et  d'exportation  des  douanes  de  Porto- Alegre  et  Rio-Grande,  des 
bureaux  des  recettes  générales  des  municipes  de  Pelotas,  San-José-do-Norte, 
Jaguar So  et  Santa  Victoria  do  Palmar,  pendant  les  exercices  de  1869-70  à 
L880-8I,  avec  leur  valeur  officielle. 


EXERCICES 

Importation. 

Valeur  officielle. 

Exportation. 

Valeur  officielle. 

Réis. 

Réis. 

Réis. 

Réis. 

1869-1^70 

4.010.501  345 

13.368.347  816 

1.106.260  452 

15.803.720  742 

L871 

4.049.953  998 

13.499.864  660 

887.813  068 

12.683.043  828 

1871-1872 

3.517.322  399 

11.724.407  996 

1.027. 314  955 

14.675.927  928 

1872-1873 

3.370.540  353 

11.235.137  843 

1.142.596  279 

16.322.803  985 

1873-1874 

3.151.406  727 

10.514.689  090 

877.856  880 

12.540.812  571 

1874-1675 

2.908.094  664 

9.693.648  880 

774.351  215 

11.062.160  214 

1875-1876 

3.049.470  325 

10.164.901  883 

570.307  898 

8.147.255  685 

1876-1877 

3.014.698  199 

10. 048.993  996 

606.153  484 

8.659.335  485 

1877-1878 

2.510.651  491 

8.368.838  313 

638.217  509 

9.117.392  985 

1878-1879 

3.465.6.1  695 

11.551.538  983 

700.855  191 
766.527  891 

10.012.217  014 
10.950.398  442 

1879-1880  

3.951.537  751 

13.171.792  513 

1880-1881 

3.726.730  483 

12.422.434  943 

640.781  934 

9.156.027  628 

LE     BRÉSIL     EN     18  89. 


NAVIliKS   ENTRÉS  ET  SORTIS 


ENTRÉS 

ANNÉES 

H  A   1    1 

)  .N  A  l'  X 

É  r  H  A 

Total 

Tonnage 

Tirant 

d'eau 

maximum 

Navires  a 

Nai  ires  à 

voile 

\  apeurs 

voile 

\  apeurs 

en  palmes 

1873.... 

200 

G  9 

329 

5 

603 

152.841 

16.5 

1874.... 

2(js 

99 

217 

:; 

557 

164.576 

i  ;.5 

1875.... 

186 

12:; 

207 

9 

5  s:, 

HiO.821 

16.5 

1876.... 

186 

130 

257 

3 

576 

186.833 

10.5 

1877.... 

151 

128 

219 

1 

529 

184.119 

10.5 

1878.... 

103 

118 

321 

6 

608 

175.101 

17 

L879 

157 

107 

321 

0 

584 

131.272 

17 

1880 

116 

133 

322 

18 

019 

150.587 

10.5 

L881 

128 

137 

270 

1!) 

55  1 

133.779 

10 

1882.... 

170 

131 

301 

•10 

Ool 

147.442 

11.5 

1883 

Total.. 

91 

61 

101 

30 

355 

15 

1.789 

1.236 

3.051 

152 

6.231 

1.69S.751 

SORTIS 

ANNÉES 

NATIl 

N  A  L'  X 

ÉTRAl 

<  G  E  R  S 

Total 

Tonnage 

Tirant 

d'eau 

maximum 

Naviresà 

Navires  a 

voile 

\  apeurs 

voile 

\ apeurs 

en  palmes 

1873.... 

215 

69 

313 

0 

633 

171.172 

16.5 

1871.... 

189 

99 

266 

2 

556 

171.081 

16.5 

1875.... 

196 

123 

257 

9 

585 

201.101 

10.5 

1876.... 

186 

130 

219 

1 

566 

1'.  13. 023 

li.. 5 

1877.... 

119 

127 

230 

» 

506 

183.883 

17 

1878.... 

101 

Ils 

311 

5 

598 

175.815 

16.5 

1879.... 

166 

105 

311 

7 

592 

134.842 

16 

1880.... 

119 

134 

323 

18 

621 

150. 0S1 

16.5 

1881.... 

127 

138 

272 

18 

555 

133.276 

15.5 

1882.... 

161 

131 

311 

11 

653 

115. OIS 

11.5 

1883.... 

Total.. 

81 

02 

183 

37 

306 

82.119 

11 

1.789 

1.239 

3.059 

117 

6.231 

1.738,951 

LES     ZONES     AGRICOLES.  271 

1\.  —  La  Mne  Auro-Ferrifëre.  — La  grande  province 
m  Minas- G  raet  occupe  toute  la  neuvième  zone  agricole  du 
Brésil,  caractérisée  par  son  abondance  en  minerais  d'or  et  de 
fer.  Sa  surface  est  de  571.855  kilomètres  carrés  ;  sa  population 
de  2.200.000  à  2.300.000  habitants. 

Saint-Hilaire  a  écrit:  «  S'il  existe  un  pays  qui  jamais  puisse 
si'  passer  du  reste  du  monde,  ce  sera  certainement  la  province  de 
Minus.  »  Ces  mois  prophétiques  de  l'illustre  savant  sont  encore 
aujourd'hui  la  plus  belle  synthèse  de  la  superbe  zone  agricole  de 
Minas-Geraes.  On  y  trouve  tout:  depuis  l'or  et  les  diamants 
jusqu'aux  plus  beaux  cristaux  déroche;  depuis  le  fer,  qui  y 
forme  des  montagnes,  jusqu'aux  plus  rares  métaux  qui  accompa- 
gnent les  minerais  d'or,  d'argent,  de  plomb  et  de  platine.  On 
peut  y  cultiver  tous  les  produits  agricoles:  depuis  le  café,  la 
canne  à  sucre,  le  coton  et  le  tabac,  jusqu'au  blé,  la  vigne,  la  soie, 
l'olivier  et  tous  les  fruits  de  France  et  de  l'Italie.  Tout  cela  sous 
le  beau  ciel  du  Brésil,  dans  un  climat  qui  fait  les  délices  des 
voyageurs,  dans  un  climat  qui  a  doublé  la  vie  du  savant  anthro- 
pologiste  danois  Peter  Wilhelm  Lund,  si  renommé  par  la  décou- 
verte de  l'Homme  Fossile  dans  les  grottes  calcaires  de  la  province 
de  Minas-Geraes. 

Terre.  —  La  province  de  Minas  possède  les  plus  hautes 
montagnes  et  les  plateaux  les  plus  élevés  de  tout  le  Brésil.  Les 
aborigènes  leur  donnaient  le  nom  d'Itatiaya,  qui  veut  dire:  — 
'Pierre  qui  distille  une  eau  pure  et  salubre.  Ainsi  on  compte  dans  la 
province  de  Minas  trois  Itatiayas,  c'est-à-dire,  trois  points  culmi- 
nants, à  savoir:  1°  l'Ftatiaya  de  Rezende,  appelé  aussi  l'Itatiaya- 
Assiï  d'Ayruoea,  qui  se  trouve  sur  la  chaîne  de  montagnes  de  la 
Manliqueira;  il  contient  les  Agulhas-Negras  (Aiguilles-Noires)  qui 
s'élèvent  de  2.990  à  3.000  mètres  et  qui  sont  les  plus  hautes 
montagnes  du  Brésil  ;  2°  l'Itatiaya  du  grand  massif,  entre  les 
villes  dOuro-Branco  (Or-blanc)  et  d'Ouro-Preto  (Or-noir),  capitale 
de  la  province  de  Minas  ;  3°  FItatiaya-Assû  [Assit  veut  dire  grand) 
de  San-Joào-do-Kio-Acima,  qui  forme  une  immense  montagne 
de  minerais  de  fer  sur  gangue  d'argile,  placée  entre  les  fleuves 
paré  >'t  JNiraopeba,  deux  grands  affluents  du  majestueux  San- 
Francisco. 

Sur  une  carte  en  relief  de  la  province  de  Minas-Geraes  on 
verrait  immédiatement  ces  trois  Itatiayas,  et  on  distinguerait,  en 
même  temps,  les   grands  plans  inclinés,  qui  jettent  leurs   eaux 


LE     BRÉSIL     EN     1889. 

dans  les    fleuves  Parahyba-du-Sud,   Ilio-Doce,    San-Francisco  et 
Elio-Grande,  qui    finit  par  avoir  le  nom  de    Paranâ,  et  arrive  h 

l'i  » .  (  -  ;  1 1 1  par  le  grand  estuaire  de  la  Plata. 

On  comprend  bien  que  tous  ces  points  culminants,  tous  ces 
plateaux,  tous  ces  thalwegs  possèdent  des  terrains  de  toutes  les 
espèces  possibles  et  imaginables.  Leur  énumération  sera  toujours 
incomplète  ;  nonobstant  nous  signalerons  comme  roches-mères  : 
neiss  granits,  des  granitoïdes,  des  granits,  des  pegmatites, 
des  syénites,  des  diorites  et  des  diabases  et  tous  les  congém-i-c- 
dans  les  montagnes  de  la  Mantiqueira,  d'Ouro-Branco  et  d'Ouro- 
Preto.  Des  calcaires  et  du  gypse  dans  la  vallée  du  San-Francisco 
et  à  San-José-d'El-Rey. 

Toute  la  région  des  Campos-Gcraes  possède  des  grottes  cal- 
caires,  à  stalagmites  et  à  stalactites,  quelquefois  d'une  grande 
beauté.  C'est  dans  ces  grottes  que  le  savant  Lund  a  fait  ses  études 
si  célèbres  de  paléontologie.  Encore  dernièrement  le  Dr  Gorceix 
l'infatigable  directeur  de  l'École  des  Mines  d'Ouro-Preto,  a  fait  la 
découverte  d'une  grotte  abondante  en  fossiles.  La  Casa  Encantada 
(Maison  Enchantée)  est  une  merveilleuse  grotte  calcaire  tout  prèg 
de  la  ville  de  Sào-Joâo-d'El-Rey.  La  grotte  de  Carandahy  a  un 
volume  de  60.000  mètres  cubes.  Elle  a  fourni  une  belle  pierre  de 
taille  gris-perle  pour  le  viaduc  de  Carandahy,  sur  le  chemin  de 
fer  de  Dom  Pedro  II.  Tout  près  de  la  ville  de  Baepcndy,  on  a  décou- 
vert deux  grottes  appelées  Grula  d'Urubu  et  Grula-da-Pedra. 
La  grotte  de  Carandahy  est  aujourd'hui  exploitée  par  la  Com- 
pagnie Industrial  de  Cal  e  Marmores  de  Carandahy,  fondée  en 
octobre  1888  au  capital  de  200  conlos  de  reis  (56G.600  francs). 
Dans  cette  grotte  se  trouve  le  stéatite  ou  pierre-à-savon,  qui  est 
employé  comme  pierre  réfractaire  dans  les  fours  à  chaux.  Le 
stéatite  est  très  commun  dans  la  province  de  Minas-Geraes  :  dès 
les  temps  primitifs  les  aborigènes  en  faisaient  des  marmites  et 
d'autres  objets  de  ménage. 

C'est  dans  la  province  de  Minas  qu'on  rencontre  Yltacolumite, 
le  grès  flexible,  ou  le  quarzite  granulaire,  si  demandé  par  les 
savants  el  par  les  musées  d'Europe.  Le  professeur  Gorceix  croit 
cet  Itacolumite  la  roche-mère  du  diamant  et  du  topaze.  Les 
marbres  verts  de  Ponte-Alta,  tout  près  de  Passa-Tempo  ;  les 
marbres  blancs  et  verts  du  municipe  d'Oliveira,  employés  à 
l'ornementation  de  la  Cathédrale;  les  marbres  de  Gandarella,  de 
toutes  couleurs,  excellents  pour  l'architecture  polychrome, 
doivent  être  comptés  parmi  les  richesses  naturelles  de  cette  belle 


LES     ZONES     AGRICOLES.  273 

zone  agricole.  Il  ne  Tant  pas  oublier  l'abondance  d'argiles,  depuis 
la  Terra  Rôxa,  chargée  de  fer  et  si  renommée  pour  la  production 
du  café,  jusqu'aux  argiles  plastiques  pour  briques,  tuiles, 
poterie,  etc.  Les  massapês^  les  argiles  blanches  et  grises  si  esti- 
mées pour  la  culture  de  la  canne  à  sucre,  abondent  dans  les 
vallées  et  dans  les  zones  humides. 


Province  de  Minàs-Geraes. 
Tableau  des  altitudes  les  plus   remarquables. 

[tatiaya-Assû    (Agulhas  Negras),    la  plus   haute 

montagne  du  Brésil 3.000  mètres. 

Campos-do-Jordâo     (prairies    et    pâturages    du 

Jordan).  Climat  superbe  et  très  recommandé 

aux  poitrinaires 1 .  700  — 

Ouro-Preto,  capitale  de  la  province  de  Minas. . .  1.145  — • 
Diamantina,    ville    de    commerce    et    entrepôt 

important  au  nord  de  Minas 1 .  132  — 

Ayruoca,  sur  le  versant  nord  de  l'Itatiaya 1 .  100  — 

Campos  de  Caldas  (eaux  thermales) 1 .  100  — 

Victoria  (village) 1 .088  — 

Barbaccna  (ville  sur  le  chemin  de  fer  D.  Pedro  II).  1.076  — 

Serranos  (village) 1 .070  — 

Lagôa-Dourada  (village) 1 .056  — 

Caldas  (ville) 1 .040  — 

Or  et  Diamants.  —  Si  l'on  voulait  éblouir  les  émigrants 
d'Europe  par  des  histoires  merveilleuses  à'El-Dorado,  il  suffirait 
de  dire  que  dans  la  province  de  Minas  les  villes  s'appellent  Ouro- 
Branco  (Or-Blanc);  Ouro-Prêto  (Or-Noir);  Ouro-Fino  (Or-Fin); 
Diamantina  (Vllle-aur-Diamants)  ;  qu'on  y  voyage,  pendant  des 
journées,  sur  des  terrains  tourmentés  par  les  exploitations  d'or 
depuis  les  temps  coloniaux,  etc.,»  etc.  Mais  nous  croyons  pré- 
férable ne  faire  l'éloge  que  de  la  fertilité  de  la  Terra  Boxa  et  du 
Massapê,  des  terres  qui  donnent  le  café  et  le  sucre  et  tous  les  pro- 
duits de  France  et  d'Italie. 

Si  nous  voulions  faire  des  idylles  pour  les  émigrants,  nous 
n'aurions  qu'à  décrire  leur  belle  maisonnette,  entourée  de 
palmiers  et  d'orangers,  toute  garnie  d'orchidées,  d'aroïdées  et  de 

18 


274  LE     BRÉSJ  l.     EN     1889. 

broméliacées  aux  feuilles  brillantes  el  aux  fleurs  splendides,  sur 
un  terrain  planté  d'un  millier  de  caféyers;  el  de  leur  dire  que  les 
belles  cerises  rouges  et  jaunes  du  caféyer  ont  des  noyaux,  qui  se 
vendent,  même  à  Rio,  un  à  deux  francs  le  kilo,  s'ils  sont  bien 
préparés... 

En  Angleterre,  nous  l'avons  déjà  dit,  on  fait  la  propagande  de 
la  Petite  Propriété  avec  les  mots  :  A  cotv  and  an  acre  (une 
vache  et  quarante  ares  de  terre).  Dans  la  province  de  Mina-,  es 
pays  d'or  et  de  diamants,  on  sera  plus  généreux  :  on  donnera 
aux  immigrants  vingt  à  trente  hectares  de  terre,  trois  ou  quatre 
vaches  et  quelques  centaines  de  caféyers. 

Fer.  —  Les  minerais  de  fer  de  la  province  de  Minas-Geraes 
sont  aussi  riches  que  les  plus  beaux  de  Suède  et  de  Norwège,  de 
l'île  d'Elbe  et  des  gisements  les  plus  renommés  du  Vieux  .Monde.  Il 
faudrait  remplir  des  pages  avec  les  analyses  faites  à  l'Ecole  des 
Mines  d'Ouro-Preto  ;  mais  il  vaut  mieux  recommander  les 
Années  de  cette  école,  brillamment  dirigée  par  le  professeur 
Gorceix.  On  y  trouvera  d'intéressants  rapports  et  mémoires, 
donnant  la  description  de  tous  les  procédés  employés  clans  la  pro- 
duction du  fer,  depuis  les  temps  coloniaux  jusqu'à  nos  jours;  et 
aussi  toute  l'histoire  de  la  fabrique  de  fer  d'Ypanema,  à  San-Paulo, 
exploitée  par  le  Gouvernement,  et  qui  est  le  plus  important  éta- 
blissement métallurgique  du  Brésil. 

Bois  de  Construction,  de  Menuiserie  et  d'Ébénisterie.  — 
Les  plus  belles  forêts  de  la  province  de  Minas  se  trouvent  sur  ses 
limites  avec  les  provinces  de  Bahia,  d'Espirito-Santo  et  de  Rio- 
de-  Janeiro.  Les  forets  du  Manhuassû,  un  des  plus  beaux  aflluents 
du  Etio-Doce,  sont  comptées  parmi  les  plus  remarquables  du 
Brésil. 

Aussi  les  espèces  de  bois  de  Minas  sont-elles  les  mêmes  que 
celles  des  provinces  de  Bahia,  de  Rio  et  d'Espirito-Santo  :  palis- 
sandres,  cèdres,  uinhaticos,  perobas,  cannellas,  tapinhoâes,  etc.,  déjà 
décrits  dans  leurs  zones  respectives. 

Dans  les  chaînes  de  montagnes  de  Minas  :  Serra-da-Manti- 
queira,  Serra-das-Taipas,  Serra-das-Vertentes,  S  erra-do- Esp  in - 
haç  >,  etc.,  on  voit  toujours  des  Araucarias,  à  des  altitudes 
de  500  à  800  mètres. 

Agriculture.  —  Dans  la  province  de  Minas  on  distingue  deux 


LES     /.OMIS     AGRICOLES.  275 

Eones  parfaitement  caractérisées  :  l°la  zone  delà  Mat  la  ondes 
bois  et  forêts;  -"  la  zone  des  Campos  ou  des  pâturages  et  prai- 
ries  naturelles. 

L'agriculture  3e  fait  dans  la  zone  de  la  Mat  ta  ;  l'élevage 
du  bétail,  bœufs  et  chevaux,  principalement  dans  les  Campos. 
Dans  les  terres  limitrophes  de  Rio  et  d'Espirito-Santo,  la  grande 
culture  est  le  café;  dans  les  vallées  des  llcuves  et  dans  les  terres 
humides,  on  cultive  la  canne  à  sucre  et  le  riz;  au  sud  de  la  pro- 
vince,  dans  les  vallées  du  Rio-Verde  et  du  Sapucahy,  le  tabac 
est  la  culture  prédominante.  Le  maïs,  les  haricots  et  les  céréales 
se  cultivent  partout,  et  donnent  des  rendements  extraordinaires 

Coton.  —  Partout,  dans  la  province  de  Minas,  on  trouve  des 
lorrains  excellents  pour  la  culture  du  coton.  L'industrie  du  tissage 
date  des  temps  coloniaux.  Encore  aujourd'hui  on  file  et  on  tisse 
à  domicile,  et  le  voyageur  voit  partout  des  métiers  à  tisser  et 
entend  toujours  le  tic-tac  de  la  navette,  en  traversant  les  villages 
des  Campos-Geraes.  La  province  de  Minas-Geraes  compte  déjà 
vingt  fabriques  de  coton,  outillées  à  la  moderne,  avec  des  machines 
importées  d'Angleterre  et  des  États-Unis.  Ces  fabriques  donnent 
de  jolis  rendements;  elles  achètent  le  coton  immédiatement  aux 
planteurs,  et  ont  leurs  débouchés  garantis  sur  les  marchés  des 
provinces  centrales  de  Goyaz  et  de  Matto-Grosso. 

Ces  fabriques  utilisent  les  chutes  d'eau  en  turbines  et  en 
roues  hydrauliques.  Il  va  sans  dire  que  la  province  de  Minas 
possède  des  cascades  de  toute  beauté  pour  les  applications  indus- 
trielles. 

Vigne.  —  La  culture  de  la  vigne  est  déjà  très  étendue  dans 
la  province  de  Minas-Geraes,  surtout  au  sud,  dansle  Sapucahy  et 
dans  le  Rio-Yerde  ;  et  au  centre,  dans  le  Para  et  dans  le  Parao- 
péba,  affluents  duSan-Francisco.  On  y  commence  déjà  à  distinguer 
les  crus,  et  à  signaler  aux  voyageurs  les  villes  et  les  villages  où 
on  trouve  les  meilleurs  vins. 

Il  faut  bien  comprendre  qu'on  ne  possède  pas  encore  des 
Chàteaux-Laffite,  des  Ghàteaux-Margaux  et  des  Glos-Vougeot; 
mais  les  résultats  obtenus  font  déjà  espérer  qu'on  y  arrivera  par 
rimmigration  des  vignerons  les  plus  habiles  de  France,  de 
Hongrie  et  d'Italie. 

L'Australie,  avec  des  raisins  de  souche  bourguignone  et  bor- 
delaise, est  déjà  arrivée  à  imiter  les  meilleurs  crus  de  la  Cote- 


276  LE     BRÉSIL     EN     18  80. 

d'Or  et  du  Médoc.  Il  en  sera  de  même  au  Brésil.  Bientôt,  les  pro- 
vinces de  Minas,  de  San  Paulo,  de  Santa-Catharina  et  de  ltio- 
Grande-du-Sud  exporteront  des  vins  pour  les  provinces  du  nord 
du  Brésil.  A  Kio,  on  trouve  déjà  dans  les  magasins  des  vins  de, 
Rio-Grande-du-Sud  et  de  San-Paulo. 

Pour  Le  moment,  toute  la  question  de  la  viticulture  a  princi- 
palement pour  but  le  bien-être  de  l'immigrant.  Nous  désirons 
pouvoir  dire  :  «  Venez  au  Brésil...  Vous  y  trouverez  du  pain  et  du 
vin  comme  en  France,  comme  en  Hongrie,  comme  en  Italie.  » 

Jusqu'à  présent  les  vignes  du  Brésil  n'ont  ni  phylloxéra,  ni 
mildew,  ni  black  root,  ni  oïdium,  ni  aucune  autre  maladie.  On 
plante  surtout  la  cynthiana  et  la  northon's  Virginia,  qui  résistent 
fort  bien  aux  parasites  de  toute  espèce. 

Bétail.  —  A  l'époque  de  la  découverte  du  Brésil,  on  allait 
à  la  recherche  des  Campos  ou  des  pâturages  et  prairies  natu- 
relles, comme  à  la  recherche  des  mines  d'or  et  des  diamants.  La 
forêt-vierge  est  un  obstacle  pour  l'immigrant.  Presque  toujours 
elle  sert  de  muraille  qui  empêche  d'avancer  vers  l'intérieur.  Le 
Campo  abcrto,  la  campagne  ouverte,  au  contraire,  offre  des 
routes  toute  faites,  des  pâturages  pour  les  bœufs,  les  chevaux  «  ! 
les  moutons.  Rarement  les  Campos  sont  des  surfaces  planes; 
presque  toujours  ce  sont  des  mamelons  et  des  collines  à  surfaces 
bombées  et  aplaties.  Ce  qui  distingue  vraiment  le  Campo  c'est 
l'absence  de  bois  et  forêts.  Les  Campos  sont  recouverts  par 
un  tapis  de  graminées,  qu'on  appelle,  au  Brésil,  Capins.  Les 
Capins  les  plus  remarquables  sont  :  le  Capim  d'Angola,  classifié 
Panicum  spectabilc ;  le  Capim  mellado,  classifié  Melinis  glutinosus 
ou  Tristiges  glutinosus.  Dans  la  province  de  Minas,  on  dit  : 
Capim-gordura  fgraissc),  parce  que  les  prairies  de  ce  C<i/>>m 
sont  très  estimées  pour  engraisser  les  animaux.  Le  Capim-Barba- 
de-Bôde,  classifié  Aristida  pollens;  le  Capim-gramma,  Gramma  de 
Pasto,  Gramma  de  Prado,  ou  simplement,  Gramma,  classifié  Triti- 
cum  repens,  dans  le  genre  Paspalum.  Dans  ces  dernières  années, 
on  a  planté  des  prairies  arliiicielles,  composées  de  graminées 
et  de  légumineuses,  comme  en  France.  On  a  aussi  acclimaté 
VAlfafa  de  la  Plata,  <|iii  est  à  peu  près  la  luzerne  (Modicago 
sativa),  si  employée  dans  les  pâturages  d'Europe.  Les  races  de 
bœufs  et  de  chevaux,  introduites  au  temps  de  la  conquête, 
étaient  celles  du  Portugal  et  de  l'Espagne.  Ces  races,  qui  ont  a 
peu   près   trois    siècles    d'acclimatation,    sont    appelées    Creôlas 


LES     ZONES     AGRICOLES.  277 

Créoles)  pour  Les  distinguer  dos  races  introduites  tout  dernière- 
ment de  L'Europe  el  même  des  Indes.  Les  bœufs  de  la  province 
de  Minas  se  distinguent  par  leur  belle  taille  et  par  leur  force. 
Ces!  dans  cette  province  qu'on  achète  presque  tous  les  bœufs 
pour  les  abattoirs  de  la  ville  de  Rio.  Les  chevaux  de  la  province 
de  Minas  ont  un  peu  de  sang  arabe;  il  y  en  a  quelques-uns  d'assez 
élégants.  Dans  la  province  de  Minas,  comme  à  Paranâ  et  à 
Rio-Grande-du-Sud,  on  élève  une  énorme  quantité  de  mules  et 
de  mulets  pour  le  service  des  transports  sur  les  routes  et  dans 
L'intérieur  des  villes. 

Immigration.  —  Il  faut  encore  une  fois  répéter  les  belles 
paroles  de  Saint-Hilaire  :  «  S'il  existe  un  pays,  qui  jamais  puisse  se 
passer  du  reste  du  monde,  ce  sera  certainement  la  province  de  Minas.  » 
Eh  bien!...  Ce  paradis  est,  à  présent,  tout  à  fait  ouvert  aux 
immigrants.  On  les  reçoit,  aux  gares  des  chemins  de  fer,  avec 
des  hurrahs  et  des  feux  de  joie.  On  les  loge  dans  les  palais  aban- 
donnés par  les  propriétaires  des  mines  d'or,  et  on  les  établit  immé- 
diatement comme  immigrants-propriétaires.  Nulle  part  l'immi- 
grant-propriétaire  ne  se  trouvera  mieux  que  dans  la  province  de 
.Minas.  Sur  ces  plateaux  superbes  on  jouit  des  plus  doux  climats 
du  monde;  les  eaux  minérales  ferrugineuses,  alcalino- gazeuses, 
salées,  sulfureuses,  thermales,  arsenicales,  etc.,  etc.,  abondent  à 
Ouro-Preto,  à  Marianna,  à  Alambary,  à  Caxambû,  à  l'Araxâ,  au 
Uin-Yerdc,  à  Lagôa-Santa,  à  Caldas,  etc.,  etc.  Le  bétail  y  est  proli- 
fique et  la  viande  excellente.  L'élevage  des  porcs  est  une  industrie 
générale  dans  toute  la  province  de  Minas.  L'immigrant  peut  y 
continuer  ses  cultures  d'Europe  :  le  blé,  l'orge,  l'avoine,  le 
seigle,  la  vigne,  l'olivier,  etc.,  etc.  Il  peut  essayer  les  cultures 
brésiliennes  :  le  café,  le  sucre,  le  tabac,  le  coton,  le  manioc, 
le  maïs,  etc.,  etc.  L'abondance  de  fer,  de  bois  de  construction, 
de  calcaires  et  de  marbres  lui  facilitera  l'exercice  des  arts  et  des 
métiers.  Nous  dirons  encore  que  l'immigrant  ne  se  trouvera  pas 
mécontent  si,  par  hasard,  il  rencontre  un  joli  diamant  ou 
quelques  pépites  d'or. 

Chemins  de  fer.  —  Le  principal  chemin  de  fer  de  la  province 
de  Minas  est  le  Dom  Pedro  II,  qui  relie  déjà  Ouro-Preto,  sa  capi- 
tale, à  Rio-de-Janeiro.  Les  autres  sont  cités  plus  loin.  Mais,  il 
faut  bien  le  répéter,  les  chemins  de  ferles  plus  intéressants  pour 
l'immigration   et  pour   le    commerce  sont  ceux  qui  relient  les 


278  il-     BRÉSIL     EN     18  89. 

superbes  plateaux  de  la  province  de  Minas  aux  ports  de  mer  de 
l'Océan.  Ces  ports  sont  tout  préparés  par  la  nature  dans  les 
provinces  de  Bahia  et  d'Espirito-Santo  ;  les  tracés  de  ces  chemins 
de  fer  sont  parfaitement  indiques  par  les  vallées  perpendiculaires 
des  fleuves  Jequitinhonha,  Mucury,  Rio-Doce,  Rio  Benevente 
etc.,  etc.  Le  Parlement  vient  justement  de  concéder  une  garan- 
tie d'intérêts  au  chemin  de  fer  de  Benevente  à  Santa-Luzia- 
do-Garangola ,  dans  la  province  de  Minas-Geraes ,  de  180 
kilomètres  de  longueur.  Benevente  est  un  beau  port  de  la 
province  d'Espirito-Santo,  étudié  par  l'amiral  Mouchez,  et  qui 
peut  recevoir  des  vapeurs  de  7m00  de  tirant  d'eau.  La  vallée  du 
Benevente  possède  des  terres  à  cajté  aussi  fertiles  que  la  célèbre 
Terra  Rôxa  de  la  province  de  San-Paulo.  Ce  sont  des  chemins  de 
fer  ainsi  étudiés  qu'il  faut  construire  pour  ouvrir  la  province  de 
Minas  au  commerce  et  à  l'immigration. 

Exportations.  —  La  liste  des  produits  delà  province  de  Minas 
est  très  longue  ;  nous  nous  bornerons  à  citer  les  suivants  :  café, 
qui  est  exporté  par  les  ports  de  Rio  et  de  Santos  et  qui  est  pro- 
duit par  la  zone  de  la  «  Matta  »  ou  des  bois  et  forêts;  tabac,  qui 
est  produit  principalement  dans  les  vallées  du  Sapucahy  et  du 
Rio-Verde;  cigares  et  cigarrettes;  coton  brut  et  préparé  dans 
ses  20  fabriques;  fer  forgé  dans  ses  HOfabriqucs  ;  or  et  diamants; 
cristaux  de  roche,  améthistes,  topazes,  etc.,  etc.  ;  bœufs,  moutons 
et  chevaux  pour  la  ville;  porcs,  lard,  saindoux,  porc-salé,  etc.  ; 
cuirs,  cornes,  os,  etc.  ;  maïs,  haricots,  riz,  farines  de  manioc,  etc.  ; 
caoutchouc  de  Hancornia  (Borracha  de  mangabeira). 


X.  —  L-a  zone  centrale.  —  La  province  de  Goyaz,  qui 
occupe  rigoureusement  le  centre  du  Brésil,  a  une  surface  de 
7ï7.:Ul  kilomètres  carrés.  Sa  population  est  de  180  à  200  mille 
habitants.  La  province  de  Matto-Grosso  possède  l'énorme  surface 
de  1.379.651  kilomètres  carrés.  Seule  la  province  de  l'Amazone, 
avec  ses  1.81)7.020  kilomètres  carrés,  lui  est  supérieure.  Sa  popu- 
lation est  à  peine  de  90  à  100  mille  habitants. 

La  zone  centrale,  qui  se  compose  des  deux  provinces  de  Goyaz 
et  de  Matto-Grosso,  a  donc  une  surface  totale  de  2.126.962  kilo- 
mètres carrés.  C'est  vraiment  tout  un  monde  offert  à  l'immigration 
européenne.  Peuplée,  comme  la  France,  à  raison  de  72  habitants 
par  kilomètre  carré,    la    zone  centrale  aurait  une  population  de 


LES     ZONES     AGRICOLES.  279 

L 53. 141. 264  habitants,  c'est-à-dire  qu'on  pourrait  y  loger  confor- 
tablemenl  le  tiers  de  l'Europe.  Cette  immense  surface  de  terre 
contient  Les  plus  beaux  affluents  de  L'Amazone  et  de  la  Plata.  Elle 
possède  tous  les  climats  possibles  entre  5°  et  24°  degrés  de  lati- 
tude, el  dans  des  altitudes  qui  s'élèvent  presque  à  3.000  mètres 
dans  les  montagnes  des  Pyrénéos,  dans  la  province  de  Goyaz. 

Terre.  —  L'immense  territoire  de  la  province  de  Goyaz  peut 
être  défini  en  deux  mots:  il  est  la  double  vallée  des  fleuves 
Tocantins  et  Araguaya.  C'est  une  Egypte  qui  a  deux  Nils,  mais 
qui  n'a  pas  des  déserts  de  sable,  qui  est  partout  fertile,  qui  a  de 
L'or  et  des  diamants,  des  cristaux  de  roche  à  l'infini,  des  mon- 
tagnes et  des  plateaux  superbes  de  1.000  à  3.000  mètres  d'alti- 
tude, couverts  de  bois  et  forets  peuplés  des  plus  riches  arbres  du 
monde. 

Quel  que  soit  le  pays  qu'on  mette  en  comparaison  avec  le 
Brésil.  —  la  Chine  et  l'Inde  elle-même,  —  ils  restent  plats  et  secs, 
stériles  et  arides,  en  face  du  merveilleux  continent  aux  monta- 
gnes toujours  vertes,  de  toute  forme  et  de  toute  grandeur,  aux 
forêts  de  palmiers,  de  cèdres,  d'araucarias  et  des  plus  admirables 
espèces  du  règne  végétal.  Au  milieu  de  l'Araguaya,  il  y  a  une  île,  Ilha 
de  Santa  Anna  ou  Ilha  do  Bananal (parce  qu'on  y  voit  des  forêts  de 
Bananiers),  qui  est  comptée  au  nombre  des  plus  grandes  beautés  du 
Brésil  central.  Nous  avons  proposé,  en  187G,  la  création  de  Parcs 
nationaux  dans  cette  île  et  dans  sa  rivale  —  l'Ile  de  Guayra  —  dans 
le  fleuve  Paranâ,  afin  de  perpétuer  la  Flore  et  la  Faune  primitives 
du  Sertào  du  Brésil.  Cette  idée  a  été  déjà  réalisée  par  les  Yankees 
dans  la  fameuse  vallée  de  Yellow-Stone  et  des  Geysers  améri- 
cains. Si  l'on  veut  se  faire  une  idée  rapide  de  l'énorme  territoire 
de  la  province  de  Matto-Grosso,  il  faut  s'imaginer  deux  immenses 
plans  inclinés:  l'un  jetant  ses  eaux  dans  les  affluents  de  l'Amazone, 
l'autre  dans  la  Plata  par  l'entremise  des  fleuves  Paranâ  et  Para- 
guay. Entre  les  deux  plans  inclinés  il  existe  un  grand  plateau  qui, 
par  erreur,  est  figuré  comme  une  chaîne  de  montagnes  dans  les 
vieilles  cartes  géographiques. 

Dans  la  province  de  Goyaz  on  voit  des  zones  de  Terra  Boxa, 
formée  par  la  décomposition  de  diorites  et  de  diabases,  où  les 
caféyers  sont  grands  comme  des  orangers.  Dans  la  province  de 
Matto-Grosso  il  y  a  du  riz  natif;  la  canne  à  sucre  y  arrive  à  des 
diamètres  impossibles  pour  les  machines  à  vapeur. 

C'est  à  Matto-Grosso  qu'on  peut  admirer  les  forêts  de  bana- 


280  LE     BRÉSIL     EN     188  9. 

nier  brésilien  [Bananeira  da  terra,  Bananier  du  pays),  classifié 
Musa  sapientum,  sous  le  genre-type  des  Musacées.  Ces  bananiers 
sonl  hauts  comme  les  plus  beaux  palmiers  el  rivalisent  avec  eux 
en  élégance  el  en  majesté.  Leurs  fruits  sont  réunis  eu  ('normes 
grappes,  nommée"?  Cachos  de  banana,  d'un  mètre  de  hauteur. 
Chaque  fruit,  long  de  20  à  30  centimètres,  fournit  une  masse 
jaune  or,  riche  en  sucre  et  en  amidon  et  très  nutritive.  On  les 
mange  d'une  infinité  de  manières  ;  on  les  exporte  sèches  au  soleil, 
préparés  comme  les  ligues  d'Espagne.  On  comprend  bien  que 
dans  les  deux  millions  de  kilomètres  carrés  de  la  Zone  centrale 
—  Goyaz,  Matto-Grosso  —  on  doit  trouver  tous  les  terrains  possi- 
bles et  imaginables,  argileux  et  calcaires,  produits  par  la  décom- 
position de  gneiss,  de  granits,  de  diorites,  de  diabases,  de  serpen- 
tines, etc.,  etc.  A  Gorumba  il  existe  une  exploitation  de  calcaires 
très  importante,  qui  exporte  la  pierre  de  taille  et  la  chaux  p  >ur 
les  villes  de  la  Plata,  jusqu'à  Buenos-Ayres  et  .Montevideo.  Les 
grottes  calcaires  à  stalactites  et  stalagmites,  les  Lapas,  comme 
on  dit  au  centre  du  Brésil,  sont  toujours  mentionnées  parmi  les 
beautés  naturelles  de  Matto-Grosso. 

Les  argiles  plastiques,  excellentes  pour  briques,  tuiles  et 
toute  espèce  de  poterie,  abondent  dans  la  Zone  centrale,  comme 
dans  tout  le  Brésil. 

Forêts  et  gibier.  —  Notre  antipathie  pour  la  chasse  ne  nous 
empêchera  pas  de  dire  qu'il  n'y  a  pas  de  forets  au  monde  compa- 
rables aux  forêts  de  Goyaz  et  Matto-Grosso  pour  la  beauté,  la 
richesse  et  la  variété  du  gibier  de  toute  espèce.  Si  l'on  veut  voir 
des  jaguars  superbes,  aux  grands  yeux  éblouissants  et  fascina- 
teurs,  à  la  belle  peau  tigrée,  aux  tons  d'ébène  et  d'or,  il  faut  aller 
au  Sertâo  du  Brésil,  dans  les  vallées  de  l'Araguaya  et  du  Tocan- 
tins.  Si  l'on  a  la  fantaisie  de  voir  des  troupeaux  de  cerfs,  élé- 
gants, légers  et  rapides,  non  pas  en  parc  fermé  comme  en  Europe, 
mais  en  champ  ouvert  et  infini,  il  faut  aller  aux  grands  plateaux 
entre  Goyaz  et  Matto-Grosso. 

Des  oiseaux  du  Brésil,  des  colibris  et  des  papillons,  tout  le 
monde  connaît  la  beauté  sans  pareil.  A  l'Exposition  de  Vienne, 
en  1873,  Jes  éventails  en  plumes  d'oiseaux  des  forêts  brésiliennes, 
furent  vendus  par  centaines,  et  ont  eu  un  succès  énorme  Mais 
c'est  en  foret  vierge  qu'on  doit  voir  ces  oiseaux  magnifiques,  aux 
couleurs  splendides,  grimpés  sur  les  palmiers,  sur  les  cèdres  et 
sur  les   jequitibâs,  mangeant  les   fruits   des   myrtacées,  vifs  el 


LES     ZONES     AGRICOLES.  281 

contents,  chantant  à  l'unisson,  formant  un  orchestre  infiniment 
supérieur  auï  énormes  orchestres  des  fameux  Festivals  de  Londres 
et  de  New-York.  Du  reste,  c'est  un  l'ail  biologique  bien  avéré  :  à 
nue  Flore  riche  correspond  Infailliblement  une  Faune  richissime. 

Toutes  ces  fleurs,  Ions  ces  fruits  sont  nécessairement  la  nourri- 
ture  d'une  infinité  d'insectes,  d'abeilles,  d'oiseaux  et  d'animaux 
de  toute  espèce. 

Tous  ces  grands  fleuves,  l'Araguaya  surtout,  sont  peuplés  de 
poissons  délicieux;  de  dourados,  de  surubys,  de  lucunarés,  de 
matrinchans,  de  pirahybas,  de  pirararas,  de  mundys,  jurupensens, 
etc.,  etc.  A  Matto-Grosso  il  abonde  même  une  espèce  de  saumon, 
nommé  pirapitanga  et  classifîé  salmo  pirapitanga. 

Nous  mentionnerons,  comme  curiosité  pour  les  amateurs  de 
la  (liasse,  une  liane  qui  fournît  de  l'eau  fraîche  et  sucrée,  nommée 
Cipé-do-Caçador,  liane  du  chasseur,  et  classifiée  dans  le  genre 
Cissus,  de  la  famille  des  Ampellldées  ou  Vinifères;  et  la  plante 
gigantesque,  nommée  Buxa-do-Cacadoi\  bourre  du  chasseur,  et 
classifiée  Momordica  operculuta,  dans  la  famille  des  cucurbitacées. 

Mais,  ayant  en  vue  surtout  les  immigrants,  nous  devons 
leur  dire  que  la  chasse  au  Brésil  est  une  espèce  de  Circé  aux 
séductions  très  dangereuses.  Ainsi  on  raconte  qu'une  bande 
d'immigrants,  arrivée  à  Paranâ,  s'est  mise  à  chasser  des  perdreaux 
dans  les  champs  de  Curitiba,  pendant  des  mois  et  des  mois,  sans 
jamais  finir,  et  qu'il  ne  fut  jamais  possible  de  les  établir  sur  leurs 
lots  de  terre.  Aussi,  pour  la  chasse  et  pour  le  gibier,  faut-il  répéter 
aux  immigrants  le  conseil  de  Dante  :  Non  raggionar  di  lor,  ma 
guarda  e  passa. 

Or  et  Diamants.  —  Le  savant  Eschwege  a  écrit  dans  le  Pluto 
Brasiliensis:  «  De  tout  le  Brésil,  c'est  la  province  de  Goyaz  une  des 
plus  riches  en  mines  d'or.  Ses  montagnes  n'ont  pas  encore  été 
fouillées  ;  tout  au  plus  dans  certains  endroits  en  a-t-on  gratté  les 
surfaces.  Le  jour  où  la  population  sera  plus  dense  et  les  Brési- 
liens plus  habiles  dans  l'exploitation  régulière  des  mines,  ils  en 
tireront  des  profits  qui  aujourd'hui  ne  seraient  possibles  qu'au 
prix  d'immenses  sacrifices.  »  Actuellement  nos  idées  sont  tout 
autres.  L'or  n'a  jamais  fait  le  bonheur  d'aucun  pays.  La  recherche 
de  l'or  et  des  diamants  pousse  au  jeu  et  à  la  débauche,  aux 
luttes  armées  et  aux  crimes.  L'or  a  son  ananké. 

Ce  qu'il  faut  à  l'immigrant,  c'est  la  propriété  d'un  joli  lot  de 
terre  saine  et  fertile,  bien  arrosée  d'eau   pure  et  bien  boisée  ; 


282  LE     BRÉSIL     EN     1889. 

c'esl  le  travail  régulierde  tous  Les  jours  ;  c'est  la  tranquillité  el 
la  paix  ;  c'est  la  vente  assurée  de  ses  produits  agricoles  et  indus- 
triels ;  c'esl  le  confort  chez  soi;  c'est  le  doux  bien-être  en 
famille,  entre  sa  femme  et  ses  enfants. 

Aussi  passerons-nous  sons  silence  les  histoires  de  ces  barbares 
chercheurs  d'or  qui  ont  traversé,  comme  an  horrible  cyclone,  les 
provinces  de  Goyaz  et  de  Matto-Grosso,  en  remuant  le  sol  et  en 
déplaçant  les  fleuves  ;  —  de  ces  Anhangueras,  de  ces  Hommes- 
Diables,  au  dire  des  aborigènes;  —  de  ces  Viradores-de-rio,  qui 
enlevaient  les  grands  fleuves  de  leurs  lits  pour  en  extraire  l'or 
et  les  diamants  ;  qui,  dans  quelques  jours,  amassaient  des  cen- 
taines de  kilogrammes  d'or,  et  qui  plus  tard  finissaient  tristement 
dans  la  misère  et  le  suicide.  Du  reste,  c'étaient  des  misérables, 
qui  n'ont  légué  à  l'humanité  que  l'horreur  de  leur  égoïsme  atroce, 
de  leur  cupidité  insatiable,  de  leurs  crimes  et  de  leurs  forfaits  à 
tout  jamais  abominables.... 

Fer.  —  Les  minerais  de  fer  de  Goyaz  et  de  Matto-Grosso  sont 
aussi  riches  que  ceux  de  Minas-Geraes.  Aux  temps  de  l'exploita- 
tion de  l'or,  on  travaillait  ce  fer  pour  en  faire  des  outils.  Tout  le 
travail  était  fait  au  charbon  de  bois.  Le  charbon  d'Angico 
(Piptadenia  sp.,  Pitkocolobium  gummiferum),  fameux  bois  de  la 
richissime  famille  des  Légumineuses,  était  le  préféré.  On  produi- 
sait, à  la  même  époque,  des  aciers  naturels,  des  aciers  de  forge,  et 
même  des  aciers-poules  ou  aciers  à  cémentation.  L'excellence 
des  minerais  et  du  charbon  produisait  des  armes  et  des  outils 
d'une  force  extraordinaire  ;  encore  aujourd'hui  on  les  préfère, 
dans  le  centre  du  Brésil,  au  Sertdo,  à  tout  ce  qu'on  reçoit 
d'Angleterre. 

L'immigration  européenne  fera  ressusciter,  à  Goyaz  et  à  Matto- 
Grosso,  l'industrie  du  fer,  et  certes  elle  y  fera  de  grands  progrès 
sous  l'impulsion  de  la  science  et  de  la  technologie  modernes. 

Bois  de  Construction,  de  Menuiserie  et  d'Ébénisterie.  — 
La  flore  brésilienne  a  déjà  22.000  espèces  classifiées  en  1.000 
genres  et  en  155  familles.  Nonobstant  on  peut  dire  que  la  flore  de 
la  zone  centrale  est  à  peine  connue.  Aucun  botaniste  n'a  jamais 
pénétré  dans  les  immenses  forets  arrosées  par  le  Madcira,  parle 
Tapajôs  et  par  le  Xingû.  Ces  22.000  espèces  sont  rigoureusement 
la  flore  du  littoral  du  Brésil  et  des  rives  de  ses  grands  fleuves. 
Freire  Allemâo,    le  grand    botaniste  brésilien,  l'homme   qui  a 


LES     ZONES     AGRICOLES.  283 

mieux  connu  la  flore  brésileDne,  nous  disait  toujours  qu'il  était 
tout  honteux  de  son  ignorance  quand  il  se  trouvait  en  face  de 
l'innombrable  forêl  brésilienne.  Charles  Darwin,  qui,  à  peine,  a 
pu  voir  Bahia  et  Rio-de-Janeiro,  a  écrit  : 

«  L'île  Maurice  est  en  somme  un  pays  fort  agréable,  mais 
qui  n'a  ni  les  charmes  de  Tahiti  ni  la  grandeur  du  Brésil.   » 

Ces!  vraiment  le  grandiose  qui  est  le  trait  caractéristique  du 
Brésil  en  tout  et  partout.  Territoire,  fleuves,  montagnes,  arbres, 
toul  y  est  énorme,  d'une  grandeur  vraiment  écrasante.  La  dernière 
phrase  de  Charles  Darwin  sur  le  Brésil  est  pleine  d'amour  et  de 
passion  : 

«  Pendant  ma  dernière  promenade,  je  tâchais  de  m'enivrer 
pour  ainsi  dire  de  toutes  ces  beautés;  j'essayais  de  fixer  dans 
mon  esprit  une  impression,  qui,  je  le  savais,  devait  un  jour 
s'effacer.  » 

George  Gardner  s'est  fait  un  devoir  de  prouver  que  les  forêts 
du  Brésil  sont  infiniment  plus  parfumées  que  les  fameuses  forets 
de  Ce  vlan. 

Achille  Richard  appelait  le  Brésil  :  LEden  du  naturaliste. 
On  sait  bien  que  Martius,  l'organisateur  de  la  Flora  brasiliensis,  a 
recommandé  à  ses  élèves  de  mettre  sur  son  tombeau  des  feuilles 
des  palmiers  du  Brésil  qu'il  avait  tant  étudié  et  tant  aimé. 

Dans  ces  22.000  espèces  classifîées  prédominent  les  grandioses 
légumineuses  brésiliennes,  où  se  trouvent  le  bois-brésil,  le  palis- 
sandre, le  vinhatico,  le  pau-ferro  (bois-fer),  les  Oleos,  et  dont  les 
troncs  ont  des  diamètres  d'un  à  deux  mètres  et  s'élèvent  à  20  et 
30  mètres  de  hauteur. 

Après  les  Légumineuses,  les  Rubiacées,  riches  en  matières  colo- 
rantes et  en  alcaloïdes  de  toute  espèce  ;  les  Myrtacées,  élégantes 
et  parfumées,  aux  troncs  d'ivoire,  aux  feuilles  brillantes,  aux 
fruits  délicieux  ;  les  Melastomacées,  qui  couvrent  les  forêts  de 
Rio  de  fleurs  violet-rouge,  grandes  comme  des  papillons  ;  les 
Synanihéracées  qu'on  rencontre  partout,  mais  qui  donnent  sur  la 
chaîne  maritime  (Serra-do-Mar)  la  fameuse  Plasia  brasiliensis  ou 
Stiflia  chrysantha  aux  belles  feuilles  vert  foncé,  avec  des  grands 
bouquets  de  fleurs  jaune  or.  En  orchidées  on  compte  déjà  le 
chiffre  énorme  de  1.600  espèces  ;  on  découvre  tous  les  jours  de 
nouveaux  palmiers,  ces  princes  du  règne  végétal,  —  Principes 
vegetabilàun,  —  comme  disait  l'immortel  Linné. 

.Mais  ce  qui  fait  le  charme  des  botanistes,  ce  sont  les  lianes, 
les  Cipôs,  comme  on  dit  au  Brésil,  qui  vont  de  branche  en  branche, 


284  LE     BRÉSIL     EN     18S9. 

d'arbre  en  arbre,  conduites  par  la  navette  mystérieuse  d'un  tisse- 
rand divin.  Ces  lianes  sont  des  bignoniacées,  qui  portent  la  croix 
do  Malle  à  la  section  transversale  de  La  tige,  et  se  chargent  de 
fleurs  jaunes  el  rouges  d'une  beauté  indescriptible,  ou  des  Sapin- 
s,  ou  des  Malpighiacées,  ou  des  Légumineuses,  ou  des  Ampelli- 
dacées  ou  des  Gnétacées,  etc.,  etc.  Il  y  a  même  une  aroïdée  qui  est 
une  liane:  le  Cipô-Imbé,  classifié  Pkilodendron-imbê...  ou  encore 
un  C issus  qui  fournit  de  l'eau  sucrée  à  boire  aux  chasseurs... 

A  tout  moment,  le  botaniste  s'arrête  et  dit:  Impossible  !  Une 
dicotyledonée  chargée  de  fleurs  monocotyledonées....  Une  fougère 
arborescente,  grande  comme  un  palmier,  portant  des  fleurs  dico- 
tyledonées....  Impossible  !... 

Tous  ces  miracles  sont  faits  tout  simplement  par  les  lianes  et 
par  les  épiphytes,  qui  grimpent  partout,  qui  s'introduisent  entre 
Les  brandies  et  entre  les  feuilles,  et  qui  s'épanouissent  en  fleurs, 
ou  se  chargent  de  fruits  dans  l'exubérance  d'une  flore  au-dessus 
de  toute  imagination. 

Après  des  années  d'étude,  on  commence  à  voir  clair  dans  ce 
cahot  ;  on  prend  des  jalons  pour  se  guider;  on  fait  connaissance 
avec  certains  arbres,  qui  sont  les  caractéristiques  de  la  llore  brési- 
lienne. D'abord,  on  se  passionne  pour  les  palmiers,  et  on  apprend 
à  les  distinguer  de  leurs  rivales,  les  fougères  arborescentes.  Il  y  a 
une  légumineuse —  le  Bacurubû,  classifié  Skisolobium  excelsum  — 
qui  a  en  mémo  temps  l'aspect  d'un  palmier  et  d'une  fougère  arbo- 
rescente, et  qui  joue  de  mauvais  tours  aux  botanistes  qui  débutent 
dans  la  forêt  brésilienne. 

Les  cèdres  brésiliens,  classifîés  Cedrela  fissilis,  Cedrela  brasi- 
liensis.  Cedrela  vellosiana,  Cedrela  Glasiovii,  etc,  dans  la  famille  des 
Méliacées,  parcourent  tout  le  Brésil,  depuis  l'Amazone  jusqu'à 
l'Uruguay. 

Ce  sont  des  arbres  superbes,  en  forme  d'énormes  bouquets, 
s'ils  sont  isoles  ;  hauts,  comme  des  sapins,  s'ils  vivent  en  forêt, 
quand  ils  sont  forcés  dans  le  struggle-for-life  à  dépasser  leurs 
rivaux  pour  avoir  le  grand  air  et  le  soleil  direct.  Les  troncs  des 
cèdres  vont  jusqu'à  trois  mètres  de  diamètre  et  à  30  mètres  de 
hauteur  :  un  seul  tronc  peut  fournir  un  canot  pour  20  personnes, 
Le  bois,  parfumé  et  satiné,  est  couleur  de  rose  sèche,  et  sert  pour 
toute  sorte  de  constructions,  pour  la  menuiserie  et  pour  l'ébé- 
nisterie. 

Le  JatobâoYX  ieJetahy  excède  même  les  limites  du  Brésil,  et  se 
voit  jusqu'aux    Antilles:    il  est    classifié  Hymena-Courbaril  ou 


LES     ZONES     AGRICOLES.  285 

Hymena  mirabilis,  dans  la  famille  des  légumineuses.  Le  Guarabû, 
connu  encore  sous  les  noms  d'Amarante,  de  Rôxinho,  est  un  bois 
violet -pourpre,  d'une  résistance  et  d'une  élasticité  extraordi- 
naires, employé  de  préférence  pour  les  trains  d'artillerie.  Il  appar- 
tient aux  légumineuses  brésiliennes  à  gros  troncs  ;  il  est  classifîé 
Peltogyne  guarabû,  Peltogyne  discolor,  Peltogyne  confertiflora.  Les 
Louros sont  des  arbres  de  tout  le  Brésil.  Ils  appartiennent  à  la 
famille  des  Borraginacées  qui,  en  Europe,  ne  possède  que  des 
herbes  et  des  végétaux  sans  tronc.  Il  y  a  une  grande  variété  de 
Louros,  classifîés:  Cordia  excelsa,  Cordia  o^coca///ie(Louro-branco, 
Pau  branco  de  Cearâ),  Cordia  alliadora  (Louro-amarello)  ;  Cordia 
frondosa  (Frei-Jorge)  etc.,  etc. 

La  belle  famille  des  Lauracées  produit  l'infinie  variété  des 
Canne  lias,  arbres  qu'on  rencontre  dans  toutes  les  forets  du 
Brésil,  depuis  la  vallée  de  l'Amazone  jusqu'à  la  vallée  de  l'Uru- 
guay. Les  Ganellas  appartiennent  presque  toujours  au  genre 
Nectandra;  la  plus  célèbre  est  la  Canella-prêta  [Nectandra  amara), 
qui  est  employée  avec  la  Peroba  dans  toute  espèce  de  construc- 
tions sur  terre  et  sur  mer. 

Les  forêts  de  la  Zone  Centrale  touchent  aux  forets  de  tout 
le  Brésil  depuis  l'Amazone  jusqu'au  Paranâ:  aussi  ses  bois  sont-ils 
les  mêmes  que  ceux  que  nous  avons  déjà  mentionnés.  Mais  les  bois 
de  la  Zone  Centrale,  les  bois  du  Sertâo,  comme  on  dit  au  Brésil,  se 
distinguent  par  leur  parfum  et  par  leur  résistance  vraiment 
extraordinaires.  Il  y  a  même  des  essences  de  bois  qi^on  ne  ren- 
contre, dans  toute  leur  beauté,  qu'à  Goyaz  et  à  Matto-Grosso. 
Nous  devons,  pourtant,  augmenter  la  liste  des  bois,  déjà  cites, 
des  suivants  : 

Aroeira  do  Sertao,  Aroeira,  Aroeira  vermelha  (rouge)  ;  Uran- 
dey  au  Paraguay;  arundeûva  dans  la  province  de  Baliia,  classifîée 
dans  la  famille  des  Térébinthacées;  schinus  terebentifolius,  astro- 
nium  urundeûva,  schinus  aroeira.  C'est  un  bois  d'une  force  et 
d'une  résistance  admirables.  Les  paysans  du  Centre  du  Brésil 
disent  que  personne  ri  a  jamais  vu  un  bois  iï  aroeira  pourri. 

V Aroeira  est  vraiment  incorruptible.  On  dirait  que  la  nature 
l'a  i •  réosotée  par  la  térébenthine,  qui  remplit  les  fibres  et  les  vases 
de  son  tissu  ligneux.  Il  faut  des  haches  et  des  scies  du  meilleur 
acier  pour  débiter  P  aroeira. 

Gonçalo-Alves,  classifîé  astronium  fraxinifolium,  astronium 
gravcolens,  dans  la  même  famille  des  térébinthacées  ;  bois  précieux 
que  nous  avons   déjà   décrit   dans  la  province  de  Bahia,  et  qui 


286  LE     BRÉSIL     i.N     1880. 

excelle  dans  Les  forêts  de  Goyaz  el  de  Matto-Grosso  par  sa  liaute 
taille,  par  Le  beau  moiré  de  son  bois  et  par  son  extraordinaire 
résistance  : 

Balsamo,  Oleo-Bn/sam»  Olno-vcniicllio  (rouge),  Cafnrnrn,  l>m'i- 
Santo  (Bois-Saint)  ;  une  des  superbes  Légumineuses  brésiliennes, 
classifiée  myrospermum  erythroxylum  par  Freire  Allemâo;  myroxy* 
Ion  peruiferum  (baume  du  Pérou).  C'est  vraiment  un  bois 
merveilleux.  Il  distille  une  résine,  la  cabuerieica,  d'un  parfum  dé- 
licieux. C'est  un  produit  hors  ligne  à  recommander  aux  parfu- 
meurs, à  Piver,  à  Lubin,  à  Atkinson,  à  Rimmel,  à  Pinaud,etc.,etc. 

Uoleo-vermelko  esl  employé  partout;  c'est  le  bois  préféré  pour 
turbines  et  roues  hydrauliques.  Dans  la  province  de  Goyaz  ob 
l'ait  d'oleo-vermelho  les  chars  à  bœufs,  qui  traversent  tout  le 
Sertâo  du  Brésil  et  viennent  jusqu'à  Rio.  .Nous  avons  essayé  le 
bois  d'un  de  ces  chars  patriarchaux ;  il  gardait  sa  belle  couleur 
rose  et  son  parfun  incomparable,  bien  plus  exquis  que  le  cèdre, 
le  sassafras,  le  sandale  et  la  cannelle. 

.Nous  nous  bornerons  à  ne  citer  plus  que  le  piqui,  clas- 
silié  caryocar  brasiliense,  caryocar  butyrosum^  dans  la  famille 
des  rhizobolacées,  dont  les  fruits  se  préparent  au  riz,  et  forment 
an  des  plats  favoris  du  Sertâo  du  Brésil.  Sur  la  résistance  des 
bois  du  Brésil,  on  pourra  consulter  l'ouvrage  d'André  llebouças  : 
Guia  para  os  Alumnos  de  Engenharia  cioil —  (Guide  pour  les  élèves 
du  Génie  civil),  —  et  surtout  l'ouvrage  de  l'ingénieur  brésilien 
Adolpho  José  Del  Yecchio,  qui  a  étudié  la  résistance  de  108  bois 
brésiliens. 

La  Société  anonyme  de  Travaux  Dyle  et  Bacalan  a  demandé 
des  essais  de  résistance  et  d'élasticité,  qui  ont  été  faits,  à  la 
machine  Kirkaldy,  au  banc  d'épreuves  de  l'État,  dans  l'Arsenal 
des  chemins  de  fer  belges. 

Les  conclusions  de  ces  essais  sont  la  consécration  de  la  supé- 
riorité universelle  des  bois  du  Brésil.  Le  rapport,  daté  de  Lou- 
vain  le  6  octobre  1882,  dit  en  conclusion  : 

«  Quant  aux  bois  du  Brésil,  il  faut  vraiment  les  mettre  hors 
de  pair;  les  résultats  ont  été  surprenants.  Si  on  a  pu  comparer 
le  chêne  et  Le  teak  à  du  fer  nerveux  et  à  de  l'acier  dur,  on  peut 
assimiler,  avec  beaucoup  de  raison,  Yoleo  au  bronze.  C'est  une 
observation  que  nous  avons  entendu  faire,  et  qui  nous  a  paru 
juste.  Voici  un  bois  qui  ne  se  rompt  que  sous  une  charge  de 
13  kil.  880  grammes  par  millimètre  carré;  ses  déformations  ne 
sont  réellement   presque  pas  apparentes,  et  vraiment  il  ne  cède 


LES     ZONES     AGRICOLES.  287 

que  devant  an  effort  tout  à  fait  supérieur.  Seulement  il  est  un 
peu  lourd,  et,  sous  ce  rapport,  on  peut  lui  préférer  le  peroba,  qui, 
proportionnellement  à  son  poids,  arrive  à  donner  une  forte 
tension  moléculaire.  » 

En  effet  le  Brésil  possède   des  bois-aciers  et  des  bois-bronzes  : 

Les  bois-bronzes,  soumis  aux  grands  efforts  des  machines 
d'essai  à  la  presse  hydraulique,  résistent  héroïquement,  sans 
se  déformer,  jusqu'au  moment  de  la  rupture. 

Les  bois-aciers,  au  contraire,  se  conduisent  comme  s'ils 
étaient  faits  de  lames  élastiques  ;  ils  se  courbent  dès  les  premiers 
efforts  et  suivent  toute  la  progression  des  forces  fléchissantes 
jusqu'à  la  rupture. 

Si,  par  exemple,  on  prend  une  lame  de  genipapo  (classifié 
genipa  brasiliensis,  famille  des  rubiacées)  on  en  peut  réunir  les 
deux  bouts  et  former  un  cercle,  exactement  comme  on  essayait 
autrefois  les  épées  des  aciers  célèbres  de  Damas,  de  Milan  et  de 
Tolède. 

Pendant  l'Exposition  il  sera  très  intéressant  de  faire  voir  la 
résistance  admirable  des  plus  fameux  bois  du  Brésil,  savoir  : 

De  l'Acapou  {andira  aubletii,  wacapoua  americana). 

De  l'Angico  (dicorenya  paraensis)  ; 

Des  Jacarandâs  ou  Pallissandres  {dalbergia,  machœrium ,  etc.). 

Des  Oleos  (myrospermum ; myroxylon). 

Des  Aroeiras  (astronium,  schinus). 

Des  Tapinhoans  (silvia  navalium). 

Des  Araribâs  (controlabium  robustum). 

Des  Araucarias  [araucaria  b?"asiliensis). 

Des  Ipès  (Tecomas,  bignoniacées). 

Des  Perobas  (aspidosperma),  etc.,  etc. 

Agriculture.  —  Comme  la  Californie,  les  provinces  aurifères 
de  Goyaz  et  de  Matto-Grosso  ont  un  avenir  assuré  par  l'agricul- 
ture et  par  l'industrie.  Nulle  part,  même  au  Brésil,  on  ne  trouve 
des  terrains  plus  fertiles  pour  le  caoutchouc,  pour  le  cacao,  pour 
la  vanille,  pour  le  café,  pour  le  tabac,  pour  le  sucre  et  pour  tous 
les  produits  tropicaux. 

La  province  de  Matto-Grosso  a  des  forêts  de  caoutchouc,  de 
siphonia  elastica  ou  Hevea  Guianensis,  de  Hevea  Brasiliensis,  de 
Hevea  discolor,  etc.,  aussi  belles  que  celles  des  provinces  de  Para 
et   de  l'Amazone.  La  vanille  ^de  Matto-Grosso  produit  de  belles 


288  LE     BRÉSIL     EN     1889. 

gousses  «l'un  parfum  délicieux,  chargées  de  cristaux  d'acide 
benzoïque. 

Le  cacao,  dans  les  terres  chaudes  de  Goyaz  et  Matto-Grosso, 
donne  le  même  rendement  qu'à  Paré  et  à  Maragnon. 

Les  caféyers  sont  grands  comme  des  orangers,  et  ils  trouvent 
à  Goyaz  et  à  Matto-Grosso  la  fameuse  Terra  Rôxa,  si  recherchée 
par  les  agriculteurs  de  la  province  de  San-Paulo. 

Le  tabac  de  Goyaz  est  peut-être  le  meilleur  du  Brésil. 

La  canne  à  sucre,  dans  les  vallées  de  Matto-Grosso,  arrive  à 
des  proportions  gigantesques.  Si  Ton  remonte  aux  plateaux  de 
Goyaz,  aux  Pyreneos,  à  la  Serra  Dourada^  chaîne  des  montagnes 
dorées  (car  leur  talc  et  leur  mica  brillent  au  soleil  comme  de  l'or) 
à  la  Serra  de  Santa-Martha,  à  la  Cordilheira  Grande,  etc.,  etc.,  on 
se  trouve  à  des  altitudes  de  1.000,  2.000  et  presque  3.000  mètres, 
climats  délicieux,  où  on  cultive  la  vigne,  le  blé,  toutes  les  céréales 
et  tous  les  fruits  de  France  et  d'Italie. 

C'est  cette  superposition  de  climats  qui  fait  du  Brésil  le  pays 
le  plus  propre  pour  l'immigration.  La  nature  y  a  préparé  de 
vrais  jardins  d'acclimatation  pour  les  races  d'Europe.  Les  immi- 
grants peuvent  commencer  par  les  climats  de  la  Méditerranée, 
et  descendre,  peu  à  peu,  jusqu'à  arriver  aux  terrains  prodigieux, 
qui  rapportent  le  caoutchouc,  le  cacao  et  la  vanille. 

Viticulture.  —  La  culture  de  la  vigne  et  la  production  du  vin 
sont  très  anciennes  dans  la  province  de  Goyaz.  L'illustre  savant 
Saint-Hilaire  a  fait  dès  1819  l'éloge  des  vins  de  Goyaz  par  leur 
excellent  goût  et  par  leur  fin  bouquet.  On  les  envoyait  en  cadeau 
aux  rois  de  Portugal  dans  les  temps  coloniaux.  La  vigne  donne 
deux  récoltes  à  Goyaz,  si  elle  est  taillée  après  la  première  ré- 
colte, au  mois  de  février.  On  y  distingue  le  raisin  de  la  saison 
sèche,  mai  à  octobre  (Uoa-da-Sêcca),  et  le  raisin  de  la  saison  des 
pluies,  novembre  à  avril  (Uvadas  aguas).  C'est  le  premier  qui 
donne  les  meilleurs  vins  ;  l'autre  est  réservé  pour  la  préparation 
du  vinaigre.  Dans  les  forêts  de  Goyaz  et  de  Matto-Grosso  on 
trouve  plusieurs  espèces  de  raisins  sauvages.  Le  raisin  appar- 
tient au  genre  vitis,  de  la  famille  des  ampeliidacées  ou  vinifères  ; 
près  de  ci>  genre  se  trouve  le  genre  cissus,  que  nous  avons  déjà 
mentionné  à  propos  du  cipô-do-caçador  ou  liane  du  chasseur. 
Le  cissus  discnlnr  et  le  (issus  antarcticus,  si  connus  des  bio- 
logistes par  les  expériences  de  CHARLES  Darwin  sur  la  sensibilité 
de   leurs   vrilles,    ne   sont  que  des  espèces  célèbres  de  ce  y;v\\vc 


LES     ZONES     AGRICOLES.  289 

botanique.  Le  docteur  Sace  a  porté  dos  ceps  des  vignes  natives 
des  forêts  de  .Matto-Grosso  pour  des  essais  à  Paris;  ces  vignes 
sont  des  vitis  ou  des  cissus  suivant  les  botanistes.  Du  reste,  révo- 
lution et  le  transformisme  ont  fait  justice  à  ces  infinies  questions 
taxonomiques.  Il  vaut  mieux  citer  encore  un  Indigo-Liane  (Anil- 
trepadôr))  c'est-à-dire  une  belle  liane  qui  produit  l'indigo,  et 
qui  a  été  classifîée  cissus  tinctoria. 

On  voil  donc  que  botanistes  et  les  viticulteurs  ont  énormément 
à  faire  dans  les  provinces  de  Goyaz  et  de  Matto-Grosso. 

Tabac.  —  Le  tabac  a  ses  crus  au  Brésil  comme  le  vin  en 
France.  Tous  les  amateurs  connaissent  les  tabacs  de  Borba,  dans  la 
vallée  de  l'Amazone,  qui  est  encore  préparé  à  la  mode  des  abo- 
rigènes; les  tabacs  de  la  province  de  Bahia,  de  Gachoeira  et  de 
San-Félix,  en  première  ligne  ;  les  tabacs  de  la  province  de  Minas, 
du  Rio-Novo,  du  Pomba,  de  Barbacena,  du  Sapucahy,  du  Rio- 
Verde,  du  Piumhy  etc.;  mais  ils  disent  qu'aucun  tabac  au  Brésil 
n'est  supérieur  au  tabac  de  Goyaz.  La  culture  du  tabac  est  excel- 
lente pour  les  immigrants-propriétaires.  La  famille  de  Timmi- 
grant  peut  fabriquer  immédiatement  des  cigares  etdes  cigarettes, 
et  en  tirer  un  magnifique  revenu.  Le  tabac,  ainsi  préparé,  obtient 
des  prix  si  élevés  qu'on  l'exporte  de  Goyaz,  malgré  les  distances 
énormes,  jusqu'à  Rio-de-Janeiro. 

Bétail.  —  Les  prairies  et  les  pâturages  de  Goyaz  et  de  Matto- 
Grosso  sont  parmi  les  plus  beaux  et  les  plus  productifs  du  Brésil. 
Malgré  la  distance,  une  Compagnie  anglaise  a  préféré  les  pâtura- 
ges de  Matto-Grosso  pour  y  fonder  un  grand  établissement  pour 
la  préparation  de  viandes,  de  langues  salées  et  fumées,  et  de 
l'Extrait  dans  le  genre  de  Liébig. 

La  Compagnie  américaine  The  Para  Transportation  and 
Trading  Company  va  faire  naviguer  sur  les  Tocantins  et  sur 
L'Araguaya  des  bateaux  à  vapeur,  construits  exprès  pour  trans- 
porter le  bétail  sur  les  marchés  de  Para  et  de  la  province  de 
LAmazone,  car  la  province  de  Goyaz  est  pour  le  Brésil  Central  ce 
que  le  Périgord  est  pour  la  France.  N'oublions  pas  qu'à  Goyaz 
on  excelle  dans  le  tannage  de  peaux  de  bœufs,  de  jaguars,  de 
cerfs,  etc.,  et  que  cette  industrie  est  favorisée  par  l'abondance 
de  matières  tannantes,  dans  les  familles  des  Légumineuses,  des 
Rubiacées,  des  Apocgnacées,  etc.,  de  l'inépuisable  flore  brésilienne. 

19 


290  LE     BRÉSIL     EN     18 

Apiculture.  —  Les  forêts  de  Goyaz,  de    Matto-Grosso  et  de 
toul  le  Brésil  abondent  en   abeilles   de    toute   '--pèce  et  d'une 
grande  variété.  Les  voyageurs  aiment  surtout    la  Mandury   el  la 
Jatany,  dont  le  miel  garde  le  parfum  des  fleurs  des  orang 
des  myrtacées  qui  leur  onl  donné  pâture. 

Les  abeilles  d'Europe  sont  acclimatées  très  facilement  et 
rapportenl  extraordinairement.  Nous  recommandons  de  tout 
cœur  l'apiculture  aux  immigrants.  Aux  Etats-Unis  cette  industrie 
se  chiffre  par  des  millions.  Du  reste,  on  sait  bien  que  Les  abeilles 
fonl  augmenter  toutes  les  récoltes,  en  transportant  le  pollen  de 
plaide  en  plaide  c'est-à-dire,  en  faisantla  fécondation  entrecroiséet 
comme  on  dit  en  biologie. 

Voies  de  communication.  —  Pour  arriver  à  comprendre 
L'admirable  réseau  de  voies  de  communication  que  la  nature  a 
préparé  dans  la  zone  centrale  du  Brésil ,  il  faut  prendre  la  carte 
de  l'Amérique  du  Sud  et  étudier  attentivement  son  système  hy- 
drographique : 

D'abord,  il  n'y  a  nulle  part,  pas  même  dans  l'Amérique  du  Nord, 
des  Ûeuves  comme  l'Amazone  et  le  Paranâ-Plata.  Le  Mississipi-Mis- 
souri  est  très  inférieur  à  l'Amazone;  le  Saint-Laurent,  même 
avec  ses  beaux  lacs,  ne  vaut  pas  la  Plata,  enrichie  par  l'Uruguay, 
parle  Paranâ  et  par  le  Paraguay.  Les  grands  affluents  de  l'im- 
mense Amazone  convergent  vers  l'île  de  Marajô,  comme  les  grandes 
lignes  des  chemins  de  fer  français  vers  Paris.  Cette  merveilleuse 
orientation  hydrographique  se  répète,  sur  une  échelle  réduite, 
dans  la  province  de  Maragnon,  ;  ses  beaux  fleuves,  navigables  à 
vapeur,  convergent  vers  l'île  de  Saint-Louis,  où  se  trouve  la 
capitale  de  la  province. 

Nulle  part  au  monde  on  ne  peut  voir  des  fleuves  qui  sem- 
blenl  avoir  été  tracés,  comme  les  chemins  de  fer  de  France,  par 
un  corps  de  ponts  et  chaussées,  sur  un  programme  de  centrali- 
sation économique,  financière  et  administrative  parfaitement 
médité. 

Dans  le  bassin  de  l'Amazone  on  parcourt  : 

Kilomètres 

i"  De  Belem  à  Manâos 1.720 

2°  De  Manâos  à  Iquitos  (Fleuve  Solimôcs) 2.260 

3°  De  Manâos  à  Santa  Isabel  (Rio-Negro,  Rivière  Noire)  780 

i°  De  Manâos  à  Hyutanahan  (Rivière  Purûs) 1 .800 

.1   reporter 6.560 


LES     ZONES     AGRICOLES.  291 

Report 6.  560 

5°  De  Manâos  a  Sainto  Antonio  ^Kio  Madeira) 780 

6°  D«>  Belôm  à  Bayâo  (Rio  Tocantins) •- 260 

T'1  De  Leopoldina  à  Santa-Maria  (Tocantins-Àraguaya)  950 

Somme 8.550 


L'énorme  chiffre  de  8.550  kilomètres  !!. . 

11  faut  bien  remarquer  que,  dans  ce  résumé,  on  ne  compte 
pas  la  na\  igation  : 

1°  Du  Guaporé,  affluent  du  Madeira,  qui  pénètre  jusqu'au 
cœur  de  Matto-Grosso,  navigables  tous  deux  sur  4.334  kilomè- 

2°  Du  Tapajôs  et  de  ses  affluents  ; 

3e  Du  Xingù,  dont  les  sources  se  trouvent  tout  près  de 
Cuyabâ,  capitale  de  Matto-Grosso  ; 

4°  Des  affluents  de  FAraguaya,  comme  le  Rio  das  Mortes, 
qui  débouche  en  face  de  l'île  du  Bananal,  et  qui  peut  être  navigué 
par  des  bateaux  à  vapeur  d'un  mètre  de  tirant  d'eau. 

Il  faut  encore  prendre  note  que  les  fleuves  du  Brésil  ont  des 
s  doubles  et  triples  de  navigation  à  cause  de  la  quantité  énorme 
d'iles,  de  furos  (canaux  entre  les  îles),  d'igarapés  (culs-de-sac)  qui 
en  font  un  vrai  canevas  hydrographique.  Ainsi,  dans  la  vallée 
de  l'Amazone,  avec  un  Stem  Wheel  Steamer,  un  bateau  à  vapeur 
d'une  seule  roue  à  l'arrière,  on  peut  aller  partout,  on  peut  faire 
des  visites,  comme  avec  un  cab  à  Londres  ou  un  coupé  à  Paris. 

On  vient  d'organiser,  à  New-York,  une  Compagnie,  The  Para 
Transportation  and  Trading  Company,  au  capital  de  dix  millions 
de  dollars  pour  naviguer  le  système  fluvial  Tocantins-Araguaya- 
Vermelho  jusqu'à  la  capitale  de  la  province  de  Goyaz. 

Cette  Compagnie  est  en  connexion  avec  la  The  Goyaz  Mining 
Company,  qui  a  acheté  les  fameuses  mines  d'or  des  fleuves 
Maranhâo  et  Cayapô  en  amont  de  la  ville  de  Goyaz.  Ces  deux 
Compagnies  se  sont  chargées  aussi  de  l'immigration  sur  les  rives 
admirablement  fertiles  du  Tocantins  et  de  l'Araguaya. 

Vm  singularité  du  système  hydrographique  brésilien,  qu'on 
doit  bien  étudier,  c'est  que  tous  les  affluents  de  ses  grands  fleuves 
s'entrecroisent,  de  manière  qu'il  sera  facile  dépasser  d'un  bassin  à 
l'autre  par  des  plans  inclinés  à  l'américaine,  par  des  canaux  à 
point  de  partage,  et  même,  quelquefois,  par  des  canaux  sans 
écluses  dans  les  grandes  vallées. 


292  LE     BRÉSIL     EN     1889. 

Nous-même,  nous  avons  étudié,  de  1883  à  1884,  une  de  ces 
extraordinaires  Lignes  de  faîte,  qui  se  trouve  tout  près  de  la  ville 
de  Oliveira,  entre  les  eaux  des  derniers  affluents  des  grands 
fleuves  Parané  et  San-Franciseo. 

Au  centre  du  Brésil,  au  Seftâo,  on  appelle  ces  lignes  de  faîte  : 
Varadouros,  parce  que  on  peut  passer  un  canot  d'un  fleuve  à 
l'autre  sans  rompre  le  chargement. 

A  Mat to-Grosso,  le  plus  célèbre  des  Vm-adouros  est  celui  du 
Alegre,  découvert  en  1733,  long  de  H  à  12  kilomètres,  par 
l'entremise  duquel  on  projeté,  depuis  le  ministère  du  Marquis  DE 
Pombal,  de  relier  les  eaux,  de  la  Plata  aux  eaux  de  l'Amazone. 

En  exécutant  ce  projet  on  fera  du  Brésil  une  immense  île,  et 
un  bateau  à  vapeur  pourra  aller  de  Para  à  Buenos-Ayres,  en  navi- 
guant toujours  sur  des  fleuves,  des  rivières  et  des  canaux. 

Le  Varadouro  de  Camapuan,  entre  les  provinces  de  Goyaz 
et  de  Matto-Grosso,  a  une  étendue  de  18  à  20  kilomètres.  Il  va 
du  Sangpesuga,  affluent  du  Rio-Pardo  et  du  Paranâ,  au  rio 
Camapuan,  affluent  du  Coxim  et  du  Paraguay. 

La  ligne  de  la  Plata  à  Cuyabâ  se  divise  en  deux  sections  : 

1°  Montevideo    à    Corumbâ.     .     3.100  kilomètres. 
2°  Corumbâ  à  Cuyabâ.     ...         800  — 


Somme 3.900  kilomètres. 

Extraordinaire  ligne  de  navigation  de  3.900  kilomètres  de 
longueur,  sans  compter  la  ligne  du  Paranâ,  depuis  le  confluent 
du  Paraguay  jusqu'à  la  cataracte  du  Guayra  ou  des  Sete-Quédas!... 
Le  système  hydrographique  du  Haut-Paranâ  est  une  des  mer- 
veilles du  Brésil  central. 

On  a  déjà  étudié  les  lignes  suivantes  : 


1°  Paranapanema  à  Juru-mirim.  . 
2°  Paranapanema  à  Salto-Grandc  . 
3°  Paranapanema  au  Tibagv-  •  • 
4°  Paranapanema  au  Paranâ. 
5°  Paranâ,  Ivinheima  et  Brilhante. 
6°  Mogy-Guassû  (Porto-Ferreira 
Pontal) 

Somme.     .     .     . 


200  kilomètres. 
120         — 
110         — 
192 
528 

205 


1.353  kilomètres. 


LES     ZONES     AGRICOLES.  293 

Il  faut  encore  additionner  la  navigation  du  Tiéte,  du  Tibagy, 
du  Piracicaba,  du  lvahy,du  Piquiry,  du  Iguassû,  et  d'une  infinité 
d'affluents  des  deux  rives  de  l'immense  Paranâ,  qui,  sous  le  nom 
de  Rio-Grande,  pénètre  jusqu'au  cœur  de  la  province  de  Minas, 
et  entrecroise  ses  affluents  avec  le  San-Francisco,  la  Méditerranée 
Brésilienne,  qui,  lui-même,  rivalise  en  affluents  navigables  à 
vapeur,  avec  les  plus  beaux  fleuves  du  Brésil. 

Nouveaux  ports  de  commerce.  —  La  côte  maritime  du  Brésil 
a  7.920  kilomètres  d'extension.  Aucun  pays  ne  possède  une  aussi 
Longue  et  une  aussi  belle  façade  sur  l'Océan  Atlantique. 

L'Océan  brésilien  est  le  vrai  Océan  Pacifique  et  Tranquille. 
Les  tempêtes  et  les  naufrages  y  sont  très  rares.  Ni  fogs,  ni 
brumes,  ni  icebergs,  ni  glaciers  flottants.  Les  ports  du  Brésil 
sont  ouverts  et  francs  pendant  toute  l'année  ;  la  plupart,  à  toute 
marée,  à  toute  heure  du  jour  et  de  nuit. 

Tout  le  monde  sait  que  le  port  de  Rio  est  le  chef-d'œuvre  de 
la  nature  en  fait  de  ports  de  mer.  Décrire  la  baie  de  Rio,  c'est 
faire  un  cours  complet  de  ports  de  mer.  Rade  foraine,  rade  in- 
terne, avant-port,  arrière-port,  tout,  absolument  tout,  y  a  été 
fait  par  la  nature  avec  une  majesté,  une  grandeur  et  une  beauté 
sans  pareilles. 

Les  ports  de  Bahia,  de  Santos,  de  Paranaguâ  et  de  Antonina, 
de  San-Francisco,  sont  à  peine  inférieurs  au  merveilleux  port 
de  Rio. 

Depuis  Cabo-Frio  jusqu'à  Santa-Catharina  il  y  a  une  infinité 
de  rades,  de  baies,  de  canaux  maritimes  abrités,  qui  sont  aussi 
admirables  par  leur  pittoresque  et  par  leur  beauté  que  par  leurs 
avantages  économiques  et  techniques. 

Actuellement  on  compte  42  ports  de  mer  sur  la  côte  du 
Brésil. 

Mais  nous  travaillons  pour  doubler  et  pour  décupler  même 
ce  chiffre. 

Les  ports  du  Brésil  sont  vraiment  les  ports  de  toute  l'Amé- 
rique du  Sud,  depuis  les  Andes  jusqu'à  l'Océan.  La  plupart  des 
territoires  des  Républiques  de  Venezuela,  de  Colombie,  de  l'Equa- 
teur, du  Pérou  et  de  Bolivie  exporteront  et  importeront  les  produits 
d'Europe  et  des  Etats-Unis  par  les  ports  de  l'Amazone,  qui  est 
vraiment  une  prolongation  de  l'Atlantique. 

Nous  aurons  des  chemins  de  fer  interocéaniques,  allant  de 
l'Atlantique   au   Pacifique.    Le   beau  port  de  Bahia  sera  relié  à 


LE     BRÉSIL     EN     18  89. 

Cailâo,  le  premier  porl  du  Pérou;  le  superbe  port  de  Rio  Bera 
relié  à  Cobija,  le  seul  port  de  Bolivie,  et  aux  ports  du  oord  du 
Chili.  Il  faut  marcher  directement  de  Test  à  l'ouest,  des  ports  de 
Bahia  vers  le  Sàn-Francisco  ;  des  ports  de  San-Paulo  vers  le 
Paranâ  :  des  poils  de  Santa-Catharina  et  du  Rio-Grande  vers 
l'Uruguay. 

Quand  la  locomotive  sera  arrivée  à  ces  grands  fleuves,  le 
problème  des  communications  de  la  zone  centrale  du  Brésil  sera 
complètement  résolu.  Alors  il  faudra  marcher  vers  les  Andes, 
pour  se  mettre  en  communication  avec  les  voies  ferrées,  qui  seront 
déjà  sur  les  hauts  plateaux  du  Pérou,  de  la  Bolivie  et  du  Chili. 

Dans  ce  bel  avenir,  on  aura  perdu  même  la  mémoire  du 
barbare  esclavagisme.  On  fera  le  commerce  avec  l'Afrique,  qui 
nous  peste  en  face  ;  nos  arrière- neveux  iront  au  continent  de  l'or, 
Ses  diamants  et  de  l'ivoire  payer  La  dette  de  gratitude  du  Brésil 
à  la  race  qui  a  travaille,  pendant  trois  siècles,  pour  la  richesse 
et  la  prospérité  de  leurs  ancêtres.  Pour  accélérer  ce  glorieux 
avenir  nous  demandions,  dès  1804,  la  création  de  nouveaux  ports 
de  commerce  sur  la  cote  du  Brésil,  et  des  ports  francs  sur  les 
affluents  de  PAmazone  et  sur  les  rives  brésiliennes  de  l'Uru- 
guay et  du  Paraguay.  On  sait  bien  que  tous  les  grands  ports  de 
commerce  d'Europe  ont  été  des  ports  francs  :  Liverpool,  Ham- 
bourg, Marseille,  Livourne,  Trieste,  etc.,  etc.,  et  que  Michel 
Chevalier  conseillait  incessamment  des  ports  francs  pour  civiliser 
et  enrichir  l'Algérie. 

Immigration.  —  L'immense  zone  centrale  du  Brésil  sera 
peuplée  :  directement  par  les  affluents  de  l'Amazone  et  par  les 
affluents  du  Paranâ  et  du  Paraguay  brésilien  ;  indirectement  par 
le  surplus  de  l'immigration  des  provinces  de  Minas,  de  San-Paulo 
et  de  Paranâ.  Il  y  a  souvent  parmi  les  immigrants  des  gens  qui 
ont  la  passion  du  Far-West,  qui  veulent  toujours  marcher  vers 
l'occident,  qui  sont  avides  de  voir  les  fameuses  forets  et  les 
belles  prairies  du  Sertâo  du  Brésil.  Même  à  présent,  on  rencontre 
des  Allemands,  des  Italiens,  des  Français,  des  Belges,  voire  même 
des  Danois  et  des  Suédois,  dans  les  derniers  villages  et  sur  les 
routes  de  Goyaz  et  de  Mal  to-Grosso.  L'immigration  commencera, 
à  Matto-Grosso,  par  les  beaux  plateaux  de  Maracajû  et  par  la 
vallée  de  TAquidauana,  si  poétiquement  décrits  par  Tauxay  ;  à 
Goyaz,  par  les  plateaux  des  Pyreneos,  des  montagnes  de  Santa- 
Martha,  du    Estrondo,  de   Tabatinga,  etc.,  etc.,  et  par  les  belles 


LES     ZONES     AGRICOLES.  295 

collines,  qui  bordenl  V  iraguayaetle  Tocantins.  Il  faudra  toujours 
utiliser    los   Qeuves   el    l<is   rivières   navigables,   les    routes    qui 

marchent,  selon  le  mol  de  Pascal;  il  faudra  construire  des 
plank-roads  et  des  tramways,  en  attendant  les  chemins  de  fer  et 
1rs  locomotives. 

C'est  à  Goyaz,  c'est  à  .Matto-Grosso,  qu'on  devra  incessamment 
réaliser  les  nouveaux  principes  de  Centralisation  agricole  et 
dte  Centralisation  industrielle.  Le  café,  le  tabac,  le  cacao,  le 
sucre,  etc.,  etc.,  devront  être  toujours  exportés  tout  préparés 
pour  la  vente  en  détail  et  pour  la  consommation  immédiate. 
Ainsi  les  immigrants  de  Goyaz  et  de  Matto-Grosso  obtiendront 
des  revenus  aussi  forts  que  s'ils  étaient  établis  dans  les  provinces 
maritimes  du  Brésil.  Les  fabriques  de  fer,  de  coton,  de  cuirs,  etc., 
jouiront  des  meilleures  conditions  pour  la  production  et  pour  la 
consommation. 

A  présent,  nos  chemins  de  fer  marchent  bravement  vers  le 
Far-West  du  Brésil.  Nous  ferons  grandement  et  rapidement 
comme  aux  Etats-Unis.  Rien  n'est  impossible  à  un  pays  qui 
reçoit  une  armée  de  150.000  immigrants  tous  les  ans.  Le  capital 
suit  l'homme  et  l'homme  suit  le  capital.  Hommes  et  capitaux 
chercheront  à  l'envi  le  pays  fertile  et  tranquille,  le  pays  préparé 
pour  tous  les  progrès.  On  demande  souvent  à  ceux  qui  font 
la  propagande  en  faveur  de  l'immigration  : 

—  Est-ce  que  vous  ne  craignez  pas  que  votre  pays  devienne 
allemand  ou  italien?  —  Pas  du  tout...  Pas  le  moins  du  monde...  Il 
faut  méconnaître  la  force  d'assimilation  que  possède  le  Brésil,  pour 
avoir  des  craintes  aussi  puériles...  Nos  colons  allemands  en  1866, 
au  temps  de  la  guerre  du  Paraguay,  se  sont  empressés  d'envoyer 
une  batterie  d'artillerie  à  l'armée  brésilienne.  L'autre  jour,  un 
Allemand,  revenu  de  Berlin,  nous  disait  :  —  «  Je  vous  avoue  que 
j'ai  trouvé  mes  anciens  compatriotes  bigrement  (sic)  barbares...  » 

L'expérience  a  été  faite  aux  États-Unis.  Les  Allemands. 
les  Irlandais,  les  Anglais  s'y  trouvent  partout,  jusqu'au  minis- 
tère.  Nonobstant,  qui  oserait  dire  que  les  États-Unis  sont 
allemands,  sont  irlandais  ou  sont  anglais?...  La  vérité  est  qu'ils 
sont  américains.  Ils  ont  été  européens  ;  aujourd'hui  ils  ne  sont 
que  Yankees. 

Il  en  sera  de  même  au  Brésil.  Quelques  jours  après  son  arri- 
vée, l'immigrant  sera  déjà  Brésilien.... 

Mais,  vraiment,  quel  est  l'immigrant  qui,  ayant  joui  de  nos 
institutions  et  de  nos   habitudes  si  bonnes,   si  simples,  si  tran- 


LE     BRÉSIL     EX     18  89. 

quilles,  voudra  se  rejeter  dans  l'affreux  tourbillon  européen  de 
baïonnettes,  de  canons,  de  cuirassés,  de  mélinites  et  de  robu- 
rites?!!... 

Qui  donc,  après  avoir  traité  avec  notre  empereur  et  avec  nos 
princes,  si  obligeants  et  si  aimables,  voudra  retourner  en  Europe 
pour  subir  la  morgue  humiliante  des  rois  et  des  aristocrates,  et 
voir  dil  près  les  horripilants  contrastes  de  la  misère  et  de 
l'opulence  ? 

Il  faut  dire  et  redire  des  histoires  d'immigrants  pour  qu'on 
puisse  en  Europe  comprendre  l'Amérique. 

J'étais,  le  5  juin  1873,  sur  VOeeanic,  un  superbe  bateau  à  vapeur 
de  la  White  Star  Line,  et  j'arrivais  à  New-York.  Sur  le  pont  du 
paquebot,  je  regardais  La  foule  immense  des  immigrants  irlan- 
dais qui  se  pressaient  à  l'avant.  Un  vieux  monsieur  était  tout 
près  de  moi,  en  proie  à  une  commotion  profonde.  Je  le  regarde, 
toul  donné lime  dit  d'une  voix  encore  coupée  par  l'émotion  : 

—  11  y  a  vingt  ans,  j'arrivais  ici...  non  en  paquebot  à  vapeur 
et  en  première  classe,  comme  aujourd'hui...  Mais  là-bas...  comme 
ces  pauvres  Irlandais...  en  navire  à  voile...  entassé  sur  le  pont 
avec  les  autres...  A  présent...  Dieu  bénisse  les  États-Unis!...  Et  il 
fondit  en  larmes... 

Voyez-vous!...  C'est  ce  sentiment  sublime  de  gratitude, 
qui  fait  V américanisation  de  l'immigrant,  bien  mieux  encore  que 
toutes   nos  lois   de  grande  naturalisation  et  dénationalisation... 

Oh  !  Bien  sûr  !  Nous  n'avons  pas  la  moindre  crainte  des 
immigrants.  Nous  sommes  sûrs  qu'ils  seront  des  Brésiliens  aussi 
dévoués  que  nous-mêmes.  Et  nous  sommes  encore  plus  sûrs  que 
le  Brésil  n'aura  pas  son  pareil  sur  la  terre  quand  il  sera  arrivé  à 
s'assimiler  les  meilleurs  éléments  ethniques  de  l'Europe,  épurés 
dans  le  Struggle  for  life  pendant  des  siècles,  et  passés  par  le 
grand  creuset  de  l'émigration  au-delà  de  l'Océan. 

Oh  !  Il  n'y  a  pas  à  en  douter.  Le  monde  ira  infiniment  mieux 
quand  L'Europe  comprendra  l'Amérique.  Si,  devançant  les  siècles, 
l'Europe  consentait  à  envoyer  en  Amérique  ses  six  millions  de 
soldats,  transformés  en  immigrants  ;  si  des  navires  cuirassés  on 
faisait  des  paquebots  transatlantiques,  l'humanité  serait  bien 
vite  transformée.  Malheureusement  l'humanité  n'a  pas  encore 
évolué  assez  pour  éliminer  les  individus  qui  ont  les  instincts 
barbares  de  la  guerre  et  du  sang,  de  la  violence  et  de  la  mort... 
Que  ceux-là  n'émigrenl  pas  au  Brésil... 

Nous  avons  été  élevés,    pendant   quarante-huit  ans,   par  un 


LES     ZONES     AGRICOLES.  297 

empereur  savant  et  bon,  qui  a  aboli  la  peine  de  mort,  la  torture, 
tes  peines  barbares  et  l'esclavage...  Victor  Hugo  Ta  comparé  à 
Rfarc-Àurèle...  C'est  Numa  Pompilius  qu'il  devait  dire...  Il  a  fondé 
au  Brésil  le  culte  de  la  science  et  des  arts,  le  culte  du  beau  en 
tout  et  partout...  Il  n'est  satisfait  et  content  que  dans  les  écoles 
au  milieu  des  enfants;  dans  les  académies  au  milieu  des  hommes 
îence  ;  dans  les  salons  au  milieu  des  artistes  ;  dans  les 
fabriques  au  milieu  des  industriels;  dans  les  chantiers  et  dans 
les  ateliers  au  milieu  des  ouvriers...  Il  aie  mépris  du  luxe  et  de 
l'ostentation...  Il  aime  la  simplicité  et  la  modestie...  Il  a  compas- 
sion de  la  vanité  des  aristocrates... 

L'orientation  humanitaire  et  altruiste  de  la  nation  brésilienne 
lui  a  été  donnée  par  lui  et  par  sa  fille,  à  jamais  célèbre  par  son 
courage,  par  son  héroïsme  et  par  son  dévouement. 


CHAPITRE    IX 

INSTITUTIONS     AGRICOLES 

Par   M.  J.-M.   LEITAO    DA   CUNHA1 


Il  est  clair  que  dans  les  différents  pays  le  développement  des 
institutions  agricoles  doit  être  en  raison  inverse  de  la  fertilité  du 
sol.  Au  Brésil,  dont  le  sol  est  d'une  fertilité  proverbiale,  le 
nombre  de  ces  institutions  n'a  donc  pas  pu  répondre  à  l'immensité 
de  l'étendue  du  territoire.  Le  Brésil,  en  effet,  est  un  pays  à 
culture  extensive,  dont  l'activité  agricole  s'est  bornée  jusqu'ici  à 
la  production  d'un  petit  nombre  de  matières  premières  au  moyen 
de  méthodes  rudimentaires  ;  il  n'avait  pas  senti  le  besoin  devoir 
recours  à  des  procédés  perfectionnés  et  à  des  moyens  artificiels 
pour  augmenter  la  productivité  de  son  sol. 

Dernièrement,  cependant,  une  révolution  économique  s'y  est 
produite  qui  va  transformer  forcément  son  régime  agricole.  La 
loi  du  13  mai  1888  a  affranchi  heureusement  les  derniers  serfs 
delà  glèbe  qu'il  possédait  encore.  Cette  loi  donnera  sans  doute 
un  grand  élan  aux  institutions  agricoles,  en  obligeant  la  grande 
propriété,  aussi  bien  que  la  petite  culture,  à  y  chercher  toutes 
deux  une  nouvelle  source  de  rénovation.  Pour  maintenir  l'exploi- 
tation extensive  des  terres,  la  grande  propriété  devra  puiser  dans 
le  choix  judicieux  des  méthodes  et  dans  l'instruction  scientifique 
les  moyens  de  compenser  le  manque  de  bras  serviles  grâce  aux- 
quels elle  s'était  constituée.    De  son  coté,  la  petite  propriété,  qui 

1.  Député  à  l'Assemblée  générale  législative  pour  la  province  de  Para, 
dont  son  père,  M.  le  baron  de  Mamoré,  sénateur  et  ancien  ministre  d'État,  est 
originaire. 


300  LE     BRÉSIL     EN     18  89. 

esl  entrain  de  s'établir  graduellement  par  l'arrivée  d'immigrants- 
propriétaires,  voil  son  avenir  lié  à  ces  institutions,  dont  le  con- 
cours peut  seul  pendre  fructueuse  la  culture  intensive  à  laquelle 
elle  devra  s'astreindre,  et  qui  serait  impossible  si  elle  s'avisait  de 
conserveries  anciens  procédés. 

En  outre,  la  polyculture,  corollaire  immédiat  de  la  transfor- 
mai ion  des  conditions  de  travail  et  de  l'élargissement  des  surfaces 
cultivées,  dépend  essentiellement  de  l'aide  de  ces  institutions, 
qui,  par  L'étude  de  la  physiologie  des  différentes  espèces  et  par 
l'analyse  des  terrains,  établiront  l'adaptation  de  chaque  culture 
au  sol  qui  lui  conviendra  le  mieux,  et,  par  l'application  des  prin- 
cipes de  chimie  agricole  et  d'économie  rurale,  assureront  le 
bon  résultat  des  cueillettes  et  des  récoltes. 

Le  ministre  de  l'agriculture  a  compris  tout  cela.  Pendant  la 
session  de  l'année  18SS,  il  ne  s'est  pas  borné  à  solliciter  des 
Chambres  des  mesures  pour  l'introduction  d'immigrants,  pour 
le  développement  des  voies  de  communication  et  pour  la  réduc- 
tion des  prix  de  transport.  Il  a  insisté  aussi  en  faveur  de  la  créa- 
tion de  nouvelles  institutions  agricoles  aussi  bien  qu'en  faveur 
de  l'amélioration  de  celles  que  nous  possédons  déjà.  —  «  Le 
gouvernement,  a  dit  le  ministre,  est  décidé  à  créer  des  écoles 
agricoles,  dont  il  lui  semble  inutile  de  faire  ressortir  les  avan- 
tages, car  l'enseignement  professionnel  est  le  meilleur  moyen  de 
donner  à  l'agriculture  d'autres  conditions  et  d'autres  habitudes, 
et,  partant,  un  autre  avenir.  »  Et  le  ministre  a  demandé  tout  de 
suite  un  crédit  da  -48  contos  (environ  138.000  fr.)  pour  la  fonda- 
tion d'une  station  agronomique  et  d'écoles  pratiques  d'agricul- 
ture. 

La  commission  du  budget  de  la  chambre  des  députés  a  large- 
ment secondé  les  vues  du  ministre,  en  proposant  d'augmenter 
le  crédit  demandé.  Le  Sénat  est  entré  dans  la  même  voie,  de  sorte 
que,  dans  le  budget  pour  l'exercice  1889,  une  somme  de  408  contos, 
environ  1  million  159.000  fr.,  a  été  mise  à  la  disposition  du 
ministre  pour  la  création  d'une  ferme  expérimentale  dans  la 
province  de  Ilio-de-Janeiro,  sur  la  lisière  du  chemin  de  fer  de 
Dom  Pedro  II,  pour  la  fondation  d'une  école  scientifique  de  viti- 
culture dans  l.i  province  de  San-Paulo  et  pour  l'établissement 
d'une  station  agronomique  dans  la  province  de  Minas-Geraes. 

Une  ère  nouvelle  s'annonce  donc  pour  ces  utiles  institutions. 

lài  attendant  faisons  connaître  rapidement  celles  qui  existent 
actuellement  : 


INSTITUTIONS     AGRICOLES.  301 

Institut  agricole  de  Rio-de- Janeiro  (Impérial  instituto  flu- 
minense  de  Agricultura).  —  Fondé  par  S.  M.  l'empereur  et  sous  sa 
protection  immédiate,  il  a  pour  but,  conformément  à  ses  statuts, 
approuvés  par  le  décret  n°  2681  du  3  novembre  1800,  d'aider  au 
développement  do  L'agriculture  dans  le  Municipe  Neutre  et  dans 
La  province  de  Rio-de-Janeiro  :  1°  en  facilitant  la  substitution 
des  bras  par  des  machines  et  dos  instruments  appropriés,  et  en 
essayant  Le  meilleur  système  de  colonisation  nationale  et  étran- 
gère :  3°  en  Tondant  des  établissements  normaux  pour  des  expé- 
riences  de  machines  et  instruments  agricoles,  pour  des  essais 
de  systèmes  de  cultures,  des  méthodes  de  fabrication,  perfec- 
tionnement et  conservation  de  produits  agricoles  et  procédés 
pour  l'extinction  des  vers  et  insectes  nuisibles  ;  3°  en  procurant 
l'acquisition  de  semences,  graines  et  plants  de  plantes  qui  seront 
distribués  aux  cultivateurs  ;  4°  en  cherchant  l'amélioration  des 
races  d'animaux  et  la  généralisation  des  meilleures  espèces  ; 
5°  en  venant  en  aide  à  l'administration  dans  le  perfectionnement 
des  moyens  de  transport  ;  G0  en  organisant  une  exposition  an- 
nuelle des  produits  agricoles  ;  7°  en  procédant  tous  les  ans  à  la 
statistique  rurale,  et  en  exposant  la  situation  de  l'agriculture, 
ses  progrès  ou  sa  décadence,  et  les  causes  permanentes  ou  tran- 
sitoires de  ces  phénomènes  ;  8°  en  publiant  une  Revue  destinée 
aux  choses  de  l'agriculture  étala  vulgarisation  des  bons  principes 
d'économie  rurale  ;  9°  en  créant  des  établissements  normaux, 
des  écoles  d'agriculture,  et,  à  leur  défaut,  en  entretenant  des  agri- 
culteurs professionnels  qui  fournissent  les  instructions  qui 
pourraient  leur  être  demandées  et  qui  visitent  les  établissements 
particuliers. 

L'Institut  est  administré  par  une  direction  de  neuf  membres 
et  par  un  conseil  de  vingt-huit  membres,  ayant  l'un  et  l'autre 
des  attributions  clairement  définies  ;  des  commissions  munici- 
pales ont  pour  mission  d'étudier  les  nécessités  de  l'agriculture 
dans  leur  municipe  respectif,  en  présentant  à  la  direction  des 
rapports  semestriels,  d'organiser  la  statistique  rurale  de  ces 
municipes  et  d'étudier  l'état  de  ses  routes  et  cours  navigables. 

Le  patrimoine  de  l'Institut,  formé  parles  droits  d'entrée  et  les 
cotisations  annuelles  de  ses  membres,  par  une  subvention  an- 
nuelle du  gouvernement  se  montant  à  48  contos,  par  un  subside 
de  la  province,  et  par  des  dons  spontanés,  parmi  lesquels  il  faut 
citer  l'un  de  108  contos  fait  par  l'empereur,  se  monte  aujourd'hui 
à  349  contos,  un  peu  plus  d'un  million  de  francs  en  titres  de  l'État. 


LE     BRÉSIL     EN      1889. 

La  Revista  Agricoia  (Revue  Agricole),  paraissant  tous  les  trois 
mois,  compte  plusieurs  années  d'existence. 

Pour  répondre  aux  exigences  de  son  programme,  l'Institut  a 
fondé  et  entretient  un  asile  agricole  el  une  Ferme  Normale;  il 
dirige  également  le  jardin  Botanique,  dont  l'administration  lui 
a  été  confiée  par  un  contrat  en  date  du  17  août  1861,  moyennant 
la  subvention  annuelle  de  12  contos. 

V asile  Agricole  fonctionne  depuis  le  21  juin  1868.  Le  28  novembre 
L884  il  a  été  installé  dans  un  bâtiment  construit  à  cette  fin  et 
situé  sur  une  des  collines  les  plus  pittoresques  de  la  ferme  du 
Macaco,  60  mètres  au-dessus  du  niveau  de  la  nier,  à  2  kilomètres 
du  Jardin  Botanique,  auquel  il  se  trouve  relié  par  une  ligne  de 
chemin  de  fer  à  voie  étroite.  Le  bâtiment  se  compose  d'un  corps 
principal,  d'une  véranda  et  d'une  chapelle  ;  il  y  a  un  salon  pour 
les  classes,  une  bibliothèque  contenant  plus  de  100  volumes  d'ins- 
truction primaire  et  de  connaissances  agricoles,  quatre  dortoirs 
spacieux,  deux  lingeries,  réfectoire,  cuisine,  office,  et  deux  salles, 
Tune  pour  la  classe  de  musique,  l'autre  pour  l'élève  du  ver  à 
soie.  Dans  les  annexes,  on  trouve  un  jardin,  des  étables  et  des 
écuries,  une  grande  cour,  un  étang  pour  des  bains,  des  niches  à 
lapins,  des  poulaillers  d'après  le  système  allemand  etc.  Le  com- 
partiment des  machines  possède  une  machine  demi-lixe  de  la 
force  nominale  de  0  chevaux-vapeur,  un  appareil  en  fer  pour 
moudre  jusqu'à  5.000  kilogs  de  canne  par  jour,  un  alambic  pou- 
vant distiller  ^2.000  litres  par  jour,  des  engins  pour  la  fabrication 
delà  farine  de  manioc,  un  moulin  à  blé,  un  décotirqueur  de 
coton,  une  scie  circulaire  etc.  etc. 

Le  règlement  expédié  le  15  octobre  1881-  fixe  à  quatorze  ans 
l'âge  maximum  des  élèves  qui  seront  admis  dans  l'asile.  Ils 
doivent  être  orphelins  et  d'une  constitution  appropriée  aux  tra- 
vaux des  champs.  Ils  sont  entretenus  entièrement  aux  frais  de 
l'asile,  et  ont  droit  à  un  salaire  et  à  une  partie  du  pécule  cons- 
titué dans  la  Caisse  d'Épargne.  Le  programme  de  l'enseignement 
comprend  les  matières  suivantes  :  instruction  primaire,  lecture, 
calligraphie,  orthographe,  grammaire,  géographie,  mathéma- 
tiques élémentaires,  comptabilité,  catéchisme,  dessin  linéaire  ; 
agriculture  pratique,  connaissance  des  instruments  agricoles  et 
des  machines,  manipulations  pour  préparer  les  terrains  aux  di- 
verses cultures,  traitement  des  végétaux,  cueillette  des  produits, 
études  pratiques  sur  les  engrais,  soins  aux  animaux  domestiques, 
notions  sur  les  aliments,  horticulture  ;  études  sur  les  tissus  des 


INSTITUTIONS     AGRICOLES.  303 

végétaux,  leurs  organes  el  leurs  fonctions,  greffe,  coupe  et  au- 
tres opérations  analogues,  jardinage,  embellissement  des  parcs, 
drainage  et  irrigation  :  gymnastique,  natation,  musique,  métiers 
se  rapportant  à  l'agriculture,  serrurier,  maçon,  charpentier  etc. 
L'asile  compte  présentement  ^8  élèves,  mais  des  demandes  sont 
faites  pour  1rs  places  vacantes,  le  nombre  maximum  des  élèves  de- 
van  I  être  de  M). 

La  Ferme  Normale  (Fazenda  Normal),  composée  d'une  bande 
de  terrain  entre  le  Jardin  Botanique  et  la  montagne  de  la  Gàvea, 
aune  superficie  de  4 hectares.  Elle  s'occupe  de  la  culture  des 
diverses  espèces  de  plantes  économiques,  principalement  de  celles 
qui  sont  les  plus  recherchées  par  les  agriculteurs,  telles  que 
canne-à-sucre,  coton,  tabac,  manioc,  arrowroot,  café,  cacao,  va- 
nille etc.  Elle  cherche  aussi  à  acclimater  et  à  propager  la  jute, 
la  ramie,  le  mûrier,  le  sorgho,  le  thé,  et  d'autres  plantes  d'une 
valeur  industrielle,  soit  indigènes  soit  exotiques. 

La  Ferme  emploie  pour  toutes  ces  cultures  les  instruments  les 
plus  récents,  en  suivant  autant  que  possible  la  méthode  ration- 
nelle. Dernièrement  les  travaux  y  ont  été  poussés  avec  une  grande 
activité.  L'administration  se  trouve  en  état,  non  seulement  de  déve- 
lopper la  culture  de  la  vigne  dansdes  terrains  aptes  pour  l'étude 
des  engrais  et  des  divers  genres  de  tailles,  mais  encore  d'initier 
des  cultures  comparatives  en  soumettant  les  végétaux  de  la 
grande  culture  à  des  expériences  faites  principalement  avec  des 
engrais  minéraux.  On  y  prépare  aussi  un  terrain  pour  un  champ 
de  manœuvres,  où  Ton  pourra  apprécier  l'application  des  meil- 
leurs instruments  aratoires,  et  l'on  y  songe  à  la  création  de  prai- 
ries artificielles. 

Le  Jardin  botanique  est  connu  de  tous  ceux  qui  visitent  Rio- 
de-Janeiro,  et  la  photographie  a  vulgarisé  sa  fameuse  allée  des 
palmiers.  On  y  trouve  une  pépinière  comptant  350.000  plantes, 
dont  on  a  commencé  à  dresser  le  catalogue. 

Institut  agricole  de  Bahia  {Impérial  Instituto  Bahiano  de  agri- 
culture). —  11  a  été  fondé  en  vertu  du  décret  n°  2.500  du  1er  no- 
vembre 1850,  et  rappelle  la  visite  que  l'empereur  fit  à  Bahia  à 
cette  époque.  Son  but  est  analogue  à  celui  de  l'institut  agricole 
de  Hiu-de-Janiro.  11  est  administré  par  une  direction  de  sept  mem- 
bres, aidés  par  des  commissions  municipales.  Son  patrimoine 
se  monte  à  un  peu  plus  de  96  contos,  environ  276.000  francs.  Il 
est  forme  par  les  cotisations  de  ses  membres,  par  une  subven- 


:;nl  LE     BRÉSIL     EN     18  89. 

l'h.ii  annuelle  de  -<>  contos  fournie  par  L'État,   par  une  subvention 

de  -i  contos  fournie  par  La  province  et  par  des  dons  volontaires. 

Ces  modestes  ressources  n'onl  pas  permis  à  l'Institut  de  réa- 

Liserson  vaste  et  beau  programme.  Il  n'en  a  pas  moins  rendu  des 

servie-  signalés  à  la  |)iD\  ince.  C'est  ainsi  qu'il  y  a  créé  en  1870 
V École  agricole  de  San-Bento-de-Lages. 

Cette  École  est  installée  dans  un  vaste  édifice,  le  plus  beau 
peut-être  que   nous  ayons  dans  ce  -cure,  et  qui  a  coûté  plus  de 
de    315  contos,  près  d'un   million    de   francs.    Ce   bâtiment  était 
autrefois  une   terme   appartenant  aux   bénédictins.    L'école  est 
située  dans  le  municipe  de  San-Francisco,   dans  la  comarque  de 
Santo-Amaro,  à  trois  heures  de  voyage,  par  mer,  du  chef-lieu  de 
la  province.   Le  décret  n°  5.957   du  23  juin  1875  a  approuvé  les 
statuts  de  l'École,  qui  se  propose  de  généraliser  dans  le  pays  les 
connaissances  agricoles  en  recevant  des  externes  et  des  internes. 
L'enseignement  professionnel  de   l'agriculture  s'y  trouve  divisé 
en  deux  degrés  :  l'un  élémentaire  et  l'autre  supérieur  ;   celui-ci 
destiné   à   former  des  agronomes,    des   ingénieurs  agricoles  et 
forestiers   et  des  vétérinaires  ;  celui-là  destiné  à  former  des  ou- 
vriers et  des   contre-maîtres  agricoles  et  forestiers.  L'enseigne- 
ment es!  essentiellement  pratique,  et  on  l'accompagne  de  notions 
théoriques  et  élémentaires  indispensables  de  sciences  naturelles, 
de  zootechnie,  etc.,  etc.  Il  y  a  quatre  cours  :  de  sylviculture,    de 
génie  agricole,  d'agronomie  et  d'art  vétérinaire.   Aux  élèves  qui 
ont  terminé  l'un  des  cours  on  accorde  soit  un  brevet  d'ingénieur 
agricole,  soit  un  certificat  d'études,  soit  un  diplôme   d'élève.  La 
direction   de  l'établissement  consacre  une  attention  toute  parti- 
culière aux   travaux  des   champs,    qui  se  font  sur  des  terrains 
expressément  préparés  dans  ce  but;   ils  consistent  en  exercices 
pratiques   de  culture,   de  chimie   analytique  et  industrielle,  de 
topographie  et  de  nivèlement.  L'établissement  possède   des  cabi- 
nets  de   physique  et  de  chimie,  des  collections  d'anatomie,  de 
zoologie  et  de  minéralogie,  et  une  bibliothèque  contenant  envi- 
ron dix  mille  volumes.  Le  personnel  se  compose  d'un  directeur, 
qui  réside  dans  l'établissement  même  ;  de  professeurs,   qui  peu- 
vent aussi  y  loger  ;  d'un  secrétaire,  d'un  économe,   d'un  aumô- 
nier et  du  personnel  subalterne  nécessaire.  On  accorde  aux  pro- 
fesseurs qui  ont  de  la  famille  les  matériaux  et   la  main-d'œuvre 
dont  ils  pourraient  avoir  besoin  pour  se  faire  bâtir  un  logement 
sur  les   terres  de   l'établissement.    Les  cours   sont   ouverts  du 
15  février  au  15  décembre.   L'école  est  fréquentée  assez  réguliè- 


INSTITUTIONS     AGRICOLES.  3Û5 

rement;  toutefois,  elle  n'a  pas  encore  atteint  le  nombre  maxi- 
mum des  élèves  qu'elle  peut  recevoir,  et  qui  est  de  100  pour  l'in- 
ternat. Pour  L'externat  le  nombre  des  élèves  à  recevoir  n'est  pas 
limité. 

Institut  agricole  de  Sergipe  {Impérial  Instituto  Sergipano  de 
agricuUura).  —  Il  a  été  créé  par  le  décret  n°  2.521  du  20  janvier 
1860,  sur  les  mêmes  bases  et  avec  le  môme  but  que  l'Institut  de 
Bahia.  Leurs  règlements  étaient  identiques.  Dès  qu'il  eût  orga- 
nise sa  direction  et  son  conseil  de  surveillance,  il  tacha  de  fon- 
der une  école  rurale  modèle  ;  il  importa  des  semences  et  des 
graines  de  végétaux  utiles,  fît  venir  des  machines  et  des  usten- 
siles perfectionnés  pour  les  revendre  aux  agriculteurs  au  prix 
d'achat,  et  essaya  de  faire  paraître  une  Revue  consacrée  à  l'éco- 
nomie agricole.  Ces  bonnes  intentions  ne  furent  pas  couronnées 
de  succès,  et  cet  établissement  semble  appelé  à  échouer  comme 
les  Instituts  de  Pernambuco  et  de  Rio-Grande,  créés  par  les  dé- 
crets du  23  décembre  1859  et  du  14  août  1861,  qui  ne  purent 
réussir,  malgré  l'aide  de  l'Etat  et  de  l'administration  provin- 
ciale. 

Établissement  rural  de  San-Pedro-d'Alcantara.  —  Le  dé- 
cret n°  5.392  du  10  septembre  1873  autorisa  la  fondation  de  cet 
établissement  dans  la  province  de  Piauhy.  Il  devait  comprendre 
les  fermes  nationales  appelées  Guaribas,  Serrinhas,  Mattas,  Algo- 
dùes  et  Olho-d'Agua.  Le  ministère  de  l'agriculture,  qui  s'en  réser- 
vait le  contrôle  immédiat,  s'engageait  à  lui  fournir,  outre  les 
fermes  dont  il  vient  d'être  parlé,  une  somme  de  30  conlos  ou 
86.000  francs  pendant  la  première  année,  de  57.000  francs  pen- 
dant les  cinq  années  suivantes;  en  outre,  il  payerait  les  appoin- 
tements du  directeur,  auquel  serait  allouée  une  partie  des  béné- 
fices nets  de  l'établissement.  Le  directeur  avec  lequel  on  avait 
traité  pour  la  fondation  de  cet  établissement  étant  décédé,  un 
autre  décret,  du  27  septembre  1884,  promulgua  un  nouveau  Règle- 
ment à  ce  sujet.  L'établissement  devenait  une  école  profession- 
nelle pour  les  affranchis  et  les  enfants  libres  nés  de  mères  es- 
claves ;  le  gouvernement  le  dotait  largement,  et  tout  semblait 
annoncer  qu'il  deviendrait  prospère  en  peu  de  temps.  Il  n'en  a 
rien  été.  Après  avoir  eu  jusqu'à  89  élèves,  dont  59  internes,  il 
n'en  avait  plus  que  29  en  1886.  Le  gouvernement,  voyant  que  ses 
sacrifices   ne  répondaient  pas   aux   résultats   obtenus,  vient  de 

20 


306  LE     BRÉSIL     EN     1889. 

décider  qu'on  Le  transformerai!  en  un  établissement  de  zoo- 
technie,  avec  an  subside  annuel  de  22.000  francs.  Cet  établisse- 
ment <li<|)"-'1  de  tous  les  éléments  pour  réussir  sous  sa  nouvelle 
forme;  il  y  a  environ  10.000  têtes  de  bétail,  1.000  chevaux  et 
mulets,  122  moulons  et  des  oiseaux  de  basse-cour  en  grand 
nombre. 

Orphelinat  Isabel  (Colonia  orphanologica  Fzabel).  —  Cette 
colonie  a  été  fondée  en  1871  à  Pernambuco  par  L'administration 
provinciale  sur  les  terres  de  l'ancienne  colonie  militaire  de  Pi- 
menteiras.    Elle   a    pour  but  de   recueillir  des  orphelins  el  des 

mineurs  sans  protection  pour  leur  donner  des  connaissances 
agricoles.  Elle  reçoit  des  élèves-boursiers  et  des  pensionnaires 
payants.  Ses  ressources,  qui  lui  ont  permis  de  dépenser  jusqu'à 
ce  jour  plus  de  1.700.000  francs,  se  composent  dune  subvention 
de  l'état  et  d'une  partie  des  dons  et  legs  faits  à  l'assistance 
publique  de  Etecife,  de  même  que  des  bénéfices  de  l'exploitation 
d  3  terres  de  la  colonie.  Elle  possède  des  cultures  assez  vastes 
manioc,  canne  à  sucre,  maïs,  haricots,  pommes  de  terre,  etc.), 
et  une  usine  pour  la  fabrication  du  sucre  de  canne.  L'usine  est 
desservie  par  une  voie  ferrée  agricole  de  12  kilomètres,  qu'on  va 
prolonger.  Elle  compte  150  élèves,  et  ses  produits  sont  bien  cotés 
sur  le  marché.  La  prospérité  de  cette  colonie  est  due  principale- 
ment à  son  directeur,  le  II.  P.  Fidelis  de  Fazuano,  qui  l'admi- 
nistre depuis  plus  de  treize  ans. 

École  agricole  de  Piracicaba  (Escola  Agrlcola  do  valle  de 
Piracicâba).  — Elle  a  été  établie  dans  lemunicipe  d'Itabira,  dans 
la  province  de  Minas-Geraes,  en  vertu  de  la  loi  provinciale  du 
20  novembre  1875.  D'après  son  règlement,  en  date  du  18  octobre 
1880,  elle  a  pour  but  de  répandre  dans  la  province  les  connais- 
santes de  science  agricole  et  l'usage  des  instruments  aratoires, 
de  pousser  à  la  création  de  petites  fermes-écoles  pour  les  fa- 
milles d'immigrants,  en  même  temps  que  d'enseigner— 'prati- 
quement L'agriculture  perfectionnée  et  la  fabrication  de  produits 
agricoles.  Elle  reçoit  des  boursiers  et  des  élèves  payants  ayant 
moins  de  12  ans.  L'enseignement  est  théorique  et  pratique  ;  le 
premier  dure  trois  années.  L'établissement  est  entretenu  aux 
frais  du  trésor  provincial;  il  a  un  directeur,  des  professeurs,  un 
comptable,  un  mécanicien,  un  agent  et  un  infirmier,  et  il  est 
placé  sous  le  contrôle  d'un  conseil  composé  de  cinq   membres, 


INSTITUTIONS     AGRICOLES.  307 

L'école  est  bien  installée;  elle  possède  deux  corps  de  bâtiment 
avec  les  annexes  Indispensables,  des  étables,  des  instruments  de 
travail,  dos  machines  et  un  terrain  de  0-4  hectares.  — Elle  a 
rendu  de  grands  services  à  l'agriculture  locale,  au  moyen  des 
conférences  que  fait  son  directeur  aidé  par  les  élèves  qui  en- 
seignent  aux  agriculteurs  l'usage  des  meilleurs  appareils.  Les 
essais  de  culture  de  blé,  faits  par  l'école,  ont  donné  d'excellents 
résultats,  et  tendent  à  propager  cette  culture.  Les  immigrants 
et  leur  famille  trouvent  gratuitement  à  Vécole,  pendant  une 
année,  leur  entretien,  leur  habillement  et  les  moyens  de  s'ins- 
truire dans  les  cultures  du  pays. 

Colonie  Blaziana. —  Cette  colonie  est  établie  dans  la  ferme 
de  la  Conceiçâo,  sur  la  rive  gauche  du  rio  Gorumbâ,  à  18  kilomè- 
tres de  la  ville  de  Santa-Luzia,  dans  la  province  de  Goyaz.  Outre 
l'enseignement  élémentaire,  les  élèves  y  reçoivent  une  instruction 
agricole  théorique  et  pratique.  Le  local  et  les  dépendances  sont 
vastes.  On  y  trouve  des  plantations  assez  étendues  :  600  cognas- 
siers, 800  mûriers,  1.500  vignes,  4.600  bananiers,  8.000  caféiers, 
la  canne  à  sucre,  la  vanille,  le  manioc,  le  lin,  le  blé,  le  coton,  le 
tabac,  etc.  Le  nombre  des  élèves  est  de  70  à  peu  près,  dont  34 
orphelins.  L'Etat  alloue  à  cette  colonie  une  subvention  annuelle 
de  17.000  francs  environ  (6  contos). 

Asile  agricole  de  Sainte-Isabelle  (Asylo  Agricola  de  Santa- 
Isabel).  —  Il  a  été  fondé,  le  28  avril  1886,  dans  le  municipe  de 
Desengano,  province  de  Rio-de-Janeiro,  par  l'Association  protec- 
trice de  l'enfance,  qui  elle-même  est  une  création  de  S.  A.  Mgr.  le 
comte  d'Eu.  L'enseignement  y  est  théorique  et  pratique  ;  mais 
l'instruction  théorique  n'y  est  pour  ainsi  dire  qu'au  second  plan, 
car  l'asile  a  pour  mission  principale  de  former,  non  pas  des 
agronomes,  mais  des  ouvriers  agricoles  parfaitement  au  courant 
des  procédés  modernes  de  culture.  L'établissement  est  parfaite- 
ment outillé  ;  dix  hectares  servent  à  des  essais  de  cultures  variées, 
et  quatre  hectares  sont  occupés  par  les  jardins  et  les  enclos  fruitiers. 
Une  quarantaine  d'enfants  s'y  trouvent  recueillis.  L'Association 
qui  a  fondé  cet  excellent  asile  reçoit  une  subvention  de  l'Etat  se 
montant  à  28.000  francs  environ,  et,  grâce  aux  dons  qu'elle  a 
recueillis,  son  patrimoine  se  compose  déjà  de  570.000  francs 
environ. 


SOS  LE     BRÉSIL     EN      18  89. 

Orphelinat  Christina  [Colonia  orphanologica  Christ ina).  —  Il  a 
été  installé  dans  une  ferme,  nommée  Canaûstula,  dans  la  province 
de  Céara,  et  est  bien  monté.  11  se  compose  de  dix  maisonnettes  et 
de  plusieurs  machines  agricoles,  des  instruments  de  labou- 
rage,  du  bétail,  des  moulons,  etc.  Une  quarantaine  d'orphelins 
v  reçoivent  une  instruction  agricole  théorique  et  pratique. 

Institut  de  la  Providence  Instituto  Providencia).  —  Il  est 
situé  sur  la  lisière  du  chemin  de  fer  de  Bragança,  dans  la  province 
de  Para,  à  (j  kilomètres  de  Belem,  le  chef-lieu,  sur  des  terres 
fertiles  et  bien  choisies.  Il  a  été  fondé  par  le  saint  et  savant  évoque 
de  ce  diocèse,  Mgr  de  Macedo,  comte  do  Belem,  qui  a  voulu  créer 
un  centre  d'éducation  chrétienne  et  d'instruction  agricole  en 
faveur  des  indigènes  des  deux  provinces  qui  forment  son  diocèse. 
Les  enfants,  au  nombre  de  75,  y  reçoivent  l'instruction  élémen- 
taire et  apprennent  un  métier  manuel  tout  en  s'exerçant  dans  les 
cultures  locales.  Une  scierie  à  vapeur  s'y  trouve  installée  et 
permet  de  débiter  les  précieuses  essences  des  forets  environ- 
nantes, qui  sont  transportées  au  chemin  de  fer  de  Bragança  par 
un  petit  chemin  de  fer  Decauville.  Cet  Institut  reçoit  une  petite 
subvention  provinciale  et  doit  ses  moyens  d'existence  principa- 
lement à  l'inépuisable  charité  de  son  illustre  fondateur. 

Station  agronomique  de  Campinas.  —  L'Etat  a  résolu  d'éta- 
blir une  station  agronomique  dans  la  ville  de  Campinas,  province 
de  San-Paulo,  centre  agricole  de  premier  ordre.  Pour  mener  à 
bonne  fin  cette  institution  qui  peut  rendre  de  grands  services  à 
cette  riche  province,  le  gouvernement  impérial  a  fait  venir  d'Alle- 
magne M.  F. -M.  Dafert,  de  l'Université  de  Bonn,  auteur  d'un 
grand  nombre  d'ouvrages  et  spécialiste  distingué.  Au  mois  d'oc- 
tobre 1SS7,  on  a  commencé  à  construire  la  station  sur  une  colline 
admirablement  choisie;  les  travaux,  terminés  à  l'heure  qu'il  est, 
ont  été  faits  sous  la  direction  de  l'architecte  Florencio  et  tous  les 
appareils  ont  été  fournis  à  la  station  par  la  maison  Jerhards,  de 
Bonn.  Le  personnel  de  rétablissement  se  compose  d'un  directeur, 
le  docteur  Dafert,  d'un  secrétaire,  de  deux  aides  et  d'employés 
subalternes.  La  station  compte  quatre  bureaux  distincts.  L'un 
d'eux  est  consacré  aux  analyses  et  forme  un  véritable  laboratoire 
analytique  à  l'usage  des  planteurs,  des  négociants  et  des  tribu- 
naux. L'autre  se  livre  à  des  expériences  sur  les  engrais  néces- 
saires aux  plantes  du  pays,  sur  la  culture  de   nouvelles   plantes 


INSTITUTIONS     AGRICOLES.  309 

et  sur  L'amélioration  dos  cultures  existantes.  Le  troisième  s'occupe 
de  météorologie  et  est  en  correspondance  avec  l'Institut  météoro- 
logique  de  Hambourg.  Le  dernier  est  un  bureau  œnologique,  placé 
sous  la  direction  d'un  spécialiste  autrichien,  qui  se  propose  de 
s»»  livrer  à  des  études  pratiques  de  viticulture. 

École  vétérinaire  et  agricole  de  Pelotas.  —  Cette  école, 
établie  à  Pelotas,  dans  la  province  de  Rio-Grande-du-Sud,  est 
entretenue  par  la  chambre  municipale  de  Pelotas,  qui  lui  a  fait 
don  d'un  excellent  bâtiment  et  des  terrains  nécessaires.  Elle  a 
pour  but  de  répandre  les  connaissances  agricoles  et  principale- 
mont  l'art  vétérinaire,  si  utile  dans  une  province  qui  tire  sa 
richesse  de  l'élevage. 

Outre  les  établissements  que  nous  venons  d'énumérer  rapide- 
ment, il  y  en  a  d'autres  du  môme  genre  ayant  pour  but  d'encou- 
rager le  développement  de  l'industrie  agricole.  Nous  ne  saurions 
les  citer  tous.  Il  est  impossible,  cependant,  de  passer  sous  silence 
la  Société  agricole  de  Pernambuco  (Sociedade  auxiliadora  d'agri- 
cultura),  qui  a  son  siège  dans  le  chef-lieu  de  la  province  :  et, 
surtout,  la  Société  industrielle  de  Rio-de-Janeiro  (Sociedade 
auxiliadora  da  industria  nacional).  Cette  dernière  remonte  à  1820, 
et,  pendant  sa  longue  existence,  elle  a  rendu  de  grands  services 
à  l'agriculture  du  pays,  soit  en  publiant  de  beaux.  Rapports  sur 
différents  sujets  se  rattachant  à  l'agriculture  nationale,  soit  en 
faisant  paraître,  depuis  plus  d'un  quart  de  siècle,  une  intéres- 
sante Revue  à  laquelle  l'Etat  accorde  un  subside  annuel  de  6  contos 
ou  environ  17.000  francs. 


CHAPITRE  X 


POIDS     ET     MESURES     —     SYSTEME 

MONÉTAIRE 


Poids  et  mesures.  —  Le  système  métrique  décimal  a  été 
établi  au  Brésil  en  vertu  d'une  loi  en  date  du  26  juin  1863  ;  il  est 
effectivement  obligatoire  depuis  le  1er  janvier  1874.  Cependant, 
les  poids  et  mesures  anciens,  hérités  du  Portugal  pour  la  plupart, 
sont  encore  en  usage  entre  particuliers  dans  quelques  provinces 
reculées  de  l'empire.  Aussi  croyons-nous  utile  de  les  faire 
connaître  ici,  d'après  VAnnuario  do  Impérial  Observatorio,  de  Rio- 
de-Janeiro  : 

POIDS 

Tonclada  (Tonneau),  54  arrobas 793\  2384 

Quintal  (Quintal),  3  arrobas  1/2 58     7584 

Arroba  (s'écrit  aussi  Ab.),  4  arrobas  métriques 14     6896 

Arroba  métrique,  32  livres 15 

Libra  (Livre),  s'écrit  aussi  Lb.,  2  Marcs 459g,  050 

Marco  (Marc),  8  onces 229     825 

Onça  (Once)  s'écrit  aussi  on.,  8  octaves 23     691 

Oitava  (Octave),  3  scrupules 3     586 

Escrupulo  (Scrupule),  24  grains 1     195 

Grâo  (Grain) 0    04981 

Libra  de  Pharmacia  (Livre  de  pharmacie) 344     288 


312 


LE     HRKSIL     EN     18S0. 


MESURES   DE   LONGUEUR 

Unira  (Brasse),  s'écrit  aussi  B.  2  vares 2m,  20 

\  'ara  ( Vare),  5  palmes 1  10 

Pé  (Pied),  s'écrit  aussi  /  2  pi.,  1  1/2  palme 0  33 

Palmo  (Palme),  s'écrit  aussi  pm.,  8  pouces 0  22 

Pollegada  (Pouce),  s'écrit  aussi  /?/.,  12  lignes 0  0275 

Linha  (Ligne),  s'écrit  aussi  In.  12  points 0  00228 

Ponlo  (Point) 0  000191 

Côvado 0  08 

Passo  geometrico  (Pas  géométrique; 1  65 

MESURES   ITINÉRAIRES 


Légua  (Lieue),  3  milles 

Milita  (Mille) 

Légua  geometnca  (Lieue  géométrique). 
Milha  geometrica  (Mille  géométrique).. 


2 
6 

9. 


G00 
200 


MESURES   DE    SUPERFICIE   AGRAIRE 

Légua  qwidrada  (Lieue  carrée),  9  milles  carrés 43km2,  56 

Milha  quadrada  (Mille  carré),  100  alqueires 4  81 

Ahjueire,  de  Minas-Geraes  et  de  Rio-de- Janeiro,  s'é- 
crit aussi  10.000  br2 8ha,  81 

Alqueire,  de  San-Paulo  (5.000  b2) 2  42 

Geira  (100  b2) 19*,  36 

Tare  fa,  de  Bahia  (900  b2) 43  56 

MESURES   DE   SUPERFICIE 


Braça  quadrada  (Brasse  carrée),  s'écrit  aussi  100  pm2.  4m2,  84 

Pé  quadrado  (Pied  carré),  s'écrit  aussi  141  pm2 0       1089 

Palmo  quadrado  (Palme  carré) 0    0484 

Pollegada  quadrada  (Pouce  carré; 7cm2,  5625 

Linha  quadrada  (Ligne  carrée) 5mmî, 2533 

Ponto  quadrado  (Point  carré) 0         0305 


POIDS    ET  MESURES   —    SYSTÈME  MONETAIRE  313 


MESURES   DE    VOLUME 

Braça  cubica  (Brasse  cubique)  ou  1.000  pi3 10m3,  648 

Pi  cubico  I  Pied  cubique)  ou  1.728  pi3 35dm3,957 

Palmo  cubico  (Palme  cubique) 10      648 

Pollegada  cubica  (Pouce  cubique) 20cm379G875 

Linha  cubica  (Ligne  cubique) 12mm3(H0i81 

Ponto  cubico  (Point  cubique) 0     00G9G8 


MESURES   DE   CAPACITE    POUR    LES    MATIERES    SECIIES 

Moio,  15  fangas 21hl,  762 

Fanga,  4  alqueires 1451,  08 

Alqueire,  4  quartas 36     27 

Quarta,  8  selamins 9    0675 

Selamim 1     1334 


MESURES   DE    CAPACITE    POUR    LES    LIQUIDES 

Tonel  (Tonneau),  2  pipes 840\ 

Pipa  (Pipe) 420 

Almude 31     944 

Canada,  4  quartilhos 2     662 

Quart  ilho 0     6655 


MESURE    POUR    LE   DIAMANT 

Quilate  (Carat) ldff,  922 


:i  I  LE     BRÉSIL     EN     1889. 


SYSTÈME  MONÉTAIRE 


Le  système  monétaire  du  Brésil  est  assez  compliqué.  L'unité 
monétaire  est  le  réal,  qui  n'existe  pas  en  réalité.  En  général,  le 
milréis  est  pris  comme  base  du  système  ;  on  l'écrit  :  i  #  OOO  réis. 
l  ii  million  de  réis  (1. 000. 000)  s'appelle  un  conlo  de  réis,  ou  simple- 
ment un  conto.  —  Dans  la  circulation  ordinaire,  on  trouve  rare- 
ment des  pièces  d'or  ou  d'argent.  Partout,  au  contraire,  on  trouve 
des  pièces  en  nickel  et  en  cuivre,  de  la  monnaie  de  billon. 

Les  monnaies  métalliques  existantes  sont  les  suivantes  : 

Or:  20 ,$000  réis.  —  10  #000.  —  5 #000. 

Argent:  2  #000  réis.  —  1  #  000.  —  #500.  —  #400.  —  #200. 

Nickel:  #200  réis.  —  #100.  —  #050. 

Cuivre:  #010  réis.  —  #020.  —  #010. 

Toutes  les  opérations  qui  dépassent  #  500  (cinq  cent  réis) 
s'effectuent  le  plus  souvent  en  papier-monnaie,  en  billets  de 
banque  du  Trésor  National  ou  de  la  Banque  du  Brésil  (Banco  do 
Brazil).  Ces  billets  de  banque  ont  cours  forcé. 

Presque  toujours  l'or  et  l'argent  font  prime.  Cependant, 
depuis  le  mois  d'août  1888,  c'est  le  papier-monnaie  qui  fait  prime 
au  Brésil. 

La  valeur  du  papier-monnaie  est  déterminée  par  le  change,  qui 
varie  constamment. 

Actuellement  les  billets  de  banque  qui  existent  en  circulation 
au  Brésil,  sont  les  suivants  :  billets  de  banque  (on  les  appelle 
notas  là-bas)  de  500  #000  réis,  de  200  #000,  de  100  #000,  de 
50#000,  de30#000,  de  25#000,  de20#000,  de  10  j  000,  de 
5#000,  de  2#000,  de  1#000  et  de  #500  réis. 


POIDS   ET   MESURES   —   SYSTÈME   MONÉTAIRE  315 

VALEUR  DES  MONNAIES  DE  DIFFÉRENTS  PAYS  DE  L'EUROPE 

COMPARÉE   AUX   MONNAIES   DU    RRÉSIL 
(Change  au  pair). 

ANGLETERRE 

Livre  sterling  de  20  schellings  vaut 8$889  réis. 

Demi-livre  ou  10  schellings 4$ 444   — 

Florin  ou  2  schellings  (argent) $864    — 

Schelling $407    — 

Penny $037    — 

FRANCE 

Pièce  de  20  francs 7$060 réis. 

—  10    —      3$530   — 

—  5     —      (or) 1$765   — 

—  5     —     (argent) 1$750   — 

2     —       $700   — 

—  1     —      $350   — 

—  50  centimes $1^3   — 

ITALIE 

La  valeur  de  l'argent  italien  est  la  même  que  celle  de  l'argent 
français  ;  une  lire  vaut  un  franc. 

HAMBOURG 

Ducat  neuf 4$  153  réis. 

Marc  d'argent $540   — 

ESPAGNE 

Once  ou  doublon  de  8  écus 29$640  réis. 

Doublon  de  100  réaux 9$  126    

Piastre  (cinq  réaux) 1$918   

Real  (1/5  de  piastre) $384   

Duro  de  20  réaux 1#842    


31 G  LE     BRÉSIL     EN'      1889. 


PRUSSE 


Frédéric  (or) 7#339  réis, 

Thaler 10  310  — 


SUEDE 


Ducat  (or) 4J134  n'-is. 

1/2  ducat  (or) 2#069   — 

Riksdaler  de  400  réis  (couronne. 1#981    — 


I'OIUTUAL 


L'argent  monnayé  portugais  a  une  valeur  double  de  celle  de 


l'argent  du  Brésil. 


La  valeur  spécifiée  ci-dessus  peut  varier  selon  le  cours  du 
change.  Ces  calculs  ont  été  faits  au  pair,  c'est-à-dire  au  taux 
d'après  lequel  l'argent  (papier)  brésilien  est  complètement  équi- 
valent à  l'argent  étranger  avec  lequel  il  est  comparé.  Ainsi,  à 
partir  du  prix  indiqué,  la  valeur  de  l'argent  étranger  hausse  à 
proportion  que  le  change  baisse,  et  par  suite  l'argent  (papier) 
brésilien  a  moins  de  valeur  et  réciproquement. 

Par  exemple  :  le  change  sur  Londres  est  actuellement  à  27  1/2 
c'est-à-dire  que,  s'il  était  au  pair,  il  faudrait  donner  27  pence 
pour  1$000  brésiliens,  représentés  par  le  papier-monnaie  qui  est 
en  circulation,  tandis  que,  d'après  le  cours  indiqué,  il  faut  donner 
27  pence  1/2  pour  avoir  les  mêmes  1  #000  réis. 

De  là  résulte  la  diminution  graduelle  de  la  valeur  de  toutes  les 
monnaies  étrangères  qui  ont  un  étalon  fixe. 

Dans  ces  conditions,  le  franc  vaut  actuellement  345  réis  à  peu 
près,  au  lieu  de  350  réis,  valeur  au  pair. 


CHAPITRE    XI 


FINANCES 


Par     M.    A.    CAVALCANTI 


Notre  travail  est  une  simple  revue,  renfermant  la  plus  grande 
somme  possible  de  données,  basées  sur  des  faits  bien  constatés 
et  tirées  de  l'histoire  financière  du  Brésil  pendant  les  dix  aimées 
écoulées  de  1877  à  1887.  Pour  la  rendre  plus  claire,  nous  la 
diviserons  en  trois  parties,  comprenant:  les  recettes  de  l'Etat, 
les  dépenses  de -l'Etat,  et  la  situation  financière  actuelle.  Nous 
nous  bornerons  à  des  chiffres  et  à  des  informations  positives, 
laissant  le  soin  d'en  tirer  les  conclusions  à  ceux  qui  nous  liront. 


I.  Les  Recettes  de  l'État.  —  Les  ressources  dont  dis- 
pose l'Etat  pour  faire  face  aux  besoins  de  ses  services  forment  la 
recette  générale  de  l'Etat  ou  les  revenus  publics,  distincts  de 
ceux  des  provinces  et  des  municipalités.  La  recette  générale  de 
l'Etat  provient  :  1°  des  biens  du  domaine  public  national,  ou  plus 
exactement,  de  cette  partie  du  domaine  appelée  domaine  privé  ou 
fiscal  ;  2°  des  impôts  ;  3°  du  crédit  public.  Nous  allons  examiner 
successivement  ces  trois  sources  de  recettes. 


1.  M  Amaro  Cavalcanti,  connu  au  Brésil  par  d'autres  travaux,  s'est  signalé 
dernièrement  par  des  études  économiques  d'une  grande  valeur.  Il  a  écrit  ce 
travail  en  quelques  jours,  à  la  prière  de  M.  le  Baron  de  Paranapiacaba,  à 
•qui  nous  l'avions  demandé,  et  qui  a  bien  voulu  l'en  charger. 


318  LE     BRÉSIL     EN     188  9. 

Biens  du   domaine  de  l'État. — Le  domaine  public  national 
ou  domaine  de  L'Etal  comprend  :  a.  Le  domaine  public  proprement 
dit,  embrassant  Les  biens  de  FEtat  qui,  tout  en  étant  réservés  à  un 
service  public  spécial  ou  a  la  jouissance  de  la  collectivité  sociale, 
sont  par   cela   même  imprescriptibles,  inaliénables,   c'est-à-dire 
qu'il  ne  sont  pas  susceptibles  de  devenir  une  propriété  exclusif 
et  privée,  comme,  par  exemple,  les  églises  consacrées  au  culte 
public,   les  routes,  les  ponts,   les  ports,  les  places,  les  jardins 
publics  etc.  Le  public  eu  général   en  a  L'usage  et  la  jouissance, 
chacun  en  a  L'usufruit  individuellement  et  collectivement,   selon 
L'occasion,  etl'Etatne  peut  exercer  sur  eux  un  droit  de  propriétaire 
parfait  et  exclusif;  il  n'en  est  que  le  conservateur  et  l'intendant 
pour  ainsi  dire.   L'étude  du   domaine   public  ainsi  limité  relève 
plutôt  de  la  sociologie  et  de  la  science  politique,   b.   Le  Domaine 
delà  Couronne,  qui  embrasse   espécialeme  nt  les  biens,  palais, 
terres,  etc.,  réservés  au  service  ou  à  la   récréation  particulière 
du  souverain   et  de  la  famille  impériale.  Les  privilèges  inhérents 
à  la  forme  monarchique  exigent  que  l'on  maintienne  cette  dis- 
tinction entre  le  domaine  de  la  couronne  et  les  autres  espèces  de 
domaine  public  national,  à  cause  de  la  destination  particulière  et 
exclusive  des  biens  de  ce  domaine,  c.  Le  Domaine  Fiscal,  appelé 
aussi  domaine  privé  de  l'Etat.  Il  embrasse  les  biens  qui  non  seu- 
lement appartiennent  à  l'Etat  à  titre  exclusif,  mais  dont  il  a  la 
jouissance  et  l'usufruit,  comme  s'il  était  un  propriétaire  ou  pos- 
sesseur privé,  tout  en  étant  obligé  d'observer  certaines  formes 
légales.  C'est  de  la  science  financière  que  relève  l'étude  de  ce 
dernier  domaine. 

Nous  ne  nous  occuperons  ici  que  des  biens  du  domaine  fiscal  , 
car  seuls  ils  donnent  un  revenu  à  l'Etat  et  figurent  ou  doivent 
figurer  dans  son  budget  comme  des  sources  directes  ou  indirectes 
de  recettes.  Au  Brésil,  le  Domaine  Fiscal,  compris  et  défini  comme 
nous  venons  de  l'indiquer,  comprend  : 

1°  Des  biens  Immeubles:  terres  publiques,  îles,  terrains  mari- 
times et  d'alluvion  ;  terrains  diamantifères  et  concessions  miné- 
rales ;  propriétés  urbaines  et  rurales,  généralement  connues  sous 
le  nom  de  «  Proprios  Nacionaes  »  ; 

~±°  Des  biens  ma/h/rs  :  bibliothèques,  musées  et  laboratoires  ; 
matériel  disponible;  de  l'armée  et  de  la  marine,  armements,  muni- 
tions, chevaux,  navires,  etc.  ;  mobilier  des  administrations  publi- 
ques ;  fonds  existants  dans  les  caisses  de  l'Etat;  titres  de  la  dette 
active,  provenant  d'emprunts  faits  aux  Républiques  de  l'Uraguav 


LES    FINANCES  319 

et  du  Paraguay  et  à  des  Compagnies  particulières;  actions  des 
Chemins  de  fer  de  Bahia  et  de  Pernambuco  et  de  la  Compagnie 
«  Pastoril  et  [ndusirial,  »  etc.  ; 

3°  Certaines  industries  ou  services  industriels  de  VEtaty  dont 
les  uns  constituent  pour  lui  un  monopole,  comme  la  frappe  de  la 
monnaie,  Les  postes,  la  fabrication  de  la  poudre,  la  concession  de 
robinets  d'eau  potable  dans  la  ville  de  Rio-de- Janeiro,  les  établis- 
sement^ d'enseignement  supérieur1,  la  vente  du  bois-de-Brésil 
(monopole  abandonné  aujourd'hui]  ;  et  dont  les  autres  ne  forment 
pas  un  monopole,  tels  que  ceux-ci  :  les  ateliers  et  fabriques 
établis  dans  les  arsenaux  et  ailleurs;  les  télégraphes;  les 
chemins  de  fer  ;  la  fabrique  de  fer  d'Ipanéma  ;  l'Imprimerie 
Nationale  ;  divers  établissements  agricoles,  institués  sous  le  nom 
de  colonies  ou  d'instituts  agricoles2;  certaines  institutions  de 
crédit  ou  de  banque,  telles  que  les  Caisses  d'Epargne  et  les 
Monts-de-piété3. 

a.  Des  biens  immeubles.  —  Dès  les  premiers  temps  de  l'indé- 
pendance du  Brésil  ont  paru  divers  ordres  et  arrêtés  destinés  à 
définir  les  biens  immeubles  du  Domaine  privé  de  l'Etat.  Mais 
depuis  bientôt  soixante-dix  ans  qu'on  en  parle,  on  n'est  pas  encore 
parvenu  à  en  connaître  la  valeur  d'une  manière  exacte. 

Cependant,  tout  le  monde  sait  que  l'Etat  possède  de  très-vastes 
étendues  de  terres  de  première  qualité,  dont  la  plupart  sont 
encore  inoccupées  ou  peu  peuplées,  et  qu'il  en  a  dans  toutes  les 
provinces  de  l'empire.  Pour  régler  ce  service,  il  y  a  trente  ans 
que  l'Etat  possède  une  administration  spéciale  (l'Inspection  des 
terres  et  de  la  colonisation),  et  il  ne  se  passe  pas  d'année  sans 
que  l'on  nomme  des  commissions  techniques  pour  démarquer  et 
délimiter  ces  terres. 

La  plupart  de  ces  terres  sont  couvertes  d'immenses  forêts  où 
abondent  les  bois  précieux  ;  d'autres  renferment  des  carrières 
importantes,  etc.  Dans  bien  des  endroits,  elles  sont  coupées  par 
des  ccurs  d'eau  navigables,  et  chacune  de  ces  circonstances  en 
augmente  la  valeur.  Selon  la  loi  du  18  septembre  1850,  les  terres 
publiques  inoccupées  peuvent  être  vendues  aux  enchères  ou  de 

1.  Les  conditions  que  la  loi  impose  aux  particuliers  qui  voudraient  fonder 
des  Facultés  sont  telles  que,  dans  la  pratique,  l'Etat  jouit  d'un  véritable 
monopole.  Seul  d'ailleurs  il  dispose  de  la  collation  des  grades. 

2.  Voir,  à  ce  sujet,  le  chapitre  relatif  aux  Institutions  agricoles. 

3.  Comme  sources  de  recettes,  les  caisses  d'épargne  seront  étudiées  lorsque 
nous  parlerons  du  Crédit  Public. 


LE     BRÉSIL     EN     1889. 

gré  à  gré.  Dans  ce  dernier  cas,  le  prix  ne  pourra  pas  être  infé- 
rieur à  1  -  réal  par  brasse  carrée.  La  loi  autorise  aussi  le  gouver- 
nement à  les  concéder  à  titre  gratuit  :  quand  elles  sont  situées 
sur  les  frontières  de  l'empire  avec  les  pays  étrangers,  dans  une 
zone  de  dix  Lieues;  quand  elles  sont  destinées  à  des  colonies,  à 
des  chemins  de  fer,  à  la  fondation  de  centres  de  population  et  à 
(I  is  établissements  d'utilité  générale.  Le  gouvernement  s'est 
toujours  montré  très-libéral  dans  l'application  de  cette  loi, 
surtout  quand  les  concessions  avaient  pour  but  rétablissement 
d'immigrants  ou  d'industries  nouvelles.  11  y  a  même  des  sociétés 
dont  le  capital  a  été  réalisé  immédiatement  à  cause  de  ces  avan- 
tages accordés  par  l'Etat  gratuitement,  en  leur  donnent  d'im- 
menses étendues  de  terres. 

Outre  ces  terres  publiques,  l'Etat  possède  un  grand  nombre 
d'Iles  de  diverse  étendue.  Les  unes  renferment  des  gisements 
précieux  ;  les  autres  sont  situées  tout  près  des  côtes  ;  d'autres 
encore  se  trouvent  au  milieu  de  grands  cours  d'eau  navigables. 
Rien  que  dans  l'Amazonie  on  en  compte  un  nombre  considérable 
el  d'une  étendue  assez  vaste.  Quelques-unes  de  ces  îles,  l'Etat  les 
emploie  pour  divers  services.  C'est  ainsi  que  celle  de  Fernando- 
de-Noronha  sert  de  prison  pour  les  galériens  et  les  contreban- 
diers. Dans  d'autres,  il  a  installlé  des  établissements  spéciaux. 
Mais  la  plupart  de  ces  îles  ne  sont  pas  encore  utilisées;  elles 
demeurent  inoccupées  ou  sont  occupées  illégalement  par  des 
intrus. 

A  l'heure  actuelle,  au  moment  où  le  gouvernement  cherche 
par  tous  les  moyens  à  développer  le  courant  d'émigration  vers  le 
Brésil,  il  devient  urgent  de  procéder  à  une  refonte  des  lois  rela- 
tives aux  terres  du  domaine  de  l'Etat,  et  le  gouvernement  s'en 
occupe  activement.  Il  sait  qu'il  y  trouvera  de  nouvelles  terres  à 
concéder  aux  immigrants  et  de  nouvelles  sources  de  recettes 
pour  le  Trésor  public. 

Les  recettes  provenant  de  la  vente  des  terres  publiques  pen- 
dant les  dix  années  écoulées  de  1877  à  1887  ont  été  de  802 
nui/os1,  donnant  une  moyenne  annuelle-  de  plus  de  80  contos. 

On  appelle  «  Marinhas  »,  terrains  de  marine  ou  maritimes,  les 
terrains  qui  sont  baignés  par  les  eaux  de  la  mer  ou  des  cours 


1.  Le  conto  de  réis  vaut,  en  moyenne,  présentement,  2.860  francs. 

2.  Désormais   nous   indiquerons   la   moyenne  annuelle  par  ces   Bimplea 

lettres  :   m.  a. 


FINANCES.  321 

d'eau  navigables  et  s'étendent  jusqu'à  la  distance  de  33  mètres 
(15  brasses  craveiras)  vers  le  côté  de  la  terre,  en  les  comptant  du 
point  auquel  arrive  la  marée  moyenne.  Ces  terrains  sont  destinés 
en  grande  partie  à  des  servitudes  publiques,  et,  dans  ce  cas,  ils 
font  partie  du  domaine  public  proprement  dit.  Cependant,  la  loi 
permet  de  les  concéder  à  des  particuliers  à  titre  de  fermage  per- 
pétuel, et  cela  se  pratique  couramment,  de  sorte  qu'on  peut  les 
regarde!-,  également,  comme  des  biens  du  Domaine  Fiscal.  La 
taxe  de  fermage  au  canon  est  de  2  i/2  pour  cent  de  la  valeur  du 
terrain,  à  moins  de  dispositions  exceptionnelles  différentes. 

Les  terrains  abandonnés  par  la  mer,  appelés  terrains  d'allu- 
vion,  ceux  conquis  sur  la  mer  d'une  manière  naturelle  ou  artifi- 
cielle, et  les  terrains  inondés  à  proximité  des  endroits  habités,  et 
appartenant  à  l'État,  peuvent  également  être  affermés  sous  les 
mêmes  conditions. 

Le  canon  emphytéotique  ou  taxe  de  loyer  perçue  par  l'État 
sur  tous  ces  terrains  et  d'autres  semblables  constitue  une  partie 
spéciale  des  recettes,  quoiqu'elle  soit  insignifiante.  Pendant  les 
dix  années  de  1877  à  1887,  ces  recettes  n'ont  été  que  de  141  contos, 
m.  a.  14  contos.  A  partir  de  Tannée  1888,  ces  revenus  sont 
devenus  des  revenus  municipaux.  Dans  un  pays  où  il  y  a 
1.300  lieues  de  côte  maritime,  renfermant  de  grandes  baies  et  de 
vastes  anses,  dans  lesquelles  se  déversent  de  nombreux  fleuves, 
possédant  des  fleuves  où  la  marée  se  fait  sentir  à  des  centaines 
de  kilomètres  de  leur  embouchure,  les  terrains  de  cette  espèce 
sont  fort  étendus.  Peu  à  peu  ils  deviendront  très-précieux,  et  dès 
aujourd'hui  ceux  qui  sont  situés  à  proximité  des  ports  de  mer 
ont  acquis  une  grande  valeur. 

Les  terrains  diamantifères  appartiennent  au  domaine  de  l'État. 
Dès  qu'ils  sont  déclarés  tels  après  examen  sur  place,  le  proprié- 
taire du  sol  voit  son  domaine  limité,  bien  qu'il  ait  la  préférence 
pour  l'exploiter.  Jadis  l'exploitation  et  le  commerce  des  diamants 
était  un  monopole  exclusif  de  l'Etat.  Jusqu'en  1832,  nous  avions 
une  «  Junta  da  Administraçâo  do  Tejuco  »,  chargée  de  ce  service. 
Aujourd'hui  ces  terrains  sont  peu  exploités,  et  les  recettes  des 
terrains  diamantifères  n'ont  été,  de  1877  à  1887,  que  de  173 
contos,  m.  a.  17  contos.  Outre  le  canon  perçu  par  l'État,  il  est  perçu 
un  droit  dans  le  cas  d'aliénation  de  la  part  de  l'emphytéote.  Ce 
droit  a  rapporté  à  la  recette  de  l'État,  de  1877  à  1887,  226  contos^ 
m.  a.  plus  de  22  contos  et  demi. 

On  considère  aussi  comme  propriétés  de  l'État  les  terrains 

21 


322  LE     BRÉSIL     EN     1880. 

miniers  à  métaux  précieux.  Le  gouvernement  en  donne  la  conces- 
sion par  étendues  de  141.750  brasses  ou  686.070  mètres  carrés, 
ocessionnaire  paye  une  taxe  fixe  de  3  réis  par  brasse  carrée 
(4mï,84),  payée  tous  les  ans,  et  une   taxe  proportionnelle  de  2 

pour  100  du  revenu  net  de  la  mine.  Comme  les  recettes  prove- 
nait de  ces  terrains  figurent  dans  le  Budget,  au  chapitre  des 
«  impôts  sur  concessions  minières  »,  nous  en  parlerons  au  cha- 
pitre  (1rs  Impôts.  D'ailleurs,  les  recettes  provenant  de  cette 
source  sont  peu  importantes.  Le  Brésil  renferme  des  richesses 
minières  qui  ont  été  exploitées  au  temps  du  domaine  colonial.  De 
nos  jours,  il  a  préféré  demander  sa  prospérité  à  la  culture  de 
son  sol  fécond  plutôt  qu'à  l'exploitation  de  son  sous-sol,  et  en 
cela  il  a  agi  prudemment.  Lorsqu'il  sera  plus  peuplé,  il  pourra 
commencer  l'exploitation  régulière  de  ses  vastes  richesses  mi- 
nières. 

Sous  le  nom  de  «  Proprios  nacionaes  »,  on  désigne  des  immeu- 
bles, urbains  ou  ruraux,  et  des  portions  de  terrains,  situés  sur 
différents  points  du  pays,  que  L'Etat  a  acquis  par  des  lois  ou  en 
vertu  de  contrats.  La  plupart  des  propriétés  urbaines  de  l'État 
sont  utilisées  pour  des  services  publics.  Si  elles  ne  constituent 
pas  une,  recette  directe,  du  moins  épargnent-elles  à  L'Etat  des 
dépenses  qu'il  devrait  supporter  s*il  ne  les  possédait  pas.  Le 
nombre  des  «  Proprios  nacionaes  »  relevé  par  le  Ministère  des 
Finances  dans  son  dernier  Rapport  aux  Chambres  est  de  plus  de 
300,  dont  quelques-uns  d'une  grande  valeur,  et  il  est  certain 
que  ce  relevé  ne  les  mentionne  pas  tous.  D'après  le  tableau 
numéro  38  annexé  au  Rapport  dont  nous  venons  de  parler,  la 
valeur  localive  des  propriétés  de  l'Etat  situées  seulement  dans  la 
capitale  de  l'Empire  s'est  élevée  pendant  l'exercice  188G-87  à  la 
somme  de  -4.166  contos!  —  L'Etat  possède  encore,  dans  différentes 
provinces,  et  spécialement  dans  celles  de  l'Amazone,  de  Para  et 
de  Piauby,  plus  de  60  fermes  à  bétail,  qu'il  a  affermées,  et  dont 
le  Trésor  ne  retire  pas  tout  le  profit  désirable.  Aussi,  le  gouver- 
nement cherche-t-il  à  s'en  défaire.  —  Les  recettes  provenant 
des  «  Proprios  nacionaes  »  ont  été,  de  1877  à  1887,  de  1.249 
contas,  m.  a.  12i  contas. 

Si  nous  additionnons  cette  recette  avec  celles  des  autres  biens 
immeubles  dont  nous  venons  de  parler,  nous  avons  un  total  de 
2.593  contos  pour  les  dix  années  de  1877  à  1887,  et  la  m.  a.  de 
259  contos.  En  comparant  cette  moyenne  à  la  recette  de  la  môme 
source  pendant  l'exercice  1877-78,  recette  qui  a  été  de  228  contosy 


FINANCES.  323 

nous  remarquons  une  augmentation  de  31  contos  à  peine.  Mais  il 
est  facile  de  constater  également  que,  le  jour  où  l'État  voudra 
prendre  des  mesures  énergiques  au  sujet  de  ses  biens  immeubles, 
il  y  trouvera  une  nouvelle  source  de  revenus. 

b.  Des  biens  meubles.  —  Sous  ce  titre  nous  avons  classé  un 
certain  nombre  de  biens  qui  ne  donnent  pas  à  l'Etat  un  revenu 
positif.  Mais  ils  représentent  une  somme  considérable  et  lui 
épargnent  des  dépenses  nécessaires  qu'il  devrait  solder  forcément 
s'il  ne  les  avait  pas.  D'ailleurs,  il  ne  s'écoule  pas  un  seul  exercice 
financier  sans  qu'on  voit  figurer  au  Budget,  sous  la  rubrique  des 
recettes  extraordinaires  ou  éventuelles,  quelques  revenus  prove- 
nant de  ces  Biens.  C'est  à  ce  titre  que  nous  en  parlons. 

Les  revenus  de  cette  provenance  se  sont  élevés  de  1877  à  1887 
à  5.824  contos,  m.  a.  582  contos.  A  ces  revenus  il  faut  ajouter 
encore  1.442  contos  d'intérêts  des  actions  des  chemins  de  fer  de 
Bahia  et  de  Pernambuco  que  l'Etat  possède.  Le  total  s'élèvera 
ainsi,  pour  les  dix  ans,  à  7.267  contos,  m.  a.  726  contos.Ce  second 
total  n'est  pas  encore  complet.  En  effet,  l'État  perçoit,  en  outre, 
des  intérêts  de  capitaux  nationaux,  représentés  non  seulement 
par  des  actions  de  la  Compagnie  «  Pastoril  e  Industrial  »,  mais 
encore  de  prêts  qu'il  a  faits,  etc.  Ces  revenus  ne  figurent  pas  au 
Budget  sous  des  titres  distincts.  Ils  sont  mentionnés  pêle-mêle 
sous  la  rubrique  :  revenus  extraordinaires,  éventuels  ou  non 
classés.  Aussi  ne  pouvons-nous  pas  les  distinguer  ici  non  plus. 

En  additionnant  les  revenus  des  Biens  meubles  et  immeubles, 
nous  obtenons  pour  la  dernière  période  de  dix  ans,  un  total  de 
9.860  contos,  soit  une  m.  a.  de  986  contos. 

c.  De  certaines  industries  ou  services  industriels  de  l'État.  — 
Nous  avons  déjà  fait  connaître  les  services  qui  forment  et  ceux 
qui  ne  forment  pas  un  monopole  de  l'État.  Il  nous  reste  à  en  faire 
connaître  les  revenus  de  1877  à  1887  : 

Parlons  d'abord  des  revenus  des  industries  qui  forment  un 
monopole  : 

Hôtel  de  la  Monnaie.. .              188  contos.  m.  a.  18  contos. 

Postes 15.093      —        —  1.509      — 

Poudres 4.373      —        —  437      — 

Établissements  d'ensei- 
gnement supérieur..           3.086      —        —  308      — 


324  LE     BRÉSIL     EN     1889. 

Formant  un  total,  avec  les  fractions  que  nous  avons  négligées, 
de  22.73:2  contos  pendant  dix  ans,  m.  a.  2.275  contos. 

Les  industries  qui  ne  constituent  pas  un  monopole  de  l'État 
ont  donne  les  revenus  suivants  pendant  les  dix  dernières 
années  : 

Ateliers  nationaux  l. . ..  608  conlos.  m.  a.  Go  contos. 

Télégraphes 6.337  —  —  G33  — 

Chemins  de  fer 117. 0G7  —  —         11.706  — 

Fabrique  de  fer 399  —  —  39  — 

Imprimerie  nationale. . .  2.564  —  —  25G  — 
Établissements    d'ensei- 
gnement secondaire  et 

professionnel2 611  —  —  Gl  — 

Formant  un  total  (avec  les  fractions  que  nous  avons  négligées) 
de  127.639  contos  en  dix  ans,  m.  a.  12.763  contos. 

Si  nous  réunissons  les  revenus  des  industries  qui  forment  un 
monopole  à  ceux  des  industries  qui  n'en  forment  pas  un,  nous 
aurons  un  total  de  plus  de  150.000  contos,  et  une  m.  a.  de  plus  de 
15.000  contos.  Si  nous  y  ajoutons  les  9.860  contos  provenant  des 
Biens  meubles  et  immeubles,  nous  avons  le  revenu  total  de  l'État 
provenant  du  domaine  fiscal  de  l'État,  Il  s'élève,  de  1877  à  1887, 
à  160.252  contos,  m.  a.  16.025  contos. 

Or,  ce  revenu  a  été,  pendant  l'exercice  financier  de  1877-78, 
de  16.773  contos.  Non  seulement  il  n'a  pas  augmenté  depuis  dix 
ans,  mais  encore  il  a  diminué  de  748  contos.  Cependant,  comme 
les  recettes  de  l'Etat  ont  augmenté  depuis  dix  ans,  il  est  clair 
que  l'augmentation  constatée  n'est  pas  duc  aux  revenus  du 
Domaine  Fiscal  de  l'État,  mais  bien  à  d'autres  sources  de  reve- 
nue, c'est-à-dire  aux  Impôts  et  au  Crédit  Public. 

Nous  avons  mentionné  également  les  Colonies  et  les  Instituts 
agricoles,  de  même  que  les  Caisses  d'Épargne,  parmi  les  services 
industriels  de  l'Etat.  Leurs  revenus  ne  figurent  pas  sous  une 
rubrique  distincte  dans  le  Budget  brésilien. 

Lorsque  nous  aurons  à  parler  des  Dépenses  de  l'État,  nous 
dirons  quelques  mots  des  Colonies.  Pour  le  moment,  bornons- 

1.  Ateliers  des  arsenaux,  de  la  prison  correctionnelle,  lithographie  mili- 
taire, etc. 

2.  Collège  [mpéria]  de  Dulu  Pedro  II,  Institut  des  aveugles  et  sourds- 
muets  de  llio-de-Janeiro,  etc. 


FINANCES.  325 

nous  à  dire  que  les  centres  coloniaux  relevant  de  VEtat  ne  lui  four- 
nissent aucune  ressource  financière.  Ils  ne  sont  que  des  moyens, 
et  des  moyens  puissants,  de  développer  le  progrès  économique 
du  pays.  La  loi  dispose  que  les  revenus  de  chaque  centre  colonial 
d'immigrants  fondé  par  l'Etat  se  composent  :  1°  des  sommes  que 
Le  gouvernement  fournit  pour  son  entretien;  2°  du  produit  des 
lots  de  terres  vendus  aux  immigrants;  3°  des  avances  faites  aux 
immigrants,  etc..  etc.  Dans  chaque  centre  colonial,  il  y  a  une 
Chambre  Coloniale  (Junta)  qui  décide  de  l'application  des  revenus; 
mais  ceux-ci  ne  peuvent  être  employés  qu'aux  fins  suivantes  : 
1°  Construction,  réparation,  etc.,  des  immeubles  destinés  au 
culte,  à  l'instruction,  à  l'administration,  aux  routes  et  ponts;  2° 
Ouverture  de  chemins  coloniaux,  construction  de  ponts  provi- 
soires et  passerelles,  arpentage  des  lots,  maisonnettes  provi- 
soires, etc.,  secours  et  avances  aux  immigrants;  3°  Acquisition 
d'animaux  de  race,  de  plants,  graines  et  semences,  essais  de 
nouvelles  cultures,  etc. 

Quant  aux  Caisses  d'Epargne  (Caixas  Économicas),  l'État  s'en 
occupe  depuis  plusieurs  années,  et  il  cherche  à  les  développer  de 
plus  en  plus.  Il  a  aussi  établi  des  Monls-de-Piété  (Montes  de 
Soccorro)  dans  les  villes  de  Rio-de-Janeiro,  Bahia  et  Récife,  trois 
en  tout.  Le  public  n'en  a  pas  encore  compris  toute  l'importance, 
quoique  le  gouvernement  ait  tout  fait  pour  améliorer  cette  insti- 
tution. 

En  1882,  M.  le  baron  de  Paranapiacaba,  vice-président  actuel 
du  Tribunal  du  Trésor  national,  l'un  des  plus  éminents  financiers 
de  notre  pays,  a  présenté  un  Rapport  remarquable  sur  les  Caisses 
d'Epargne. 

Les  sommes  nettes  de  ces  établissements  sont  recueillies  dans 
les  caisses  de  l'État  ;  elles  y  perçoivent  un  intérêt  de  4  1/2  pour 
100,  sont  capitalisées  tous  les  six  mois.  Ces  dépôts  nets  sont 
appliqués  aux  dépenses  publiques,  de  sorte  que  ces  Caisses 
fournissent  une  recette,  quoique  temporaire.  Elles  figurent  dans 
le  Budget  sous  la  rubrique  :  recette  extraordinaire. 

La  somme  totale  des  versements  dans  les  Caisses  d'Épargne,  de 
1876-77  à  1886-87,  a  été  de  77.279  contos,  et  celui  des  rembourse- 
ments a  été  de  63.293  contos  pendant  la  même  période,  de  sorte 
que  le  solde  en  caisse  a  été  de  13.975  contos. 

Le  mouvement  des  trois  «  Montes  de  Soccorro  »  a  été,  pen- 
dant la  même  période  décennale,  de  1.206  contos  à  l'entrée,  1.143 
contos  à  la  sortie,  laissant  un  solde  en  caisse  de  61  contos. 


32G  LE     BRESIL     EN     18S9. 

II.  Impôts.  —  Nous  ne  nous  occuperons  ici  que  des  impôts 
perçus  par  VÉtal  ou  pour  son  compte,  sans  nous  occuper  des 
impôts  provinciaux  et  municipaux.  Tout  le  système  des  impôts 
généraux  ou  de  l'Etat  rentre  dans  l'une  des  trois  catégories  sui- 
vantes :  impôts  sur  la  possession  de  la  richesse  foncière  et  sur  la 
production,  dont  les  uns  grèvent  la  propriété  foncière  et  sa  jouis- 
sance, et  dont  les  autres  frappent  les  profits  industriels  et  le 
revenuou  les  revenus  en  général  ;  impôts  sur  la  circulation,  maté- 
rielle ou  immatérielle  ;  impôts  sur  la  consommation.  —  Dans  cette 
classification,  qui  est  analogue  à  celle  adoptée  par  M.  de  Parieu 
dans  son  Traité  des  Impôts,  nous  n'avons  pas  mentionné  une 
quatrième  espèce  d'impôts  dont  il  parle  :  l'impôt  sur  les  per- 
sonnes ou  impôt  de  capitation.  En  effet,  nous  n'avons  pas  au 
Brésil,  de  contribution  de  ce  genre,  au  moins  avec  un  caractère 
spécial  et  distinct. 

En  18G7,  alors  que  le  Brésil  était  obligé  de  faire  face  aux  dé- 
penses extraordinaires  de  la  guerre  du  Paraguay,  on  créa  un 
impôt  personnel,  qui  rentrait  jusqu'à  un  certain  point  dans  la 
catégorie  des  impôts  de  capitation  graduée.  Mais  cette  contribu- 
tion se  trouve  abolie  chez  nous. 

a.  Impôts  sur  la  richesse  foncière  et  sur  la  production.  —  La 
propriété  foncière  est  soumise,  on  le  sait,  dans  différents  pays  à 
deux  sortes  de  contributions  bien  distinctes  :  l'impôt  sur  la  pro- 
priété rurale  ou  sur  les  terres  cultivées,  et  l'impôt  sur  la  propriété 
urbaine,  en  y  comprenant  les  habitations  de  plaisance  et  d  autres 
immeubles  analogues.  C'est  ainsi  que  Ton  a  en  France  l'impôt 
foncier,  en  Italie  l'impôt  sur  les  terrains,  en  Angleterre  la  land- 
tax,  etc.,  appartenant  à  la  première  catégorie  ,  et  l'impôt  de 
portes  et  fenêtres,  en  France,  l'impôt  sui  fabbricati  en  Italie,  etc., 
appartenant  à  la  seconde  catégorie.  —  Le  premier  de  ces  impôts, 
Y  impôt  territorial  proprement  dit,  n'existe  pas  au  Brésil.  Il  ne 
s'écoulera  pas  longtemps  sans  doute  sans  qu'il  soit  adopté  parmi 
nous.  Dès  1833,  il  a  été  étudié  parmi  nous,  et  il  semble  à  la  veille 
d'être  adopté.  Quant  à  la  seconde  espèce  d'impôt  foncier,  l'impôt 
sur  la  propriété  bâtie,  frappant  les  immeubles  situés  dans  une 
certaine  zone  urbaine,  nous  l'avons  depuis  de  longues  années 
chez  nous.  Autrefois,  il  y  était  connu  sous  le  nom  de  décima 
urbana.  On  l'appelle-  maintenant  imposto  predial. 

Si  l'on  parcourt  les  législations  fiscales  des  grands  États  et  si 
Ton  consulte  les  meilleurs  auteurs,  on  arrive  à  cette  conclusion: 


FINANCES.  327 

l'impôt  prtdial&u  Brésil  est  l'un  des  plus  corrects  et  des  plus 
logiques.  Il  ne  frappe  que  la  valeur  locatiue  des  immeubles,  et  si 
Le  gouvernement  employait  des  moyens  de  contrôle  plus  sévères, 
cet  impôt  pourrait  rapporter  sans  doute  un  tiers  de  plus  au  Trésor. 
La  recette  provenant  de  cet  impôt  s'est  élevée,  de  1877  à  1887, 
à  33.429  contos,  m.  a.  3.342  conlos. 

La  seconde  espèce  de  contributions  de  cette  catégorie  grève  les 
profits  industriels,  et  prend  chez  nous  le  nom  d'impôt  sur  les 
industries  et  professions.  Il  ressemble  assez  à  l'impôt  des  patentes 
qui  existe  en  France.  Il  date  des  temps  coloniaux,  quoiqu'il  ait 
pris  diverses  formes.  Cet  impôt  se  compose  de  taxes  fixes  et  de 
taxes  proportionnelles. 

Les  taxes  fixes  ont  pour  base  la  nature  et  la  classe  des  in- 
dustries et  professions,  l'importance  commerciale  des  endroits  où 
elles  sont  exercées,  et  aussi,  lorsqu'il  s'agit  d'établissements 
industriels,  le  nombre  des  ouvriers,  l'importance  des  machines, 
etc.  Les  taxes  proportionnelles  ont  pour  base  la  valeur  locative 
du  local  où  l'imposé  exerce  son  industrie  ou  sa  profession.  Quel- 
ques industries  et  quelques  professions  sont  soumises  aux  deux 
taxes. 

On  perçoit  encore  au  Brésil  d'autres  impôts  d'une  nature  iden- 
tique à  l'impôt  sur  les  industries  et  les  professions.  Ce  sont  : 
l'impôt  sur  les  subsides  et  appointements  des  fonctionnaires  pu- 
blics (ce  n'est  pas  un  impôt  ordinaire)  ;  l'impôt  sur  les  brevets 
d'invention  ;  l'impôt  sur  les  concessions  minières,  dont  nous  avons 
parlé  précédemment. 

Nous  n'avons  pas  au  Brésil  Y  impôt  sur  le  revenu,  et,  quand  on 
considère  que  le  pays  a  besoin  d'accumuler  des  capitaux  suffi- 
sants pour  parfaire  son  outillage,  on  ne  peut  que  louer  les  légis- 
lateurs de  n'avoir  pas  songé  à  cette  source  de  recettes. 

Pendant  les  dix  années  écoulées  de  1877  à  1887,  les  divers 
impôts  dont  nous  venons  de  parler  ont  produit  les  recettes  sui- 
vantes : 

Impôt  sur  les  industries  et  professions  . .  37.058  contos. 

Impôt  sur  les  subsides  et  appointements.  5.674       » 

Impôt  sur  les  brevets  d'invention 15       » 

Impôt  sur  les  concessions  minières 2       » 

Formant  un  total,  avec  les  fractions  que  nous  avons  négligées, 
de  près  de  42.741  contos,  soit  une  m.  a.  de  4.274  cantos. 


32S  LE     BRÉSIL     EN      1889. 

b.  Impôts  sur  la  circulation.  —  Dans  cette  seconde  catégorie 
sont  compris  tous  les  impôts  qui  grèvent  la  richesse  proprement 
dite,  non  seulement  dans  sa  circulation  matérielle,  quand  elle 
apparaît  sous  la  forme  de  transports,  trcmsmissions,  etc.,  mais 
aussi  dans  sa  propre  circulation  immatérielle,  lorsqu'elle  ail'ecte 
'la  forme  de  transfert  de  droits,  jouissance,  usage,  etc.  Ces 
impôts,  qui  existent  aujourd'hui  à  peu  près  dans  tous  les  pays 
civilisés,  sont  :  l'impôt  du  timbre,  de  la  transmission  des  proprié- 
tés, de  transport,  d'enregistrement,  des  douanes  ;  de  même  que  les 
taxes  des  Postes  et  Télégraphes,  si  on  les  considère  comme  impôts. 
Nous  les  avons  classées  autrement,  et  nous  en  avons  déjà 
parlé. 

L'impôt  du  timbre  date  des  temps  coloniaux  ;  il  a  déjà  subi 
plus  d'une  révision  dans  notre  législation  fiscale.  Il  se  divise  en 
impôt  fixe  et  en  impôt  proportionnel,  et  il  s'applique  présente- 
ment à  presque  tous  les  papiers  et  documents  qui  doivent  être 
présentés  à  la  justice  et  à  l'administration  publique.  C'est  un  de 
ceux  qui  donnent  les  plus  beaux  résultats.  Pendant  la  période 
de  1877  à  1887,  il  a  produit  45.500  contos,  soit  la  m.  a.  de 
•4.500  cantos.  Si  on  compare  cette  moyenne  à  celle  de  la  recette 
de  l'exercice  1877-78,  qui  a  produit  3.528  cantos  seulement,  on 
remarque  une  plus  value  de  972  cantos. 

L'impôt  sur  la  transmission  des  propriétés  a  été  établi  au  Brésil 
en  1809.  Il  s'applique  aussi  bien  à  la  transmission  entre  vifs  qu'à 
la  transmission  causa  mortis,  et  il  frappe,  non  seulement  la  valeur 
des  immeubles  transférés,  mais  aussi  les  embarcations  nationales 
ou  étrangères  qu'on  aliène.  Son  rendement  décennal  a  été  de 
40.964  contos,  avec  une  m.  a.  de  4.696  contos.  Si  on  com- 
pare cette  moyenne  au  produit  de  l'exercice  1877-78,  qui  a 
été  de  4.471  contos,  on  remarque  une  petite  augmentation  de 
225  contos. 

S'il  s'agit  d'aliénation  de  biens  du  domaine  utile  de  l'Etat,  on 
perçoit  le  droit  dont  nous  avons  parlé  précédemment. 

L'impôt  sur  le  transport  est  de  date  plus  récente  ;  il  est  perçu 
en  vertu  d'une  loi  en  date  du  31  octobre  1879.  A  ses  débuts,  il 
fut  très  mal  accueilli.  Il  est  payé  par  tous  les  voyageurs  des  che- 
mins de  fer  subventionnés  par  l'Etat,  de  même  que  par  tous  les 
passagers  des  bateaux  à  vapeur  des  Compagnies  subventionnées 
par  l'État.  Depuis  1879-80,  cet  impôt  a  produit  2.934  contos,  soit 
la  m.  a.  de  293  contos. 

Nous  n'avons  pas  au  Brésil  un  bureau  spécial  &  Enregistre- 


FINANCES.  329 

ment  comme  il  y  en  a  dans  quelques  pays  étrangers.  Ce  service 
est  fait  parmi  nous  par  des  officiers  publics  divers  ayant  une 
compétence  relative  et  limitée,  tels  que  les  tabellions  ou  notaires, 
les  officiers  de  l'Enregistrement  hypothécaire,  les  officiers  de  la 
provedoria,  etc.,  qui  perçoivent  à  leur  profit  certaines  taxes, 
fixées  par  la  loi,  en  rétribution  de  leurs  services.  Outre  cela, 
dans  certaines  administrations  de  l'État,  il  y  a  des  fonctionnaires 
chargés  accidentellement  d'enregistrer  certains  documents,  aux- 
quels il  faut  cette  condition  complémentaire  pour  en  constater 
l'authenticité.  Comme  ils  perçoivent,  en  faveur  du  Trésor,  une 
taxe  légale  pour  ces  enregistrements  ou  pour  ces  copies  cer- 
tifiées conforme,  on  pourrait  également  y  voir  une  espèce  de 
taxe  d'enregistrement.  Cette  taxe  a  produit  de  1877  à  1880 
1.007  contos.  Depuis  1880,  elle  est  perçue  comme  taxe  de  timbre. 

Les  droits  de  douane  sont  classés  en  général  au  nombre  des 
impôts  sur  la  consommation,  car  on  a  égard  surtout  au  but  final 
des  marchandises  qui  entrent  dans  un  pays  ou  qui  en  sortent. 
Mais,  comme  ces  impôts  frappent  ces  marchandises  à  leur 
passage  par  les  douanes,  avant  qu'elles  soient  arrivées  sur  le 
marché,  au  moment  où  elles  passent  d'un  pays  à  un  autre,  on 
pourrait  tout  aussi  logiquement  les  considérer  comme  des  impôts 
sur  la  circulation.  Les  droits  sur  l'exportation,  surtout,  consti- 
tuent de  véritables  impôts  sur  la  circulation  des  produits  natio- 
naux, à  tel  point  que  nos  gouvernants  cherchent  à  les  atténuer 
de  plus  en  plus.  Néanmoins,  pour  nous  conformer  à  la  classifi- 
cation généralement  adoptée,  nous  les  rangeons  au  nombre  des 
impôts  sur  la  consommation. 

Le  produit  total  des  impôts  de  cette  seconde  catégorie  a  été, 
de  1877  à  1887,  de  95.906  contos,  avec  une  m.  a.  de  9.590 
contos. 

c.  Impôts  sur  la  consommation.  —  Les  impôts  de  consommation, 
perçus  par  l'État,  qui  figurent  dans  le  budget  sous  des  rubriques 
spéciales  sont  les  suivants  :  l'impôt  de  20  réis  par  litre,  sur  les 
boissons  alcooliques  fabriquées  dans  le  pays  ;  l'impôt  sur  le  bétail, 
perçu  sur  chaque  tête  de  bétail  abattu  pour  la  consommation 
dans  la  capitale,  et  qui  est  de  2.000  réis  sur  les  bœufs,  de  400  réis 
sur  les  porcs,  et  de  200  réis  sur  les  moutons  ;  l'impôt  additionnel 
de  40  pour  100  sur  le  tabac  importé;  l'impôt  appelé  des  pennas 
d'agua  (concessions  d'eau),  que  nous  avons  classé  précédemment 
paroles  services  industriels  de  l'État  ;  les  impôts  d'importation, 


S30  LE     r.RESIL     EN     1880. 

appelés  droits  de  consommation,  et  les   autres  droits  des  douanes. 

Nous  n'avons  presque  rien  à  dire  au  sujet  des  trois  premiers 
impôts  que  nous  venons  d'énumérer.  Celui  sur  les  boissons 
alcooliques  ne  ligure  pas  parmi  les  recettes  de  la  période  décen- 
nale de  1877  à  1887  ;  il  a  été  créé  postérieurement.  Celui  sur  le 
bétail  a  produit  pendant  la  dernière  période  décennale  2.445 
contos,  soit  la  m.  a.  de  244  contos  et  demi.  Celui  sur  le  tabac  fait 
partie  des  revenus  des  douanes  qui  rencaissent. 

Quant  aux  concessions  d'eau,  c'est  une  taxe  obligatoire  dans  la 
ville  de  Rio-de  Janeiro.  Envisagée  comme  impôt,  elle  semble  être 
une  contribution  directe  qui  frappe  le  propriétaire  de  l'immeuble 
et  qui  en  est  exigée  en  récompense  d'un  service  rendu.  Elle  n'en 
opère  pas  moins  comme  un  impôt  sur  la  consommation,  grevant, 
d'ailleurs,  une  substance  de  première  nécessité.  On  peut  objecter 
que  cette  taxe  fait  partie  intégrante  aujourd'hui  de  l'impôt  sur 
les  immeubles  (imposto  predial)  ;  qu'elle  est  payée  par  le  pro- 
priétaire, et  qu'il  serait  illogique,  par  conséquent,  de  la  classer 
au  nombre  des  impôts  sur  la  consommation  Ce  n'est  là  qu'une 
fiction.  En  réalité,  cette  taxe  est  payée  par  le  locataire,  c'est-à- 
dire  par  le  consommateur,  car  le  propriétaire  a  soin  de  relever 
le  prix  du  loyer  en  conséquence.  Il  s'agit  donc  bien  d'un  impôt 
sur  la  consommation. 

Passons  aux  droits  d'importation.  Sans  entrer  ici  dans  une 
discussion  oiseuse  au  sujet  des  avantages  ou  des  inconvénients 
du  protectionnisme  ou  du  libre-échange,  disons  tout  d'abord 
qu'au  Brésil  jamais  aucun  gouvernement  n'a  eu  le  propos  déli- 
béré d'adopter  systématiquement  l'une  ou  l'autre  de  ces  mé- 
thodes financières.  Nos  hommes  d'État  n'ont  jamais  eu  en  vue 
que  les  intérêts  fiscaux  du  pays,  et  la  plupart  du  temps  ils  se  sont 
montrés  libéraux  et  n'ont  procédé  à  des  réformes  sur  cette  ma- 
tière qu'avec  les  plus  grands  ménagements. 

En  1808,  alors  que  le  Brésil  faisait  partie  des  domaines  de 
la  couronne  de  Portugal,  ses  ports  furent  ouverts  au  commerce 
étranger.  On  établit  alors  un  droit  d'importation  de  24  pour  101) 
sur  la  valeur  de  toutes  les  marchandises  introduites  dans  le 
pays.  Le  prince-régent  Dom  Jean  (qui  fut  plus  tard  le  roi  Dom 
Jean  VI  de  Portugal)  expliquait  ainsi  sa  conduite  :  «  Ma  résolution 
souveraine  est  basée  sur  un  grand  et  libéral  système  d'économie 
politique.  » 

En  1822,  le  Brésil  devint  indépendant.  Néanmoins,  ce  droit 
subsista,   quoiqu'il   fût    diminué.   Les  choses  continuèrent  ainsi 


FINANCES.  331 

jusqu'en  1828.  Cette  année-là,  on  promulgua  la  loi  du  24  sep- 
tembre qui  rendit  uniformes  les  droits  d'importation,  les  fixant 
à  15  pour  100  à  peine,  pour  toutes  les  marchandises  de  prove- 
nance étrangère. 

Depuis  lors,  nos  tarifs  de  douane  ont  subi  plusieurs  révi- 
sions, selon  le  développement  industriel  du  pays,  selon  les  cir- 
constances financières  et  selon  ses  relations  avec  le  commerce 
extérieur.  Le  tarif  en  vigueur  actuellement  classe  les  marchan- 
dises en  36  classes,  qui  comprennent  1.104  articles.  Les  droits 
perçus  sur  la  valeur  de  ces  articles  d'importation  sont  de  60,  50, 
48,  30,  20,  10,  5  et  2  pour  100,  selon  leur  espèce  et  leur  qualité. 
Si  l'on  compare  ce  tarifa  celui  d'autres  grands  États,  et  spécia- 
lement à  celui  de  la  France,  on  constate  que,  le  plus  souvent, 
c'est  le  tarif  du  Brésil  qui  est  le  plus  libéral. 

On  peut  aussi  classer  au  nombre  des  droits  d'importation 
certaines  autres  taxes,  telles  que  celles  d'expediente  des  marchan- 
dises exemptes  de  droits,  des  magasinage,  de  despacho  mari- 
time, comprenant  les  contributions  des  phares  et  des  docks,  etc. 

Certains  produits  nationaux  sont  assujettis  à  des  droits  d'expor- 
tation, et  les  douanes  perçoivent  sur  leur  valeur  des  droits  de  9, 
7,  5,  2  1/2,  1  1/2  et  1  0/0,  selon  le  cas. 

Le  produit  des  impôts  des  douanes  que  nous  venons  d'énu- 
mérer,  pendant  la  dernière  période  décennale,  se  répartit  comme 
il  suit  : 

Impôts  d'Importation...  690.074  contos.  m.  a.  69.007  contos. 
Impôts  de  Despacho  mari- 

timo 3.526      —        —            352      — 

Impôts  d'Exportation...  175.058      —        —      17.505      

Formant,  avec  les  fractions  que  nous  avons  omises,  un  total  de 
plus  de  868.659  contos,  soit  la  m.  a.  de  près  de  86.866  contos.  Cette 
moyenne  forme  plus  de  la  moitié  de  toute  la  recette  annuelle  de 
l'Etat.  C'est,  en  effet,  à  ses  impôts  de  douane,  et  surtout  aux 
impôts  d'importation,  que  le  Brésil  demande  la  plus  grande 
partie  de  ses  revenus  ordinaires. 

Si  l'on  compare  cette  moyenne  de  86.866  contos  au  produit  du 
premier  exercice  financier  de  notre  période  décennale,  c'est-à- 
dire  au  produit  de  l'année  1877-78,  qui  a  été  de  73.343  contos,  on 
constate  une  plus-value  de  13.522  contos.  Si  on  compare  cette 
même  moyenne  de  86.866  contos  au  produit  du  dernier  exercice 


332  LE     BRÉSIL     EN     1889. 

de  notre  période  décennale,  c'est-à-dire  au  produit  de  Tannée 
1886-87,  qui  a  été  de  99.774  contos,  on  constate  une  moins-vaine 
de  12.908  contos.  Ces  deux  chiffres  comparatifs  font  voir  claire- 
ment que  cette  source  de  recettes  prend  un  essor  admirable  dans 
le  pays,  et  croit  progressivement  tous  les  ans. 

Si  l'on  ajoute  à  ce  total  de  8G8.G59  contos,  provenant  des 
impôts  des  douanes,  le  produit  de  l'impôt  sur  le  bétail,  qui  a  été 
de  2.445  contos,  on  a  un  total  de  871.105  contos,  avec  les  fractions 
omises.  En  récapitulant  les  recettes  des  trois  catégories,  nous 
avons  donc  : 

Impôts  sur  la  richesse  foncière  et 

sur  la  production 42.740  contos. 

Impôts  sur  la  circulation 95.906      — 

Impôts  sur  la  consommation 871.105      — 

Formant,  avec  les  fractions  omises,  un  total  de  1.009.752 
contos,  soit  un  change  de  350  rets  par  franc,  à  peu  près  deux 
milliards  huit  cent  quatre-vingt-cinq  millions  de  francs. 

La  moyenne  de  cette  période  décennale  donne  par  an  plus  de 
100.975  contos,  soit  la  moyenne  annuelle  de  288.500.000  francs. 

En  additionnant  avec  cette  somme  celle  des  revenus  du  domaine 
fiscal,  dont  nous  avons  parié  précédemment,  et  qui  est  de  160.252 
contos,  nous  avons  un  total  de  1.169.004  contos  pendant  la  période 
décennale  de  1877  à  1887,  c'est-à-dire  la  m.  a.  de  116.900  contos 
représentant  la  recette  ordinaire  du  Brésil,  telle  qu'elle  ressort 
des  budgets  pendant  les  dix  dernières  années.  Il  faudrait  encore 
pour  être  complet,  que  nous  citions  comme  faisant  partie  de  la 
recette  ordinaire,  la  somme  de  6.796  contos,  montant  de  la  dette 
active,  provenant  d'impôts,  perçue  pendant  cette  môme  période 
de  dix  ans. 

Comme  nous  aurons  l'occasion  de  le  constater  tout  à  l'heure, 
la  recette  générale  de  l'Etat  a  été  et  est  encore  bien  supérieure  à 
ce  total,  à  cause  des  contributions  qu'on  y  ajoute  sous  le  nom  de 
recettes  extraordinaires,  etc. 

III.  Crédit  public.  —  Le  crédit  public  ou  crédit  de  l'État  a 
été  utilisé  au  Brésil  de  plusieurs  manières,  et  il  comprend  :  1°  La 
dette  de  l'État,  comprise  d'une  manière  restreinte  et  embrassant  : 
a  Les  emprunts  au  moyen  d'obligations  amortissables:  b  La  dette 
consolidée  :  c  La  dette  flottante  ;  2°  d'autres  moyens  et  opérations 


FINANCES.  333 

de  crédit,  tels  que  ceux-ci  :  a  Émission  de  papier-monnaie  parle 
Trésor:  b  Dépôts  faits  dans  les  caisses  du  Trésor  national,  sous 
divers  titres  (Caisse  des  orphelins,  Caisse  d'épargne,  etc.) 

a.  Obligations  amortissables.  —  L'emprunt  au  moyen  d'obli- 
gations amortissables  consiste,  on  le  sait,  dans  la  vente  de  titres 
de  rente,  émis  à  un  certain  taux,  avec  intérêts  payés  régulière- 
ment, et  rachetables  dans  un  certain  délai  par  achat  ou  par 
tirages.  La  dette  extérieure  du  Brésil,  qui  compte  déjà  15  em- 
prunts, tous  émis  sur  la  place  de  Londres,  à  partir  de  1824,  a 
toujours  adopté  cette  forme.  Hâtons-nous  d'ajouter  que  l'État  a 
toujours  tenu  ses  engagements  de  la  manière  la  plus  scrupuleuse. 

Aussi,  non-seulement  a-t-il  gardé  toujours  son  crédit  intact 
sur  les  grands  marchés  étrangers,  mais  aussi  a-t-il  pu  négocier 
ses  emprunts  dans  des  conditions  toujours  plus  favorables. 

Pendant  les  dix  années  que  nous  passons  en  revue,  le  Brésil 
a  émis  trois  emprunts  à  l'étranger.  Ce  sont  : 

L' Emprunt  de  1883  :  Capital  réel  4.000.000  de  livres  ster- 
ling ;  capital  nominal  4.599.600  livres  sterling  ;  taux  d'émission 
89  pour  100  ;  délai  38  ans  ;  taux  d'intérêts  4  1/2  pour  100  ;  taux 
d'amortissement  1  pour  100,  l'amortissement  devant  s'effectuer 
par  achat  ou  par  tirages.  Cette  opération  a  été  exécutée  à  un 
moment  difficile  de  notre  vie  financière  par  l'un  des  chefs  les 
plus  éminents  de  notre  parti  libéral,  M.  le  marquis  de  Paranaguâ, 
alors  ministre  des  finances. 

Emprunt  de  1886:  Capital  réel  6.000.000  de  livres  sterling  ; 
capital  nominal  6.431.000  livres  sterling  ;  taux  d'émission 
95  pour  100;  taux  d'intérêts  5  pour  100;  taux  d'amortissement 
1  pour  100,  l'amortissement  devant  s'effectuer  dans  les  mêmes 
conditions  que  le  précédent.  Cet  emprunt  a  été  négocié  par 
M.  le  conseiller  F.  Belisario  Soares  de  Souza,  ministre  des  finan- 
ces du  cabinet  Cotegipe. 

Emprunt  de  1888:  Capital  réel  6.000.000  livres  sterling; 
capital  nominal  6.297.300  livres  sterling  ;  taux  d'émission 
97  pour  100  ;  taux  d'intérêts  4  1/2  pour  100  :  taux  d'amortisse- 
ment 1  pour  100,  l'amortissement  devant  s'effectuer  dans  les 
mêmes  conditions  que  précédemment.  —  Ce  dernier  emprunt, 
dont  les  conditions  ont  été  les  plus  avantageuses  de  toutes  pour 
le  crédit  public  du  Brésil,  mérite  d'attirer  l'attention  à  un  autre 
point  de  vue.  Le  cabinet  Joâo-Alfredo  venait  d'être  organisé, 
le   10   mars   1888.    L'homme   d'État    éminent    qui     prenait    le 


334 


LE     BRÉSIL     EN      1S89. 


pouvoir  annonçait  dès  le  premier  jour  qu'il  ferait  immédiate- 
ment L'abolition  intégrale  et  inconditionnelle  de  l'esclavage. 
Cette  grande  réforme  économique  était  commentée  dans  tous  les 
sens  par  la  presse  nationale  et  étrangère.  Les  partisans  du  slalu  quo 
habitués  à  regarder  le  travail  servile  comme  la  base  nécessaire  de 
la  production  agricole  du  pays,  prophétisaient  la  ruine  du  Brésil, 
et  pré  .'oyaient  la  banqueroute.  C'est  dans  ces  conditions  que  le 
ministre  des  finances,  M.  Joâo-Alfredo,  eut  l'habileté  de  mener  à 
bonne  fin  lemeilleur  emprunt  extérieur  que  le  Brésil  ait  jamais 
fait. 

L'abolition  a  été  faite  le  13  mai  1888,  et  les  événements  ont 
démontré  la  sagesse  de  cette  grande  réforme,  qui  a  été  le  com- 
mencement d'une  nouvelle  ère  de  prospérité  pour  le  pays  (1). 

L'état  de  la  dette  extérieure  du  Brésil  était  le  suivant  au  31  dé- 
cembre 1887. 


EMPRUNTS 

CAPITAL 

PRIMITIF 

CAPITAL 

AMORTI 

CIRCULATION 

nominale. 

Réel. 

Nominal. 

Réel. 

Nominal. 

1S63  à  racheter  en 
1865          — 
1871         — 
1875          — 
1883         — 
1886          — 

1893. 
1902. 
1909. 
1913. 
1922. 
1923. 

Liv.  slerl. 
3. 300. 000 
5.000.000 
3.000.000 
5.000.000 
4.000.000 
6.000.000 

Liv.  slerl. 

3.85 

6.963.600 

3.459.600 

5.:  01.200 
4.590.000 
6.431.000 

Liv.  sterl. 

2.994.336 

2.530.000 
774.536 
688.108 
201.822 

32.062 

Liv.  sterl. 

3.340.000 

2.536.000 

803.700 

717.100 

229.700 

32.100 

Liv.  sterl. 
515.300 
4.427.600 
2.655.900 
4.584.100 
4.369. 
6.398.900 

26.300.600 

30.610.300 

7.226.864 

7.658.600 

22.951.700 

Gettedette  se  trouve  élevée  présentement  à  près  de  29.000.000 
à  cause  de  l'opération  réalisée  dans  le  courant  de  l'année  1888. 

Yoici,  d'autre  part,  l'état  de  la  dette  extérieure  au  31  octobre 
1878. 

Capital  primitif. 

Réel  :  liv.  st.  20.397.250.  —  Nominal  :  liv.  st.  24.027.800. 

Capital  amorti 
Réel:  liv.  st.  5.344.959.  —  Nominal:  liv.  st.  5.991.800. 

Capital  circulant  {nominal.) 
Liv.  st.  18.036.000. 


1.  Voir  à  ce  sujet  les  études  publiées  par  M.  de  Santa-Anna  Nery   dans 
Y  Économiste  français  du  30  Juin  18S3  et  du  12  Janvier  1889. 


FINANCES.  335 

b.  Dette  consolidée.  —  La  dette  intérieure  consolidée  de  l'État 
au  Brésil  consiste  en  titres  de  rente,  amortissables  et  perpétuels. 
Leur  création  remonte  à  1827.  Leur  valeur  en  circulation  en 
monnaie  brésilienne,  était,  au  31  mars  1888,  de  un  peu  plus  de 
437.306  contos,  distribués  de  la  manière  suivante  : 

LOI   DU    15    NOVEMBRE    1827. 

Titres  6  pour  1 00  [convertis  en  5  pour  100,  en  1886). 

Émission 339.675  contos. 

Amortissement  (voirie  total). 

Circulation  actuelle 329.479     — 

Titres  5  pour  100. 

Émission 52. 158  contos. 

Amortissement  (voir  le  total). 

Circulation  actuelle 51 .  997    — 

Titres  4  pour  100. 

Émission 119.600  contos, 

Amortissement  (voir  le  total). 

Circulation  actuelle 119.600    — 

En  tout  :  391.953  contos  d'émission  ;  10.357  d'amortissement  ; 
et  381.595  de  circulation  actuelle. 

DÉCRET  DU  15  SEPTEMRRE  1868. 

Titres  ou  Apolices  6  pour  100. 

Émission 30.000  contos. 

Amortissement 10.161     — 

Circulation  actuelle 19 .  838    — 

DÉCRET   DU    19   JUILLET    1879. 

Émission 51 .  885  contos. 

Amortissement 16 .  012     — 

Circulation  actuelle 35 .  872    — 

Le  total  complet  donne  : 

Émission 473 .  838  contos. 

Amortissement 36 .  531 4  — 

Circulation  actuelle 437 .  306    — 

1.  Y  compris  5.519  contos  provenant  de  la  conversion  des  titres  6  pour  100 
en  5  pour  100. 


33G  LE     BRÉSIL     EN      1889. 

Le  mouvement  de  cette  dette  était,  au  31  octobre  1878,  le 
suivant  : 

LOI    DU    13    NOVEMBRE   1827. 

Titres  ou  Apolices  6  pour  100,  5  pour   100,  4  pour   100. 

Émission 301 .328  contos. 

Amortissement 3.833     — 

Circulation 297 .  494    — 

DÉCRET  DU  25  SEPTEMBRE  1868. 

Titres  6  pour   100. 

Émission 30 .  000  contos. 

Amortissement 3 .  925     — 

Circulation 26.075     — 

Formant  en  tout  : 

Émission 331 .  328  contos. 

Amortissement 7.758    — 

Circulation 327 .494    — 

11  y  avait  donc  en  moins  qu'au  31  mars  1888: 109.812  contos,  soit 
une  moyenne  annuelle  de  10.781  contos. 

La  dette  intérieure,  établie  en  vertu  de  la  loi  de  1827,  est  en 
titres  perpétuels.  Les  emprunts  réalisés  en  vertu  des  décrets  de 
1868  et  de  1879,  Font  été  en  obligations  amortissable^. 

Les  conditions  principales  de  l'emprunt  de  1868  ont  été  les 
suivantes  :  émission  au  taux  de  90  pour  100  ;  intérêts  de  6  pour 
100  ;  amortissement  semestriel  de  1  pour  100,  le  tout  payable 
en  monnaie  courante  au  pair,  c'est-à-dire  à  raison  de  27  d.  pour 
1.000  réis  brésiliens.  On  établit  l'annuité  de  2.100  contos  pour  le 
service  de  cet  emprunt,  qui  devait  être  éteint  en  33  ans.  Cette 
opération  a  été  réalisée  par  feu  le  vicomte  d'Itaborahy,  alors  mi- 
nistre des  finances,  au  moment  où  le  Brésil  se  trouvait  engagé 
dans  la  guerre  contre  le  Paraguay. 

Le  second  emprunt,  celui  de  1879,  a  été  fait  au  moyen  d'une 
émission  dans  le  pays  et  à  Tétranger.  Les  principales  conditions 
étaient  les  suivantes  :  émission  à  96,  96  1/10,  96  1/5,  96  1/4, 
961/2,  96  3/4,  96  5/8,  97,  98,  99  et  100  pour  100;  intérêts 
4  1/2  pour  100.  Pour  le  payement  des  intérêts  et  de  l'amortisse- 
ment on  établit  une  annuité  de  3.976  contos,  de  manière  à  l'é- 
teindre en  vingt  années.  Cette  opération  a  été  effectuée  avec  une 


FINANCES.  337 

grande  habileté,  si  l'on  tient  compte  des  circonstances  du  pays, 
par  M.  le  conseiller  Affonso  Gelso,  aujourd'hui  vicomte  d'Ouro- 
Preto,  alors  ministre  des  finances. 

c.  Dette  flottante.  —  La  dette  flottante  de  l'État  consistait  en 
billets  du  Trésor.  Elle  était  au  31  mars  1888  de  31.351  contos. 
Pendant  l'exercice  1886-87  le  taux   de    l'intérêt   oscillait   entre 

5  et  5  1/2  pour  100,  et  les  échéances  entre  6  et  12  mois.  Au  31  oc- 
tobre 1878,  cette  dette  s'élevait  à  42.551  contos  ;  le  taux  de  l'in- 
térêt se  maintenait  entre  3  et  3  3/4,  4  et   4  1/2,  5   et  5  1/2   et 

6  pour  100,  et  les  échéances  étaient  de  2,  4,  6  et  12  mois.  Elle 
n'existe  plus. 

De  l'ensemble  de  ces  chiffres  il  est  aisé  de  conclure  que  la 
dette  de  l'État  est  relativement  très  peu  considérable,  si  l'on 
réfléchit  aux  nombreux  éléments  de  fortune  dont  dispose  ce  grand 
pays.  On  peut  même  dire  hardiment  que  le  gouvernement  impé- 
rial a  devant  lui  une  large  marge  dans  le  crédit  public  pour 
réaliser  de  nouveaux  emprunts  qui  lui  permettent  de  donner  un 
essor  plus  merveilleux  encore  à  la  prospérité  d'un  pays  qui 
possède  tant  et  de  si  abondantes  ressources  naturelles. 

Autres  moyens  et  opérations  de  crédit.  —  Sous  cette  dénomina- 
tion nous  parlerons  de  certains  moyens  financiers  ou  de  certaines 
institutions  qu'on  classifie  différemment  le  plus  souvent.  Nous 
avons  eu  de  bonnes  raisons  pour  en  agir  ainsi,  comme  on  va  le 
voir. 

a.  D'abord,  le  papier-monnaie  en  circulation,  émis  directe- 
ment par  le  Trésor,  constitue  un  véritable  emprunt  dont  est 
Trappe  tout  le  public.  Les  banknotes  circulent  avec  promesse  de 
payement,  quoique  sans  échéance  déterminée.  C'est  donc  une 
opération  de  crédit. 

On  peut  calculer  le  mouvement  du  papier-monnaie  pendant 
la  dernière  période  décennale  d'après  les  chiffres  suivants,  qui 
donnent  la  circulation  aux  différentes  époques  : 

31  Octobre  1878 181 .  279  contos. 

31  Mars   1880 189.199        - 

31  Mars    1885 187.343       — 

31  Mars   1886 194.282       — 

30  Avril  1888 188.861      — 

9£ 


^38  LE     BRÉSIL     EN      J  8 

Ce  dernier  chiffre  a  subi  des  réductions  sensibles  depuis  lors, 
et,  depuis  le  mois  de  septembre  1888,  la  valeur  du  papier-mon- 
naie a  dép  issé  le  pair  et  le  papier  fait  prime  sur  l'or. 

A.  Les  caisses  d'épargne,  le  Monte-Pio  et  autres  Caisses  de 
dépôts  à  la  charge  de  l'Etat  sont  des  institutions  créées  et  entre- 
tenues dans  un  but  social  élevé.  Sans  aucun  doute  elles  ne  sont 
à  lui  procurer  d*^  ressources  financières  propre- 
ment dites.  Mais  il  n'en  est  pas  inoins  vrai  que  le  produit  des 
dépôts  figure,  quoique  d'une  manière  temporaire,  au  nombre -des 
recettes  de  l'Etat,  et,  en  deiinitive,  les  Caisses  de  l'Etat  qui  re- 
cueillent ces  dépôts  fonctionnent  comme  autant  d'institutions  de 
crédit,  et  l'Etat  lc^  applique  à  solder  l\i>±  dépenses  publiques, 
quoiqu'il  soit  tenu  de  les  restituer.  Mais  cette  dernière  circons- 
tance  ne  change  rien  aTaffaire,  car  il  est  de  l'essence  de  toute 
dette  qu'elle  soit  soldée  à  un  moment  donné. 

Le  chiffre  de  la  recette  totale  des  dépôts  publics  de  toute 
provenance  a  été  pendant  la  dernière  période  décennale  de 
175.604  a  c  une  m.  a.  de  17.5GO  conlos.    Le   chiffre  total 

delà  dépensea  été  pendant  la  même  période  de  155.00,']  conlos, 
avec  une  m.  a.  de  15.500  conlos.  La  différence  en  faveur  de  la 
recette  donne  un  moyenne  annuelle  de  2.0G0  conlos. 


Les  différentes  sommes  de  la  recette  publique  que  nous 
venons  d'énumérer,  sous  les  titres  généraux  de  domaine  public 
fiscal,  d'impôts  et  de  crédit  public,  ne  sont  pas  les  seules  qui 
contribuent  à  former  la  somme  totale  du  budget  de  l'Empire.  Il 
y  en  a  d'autres  qui,  tout  en  ne  figurant  pas  dans  le  budget  sous. 
des  titres  spéciaux,  ont  parfois  une  certaine  importance.  Si  on 
les  examinait  de  près,  chacune  d'elles  rentrerait  dans  l'une  des 
brods  catégories  dont  nous  venons  déparier.  Mais,  à  cause  de 
leur  incertitude,  de  leur  valeur  restreinte  ou  de  certaines  con- 
venances de  comptabilité,  selon  le  cas,  elles  sont  mentionnées 
généralement  sous  les  titres  de  revenu  extraordinaire,  évenlucl, 
non  classé,  qu'on  lit  constamment  dans  nos  budgets.  On  y  trouve 
également  un  chapitre  comprenant  la  Recette  spéciale,  embras- 
sant certains  impôts  ou  certains  dons.  Le  produit  de  cette 
recette  était  appliqué  jusqu'en  1888  à  l'affranchissement  des 
esclaves  qui  existaient  encore  ou  à  la  colonisation  du  pays. 
\m     urd'hui,  elle  n'est  plus  appliquée  qu'aux  besoins  de  l'immi- 


FINANCES.  339 

En  tenant  compte  de  toutes  ces  sources  de  revenus,  nous 
trouvons  que  la  Recette  générale  de  l'État  a  été,  pendant  les  dix 
années  écoulées  de  1877-78  à  1886-87,  de  1.496.921  contos,  don- 
nant une  m.  a.  de  1-49.692  contosi.  Cette  moyenne  est  supérieure 
de  29.059  contos  à  la  recette  do  la  première  année  de  notre  pé- 
riode décennale,  c'est-à-dire  à  celle  de  1877-78,  qui  n'a  produit 
que  120.632  contos.  Elle  accuse  donc  une  progression  de  24,8 
pour  100. 

Remarquons  encore  que  nous  avons  omis  de  parler  des  re- 
cettes  provinciales  et  des  recettes  municipales.  Les  premières  dé- 
passent 30.000  contos,  et  les  secondes  sont  de  10.000  contos  à  peu 
près. 

On  peut  donc  dire  que  toute  la  recette  publique  nationale  s'élève 
au  Brésil  à  près  de  200.000  contos  en  monnaie  du  pays,  soit  à 
plus  de  cinq  cents  soixante-un  millions  de  francs,  au  change  de 
350  réis  par  franc. 

II.  Les  dépenses  de  l'État.  —  Les  recettes  dont  nous 
venons  de  parler  servent  à  solder  les  dépenses  qui  incombent  à 
l'État.  Nous  avons  au  Brésil  sept  départements  ministériels  entre 
lesquels  se  distribuent  les  dépenses  auxquelles  l'État  doit  satis- 
faire. Yoici  les  sommes  totales  dépensées  par  chacun  de  ces  dépar- 
tements ministériels  pendant  les  dix  années  écoulées  de  1877 
à  1887  : 

Ministère  de  V Intérieur  (Imperio.) 

Total  :  155.597  contos;  m.  a.   15.559  contos. 

Ministère  de  la  Justice. 
Total  :  67.258  contos;  m.  a.  6.725  contos. 

Ministère  des  Affaires  Étrangères, 
Total  :  8.864  contos  ;  m.  a.  886  contos. 

Ministère  de  la  Marine. 
Total  :  125.384  contos;  m.  a.  12.538  contos. 

Ministère  de  la  Guerre. 
Total  :  154.941  contos;  m.  a.  15.494  contos. 

1.  Il  est  vrai  de  dire  que  cette  moyenne  se  trouve  un  peu  augmentée, 
car  les  chiffres  de  l'exercice  financier  1886-87  comprennent  le  rendement 
de  trois  semestres.  En  effet,  depuis  lors,  l'année  financière  coïncide  avec 
Tannée  civile. 


310  LE      BRÉSIL      EN      18S9. 

Ministère  de  î 'Agriculture ,  Commerce  et  Travaux  Publics. 
Total  :  444.559  conlos;  m.  a.  44.455  contos. 

Ministère  des   Finances. 
Tolal  :  777.709  contos;  m.  a.  77.770 4  contos. 

Toutes  ces  dépenses  réunies  forment  un  tolal  décennal  de 
1,734,313  contos,  en  y  comprenant  les  fractions  omises,  et  donnent 
une  m.  a.  pour  la  dépense  publique  de  173.431  contos  2.  Or,  comme 
la  moyenne  annuelle  de  la  recette  générale  est  de  149. G94  contos, 
comme  nous  venons  de  le  voir,  il  s'en  suit  que  la  dépense  a 
excédé  la  recette  de  23.739  contos.  —  La  somme  totale  de  la 
dépense  de  l'État  pendant  la  période  décennale  antérieure,  c'est- 
à-dire  de  18G7-G8  à  1876-77,  n'avait  été  que  de  1.344.554  contos, 
avec  une  m.  a.  de  134.455  conlos.  Elle  était  donc  inférieure  à 
celle  de  la  période  décennale  suivante  de  38.975  contos  ou  de 
28,3  pour  100. 

La  marche  ascendante  des  dépenses  publiques  dans  tous  les 
grands  États  du  monde,  est  un  fait  caractéristique  qui  semble 
suivre  le  développement  de  la  richesse  et  de  la  civilisation  géné- 
rales. Si  ce  fait  s'explique  chez  la  plupart  des  nations,  il  est  tout 
naturel  dans  un  pays  tel  que  le  Brésil.  Pays  jeune,  né  d'hier  à  la 
vie  civilisée,  disposant  d'un  territoire  immense  qui  a  besoin 
d'être  mis  en  valeur,  manquant  encore  d'un  outillage  intellectuel 
et  matériel  normal,  le  Brésil  est  obligé  de  supporter  des  dépenses 
exceptionnelles  pour  grandir  et  prendre  sa  place  dans  le  monde. 
Si,  d'un  côté,  il  doit  dépenser  beaucoup,  du  moins  ses  dépenses 
sont-elles  reproductives,  et  n'est-il  pas  obligé  d'engloutir  l'argent 
qu'on  lui  prête  dans  des  armements  ruineux,  comme  il  arrive  en 
Europe.  Pendant  de  longues  années  encore,  il  ne  pourra  pas 
restreindre  ses  dépenses  sans  sacrifier  ses  intérêts  réels  dans  le 
présent  et  dans  l'avenir  et  sans  retarder  d'une  manière  désas- 
treuse les  améliorations  dont  il  a  besoin.  Mais,  tout  ceux  qui 
suivent  de  près  son  développement  économique  peuvent  cons- 
tater qu'il  est  toujours  prudent  dans  l'emploi  des  ressources  que 
lui  fournissent  les  contribuables  aussi  bien  que  les  prêteurs 
étrangers. 

1 .  Dans  ce  chiffre  sont  compris  les  dépôts  faits  dans  les  Caisses  de  l'État. 

2.  Cette  moyenne  se  trouve  un  peu  augmentée,  car  l'exercice  financier 
1886-87  comprend  la  dépense  de  trois  semestres. 


FINANCES.  341 

Nous  ne  voulons  pas  entrer  ici  dans  l'examen  détaillé  de 
l'emploi  de  ces  ressources.  La  lecture  de  notre  dernière  partie 
suffira,  espérons-le,  à  montrer  quel  est  l'état  actuel  de  nos 
finances,  qui  subissent  en  ce  moment-ci  le  contre-coup  de  la 
prospérité  générale  qu'on  remarque  dans  tout  le  pays. 

III.  L.a  situation  financière  actuelle.  —  Après  le 
vote  de  la  loi  du  13  mai  1888  qui  a  aboli  les  derniers  vestiges 
de  l'esclavage  au  Brésil,  on  a  constaté  dans  tout  le  pays  un 
réveil  général.  L'esprit  d'initiative  et  de  progrès  y  a  pris  un 
nouvel  essor,  et  le  gouvernement  a  su  seconder  admirablement 
ce  réveil  au  moyen  de  mesures  sages  et  libérales.  Au  point  de 
vue  économique,  aussi  bien  qu'au  point  de  vue  politique  et 
social,  on  a  pu  dire  avec  raison  qu'une  nouvelle  vie  a  commencé 
pour  le  pays.  L'analyse  du  budget  pour  l'année  1889  va  nous 
fournir  un  argument  de  plus  en  faveur  de  cet  essor  si  remar- 
quable à  tous  les  points  de  vue. 

Au  mois  de  mai  1888,  le  ministre  des  finances,  M.  le  conseiller 
Joâo-Alfredo,  évaluait  la  recette  pour  l'exercice  1889  à 
148.000  contos.  Après  l'examen  de  la  Commission  du  budget,  et 
après  de  nouvelles  autorisations  financières,  la  loi  budgétaire, 
portant  la  date  du  24  novembre  1888,  estimait  la  recette  pour 
l'exercice  1889  à  147.200  contos.  On  a  toute  raison  de  croire 
que  le  résultat  de  l'exercice  produira  une  recette  encore  supé- 
rieure. Néanmoins,  nous  ne  retiendrons  pour  le  moment  que  le 
chiffre  de  140.000  contos  présenté  par  le  ministre  des  finances. 
Cette  recette  doit  être  fournie  d'après  lui  par  les  sources  sui- 
vantes : 

Impôts:  120.200  contos,  soit  85,8  pour  100  de  la  recette  totale, 
dont  100.600  contos  ou  71,8  pour  100  fournis  par  les  impôts  ou 
droits  des  douanes,  et  19.000  contos  ou  14  pour  100  fournis  par 
d'autres  impôts  intérieurs,  y  compris  le  recouvrement  de  la  dette 
active. 

^  Domaine  fiscal,  en   y  comprenant  les   services  industriels    de 
VÈlat  :  17. 900  contos. 

Revenu  extraordinaire  :  1.900  contos. 

Ces  deux  derniers  chapitres  fournissent  donc  14,2  pour  100  à 
peine  de  la  recette  totale.  Les  trois  chapitres  réunis  donnent  la 
recette  prévue  de  140.000  contos. 

Mais  la  proposition  ministérielle  elle-même  comprenait 
encore,    sous  le  nom   de   recette  spéciale,    une   somme  de  6.210 


3  12  LE    BRÉSIL    EN     1889. 

contas,  de  sorte  qu'elle  n'était  guère  Loin  de  la  recette  définitive 
il.-  1  17.200  contos,  qui  a  été  votée  par  Les  Chambres. 

D'un  autre  côté,  la  loi  budgétaire  a  voté,  pour  1889,  une 
dépense  de  153.118  eéwfos,  répartie  comme  suit  entre  les  divers 
ministères  : 

Ministère  des  Finances 02.193  contos,  soit  08,3  pour  100. 

—  de  l'Agriculture. ..  .  46.873  —  soit  44,1 

—  de  la  Guerrrc 15.031  —  soit   11,0 

—  de  la  Marine 11.313  —  soit     7,9  — 

—  de  l'intérieur 0.228  —  soit     6*4  — 

—  delà  Justice 7.680  —  soit     5,2  — 

—  Aiï'aires  Étrangères.  771  —  soit    0,5  — 

Nous  avons  négligé  les  fractions. 

Cette  dépense  se  répartit  d'une  manière  plus  détaillée  comme 
suit  : 

Administration  centrale  supérieure,  comprenant  l'Empereur 
et  la  famille  impériale,  le  secrétariat  d'Etat  des  affaires  de  l'in- 
térieur, le  conseil  d'État,  les  deux  Chambres,  les  présidents  des 
20  provinces  :  2,550  contos,  soit  16  pour  100  de  la  dépense  totale. 

Dette  publique,  comprenant  la  dépense  de  la  dette  conso- 
lidée et  de  la  dette  flottante,  de  diverses  origines,  la  différence 
du  change  pour  le  payement  de  la  dette  extérieure  :  47.769 
contos,  soit  -45,3  pour  100. 

Administration  des  finances,  comprenant  le  Trésor  National 
et  1rs  administrations  de  l'État  chargées  de  la  perception  des 
impôts  :  9.539  contos,  soit  6,6  pour  100. 

Force  armée,  en  y  comprenant  les  deux  ministères  de  la 
marine  et  de  la  guerre  :  26.345  contos,  soit  19,6  pour  100. 

Culte  public,  y  compris  la  dépense  faite  avec  l'instruction 
ecclésiastique  :  879  contos,  soit  0,5  pour  100. 

Instruction  publique,  en  y  comprenant  renseignement  supé- 
rieur dans  tout  le  Brésil,  sans  excepter  l'enseignement  des  beaux- 
arts  et  renseignement  primaire,  secondaire  et  professionnel  dans 
la  capitale  de  L'Empire,  mais  n'y  comptant  pas  l'enseignement 
primaire  et  secondaire  dans  les  provinces,  car  il  est  supporté  par 
Le  budget  de  chaque  province  :  3.027  contos,  soit  2,01  pour  100. 

Hygiène  publique,  y  compris  le  service  de  la  santé  des  ports, 
les  hospices  et  hôpitaux  et  l'assistance  publique  :  597  contos,  soit 
0,4  pour  100. 


FINANCES.  343 

Nettoyage,  voirie  et  embellissements  de  la  ville  de  Rio-de- 
Janeiro,  y  compris  les  jardins  et  autres  dépenses  d'utilité  géné- 
rale ou  d'agrément,  telles  que  les  égouts,  l'illumination,  les 
musée?,  bibliothèques,  archives,  l'observatoire  astronomique,  le 
corps  des  pompiers  :  4.464  contos,  soit  3  pour  100. 

Services  industriels  de  l'État,  en  y  comprenant  seulement 
ceux  qui  figurent  au  budget  sous  des  rubriques  distinctes,  tels 
que  les  ce  Biens  Nationaux  »,  l'Administration  des  Diamants,  la 
Monnaie,  l'Imprimerie  Nationale,  l'Institut  agricole  de  Rio-de- 
Janeiro,  la  fabrique  de  fer  d'Ypanema,  les  Postes  (2,986  contos), 
les  Télégraphes  (2.468  contos),  l'approvisionnement  d'eau  potable 
de  la  ville  de  Rio-de-Janeiro  :  7.247  contos,  soit  4,1  pour  100. 

Les  chemins  de  fer  de  l'État,  y  compris  les  crédits  votés 
comme  autorisation  (11.520  contos),  les  crédits  spéciaux  (16.661 
contos),  les  garanties  d'intérêts  selon  l'estimation  budgétaire 
(8.221  contos),  les  garanties  d'intérêts  sur  crédits  spéciaux 
(2.035  contos)  :  en  tout,  plus  de  38.438  contos,  soit  31  pour  100. 

Terres  publiques,  immigration  étrangère  et  colonisation  na- 
tionale, y  compris  tous  les  services  qui  en  dépendent  :  10.000 
contos,  soit  7  pour  100. 

Autres  subsides  directs  aux  industries,  y  compris  les  subven- 
tions aux  lignes  de  navigation  à  vapeur  (2.736  contos),  les  garan- 
ties d'intérêts  aux  Usines  centrales  de  sucre  (500  contos),  cer- 
taines faveurs  accordées  à  l'agriculture  et  à  l'enseignement 
agricole  (662  contos),  mais  sans  mentionner  les  crédits  et  les 
autorisations  des  dépenses  pour  les  ports  de  mer  et  les  cours 
d'eau  navigables  :  3.898  contos,  soit  2,6  pour  100. 

Ces  chiffres  spéciaux  et  distincts  permettront  sans  doute  au 
lecteur  d'apprécier  assez  exactement  l'emploi  actuel  des  revenus 
publics  de  l'État  au  Brésil.  Il  suffit  de  les  parcourir  pour  qu'on 
voie  tout  de  suite  la  préoccupation  constante  du  gouvernement 
pour  développer  autant  que  possible  tous  les  éléments  de  richesse 
matérielle  du  pays,  base  solide  et  indispensable  de  sa  grandeur 
morale. 

Dans  l'énumération  que  nous  venons  de  faire,  nous  avons 
omis  les  chemins  de  fer.  D'après  le  rapport  présenté  au  mois  de 
mai  1888  par  M.  Rodrigo  A.  da  Silva,  ministre  de  l'agriculture, 
du  commerce  et  des  travaux  publics,  il  y  avait  au  31  décembre 
1887, 62  voies  ferrées  en  exploitation,  ayant  ensemble  une  étendue 
de  8.486  kilomètres.  De  ces  62  chemins  de  fer,  9  appartiennent  à 
l'État,  32  reçoivent  une    garantie  d'intérêts    ou  une  subvention 


344  LE     BRÉSIL    EN     1SS9. 

kilométrique  soif  de  l'État,  soil  des  administrations  provinciales, 
~l\  n'onl  ni  garantie  d'intérêts  ni  subvention,  et  7  sont  urbains  ou 
suburbains.  Le  nombre  des  lignes  de  voie  ferrée  qui  sont  en 
construction,  qui  sont  étudiées  ou  qui  sont  en  projet  d'une  ma- 
nière sérieuse  est  bien  supérieur.  Plusieurs  de  ces  lignes  qui 
seront  ouvertes  au  trafic  à  l'heure  où  paraîtront  ces  lignes, 
jouissent  d'une  garantie  d'intérêts  de  6  pour  100  et  même  davan- 
ou  d'une  subvention  kilométrique,  soit  de  l'État  soit  des 
provinces.  Nous  avons  vu  que  la  dépense  autorisée  pour  tout  ce 
service,  pendant  Tannée  1889,  s'élève  à  38.438  contos,  soit 
35  pour  100  de  la  recette  générale  du  même  exercice. 

En  additionnant  cette  dépense  à  celle  des  autres  subsides  di- 
rects des  industries  et  à  celle  consacrée  à  l'immigration,  nous 
aurons  en  tout  51.336  contos  affectés  spécialement  au  développe- 
ment économique  et  industriel  du  pays,  c'est-à-dire  plus  d'un 
tiers  de  toute  la  recette  calculée  pour  l'exercice  1889.  En  effet,  les 
chemins  de  fer  et  l'immigration  européenne  forment  la  base  des 
autres  améliorations  industrielles  dont  le  gouvernement  impérial 
est  fermement  résolu  à  doter  le  pays.  Pour  s'en  convaincre,  il 
suffit  de  rappeler  ici  que  dans  la  loi  budgétaire  de  l'exercice 
1889,  il  y  a  plus  de  vingt-cinq  nouvelles  autorisations  pour  des 
garanties  d'intérêts  et  pour  d'autres  faveurs  à  accorder,  soit  à 
des  lignes  nouvelles,  soit  au  prolongement  des  lignes  existantes, 
soit  à  des  embranchement  de  ces  lignes.  Il  n'est  que  justice  d'at- 
tribuer la  plupart  de  ces  grandes  mesures  de  progrès  à  M.  le  con- 
seiller Antonio  da  Silva-Prado,  ministre  de  l'agriculture  du 
cabinet  Joâo-Alfredo. 

D'un  autre  côté,  on  a  élargi  les  crédits  destinés  à  l'immigra- 
tion européenne,  à  la  démarcation  et  à  la  concession  des  terres 
de  l'État.  Le  nombre  des  centres  coloniaux  fondés  par  l'État 
dépasse  50,  et  celui  des  centres  coloniaux  entretenus  aux  frais  des 
provinces  est  encore  plus  grand  peut-être.  Tandis  que  pendant 
la  dernière  période  décennale,  de  1878  à  1887,  le  nombre  des 
immigrants  entrés  au  Brésil  était,  en  moyenne,  de  27.221  par  an, 
en  1888  les  deux  seuls  ports  de  Rio-de-Janeiro  et  de  Santos  ont 
reçu  132.000  immigrants  de  toute  provenance.  En  1889,  le  nom- 
lire  des  immigrants  atteindra  un  chiffre  encore  plus  considérable 
sans  doute,  et  le  gouvernement  a  déjà  signé  des  contrats  ou 
accordé  des  faveurs  spéciales  pour  l'introduction  de  600.000  im- 
migrants d'Europe. 

Au  point  de  vue  financier,  l'administration  du  cabinet  Joâo- 


FINANCES.  345 

Alfredo  a  donné  les  résultats  les  plus  satisfaisants,  soit  en  prenant 
des  mesures  de  précaution  pour  éviter  une  crise  à  la  suite  de 
l'abolition  de  l'esclavage,  soit  en  améliorant  notre  système  d'im- 
pôts, soit  en  donnant  une  nouvelle  impulsion  à  toutes  les  branches 
de  l'activité  nationale.  Sans  doute  la  substitution  du  travail  libre 
au  travail  servile  a  amené  une  crise  partielle  dans  la  production. 
Mais  il  n'en  est  pas  moins  vrai  que  la  recette  de  l'État  a  eu  une 
plus-value  remarquable,  et  que  notre  marché  monétaire  et  finan- 
cier (titres  de  la  dette  publique,  actions  et  obligations  des  Com- 
pagnies, traites,  etc.),  présente  une  animation  de  bon  augure. 
Au  point  de  vue  monétaire,  nous  assistons  même  à  un  fait  carac- 
téristique :  après  l'abolition  de  l'esclavage  et  après  les  premières 
mesures  financières  du  gouvernement  actuel,  le  change  extérieur 
s'est  tenu  dans  les  environs  du  pair  (27  deniers  pour  1,000  réisj; 
dès  septembre  1888,  le  papier-monnaie  a  fait  prime,  et  cette 
situation  se  maintient  depuis  lors. 

La  nouvelle  loi  sur  les  Banques  d'Émission  à  base  métallique 
ou  sur  dépôt  de  titres  de  la  dette  publique  créées  sur  le  modèle 
des  banques  nationales  des  États-Unis,  contribuera  encore, 
surtout  si  l'on  y  apporte  des  modifications  de  détail,  à  rendre  la 
situation  de  notre  marché  plus  favorable,  et  déjà  on  cherche  à 
l'appliquer  dans  diverses  provinces. 

De  cet  ensemble  de  faits  on  peut  conclure  que  la  situation  éco- 
nomique et  financière  du  Brésil,  présente  à  l'heure  qu'il  est, 
l'aspect  le  plus  flatteur,  et  que  les  capitaux  étrangers  peuvent  y 
trouver  un  placement  aussi  sûr  que  rémunérateur. 


CHAPITRE    XII 
BANQUES    ET    INSTITUTIONS    I>E    CRÉDIT 

Par    M.    LUIZ    RODRIGUES    D'OLIVEIRA1 


Des  vingt  provinces  qui  composent  l'empire,  huit  seulement 
possèdent  des  banques.  Ce  sont  :  Minas-Geraes,  San-Paulo,  Rio- 
Grande-du-Sud,  Bahia,  Pernambuco,  Para  et  Maranhao,  sans 
parler  du  Municipe  Neutre,  Rio-de-Janeiro,  la  capitale  de  l'Empire. 
Dans  les  autres  provinces  il  n'y  a  que  les  agences  du  Trésor  qui 
rendent  quelques  services  du  ressort  des  maisons  de  banque. 
Quant  aux  autres  institutions  de  crédit  du  Brésil,  il  n'y  a  guère  à 
citer  que  les  Caisses  d'épargne  et  quelques  maisons  de  commerce 
faisant  les  affaires  de  banque.  La  majeure  partie  des  affaires  du 
pays  sont  liquidées  à  Rio-de-Janeiro,  qui  dessert  les  provinces 
les  plus  prospères  et  les  plus  peuplées  de  l'empire. 

Nous  annexons  à  notre  travail  un  tableau  où  se  trouvent  résu- 
mées les  données  principales  concernant  les  banques  établies  sur 
cette  place,  ainsi  que  dans  les  provinces  de  San-Paulo  et  de 
Minas-Geraes.  L'ensemble  de  leurs  affaires  représente  d'une 
manière  très  rapprochée  les  quatre  cinquièmes  du  négoce  de 
banque  de  tout  le  pays. 

Afin  que  ce  travail  puisse  présenter  quelque  attrait  pour  les 
économistes,  les  banquiers  et  les  hommes  d'affaire  en  général,  il 
nous  a  semblé  intéressant  de  mentionner  ici  quelques  faits  écono- 

1.  Ancien  vice-président  de  la  chambre  syndicale  des  négociants-commis- 
sionnaires de  Paris,  membre-correspondant  de  l'Institut  historique  et  géo- 
graphique de  Rio-de-Janeiro,  membre-fondateur  de  la  Société  de  géographie 
commerciale  de  Paris. 


31S  Lï     BRÉSIL     EN     1SS0. 

miques  qui  leur  permettront  de  juger  du  développement  du  pays 
et  pourront  même  les  engager  à  entamer  des  affaires  plus 
suivies  avec  le  Brésil. 

Tout  d'abord  disons  deux  mots  sur  le  système  monétaire  du 
payS  :  _  11  :i  pour  base  la  loi  n°  401  du  11  septembre  1846,  le 
décrel  u°  487  du  28  novembre  1846,  le  décret  n°  2008  du  24  octo- 
bre 1857,  la  loi  du  n°  1507  du  26  sftptembre  1867,  la  circulaire 
ministérielle  n°  468  du  28  décembre  18G7.  De  cet  ensemble  de 
dispositions  il  résulte  que  l'étalon  monétaire  est  basé  sur  l'or 
de  ±2  carats  de  fin.  Le  poids  d'une  oitava  (octave)  d'or  (3  gr.  586] 
équivaut  à  4  milréis.  Le  milréis  (1.000  réis)  est  notre  unité  moné- 
taire pour  les  petites  sommes;  pour  les  grosses  sommes  nous 
avons  une  unité  mille  fois  supérieure,  le  con/n  de  réis  (1.000.000 
réis  .  k  la  suite  de  la  guerre  du  Paraguay  (1865-1870),  les  mon- 
naies d'or  ont  presque  entièrement  disparu  de  la  circulation. 
Aujourd'hui,  notre  circulation  monétaire  se  compose  de  204.277 
conlos  en  papier  monnaie,  ainsi  divisés  :  Billets  au  parleur  et  à 
vue  émis  par  le  Trésor  Public...  190.660  contos;  Billets  émis  par 
la  Banque  du  Brésil  et  ses  succursales...  13.617  contos,  formant  un 
total  de  204.277  contos.  Tous  ces  billets  ont  actuellement  cours 
forer. 

Le  Parlement  et  le  gouverment  se  préoccupent  de  rétablir  la 
convertibilité  de  la  monnaie  fiduciaire.  La  discussion  d'un  projet 
de  loi  sur  les  banques  d'émission1  peut  être  considérée  comme 

1.  Depuis  que  notre  collaborateur,  M.  L.-R.  d'Oliveira,  nous  a  envoyé 
son  travail,  le  projet  de  loi  sur  les  banques  d'émission,  présenté  et  soutenu 
par  trois  sénateurs  libéraux,  MM.  le  vicomte  d'Ouro-Preto,  le  vicomte  de 
Cruzeiro  et  le  conseiller  L.  Rodrigues-Pereira,  est  devenu  la  loi  n°  3.403  du 
24  novembre  1888.  Voici  les  principales  dispositions  de  cette  loi  : 

Article  premier.  —  Pourront  émettre  des  billets  au  porteur  et  à  vue, 
convertissants  en  monnaie  courante  de  l'empire,  moyennant  autorisation 
préalable  du  pouvoir  exécutif,  les  sociétés  anonymes  qui  auront  en  vue  de  l'aire 
des  opérations  de  banque  et  qui,  pour  garantir  le  payement  de  ces  billets, 
déposeront  dans  la  caisse  d'amortissement  une  valeur  suffisante  en  titres  de 
la  dette  intérieure.  Ces  sociétés  désignées  dans  l'article  2  de  la  présente  loi, 
pourront  se  livrer  à  ces  opérations  en  observant  les  dispositions  suivantes  : 
§  1er.  L'émission  de  billets  ne  sera  permise  que  pour  une  somme  t 
celle  de  la  valeur  nominale  des  titres  déposés;  1°  le  montant  des  titres  dépo- 
sés ne  pourra  dépasser  les  deux  tiers  du  capital  réalisé  ;  2°  l'autorisation 
d'émettre  des  billets  ne  sera  concédée  qu'aux  sociétés  anonymes  dont  le  fonds 
social  souscrit  ne  sera  pas  inférieur  à  cinq  mille  contos  dans  la  capitale  de 
L'Empire,  à  deux  mille  contos  dans  les  chefs-lieux  des  autres  provinces  et  à 
mille  contos  dans  les  municipes.  Quel  que  soit,  cependant,  le  fonds  social 
souscrit  de  chaque  société,  le  montant  des  titres  qu'elle  déposera  ne  dépas- 
sera pas  la  valeur  de  vingtmille  contos;  3°  le  montant  des  titres  déposés  par 
t  mtes  les  sociétés   ne    dépassera   en    aucun   cas   le    maximum  de  deux  cent 


BANQUES     ET     INSTITUTIONS     DE     CREDIT.  349 

achevée,  et  le  but  en  est  le  retrait  du  papier-monnaie  de  l'État  et 
son  remplacement  par  des  billets  de  banque  convertibles  en  or. 
Le  pays  ayant  prospéré  à.  tel  point  que  le  papier-monnaie  se  change 
au  pair  contre  de  l'or  et  arrive  même  a  faire  prime,  l'opération  de 
la  conversion  ne  parait  pas  devoir  rencontrer  des  difficultés  trop 
grandes. 

En  ce  moment,  les  traites  sont  cotées  comme  suit  : 

Sur  Londres  —  à  90  jours  de  vue  pour  1000  réis  :  27  deniers 
sterling. 

Sur  Paris  —  à  90  jours  de  vue  pour  1  franc  :  350  réis. 

Sur  Hambourg  —  à  90  jours  de  vue  pour  1  reichsmark  :  436 
réis. 

Sur  Y  Italie  —  à  3  jours  de  vue  pour  1  lire  :  353  réis. 

Sur  le  Portugal  —  à  3  jours  de  vue  :  200  0/0. 

Sur  New-York  —  à  vue  pour  1  dollar  :  1.860  réis. 

La  conversion  du  papier-monnaie  se  trouve  facilitée  par 
l'abolition  complète  de  l'esclavage,  proclamée  le  13  mai  1888. 
L'abolition  a  fait  rentrer  dans  l'activité  des  échanges  près  de 

mille  contos.  Une  fois  ce  maximum  atteint,  le  gouvernement  n'accordera 
plus  de  nouvelles  autorisations,  sauf  pour  les  sommes  correspondantes  aux 
autorisations  antérieures  qui  auront  été  assemblées  par  la  liquidation  des 
sociétés  respectives  et  seulement  après  le  rachat  des  billets  qu'elles  auront 
émis;  4°  les  billets  émis  conformément  aux  dispositions  de  la  présente  loi 
seront  reçus  et  auront  cours  dans  les  administrations  publiques  de  l'État,  des 
province?  et  des  municipes,  excepté  pour  le  paiement  des  droits  d'importa- 
tion et  pour  celui  des  intérêts  de  la  dette  extérieure  fondée,  qui  seront  payés 
en  monnaie  courante.  Les  sociétés  ayant  fait  des  émissions  seront  obligées 
de  recevoir  les  billets  des  autres  sociétés  sous  peine  de  liquidation  forcée  ; 
5°  les  porteurs  de  billets  auront  un  privilège  pour  leur  payement,  à  l'exclusion 
•de  tous  les  autres  créanciers,  sur  les  titres  déposés  et  sur  20  p.  100  en  monnaie 
courante  que  les  sociétés  seront  obligées  de  conserver  en  caisse,  conformé- 
ment au  §  II,  n°  1  de  cet  article.  Le  refus  de  payer  à  vue  et  en  monnaie 
courante  les  billets  donne  droit  au  porteur  de  protester  contre  le  non-paye- 
ment pardevant  l'officier  chargé  du  protêt  des  traites  de  l'endroit  et  servira  de 
base  légale  pour  l'ordre  de  la  liquidation  forcée  de  la  société  ;  6°  les  billets 
pour  l'émission  sont  fournis  par  la  caisse  d'amortissement,  aux  frais  de  la 
société  intéressée  (sur  les  indications  relatives  à  leur  forme,  etc.).  Ils  auront 
une  valeur  de  10.000,  20.000,  30.000,  50.000,  100.000  et  500.000  réis. 

D'après  d'autres  articles,  l'émission  des  sociétés  ayant  leur  siège  à  Rio- 
de-Janeiro  ne  devra  pas  dépasser  cent  mille  contos,  et  aux  sociétés  qui  s'éta- 
bliront dans  les  provinces  et  les  municipes  il  pourra  être  permis  d'émettre 
une  somme  égale  en  la  répartissant  entre  toutes  les  sociétés.  Le  gouverne- 
ment est  autorisé  à  émettre  au  pair  des  titres  (apolices)  de  la  valeur  nomi- 
nale de  1  conto  à  4  1/2  p.  100  pour  le  dépôt  dont  parle  l'article  premier.  La 
moitié  du  prix  de  ces  titres  servira  au  rachat  des  titres  5  p.  100  de  l'État,  et 
l'autre  moitié  à  la  suppression  du  papier-monnaie.  Le  gouvernement  peut 
traiter,  avec  l'une  des  sociétés  qui  s'organisent  en  vertu  de  la  présente  loit 
par  le  rachat  du  papier-monnaie. 


350  LE     BRÉSIL     KM     1S89. 

700.000  affranchis,  et  couséquemment  elle  a  augmenté  la 
recherche  de  papier-monnaie  en  circulation,  que  l'on  considère 
comme  insuffisant  depuis  quelque  temps  déjà.  La  conversion  est 
également  facilitée  par  L'introduction  d'immigrants.  L'immigra- 
tion de  calons  européens  au  Brésil  est  régulièrement  établie  à 
l'heure  qu'il  est.  Deux  cents  mille  s'y  sont  fixés  pendant  les  deux 
dernières  années,  et  le  gouvernement  prend  des  mesures  pour  en 
introduire  cinq  cent  mille  dans  le  courant  des  cinq  années  qui 
vont  suivre.  Le  dernier  recensement  de  la  population  de  l'empire 
a  été  fait  en  1872,  et,  bien  que  très-incomplet,  il  a  donné  le  chiffre 
de  10  millions  d'habitants.  Si  nous  admettons  une  augmentation 
annuelle  de  3  pour  100,  cette  population  s'élèverait  aujourd'hui 
à  10  millions.  En  comparant  ce  chiffre  à  celui  de  la  circulation 
fiduciaire  (204.277  contos),  il  en  résulte,  comme  chiffre  de  la 
quantité  de  numéraire  par  tête,  le  chiffre  de  12.767  réis, 
soit  au  change  actuel  de  351  réis  par  franc  :  $6  fr.  37  c. 

La  valeur  de  l'exportation  des  produits  du  pays  dépasse  la 
valeur  d-es  marchandises  importées  de  l'étranger;  mais  le  pays  a 
une  dette  extérieure  provenant  d'emprunts  de  l'État  ou  de  compa- 
gnies (compagnies  de  chemins  de  fer  et  autres),  et  quelques-unes 
de  ces  compagnies  sont  entre  les  mains  de  capitalistes  étran- 
gers. De  là  la  nécessité  pour  nous  d'envoyer  en  Europe  des  inté- 
rêts et  des  revenus,  ce  qui  provoque  dans  le  taux  du  change  des 
oscillations  parfois  violentes. 

Le  Brésil  possède  de  très  grands  capitaux  immobilisés  dans 
l'agriculture,  mais  il  manque  de  fonds  de  roulement.  En  se  repor- 
tant au  tableau  que  nous  donnons  plus  loin  et  qui  est  un  extrait 
des  bilans  de  19  banques  établies  à  Rio-de-Janciro  et  dans  les 
provinces  de  San-Paulo  et  de  Minas-Gcraes,  on  voit  que  leur 
capital  versé  s'élève  à  1 01 .884.380.004  réis,  et  que  leurs 
réserves  montent  à  j 9 .548 .449 .55  8  réis;  ensemble  : 
121.432. 829. 562réis,  soit,  à330 réis  par  franc  :  345.962.477 
francs.  —  Au  même  taux,  le  montant  des  dépôts  (132.471.494.365 
réis)  s'élève  à  377.41 1 .664  francs. 

Faisant  la  somme  du  capital  versé,  des  réserves  et  des  dépôts, 
nous  arrivons  au  chiffre  de  :  7 23.374.141  francs,  qui  repré- 
sente sensiblement  les  quatre  cinquièmes  du  fonds  de  roulement 
du  pays. 

Le  manque  de  fonds  de  roulement  fait  que  le  taux  de  l'es- 
compte et  des  prêts  est  élevé.  A  Bio-dc-Janciro,  le  taux  est  assez 
régulièrement  de  8  à  10  pour  100.  Dans  les  provinces  où  il  y  a  des 


BANQUES     ET     INSTITUTIONS     DE     CREDIT.  351 

banques,  le  taux  varie  de  10  à  12  0/0.  Dans  les  provinces  dépour- 
vues de  banques,  le-  (aux  monte  de  12  à  18  0/0. 

La  dette  de  l'Empire,  intérieure  et  extérieure,  y  compris  le 
papier-monnaie,  s'élève  en  chiffres  ronds  à  :  1.164.000  contos  de 
réis,  soîl  environ  72.750  réis  ou  207  fr.  26  par  tète  d'habitant,  en 
prenant  le  chiffre  de  16  millions  pour  la  population. 

Le  service  d'intérêts  et  d'amortissement  de  la  dette  est  évalué 
à  41 .100  contos  de  réis.  En  nous  reportant  à  la  rédaction  finale  du 
budget  pour  l'année  financière  de  1889,  nous  trouvons  que  les 
recettes  sont  évaluées  à  147.200  contos  de  réis  et  les  dépenses  à 
173.315  contos,  en  chiffres  ronds.  Il  y  a  donc  un  déficit  de  26.115 
contos,  que  le  ministre  espère  combler  sans  imposer  de  nouvelles 
charges  aux  contribuables.  Il  convient  d'ajouter  que  ce  déficit 
provient  de  dépenses  extraordinaires,  dont  le  montant  est  compris 
dans/le  chiffre  de  il 3  .Si  5  contos  de  réis  et  qui  ont  été  votées  pour 
donner  un  grand  développement  aux  voies  de  communication  rapide, 
à  la  colonisation  nationale  et  étrangère  et  à  V immigration. 

Après  ces  considérations  générales,  nous  allons  entrer  dans  le 
vif  de  notre  sujet  et  passer  en  revue  les  différentes  banques  et 
institutions  de  crédit,  sans  rien  dire  des  caisses  d'épargne,  qui 
ne  sont  à  proprement  parler  que  des  dépôts  où  l'Etat  puise  pour 
faire  face  à  sa  dette  flottante. 

I.  Rio  -  de  -  Janeiro .  —  Banco-  do-  Brazil.  —  Sous  le 
nom  de  Banco  -do-  Brazil ,  trois  banques  ont  successivement 
fonctionné  à  Rio -de -Janeiro.  La  première  ne  servit  qu'aux 
affaines  du  gouvernement  du  roi  Dom  Joâo  VI  et  finit  après 
quelques  années  d'existence.  La  deuxième  fut  fondée  par  le 
vicomte  de  Mauâ,  l'homme  qui  a  le  plus  contribué  au  progrès 
économique  du  pays,  et  fonctionna,  comme  banque  de  dé- 
pôts et  d'escompte,  de  1852  à  1854,  distribuant  à  ses  action- 
naires de  beaux  dividendes  et  atteignant  un  chiffre  d'affaires  de 
trois  cent  mille  contos  de  réis.  Ases  côtés  prospérait  le  premier 
établissement  de  banque  fondé  au  Brésil  au  profit  du  commerce, 
la  banque  dite  «  Banco  commercial  do  Rio-de-Janeiro  »,  création 
de  François  Ignace  Ratton,  en  1838.  Mettant  à  profit  la  loi  n°  683 
du  5  juillet  1853,  le  Ministre  des  finances  Joaquim  José  Rodrigues 
Torres,  plus  tard  vicomte  d'Itaborahy,  signa  avec  ces  deux  im- 
portants établissements  une  convention  ayant  pour  butleur  fusion 
en  une  seule  banque  de  dépôts,  d'escompte  et  d'émission.  Le 
décret  n°  1223  du   31  août  1853   ratifia  cette  fusion,  en  même 


S  52  LE    I'.kksiI    EN     1889. 

temps  qu'il  approuvait  les  statuts  de  la  Banque  du  Brésil  actuelle, 
née  de  cette  fusion  et  troisième  du  nom.  Préoccupées  de  la  néces- 
sité de  la  création  d'une  banque  d'émission,  les  Chambres  légis- 
latives avaient  voté  la  loi  n°  083  du  5  juillet  1853,  sanctionnée 
par  l'Empereur,  à  laquelle  nous  venons  de  faire  allusion.  Cette 
Loi  autorisait  la  création  d'une  banque  au  capital  de  trente  mille 
contos  de  réis,  divisé  en  cent  cinquante  mille  actions,  et  pour 
une  durée  de  trente  ans.  La  banque  pourrait  émettre  des  billets 
à  vue  et  au  porteur  jusqu'à  concurrence  du  double  de  son  fonds 
disponible  ;  au-delà  de  cette  limite  un  décret  du  Gouvernement 
devenait  nécessaire  pour  une  nouvelle  émission.  La  banque 
pourrait  augmenter  son  capital  et  créer  des  succursales  dans 
l'Empire,  après  en  avoir  obtenu  l'autorisation  du  Gouvernement. 
Elle  aurait  un  président  et  un  vice-président  nommés  par  l'Em- 
pereur parmi  les  actionnaires  détenteurs  d'au  moins  cinquante 
actions.  Les  billets  de  la  Banque  seraient  convertibles  en  papier- 
monnaie  de  l'État  ou  en  métal,  et  ils  auraient  le  privilège  exclusif 
d'être  reçus  dans  les  caisses  publiques  aussi  bien  àRio-de-Janeiro 
que  dans  les  provinces  où  la  Banque  aurait  des  succursales.  La 
Banque  s'engagerait  à  opérer  le  retrait  du  papier-monnaie  de 
l'État  et  à  prêter  au  Gouvernement  à  cet  effet  une  somme  de  dix 
mille  contos  de  réis,  sans  intérêts,  pendant  la  durée  du  privilège 
de  la  Banque.  L'excédent  du  papier-monnaie  racheté  par  la 
Banque  lui  serait  remboursé  par  l'État  tous  les  trois  mois.  Le 
Gouvernement  était  autorisé  à  garantir  sur  un  marché  étranger 
quelconque  le  crédit  dontlaBanque  aurait  besoin  jusqu'à  concur- 
rence de  la  dette  de  l'Etat  envers  la  Banque.  Cette  loi  est,  comme 
nous  l'avons  vu,  la  véritable  origine  de  la  Banque  du  Brésil 
actuelle. 

Le  10  avril  1854,  la  Banque  commençait  ses  opérations;  elle 
compte  donc  plus  de  23  années  d'existence.  Durant  ce  laps  de 
temps,  elle  a  traversé  des  crises  sérieuses,  qu'elle  a  vaincues 
grâce  à  sa  liaison  intime  avec  le  Gouvernement  ;  elle  a  subi  des 
modifications  fréquentes,  parfois  profondes,  dans  ses  statuts  et 
ses  privilèges.  En  1862,  par  le  décret  n°  2970  du  9  septembre  de 
la  même  année,  le  Gouvernement  approuvait  une  convention 
passée  entre  le  «  Banco-do-Brazil  »  d'une  part  et  le  «  Banco 
llural  e  hypothecario  »  et  le  «  Banco  commercial  e  agricola  » 
d'autre  part,  ayant  pour  but  :  1°  le  transfert  au  «  Banco-do- 
Brazil  »  du  droit  d'émission  que  possédaient  les  deux  autres 
Langues  et  le  retrait  des  billets  émis  par  elles;  2°  la  fusion  du 


BANQUES     ET     INSTITUTIONS     DE     CRÉDIT.  353 

«  Banco  commercial  e  agricola  »  avec  le  «  Banco-do-Brazil  ». 
—  Le  «  Banco  rural  e  hypothecario  »  vendit  son  droit  d'émission 
pour  quatre  cents  contos  de  réis.  En  compensation  de  son  droit 
d'émission  et  à  valoir  sur  la  liquidation  de  son  actif,  le  «  Banco 
commercial  e  agricola  »  reçut  vingt-quatre  mille  actions  de  la 
Banque  du  Brésil,  libérées  de  80  p.  100.  Le  capital  de  la  Banque 
du  Brésil,  dont  9.000  actions  restaient  alors  à  émettre,  fut  ainsi 
porté  à  33.000  contos  de  réis  représentés  par  16.500  actions.  — 
En  1864,  toutes  ces  actions  se  trouvaient  intégralement  libérées, 
et  constituent  le  capital  actuel  de  la  Banque.  Cette  même  année 
survint  une  crise  commerciale  dont  les  effets  se  sont  fait  sentir 
pendant  dix  à  douze  ans.  A  cette  occasion,  la  Banque,  autorisée 
par  le  Gouvernement,  éleva  son  émission  à  85.000  contos  de 
réis  environ.  En  186G,  elle  renonça  à  ce  droit  d'émission  par 
suite  d'une  convention  passée  avec  le  Gouvernement  et  en  exé- 
cution de  la  loi  n°  1349  du  12  septembre  1866.  L'État  devait  alors 
à  la  Banque  environ  15.000  contos  de  réis,  provenant  du  rachat 
du  papier-monnaie,  et  25.000  contos  pris  au  fonds  métallique  de 
la  Banque  pour  faire  face  aux  besoins  de  la  guerre  du  Paraguay. 
Pour  liquider  ces  dettes,  le  Gouvernement  retira  delà  circulation 
les  billets  de  la  Banque  du  Brésil  jusqu'à  concurrence  d'environ 
40.000  contos  de  réis.  La  Banque  s'engagea  à  retirer  de  la  circu- 
lation le  solde  de  ses  billets,  qui  s'élevait  alors  à  45.600  contos. 
Le  retrait  devait  s'opérer  par  des  amortissements  annuels,  qui 
ont  été  de  5  à  8  p.  100  jusqu'en  1873. 

A  cette  époque,  la  Banque  fut  autorisée  à  réduire  l'amortis- 
sement annuel  à  2  1/2  0/0  du  solde  primitif  de  45.600  contos, 
soit  1140  contos  de  réis,  en  vertu  de  la  loi  n°  2.400  du  17  septem- 
bre 1873  et  d'une  nouvelle  convention  passée  avec  le  gouverne- 
ment en  date  du  24  décembre  1873,  La  circulation  des  billets  de 
la  Banque  équivalait  pour  elle  à  la  jouissance  d'une  forte  somme 
sans  intérêts  ;  aussi  le  gouvernement  n'accorda-t-il  le  retrait  par 
amortissements  annuels  que  moyennant  réciprocité  de  services, 
et  la  Banque  s'engagea  parla  même  convention  de  1866  à  créer 
une  caisse  de  prêts  sur  hypothèque  de  propriétés  rurales  jusqu'à 
concurrence  de  2.500  contos  de  réis  et  à  raison  de  6  0/0  d'intérêts 
annuels.  Le  montant  des  prêts  devait  être  maintenu  à  ce  chiffre 
minimum,  et,  au  cas  où  il  ne  le  serait  pas,  une  forte  amende  se- 
rait imposée  sur  le  montant  non  prêté  et  appliquée  à  l'amortisse- 
ment plus  rapide  des  billets  de  la  Banque. 

Craignant  les  conséquences  de  l'abolition  del'esclavage  au  point 

23 


354  LE     13HES1L     EN     1889. 

de  vue  de  la  solvabilité  des  cultivateurs,  la  Banque  rossa  dans  ces 
res  années  d'accorder  de  nouveaux  prêts  à  L'agriculture  et 

préféra  se  soumettre  aux  amendes  prévues,  qui  ont  contribué  à 
■  le  solde  de  ses  billets  en  circulation  à  la  somme  de  13.617 
contosde  réis,  d'après  son  bilan  arrêté  au  30  juin  1888.  La  loi 
du  13  mai  1888  a  déclaré  l'esclavage  aboli  au  Brésil.  Il  en  résulte 
de  nouveaux  besoins  d'argent  pour  les  cultivateurs  forcés  dès  lors 
à  payer  des  salaires.  Pour  leur  venir  en  aide,  le  gouvernement  a 
avec  la  Banque  du  Brésil  une  nouvelle  convention,  en  date 
du  3  août  1888,  ayant  pour  but  la  création  d'une  caisse  de  crédit 
agricole  dans  le  département  hypothécaire  de  la  Banque,  au  ca- 
pital de  12.000  contos  de  réis,  dont  6.000  contos  fournis  par  le 
Trésor  Public  sans  intérêts  pendant  cinq  ans  et  remboursables 
à  l'État  à  l'expiration  de  ce  délai.  Le  taux  de  l'intérêt  à  payer  par 
le  cultivateur  est  limité  à  6  0/0  pour  toute  la  durée  du  contrat 
de  prêt.  Cette  convention  n'a  trait  qu'aux  avances  à  faire  aux 
cultivateurs  de  la  zone  caféière  des  provinces  de  Rio-de-Janeiro. 
Minas-Geraes,  Espirito-Sant©  et  San-Pauio.  Une  nouvelle  conven- 
tion de  même  nature,  en  date  du  9  octobre  1888,  a  été  signée  entre 
l'État  et  la  Banque  pour  venir  en  aide  à  l'agricukure  des  pro- 
vinces de  Pernambuco,Alagôas,Parahyba-du-Nord  et  Rio-Grande- 
du-Nord    qui  produisent    plus  spécialement  la  canne  à  sucre. 

Depuis  1807,1e  gouvernementa  cessé  d'intervenir  directement 
dans  la  nomination  du  Président  et  du  Yice-président  de  la  Ban- 
que. Il  a  ainsi  fait  cesser  sa  responsabilité  morale  relativement  à 
la  bonne  gestion  des  affaires  de  la  Banque.  La  portée  de  ce  fait 
ne  parait  pas  avoir  été  suffisamment  remarquée  par  les  actionnaires 
qui  ne  prennent  pas  à  la  nomination  du  Conseil  d'Administration 
la  part  active  qu'ils  devraient  prendre,  s'ils  n'étaient  pas  dans 
la  croyance  que  le  gouvernement  veille  toujours  à  la  sécurité  de 
leur  établissement. 

La  Banque  est  en  même  temps  Banque  de  dépôts  et  d'escompte 
et  Banque  hypothécaire  et  agricole.  D'après  le  contrat  passé  avec 
le  gouvernement,  le  portefeuille  de  prêts  sur  hypothèques 
et  de  crédit  agricole  est  complètement  séparé  du  portefeuille 
commercial.  Or,  pour  constituer  le  portefeuille  de  prêts  sur 
hypothèques  et  de  crédit  agricole,  on  a  pris,  sur  le  capital  social 
de  33.000  contos  de  réis,  la  somme  de  25.000  contos  de  réis,  lais- 
sant au  portefeuille  commercial  8.000  contos  seulement  pour 
garantir  ses  opérations  dont  la  grande  importance  ressortira  des 
chiffres  suivants,  extraits  du  bilan  au  30  juin  1888. 


BANQUES     ET     INSTITUTIONS     DE     CRÉDIT.  355 

La  totalité  des  dépôts  à  cette  date  s'élevait  en  chiffres  ronds  à 
58.000  contos  de  réis,  dont  : 

6.000  contos  au  crédit  du  compte  courant  de  l'État,  et 
21.000  contos  au  crédit  des  comptes  courants  des  autres  ban- 
ques et  des  négociants. 

Soit  27.000  contos,  qui  pouvaient  être  retirés  à  tout  moment. 
Le  restant,  soit  31.000  contos,  consistait  en  dépôts  à  échéances, 
rentes  déterminées. 

Le  solde  de  l'émission,  soit  13.617  contos,  peut  être  considéré 
comme  une  dette  remboursable  par  annuités  et  peu  inquiétante. 

Par  contre,  la  Banque  doit  à  l'État  un  emprunt  de  10.664 
contos,  garanti  par  des  rentes  de  l'État,  qui  ne  peut  pas  être 
considéré  comme  une  ressource  normale.  Il  a  été  accordé  en  vertu 
de  la  loi  de  1883  qui  a  autorisé  le  gouvernement  à  faire  au  besoin 
une  émission  extraordinaire  de  papier-monnaie  jusqu'à  concur- 
rence de  25.000  contos  de  réis,  pour  venir  en  aide  aux  banques  en 
cas  de  crise,  moyennant  des  intérêts  de  6  0/0  et  la  garantie  de 
de  l'État. 

Du  bilan  au  30  juin  1888,  nous  extraierons  encore  les  chiffres 
suivants  : 

Billets  de  la  dette  flottante 20.985  contos  de  réis. 

Effets  escomptés 18.958  — 

Prêts  sur  garantie  de  rentes,    d'ac- 
tions, etc 1.020  — 

Effets  à  recevoir 927  — 

Avances  en  comptes  courants  nantis.  23.335  — 

Immeubles 974  — 

Bâtiment  de  la  Banque  et  mobilier. . .  764  — 

Fonds  publics 14.128  — 

Actions  et  obligations  de  Compagnies 

diverses 2 .  670  — 

Succursale  de  San-Paulo,  capital   et 

dette  en  compte  courant 1 . 560  — 

Divers  :  solde  de  divers  comptes 3 .  199  — 

Encaisse 7 .  443  — 

Fonds  de  réserve 7.408  — 

Créances  douteuses 6.821  — 


35G  Li;     BRÉSIL     EN     18  89. 

Le  mouvement  de  caisse  durant  l'année  1887-1888  a  été  de 
1.063.944  contos  de  réis,  présentant  une  diminution  de  403.U0O 
COntos  sur  l'année  antérieure. 

11  y  a  également  de  fortes  diminutions  sur  le  chiffre  des 
escomptes,  à  savoir  :  25.000  contos  de  réis  sur  les  billets  de  La 
dette  flottante,  et  33.400  contos  sur  les  effets  de  commerce. 

Nous  compléterons  ces  chiffres  par  quelques  données  sur  les 
opérations  du  portefeuille  des  hypothèques,  jusqu'à  la  date  du 
30  juin  1888. 

Les  prêts  consentis  depuis  la  création  de  ce  portefeuille  en 
1867  se  chiffrent  par  76.263  contos  de  réis,  dont  il  reste  dû  19.120 
contos,  montant  de  G09  contrats.  Les  pertes  n'ont  été  que  de  un 
et  vingt-trois  centièmes  pour  cent  sur  les  609  débiteurs. 

298  doivent  8.313  contos  de  réis  et  sont  à  jour  ; 
46  doivent  1.474  contos  de  réis  et  sont  en  retard  d'une  demi- 

annuité  ; 
29  doivent  935  contos  de  réis  et  sont  en  retard  d'une  annuité; 
23  doivent  072  contos  de  réis  et  sont  en  retard  d'une  annuité 
et  demie  ; 

213  doivent  7.726  contos  et  sont  en  retard  de  deux  annuités 
et  plus. 

Ces  retards  sont  attribués  en  partie  à  la  mauvaise  récolte  de 
café  en  1887,  et  en  partie  à  la  désorganisation  du  travail  agricole 
causée  par  l'affranchissement  des  esclaves. 

Les  intérêts  échus  et  non  payés  s'élèvent  à  2.116  contos  de 
réis.  Les  prêts  sur  propriétés  urbaines  sont  presque  liquidés,  car 
il  n'en  reste  que  pour  la  somme  de  456  contos  de  réis.  Les 
propriétés  rurales,  que  la  Banque  a  dû  acquérir  en  paiement  de 
ses  prêts,  sont  au  nombre  de  16  et  représentent  un  capital  de 
633  contos  de  réis.  La  Banque  attend  une  amélioration  du  marché 
pour  vendre  ces  propriétés  sans  perte.  La  bonne  récolte  de  café 
en  1888  doit  amener  une  réduction  des  dettes  des  cultivateurs. 

Le  Conseil  de  surveillance  de  1887  ne  s'est  pas  montré  rassuré 
sur  la  sécurité  de  la  Banque,  et,  conjointement  avec  d'autres 
membres  spécialement  nommés  par  l'Assemblée  générale  des 
actionnaires,  il  a  présenté  un  projet  de  modification  des  statuts, 
dans  le  double  but  de  donner  à  la  Banque  une  administration 
plus  ferme  et  de  transférer  le  portefeuille  des  hypothèques  à  une 
caisse  de  crédit  hypothécaire  mutuel.  Le  projet  discuté  et  adopté 
par  l'Assemblée  générale  des  actionnaires  fut  soumis  à  l'appro- 
bation  du  gouvernement   au   mois  d'avril  1888.  Une   nouvelle 


BANQUES     ET     INSTITUTIONS     DE     CRÉDIT.  357 

assemblée  générale  vient  d'annuler  le  projet  antérieur  en  votant 
le  20  octobre  de  nouvelles  modifications  des  statuts  qui  ne  chan- 
gent rien  au  portefeuille  des  hypothèques,  bien  que  la  mobilisa- 
tion du  capital  engagé  dans  ce  portefeuille  paraisse  désirable 
pour  que  la  Banque  maintienne  sa  situation  de  première  Banque 
d'escompte  et  de  dépôts  de  la  place  de  Rio-de-Janeiro. 

Par  décret  du  n°  10.077  du  17  novembre  1888,  le  gouverne- 
ment a  approuvé  les  nouveaux  statuts  votés  le  20  octobre  dernier. 

Banco  rural  e  Hypothecario.  —  La  banque  dite  «  Banco  rural 
e  Hypothecario  »  a  commencé  à  fonctionner  le  1er  mai  1854,  un 
an  environ  après  l'approbation  de  ses  statuts  par  le  décret  n°  1136 
du  30  mars  1853.  Le  capital  social  était  de  8.000  contos  de  réis, 
divisés  en  40.000  actions  de  200.000  réis  chaque,  qui  se  trouvaient 
entièrement  libérées  en  1857.  Le  décret  n°  2111  du  27  février 
1858  modifia  les  statuts  et  éleva  le  capital  social  à  16.000  contos. 
Ce  même  décret  donnait  à  la  banque  le  droit  d'émettre  des  billets 
au  porteur  et  à  vue  jusqu'à  concurrence  du  capital  réalisé. 
L'émission  était  garantie  moitié  en  titres  de  rentes  de  l'État  et 
en  actions  de  compagnies  de  chemins  de  fer  jouissant  de  la 
garantie  d'intérêts  de  l'État,  moitié  en  titres  de  portefeuille  de 
la  banque.  Les  billets  seraient  échangeables  contre  de  la  monnaie 
métallique  ou  des  billets  du  Trésor  et  ne  pourraient  avoir  une 
valeur  inférieure  à  20.000  réis.  Le  décret  n°  2192  du  12  juin  1858 
mit  la  rédaction  des  statuts  d'accord  avec  le  décret  précédent. 
La  crise  commerciale  de  1864  amena  de  nouvelles  modifications 
dans  les  statuts,  modifications  sanctionnées  par  les  décrets 
n°  4210  du  13  juin  1868  et  n°  4508  du  22  avril  1870,  et  d'accord 
avec  les  dispositions  de  la  loi  n°  1083  du  22  août  1860  et  le  décret 
n°2711  du  19  décembre  1860.  Après  la  promulgation  de  la  loi  sur 
les  sociétés  anonymes  n°  3150  du  4  novembre  1882,  l'Assemblée 
générale  des  actionnaires  adopta  les  nouveaux  statuts  actuelle- 
ment en  vigueur,  qui  furent  enregistrés  le  13  septembre  1883  à 
la  chambre  de  commerce  de  Rio-de-Janeiro.  Le  capital  social 
resta  fixé  à  16.000  contos  de  réis,  dont  8.000  étaient  versés.  Le 
19  mars  1886  l'assemblée  générale  votait  la  distribution  aux  action- 
naires de  2.000  contos  tirés  du  fonds  de  réserve  et  créait  à  cet 
effet  10.000  actions  nouvelles  de  200.000  réis  chacune.  Le  capital 
versé  s'est  ainsi  trouvé  porté  à  10.000  contos  de  réis  divisés  en 
50.000  actions.  Les  principales  opérations  de  la  banque  ont  trait 
aux  dépôts  en  compte  courant  et  à  terme,  à  l'escompte  des  effets 


353  LE     BRÉSIL     EN     1S89. 

de  commerce,  aux  prêts  sur  hypothèques  de  propriétés  urbaines 
et  aui  avances  contre  garantie  de  titres  de  rentes  de  l'État  ou 
titres  de  compagnies  de  crédit  notoire.  Le  taux  de  ses  dépôts  et 
escomptes  se  règle  sur  le  taux  de  la  banque  du  Brésil.  La  banque 
ne  peut  pas  faire  d'opérations  de  change.  Nous  avons  vu  qu'elle 
a  renoncé  depuis  1862  à  son  droit  d'émission  et  Ta  cédé  à  la 
Banque  du  Brésil,  moyennant  une  compensation  en  argent  de 
400  contos  de  réis.  Cette  banque  a  été  un  puissant  auxiliaire  pour 
deux  importantes  compagnies  de  chemins  de  fer,  la  «  Leopol- 
dina  »  et  la  «  Macahé  e  Campos  »;  elle  a  également  prêté  son 
concours  à  la  création  et  au  développement  de  la  compagnie  des 
Docks  D.  Pedro  II  et  accorde  maintenant  son  appui  aux  industries 
naissantes  du  pays,  telles  que  les  filatures  et  tissages,  etc. 
Pour  faire  face  au  retrait  de  ses  dépôts  en  cas  de  crise,  elle 
conserve  toujours  une  forte  somme  employée  en  titres  de  la  dette 
publique.  La  crise  de  1857  a  été  peu  sensible  pour  la  banque,  qui 
débutait  pour  ainsi  dire,  et  elle  a  pu,  sans  grandes  pertes,  liquider 
ses  créances  douteuses  qui  s'élevaient  à  ce  moment  à  1.647.420.000 
réis.  La  crise  de  1864  faillit  amenor  la  liquidation  funeste  de  la 
banque.  Elle  dut  son  salut  à  la  banque  du  Brésil,  qui  lui  a\ 
13.226  contos  de  réis  pour  faire  face  au  retrait  de  ses  dépôts.  Elle 
a  traversé  sans  encombre  la  crise  de  1875,  grâce  au  crédit  dont 
elle  jouissait  auprès  du  Trésor  national,  qui  lui  avança  directe- 
ment une  somme  de  3.480.300.000  réis  contre  garantie  de  3.857 
titres  de  rente  de  la  dette  publique. 

Depuis  lors  la  banque  n'a  cessé  de  prospérer,  et  ses  actions 
de  200.000  réis  sont  actuellement  cotées  309.000  réis.  Elles  sont 
d'ailleurs  entre  les  mains  de  capitalistes  qui  les  considèrent 
comme  titres  de  rente  et  non  de  spéculation.  Le  dernier  divi- 
dende a  élé  à  raison  de  10  pour  100  Fan,  et  il  en  est  ainsi  depuis 
longtemps.  Au  30  juin  1888,  le  bilan  contenait  les  chiffres 
suivant-  : 

Mouvement  de  caisse  à  l'entrée  durant 

le  semestre 126.357.381.929  réis. 

Dépôts  28. 174. 731 . 127  — 

Créances  douteuse^ 227 .  222 .  709  — 

Fonds  de  réserve 2.560.000.000  — 

Encaisse 1.768.039.520  — 

Titres  de  la  dette  publique 8.904.641.000  — 

Billets  du  trésor 1.500.000.000  — 


BANQUES     ET     INSTITUTIONS     DE     CRÉDIT.  350 

Effets  escomptés 3.608.016.812  réis. 

Effets  a  recevoir 635.226.590    - 

Comptes-courants  nantis 19 . 416 . 569 . 122     — 

.Vlions   et    obligations    de    compagnies 

diverses 4.451.621.520    — 

Édifices  et  propriétés  de  la  banque 397.185.392     — 

M.  le  conseiller  Thomas  Alves  junior,  avocat  de  la  banque,  a 
bien  voulu  nous  donner  de  précieux  renseignements  sur  cette 
banque. 

Banco  commercial  do  Rio-de-Janeiro.  —  Création  du  comte 
de  San-Salvador-de-Mattosinhos,  le  «  Banco  commercial  do  Rio- 
de-Janeiro  »  existe  depuis  près  d'un  quart  de  siècle.  Son  fonda- 
teur a  su  le  diriger  avec  succès  à  travers  les  crises  qui  sont  venues 
troubler  le  marché  de  Rio-de-Janeiro,  et  en  a  fait  un  établisse- 
ment de  premier  ordre.  C'est  une  banque  de  dépôts  et  d'escompte. 
Elle  peut  au  besoin  accorder  des  prêts  à  court  délai  sur  hypo- 
thèque d'immeubles  situés  dans  la  capitale.  La  première  assem- 
blée générale  des  actionnaires  fut  tenue  le  11  mai  1866,  et  dès  le 
4  juillet  suivant  la  banque  entamait  ses  opérations  avec  un  capi- 
tal versé  de  1.200  contos  de  réis,  représentant  20  pour  100  du 
capital  souscrit  (6.000  contos  de  réis)  et  10  pour  100  du  capital 
nominal  (12.000  contos  de  réis).  En  1884,  le  capital  souscrit  se 
trouvait  intégralement  versé.  En  1886,  il  était  porté  à  douze  mille 
contos  de  réis,  soit  à  la  totalité  du  capital  nominal.  A  cet  effet 
on  fit  l'émission  d'une  nouvelle  série  de  30.000  actions,  d'une 
valeur  de  200.000  réis  chacune,  sur  lesquels  120.000  réis  furent 
successivement  appelés  et  versés  en  1886  et  1887.  En  1888, 
l'assemblée  générale  extraordinaire  des  actionnaires  du  29  février 
réduisit  à  20.000  le  nombre  des  actions  sur  lesquelles  180.000 
réis  au  lieu  de  120.000  réis  se  trouvèrent  alors  effectivement 
versés.  Le  solde  de  20.000  réis  fut  appelé  et  le  capital  souscrit  se 
trouva  réduit  à  10.000  contos  de  réis,  mais  intégralement  versés. 
Cette  même  assemblée  autorisa  le  conseil  d'administration,  après 
entente  avec  le  conseil  de  surveillance,  à  élever  le  capital  social 
à  20.000  contos  de  réis,  à  l'époque  et  de  la  manière  qu'il  jugerait 
préférable,  en  sauvegardant  les  dispositions  de  la  loi  n°  3150  du 
4  novembre  1882  sur  les  sociétés  anonymes.  Mettant  à  profit  cette 
autorisation,  le  conseil  d'Administration  a  émis  en  octobre 
dernier  des  actions  pour  une  valeur  nominale  de  5.600  contos, 


360  LE     BRÉSIL     EN      1889. 

qui  ont  été  souscrits  et  sur  lesquels  10  pour  100  ou  500  contos 

Ont  été  versés. 

Nous  croyons  savoir  de  bonne  source  que  l'Assemblée  géné- 
rale  «les  actionnaires  sera  appelée  sous  peu  à  voter  l'émission  de 
tout  le  capital  de  20.000  contos  de  réis,  divisé  en  deux  séries  de 
10.000  contos,  dont  la  première  se  trouve  libérée  et  dont  la 
seconde  aura  versé  20  pour  100.  Le  capital  versé  ainsi  sera  porté  à 
douze  mille  contos. 

Durant  les  vingt-deux  années  d'existence  de  cette  Banque,  ses 
dividendes  se  sont  élevés  à  une  moyenne  de  10  4/5  pour  100  Tan, 
sans  compter  une  somme  de  1.000  contos  de  réis  prise  en  1881 
au  fonds  de  réserve  et  portée  au  crédit  des  actionnaires  pour 
parfaire  le  versement  dû  sur  les  actions.  L'action  de  200.000  réis 
est  cotée245.000  réis.  Le  mouvementde  la  caisse  à  l'entréedurant 
le  semestre  de  janvier  à  juin  1888  a  été  de  48.930.531.698  réis. 
Au  30  juin  1888,  les  dépots  s'élevaient  à  10.249.000.809  réis;  les 
profits  en  suspens,  à  1.000.000.000  réis;  le  fonds  de  réserve  était 
de  1.956.075.516  réis;  les  créances  douteuses  se  chiffraient  par 
748.437.949  réis.  En  dehors  d'un  solde  en  caisse  de  692. 164.520  réis, 
la  Banque  avait  en  dépôt  et  compte  courant,  à  la  Banque  Inter- 
nationale du  Brésil  2.505.106.900  réis;  à  la  Banque  du  Brésil, 
2.002.583.740  réis.  Le  montant  de  ses  prêts  en  comptes  courants 
garantis  par  titres  divers  était  de  6.474.483.539  réis,  et  en 
comptes  courants  simples,  2.928.813.373  réis.  La  somme  en 
effets  de  commerce  escomptés  s'élevait  à  3.620.055.953  réis.  La 
Banque  possédait  en  actions  et  obligations  de  sociétés  diverses 
3.593.549.429  réis,  et  en  fonds  publics  1.913.156.200  réis.  Cet 
établissement  entretient  des  relations  importantes  et  suivies  avec 
l'étranger.  Ses  principaux  correspondants  sont  : 

A  Lisbonne  et  Oporto  :  «  O  Banco  do  Portugal.  »  —  A 
Londres  :  «  The  London  and  County  Bank  Led  »,  «  The  Mer- 
chant  Banking  Company  Led.  »  — A  Paris  :  «  Le  CompUir  d'Es- 
compte »  «  André,  Girod  et  Compagnie.  »  —  A  Gênes,  Milan  et 
Rome  :  «  Banca  Générale.  »  —  A  Naples  :  «  Società  di  Credito 
Méridionale.   » 

La  Banque  vient  de  faire  une  perte  cruelle  dans  la  personne 
de  son  fondateur,  le  comte  de  San-Salvador-de-Mattosinhos, 
décédé  le  25  octobre  1888,  et  qui  était  son  président  depuis  1877 
d'une  façon  ininterrompue.  Sous  sa  direction,  la  Banque  a  rendu 
de  grands  services.au  commerce  de  Rio-de- Janeiro  et  même  à  l'in- 
dustrie nationale. 


BANQUES     ET     INSTITUTIONS     DE     CRÉDIT.  361 

Banco  do  Commercio.  —  Cette  Banque  a  été  fondée  en  1874 
et  ses  premiers  statuts  ont  été  approuvés  par  le  décret  impérial 
n°  5742  du  16  septembre  de  la  même  année.  Parmi  les  fondateurs 
se  trouvait  le  négociant  Manuel-José  Soares,  aujourd'hui  sénateur 
de  l'Empire  et  président  de  la  Banque.  En  février  1875,  la  Banque 
commençait  ses  opérations.  Dès  1878  elle  adoptait  de  nouveaux 
statuts,  qui  furent  approuvés  par  le  décret  n°  7168  du  15  février 
1879.  En  dépit  de  dissensions  intestines  qui  donnèrent  lieu  à  des 
procès  retentissants  et  retardèrent  le  développement  régulier  de 
l'institution,  les  dividendes  se  sont  élevés  régulièrement  à  8,  9 
et  10  pour  100.  Le  capital  souscrit  est  actuellement  de 
12.000.000.000  de  réis,  dont  10.500.000.000  sont  effectivement  ver- 
sés; le  solde  est  appelé  dès  maintenant.  L'ensemble  des  réserves 
s'élève  à  1.235.000.000  de  réis.  Ces  chiffres  sont  postérieurs  à  la 
date  du  30  juin.  On  trouvera  dans  le  tableau  général  les  chiffres 
au  30  juin. 

Par  de  nouveaux  statuts  tout  récemment  adoptés  dans  l'Assem- 
blée générale  des  actionnaires  du  5  novembre  1888,  la  Banque 
se  soumet  au  régime  de  la  loi  n°  3150  du  4  novembre  1882  et  du 
décret  n°  8821  du  30  décembre  de  la  même  année.  Cette  loi  et  ce 
décret  fixent  la  législation  des  Sociétés  anonymes  et  la  plupart 
des  Banques  anciennes  ont  adapté  leurs  statuts  à  ce  nouveau 
régime.  En  vertu  des  nouveaux  satuts,  le  «  Banco  do  Commer- 
cio »  demeure  autorisé  à  élever  son  capital  à  vingt  mille  contos 
de  réis;  la  durée  de  la  Société  est  fixée  à  trente  ans;  la  direction 
se  compose  d'un  président  et  d'un  directeur.  Le  sénateur  Manuel- 
José  Soares  vient  d'être  réélu  président  avec  des  pouvoirs  presque 
illimités.  Bien  que  la  Banque  ait  des  correspondants  à  l'étranger 
sur  lesquels  elle  fait  traite,  elle  paraît  se  borner  à  faire  traite  pour 
satisfaire  ses  clients  qui  ont  besoin  d'envoyer  des  fonds  en 
Europe  à  un  moment  donné.  Par  contre,  elle  fait  l'escompte  sur 
place  de  papier  ayant  jusqu'à  six  mois  d'échéance.  Elle  ouvre  des 
comptes  courants  aux  négociants  avec  ou  sans  cautionnement. 
Elle  avance  des  fonds  sur  des  acceptations  de  négociants  de 
l'intérieur  du  pays,  quand  ces  acceptations  proviennent  d'achat 
de  marchandises  et  sont  payables  à  Rio-de-Janeiro.  Elle  peut 
prêter  sur  hypothèque  d'immeubles  sis  à  Rio-de-Janeiro,  Nitheroy 
et  Petropolis,  ainsi  que  sur  fonds  publics,  actions  et  obligations 
de  sociétés  anonymes  et  sur  des  warrants.  Elle  opère  généralement 
comme  Banque  de  dépôts,  d'escompte  et  de  commission.  Elle 
peut  se  charger  aussi   de  lancer  des  affaires.  Elle  possède  un 


362  LE      BRESIL     EN      1889. 

conseil  de  surveillance  composé  de  quatre  membres  qui  doivent 
tenir  séance  une  fois  par  semaine  et  sont  payés  par  des  jetons  de 
présence.  C'est  la  première  Banque  du  Brésil  qui  accorde  des 
jetons  de  présence  aux  membres  de  son  Conseil  de  surveillance. 
Ses  actions,  de  la  valeur  nominale  de  200.000  réis,  sont  cotées 
aujourd'hui  222.000  réis. 

Banco  industrial  e  Mercantil  do  Rio-de-Janeiro.  —  Sous 
le  nom  de  «  Banco  industrial  e  Mercantil  do  Rio-de-Janeiro  »,  le 
conseiller  Jeronymo-José  Teixeira  junior  et  ses  amis  fondaient  en 
1872  un  établissement  de  Banque  de  dépôts  et  d'escompte,  ayant 
pour  but  de  concourir  au  développement  industriel  et  commer- 
cial du  pays.  Les  statuks  furent  approuvés  par  le  décret  impérial 
n°  4.969  du  29  mai  1872.  En  1875,  ils  subissaient  une  première 
modification,  ratifiée  par  le  déeret  impérial  n°  5.988  du  8  sep- 
tembre 1875.  Une  nouvelle  modification  des  statuts  fut  votée  par 
l'Assemblée  générale  des  actionnaires  du  25  octobre  1884,  afin  de 
mettre  les  statuts  d'accord  avec  la  loi  n°  3.150  du  4  novembre  1882 
qui  régit  les  sociétés  anonymes.  Nous  ne  citons  ces  diverses 
modifications  qu'au  point  de  vue  historique  car  elles  n'ont 
changé  ni  le  but  ni  les  moyens  d'action  de  la  Banque.  Le  capital 
souscrit  et  versé  est  de  6.000  contos  de  réis  et  peut  être  élevé  à 
20.000  contos,  quand  l'Assemblée  générale  des  actionnaires  le 
jugera  opportun.  Le  fonds  de  réserve,  qui  était  de  980  contos  au 
30  juin  1888,  est  porté  maintenant  à  1.250  contos.  Cette  somme 
est  quelque  peu  supérieure  au  montant  des  créances  douteuses 
qui  figuraient  au  bilan  du  30  juin  dernier  pour  une  somme  de 
1.149.459.834  réis. 

Depuis  sa  création,  la  Banque  a  payé  en  dividendes  un  total 
représentant  114  pour  100  du  capital  versé.  Actuellement,  elle 
restreint  le  dividende  à  6  pour  100  par  an,  dans  le  but  de  fortifier 
ses  réserves  par  l'excédent  des  bénéfices. 

Le  mouvement  de  caisse  à  l'entrée  durant  le  semestre  écoulé 
du  1er  janvier  au  30  juin  1888  s'est  chiffré  par  37.850.135.803  réis. 
Le  solde  en  caisse  à  cette  dernière  date  était  de  1.144.691.296 
réis,  et  le  montant  des  dépôts,  de  5.066.450.911  réis.  L'action  de 
200.000  réis,  intégralement  versés,  est  cotée  180.000  réis. 

La  Banque  a  commandité  diverses  entreprises  ;  le  capital 
ainsi  immobilisé  s'élevait  au  30  juin  1888  à  471.551.500  réis.  A  la 
même  date,  les  propriétés  appartenant  à  la  Banque  représentaient 
un  capital  de  2.094.920.358  réis. 


BANQUES     ET     INSTITUTIONS     DE     CRÉDIT.  3G3 

Les  correspondants  de  cette  Banque  à  l'étranger  sont  :  «  The 
Union  Bank  of  London  »  ;  «  0  Banco  de  Portugal  »  ;  «  0  Banco 
Lusitano  ». 

Banco  Predial.  —  Cette  Banque  a  été  fondée  à  Rio-de-Janeiro 
en  1871  au  capital  nominal  de  4.000  contos,  sur  lesquels  2.000 
eontos  ont  été  souscrits  et  versés.  Ses  opérations  consistent  en 
prêts  sur  hypothèque  de  propriétés  rurales  et  urbaines  et  en 
prêts  de  crédit  agricole.  Pour  réaliser  ces  opérations,  elle  s'est 
créée  des  ressources  par  l'émission  d'obligations  foncières  de  la 
valeur  nominale  de  100.000  réis,  rapportant  6 pour  100  d'intérêts 
annuels,  payables  par  semestre.  Le  remboursement  des  obliga- 
tions se  fait  par  tirages  annuels,  au  mois  d'octobre.  Les  prêts  sur 
hypothèque  sont  accordés  comme  suit  :  à  raison  de  50  pour  100, 
pour  les  propriétés  rurales,  de  la  valeur  de  ces  propriétés  estimées 
par  experts,  et  75  pour  100  pour  les  propriétés  urbaines,  qui 
doivent  être  assurées  contre  les  risques  d'incendie  et  autres. 

Nous  avons  dit  que  la  Banque  fait  également  des  prêts  de 
crédit  agricole.  Au  Brésil,  ces  prêts  offrent  toute  garantie,  grâce 
à  la  loi  de  1885.  Cette  loi  permet  d'accorder  aux  cultivateurs  des 
avances  pour  un  ou  deux  ans  au  maximum  sur  garantie  de  leurs 
récoltes  pendantes  ou  à  venir  ;  elle  assimile  ces  récoltes  à  un 
dépôt  entre  les  mains  du  débiteur  ;  les  contrats  de  prêts  agri- 
coles doivent  être  enregistrés  comme  les  contrats  de  prêts  hypo- 
thécaires, et,  en  cas  de  violation  par  le  débiteur  dépositaire, 
celui-ci  encourt  la  peine  de  prison. 

Cette  Banque  est  autorisée  à  créer  un  portefeuille  commercial, 
mais  actuellement  elle  paraît  s'occuper  d'une  manière  exclusive 
de  la  consolidation  de  son  actif,  qui  s'est  trouvé  en  partie  com- 
promis par  l'abolition  de  l'esclavage. 

Au  30  juin  1888,  les  prêts  sur  propriétés  rurales  s'élevaient 
à  5.847.216.578  réis,  et  les  prêts  sur  propriétés  urbaines  à 
304.980.550  réis.  Les  avances  sur  récoltes  pendantes  ou  à  venir 
montaient  à  709.650.150  réis.  L'émission  d'obligations  foncières 
avait  une  valeur  nominale  de  6.996.800.000  réis,  dont  590.000.000 
réis,  soit  5.907  titres,  se  trouvaient  dans  le  portefeuille  de  la 
Banque. 

Depuis  1883,  la  Banque  a  cessé  de  payer  des  dividendes  à  ses 
actionnaires. 

Les  actions  de  200.000  réis  intégralement  versés  sont  actuel- 
lement cotées  60.000  réis. 


3G4  LE     BRESIL     EN     1SS9. 

Le  service  des  obligations  foncières  a  toujours  été  réguliè- 
rement l'ait,  et  ces  titres  sont  cotés  en  ce  moment  environ  62 
pour  100. 

Banco  Internacional  do  Brazil. —  La  Banque  internationale 
du  Brésil  a  été  fondée  le  12  novembre  1886,  sous  le  régime  de  la 
loi  des  sociétés  anonymes  n°  3.150  du  4  novembre  1882,  au  capital 
de  20.000  contos  de  réis  et  pour  une  durée  de  cinquante  ans. 
Ses  statuts  portent  la  date  du  25  novembre  1886  et  sont  signés 
par  les  six  fondateurs,  qui  forment  le  conseil  d'administration  et 
représentent  les  trois  nationalités  les  plus  actives  dans  le  com- 
merce brésilien.  Ces  six  fondateurs  sont  MM.  le  vicomte  de  Figuei- 
redo  et  Pedro  Gracie,  Brésiliens;  Manuel  Salgado-Zenha  et  Manuel 
Moreira  da  Fonseca,  Portugais  ;  William  H.  Holman  et  Edward 
lïerman,  Anglais.  Ouverte  le  13  novembre  1886  et  close  le  môme 
our,  la  souscription  des  actions  fut  un  succès  brillant:  le  mon- 
tant souscrit  dépassa  de  30  pour  100  le  capitaldemandé.  C'est  que, 
d'un  côté,  les  fondateurs  inspiraient  la  plus  grande  confiance,  et,  de 
l'autre,  l'institution  de  cette  Banque  répondait  à  une  véritable 
aspiration  du  commerce,  en  contribuant  à  donner  plus  de  stabi- 
lité au  taux  de  change,  dont  les  incessantes  oscillations,  parfois 
peu  motivées,  entravaient  le  développement  régulier  des  tran- 
sactions commerciales  et  industrielles.  Les  opérations  de  la 
Banque  embrassent  toutes  les  branches  de  l'activité  commerciale 
et  industrielle.  La  Banque  fait  les  opérations  d'escompte  et  de 
reescompte.  Elle  prête  sur  garantie  de  métaux  précieux,  titres 
de  la  dette  publique,  actions  de  banques  et  compagnies,  et  autres 
titres  commerciaux.  Elle  peut  souscrire,  acheter  ou  vendre  pour 
son  compte  ou  pour  le  compte  de  tiers  des  titres  de  la  dette 
publique  de  l'État,  des  provinces,  des  obligations  foncières,  des 
actions  et  obligations  d'entreprises  commerciales  ou  industrielles 
de  crédit  notoire.  Elle  peut  négocier  au  dedans  ou  au  dehors  de 
l'empire  le  placement  d'emprunts  de  l'État,  des  provinces  ou  des 
municipalités,  et  aussi  d'établissements  financiers  ou  industriels. 
Elle  peut  faire  pour  son  compte  ou  pour  le  compte  de  tiers  des 
opérations  de  change  et  de  mouvement  de  fonds,  et  accorder  des 
lettres  de  crédit  contre  garantie  convenable.  Elle  peut  avancer  de 
l'argent  sur  du  café  et  autres  marchandises  peu  sujettes  à  dété- 
rioration, en  magasin  dans  les  entrepôts  de  la  douane  ou  de  parti- 
culiers, ou  en  route  contre  la  remise  des  connaissements  lorsque 
le  remboursement  est  à  court  délai  et  entouré  de  garanties  ell'ec- 


BANQUES     ET     INSTITUTIONS     DE     CRÉDIT.  365 

tives.  Elle  peut  ouvrir  des  comptes  courants  contre  garanties  ; 
recevoir  de  l'argent  en  compte  courant  ou  à  terme;  se  charger 
de  l'organisation  des  sociétés  ;  recevoir  des  dépôts  et  entreprendre 
des  recouvrements  de  toute  sorte,  etc.,  etc.  D'après  l'article  X  de 
ses  statuts,  la  Banque  ne  peut  accepter  d'hypothèques  d'immeu- 
bles que  pour  se  garantir  de  prêts  faits  antérieurement,  c'est-à- 
dire  qu'elle  opère  seulement  comme  Banque  d'escompte,  de 
dépôts  et  de  commission,  et  non  pas  comme  Banque  hypothé- 
caire. 

En  vertu  de  la  délibération  des  actionnaires  du  18  juillet 
1887,  le  capital  de  20.000  contos  de  réis  a  été  divisé  en  deux 
séries  d'actions  :  la  première  de  50.000  actions  de  la  valeur  de 
200.000  réis  chacune  entièrement  payés  ;  la  seconde  de  50.000 
actions  également,  de  la  même  valeur  nominale,  avec  20  pour 
100  seulement  de  versés.  Le  capital  versé  est  ainsi  de  12.000  con- 
tos de  réis.  Les  actions  de  la  première  série  sont  cotées  270.000 
réis,  et  celles  de  la  seconde  70.000  réis.  Les  dividendes  ont  tou- 
jours été  de  10  pour  100  sur  le  capital  versé.  Le  fonds  de  réserve 
qui  atteint  240  contos  de  réis  est  constitué  par  une  retenue  de 
10  pour  100  sur  les  bénéfices  nets  en  vertu  de  l'article  40  des 
statuts.  Le  mouvement  de  la  caisse  est  presque  aussi  important 
que  celui  du  «  Banco  rural  e  hypothecario  »  et  s'élevait,  pour  le 
semestre  terminé  au  30  juin  1888,  à  la  somme  de  123.216.726.460 
réis  à  l'entrée.  La  somme  des  mouvements  de  caisse  à  l'entrée  et 
à  la  sortie  atteignait  245.482.690.830  réis.  A  la  même  date,  les 
dépôts  confiés  à  la  Banque  internationale  du  Brésil  représentaient 
une  valeur  de  9.124.341.241  réis,  soit  en  chiffres  ronds 
1.000.000  livres  sterling. 

Les  correspondants  de  la  Banque  en  Europe  appartiennent  à 
la  haute  banque.  En  dehors  de  ces  correspondants,  elle  a  égale- 
ment des  agences.  Elle  a  même  créé  une  succursale  à  Londres, 
où  elle  jouit  des  mêmes  avantages  que  les  banques  anglaises. 
A  la  tête  de  cette  succursale,  qui  fonctionne  depuis  le  18  février 
1888,  se  trouvent  MM.  Herdman  et  Holman,  membres  du  Con- 
seil d'administration,  qui  ont  acquis  une  grande  expérience 
des  affaires  du  pays  par  le  long  séjour  qu'ils  ont  fait  au  Brésil. 
La  Banque  possède  déjà  des  succursales  à  Pernambuco  et  à 
Belem  do  Para,  créées  récemment,  et  sous  peu  elle  aura  des  suc- 
cursales ou  des  agences  dans  les  autres  provinces  de  l'Empire. 
Bien  que  la  Banque  Internationale  n'ait  que  deux  années  d'exis- 
tence, elle  occupe  déjà  la  position  de  leader  du  marché,  grâce  au 


366  LE    Biu'.  s  il     EN     1S89 

prestige  de  son  Conseil  d'administration,  grâce  surtout  à  l'ini- 
tiative, au  courage  et  a  l'activité  exceptionnelle  du  vicomte  de 
Figueiredo.  C'est  avec  le  concours  de  cet  éminent  banquier  que 
fut  réalisée  en  1886  la  conversion  en  5  pour  100  de  la  rente  bré 
silienne  G  pour  100.  Cette  opération,  menée  avec  rapidité, 
augmenta  son  prestige  et  lui  facilita  la  réunion  des  capitaux 
nécessaires  à  la  création  de  la  Banque  Internationale.  Comme 
résultats  acquis  par  les  efforts  de  cette  banque,  nous  devons  citer 
les  faits  suivants  :  le  relèvement  de  la  valeur  du  papier-monnaie, 
qui  se  trouve  au  pair  maintenant  et  ne  parait  plus  soumis 
aux  violentes  oscillations  qui  troublaient  auparavant  les  transac- 
tions commerciales  ;  la  fusion  de  compagnies  de  chemins  de  fer 
et  leur  cession  à  des  capitalistes  européens;  la  consolidation  de 
diverses  compagnies  brésiliennes  par  le  placement  de  leurs  obli- 
gations à  des  taux  d'intérêts  modérés  ;  la  création  de  sociétés 
industrielles  aussi  bien  avec  des  capitaux  nationaux  qu'avec  des 
capitaux  européens  ;  les  services  rendus  à  l'État  en  lui  prêtant  un 
important  concours  financier. 

li  nous  revient  que  le  vicomte  de  Figueiredo  s'occupe  de  la 
conversion  du  papier-monnaie  et  va  dans  ce  but  entreprendre 
un  nouveau  voyage  en  Europe,  le  troisième  depuis  la  création  de 
la  Banque.  Le  projet  de  loi  sur  la  création  de  banques  d'émis- 
sion, déjà  voté  par  les  chambres  législatives,  autorise  la  conver- 
sion du  papier-monnaie  et  vient  d'être  approuvé  par  l'Empereur. 
La  Banque  Internationale  du  Brésil  se  présente  donc  comme  une 
création  de  la  plus  grande  utilité  pour  le  progrès  économique  du 
pays. 

Banco  Uniâo  do  Credito.  —  Créée  en  1885,  la  Banque 
«  Unîao  do  Credito  »  a  travaillé  jusqu'au  30  septembre  1888  sous 
la  double  forme  de  banque  par  actions  et  de  banque  de  crédit 
mutuel.  Les  dividendes  obtenus  ont  été  splendides  grâce  au  bon 
fonctionnement  du  principe  de  la  mutualité.  Ils  ont  été  pour  la 
première  année  :  de  40  pour  100  pour  les  actionnaires  et  de 
25  85/100  pour  100  pour  les  adhérents  du  crédit  mutuel  ;  pour  la 
deuxième  année  :  21  23/100  pour  100  pour  les  actionnaires,  et 
13  GO/100  pour  100  pour  les  adhérents  du  crédit  mutuel;  pour  la 
troisième  année:  10  75/100  pour  100  pour  les  actionnaires,  et 
10  95/100  pour  100  pour  les  adhérents  du  crédit  mutuel.  Le 
capital-actions  était  de  1.000  contos,  dont  le  cinquième,  soit 
200  contos,  a  été  versé.  Les  fonds  de  garantie  versés  par  les 


BANQUES     ET     INSTITUTIONS     DE     CRÉDIT.  367 

adhérents  du  crédit  mutuel  étaient  de  10  pour  100  du  montant  de 
leur  responsabilité.  Les  versements  effectués  par  eux  se  présen- 
taient comme  suit  : 

Au  30  septembre  1886 469.500.000  réis. 

Au  30  septembre  1887 566.800.000    — 

Au  30  septembre  1888 532.800.000    — 

Les  soldes  de  leurs  engagements  étaient  conséquemment  : 

Au  30  septembre  1886 4.225.500.000  réis. 

Au  30  septembre  1887 5.101.200.000    — 

Au  30  septembre  1888 4.795.200.000    — 

Les  capitaux  effectifs  dont  disposait  la  Banque  «  Uniâo  do 
Credito  »  au  30  septembre  1888  étaient  donc  de  200.000.000  réis, 
versés  par  les  actionnaires,  plus  532.800.000  réis,  versés  par  les 
membres  du  crédit  mutuel;  soit  ensemble:  732.800.000  réis, 
sans  compter  le  fonds  de  réserve  qui  s'élevait  à  95.999.650  réis. 
Et,  en  dehors  de  ces  capitaux,  la  banque  offrait  comme  garantie 
à  ses  créanciers  le  solde  des  engagements  des  adhérents  au  crédit 
mutuel,  soit  4.795.200.000  réis.  Les  engagements  de  la  Banque, 
suivant  son  bilan  du  30  septembre  1888,  ne  s'élevaient  qu'à 
2.246.101.870  réis,  en  tenant  compte  aussi  bien  de  ses  endosse- 
ments que  de  ses  emprunts,  comptes  courants  et  effets  à  payer.  Les 
opérations  de  la  Banque  présentaient  donc  une  base  bien  solide. 
Cependant  telle  ne  paraît  pas  avoir  été  la  manière  de  voir  des 
grandes  banques  qui  prenaient  du  papier  endossé  par  «  l'Uniâo 
do  Credito  »,  et  cet  établissement  a  dû  renoncer  au  principe  de 
la  mutualité  pour  pouvoir  négocier  le  papier  qu'elle  prenait  à  ses 
adhérents.  Ceux-ci  sont  devenus  ses  actionnaires,  en  appliquant 
au  paiement  partiel  de  nouvelles  actions  le  fonds  de  garantie 
qu'ils  avaient  fourni  au  Crédit  Mutuel.  Ils  ont  dû  apporter  en 
outre  au  fonds  de  réserve  5.000  réis  par  action.  Le  capital- 
actions  se  trouve  élevé  à  4.000  contos,  soit  20.000  actions  de  la 
valeur  nominale  de  200.000  réis  chacune  sur  lesquelles  20  pour 
100  sont  versés.  Au  fond,  rien  n'est  changé  :  les  garanties  offertes 
aux  créanciers  sont  égales  à  celles  qui  existaient  auparavant, 
mais  c'est  regrettable  que  l'on  ait  arrêté  cet  essai  de  crédit 
mutuel,  qui  promettait  de  devenir  un  très-grand  succès.  Les 
anciens  adhérents  au  crédit  mutuel,  devenus  actionnaires,  conti- 


3G8  LE     BRÉSIL     EN     1889. 

Duent  à  trouver  auprès  do  la  banque  les  facilités  que  celle-ci  leur 
accordait  pour  des  prêts  en  compte  courant  et  pour  Tescoinpir 
de  leur  cllets.  Cette  banque  a  fait  des  émissions  pour  le  compte 
de  tiers  en  actions  et  obligations  pour  une  somme  de 
11.000.000.000  réis.  Les  actions,  de  200.000  réis,  avec  20  pour 
100  versés,  sont  cotées  65.000  réis.  Il  a  été  crée  100  parts  de  fon- 
dateurs avec  droit  à  10  pour  100  sur  les  bénéfices  nets,  jusqu'à 
concurrence  de  10  contos  de  réis  par  an.  Ces  parts  de  fondateurs 
ne  sont  pas  cotées  sur  le  marché. 

Banco  de  Credito  Real  do  Brazil.  —  Parmi  les  Banques  de 
création  récente  figure  la  banque  dite  «  Banco  de  Credito  Real  do 
Brazil  »  fondée  en  1883,  au  capital  nominal  de  20.000  contos  de 
réis,  dont  2.500  ont  été  souscrits,  et  1.250  ont  été  versés.  Cette 
institution  se  propose,  comme  le  «  Banco  Predial  »,  d'accorder 
des  prêts  sur  hypothèque  de  propriétés  rurales  et  urbaines,  et 
des  avances  sur  récoltes  pendantes  ou  à  venir  (crédit  agricole) 
suivant  la  loi  du  5  octobre  1885.  Elle  émet  des  obligations  fon- 
cières de  deux  types,  payables  les  unes  en  or,  les  autres  en 
monnaie  courante. 

Les  obligations  du  premier  type  sont  d'une  valeur  nominale 
de  £  11. 5  sch.  0  den.,  rapportant  5  pour  100  d  intérêts  payables 
à  Rio-de-Janeiro,  Londres,  Paris  et  en  Portugal.  — Au  30  juin 
1888,  la  valeur  nominale  de  l'émission  de  ce  type  s'élevait  à 
3.894.279.000  réis  ou  £  43$. 1 06.7  sch.  9  den.,  dont  la  banque 
possédait  en  portefeuille  21.600.000  réis  ou  £  2430.0  sch.  0  den 
Les  obligations  du  second  type  sont  d'une  valeur  nominale  de 
100.000  réis,  rapportant  6  pour  100  d'intérêts  annuels  payables 
à  Rio-de-Janeiro.  Au  30  juin  1888,  la  valeur  de  l'émission  de  ce. 
type  s'élevait  à  4.327.900.000  réis,  dont  la  banque  conservait  en 
portefeuille  114.643.000  réis,  représentant  la  valeur  réalisable  à 
ce  jour  de  1.352  obligations.  Le  paiement  des  intérêts  a  lieu 
le  2  janvier  et  le  1er  juillet  de  chaque  année.  Les  tirages  d'amor- 
tissement se  font  chaque  année  au  mois  d'août  et  le  paiement  du 
capital  et  des  intérêts  des  titres  sortis  au  tirage  s'effectue  à  partir 
du  1er  octobre  suivant.  Les  prêts  sur  hypothèque  sont  accordés 
jusqu'à  concurrence  de  50  p.  100  de  la  valeur  des  propriétés  ru- 
rales et  de  75  pour  100  de  la  valeur  des  propriétés  urbaines.  Ces 
dernières  doivent  être  assurées  contre  les  risques  d'incendie  et 
autres.  Au  30  juin  1888  les  prêts  hypothécaires  représentaient 
un  total  de  8.247.179.000  réis,  ainsi  répartis  : 


BANQUES     ET     INSTITUTIONS     DE     CREDIT.  360 

Prêts  sur  propriétés  rurales  : 

En  or 2.968.579.000  réis. 

En  papier 4.239.100.000  réis. 

Prêts  en  propriétés  urbaines  : 

En  or 925.700.000  réis. 

En  papier  .     , 113.800.000  réis. 

Les  prêts  en  comptes  courants  s'élevaient  à  198.935.006  réis, 
et  les  prêts  de  crédit  agricole  à  108.050.580  réis.  Le  fonds  de 
réserve  était  de  119.249.657  réis,  et  les  profits  en  suspens  mon- 
taient à  418.521.586  réis. 

Le  dividende  a  été  de  4.000  réis  par  action,  soit  à  raison  do 
10  pour  100  Tan.  L'action,  avec  40  pour  100  versés,  est  cotée  ac- 
tuellement 80.000  réis.  Les  obligations  foncières,  payables  en 
or,  sont  cotées  82.000  réis,  et  les  obligations  payables  en  papier 
78.000  réis. 

L'abolition  de  l'esclavage  n'a  pas  eu  d'influence  sensible  sur 
la  valeur  de  la  garantie  des  prêts  hypothécaires,  car  la  banque  a 
toujours  eu  pour  principe  de  n'accorder  des  prêts  que  sur  la 
valeur  de  la  terre,  à  l'exclusion  de  la  valeur  des  esclaves  qui 
la  travaillaient. 

Banco  del  Credere.  —  Cette  banque  a  été  créée  le  11  mars 
1886,  au  capital  de  2.000  contos  qui  a  été  complètement  versé 
tusqu'au  24  novembre  1887.  La  création  de  cette  banque  étant 
postérieure  à  la  promulgation  de  la  loi  sur  les  Sociétés  anonymes 
•1882),  elle  n'a  pas  eu  besoin  de  faire  approuver  ses  statuts  par 
un  décret  impérial,  et,  fonctionne  sous  le  régime  de  la  nouvelle 
loi.  Le  «  Banco  del  Credere  »  est  venu  combler  une  lacune  qui 
existait  dans  les  rapports  des  négociants  avec  les  banques.  Celles- 
ci  réclament  généralement  deux  signatures  de  la  place  de  Rio- 
de-Janeiro  sur  les  effets  qui  leur  sont  présentés  à  l'escompte.  Le 
«  Banco  del  Credere  »  fournit  la  seconde  signature,  après  s'être 
fait  accorder  des  garanties  collatérales  de  toute  nature,  y  inclus 
l'hypothèque  sur  immeubles  sis  à  Rio-de-Janeiro.  Il  se  porte  aussi 
garant  de  contrats  passés  entre  des  particuliers,  des  établisse- 
ments commerciaux,  industriels  ou  de  crédit,  et  entreprend 
même  la  garantie  de  contrats  passés  avec  les  départements  pu- 
blics. Cette  banque  fait  également  des  avances  contre  des  mar- 

24 


LE      DHL  SI  L      EN      1889. 

chandises  en  roule  ou  en  entrepôt,  et  d'une  façon  générale  toutes 
les  opérations  d'une  banque  d'escompte,  de  dépôts  et  de  com- 
mission. Le  fonds  de  réserve  s'élève  à  100  coiitos  de  réis,  e1 
doit  être  porté  à  50  pour  100  du  capital  par  an  i  retenue  de  10 
pour  L00  des  bénéfices  nets  annuels.  Au  30juin  1888,  les  endos- 
sements  en  cours  montaient  à  3.947.601.2^  réis,  et  les  prêts  en 
cours  sur  garanties  commerciales  à  2.050.025.390  réis.  Les  am- 
endes ont  été  de  10  pour  100  l'an.  Les  actions  de  200.000  réis 
g  ut  cotées  actuellement  216.000  réis. 

Banco  Auxiliar.  —  Le  «  Banco  Auxiliar  »,  création  récente, 
a  pour  but  de  prêter  son  concours  au  commerce  intermédiaire  et 
de  détail  ainsi  qu'à  la  petite  industrie.  11  a  été  autorisé  à  fonc- 
tionner parle  décret  n°  7897  du  15  novembre  1880.  Ses  premiers 
statuts  sont  datés  du  12  mars  1883  et  ont  subi  les  modifications 
votées  par  l'assemblée  générale  des  actionnaires  du  28  décembre 
1886,  afin  de  les  mettre  d'accord  avec  laloi  n°  3150  du  4  novembre 
1882  qui  régit  les  Sociétés  anonymes.  La  durée  de  la  Société 
est  fixée  à  30  ans.  Le  capital  est  de  500  contos,  entière- 
ment versés.  Les  actions,  de  200.000  réis,  rapportent  10  pour  100 
d'intérêts  annuels  et  sont  cotées  190.000  réis.  Les  entrées  dans 
la  caisse  du  1er  janvier  au  30  juin  1888  se  sont  élevées  à 
2.720.838.878  réis.  Le  solde  en  caisse  à  cette  dernière  date  était 
de  133.908.345  réis. 

Le  montant  des  dépots,  de  :  422.513.494  réis.  Le  fonds  de 
réserve  de  28.220.915  réis  était  supérieur  au  montant  des 
créances  douteuses,  chiffrées  par  16.044.101  réis. 

Gaixa  de  Credito  Commercial.  —  Sous  le  nom  de  «  Caixa  de 
credito  commercial  »,  il  vient  de  se  former  à  Rio-de-Janeiro  une 
nouvelle  banque  qui  a  déjà  ouvert  ses  guichets  au  public.  Son 
capital  souscrit  est  de  500  contos  sur  lesquels  30  pour  100 
ou  150  contos  ont  été  versés.  La  durée  de  la  Société  est 
fixée  à  30  ans.  Elle  prête  au  petit  commerce  sur  marchandises 
et  autres  garanties,  pour  un  délai  maximum  de  6  mois,  jusqu'à 
concurrence  de  60  pour  100  de  la  valeur  estimée  par  les  experts 
de  la  banque,  en  cas  de  prêts  sur  marchandises.  Elle  fait 
également  d  particuliers  contre  garanties   diverses,   y 

inclus  les  mobiliers.  Elle  l'ait  les  opérations  d'escompte,  de  rées- 
compte et  du  croire  (del  credere).  Elle  reçoit  de  l'argent  en  compte 
courant  et  à  terme.  Les  actions  sont  de  100.000  réis. 


BANQUES     ET     INSTITUTIONS     DE     CRÉDIT.  311 

Banco  Popular.  —  Cette  banque,  distincte  du  «  Banco  Popu- 
lar  de  San-Paulo,  »  vient  également  de  se  fonder  sous  le  régime 
de  la  législation  actuelle  des  sociétés  anonymes.  Son  siège  est  à 
EUo-de-Janeiro.  Sa  durée  est  fixée  à  30  ans.  Le  capital  souscrit 
est  de  1.000  contos  de  réis,  divisé  en  10.000  actions  de  100.000  réis. 

D'après  ses  statuts,  c'est  une  banque  d'escompte,  de  dépôts  et 
de  commission. 

Banques  étrangères.  —  En  ce  moment  il  y  a  trois  banques 
étrangères  établies  a  Rio-de-Janeiro;  deux  figurent  sur  le  tableau 
annexé  :  ce  sont  les  banques  anglaises  The  English  Bank  of  Rio-de- 
Janeiro  Led  et  The  London  and  Brazilian  Bank  Led.  La  troisième 
est  une  banque  allemande,  dénommée  :  Brasilianische  Bank  fur 
Deutschland.  Cette  dernière  ne  fonctionnait  pas  encore  au  30  juin 
dernier,  et  c'est  pour  cette  raison  qu'elle  ne  figure  pas  sur  noire 
tableau.  Depuis  lors  elle  a  rempli  les  formalilés  exigées  parles 
lois  du  pays  et  a  entamé  les  opérations  de  banque  ordinaires  en 
concurrence  avec  les  banques  plus  anciennes  et  sous  les  meilleurs 
auspices.  La  «  Brasilianische  Bank  fur  Deutschland  »  a  un  capital 
souscrit  de  10.000.000  marks,  dont  la  moitié  est  versée 

Il  nous  revient  cependant  que  cette  banque  peut  disposer  de 
très  gros  capitaux,  car  elle  est  une  création  de  deux  des  plus 
importants  établissements  de  banque  de  l'Allemagne  :  la  «  Direc- 
tion der  Disconto-Gesellschaft  in  Berlin  »  et  la  «  Norddeutsche 
Bank  in  ilamburg  ».  L'immigration  allemande  a  déjà  créé  des 
relations  suivies  et  importantes  entre  le  midi  du  Brésil  et  l'Alle- 
magne ;  les  échanges  commerciaux  entre  les  deux  pays  atteignent 
des  chiffres  élevés.  Dans  ces  conditions,  la  «  Brasilianische  Bank 
fur  Deutschland  »  vient  combler  une  lacune  et  facilitera  l'éta- 
blissement de  rapports  directs  entre  le  Brésil  et  l'Allemagne,  au 
grand  avantage  des  deux  pays,  d'autant  plus  qu'elle  pourra  créer 
des  succursales  dans  les  provinces  et  même  dans  les  centres 
coloniaux.  Nous  aurons  bientôt  aussi  des  banques  italiennes,  car 
la  colonisation  du  pays  par  des  Italiens  prend  un  grand  développe- 
ment, et  le  commerce  entre  l'Italie  et  le  Brésil  augmente  à  vue 
d'oeil. 

Pourquoi  les  Français  ne  créent-ils  pas  aussi  une  banque 
Franco-Brésilienne,  qui  vienne  concourir  avec  les  autres  banques 
étrangères  et  retenir  pour  la  France  une  clientèle  qu'elle  se  voit 
enlever  tous  les  jours?  Les  banques  anglaises  multiplient  leurs 
succursales  dans  les  provinces. 


372  LE     BRÉSIL     EN     18  89. 

La  «  Loiulon  and  Brazilian  Bank  I."1  »  fut  établie  à  Rio-de- 
Janeiro  eD  1862,  avec  son  centre  d'opérations  à  Londres.  Ayant 
subi  des  pcilcs  sensibles,  elle  dut  se  reconstituer  en  1873,  sous  le 
nom  de  rhe  New  Londonand  Brazilian  Bank  Led  ».  L'établisse- 
ment ayant  de  nouveau  prospéré,  la  banque  a  repris,  en  1886,  son 
nom  primitif  de  «  Tbe  London  and  Brazilian  BankLc,i,  et  sous  ce 
nom  elle  fonctionne  à  Londres,  Rio-de-Janeiro,  Para,  Pernam- 
buco,  Bahia,  Santos,  San-Paulo,  Rio-Grande-du-Sud,  Pelotas  et 
Porto-Alegre.  Elle  a  également  des  succursales  à  Lisbonne,  Porto, 
New-York  et  Montevideo,  sans  compter  de  nombreux,  correspon- 
dants dans  tous  les  ports  de  mer  du  Brésil  et  dans  les  villes  prin- 
cipales de  l'intérieur.  Son  capital  souscrit  est  de  £  1.250.000.  Son 
capital  versé,  de  £  025.000.  Son  fonds  de  réserve,  de  £  325.000. 
En  dehors  du  dividende  ordinaire  de  8  pour  100,  cette  banque 
distribue  un  dividende  additionnel,  qui  a  été  de  4  pour  100  depuis 
plusieurs  années.  Aussi  ses  actions  sont-elles  recherchées  et  font 
une  forte  prime. 

La  banque  dite  «  The  English  Bank  of  Rio-de-Janeiro  Led  »  a 
été  créée  à  Rio-de-Janeiro  en  juillet  1803,  sous  le  nom  de  «  Brazi- 
lian and  Portuguese  Bank  »,  nom  qu'elle  garda  jusqu'en  avril 
1866,  époque  à  laquelle  elle  adopta  sa  dénomination  actuelle. 
Son  capital  souscrit  est  de  £  1.000.000,  dont  la  moitié  est  versée. 
Le  fonds  de  réserve,  après  avoir  subi  une  forte  réduction  à  la  suite 
de  pertes,  s'élève  encore  ࣠ 140.000.  En  dehors  du  dividende  de 
6  pour  100,  cette  banque  donne  aussi  un  dividende  additionnel 
qui  élève  généralement  à  8  pour  100  le  revenu  des  actions.  La 
caisse  principale  est  à  Londres.  Les  succursales  au  Brésil  sont  au 
nombre  de  sept,  établies  à  Rio-de-Janeiro,  Para,  Pernambuco, 
Bahia,  Santos,  San-Paulo  et  Porto-Alegre.  11  y  a  également  des 
succursales  à  Montevideo  et  Buenos-Ayres. 

Les  banques  étrangères  fournissent  des  données  très-laco- 
niques, ce  qui  nous  empêche  de  donner  de  plus  grands  détails 
sur  leur  mouvement  d'affaires,  d'ailleurs  très  important. 

II.  Province  de  San-Paulo. —  La  province  de  San-Paulo 
est  la  mieux  pourvue  d'établissements  de  banque.  C'est  que  sa 
production  de  café  s'est  développée  d'une  façon  merveilleuse  et  a 
provoqué  un  grand  mouvement  d'affaires  dont  les  banquiers  n'ont 
pas  manqué  de  tirer  parti. 

Dans  le  tableau  n°  2,  annexé  à  notre  travail,  nous  avons 
mentionné  cinq  banques  établies  dans  la  province  de  San-Paulo, 


BANQUES     ET     INSTITUTIONS     DE     CRÉDIT.  373 

savoir  :  Banco  de  Credito  Real  de  San-Paulo,  Banco  Mercantil  de 
Santos,  Banco  Commercial  de  San-Paulo,  Banco  da  Lavoura  de 
San-Paulo,  Banco  Popular  de  San-Paulo.  En  parlant  des  banques 
étrangères  nous  avons  indiqué  que  la  «  London  and  Brazilian 
Bank  L^1  »  et  la  «  English  Bank  of  Rio-de-Janeiro  Led  »  possé- 
da:! des  succursales  à  San-Paulo  et  à  Santos.  La  Banque  du 
Brésil  a  également  une  succursale  à  San-Paulo,  qui  est  le  plus 
ancien  établissement  de  banque  de  la  province.  Il  y  a  en  outre 
dans  la  capitale  une  société  en  commandite  intitulée  :  «  Casa 
bancaria  da  Provincia  de  San-Paulo  »  Nielsen  et  Gic. 

Banco  de  Credito  Real  de  San-Paulo.  —  Cette  institution  de 
crédit  doit  son  origine  à  un  contrat,  en  date  du  18  octobre  1881, 
signé  par  le  président  de  la  province  de  San-Paulo  avec  José- 
Antonio  Moreira  pour  la  création  d'une  banque  de  crédit  foncier. 
Ce  contrat  garantissait  à  la  banque  les  privilèges  spécifiés  dans 
la  loi  provinciale  n°  145  du  25  juillet  1881,  c'est-à-dire  la  garantie 
d'intérêts  de  7  pour  100  annuels,  sur  un  capital  de  5.000  contos 
de  réis,  pendant  une  durée  de  30  ans,  pour  la  banque  en  société 
de  crédit  foncier  qui  viendrait  à  s'établir  dans  la  province,  sui- 
vante plan  tracé  dans  la  loi  de  l'Empire  n°  1237  du24  septembre 
1864  et  dans  le  règlement  relatif  à  cette  loi,  approuvé  par  le 
décret  du  3  juin  1885.  En  vertu  de  la  loi  provinciale  n°  145,  la 
garantie  d'intérêts  était  accordée  aux  conditions  suivantes  :  1°  les 
prêts  hypothécaires  seraient  accordés  sur  propriétés  sises  dans  la 
province  de  San-Paulo  ;  2°  la  banque  ou  société  ne  pourrait 
entamer  ses  opérations  avant  d'avoir  versé  la  moitié  du  capital  ; 
3°  l'émission  d'obligations  foncières  ne  pourrait  dépasser  cinq 
fois  le  capital  versé  qu'après  le  versement  delà  totalité  du  capital; 
4°  le  taux  d'intérêts  pour  les  prêts  hypothécaires  ne  pourrait 
être  supérieur  à  9  pour  100  par  an;  5°  la  durée  des  prêts  ne 
dépasserait  pas  20  années  ;  6°  un  contrôleur  serait  nommé  par 
le  président  de  la  province  pour  contresigner  les  obligations 
foncières,  contrôler  toutes  les  estimations  de  propriétés,  veiller 
sur  l'exécution  des  statuts  de  la  banque  et  des  lois  qui  régissent 
les  sociétés  de  crédit  foncier.  Ce  contrôleur,  payé  par  la  Société 
de  crédit  foncier,  restait  responsable  envers  le  gouvernement 
des  fautes  qu'il  commettrait.  Modifiant  ces  conditions,  la  loi 
provinciale  n°32,  du 24 mars  1882,  autorisala  banque  à  commencer 
ses  opérations  dès  que  le  quart  du  capital  serait  versé.  Les  statuts 
ont  été  approuvés  par  le  décret  impérial  n°  8647  du  19  août  1882. 


374  LE     BRÉSIL     EN     18  89. 

Sous  le  régime  de  cet  ensemble  de  dispositions,  la  banque  fut 
établie  bous  I»4  nom  de  «  Banco  de  Crcdito  Real  de  San-Paulo  » 
ave.  h  ,  ipital  de  5.000  contos  de  réis,  divisé  en  100.000  actions 
de  50.000  réis  chacune.  La  durée  de  la  société  est  de  30  années  à 
compter  du  10  août  1882.  L'objet  principal  de  le  société  est  de 
prêter  sur  hypothèques  de  propriétés  rurales  et  urbaines,  mais 
elle  peut  également  faire  des  prêts  agricoles,  suivant  la  loi  de 
L'Empire  n°  3272  du  5  octobre  1885.  La  banque  peut  recevoir  de 
l'argent  en  dépôt,  avec  ou  sans  intérêts,  jusqu'à  concurrence  de 
la  moitié  de  son  capital  versé,  mais  ces  dépots  ne  peuvent  être 
retirés  sans  avis  préalable  donné  00  jours  avant  le  retrait.  Ces 
dépôts  peuvent  être  prêtés  par  la  banque  pour  un  délai  de  OOjours 
et  contre  garantie  d'obligations  foncières,  de  rentes  de  l'État  ou 
de  billets  de  la  dette  flottante.  Les  prêts  sont  accordés  sur  pre- 
mière hypothèque  seulement,  et  dans  la  proportion  de  50  pour  100 
de  la  valeur  des  propriétés  rurales  et  75  pour  100  de  celles  des 
propriétés  urbaines.  Le  capital  au  30  juin  était  représenté  par 
25.000  actions  de  50.000  réis  entièrement  libérées  et  75.000  actions 
de  la  même  valeur  avec  20  pour  100  versés,  soit  2.000.000.000, 
moinsle  versement  dû  sur  deuxactions  (20.000  réis)  :  1.999.980.000 
réis.  Sur  ce  capital,  la  banque  a  payé  des  dividendes  qui  se  sont 
élevés  à  il  pour  100  l'an,  en  1887,  et  12  pour  100  Tan  pour  le 
dernier  semestre.  La  garantie  donnée  par  la  province  reste  donc 
nominale. 

Au  30  juin  1888  les  prêts  s'élevaient  au  total  de  6.959.031.509 
réis,  ainsi  répartis  : 

Prêts  sur  hypothèques  rurales.     .     .  6.567.291.449  réis. 

Prêts  sur  hypothèques   urbaines.     .  111.417.110  réis. 

Prêts  de  crédit  agricole 108.021.770  réis. 

Prêts  en  comptes  courants  nantis     .  112.271.180  réis. 

Les  créances  douteuses  s'élevaient  à  201,420,007  réis.  Le  fonds 
de  réserve  était  de  146.780.527  réis.  L'émission  d'obligations  fon 
cières  atteignait  6.666.600.000  réis.  Ces  obligations,  d'une  valeur 
nominale  de  100.000  réis,  rapportent  6  pour  100  l'an,  payables 
par  semestre,  en  avril  et  octobre  ;  les  tirages  ont  lieu  au  31  juillet 
de  chaque  année  ;  elles  sont  cotées  actuellement  83  pour  100. 
Le  fondateur  de  la  banque  a  droit  à  la  moitié  des  bénéfices  quand 
ceux-ci  dépassent  8  pour  100  l'an.  D'après  le  bilan  du  30  juin 
1888,  la  part  revenant  au  fondateur  était  de  40  contos  de  réis. 


BANQUES     ET     INSTITUTIONS     DE     CREDIT.  375 

Banco  Mercantil  de  Santos.  —  C'est  la  Banque  la  plus 
ancienne  de  la  ville  de  Santos,  qui  est,  comme  on  le  sait,  le  grand 
entrepôt  et  le  principal  marché  d'exportation  des  cafés  de  la 
province  de  San-Panlo.  Établie  le  3  octobre  1872,  au  capital  de 
1.000  contos  de  réis,  elle  n'a  cessé  de  rendre  d'importants  services 
au  commerce  de  Santos,  comme  Banque  de  dépôts,  d'escompte 
el  <\^  commission,  tout  en  distribuant  à  ses  actionnaires  des 
dividendes  à  raison  de  10  pour  100  l'an,  à  l'exception  de  Tannée 
1887-1888  où  le  dividende  a  été  à  raison  de  8  pour  100.  Le 
10  novembre  1883  les  statuts  ont  subi  les  modifications  prescrites 
par  la  loi  n°  3.150  du  4  novembre  1882  qui  régit  les  sociétés 
anonymes.  La  Banque  a  des  agences  à  San-Paulo  et  Campinas, 
dans  la  province  de  San-Paulo,  et  à  Rio-de-Janeiro.  Au  30  juin 
1888,  le  fonds  de  réserve  était  de  50  pour  100  du  capital,  soit  500 
contos  ainsi  distribués:  réserve  statutaire,  375  contos,  réserve 
spéciale,  125  contos.  Après  prélèvement  du  dividende  du  semestre, 
à  raison  de  8  pour  100,  un  solde  de  bénéfices  de  112.253.824  réis 
a  été  porté  à  nouveau  et  peut  être  considéré  comme  un  renfort 
des  réserves.  Nous  extrayons  du  bilan  à  la  même  date  les  chiffres 
suivants  : 

Créances  douteuses 287.482.233  réis. 

Mouvement,  de  la  caisse  à  l'entrée  du- 
rant le  semestre 33.625.937.389  — 

Effets  en  portefeuille 1.363.480.605  — 

Prêts  en  comptes  courants 3.126.021.128  — 

Dépôts 2.186.964.206  — 

Solde  en  caisse 353.111.207  — 

En  présence  de  ce  grand  mouvement  d'affaires,  le  conseil 
d'administration,  dans  son  rapport  du  16  juillet  1888,  a  proposé 
aux  actionnaires  de  voter  l'élévation  du  capital  au  chiffre  de 
5.000  contos  de  réis,  et  l'assemblée  générale  tenue  en  septembre 
dernier  a  accepté  cette  proposition.  Les  actions  de  200.000  réis 
sont  cotées  au  pair.  Elles  n'ont  pas  été  l'objet  de  spéculations  et 
se  trouvent  presque  toutes  entre  les  mains  de  capitalistes  qui  les 
gardent  comme  titres  de  rentes. 

Succursale  du  «  Banco  do  Brazil  »  à  San-Paulo.  —  Nous 
avons  sous  les  yeux  le  bilan  de  cette  succursale  de  la  Banque  du 
Brésil  au  30  juin  1888,  et  nous  en  extrayons  les  chiffres  suivants: 


37G  LE     BRÉSIL     EN     188  9. 

Capital 800.000.000  réis. 

Solde  de  son  omission  envoie  d'amor- 
tissement 43.5-40.000    — 

Dette  envers  la  Banque  du  Brésil 711.841.662    — 

Sommes  en  dépôts  à 
terme 4.516.212.812 

En  comptes  courants     3.622.822.522 

8.139.035.334  réis. 

Bénéfices 214.619.842  — 

Effets  escomptés 4.313.200.300  — 

Prêts  en  comptes  courants  nantis 3.409.049.793  — 

Créances  douteuses 3G9 .  095 .  300  — 

Actions  et  obligations 894.883.672  — 

Solde  en   caisse  et   chez  ses  corres- 
pondants   656.689.378  — 

Banco  da  Lavoura  de  San-Paulo.  —  C'est  la  première  Banque 
qui  ait  été  spécialement  fondée  pour  les  prêts  agricoles  autorisés 
par  la  loi  n°  3.272  du  5  octobre  1885.  Elle  a  débutée  au  mois  de 
mai  1886,  mais  tout  d'abord  ses  opérations  se  sont  limitées  à 
l'escompte  des  effets  de  commerce.  Les  prêts  agricoles  ne  figurent 
encore  au  bilan  du  30  juin  1888  que  pour  la  somme  de  399  contos 
de  réis,  tandis  que  les  avances  au  commerce  en  comptes  courants 
y  sont  portées  pour  une  somme  de  769.362.518  réis  et  les  effets 
escomptés  pour  1.047.841.737  réis.  Les  créances  douteuses  s'éle- 
vaient à  19.143.900  réis.  Le  capital  de  la  Banque  se  compose  de 
3.000  actions  de  100.000  réis  libérées  et  de  5.000  actions  de  même 
valeur  nominales  sur  lesquelles  20  pour  100  ont  été  versés.  Le 
capital  souscrit  est  donc  de  1.000  contos  de  réis,  et  le  capital 
versé  est  effectivement  de  600.250.000  réis.  Le  fonds  de  réserve 
s'élève  à  12  contos.  Le  dernier  dividende  a  été  à  raison  de 
8  pour  100  l'an. 

Banco  commercial  de  San-Paulo.  —  Fondée  en  mars  1886, 
cette  Banque  a  tenu  son  assemblée  générale  constitutive  le 
15  avril  de  la  même  année.  Son  siège  principal  est  dans  la  ville 
de  San-Paulo.  Elle  a  une  succursale  à  Santos  et  une  agence  à 
Campinas  ;  ses  statuts  l'autorisent  à  créer  d'autres  agences  en 
divers  points  de  la  province.  Elle  a  pour  correspondant  à  Rio-de- 
Janeiro  le  «  Banco  commercial  de  Rio-de-Janeiro  »  qui  est  son 
principal  actionnaire  avec  deux  mille  actions.  La  Banque   a  pour 


BANQUES     ET     INSTITUTIONS     DE     CRÉDIT.  377 

objet  toutes  les  opérations  ordinaires  d'escompte,  de  dépôts  et  de 
commission  et  il  lui  est  défendu  de  faire  des  prêts  sur  hypothè- 
ques d'immeubles.  Le  capital  souscrit  est  de  2.000  contos  de  réis 
dont  la  moitié  est  versée. 

Au  30  juin  1888,  les  créances  douteuses  étaient  de  283.843.600 
réis.  Les  dépôts  étaient  de  1.816.524.508  réis.  Les  entrées  dans 
la  caisse  durant  le  semestre  montaient  à  9.880.197.194  réis.  Le 
fonds  de  réserve  était  de  8.187.730  réis,  et  le  solde  en  caisse  de 
179.135.568  réis.  Le  dernier  dividende  a  été  à  raison  de  6  pour  100. 
Les  actions  de  200.000  réis  avec  50  pour  100  versés  sont  cotées 
100.000  réis. 

Casa  Bancaria  da  provincia  de  San-Paulo  Nielsen  et  Cia.  — 
Bien  que  cette  Société  en  commandite  soit  de  création  récente, 
elle  occupe  déjà  une  position  importante.  Voici  quelques  chiffres 
extraits  de  son  bilan  arrêté  au  30  juin  1888  : 

Capital  des  associés  en  commandite, 
souscrit 1.800.000.000  réis. 

Versé 1.440.000.000    — 

Les  associés  solidaires,  responsables 
de  la  gérence,  ont  versé 13.104.000    — 

Le  dépôts  et  les  soldes  dûs  aux  comptes 
courants  s'élevaient  à 6.779.072.216     — 

La  société  devait  à  ses  correspondants 
à  Londres,  Paris  et  Rio-de-Janeiro 1.216.690.689     — 

Son  portefeuille  d'escompte  et  effets  à 
recevoir  présentait  un  solde  de 2 .  710 .  660 .  683     — 

Ses  avances  en  comptes  courants  à 
Santos, San-Paulo  et Campinas montaient  à     5.137.502.827     — 

Les  bénéfices  nets  du  semestre  à 226.758.519    — 

Banco  popular  de  San-Paulo.  —  C'est  une  Banque  de  dépôts, 
d'escompte  et  de  commission  qui  vient  d'être  fondée  en  jan- 
vier 1888,  sous  le  régime  delà  loi  n°  3150  du  4  novembre  1882, 
au  capital  de  500  contos  de  réis,  dont  il  a  été  versé 
31 1.750. 000  réis.  Ses  opérations  sont  encore  de  peu  d'importance. 

III.  Province  de  Minas  Geraes.  Banco-Territorial- 

e-Mercantil-de-Mînas.  —  Bien  que  des  statuts  n'aient  pas 
encore  été  imprimés,  la  Banque  dite  «  Banco  Territorial  e  Mer- 


LE      BRÉSIL      EN      J889. 

eantil  de  Minas  »  fonctionne,  depuis  octobre  1887,  comme  banque 
d'escompte  et  de  commission.  Son  siège  social  esta  Juiz-dc-Fura. 
Elle  a  une  agence  à  Rio-de-Janeiro,  qui  effectue  aussi  directe- 
iinnl  toutes  les  opérations  de  la  Banque.  Le  capital  souscrit  est 
de  1.000  contos,  dont  les  7/10,  soit  700  contos,  ont  été  versas  et 
dont  le  solde  est  appelé.  La  Banque  escompte  les  billets  du  Trésor 
et  autres  effets;  prête  sur  cautions  de  toute  sorte;  se  charge, 
contre  commission,  de  recouvrements  et  paiements,  de  vente  et 
achats  de  titres  publics  et  autres  ;  reçoit  de  l'argent  en  compte 
courant  et  à  terme,  à  raison  de  4  pour  100  Fan  pour  3  mois, 
5  pour  100  Tan  de  4  à  6  mois,  et  G  pour  100  Tan  pour  7  à  12  mois. 
11  paraît  que  les  fondateurs  désireraient  en  faire  une  Banque  de 
crédit  hypothécaire  et  agricole  dès  que  la  loi  en  élaboration  à  la 
Chambre  des  députés  sur  les  Banques  régionales  agricoles  aura 
été  appliquée. 

Au  30  juin  dernier,  le  bilan  de  cette  banque  présentait  les 
chiffres  suivants: 

Capital  versé 496.560.000  réis. 

Fonds  de  réserve 2.943.938    — 

Dépôts 1 .  199 .  527 .  776     — 

Solde  en  caisse 71 .  410 .  795     — 

Un  dividende  a  été  payé  à  raison  de  8  pour  100  Fan. 

L'action,  avec  110.000  réis  versés,  était  cotée  120.000  réis  au 
10  novembre  1888.  C'est  la  seule  banque  qui  existe  dans  la  pro- 
vince de  Minas-Geraes,  où  l'on  est  en  train  d'en  créer  une  autre. 

IV.  Province  de  Maranhao.  —  Nous  avons  à  citer  dans 
cette  province  :  l'ancien  «  Banco  commercial  »  aujourd'hui  dis- 
paru ;  le  «  Banco  commercial  »  actuel  ;  le  «  Banco  do  Maranhao  ; 
le  «  Banco  hypothecario  ».  Nous  avons  appris  que  la  Banque  du 
Brésil  avait  également  possédé  une  succursale  à  Maranhao  et 
avait  jugé  convenable  de  la  supprimer. 

Cette  succursale  était  précisément  l'ancien  «  Banco  commer- 
cial ».  L'ancien  «  Banco  commercial  »  a  été  fondé  en  avril  1846, 
comme  Banque  d'escompte,  de  dépôts  et  d'émission.  Le  capital 
social  était  de  800  contos,  divisés  en  4.000  actions  de  200.000 
réis  chacune.  La  moitié  seulement  fut  versée.  Les  dividendes  s'éle- 
vèrent en  moyenne  à  22  pour  100  Fan  de  la  valeur  normale  des 
actions,  et  ces  actions  atteignirent  une  prime  de  56  et  demi 
pour  100. 


BANQUES     ET     INSTITUTIONS     DE     CRÉDIT.  379 

Le  «  Banco  commercial  »  actuel  a  été  fondé  par  MM.  Mar- 
tinus  Hoyer,  J.  Pedro  Ribeiro  et  Joaquim  Marques  lioiz.  Les 
statuts  ont  été  approuvés  par  le  décret  n°  4.390  du  15  juin  1869. 
11  a  commencé  à  fonctionner  le  1er  octobre  de  la  même  année.  Le 
Banco  do  Maranhâo  est  également  une  création  du  négociant 
Joaquim  Marques  Iloiz.  Les  statuts,  datés  de  Maranhâo  le  17 
juillet  1857,  ont  été  approuvés  par  le  décret  n°  3.085  du  25  novem- 
bre 1857.  C'est  une  banque  de  dépôts  et  d'escompte,  dont  son 
fondateur  voulait  également  faire  une  banque  d'émission.  Le 
capital  social  est  de  3.000  contos  de  réis,  dont  un  tiers  est  versé 
et  représenté  par  10.000  actions  de  100.000  réis  chacune.  La 
banque  a  commencé  à  fonctionner  le  12  mai  1858.  Au  25  octobre 
suivant,  elle  payait  déjà  un  premier  dividende  de  1.150  réis  par 
action,  et  depuis  lors  ses  dividendes  ont  été  en  moyenne  à  raison 
de  13  pour  100  Tan  de  la  valeur  nominale  des  actions  qui  ont 
actuellement  une  prime  de  50  pour  100.  Le  Banco  hypothecario  a 
été  fondé  par  le  Danois  Martinus  Hoyer,  dont  nous  avons  déjà 
parlé  à  propos  du  «  Banco  commercial  »  actuel. 

V.  Province  de  Para.  —  Dans  cette  province,  il  existe  à 
notre  connaissance:  1°  La  banque  dite  «  Banque  commercial  do 
Para  »  avec  un  capital  de  2.000  cantos  de  réis  ;  2°  la  banque  dite 
«  Banco  do  Para  novo  »  avec  un  capital  de  1.000  contos  de  réis  ; 
3°  une  succursale  du  «  Banco  international  do  Brazil  »  ;  4°  une 
succursale  de  la  «  London  and  Brazilian  Bank  Led  »  ;  5°  une 
succursale  de  la  banque  «  English  Bankof  Rio-de-Janeiro  Led  ». 

VI.  Province  de  Bahïa.  —  La  banque  du  Brésil  y  a  possédé 
une  succursale  qu'elle  a  supprimée.  Il  existe  actuellement  quatre 
banques  :  le  «  Banco  da  Bahia  »  au  capital  de  8.000  contos  de 
réis;  le  «Banco  Mercantil»;  la  «  Caixa  hypothecaria  »,  et  la 
«  Sociedade  de  commercio  ».  Nous  devons  également  mentionner  : 
1°  une  succursale  de  la  «  London  and  Brazilian  Bank  Led  »  ; 
2°  une  succursale  de  1'  «  English  Bank  of  Rio-de-Janeiro  Led  » 

VIL  Province  de  Pernambuco.  —  Ici  encore  nous  en 
sommes  réduits  à  citer  simplement  des  noms.  Il  existe  dans  la 
capitale  de  la  province  :  1°  le  «  Banco  hypothecario  »  ;  2°  une  suc- 
cursale du  «  Banco  international  do  Brazil  »  ;  3°  une  succursale  de 
la  «  London  and  Brazilian  Bank  Led  »  ;  4°  une  succursale  de 
F  «  English  Bank  of  Rio-de-Janeiro  Led  ». 


3S0  LEBRÉSIL     EN      18  89. 

VIII.  Province  de  Rio-Grande-du-Sud.  —  Il  existe 
dans  celle  province  une  banque  nationale  déjà  ancienne;  c'est  la 
banque  dite  :  «  Banco  da  Provincia  »,  établie  à  Porto-Alegrc.  Nous 
avons  déjà  vu,  en  parlant  des  banques  anglaises  établies  au 
Brésil,  que  Y  «  English  Bank  of  Bio-dc-Janero  Lcd  »  possède 
une  succursale  à  Porto-Alegrc,  chef-lieu  de  la  province,  et  que  la 
«  London  and  Brazilian  Bank  Led  »  possède  trois  succursales 
à  Porto-Alegre,  Pelotas  et  Rio-Grande-du-Sud  (ville). 

Nous  voici  arrivés  au  terme  de  notre  travail.  Nous  regrettons 
de  n'avoir  pu  fournir  des  données  assez  complètes  que  sur  les 
trois  provinces  de  Rio-de-Janeiro,  San-Paulo  et  Minas-Geraes,  et 
d'avoir  dû  borner  à  une  simple  nomenclature  les  informations 
relatives  aux  banques  et  institutions  de  crédit  des  autres 
provinces,  faute  de  temps  pour  réunir  les  éléments  nécessaires. 
Quoiqu'il  en  soit,  nous  espérons  avoir  fait  œuvre  utile  en  contri- 
buant à  rendre  notre  pays  un  peu  plus  connu  au  point  de  vue 
financier  et  économique.  Nous  souhaitons  que  ce  modeste  travail 
attire  plus  particulièrement  l'attention  des  économistes,  des 
banquiers  et  des  hommes  d'affaires  en  général,  et  nous  serons 
heureux  s'il  en  résulte  quelque  avantage  pour  le  Brésil  et  pour  les 
pays  qui  auront  entamé  avec  lui  de  nouvelles  relations  d'affaires. 

Deux  tableaux  résument  notre  étude  dans  ses  lignes  princi- 
pales. Dans  l'un,  nous  mentionnons  à  côté  du  nom  de  chaque 
province  les  noms  des  diverses  iustitutions  de  crédit  qui  la 
desservent.  Dans  l'autre,  nous  résumons  les  données  les  plus 
intéressantes,  extraites  des  bilans  respectifs,  concernant  les  19 
banques  des  provinces  de  Rio-de-Janeiro,  San-Paulo  et  Minas- 
Geraes,  en  fonctionnement  régulier  au  30  juin  1888. 


PROVINCES 


BANQUES  ET  INSTITUTIONS  DE  CRÉDIT 


Amazonas . 
Grào-Parâ. 


Marannio 

Piauliy 

Coar.'i 

Rio-Grande-do-Noi  te 
Parahyba-do-Norte  . . 
Pernambuco 


Alagôas 
Sergipe 
Bahia.. 


Espirito-Santo  , 
Rio-de-Janeiro. 


Sào-Paulo. 


Paranâ 

Santa-Calharina 

Sâo-Pedro  do  Rio-Grande-do-Sul . 


Mmas-Geraes, 

Goyaz 

Malto-Grosso  . 


Banco  Commercial  do  Para.  —  Banco  do  Para  novo.  — 
Succursale  à  Belem-do-Pari  de  la  «  London  and 
Brazilian  Bank  Lcd  ».  —  Succursale  à  Belem-do-Parâ 
de  la  banque  «  English  Bank  of  Rio-de  Janeiro  Lad  ». 

—  Succursale  à  Belem-do-Parâ  du  «  Banco  Inter- 
nacional  do  Brazil  ». 

Banco  do  Maranhào.  —  Banco  Commercial  do  Maranhào. 

—  Banco  hypothecario. 


Banco  Hypothecario.  —  Succursale  à  Pernambuco  de 
la  «  London  and  Brazilian  Bank  Led  ».  —  Succur- 
sale à  Pernambuco  de  la  Banque  «  English  Bank  of 
Rio-de-Janeiro  LeJ  ».  —  Succursale  à  Pernambuco 
du  «  Banco  Internacional  do  Brazil  ». 


Banco  da  Bahia.  —  Banco  Mercanlil.  —  Sociedade  de 
Commercio.  —  Caixa  Hypothecaria.  —  Succursale 
à  Bahia  de  la  «  London  and  Brazilian  Bank  Led  ».  — 
Succursale  à  Bahia  de  la  Banque  «  English  Bank  of 
Rio-de-Janeiro  Led  ». 


Banco  do  Brazil.  —  Banco  Internacional  do  Brazil.  — 
Banco  do  Commercio.  —  Banco  commercial  do  Rio- 
de-Janeiro.  —  Banco  Industrial  e  Mercantil.  —  Banco 
Rural  e  Hypothecario.  —  Banco  Predial.  —  Banco 
de  Credito  Real  do  Brazil.  —  Banco  Uniâo  do  Cré- 
dite —  Banco  del  Credere.  —  Banco  auxiliar.  — 
Caixa  de  Credito  Commercial.  —  Banco  popular.  — 
London  and  Brazilian  Bank  L«d.  —  English  Bank 
of  Rio-de-Janeiro  Le  '.  —  Brasilianische  Bank  fur 
Deutschland. 

Banco  de  Credito  Real  de  Sào-Paulo.  —  Banco  Mer- 
cantil de  Santos.  —  Succursale  à  Sâo-Paulo  du 
«  Banco  Mercantil  ».  —  Banco  Commercial  de  Sào- 
Paulo.  —  Banco  da  Lavoura  de  Sào-Paulo.  —  Suc- 
cursale du  «  Banco  do  Brazil  »  à  Sào-Paulo.  — 
Deux  succursales  de  la  Banque  «  English  Bank  of 
Rio-de-Janeiro  Led  ».  —  Une  succursale  à  Santos 
et  une  agence  à  Sào-Paulo  de  la  «  London  and 
Brazilian  Bank  Lcd  ».  —  Société  en  commandite 
«  Niclsen  e  Cia  -:. 


Banco  da  Provincia.  —  Succursales  de  la  «  London 
and  Brazilian  Bank  Lsd  »,  à  Rio-Grande-do-Sul, 
Pelotas  et  Porto-Alcgre.  —  Succursale  à  Porto- 
Alcgre  de  la  Banque  «  English  Bank  of  Rio-de- 
Janeiro  Led  ». 

Banco  Territorial  e  Mercantil  de  Minas. 


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CHAPITRE    XIII 


CHEMINS     DE     FER 


Par   M.    FERNANDES    PINHEIRO1 


I.  Aperçu  général.  —  Au  Brésil,  le  grand  problème  des 
chemins  de  fer  s'impose  comme  partout  ailleurs.  Si  Ton  consi- 
dère l'énorme  étendue  de  ce  pays,  si  Ton  considère,  à  côté  de 
la  nécessité  de  procurer  à  l'industrie,  là  où  elle  est  déjà  forte,  et 
a  l'utilisation  du  sol,  là  où  il  est  déjà  en  large  exploitation,  des 
moyens  rapides  et  économiques  de  transport,  la  politique  même 
qui  s'impose  à  tout  pays  nouveau  de  porter  l'industrie  et  l'ex- 
ploitation du  sol  à  ses  régions  les  plus  reculées,  qui,  par  le 
propre  fait  d'énormes  distances,  n'en  pourraient  profiter  que 
sous  la  garantie  de  transports  rapides  et  économiques,  on  voit 
que  le  problème  y  acquiert  une  importance  de  premier  ordre. 
Il  n'y  va  pas  seulement  améliorer  ;  il  y  va  créer.  En  Europe,  le 
chemin  de  fer  est  un  outillage  perfectionné,  qui  est  venu  à 
l'appel  de  l'industrie,  des  transactions  déjà  largement  établies, 
d'un  progrès  déjà  considérable.  Dans  un  grand  pays  neuf  comme 
le  Brésil,  il  est,  en  plus,  le  facteur  principal,  indispensable,  de  la 
création  môme  de  l'industrie.  Aussi,  quand,  dans  la  vieille  Eu- 
rope, ce  besoin  de  perfectionnement  dans  les  moyens  de  trans- 

1.  Chef  de  la  Commission  du  Ministère  des  travaux  publics  du  Brésil 
en  Europe  et  aux  États-Unis  d'Amérique,  ancien  président  de  la  Société  des 
Ingénieurs  du  Brésil,  membre  de  l'Institut  polytechnique  du  Brésil,  de  la 
Société  des  Ingénieurs  civils  de  France  et  de  la  Société  The  Institution  of 
Civil  Engineers  d'Angleterre. 


384  LE     BRÉSIL     EN      1SS9. 

ports  commença  à  se  généraliser,  le  Brésil,  bien  jeune  alors,  et 
avec  une  industrie  à  peine  naissante,  une  agriculture  dans  l'en- 
fance, et  des  ressources  budgétaires  encore  bien  faibles,  n'a-t-il 
pas  été  long  à  suivre  l'exemple  et  à  profiter  de  la  leçon.  Notre 
loi  du  31  octobre  1835  a  été  le  premier  signal  de  cette  grande 
transformation  de  la  voirie  chez  nous.  Par  cette  loi  le  Gouverne- 
ment fut  autorisé  à  faire  la  première  concession  d'un  chemin  de 
fer,  une  ligne  qui  devait  partir  de  la  capitale  de  l'Empire  et  se 
diriger  vers  les  trois  provinces  voisines,  Rio-de-Janeiro,  Minas- 
Geraes  et  San-Paulo.  Le  1er  juillet  1839,  un  étranger  entrepre- 
nant, Thomas  Gockrane,  domicilié  au  Brésil,  où  il  a  fait  souche 
honorable  et  honorée,  demandait  cette  concession  et  l'obtenait 
le  4  novembre  de  l'année  suivante  ;  mais  cette  concession 
n'ayant  pas  été  mise  à  profit  jusqu'en  1852,  se  trouva  frappée  de 
déchéance. 

Jusqu'en  1852,  le  problème  avait  été  mal  engagé.  Les  res- 
sources du  Brésil,  bien  faibles  en  ce  temps-là,  et  encore  moins 
connues  alors  des  grands  marchés  monétaires  européens,  n'of- 
fraient pas  assez  de  confiance  aux  capitaux  étrangers  pour  ces 
grands  travaux  publics  et  ces  grandes  entreprises;  et  dans  le 
pays  môme  on  se  demandait  à  cette  époque-là,  étant  donnée  la 
puissance  de  transport  qui  était  le  propre  du  nouveau  système, 
si  ce  chemin  de  fer  ne  transporterait  pas  dans  quelques  jours 
toute  la  production  de  la  région  d'une  année,  et  si  le  reste  du 
temps  il  n'aurait  pas  à  faire  circuler  ses  trains  vides.  Aussi  la 
période  de  1835  à  1852  ne  se  traduisit-elle  que  par  le  travail  lent 
qui  se  faisait  clans  les  esprits,  mais  pas  un  rail  ne  fut  posé. 
Comme  partout,  dans  les  premiers  temps  de  la  campagne  en 
faveur  de  ce  nouveau  mode  de  locomotion  on  n'y  voyait  que  le 
côté  spéculatif  et  qui  devait  être  laissé  absolument  aux  efforts 
et  risques  privés.  On  ne  se  rendait  pas  compte  de  la  puissance 
énorme  que  présenterait  un  jour  cette  grande  réforme  de  la 
voirie,  comme  aussi  on  ne  s'apercevait  pas  encore  que  ce  nou- 
veau système  de  transportsétait  le  plus  sûr  moyen  de  développe- 
ment d'un  pays,  et  que  partout  il  sortait  des  domaines  de  la 
simple  spéculation  privée  pour  prendre  le  caractère  d'une  raison 
d'État. 

Le  travail  dans  les  esprits  a  été  long.  Le  Gouvernement  et  le 
Parlement  n'étaient  pas  sans  méfiance,  et  justement  parce  que 
c'était  l'inconnu,  on  s'en  méfiait;  mais  comme  la  vérité  et  le  bon 
sens  ont  leurs  droits,  le  patriotisme  aidant,  on  eut  bientôt  raison 


CHEMINS   DE   FER.  385 

de  cette  première  indécision,  on  comprit  que  nos  premiers 
grands  chemins  de  fer  ne  seraient  possibles  qu'avec  l'appui  ma- 
tériel de  l'État,  et  que  la  simple  permission  pour  construire  et 
exploiter  des  chemins  de  fer  n'était  possible  que  là  où  l'indus- 
trie est  puissante  et  la  culture  du  sol  largement  développée, 
conditions  que  ne  pouvait  pas  présenter  un  pays  tout  jeune.  On 
comprit  alors  qu'il  fallait  la  garantie  d'intérêts  ou  la  subvention 
de  l'État,  et  de  ce  travail  dans  les  esprits  naquit  le  projet  de  loi 
présenté  au  Parlement  brésilien  et  voté  en  sa  législature  de  1852. 

Le  décret  n°  641  du  26  juin  1852,  qui  a  donné  la  sanction  à 
cette  loi,  marque  le  vrai  point  de  départ  de  la  voirie  ferrée  au 
Brésil.  Par  cette  loi  le  Gouvernement  était  autorisé  à  accorder 
certaines  faveurs,  et  notamment  la  garantie  d'intérêts,  au  che- 
min de  fer  qui,  partant  delà  capitale  de  l'Empire,  et  après  avoir 
traversé  la  province  de  Rio-de-Janeiro,  devait  se  développer  à 
travers  la  province  de  Minas-Geraes,  ce  grand  empire  inté- 
rieur, et  de  la  province  de  San-Paulo,  cette  terre  de  progrès  qui, 
après  avoir  été  le  berceau  de  l'indépendance  du  Brésil,  a  su  con- 
quérir un  nouveau  fleuron,  en  donnant  à  ses  sœurs  l'exemple 
du  développement  industriel  et  de  la  puissance  de  l'initiative 
privée.  En  même  temps,  cette  mémorable  loi  de  1852  posait  les 
bases  générales  pour  la  concession  des  mêmes  faveurs  à  d'autres 
lignes  ferrées  dans  d'autres  contrées  de  l'Empire.  Le  grand  prin- 
cipe ainsi  posé  dans  ses  vrais  termes  ne  pouvait  manquer  de 
réussir,  et  la  Législature  et  le  Ministère  de  1852  ont  bien  mé- 
rité de  la  patrie. 

La  Compagnie  du  chemin  de  fer  de  Récife  San-Francisco 
(décret  n°  1299,  du  19  décembre  1853),  la  Compagnie  du  chemin 
de  fer  Dom  Pedro  II  (décret  n°  1598  du  9  mai  1855)  et  la  Compa- 
gnie du  chemin  de  fer  de  Santos-Jundiahy  (décret  n°  1759  du 
26  avril  1856)  furent  les  premiers  fruits  de  la  sage  loi  de  1852. 
De  ces  quatre  premières  grandes  lignes,  deux,  la  lre  et  la  4e, 
donnent  aujourd'hui  des  résultats  remarquables  ;  une,  la  3e,  est 
en  bonne  voie  de  prospérité;  il  n'y  a  que  la  2e  qui  ait  été  une 
méprise. 

A  côté  de  ces  premières  quatre  grandes  concessions  de  l'État, 
—  fait  remarquable  à  cette  époque-là  —  un  petit  chemin  de  fer 
d'intérêt  local,  avec  moins  de  17  kilomètres,  sans  garantie  d'in- 
térêts ni  subvention  (concession  de  la  province  de  Rio-de-Janeiro 
du  27  avril  1852)  prenait  sa  place  au  soleil,  et  venait  démontrer 
que  si  pour  les  grandes  lignes  l'intervention  et  l'appui  de  l'État 


3SG  LE     BRÉSIL     EX     18S9. 

s. »nt  nécessaires,  les  petites  lignes  doivent  se  contenter  de  l'ini- 
tiative et  de  L'appui  exclusivement  privés,  et  qu'elles  ne  sont 
possibles  que  là  où  elles  peuvent  trouver  dès  leur  début  un 
trafic  rémunérateur,  pour  ne  pas  distraire  les  ressources  de 
l'État  qui  sont  nécessaires  pour  les  grandes  entreprises.  C'est 
à  ce  petit  chemin  de  fer,  appelé  alors  —  chemin  de  fer  de  Mauâ — 
et  aujourd'hui  —  clic  ni  in  de  fer  du  Prince  de  Gram-Parâ  —  que 
revient  l'honneur  d'avoir  lancé  en  marche  le  premier  train  de 
chemin  de  fer  dans  la  grande  Amérique  du  Sud. 

Aujourd'hui,  trente-sept  ans  après,  quand  le  réseau  brésilien 
compte  environ  19.000  kilomètres,  dont  8.890  déjà  en  exploi- 
tation ;  quand  nos  grandes  lignes  se  prolongent  chaque  fois  da- 
vantage dans  l'intérieur  du  pays  ;  quand  nos  compagnies  de  che- 
mins de  fer  et  lignes  de  l'État  s'élèvent  déjà  à  83;  aujourd'hui  eue 
la  semence,  si  bien  lancée  jadis,  germe,  féconde  et  belle,  le  Brésil 
répète  avec  reconnaissance  les  noms  de  ses  grands  ouvriers  de  la 
première  heure  :  Dom  Pedro  II,  qui,  dès  les  premiers  jours,  a 
donné  son  appui  fort  et  constant  à  la  grande  cause  ;  Irixeu  Evax- 
GEMSTA  de  Souza  (vicomte  de  Mauà),  qui,  le  premier,  a  mis  en 
exploitation  un  chemin  de  fer  au  Brésil  ;  Luiz  Pediœira  do  Couto- 
Ferraz  (vicomte  de  Bom-Retiro),  qui  a  eu  l'honneur  de  régle- 
menter cette  grande  industrie  naissante,  en  lui  imposant  les 
conditions  de  sécurité  et  de  surveillance  si  nécessaires  pour 
qu'elle  ne  dégénérât  pas  dans  l'industrie  des  procédés  disparates 
ou  ne  tombât  pas  dans  les  dangers  de  l'inexpérience  ;  Ghristiaxo- 
Bexedicto  Ottoxi,  dont  le  nom  restera  à  jamais  gravé  sur 
les  travaux  gigantesques  du  percement  de  la  grande  ligne  Dom 
Pedro  II,  à  travers  des  difficultés  sans  nombre  de  l'imposante 
Cordillère  de  la  Mer  ;  Mariaxo-Procopio  Ferreira-Lage,  qui  a  eu 
la  force  et  le  mérite  de  briser  les  préjugés  et  les  craintes  qui 
tenaient  jusqu'alors  la  partie  technique  de  nos  chemins  de  fer 
dans  les  mains  du  génie  étranger,  et  a  ouvert  la  voie  aux  ingé- 
nieurs brésiliens  ;  Bexto  Sobragy,  Oliveira-Bulhôes,  Ferreira- 
Pexxa,  Pereira-Passos,  ingénieurs  remarquables  qui,  dans  la 
première  phase  de  nos  chemins  de  fer,  ont  su  montrer  combien 
il  y  avait  à  espérer  de  la  direction  technique  brésilienne,  et  qui 
forment  aujourd'hui  notre  vieille  garde  respectable  et  respectée. 

Nous  avons  employé  jusqu'ici  le  mot  réseau  brésilien  ;  ce 
mot  y  est  plutôt  pour  indiquer  l'ensemble  de  nos  voies  ferrées 
que  leur  enlacement.  Il  suffit  de  jeter  un  coup  d'œilsur  une  carte 
du  Brésil  pour  comprendre   immédiatement  que    nos    grandes 


CÏÏEMINS   DE   EER.  3S7 

lignes  sont  destinées  à  devenir  les  artères  principales  d'autant  de 
réseaux  distincts,  plutôt  que  les  artères  d'un  seul  réseau.  Super- 
ficie énorme,  avec  un  développement  de  côtes  considérable  et 
d'excellents  ports,  voilà  le  Brésil.  Il  fallait  donc  donner  à  chaque 
contrée  son  débouché  le  plus  naturel  et  le  plus  prompt  sur  la 
mer,  sans  s'inquiéter,  si  ce  n'est  que  dans  un  avenir  lointain,  si 
ces  différentes  grandes  voies  pourraient  prendre  contact  et  venir 
ainsi  à  constituer  un  seul  réseau.  Aujourd'hui  on  commence  déjà 
à  songer  à  les  raccorder,  d'abord  par  groupes,  pour  finir  plus 
tard  par  raccorder  ces  groupes  entre  eux  ;  mais  il  ne  faut  pas  ou- 
blier, quand  on  serait  tenté  de  critiquer  tant  de  lignes  encore 
isolées,  dont  chacune  est  obligée  d'avoir  ses  réserves  de  matériel 
et  son  administration  propre,  que  ce  raccordement  au  Brésil  se 
chiffrera  par  des  milliers  et  des  milliers  de  kilomètres. 

Au  1er  janvier  1889,  la  longueur  totale  des  chemins  de  fer 
brésiliens  était  de  18.790  kilomètres,  dont  : 

En    exploitation 8.890  kilom. 

En  construction 2.000      — 

Avec  études  approuvées   pour  entrer  en  cons- 
truction   3.400      — 

Concédés 4.500      — 

Total 18.790  kilom. 

Ils  sont,  en  règle  générale,  à  voie  unique,  et,  la  grande  majo- 
rité, à  la  voie  de  un  mètre. 

II.  Renseignements  et  statistique.  —  Nous  venons  de 
donner  l'étendue  des  chemins  de  fer  au  1er  janvier  1889,  mais  dans 
les  renseignements  et  statistiques  que  nous  allons  produire 
nous  sommes  obligé  de  nous  arrêter  au  1er  janvier  1888,  les  rap- 
ports de  1889  n'étant  pas  encore  publiés  et  ne  devant  pas  l'être 
avant  quelques  mois. 

Au  1er  janvier  1888,  il  y  avait  au  Brésil  13.481  kilomètres  de 
chemins  de  fer  en  exploitation,  en  construction  ou  avec  études 
approuvées  pour  entrer  en  construction,  dont  : 

En  exploitation 8#486  kilom> 

En  construction 1.398      

Avec  études  approuvées 3.597      

Total 13.481  kilom. 


388  LE     BRÉSIL     E.\     18  89. 

Dont  : 

I.  —  Propriété  de  l'Etat  : 

En   exploitation 2.013  kilom. 

En  construction 250      — 

Avec  études  approuvées 2.:i(>l       — 

Total 4.0:>i  kilom. 

II.  —  Propriété  de  Provinces  : 

En    exploitation 95  kilom. 

Avec  études  approuvées 150      — 

Total 245  kilom. 

III.  —  Propriété  de  Compagnies  : 

En   exploitation 6.378  kilom. 

En  construction 1.148      — 

Avec  études  approuvées 1.08G      — 

Total 8. 612  kilom. 

Des  lignes  appartenant  à  des  Compagnies,  il  y  a  : 

I.  —  Avec  garantie  d'intérêts  accordée  par  VElat  : 

En    exploitation 2.585  kilom. 

En  construction 191       — 

Avec  études  approuvées 21      — 

Total 2.797  kilom. 

II.  —  Avec  garantie  d'intérêts  ou  subvention  accordée  par  des 
Provinces  : 

En    exploitation 1.552  kilom. 

En  construction 486      — 

Avec  études  approuvées 767      — 

Total 2.805  kilom. 

III.  —  Sans  garantie  d'intérêts  ni  subvention  : 

En   exploitation 2.241  kilom. 

IJi  construction 471       — 

Avec  études  approuvées 298      — 

Total 3.010  kilom. 


CUEMINS   DE    FER.  389 

Dans  tous  ces  chiffres  ne  sont  pas  comprises  les  lignes  concé- 
dées ou  la  partie  des  lignes  concédées  dont  les  études  définitives 
ne  sont  pas  encore  faites  ou  approuvées. 

Au  1M  janvier  1888,  les  chemins  de  fer  se  divisaient  comme 

suit  : 

U  Lignes  appartenant  ù,  l'État;  2  Lignes  appartenant  aux 
Provinces;  30  Compagnies  avec  garantie  d'intérêts  ou  subvention 
kilométrique;  37  Compagnies  sans  garantie  ni  subvention. 

En  ce  qui  concerne  la  largeur  de  la  voie  S  les  lignes  se 
divisent  comme  suit  : 

Voie  large 1-366  kilom. 

Voie  étroite 12.115      — 


Total 13.481  kilom. 


A  VOIE  LARGE  I 

I.  —  En  exploitation  : 

Lignes  de  l'État 725  kilom. 

Lignes  des  Provinces 0      — 

Lignes   des   Compagnies.    .    .    .         641       — 


Total 1.366  kilom. 

A  VOIE  ÉTROITE  : 

I.  —  En  exploitation  : 

Lignes  de  l'État 1.288  kilom. 

Lignes  des  Provinces 95      — 

Lignes  des  Compagnies 5.737       — 

Total 7.120  kilom 


IL  —  En  construction  : 

Lignes  de  l'État 250  kilom. 

Lignes    des  Provinces 0      — 

Lignes    des    Compagnies.    .    .    .     1.148      — 

Total 1  398  kilom. 

1.  Pour  voie  large  nous  entendons  les  deux  types  de  voie  employés  au 
Brésil,  1-60  et  1-40. 


90  LE     BRÉSIL     EN      1889. 


III.  —  Avec  études  approuvées: 

Lignes  de  l'État 2.361  kilom. 

Lignes  des  Provinces 150      — 

Lignes   des   Compagnies.    .    .    .     1.080       — 

Total 3.507  kilom. 

EN   RÉSUMANT  : 

I.  —   Voie  large  : 

En  exploitation 1.3G0  kilom. 

En  construction 0      — 

Avec   études  approuvées.    ...  0      — 

Total 1.3GG  kilom. 

II.  —   Voie  étroite  : 

En   exploitation 7.120  kilom. 

En  construction 1.308       — 

Avec  études  approuvées.    .    .    .     3.507      — 

Total 12.115  kilom. 

Total  général 13.481  kilom. 

La  voie  large,  sauf  pour  une  petite  ligne  de  12  kilomètres,  est 
partout  de  lm60.  C'était  le  type  des  quatre  premières  grandes 
concessions  et  il  a  été  suivi  pour  le  prolongement  de  l'une  d'elles  ; 
mais  on  en  est  resté  là,  et  pour  toutes  les  autres  concessions  qui 
se  sont  suivies,  ainsi  que  pour  le  prolongement  des  lignes 
anciennes,  on  a  donné  la  préférence  à  la  voie  étroite.  La  voie 
étroite  prédomine  donc  au  Brésil  aussi  bien  dans  les  petites  que 
dans  les  grandes  lignes. 

Une  autre  tendance  s'y  accentue  fortement,  c'est  dans  la  voie 
étroite  le  type  à  lm00  d'écartement  des  rails.  Ainsi  dans  les 
12.115  kilomètres  de  voie  étroite,  il  y  avait  à  la  fin  de  1887  : 

Avoiede0mG6 G  kilom. 

—  0  76 377      — 

—  0  05 151      — 

—  1  00 11.282       — 

—  1  10 200       — 


Total 12.115  kilom 


CHEMINS  DE    FER.  301 

Eu  ce  qui  regardelea  rayons  des  courbes  et  les  déclivités,  notre 
sol  en  général  très  accidenté,  nos  vallées  très  sinueuses,  nos 
grandes  chaînes  de  montagnes  ne  nous  permettent  pas  d'être 
trop  difficiles  dans  la  fixation  des  limites  pour  ces  conditions 
techniques. 

Dans  la  voie  large  on  est  descendu  facilement  au  rayon  de 
181  mètres,  et  on  a  monté  jusqu'à  la  pente  de  18  millimètres  par 
mètre,  et  exceptionnellement  à  23  millimètres  par  mètre. 

Sur  une  partie  de  la  voie  large  (8  kilomètres)  nous  avons 
même  la  pente  de  97  1/2  millimètres  par  mètre,  mais  là,  la 
traction  se  fait  par  câble  avec  machines  fixes. 

Dans  la  voie  étroite  nous  descendons  facilement  au  rayon  de 
80  mètres,  et  exceptionnellement  jusqu'à  40  mètres,  et  nous 
montons  non  moins  facilement  jusqu'à  la  pente  de  35  millimè- 
tres par  mètre  et  exceptionnellement  à  83  millimètres  par  mètre. 
Nous  avons  encore  des  lignes  avec  pentes  de  150  et  de  300  milli- 
mètres par  mètre,  mais  sur  des  lignes  à  crémaillère. 

Nos  courbes  à  petit  rayon  n'ont  pas,  cependant,  une  influence 
grandement  fâcheuse  pour  l'effet  utile  du  matériel  et  sa  durée 
ainsi  que  pour  la  sûreté  du  trafic,  grâce  au  type  du  matériel 
roulant  que  nous  employons  en  général,  c'est-à-dire,  —  locomo- 
tives américaines,  moins  rigides  que  les  types  européens,  avec 
base  rigide  réduite,  ou,  s'il  faut  plus  de  trois  essieux  moteurs, 
les  roues  intermédiaires  sans  retard,  et  truck  ou  train  articulé  à 
l'avant;  —  wagons  et  voitures  sur  trucks  à  pivot,  où  l'empatte- 
ment de  chaque  truck  est  bien  moindre  que  celui  d'un  véhicule  à 
deux  esssieux  tout  en  permettant  de  longues  caisses  ;  —  meilleur 
rapport  entre  le  poids  mort  et  le  poids  utile  des  wagons,  et  plus 
de  commodité  dans  les  voitures  à  voyageurs. 

La  question  des  pentes  se  liquide  naturellement  par  un  rende 
ment  moindre  de  la  machine,  et  on  est  bien  forcé  d'en  passer  par 
là,  soit  quand  il  n'y  a  pas,  comme  il  nous  arrive  bien  souvent, 
moyen  de  faire  autrement,  soit  quand  les  ressources  de  l'entre- 
prise imposent  la  triste  nécessité  de  sacrifier  l'économie  du 
premier  établissement,  ce  qui,  tout  en  étant  un  mal,  permet 
d'avoir  tout  de  même  un  chemin  de  fer  qui,  malgré  tout,  fait 
encore  le  transport  à  meilleur  compte  et  plus  rapide  qu'on  ne  le 
faisait  par  le  roulage  ordinaire  ou  à  dos  de  mulets. 

Le  coût  des  lignes  en  exploitation  au  1er  janvier  1888,  y  compris 
les  dépenses  préliminaires,  les  expropriations,  le  premier  établis- 


302  LE     BRÉSIL     EN      1889. 

Bernent,  le  matériel  fixe  et  roulant,  bâtiments,  ateliers  et  tout 
l'outillage,  peut  être  estimé  à  fr.  1. 371.203. 1681  dont  : 

2013  kilomètres  de  l'État 453.052.600 

95  —  Provinces 10. 9 12.373 

6378  —  Compagnies 907.208.195 

8486  kilomètres.  Francs 1 .371.203.168 

Ce  coût  donne  la  moyenne  kilométrique  de  fr.  161.584,  le 
prix  ayant  varié  de  fr.  50.000  à  494.000. 

Dans  les  tableaux  1,  2  et  3  ci-joints,  nous  donnons  les  détails 
de  chaque  ligne. 

Dans  le  tableau  n°  1,  on  rencontrera,  pour  chaque  ligne, 
l'indication  de  sa  propriété,  son  capital,  le  capital  jouissant  de 
garantie,  le  taux  de  la  garantie,  les  conditions  techniques  du 
trace  et  la  longueur  en  exploitation,  en  construction  et  avec 
études  approuvées  pour  entrer  en  construction.  Le  tableau  n°  2 
donne,  pour  chaque  ligne,  la  statistique  du  service  de  transport, 
voyageurs  et  marchandises.  Le  tableau  n°  3  donne  les  résultats 
financiers  de  l'exploitation.  Tout  pour  l'année  1887.  Ces  tableaux 
pourront  être  étudiés  avec  profit  par  ceux  qui  désireront  connaî- 
tre un  peu  en  détail  la  question  des  chemins  de  fer  au  Brésil. 

On  verra  ainsi,  que,  si  l'ensemble  des  lignes  en  exploitation  en 
1887  a  donné  en  moyenne  : 

Recette  brute  kilométrique.    .    .    .     14.200  fr. 

Dépense  kilométrique 9.488 

Bénéfice  net  kilométrique 4.752 

il  s'y  trouve  des  lignes  avec  : 

Recette  kilom.     16.090  fr.  Bénéfice  kilom.       5.211  fr. 

—  17.791  —  8.252 
25.935                            —                  9.840 

—  26.511  —  11.446 

—  33.919  —  19.331 

—  39.421  —  14.236 

—  128.910  —  69.445 

comme  aussi  des  lignes  malheureuses  pour  le  moment. 

1.  Pour  toutes  les  conversions  en  monnaie  française,  nous  avons  pris,  et 
prendrons  dans  le  cours  de  ce  travail,  le  change  pair,  soit  1  franc  =  3oG  réis. 


CUEMINS   DE   FER.  393 

Pour  l'ensemble  des  lignes,  le  bénéfice  moyen  correspond  à 
2,8  pour  100  sur  le  capital  employé  dans  la  partie  en  exploita- 
tion; mais  le  tableau  n°  3  montre  des  lignes  donnant  3,  4,  5,  7, 
10,  14  et  jusqu'à  14,9  pour  100  de  bénéfice  sur  le  capital 
employé. 

Mais  ne  nous  arrêtons  qu'à  la  moyenne  qu'on  a  déjà  de  2,8 
pour  100.  N'est-il  pas  vrai  que,  même  sans  parler  de  la  grande 
somme  de  bien-être  et  de  développement  industriel  et  agricole 
que  ces  chemins  de  fer  procurent  au  pays,  ce  résultat  est  déjà 
assez  engageant,  si  on  considère  que  dans  les  pays  jeunes  les 
chemins  de  fer  ont  à  traverser  une  première  phase  très  difficile? 
La  pensée  qui  doit  dominer  la  création  de  chemins  de  fer  diffère 
beaucoup  d'un  pays  de  la  vieille  Europe  à  un  pays  de  la  jeune 
Amérique.  Dans  le  premier,  le  chemin  de  fer  va  à  la  rencontre  d'un 
trafic  déjà  assuré,  et  si  ses  résultats  ne  se  traduisent  pas,  dès  les 
premiers  temps,  par  de  bons  bénéfices,  c'est  une  entreprise  mes- 
quine ou  même  ruineuse.  Dans  un  pays  jeune  et  de  grand  avenir 
comme  le  Brésil,  il  marche  enéclaireur  ;  c'est  lui  qui,  semblable  à 
ces  hardis  explorateurs  que  l'Europe  civilisée  lance  à  travers  les 
déserts  de  Y Afriqu  e,  doit  mettre  au  jour  et  faire  valoir  nos  richesses 
sans  nombre;  c'est  lui  qui  va  donner  à  l'agriculture  le  courage  de 
profiter  de  la  fertilité  sans  pareille  de  notre  sol  béni  ;  c'est  lui  qui 
va  faciliter  à  l'industrie  les  moyens  de  s'interner,  de  se  répandre, 
de  se  développer.  Il  crée  ainsi  son  futur  trafic,  mais,  jusque-là,  il  y 
a  une  phase  difficile  à  traverser,  phase  plus  ou  moins  longue 
suivant  le  choix  même  de  la  direction. 

Plusieurs  de  nos  lignes  ont  déjà  traversé  cette  phase  difficile, 
et  les  chiffres  de  leurs  bénéfices,  que  nous  avons  cités  plus  haut, 
5,  7,  10,  14,  14,9  pour  100,  en  sont  la  preuve.  Cependant  à  leurs 
débuts  ces  mêmes  chemins  de  fer  ne  donnèrent  que  de  faibles 
bénéfices,  et  c'était  dans  la  garantie  d'intérêts  que  leurs  action- 
naires voyaient  alors  le  plus  clair  de  leurs  dividendes. 

C'est  donc  une  politique  toute  différente  de  celle  des  pays 
déjà  très  avancés  qui  commande  si  hardiment  chez  nous  la 
création  de  chemins  de  1er 

Dans  ces  conditions,  le  chiffre  moyen  que  nous  avons  cité 
plus  haut  n'a  que  la  portée  spéculative  de  la  statistique  et  pas 
davantage.  Quand  on  voudra  étudier  le  côté  financier  des  chemins 
de  fer  brésiliens  et  se  faire  une  idée  de  leur  passé,  de  leur  pré- 
sent  et  de  leur  avenir,    il  faudra,  pour  ne  pas  s'égarer,  tout  un 


394  LE     BRÉSIL     EN     18S9. 

travail  d'économiste;  il  faudra  d'abord  bien  se  pénétrer  du  rôle 
tout  à  fait  spécial  des  chemins  de  fer  dans  un  pays  jeune,  et,  une 
fois  cela  bien  établi,  il  faudra  prendre  chaque  chemin  de  fer  sépa- 
rément, étudier  la  zone  qu'il  traverse,  le  plus  ou  moins  de  pru- 
dence qu'on  a  eu  dans  le  choix  de  ia  direction,  et  voir  jusqu'à 
quel  point  l'économie  a  présidé  à  l'exécution  des  travaux  ;  il 
faudra  ensuite  mettre  en  ligne  de  compte  le  travail  du  temps,  la 
progression  du  développement  dans  la  zone  traversée  et  comment 
celle-ci  a  répondu  aux  espérances  qu'on  y  a  mises.  Surtout,  pas 
de  moyennes  ;  qu'on  oublie  l'ensemble  des  lignes  pour  ne  fixer 
l'attention  que  sur  chaque  ligne  séparément.  Et,  si  on  se  livre  à  ce 
travail,  on  verra  des  lignes  ayant  vaincu  en  peu  de  temps  la  pre- 
mière phase,  et  se  trouvant  aujourd'hui  avec  un  rapport  magni- 
fique; d'autres,  en  passe  de  la  vaincre  ;  d'autres  enfin,  les  mau- 
vaises, heureusement  en  petit  nombre,  pour  lesquelles  cette 
phase  devra  encore  se  prolonger  pendant  une  période  de  temps 
plus  ou  moins  longue  ;  et  on  reconnaîtra  que  nous  avons  bien 
agi  en  escomptant  l'avenir. 

III.  Régime  légal.  —  La  construction  et  l'exploitation  d'un 
chemin  de  fer  destiné  à  servir  le  public  sont  toujours  précédées 
d'une  concession,  soit  du  gouvernement  central,  soit  d'un  gou- 
vernement provincial. 

Est  du  ressort  du  gouvernement  central  la  concession  des 
lignes  :  a.  Devant  mettre  en  communication  deux  ou  plusieurs 
provinces  entre  elles;  b.  Devant  mettre  en  communication  la 
capitale  de  l'Empire  avec  une  ou  plusieurs  provinces  ;  c.  Devant 
mettre  en  communication  n'importe  quelle  partie  de  l'Empire 
avec  un  ou  plusieurs  Étals  limitrophes  ;  cl.  Celles  qui,  môme  si 
elles  ne  devaient  pas  sortir  des  limites  d'une  province,  auraient 
un  caractère  d'intérêt  général  par  leur  affectation  spéciale  au 
service  de  l'administration  générale  ;  e.  Celles  qui  seraient  cons- 
truites directement  par  l'Etat;  f.  Celles  qui  seraient  un  prolon- 
gement des  lignes  de  l'Etat  ou  des  lignes  concédées  par  l'État. 

Est  du  ressort  des  gouvernements  provinciaux  la  concession 
des  lignes  :  a.  D'intérêt  exclusivement  provincial,  c'est-à-dire 
celles  qui,  tout  en  ne  sortant  pas  des  limites  de  la  province, 
respectent  les  droits  de  zone  privilégiée  des  concessions  déjà 
existantes  du  gouvernement  général  ou  des  lignes  de  l'État; 
b.  Affluentes  aux  lignes  concédées  par  l'État  ou  appartenant  à 
l'État,  à  condition  de  se  tenir  dans  les  limites  de  la  province  ; 


CHEMINS  DE  FER.  395 

h.  Devant  être  construites  ou  exploitées  par  la  province  et  com- 
prises exclusivement  dans  ses  limites. 

Pour  la  concession  des  lignes  provinciales,  il  n'y  a  pas  de 
législation  type,  chaque  concession  ayant  été  faite  par  une  loi 
provinciale  ad  hoc  ;  mais  toutes  sont  plus  ou  moins  calquées  sur 
1rs  types  dos  concessions  de  l'État.  Les  concessions  de  l'État  se 
rangent  en  quatre  types  qui,  tout  en  conservant  dans  l'ensemble 
une  grande  identité,  diffèrent  cependant  beaucoup  en  ce  qui 
concerne  le  délai  du  privilège,  la  propriété,  les  faveurs,  et  le 
mode  de  fixation  du  capital  quand  il  y  a  la  garantie  d'intérêts. 

Ces  quatre  types  ne  constituent  pas  un  tableau  dans  lequel  le 
umivernement  choisit,  au  moment  de  faire  une  concession,  mais 
bien  la  transformation  successive  des  bases  des  concessions, 
transformation  amenée  successivement  par  l'expérience  acquise, 
aussi  bien  que  par  les  idées  personnelles  des  hommes  dirigeants 
à  chaque  époque.  On  voit  là  un  travail  du  temps,  et  nécessaire- 
ment chaque  concession  a  suivi  les  bases  en  vigueur  à  l'époque 
où  elle  a  été  faite.  De  là  une  certaine  diversité  de  régimes.  A  ceux 
qui  seraient  tentés  d'y  voir  une  certaine  confusion,  nous  rappelle- 
rons que  toute  concession  de  chemin  de  fer  constituant  un  mono- 
pole ou  entraînant  des  faveurs  de  l'État,  il  devient  un  devoir 
pour  l'État  de  tenir  la  question  toujours  ouverte,  et  de  profiter 
pour  les  nouvelles  concessions  de  l'expérience  acquise  avec  les 
précédentes.  Dans  ces  conditions,  quand  la  vieille  Europe  et 
l'Amérique  du  Nord  ont  tant  tâtonné  et  tâtonnent  encore  en 
matière  de  régime  de  concessions  de  voies  ferrées,  il  n'est  pas 
étonnant  que  dans  un  pays  jeune,  où  nécessairement  la  fièvre  du 
développement  prend  un  caractère  plus  aigu,  et  où  les  aspira- 
tions sont  plus  bouillantes,  on  ait  un  peu  essayé  de  tous  les  systè- 
mes de  concessions. 

Les  quatre  types  dont  nous  avons  parlé  sont  : 

1°  Concession  perpétuelle  ;  garantie  d'intérêts  pour  90  ans 
sur  un  capital  estimé  d'abord  à  un  maximum,  et  à  arrêter  défini- 
tivement après  la  construction,  jusqu'à  concurrence  de  ce  maxi- 
mum, au  vu  des  preuves  des  dépenses  faites  bonâ  fiole  ;  privilège 
de  zone  de  66  kilomètres  (moitié  de  chaque  côté  de  l'axe  du 
chemin  de  fer),  ce  privilège  limité  au  même  délai  de  la  garantie  ; 
exemption  de  droits  d'entrée  pour  le  matériel  nécessaire  à  la 
construction,  aux  ateliers  et  à  l'entretien  ;  exemption  des  mêmes 
droits  pour  le  charbon  nécessaire  pour  les  30  premières  années 
d'exploitation  ;  autres  faveurs  dont  nous  traiterons  plus  tard  ; 


3%  LE     BRÉSIL     EN     1889. 

droit  absolu  de  rachat  passés  30  ans  de  l'entrée  en  exploitation  de 
toute  la  ligne.  C'est  le  régime  de  la  loi  du  2Gjuin  1852 

2°  Concession  perpétuelle  ou  temporaire,  et  dans  ce  second 
cas  rétrocession  à  l'État,  à  la  fin  de  la  concession  ;  garantie  d'in- 
térêts pour  un  délai  à  fixer  dans  chaque  concession,  ne  pouvant 
pas  dépasser  90  ans  ;  capital  garanti  estimé  d'abord  à  un  maxi- 
mum, et  à  fixer  après  la  construction  comme  il  vient  d'être  dit 
pour  le  régime  précédent  ;  privilège  de  zone  de  GO  kilomètres 
(moitié  de  chaque  côté  de  l'axe  du  chemin  de  fer),  ce  privilège 
limité  au  délai  de  la  garantie  ou  tout  au  plus  à  90  ans  ;  les  autres 
faveurs  comme  pour  le  régime  précédent  ;  droit  absolu  de  rachat 
passé  les  premières  15  années.  C'est  le  régime  du  décret  du 
28  février  1874. 

3°  Concession  perpétuelle  ou  temporaire,  et,  dans  ce  second 
cas,  rétrocession  à  l'État  à  la  fin  de  la  concession  ;  garantie 
d'intérêts  pour  un  délai  maximum  de  30  ans;  capital  garanti  fixé 
en  présence  des  études,  projets  et  devis,  ce  capital  ainsi  fixé 
restant  invariable,  quel  que  soit,  après,  le  coût  effectif  de  la  ligne, 
tant  que  le  plan  approuvé  sera  maintenu,  ou  pouvant  être  majoré 
du  montant  des  modifications  exigées  par  l'État,  ou  diminué 
de  moitié  de  l'économie  résultant  des  modifications  propo- 
sées par  la  compagnie  et  approuvées  par  l'Etat,  ou  encore 
diminué  du  total  correspondant  aux  modifications  faites  par  la 
compagnie  sans  l'assentiment  de  l'État  ;  privilège  de  zone  de  40 
kilomètres  (moitié  de  chaque  côté  de  l'axe  du  chemin  de  fer),  ce 
privilège  limité  au  délai  de  la  concession  temporaire,  et  en  tout 
cas  jamais  pour  plus  de  90  ans;  exemption  des  droits  d'entrée 
pour  le  matériel  destiné  à  la  construction  et  à  l'équipement  de  la 
ligne;  même  exemption  pour  le  combustible  nécessaire  pour  les 
20  premières  années  d'exploitation  ;  autres  faveurs  comme  pour 
les  régimes  précédents  ;  droit  absolu  de  rachat  passé  les  30  pre- 
mières années  comptées  de  l'achèvement  de  toute  la  ligne.  C'est 
le  régime  du  décret  du  10  août  1878. 

4°  Concession  temporaire  et  pour  un  déLai  maximum  de 
90  ans  ;  rétrocession  à  l'État  ;  capital  garanti  variable  suivant  le 
coût  réel  de  la  ligne,  cette  garantie  pour  un  délai  maximum  de 
30  ans  ;  privilège  de  zone  de  20  kilomètres  (moitié  de  chaque  côté 
de  l'axe  du  chemin  de  fer),  ce  privilège  limité  à  la  durée  de  la 
concession  ;  les  autres  faveurs  comme  dans  le  3e  régime  ;  droit 
de  rachat  passé  un  délai  à  fixer  dans  chaque  concession  ;  droit 
absolu  d'expropriation  par  cause  d'utilité  publique. 


CHEMINS   DE    FER.  397 

Les  concessions  sans  garantie  d'intérêts  suivent  les  clauses 
des  concessions  avec  garantie,  sauf  en  ce  qui  concerne  celle-ci, 
ainsi  qu'aux  autres  faveurs  qui  ne  s'entendent  accordées  que  si 
la  concession  en  fait  mention  expresse. 

Nous  n'avons  fait  ressortir  ici  que  les  caractères  généraux  des 
différents  types,  en  réservant  pour  plus  tard  l'étude  des  détails. 

En  comparant  les  quatre  types  ci-dessus  on  s'aperçoit: 

1°  Du  chemin  qu'a  fait  la  question  de  délai  de  propriété  de  la 
concession.  Perpétuelle  dans  toutes  les  concessions  faites  sous 
le  régime  de  la  loi  de  1852  ;  perpétuelle  ou  temporaire  suivant 
les  conventions  à  partir  de  la  loi  de  1874  :  encore  perpétuelle  ou 
temporaire  par  la  loi  de  1878;  enfin,  exclusivement  temporaire 
à  partir  de  la  loi  de  1880.  On  a  payé  d'abord  l'impôt  de  l'inexpé- 
rience ;  on  a  essayé  après,  pour  les  nouvelles  concessions,  d'im- 
planter des  principes  plus  rationnels  ;  on  a  fini  en  1880  par  fixer 
ces  principes,  et  depuis  lors  on  n'a  plus  fait  de  concessions  per- 
pétuelles; le  principe  de  la  temporariété  s'est  définitivement 
imposé,  et,  quel  que  soit  dans  l'avenir  le  régime  des  concessions 
de  chemins  de  fer,  elles  seront  toujours  temporaires,  avec  rétro- 
cession à  l'État. 

2°  Le  capital  garanti  est  pour  les  premières  concessions 
estimé  à  un  maximum  sans  bénéfice  de  règlement  postérieur  au 
vu  des  preuves  des  dépenses  faites  bonâ  fide  ;  il  passe  après,  au 
régime  du  capital  fixé  d'avance,  pour  revenir  après  au  capital 
définitif  à  fixer,  mais  non  plus  avec  une  limite  maximum.  Sur  ce 
point  les  idées  ne  sont  pas  aussi  fixées  que  pour  le  délai  de 
concession  :  chaque  système  a  dans  les  sphères  dirigeantes  des 
défenseurs  convaincus,  et  la  question  est  loin  d'être  jugée. 

Certes,  le  système  delà  loi  de  1880  est  théoriquement  le  plus 
raisonnable,  mais  politiquement  est-il  le  plus  convenable  ?  Nous 
n'avons  ici  qu'à  faire  le  relevé  des  systèmes,  mais  s'il  nous  était 
permis  de  donner  notre  opinion  personnelle  nous  dirions  que  le 
système  du  capital  fixé  d'avance,  avec  les  sages  tempéraments  de 
la  loi  du  10  août  1878,  c'est-à-dire,  le  troisième  régime,  est  en 
ceci  encore  le  plus  prudent  dans  l'intérêt  de  l'État  garant. 

3°  La  zone  privilégiée  a  descendu  successivement  de  66  à  60, 
à  40  et  à  20  kilomètres.  C'était  là  une  nécessité  imposée  par  le 
besoin  même  de  doter  le  pays  de  chemins  de  fer,  et  d'assurer  à 
chaque  contrée  son  débouché  le  plus  naturel.  Plus  tard  nous 
dirons  ce  qu'on  entend  par  zone  privilégiée,  mais  rien  que  ce 
mot  impliquant  par  lui-mêisa  ne  t^anopole,  il  est  facile  de  com- 


3CJ8  LE     Bit  ES  IL     ES     1889. 

prendre,  même  en  absolu,  la  grande  portée  de  la  rédaction  de  la 

1  trgeur  de  la  zone  donnée  en  apanage  à  chaque  chemin  de  for. 

4°  Lo  délai  de  la  garantie  d'intérêts  a  subi  non  moins  de 
réductions  ;  de  90  ans  pour  les  premières  concessions  il  est 
descendu  à  30  ans,  au  maximum,  à  partir  de  la  loi  du  10  août 
1S7S,  ce  qui  diminue  considérablement  la  responsabilité  de 
l'État  pour  les  concessions  qui  ont  suivi  ce  décret. 

5°  Le  droit  de  rachat  a  été  toujours  maintenu,  et  nous  dirons 
dans  la  suite  comment  il  s'exerce  ;  mais,  à  côté  de  ce  droit,  la 
loi  de  1880  fait  pour  la  première  fois  mention  du  droit  d'expro- 
priation pour  cause  d'utilité  publique,  quoique  en  bonne  justice 
on  soit  en  droit  de  comprendre  que  cette  réserve  a  été  toujours 
tacitement  comprise. 

Dans  tous  les  régimes,  l'État  se  réserve  toujours  le  droit 
d'examiner  et  d'approuver  les  plans,  projets  et  devis,  d'y  exiger 
des  modifications,  de  fixer  la  nature  et  la  capacité  du  matériel, 
de  fixer,  d'accord  avec  les  Compagnies,  les  tarifs  de  transports  de 
surveiller  l'exécution  et  l'entretien  des  travaux  et  du  matériel, 
de  surveiller  l'exploitation  en  imposant  des  règlements  pour 
l'entretien,  police,  sûreté  et  exploitation,  de  fixer  les  délais  pour 
la  présentation  des  plans,  pour  l'entrée  en  construction,  pour  la 
conclusion  des  travaux  et  pour  l'entrée  de  la  ligne  en  exploita- 
tion, enfin,  pour  le  contrôle  des  Compagnies  avec  la  garantie 
dintéréts. 

Les  faveurs  accordées,  en  règle  générale,  par  tous  les  régimes, 
outre  la  garantie  d'intérêts,  sont  : 

1°  L'exemption  de  droits  d'entrée  pour  tous  les  matériaux  et 
outillage  nécessaires  à  la  construction,  au  premier  équipement 
de  la  ligne,  et  de  ses  ateliers  ; 

2°  La  même  exemption  pour  le  combustible  nécessaire  à  l'ex- 
ploitation et  aux  ateliers  pendant  un  certain  délai  ; 

3°  Les  bénéfices  d'une  loi  spéciale  d'expropriation  des  terrains, 
etc.,  nécessaires  au  passage  du  chemin  de  fer,  ses  ouvrages, 
stations  et  autres  dépendances  ; 

4°  La  cession  gratuite,  pour  le  même  effet,  des  terrains  de 
propriété  nationale  ou  encore  non  possédés  ; 

5°  L'usage,  pour  les  travaux  du  chemin  de  fer,  des  bois  et 
autres  matériaux  se  trouvant  sur  ces  terrains  nationaux  ou 
encore  non  possédés  ; 

6"  Le  bénéfice  de  l'exception  faite  dans  les  donations  territo- 
riales en  faveur  du  libre  passage  des  routes  d'intérêt  public  ; 


CUEMINS   DE   FER.  399 

7°  La  cession,  à  un  prix  infime,  des  terrains  nationaux  margi- 
naux, avec  clause  d'y  établir  la  colonisation; 

8°  La  préférence,  à  égalité  de  circonstances,  pour  le  prolon- 
gement de  la  ligne  et  pour  ses  embranchements  ; 

9°  La  préférence  pour  l'exploitation  des  mines  et  des  voies 
navigables  existant  dans  la  zone  qui  fait  l'apanage  du  chemin 
de   ! 

10°  La  reconnaissance  de  la  qualité  de  colons,  avec  tous  ses 
avantages  et  exemptions,  pour  le  personnel  étranger  employé  par 
le  chemin  de  fer,  et  l'exemption  du  service  militaire  pour  le 
personnel  national  qui  s'y  trouve  employé  ; 

11°  Le  droit  de  siège  social  à  l'étranger,  mais  avec  représen- 
tant muni  de  pleins  pouvoirs  résidant  au  Brésil,  et  attribution 
aux  tribunaux  brésiliens  pour  toute  question  intéressant  le 
Brésil  ainsi  que  ses  nationaux  et  résidants  en  ce  qui  regarde 
les  faits  passés  au  Brésil  ; 

12°  Payement  en  or  ou  au  change  pair  de  la  garantie  pour  les 
compagnies  formées  à  l'étranger  ; 

13°  Droit  d'arbitrage  pour  les  questions  intéressant  l'interpré- 
tation des  contrats,  et  les  droits  et  devoirs  des  parties  contrac- 
tantes ; 

14°  Exemption  des  taxes  générales  imposées  par  l'État  aux 
autres  compagnies,  et,  d'après  la  loi  qui  vient  d'être  votée  l'année 
dernière,  la  même  exemption  pour  les  taxes  provinciales  et 
municipales  ; 

15°  Payement  de  la  garantie  d'intérêts  par  semestres  échus, 
et  sur  le  capital  garanti  au  fur  et  à  mesure  de  son  versement  chez 
le  banquier  de  la  Compagnie,  d'où  il  ne  peut  sortir  qu'au  fur  et  à 
mesure  des  besoins  des  travaux,  et  en  créditant  en  décharge  de 
la  garantie  d'intérêts  payée  par  le  banquier. 

Par  contre,  outre  le  droit  d'approbation  des  projets,  devis  et 
tarifs,  et  du  contrôle,  surveillance  etc.,  ainsi  que  des  autres 
dispositions  des  concessions,  l'État  se  réserve  le  droit,  dans  le 
cas  où  il  s'agirait  de  Compagnies  avec  garantie  d'intérêts,  d'en- 
caisser la  moitié  des  bénéfices  quand  la  Compagnie  donne  plus 
de  8  pour  100  jusqu'à  12  pour  100,  et  de  faire  baisser  les  tarifs  dès 
que  le  bénéfice  atteint  12  pour  100. 

Pour  compléter  ce  chapitre,  et  avant  d'entrer  dans  l'exposition 
détaillée  des  quatre  lois  formant  les  quatre  régimes  de  conces- 
sions, nous  mentionnerons  les  décrets  : 

1°  Du  27  octobre  1855,  réglementant  le   procès  d'expropria- 


400  LE     BRÉSIL     EN     1S89. 

lions  des  terrains,  elc,...  pour  le  passage  et  les  besoins  des  che- 
mins de  fer.  Ce  décret  établit  une  procédure  sommaire  pour  les 
expropriations  des  terrains,  etc,  nécessaires  pour  les  chemins  de 
fer,  leurs  ouvrages,  stations  et  dépendances.  Il  se  résume  comme 
suit:  La  Compagnie  commence  parfaire  à  l'amiable  son  offre  ;m 
propriétaire  ou  aux  ayant-droit;  si  cette  offre  est  acceptéf,  la 
loi  n'a  pas  à  intervenir.  Si  l'offre  n'est  pas  acceptée,  elle  est  re- 
nouvelée par  exploit  d'huissier  et  dans  les  cinq  jours  le  proprié- 
taire est  tenu  de  déclarer  s'il  l'accepte  ou  non  :  s'il  l'accepte,  la 
cause  est  jugée  sommairement  ;  s'il  ne  l'accepte  pas,  il  est  tenu 
de  nommer  sans  relard  deux  arbitres,  la  Compagnie  en  nomme 
deux  autres  et  le  Gouvernement  un  cinquième.  Ces  cinq  arbitres 
se  réunissent  sous  la  présidence  du  «  Juge  de  Droit  »  du  district 
ei  procèdent  sans  retard  à  l'estimation  de  l'indemnité,  en 
prenant  comme  limite  l'offre  et  la  demande,  et  le  juge  homologue 
la  décision  du  tribunal  arbitral.  Ce  jugement  prononcé,  la  Com- 
pagnie, même  si  le  propriétaire  ne  s'y  conforme  pas,  a  le  droit 
de  verser  aux  mains  de  la  justice  le  montant  jugé,  et  le  juge,  en 
lui  en  donnant  acte,  l'investit  du  droit  d'entrer  en  possession  des 
lieux  cl  d'y  poursuivre  les  travaux.  Le  procès  suit  alors  son  cours, 
mais  sans  plus  entraver  l'exécution  des  travaux. 

2°  Du  26  avril  1857  ;  il  réglemente  la  construction,  l'entretien, 
l'exploitation,  la  police  et  la  sécurité  des  chemins  de  fer.  Ce  rè- 
glement, par  la  date  où  il  a  été  fait,  c'est-à-dire  quand  on  n'avait 
au  Brésil  que  des  idées  assez  vagues  en  matière  de  chemins  de 
fer,  prouve  une  étude  très  intelligente  et  très  consciencieuse  des 
règlements  européens,  une  fermeté  et  une  prévoyance  qui  font 
honneur  au  ministre  qui  l'a  promulgué.  Il  a  été,  plus  tard,  com- 
plété, amélioré,  en  certaines  de  ses  dispositions,  réformé  dans 
d'autres,  mais  encore  aujourd'hui  il  est  la  base  de  tout,  et  le 
jour  où  l'on  fera  une  consolidation  de  toutes  les  dispositions 
prises  à  différentes  époques  pour  le  compléter  ou  l'interpréter, 
c'est  lui-même  qui  fournira  le  plus  large  et  le  plus  succulent 
subside.  C'est  Luiz  Pedreira  do  Couto-Ferraz  quil'afait,  et  c'est 
tout  dire. 

Nous  terminerons  ce  chapitre  par  une  exposition,  avec  commen- 
taires, de  la  loi  du  26  juin.  1852,  qui  permettra  de  mieux  saisir 
l'importance  de  cette  loi,  laquelle  marque  le  point  de  départ  de  l'in- 
dustrie des  chemins  de  fer  au  Brésil.  Cette  exposition  complétée 
par  ce  que  nous  venons  de  dire  sur  les  divers  régimesde  concessions 
et  les  faveurs  accordées,  permettra  de  bien  comprendre  tous  les 


CHEMINS   DE   FER.  401 

quatre  régimes,  sansque  nous  ayons  besoin  d'allonger  cette  notice 
en  faisant  la  même  exposition  commentée  pour  chacun  d'eux. 

Régime  de  la  loi  du  26  juin  4  852.  —  Cette  loi,  faitepar  l'As- 
semblée générale  et  promulguée  par  le  décret  n°  641  du  26  juin 
1852,  est  la  première  qui  ait  établi  des  bases  générales  pour  la 
concession  des  chemins  de  fer.  Elle  constitue  le  premier  régime. 

L'article  1er  : 

a.  Autorise  le  Gouvernement  à  faire  la  concession  d'un  chemin 
de  fer  partant  du  municipe  de  Rio-de-Janeiro,  et  terminant  aux 
points  qui  seraient  reconnus  les  plus  convenables  dans  les  pro- 
vinces de  Minas-Geraes  et  de  San-Paulo. 

En  exécution  de  cette  disposition  le  Gouvernement  a 
fait,  par  décret  et  contrat  du  9  mai  1855,1a  concession  à  la 
Compagnie  Dom  Pedro  II,  après  l'échec  des  concessions  et 
contrats  précédents  qui  ont  été  annulés.  Cette  première 
grande  Compagnie  a  été  formée  à  Rio-de-Janeiro,  avec  des 
capitaux  nationaux,  par  MM.  le  vicomte  de  Rio-Bonito, 
Furquim  de  Almeida,  Joâo-Baptista-da-Fonseca,  José-Carlos 
Mayrink,  Militâo-Maximo-de-Souzaet  Christiano-Benedicto- 
Ottoni. 

Le  10  juillet  1865,  le  Gouvernement  l'a  rachetée  à 
l'amiable  et  lui  a  donné  après,  un  grand  développement. 
Ce  chemin  de  fer  est  aujourd'hui  la  plus  importante  ligne 
de  l'Ëtât,  et  de  tout  le  réseau  brésilien.  Il  a  sa  première 
partie  (725  kilomètres)  à  voie  de  lm60  et  son  prolongement 
à.  voie  de  lm00. 

b.  Fixe  la  durée  du  privilège  à  90  ans  au  maximum. 

Dans  le  contrat  pour  ce  chemin  de  fer,  ainsi  que  pour 
les  autres  prenant  leur  origine  dans  cette  loi,  le  privilège 
a  été  fixé  à  90  ans,  mais  la  propriété  restant  perpétuelle 
pour  les  compagnies  concessionnaires. 

c.  Accorde  à  la  Compagnie  le  droit  d'expropriation  pour  cause 
d'utilité  publique  et  lui  fait  cession  des  terrains  nationaux  et  des 
terrains  non  possédés  nécessaires  pour  la  ligne,  ses  ouvrages  et 
dépendances. 

Plus  tard,  la  loi  du  27  octobre  1855  a  donné  à  l'expro- 
priation des  terrains,  etc.,  pour  les  chemins  de  fer,  unré- 

26 


LE     BRÉSIL     in     18  89. 

gime  spécial  et  sommaire,  comme  nous  l'avons  montré 
plus  haut.  Outre  les  terrains  nationaux  ou  non  possédés, 
les  compagnies  sont  encore,  par  bénéfice  des  anciennes 
donations  aux  particuliers,  exonérées  du  payement  du  sol 

là  où  l'origine  de  la  propriété  est  la  «  Sesmaria  »  (dona- 
tions du  temps  colonial),  et  à  plus  forte  raison  la  «  Posse  » 
(droit  du  premier  occupant).  Dans  ces  cas,  qui  sont  les 
plus  fréquents,  les  compagnies  n'ont  à  payer  aux  proprié- 
taires que  les  cultures,  constructions  et  autres  améliora- 
tions de  la  main  de  l'homme.  Dans  les  procès  d'expropria- 
tion les  arbitres  n'ont  pas  à  tenir  compte  de  la  plus-value 
que  la  chose  acquiert  ou  pourrait  venir  à  acquérir  par  le 
propre  fait  du  passage  du  chemin  de  fer. 

d.  Permet  d'accorder  à  la  Compagnie  l'usage,  pour  la  cons- 
truction, des  bois  et  autres  matériaux  se  trouvant  dans  les 
terrains  nationaux  et  dans  les  terrains  non  possédés,  traversés 
par  la  ligne. 

Cette  concession  aété  faite  dans  tous  les  contrats  passés 
en  vertu  de  cette  loi.  De  plus,  il  s'entend  aussi  pour  les 
carrières  se  trouvant  dans  la  zone  à  exproprier  dans  les 
terrains  de  «  Sesmaria  »  et  «  Posse  »,  sans  que  l'exis- 
îce  de  ces  carrières  soit  un  motif  de  majoration  de  l'in- 
lemnité,  sauf  si  elles  sont  déjà  en  exploitation. 

c.  Permet  d'accorder  à  la  Compagnie  l'exemption  de  droits 
d'entrée  sur  les  matériaux  à  importer  de  l'étranger  pour  la 
construction  et  l'équipement  du  chemin  de  fer,  et  aussi,  pour 
un  délai  à  fixer,  pour  le  charbon  nécessaire  à  l'exploitation  et  aux 
ateliers. 

Cette  autorisation  a  été  utilisée  dans  tous  les  contrats 
de  concessions  faits  en  vertu  de  cette  loi.  Elle  Ta  été  dans 
la  mesure  la  plus  large,  comprenant  non  seulement  les 
matériaux  de  construction,  mais  le  matériel  fixe,  roulant 
et  accessoire,  l'outillage  pour  l'exécution  des  travaux  et 
pour  les  ateliers.  Pour  le  combustible  il  a  été  fixé  une 
exemption  pour  33  ans. 

f.  Accorde  un  monopole  de  zone  de  33  kilomètres  de  ch  p  que 
côté  de  J'axe  du  chemin   de  fer  et  cela  pour  un  délai  de  90  ans. 

Ce  privilège  a  pour  but  de    mettre  la   concession  plus 


CHEMINS   DE   FEU.  403 

ancienne  à  l'abri  de  nouvelles  concessions  dans  la  zone 
qui  lui  a  été  accordée.  Dans  la  pratique,  cette  restriction 
au  droit  de  concessions  nouvelles  ne  s'entend  pas  en 
absolu,  mais  en  tant  que  ces  nouvelles  lignes  pourraient 
avoir  le  même  point  de  départ  et  d'arrivée  que  la  plus 
ancienne,  ou  qui,  parlant  d'un  point  de  la  zone  de  celle-ci, 
finirait  dans  un  autre  point,  de  la  même  zone,  ou  à  son 
point  de  dépari  ou  d'arrivée.  Elle  n'exclue  pas  les  nouvelles 
lignes  qui,  commençant  et  finissant  aux  mêmes  points, 
ou  commençant  ou  finissant  au  même  point  que  l'ancienne, 
sortiraient,  dans  le  développement  de  leur  tracé,  en  dehors 
de  la  zone  de  celle-ci,  à  condition  de  n'établir  dans  cette 
zone  d'autres  stations  que  leurs  stations  de  départ  ou 
d'arrivée.  Elle  n'exclue  pas  non  plus  les  prolongements, 
et  encore  moins  les  embranchements  convergents.  Elle 
exclue  encore  moins  les  lignes  transversales  qui  ont  besoin 
de  croiser  l'ancienne,  mais  qui  n'ont  pas  le  même  objectif 
que  celle-ci.  En  un  mot,  l'objet  de  la  restriction  est  d'as- 
sureràlalignelaplus  ancienne  sa  clientèle  naturelle  et  non 
pas  une  clientèle  forcée  qui  pourrait  avoir  avantage  à 
trouver  un  autre  débouché  à  ses  produits  que  celui  que  lui 
donne  la  ligne  ancienne,  Autrement  compris,  le  privilège 
de  zone  serait  révoltant  et  deviendrait  une  sérieuse  entrave 
au  développement  de  la  zone  qui  aurait  reçu  en  cadeau  la 
première  ligne. 

g.  Donne  au  Gouvernement  le  droit  de  fixer  les  tarifs  jusqu'au 
maximum  d'après  les  moyens  de  transports  existant  dans  la  zone 
traversée  au  temps  de  la  concession. 

Dans  les  concessions  faites  en  vertu  de  cette  loi  les 
tarifs  de  marchandises  ont  été  fixés  par  lieue  (6.600  mètres) 
et  par  «  arrôba  »  (14  kilogrammes  688  grammes)  comme 
suit  : 

§  15,  ce  qui  revient  à  fr.  154  par  tonne  et  kilomètre, 
les  produits  d'exportation  en  général. 

$  30,  ce  qui  revient  à  fr.  309  par  tonne  et  kilomètre, 
pour  les  produits  d'importation. 

Pour  les  voyageurs  de  lrc,  2e  et  3e  classe  respectivement 
600,  400  et  200  #  par  lieue  (6.600  mètres),  ce  qui  revient 
à  0  fr.  25  1/2,  0  fr.  17  et  0  fr.  08  1/2. 

Aujourd'hui  les  tarifs  sont   en   général  bien    en-deçà. 


404  LLI     BRÉSIL     EX      1889. 

de  ces  limites  de  18o2,  et  le  gouvernement,  à  qui  appartient 
l'approbation  des  tarifs,  a  constamment  le  soin  de  les  faire 
baisser  chaque  fois  davantage. 

h.  Garantît  un  intérêt  de  5  pour  100  au  capital  engagé,  le  délai 
de  garantie  et  le  maximum  du  capital  garanti  restant  à  fixer. 

Dans  les  concessions  faites  sous  le  régime  de  cette  loi, 
la  garantie  a  été  portée  de  5  à  7  pour  100,  attendu  que  les 
provinces  en  ont  donné  2  pour  100  et  que  l'État  a  pris  sur 
lui  la  responsabilité  de  la  garantie  provinciale.  Le  capital 
garanti  est  d'abord  estimé  à  un  maximum,  et,  une  fois  le 
chemin  de  fer  terminé,  il  est  fixé  en  présence  des  comptes 
de  dépenses  faites  bond  flde,  et  jusqu'à  concurrence  dudit 
maximum.  Ce  n'est  pas  une  garantie  de  dividendes,  mais 
l'obligation  de  parfaire  jusqu'à  7  pour  100  du  capital  les 
bénéfices  nets  de  l'exploitation,  quand  il  y  a  bénéfice,  ou, 
de  payer  7  pour  100  du  capital  quand  il  y  a  déficit,  de  sorte 
que,  sil'exploitation  se  fait  en  déficit,  la  Compagnie  prélève, 
sur  le  montant  payé  des  7  pour  100,  les  sommes  nécessaires 
pour  couvrir  sa  dette  occasionnée  par  cette  situation,  et 
l'actionnaire  ne  touche  que  le  restant. 

i.  Fixe  à  8  pour  100  la  limite  des  dividendes  à  partir  de  la- 
quelle l'excédent  des  bénéfices  est  réparti  avec  l'Etat,  comme 
compensation  de  sa  responsabilité  de  garantie,  et  ordonne  de 
fixer  une  limite  des  dividendes  à  partir  de  laquelle  ies  tarifs 
doivent  être  réduits. 

Nous  avons  déjà  montré  plus  haut  que,  de  8  à  12 
pour  100,  moitié  de  l'excédent  sur  8  revient  à  l'Étal,  et 
que  12  pour  100  ont  été  fixés  comme  limite  entraînant  de 
droit  l'abaissement  des  tarifs,  de  sorte  que  jamais  les  béné- 
fices ne  puissent  dépasser  12  pour  100. 

j.  Défend  à  la  Compagnie  de  posséder  ou  d'employer  des 
esclaves. 

Aujourd'hui  qu'il  n'y  a  plus  d'esclaves  au  Brésil,  cette 
disposition  n'a  plus  de  raison  d'être  ;  mais,  établie  en 
1H.V2,  elle  prouve  que  depuis  longtemps  les  Pouvoirs  pu- 
blics au  Brésil  ont  toujours  cherché,  par  tous  les  moyens,  à 
restreindre  les  maux  de  cette  institution,  triste  héritage 
des  temps  coloniaux. 


CIIEMINS  DE   FER.  405 

k.  Garantit  aux  ouvriers  et  employés  des  chemins  de  fer 
l'exemption  du  service  militaire  et  de  la  garde  nationale  pour 
les  indigènes,  et  des  facilités  et  avantages  comme  colons  pour  les 
étrangers. 

Ayant  déjà  parlé  plus  haut  de  cette  garantie,  il  nous 
reste  à  peine  à  dire  qu'elle  a  été  maintenue  dans  toutes 
les  concessions  faites  sous  le  régime  de  cette  loi. 

/.  Exige  l'approbation  du  Gouvernement  pour  les  statuts  de 
la  Compagnie,  et  ne  reconnaît  à  celle-ci  d'existence  légale  avant 
cette  approbation. 

Le  principe  établi  est  celui-ci  :  toute  Compagnie,  na- 
tionale ou  étrangère,  formée  pour  l'exploitation  d'une 
concession,  doit  soumettre  ses  statuts  à  l'approbation  du 
Gouvernement,  qui  peut  exiger  la  modification  de  tout 
ce  qui  ne  serait  pas  d'accord  avec  la  loi  et  la  concession. 
De  plus,  toute  disposition  des  statuts  contraire  aux  clauses 
et  conditions  du  contrat  de  concession  et  qui  pourrait 
passer  inaperçue  au  Gouvernement,  lors  de  l'approbation 
de  ces  statuts,  est,  de  droit,  tenue  pour  non  avenue.  Au- 
cune modification  aux  statuts  approuvés  n'a  de  valeur 
légale  sans  l'approbation  préalable  du  Gouvernement. 

m.  Défend  à  la  Compagnie  de  mettre  obstacle  de  quelque 
nature  que  ce  soit  au  libre  transit  par  les  routes  existantes  à 
l'époque  de  la  concession  ou  qui  viendraient  à  être  établies  dans 
l'intérêt  public  à  côté  du  chemin  de  fer,  ainsi  que  de  s'opposer 
au  croisement  de  ces  routes  avec  le  chemin  de  fer,  ou  de  perce- 
voir des  taxes  pour  ce  croisement. 

En  conséquence,  les  Compagnies  ont  toujours  été 
tenues,  quand  leur  tracé  doit  couper  une  route  publique 
ou  privée  déjà  existante,  d'y  établir,  à  leurs  frais,  soit  un 
passage  en  dessous  ou  en  dessus  avec  raccordements. 
Pour  les  routes  publiques  qui  s'établissent  après  la  cons- 
truction du  chemin  de  fer,  le  croisement  est  toujours 
garanti,  mais  les  frais  des  ouvrages  pour  ce  croisement  ne 
sont  plus  à  la  charge  de  la  Compagnie  du  chemin  de  fer. 
Pour  les  chemins  privés  qui  pourraient  s'établir  après  la 
construction  du  chemin  de  fer,  il  faut  l'assentiment  de 
celui-ci  pour  le  croisement,  tant  à  niveau  qu'au  dessous  ou 
au  dessus. 


4ÛG  LE    BRÉSIL    Elf    1889. 

».  Prescrit  qoe,  dans  le  contrai  à  intervenir,  le  Gouvernement 

fixera  des  délais  pour  le  commencement  des  travaux  et  pour 
l'achèvement  de  la  ligne,  el  établit  le  principe  d'amendes  et  de 
déchéance  pour  les  cas  de  retard. 

Cette  clause  a  été  maintenue  dans  toutes  les  conces- 
sions. La  ligne  est  divisée  en  sections,  et  pour  chaque 
section  on  fixe  un  délai  pour  le  commencement  des  travaux 
et  un  autre  pour  leur  achèvement,  avec  amendes  pour  les 
cas  de  retard.  S'il  y  a  relard,  on  fixe  un  nouveau  délai: 
pendant  ce  temps  on  compte  l'amende,  et  si,  passé  ce 
nouveau  délai,  la  Compagnie  est  encore  en  faute,  la 
déchéance  est  prononcée. 

o.  Réserve  au  Gouvernement  le  droit  de  rachat  de  la  conces 
sion,  passé  un  délai  à  fixer  dans  le  contrat. 

Pour  les  concessions  faites  sous  le  régime  de  cette  loi, 
il  a  été  convenu  que,  sauf  accord  à  l'amiable,  ce  droit  de 
rachat  ne  pourrait  être  exercé  que  passés  30  ans  de  l'entrée 
de  toute  la  ligne  en  exploitation.  Dans  ces  conditions,  le 
prix  à  payer  pour  le  rachat  est  un  capital  en  titres  de  la 
dette  publique  brésilienne  donnant  un  revenu  égal  au 
revenu  net  moyen  des  cinq  dernières  années  précédant  la 
dénonciation  du  contrat. 

p.  Donne  au  Gouvernement  le  droit  de  faire  et  d'imposer  les 
règlements  nécessaires  pour  la  construction,  l'entretien  et  l'exploi- 
tation, ainsi  que  pour  l'imposition,  contrôle,  police  et  sûreté. 

En  exécution  de  cette  clause,  le  Gouvernement  a  pro- 
mulgué les  règlements  dont  nous  nous  sommes  déjà 
occupé  ;  il  a  commissionné  un  ingénieur  fiscal  auprès  de 
chaque  ligne,  et  il  a,  en  Europe,  un  agent  pour  le  règle- 
ment des  comptes  de  garantie  des  Compagnies  qui  ont 
leur  siège  à  l'étranger.  Les  questions  de  détails  sont  réglées 
par  des  arrêtés  spéciaux. 

Article  2.  —  Étend  les  dispositions  de  cette  loi  à  d'autres 
compagnies  qui  se  formeraient  pour  l'exécution  de  chemins  de 
fer  dans  d'autres  contrées  du  pays,  sauf  ratification,  par  le  Par- 
lement, des  concessions  en  ce  qui  concerne  la  convenance 
de  la  ligne  concédée,  son  opportunité  et  la  responsabilité  de 
l'État. 


CHEMINS   DE   FER.  407 

Cet  article  a  élargi  considérablement  la  portée  de  la 
loi  que  nous  commentons  :  il  a  fait  de  cette  loi  le  point  de 
départ  des  concessions  des  premières  grandes  lignes  et  a 
donné  un  grand  élan  à  l'industrie  nouvelle  des  chemins  de 
Un-,  et  implanté  la  voirie  perfectionnée  au  Brésil.  Comme 
conséquence  de  cet  article  de  la  loi,  trois  autres  grandes 
lignes  ont  été  concédées,  toutes  à  voie  de  lm60  :  une  dans 
lvi  province  de  San-Paulo,  une  autre  dans  la  province  de 
Bahia  et  l'autre  dans  la  province  de  Pernambuco. 

Articles  3  et  4.  —  Ces  articles,  dont  le  4°  est  le  dernier  de  la 
loi,  n'intéressent  pas  cet  exposé.  Le  3e  est  une  mesure  transitoire 
et  le  4e  est  à  peine  la  formule  qui  termine  toutes  les  lois. 

IV.  Principaux  chemins  de  fer  dans  une  situation 
prospère.  —  Nous  venons  de  donner  une  notice  générale  sur 
les  chemins  de  fer  au  Brésil;  nous  croyons  utile  de  la  compléter 
en  appelant  l'attention  du  lecteur  sur  celles  de  nos  lignes  les  plus 
importantes  qui  se  trouvent  déjà  dans  une  situation  prospère. 

Chemin  de  fer  Dom  Pedro  II.  —  C'est  la  plus  importante  ligne 
du  Brésil,  aussi  bien  par  son  grand  trafic  et  les  grands  intérêts 
économiques  qu'elle  dessert,  que  parle  caractère  imposant  de  ses 
ouvrages,  les  difficultés  de  son  tracé,  et  le  matériel  dont  elle 
dispose.  L'idée  de  ce  chemin  de  fer  remonte  à  l'année  1835,  et  sa 
première  concession  à  l'année  1840;  mais,  de  1835  à  1852,  on  n'y 
a  rien  fait  d'utile,  et  le  temps  s'est  passé  en  essais  de  formation 
Je  Compagnies,  en  concessions  et  prorogations  infructueuses, 
jusqu'à  ce  que  la  loi  du  26  juin  1852  vint  imprimer  avec  la 
garantie  d'intérêts  une  nouvelle  face  à  la  question.  Il  a  fallu  alors 
déblayer  le  terrain  encombré  par  les  essais  précédents  et  ce  n'est 
que  le  9  mai  1855  quon  a  pu  former  une  compagnie  viable.  Cette 
compagnie  a  entrepris  les  études  de  la  ligne  et  l'a  mise  en  cons- 
truction dans  ses  deux  premières  sections;  et,  le  28  mars  1858, 
elle  livrait  à  l'exploitation  un  premier  tronçon  de  48  kilomètres. 

Ln  1860  toute  la  première  section,  62  kilomètres,  qui,  sans 
présenter  des  travaux  remarquables,  avait  eu,  cependant,  dans  sa 
deuxième  partie,  à  traverser  de  grandes  étendues  inondables, 
était  livrée  à  l'exploitation.  On  attaquait  déjà  alors  la  2e  section 
qui  se  développe  à  travers  la  Cordillère  de  la  Mer  (Serra  do  Mar), 
où  des  travaux  gigantesques  ont  dû  être  faits. 


408  LE     BRÉSIL     EN      1889. 

En  18G3,  la  ligne  avait  en  exploitation  133  kilomètres,  mais  la 
compagnie  était  à  bout  de  forces  à  cause  des  travaux  considé- 
rables dans  la  Cordillère,  et,  le  10  juillet  de  la  même  année,  le 
gouvernement  rachetait  à  Pamiable  la  concession  pour  donner 
au  chemin  de  fer  l'impulsion  que  le  pays  réclamait  et  pour  en 
faire  sa  première  ligne  d'Etat. 

Au  1M  janvier  1888,  les  133  kilomètres  reçus  de  l'ancienne 
compagnie  se  trouvaient  portés  à  un  chiffre  supérieur  à  800,  dont 
786  en  exploitation,  et  103  en  construction. 

La  ligne  part  de  la  capitale  de  l'Empire,  traverse  en  grande 
partie  la  province  de  Rio-de-Janeiro  et  se  lance  à  travers  les 
provinces  de  San-Paulo  et  de  Minas-Geraes. 

Le  tracé,  partant  de  la  capitale,  gravit  bientôt  l'imposante 
Cordillère  de  la  Mer,  qu'il  franchit  par  une  succession  de  tunnels, 
grands  remblais,  profondes  tranchées  et  murs  de  soutènement, 
et,  au  col,  par  un  grand  tunnel  de  2237  mètres  de  longueur,  à  460 
mètres  au-dessus  du  niveau  de  la  mer;  de  là,  il  descend  et  gagne 
bientôt  la  vallée  du  fleuve  Parahyba,  où  il  se  divise  en  deux 
grands  bras,  l'un  remontant  ce  fleuve  et  s'internant  dans  la  pro- 
vince de  San-Paulo,  et  l'autre  descendant  le  même  fleuve  pour 
continuer  à  desservir  la  province  de  Rio-de-Janeiro,  et  la  partie 
inférieure  de  la  province  de  Minas-Geraes.  Sur  ce  second  bras 
prend  naissance,  à  200  kilomètres  de  la  capitale  de  l'Empire,  un 
troisième  grand  bras,  la  ligne  centrale  qui  se  développe  à  travers 
la  province  de  Minas-Geraes,  ayant  pour  objectif  les  eaux  navi- 
gables du  bassin  du  haut  San-Francisco. 

Le  tracé  des  deux  premiers  bras  présente,  à  côté  de  travaux 
assez  importants  de  terrassement,  des  ponts  remarquables  sur 
le  Parahyba,  qui  a  dû  être  traversé  plusieurs  fois.  Dans  la  ligne 
centrale,  après  un  tracé  tourmenté  et  très  difficile  jusqu'au  pied 
de  la  grande  Cordillère  de  la  Mantiqueira,  on  a  dû  gravir 
celle-ci  à  1.117  mètres  au-dessus  du  niveau  de  la  mer,  au  prix  de 
difficultés  non  moins  grandes  que  celles  de  la  2°  section  (Cordil- 
lère de  la  Mer),  et,  plus  tard,  la  Cordillère  des  Taipas.  Dans 
tout  ce  tracé  on  rencontre  des  ouvrages  de  terrassement  formi- 
dables et  des  travaux  d'art  vraiment  remarquables.  On  peut  dire 
que  dans  tout  le  chemin  de  fer  Dom  Pedro  II,  il  ne  s'est  pas 
trouvé  un  seul  petit  tronçon  de  ligne  facile  ;  aussi,  dans  sa  partie 
à  voie  large  (72o  kilomètres  à  voie  de  lm60)  a-t-on  dû  bien  souvent 
employer  la  pente  de  18  millimètres  par  mètre,  et  les  courbes  de 
181  mètres  de  rayon,  et  dans  son  prolongement  à  voie  étroite 


CHEMINS   DE    FER. 


409 


(lm00)  les  pentes  de  20  millimètres  par  mètre,  etles  courbes  dell7 
mètres  de  rayon. 

Ce  n'était  pas  là  que  l'ingénieur  constructeur  trouvait  ses 
aises,  et  nous  qui  écrivons  cette  rapide  notice,  nous  en  savons 
quoique  chose,  car  nous  avons  étudié  et  construit  une  bonne 
partie  de  la  ligne. 

Ce  chemin  de  fer  possédait,  au  1er  janvier  1888,  un  effectif  de 
128  locomotives,  185  voitures  à  voyageurs,  52  voitures  diverses, 
et  1.7 75  wagons  divers. 


Le  parcours  total  du  matériel  a  été,  en  1887,  de  : 

Pour  les  locomotives 3.242.418  kilomètres. 

Pour  les  véhicules 32.222.339  — 


Les  parcours  des  locomotives,   dans  Tannée  1887,  se  divisent 
comme  suit  : 


TARCOURS    DIVERS 

NOMBRE 
de  kilomètres 

KILOMÈTRES 
parcourus 

100  à  10.000  kilom 

16 
32 
21 
22 
19 
10 

75.504 
502.070 
528.122 
760.163 
847.100 
529.459 

10.0  0      20.000    —      

20.0"0      30.000    —      

30.000      40.000    —      

40.000      H0. 000    —      

Au-dessus  de      50.000    —      

Total 

120 

3.442.218 

27.020 

Parcours  moyen  annuel 

La  consommation  de  combustible  a  été  de  35.288.772  kilogs, 
ce  qui  revient  en  moyenne  à  10,9  kilogs  par  locomotive  et  kilo- 
mètre parcouru. 


Le  nombre  et  parcours  des  trains,  en  1887,  a  été 


410 


LE     BRÉSIL     EN     1SS9 


TRAINS 

NOMBRE 

PARCOURS  TOTAI 

1.  —  Voie  Large 

I4.G00 

11.288 
5.514 

594 
221 

Kilom. 

2r,o.:;  90 

654.212 

988.528 

511.784 

50.52S 

8.  SIS 

Trains  de  >oyageura  [grandes  ligne-) 

Train--  iinxlcs                              —                 

Trains  de  marchandises       —            

Trains  extraordinaires  de  voyageur*. .  .... 

Trains  extraordinaires  de  marchandise-.  .  . 

Tolal 

35.971 

2.4G0.984 

II.  —  Voie  Étroite 

1.4C0 

8 

18 

57.592 
244 
751 

Trains  extraordinaires  de  70yageurs 

Trains  extraordinaires  de  marchandise- .   . 

Total 

1  480 

58.590 

D'où  il  résulte  que  le  parcours  moyen  des  trains  a  été  : 


Pour  la  voie  large G8  4/2  kilomètres. 

Pour  la  voie  étroite 39  1/2  — 

Dans  le  tableau  du  parcours  des  trains,  ne  figurent  pas  les 
trains  du  service  de  l'entretien  de  la  voie,  tandis  que  le  tableau 
du  parcours  des  locomotives  comprend  aussi  les  locomotives 
faisant  ce  service,  ce  qui,  avec  le  service  de  manœuvre  dans  les 
gares,  explique  la  différence  des  parcours  totaux  donnés  par  les 
deux  tableaux  ci-dessus. 

En  1887,  le  chemin  de  fer  a  transporté1  : 

I.  —  Dans  la  voie  large  : 

4. 529.080  voyageurs  (lre  et  2e  classe). 
5Si.03-i  tonnes  de  marchandises. 

II.  —  Dans  la  voie  étroite  : 
36.750  voyageurs. 

9.917  tonnes  de  marchandises. 

La  recette  totale  de  l'exploitation  du  chemin  de  fer,  pour 
Tannée  1887,  a  été  de  10. 316. 81G  #  185  réis,  soit  au  change  pair 
28.979.826  fr.,  et  la  dépense  de  6.599.328^573  réis,  soit  au 
même  change  18.537.4  10  fr. 

1.  D'après  les  tableaux  publics  dans  le  Rapport  du  ministre  des  travaux 
publics. 


CHEMINS   DE    FER. 


411 


Le  tableau   suivant    montre  l'importance    de    l'exploitation 
depuis  sa  première  année  : 


LONGUEUR 

RECETTE 

DÉPENSE 

BÉNÉFICE 

RAPPORT 
de  la 

ANNEES 

en 

exploitation 

brute 

totale 

net 

dépense  à  ht 
recette 

Kilom. 

Fr. 

Fr. 

Fr. 

Pour  100 

1858 

62 

849.098 

577.499 

271.599 

68 

1863 

90 

2.904.309 

2.431.359 

472.950 

80 

1S6^ 

203 

7.920.874 

3.526.725 

4.394.149 

45 

1873 

375 

18.008.615 

9.949.507 

8.059.108 

45  1/4 

1878 

622 

28.153.161 

15.618.559 

12,534.605 

43 

1883 

723 

32.576.089 

18.427.980 

14.148.109 

56  1/2 

IW1 

786 

28.979.821 

18.537.440 

10.442.381 

64 

A  partir  de  1884,  et  notamment  en  1887,  on  a  baissé  considé- 
rablement les  tarifs  de  transports  ;  et,  comme  l'État  doit  jusqu'à 
un  certain  point  sacrifier  les  bénéfices  nets  des  chemins  de  fer  lui 
appartenant  à  des  considérations  d'ordre  général,  telles  que  le 
bien-être  général,  et  l'accroissement  des  revenus  publics  en 
généralpar  l'augmentation  de  la  production,  qui  est  toujours  une 
conséquence  des  transports  à  bon  marché,  on  a  fait  ces  réductions 
sans  trop  penser  que,  si  un  abaissement  des  tarifs  de  transport 
amène  en  règle  générale  une  augmentation  du  tonnage  des  trans- 
ports, la  recette  brute  du  chemin  de  fer  ne  suit  pas  toujours  la 
même  loi,  et  bien  souvent  se  traduit  par  un  mécompte  si  l'abais- 
sement du  tarif  va  plus  loin  que  la  puissance  de  production  au 
moment  où  le  tarif  sera  appliqué.  Cette  vérité  se  traduit  par  la 
recette  de  l'année  1887  qui  a  fléchi  d'environ  3.600.000  francs 
comparativement  à  celle  de  1883,  tout  en  faisant  la  part  des 
bonnes  et  mauvaises  récoltes  qui,  forcément,  influent  sur  le 
tonnage. 

Le  bénéfice  net  a  aussi  fléchi  en  1887,  comparativement  à 
celui  de  1883  :  cela  tient,  d'un  côté,  àlamoins-value  des  recettes, 
et  de  l'autre  à  l'augmentation  des  frais  d'exploitation  résultant 
de  la  plus  grande  longueur  de  la  ligne,  justement  dans  des 
contrées  où  jusqu'à  présent  la  production  était  très  restreinte  à 
cause  du  manque  de  bons  transports.  Après  6  pour  100,  les  béné- 
fices sont  descendus  à  moins  de  4  pour  100.  Nous  ne  connaissons 
pas  encore  le  relevé  de  l'année  1888,  qui  dans  le  tableau  ci-dessus 
compléterait  la  dernière  période  quinquennale,  et  nous  le  regret- 


412  LE     BRÉSIL     EN      1889. 

Ions  d'autant  plus  que  la  récolte  ayant  été,  en  1888,  Lien  plus 
grande  qu'en  1887,  la  recette  brute  et  le  bénéfice  du  chemin  de 
ter  ne  seronl  pas  probablement  inférieurs  à  ceux  de  1883. 

Le  chemin  de  fer  Dom  Pedro  II  ne  tire  pas  seulement  son 
importance  des  grands  bienfaits  qu'il  procure  à  la  zone  qu'il  tra- 
verse ;  il  est  devenu,  en  outre,  le  grand  collecteur  d'un  grand 
réseau  ferré  qui  s'étend  à  droite  et  à  gauche  de  ses  lignes,  sur 
lesquelles  ce  réseau  vient  s'embrancher,  et  qui  lui  donne  le 
caractère  que  la  loi  de  1852  a  voulu  lui  assigner,  c'est-à-dire  celui 
de  grand  facteur  du  développement  de  ces  trois  grandesprovinces: 
Hio-de-Janeiro,  Minas-Geraes  et  San-Paulo  (partie  nord). 

Chemin  de  fer  de  Santos-Jundiahy.  —  La  concession  de  ce 
chemin  de  fer,  partant  du  port  de  Santos,  dans  la  province  de 
San-Paulo,  au  sud  de  Rio-de -Janeiro,  et  terminant  à  Jundiahy, 
dans  la  province  de  San-Paulo,  à  139  kilomètres  de  son  point  de 
départ,  a  été  donnée  par  contrat  du  26  avril  1856.  Il  est  à  voie  de 
lmG0  et  son  capital  jouit  de  la  garantie  d'intérêts  de  7  pour  100  ; 
mais  depuis  1874  cette  garantie  est  devenue  tout  à  fait  inutile, 
les  bénéfices  nets  ayant  alors  dépassé  le  taux  de  garantie.  Les 
bénéfices  ayant  dépasssé  8  pour  100,  la  moitié  de  l'excédent  a  été 
versée  dans  les  caisses  de  l'État. 

Jusqu'en  1874,  l'État  avait  payé  de  garantie  4.633.462  $  378  réis, 
soit  13  015.344  francs,  et  la  part  des  bénéfices  qui  lui  est  revenue 
montait  déjà  à  la  liquidation  de  1887  à  5.036.402  $  851  réis,  ou 
14.147.199  francs.  Cette  situation  splendide  montre  combien 
les  faits  ont  donné  raison  à  la  concession  de  1856. 

La  Compagnie  organisée  en  vertu  de  la  concession  du  26  avril 
1856  a  pris  le  nom  de  «  San-Paulo  Railway  Campany,  Limited  », 
et  a  obtenu  l'existence  légale  au  Brésil  le  1er  juin  1860.  Le 
24  novembre  1860,  les  travaux  ont  été  commencés,  et,  le 
16  février  1867,  toute  la  ligne,  avec  ses  139  kilomètres,  était  en 
exploitation.  Le  tableau  suivant  montre  la  situation  financière  de 
l'exploitation  dès  sa  première  année  : 


CUEMINS   DE   FER. 


413 


LONGUEUR 

RAPPORT 

de  la 
dépense  à  la 

A  N  N  i:  B  S 

en 

RECETTES 

DEPENSES 

BENEFICES 

exploitation 

recette 

Kilom. 

Fp. 

Fr. 

Fr. 

Pour  100 

1801 

189 

3.475.909 

857.136 

2.618.773 

24  3/4 

1878 

139 

5.613.427 

2.759.188 

2.854.239 

49 

1871 

139 

9.811.893 

2.859.263 

6.452.631 

30  3/4 

1882 

139 

15.301.425 

5.31S.754 

9.982  671 

34  3/4 

1881 

139 

11. 918. 490 

8.265.G35 

9.652.855 

46  1/8 

Rien  que  la  simple  inspection  de  ce  tableau  montre  la  belle 
situation  dans  laquelle  se  trouve  ce  chemin  de  fer.  Cette  situa- 
lion  serait  encore  bien  plus  prospère  s'il  n'y  avait  pas  dans  cette 
ligne  une  partie  où  la  traction  se  fait  par  câble  et  machines  fixes. 
Cette  partie  qui,  par  son  prix  de  premier  établissement,  a  fait 
monter  de  beaucoup  le  coût  du  chemin  de  fer,  impose  à  l'exploi- 
tation des  frais  considérables. 

En  1887,  ce  chemin  de  fer  a  transporté  280.452  voyageurs  et 
360. 6G9  tonnes  de  marchandises.  Les  bénéfices  du  trafic  furent  de 
14  pour  100  du  capital  engagé. 

La  ligne,  partant  de  Santos  où  elle  a  sa  gare  maritime,  gagne 
ïe  pied  de  la  Cordillère  de  «  Cubatâo  »  sans  de  grandes  difficultés 
et  avec  des  pentes  douces.  Pour  monter  la  Cordillère  la  Compa- 
gnie à  préféré  la  solution  de  plans  inclinés  à  un  tracé  avec  des 
pentes  de  3  ou  3  1/2  pour  100,  qui,  à  l'époque  où  la  ligne  fut 
étudiée,  faisaient  encore  peur  à  la  majorité  des  ingénieurs.  Cette 
solution  ayant  malheureusement  été  agréée,  le  chemin  de  fer 
gravit  la  Cordillère  au  moyen  de  4  sections  à  câble,  avec  une  lon- 
gueur totale  de  8  kilomètres  et  une  différence  de  niveau  de 
778  mètres  entre  le  commencement  du  premier  et  l'extrémité  du 
dernier  plan  incliné. 

Le  premier  plan  a  : 

1824  mètres  en  pente  de  10  1/4  pour  100. 
81  mètres  en  pente  de  0,076      — 

1905  mètres. 

Sur  cette  longueur  il  y  à  1275  mètres  en  alignements  droits  et 
630  mètres  en  courbes  de  804  mètres  de  rayon. 


-111  I.K     BRESIL     EN     1SS0. 

Le  deuxième  plan  a  : 
1  iiT  L  mètres  en  pente  de  10  1/4  pour  100. 
424   mètres  en  pente  de  10,46      — 
S2  mètres  en  pente  de  0,070      — 

177  i  mètres. 

Sur  cette  longueur  on  rencontre  1095  mètres  en  alignements 
droits,  450  mètres  en  courbes  de  003  mètres  de  rayon  et  223 
mitres  en  courbes  de  1206  mètres  de  rayon. 

Le  troisième  plan  a  : 
254  mètres   en   pente    de    11  pour  100. 
1748  mètres  en  pente  de  10,28       — 
83  mètres  en  pente  de  0,076       — 

2085  mètres. 

Sur  cette  longueur  la  ligne  présente  527  mètres  en  aligne- 
ments droits,  715  mètres  en  courbes  de  1206  mètres  de  rayon, 
288  mètres  en  courbe*  de  804  mètres  de  rayon  et  555  mètres  en 
courbes  de  603  mètres  de  rayon. 

Le  quatrième  plan  a  : 
2010  mètres  en  pente  de  10,28  pour  100. 
44  mètres  en  pente  de  5  1/2      — 
182  mètres  de  niveau. 


2236  mètres. 

Sur  cette  longueur  il  y  a  629  mètres  en  alignements  droits  et 
1607  mètres  en  courbes  de  rayon  variant  de  1609  à  603  mètres. 


Au  passage  d'un  plan  à  l'autre  et  au  sommet  du  dernier  une 
machine  fixe,  de  la  force  nominale  de  150  chevaux,  avec  cylin- 
dres de  660  millimètres  de  diamètre  et  course  de  piston  de  1520 
millimètres,  met  en  mouvement  les  câbles  auxquels  s'accrochent 
un  train  montant  et  l'autre  descendant. 

La  ligne  étant  aune  seule  voie,  le  croisement  du  train  mon- 
tant avec  le  train  descendant  se  fait  au  milieu  du  parcours  sur 
une  petite  section  à  double  voie. 

Les  câbles  sont  en  acier  formés  de  42  fils  de  34  millimètres 
de  diamètre  ;  ils  travaillent  à  un  dizième  de  leur  charge  d'é- 
preuve. 


CHEMINS   DE  FER.  415 

Le  danger  de  cette  traction  a  imposé  les  mesures  de  précau- 
tions suivantes  :  1°  mise  hors  de  service  du  câble  dès  que  sur  une 
longueur  de  915  millimètres  il  présente  trois  fils  rompus;  2°freins 
à  tenailles  serrant  fortement  les  rails  en  cas  de  besoin  ;  3°  aver- 
ur électrique  permettant  au  conducteur  de  se  mettre  toujours 
en  communication  avec  le  mécanicien  de  la  machine  fixe. 

Comme  ouvrages  d'art  importants,  des  murs  de  soutènement, 
un  grand  viaduc  dans  la  partie  à  plans  inclinés  et  un  souterrain 
de  501  mètres  dans  la  partie  à  traction  ordinaire.  Ce  viaduc  qui 
est  l'ouvrage  le  plus  important  de  toute  la  ligne  a  une  longueur 
de  215"025  et  -49  mètres  de  hauteur  ;  il  a  10  travées  de  20m13  et 
une  de  13m725,  et  se  trouve  dans  une  courbe  de  603  mètres  de 
rayon  et  en  pente  de  10m28  pour  100.  Sauf  les  culées  et  les  sou- 
bassements des  piles,  il  est  tout  en  fer. 


Chemin  de  fer  «  Paulista  ».  —  C'est  le  prolongement  du 
précédent,  mais  il  appartient  à  une  autre  Compagnie,  la  Compa- 
gnie du  précédent  ayant  renoncé  au  droit  de  préférence  pour  ce 
prolongement,  ce  qu'elle  doit  bien  regretter  aujourd'hui.  Comme 
le  précédent  il  est  à  voie  de  lm60. 

La  Compagnie  formée  pour  la  construction  et  l'exploitation 
de  ce  prolongement,  sous  le  nom  de  &  Companhia  Paulista  da 
Estrada  de  ferro  de  Jundiahy  à  Campinas.  »  a  vu  son  existence 
légale  reconnue  par  décret  du  28  novembre  1868.  Elle  a  obtenu 
de  la  province  de  San-Paulo  la  garantie  d'intérêts  de  7  pour  100 
pour  un  délai  de  30  ans,  mais  elle  y  a  renoncé  peu  après  et  a 
désintéressé  la  province  des  sommes  précédemment  payées  par 
celle-ci  à  titre  de  garantie  d'intérêts.  La  Compagnie  ayant  obtenu 
le  prolongement  de  sa  ligne  jusqu'à  Rio-Claro  et  s'étant  rendue 
propriétaire  des  embranchements  de  «  Mogy-Guassû  »  et  de 
«  Descalvados  »,  son  capital  s'est  élevé  à  20.000.000^000  (francs 
56.179.775). 

Le  réseau  de  la  Compagnie  est  de  242  kilomètres  et  il  est  tout 
entier  en  exploitation. 

La  ligne  ne  présente  pas  de  travaux  d'art  à  signaler,  et  comme 
tracé  ses  conditions  techniques  sont  données  dans  le  tableau 
général  numéro  1.  Comme  direction,  situation  et  zone  traversée 
ce  chemin  de  fer  se  trouve  dans  d'excellentes  conditions,  comme 
le  démontre  le  tableau  suivant: 


416 


LE     BRESIL     EN      1889. 


l ONGUBUB 

RAPPORT 

A  N NÉES 

en 

exploitation 

RECETTES 

DÉPBNSBS 

BENEFICES 

de  la 

dépense  a  la 

recette 

Kilom. 

Fr. 

Fr. 

Fr. 

Pour  100 

1872 

44 

874.011 

523.208 

350.806 

00  0  0 

1871 

135 

4.310.056 

1.564.322 

2.745.731 

36  1/3 

1882 

225 

8.090.  938 

2.579.755 

5.511.183 

32 

1881 

242 

8.208.398 

3.530.296 

1.678.108 

43 

En  1887,  celte  ligne  a  transporté  248.081  voyageurs  et  143.781 
tonnes  de  marchandises.  Ses  bénéfices  ont  été  supérieursà  8  pour 
100  du  capital  de  la  compagnie. 


Chemin  de  fer  Mogyana.  —  Cette  ligne  s'embranche  sur  la 
précédente,  à  Gampinas.  C'est  encore  une  entreprise  splendide. 
Elle  a  été  concédée  à  la  «  Companhia  da  Estrada  de  Ferro  Mo- 
gyana  »  par  la  province  de  San-Paulo,  et  a  eu  son  existence  légale 
reconnue  par  décret  du  13  novembre  1872.  La  même  compagnie 
a  obtenu  postérieurement  différents  embranchements  ainsi  que 
son  prolongement  à  partir  de  Mogy-Merim.  Elle  jouit  delà  garantie 
provinciale  de  7  pour  100  pour  une  partie  de  la  ligne  et  de  6  pour 
100  de  l'État  pour  l'autre  partie.  La  ligne  et  ses  embranchements 
sont  à  voie  de  1  mètre.  Le  réseau  de  la  compagnie  avait,  au  1er 
janvier  1888,  551  kilomètres  en  exploitation  et  188  kilomètre 
en  construction,  sans  compter  les  parties  encore  à  l'étude.  Les 
travaux  ont  commencé  le  28  août  1873. 

Cette  ligne  se  divise  en  deux  parties  bien  distinctes,  aussi 
bien  par  les  dates  de  concession  que  par  le  progrès  des  zones 
traversées.  La  première  partie,  la  plus  ancienne,  celle  quia  la  ga- 
rantie de  la  province  de  San-Paulo,  est  déjà  en  plein  rapport  et  le 
bénéfice  du  trafic  en  1887  y  a  atteint  presque  15  pour  100  sur  le 
coûtkilométrique  de  premier  établissement.  La  seconde  partie,  le 
prolongement  avec  garantie  de  l'État,  non  seulement  est  très 
récente,  mais  se  trouvant  dans  une  zone  très  fertile  il  est  vrai, 
mais  où  presque  tout  est  encore  à  faire,  demandera  quelques 
années  pour  se  trouver  aussi  en  plein  rapport.  Etant  encore  tout 
aux  débuts  de  son  exploitation  cette  seconde  partie  n'a  donné 
que  0.0  pour  100  de  bénéfice,  mais  son  avenir  est  certain  et 
bientôt  il  dépassera  le  taux  de  garantie.  Si  on  réunit  les  deux 
parties  en  exploitation,  le  bénéfice  du  trafic  de  l'année  1887  est 


CUEMIXS    DE   FER.  417 

encore  supérieur  i\  9  pour  100  du  capital  engagé  dans  toute  la 
ligne  en  exploitation. 

Dans  Tort  peu  de  temps  toute  la  ligne  donnera  plus  de  12 
pour  100  en  moyenne,  car  toute  la  zone  est  d'une  fertilité  prodi- 
gieuse et  l'agriculture  s'y  développe  avec  un  élan  remarquable. 
11  faut  ajouter  que  ce  chemin  de  fer  a  été  construit  avec  beaucoup 
d'économie  et  est  exploité  avec  beaucoup  de  bon  sens,  ce  qui  fait 
honneur  à  son  administration  et  à  son  personnel  technique, 
entièrement  nationaux. 

En  1887,  ce  chemin  de  fer  a  transporté  209.110  voyageurs  et 
1 15.558  tonnes  de  marchandises.  Pour  la  même  année  la  recette 
a  été  de  fr.  0.835.506  et  les  frais  d'exploitation  de  fi\  4.009.174, 
dont  fr.  2.826.332  de  bénéfices.  Le  rapport  des  frais  à  la  recette 
d'exploitation  a  été  de  58  2/3  pour  100.  C'est  de  tous  les  chemins 
de  fer  brésiliens  celui  qui  a  pénétré  le  plus  profondément  dans 
l'intérieur  du  pays. 

Chemin  de  fer  de  San-Carlos-do-Pinhal. —  C'est  un  pro- 
longement de  la  ligne  de  la  compagnie  «  Paulista  »  dont  nous 
avons  déjà  parlé.  11  commence  à  Rio-Claro,  et  57  kilomètres  après, 
se  divise  en  deux  bras,  l'un  de  72  kilomètres,  terminant  à  Arara- 
quâra,  et  l'autre  de  135  kilomètres  terminant  à  «  Jahû  »,  tou- 
jours dans  la  province  de  San-Paulo,  ce  qui  fait  en  tout  264  kilo- 
mètres, tous  à  voie  de  1  mètre.  La  concession  a  été  donnée  par 
l'État  par  décret  du  4  octobre  1880,  sans  garantie  d'intérêts  ni 
subvention  et  mise  en  adjudication.  La  Compagnie  s'appelle  «  Rio- 
Claro  ». 

Les  travaux  de  construction  ont  commencé  le  15  octobre  1881, 
et,  le  2  mai  1883,  un  premier  tronçon  de  77  kilomètres  était  livré 
au  trafic.  En  1887  toute  la  ligne  était  en  exploitation. 

Le  capital  de  la  Compagnie  est  de  fr.  14.044.944,  mais  la  ligne 
et  son  équipement  complet  n'ont  coûté  que  13  millions  et  demi 
environ.  En  1887  ce  chemin  de  fer  tout  récent  a  transporté  97.908 
voyageurs  et  22.672  tonnes  de  marchandises  ;  il  a  rapporté 
fr.  2.141.385  et  dépensé  fr.  1.188.429;  d'où  un  bénéfice  de 
lr.  952.956,  soit  7  pour  100  sur  le  capital  employé. 

Chemin  de  fer  de  San-Paulo-Rio.  —  Ce  chemin  de  fer  relie  la 
section  du  chemin  de  fer  de  Dom  Pedro  II  dans  la  province  de 
San-Paulo  à  la  ligne  de  la  Compagnie  Santos-Jundiahy  près  de  la 
ville  de  San-Paulo,  chef-lieu  do  la  province  du  même  nom.  Il  est 

27 


418  LK     BRÉSIL     BU     1SS9. 

de  L^OO.  Sa  concession  a  été  donnée  à  la  Compagnie  qui 
porte  son  nom,  Le  -  mars  1S72.  Elle  jouit  de  La  garantie  d'intérêts 
de  7  pour  100.  La  construction  a  commencé  le  :>1  mars  1873,  et 
Le  6  novembre  1875  un  premier  tronçon  de  43  kilomètres  (''lait 
li\  ré  au  trafic.  Le  8  juillet  1S77  toute  La  Ligne,  avec  232  kilomètres, 
était  livrée  à  L'exploitation.  Le  capital  de  la  Compagnie  est  de 
fr.  29.957.865  jouissant  tout  entier  de  la  garantie. 

En  1887,  ce  chemin  de  1er  a  transporté  208.397  voyageurs  et 
GO. 881  tonnes  de  marchandises,  avec  une  recette  de  fr.  3.732.779 
et  une  dépense  de  fr.  2.524.020;  d'où  un  bénéfice  de  fr.  1.208.759, 
soit  ï  pour  100. 

Par  cette  ligne,  les  réseaux  des  provinces  de  Rio-de-Janeiro, 
Minas-Geracs,  Espirito-Santo  et  San-Paulo  sont  mis  en  commu- 
nication, de  sorte  que,  au  1er  janvier  1888,  5.052  kilomètres  de 
voie  ferrée  étaient  ainsi  en  correspondance  immédiate. 

Chemins  de  fer  de  la  Compagnie  Leopoldina.  —  C'est  la 
Compagnie  qui  a  le  plus  grand  réseau  de  chemins  de  fer  au 
Brésil.  Ce  réseau  est  formé  de  concessions  faites  directement  à  la 
Compagnie  et  par  l'achat  de  lignes  et  concessions  d'autres 
Compagnies,  ainsi  que  par  l'achat  de  la  ligne  de  «  Cantagallo  »  au 
gouvernement  provincial  de  Ptio-de-Janeiro.  La  concession  pri- 
mitive de  la  Compagnie  est  du  27  mars  1872,  mais  la  ligne  de 
Cantagallo,  qui  lui  appartient  à  présent,  date  du  23  août  185G,  et 
c'est  la  partie  la  plus  intéressante  par  son  côté  technique.  Sur 
cette  ligne  la  voie  est  de  lm10  ;  sur  les  autres  lignes  du  réseau  de 
la  Compagnie  elle  est  de  im00. 

La  ligne  de  Cantagallo  présente  la  particularité  d'une  section 
à  très  fortes  pentes  et  petits  rayons,  établie  et  exploitée  longtemps 
par  des  locomotives  Fell,  mais  aujourd'hui  par  traction  ordinaire 
au  moyen  de  puissantes  locomotives  à  simple  adhérence,  cons- 
truites par  les  usines  de  «  Baldwin  Locomotive  Works  »,  de 
Philadelphie,  Etats-Unis. 

Dans  le  tableau  général  n°  1,  nous  donnons  les  conditions 
techniques  du  tracé  de  cette  section  spéciale,  et  nous  n'ajouterons 
ici  que  quelques  renseignements  sur  les  puissantes  locomotives  à 
simple  adhérence  qui  y  font  le  trafic  en  substitution  des  anciennes 
machines  Fell,  et  avec  plus  d'économie  et  de  rendement  que 
celles-ci. 

La  plus  moderne  de  ces  locomotives  à  simple  adhérence  pour 
la  section   à  fortes  pentes   et   courbes  raides  (8,3  pour  100  et 


CHEMINS    DE   FER.  419 

40  mètres  de  rayon)  est  une  macliine-lcnder  avec  trois  essieux 
couples,  cylindres  de  18"  diamètres  X  20"  course  (0,457  x  0,508); 
empâtement  des  roues  S*;]"  (2,514)  et  diamètre  des  roues  39" 
(0,991)  ;  les  roues  extrêmes  avec  bandage  à  boudin  et  le  train  du 
milieu  avec  bandage  de  5  1/2"  (0,140;  sans  boudin;  poids  total 
en  ordre  de  marche  88.000  1.  b.  (39.805  kilog.)  Elle  remorque  40 
tonnes  de  train  avec  une  vitesse  de  14  kilomètres  à  l'heure. 

Le  reseau  de  la  Compagnie  Leopoldina  exploite  des  zones  très 
importantes  des  provinces  de  Rio-de-Janeiro,  Minas-Geraes  et 
Espirito-Santo.  11  avait,  au  1er  janvier  1888, 1.204  kilomètres,  dont 
1.052  en  exploitation,  132  en  construction  et  20  avec  études 
approuvées  pour  entrer  en  construction. 

Le  capital  de  la  Compagnie  est  de  50 . 000 . 000 # 000  réis 
(fr.  140.449.438).  La  Compagnie  jouit  pour  certaines  parties  de 
ses  lignes  de  la  garantie  d'intérêts  de  7  pour  100  de  la  province 
de  Minas-Geraes  ;  pour  d'autres,  elle  a  eu  de  la  même  province 
la  subvention  kilométrique  de  9.000  $  000  réis  (fr.  25.281)  par 
kilomètre  construit  ;  enfin  d'autres  parties  du  réseau  n'ont  ni  sub- 
vention ni  garantie. 

En  1887,  la  Compagnie  a  transporté  351.867  voyageurs  et 
90.182  tonnes  de  marchandises,  avec  une  recette  defr.  7.429.596 
et  une  dépense  de  fr.  4.480.565,  d'où  un  bénéfice  de  fr.  2.949.031, 
soit  3  pour  100  sur  le  coût  estimé  de  la  partie  en  exploitation. 

Les  lignes  nouvellement  ouvertes  par  la  Compagnie  dans  la 
province  de  Minas-Geraes,  dans  des  régions  très  fertiles  mais 
pour  le  moment  très  arriérées,  absorbent  en  bonne  partie  les 
bénéfices  de  ses  anciennes  lignes;  mais  c'est  là  une  situation 
passagère.  Bientôt  ces  régions  nouvellement  traversées  seront  en 
grand  développement,  les  lignes  anciennes  n'auront  plus  à  venir 
en  aide  aux  nouvelles,  et  les  bénéfices  monteront  sur  une  large 
échelle,  de  sorte  que  l'avenir  de  ce  réseau  est  des  plus  brillants. 

Chemin  de  fer  de  Récife  à  Palmarès.  —  Cette  ligne,  dans 
la  province  de  Pernambuco,  a  été  concédée  le  7  août  1852.  Elle 
appartient  à  la  «  Recife  and  S.  Francisco  Railway  Company  », 
organisée  à  Londres,  qui  a  eu  son  existence  légale  reconnue  par 
décret  du  13  octobre  1853.  L'État  a  garanti  5  pour  100  et  la  pro- 
vince de  Pernambuco  2  pour  100  d'intérêts,  faisant  en  tout  7  pour 
100,  qui  ont  toujours  été  à  la  seule  charge  de  l'État,  celui-ci 
ayant  pris  sur  lui  de  faire  sienne  la  garantie  donnée  par  la  pro- 
vince. La  construction   a  commencé  le  7  septembre  1855.  Le 


420 


LE     BRÉSIL     EN     18S9. 


S  février  L858,  on  livrait  à  l'exploitation  la  lrc  section  avec 
32  kilomètres  ;  Le3  décembre  1800,  Ia2cavec26  kilomètres; en  1862 
l.i  :;  avec  38  kilomètres,  et  la  -4e  avec  29  kilomètres  en  novembre 
en  1862.  Laligneentière  mesure  doncl25  kilomètreset  est  entière- 
ment en  exploitation.  Elle  est  à  voie  de  lmG0,  courbe  jusqu'à 
MX)  mètres  dcrayon,pentejusqu'àl  1/4  pourl00ctrailsde37,19et 
39,67 kilog.  le  mètre  courant. 

En  1SS7  elle  a  transporté  191.376  voyageurs  et  103.805  tonnes 
de  marchandises,  et  le  solde  des  recettes  sur  les  dépenses  a  été 
de  3,1  pour  100  sur  le  capital  engagé. 

Le  tableau  suivant  montre  les  résultats  financiers  de  l'exploi- 
tation de  cette  li^ne  dès  ses  débuts  : 


LONGUEUR 

RAPPORT 

A  N NEES 

en 

exploitation 

RECETTE 

DEPENSE 

BÉNÉFICE 

de  la 

dépense  à  la 
recolle 

Kilom. 

Fr. 

Fr. 

Fr. 

Pour  100 

1858 

32 

333.064 

321.083 

11.381 

%  1/2 

L863 

125 

1.069.690 

1.103.907 

» 

103  1/4 

1808 

» 

1.726.255 

1.058.777 

667.478 

61  1/3 

1873 

■o 

2.479.247 

1.345.168 

1.134.079 

51  1/4 

1878 

» 

2. 862. 966 

1.1117.1)38 

1.455.328 

49  1/8 

1883 

» 

3.149.213 

1.787.013 

1.3132.200 

56  3/4 

1887 

» 

3.313.875 

1.683.125 

1.430.750 

56  7/8 

Chemin  de  fer  de  Macahé-Campos.  —  Concession  de  la  pro- 
vince de  Rio-de-Janeiro,  du  3  lévrier  1870.  —  La  Compagnie  a 
eu  son  existence  légale  reconnue  par  décret  du  18  octobre  1871, 
la  construction  a  commencé  en  mars  1872,  et,  Je  13  juin  1875,  la 
ligne,  depuis  Macahé  jusqu'à  Campos,  96  kilomètres,  entrait  en 
exploitation.  La  Compagnie  a  fait  après,  l'acquisition  de  la  ligue 
de  San-Fidclis  à  Santo-Antonio-de-Padua  avec  93  kilomètres  ; 
mais  ces  deux  lignes  se  trouvent  séparées  par  une  section,  Cam- 
pos-San-Fidelis,  qui  appartient  à  une  autre  Compagnie.  Les  deux 
lignes  de  la  Compagnie  mesurent  ensemble  189  kilomètres,  et 
sont  entièrement  en  exploitation.  Le  tronçon  Macahé-Campos  est 
à  voie  de  0,95,  et  le  tronçon  San-Fidelis-Padua,  à  voie  de  1  mètre. 

Le  coût  moyen  de  ces  deux  lignes,  matériel  roulant  compris, 
peut  être  estimé  à  fr.  27-i.OOO  le  kilomètre,  cette  moyenne  élevée 
étant  causée  par  les  nombreux  ponts  et  longs  remblais  dans  des 
terrains  inondables  d'une  grande  partie  de  la  ligne  de  Macahé- 
Campos. 


CHEMINS    DE    FER.  421 

La  Compagnie  exploite  aussi  la  navigation  à  vapeur  entre 
Macahé  et  Kio-de-Janeiro,  mais  cette  exploitation  n'entrant  pas 
dans  Le  cadre  de  cette  notice  nous  ne  nous  occuperons  que  de  la 
partie  à  voie  ferrée. 

En  1887,  la  recette  du  chemin  de  fer  a  été  de  fr.  3.362.500  et 
la  dépense  de  fr.  1.802.800;  d'où  le  bénéfice  de  fr.  1.559.700,  soit 
3  pour  100  sur  le  capital  engagé  dans  la  ligne. 

Chemin  de  fer  Principe-do-Gram-Para.  —  C'est  l'ancien 
chemin  de  fer  Mauâ,  le  doyen  des  chemins  de  fer  du  Brésil,  aug- 
menté de  la  section  montant  la  Cordillère  de  Petropolis  et  de 
son  prolongement.  La  Compagnie  qui  s'est  formée  pour  l'achat 
du  chemin  de  fer  de  Mauâ  et  pour  les  constructions  nouvelles  a  eu 
son  existence  légale  reconnue  par  décret  du  31  mai  1881.  L'an- 
cienne ligne,  de  Mauâ  jusqu'au  pied  de  la  Cordillère  de  Petro- 
polis, avec  16  kilomètres,  était  à  voie  de  lm68  ;  mais  la  nouvelle 
Compagnie  l'a  réduite  à  1  mètre,  qui  a  été  la  largeur  adoptée 
aussi  pour  la  nouvelle  section  et  son  prolongement.  Toute  la 
ligne  mesure  92  kilomètres,  tous  en  exploitation  dès  1887. 

La  seule  partie  importante  de  la  ligne  par  ses  difficultés 
techniques,  c'est  la  section  dans  la  Cordillère  où  on  a  dû  employer 
le  système  Riggenbach. 

Dans  cette  partie,  qui  a  6.028  mètres  de  longueur  et  une  diffé- 
rence de  niveau  de  841  mètres,  la  pente  est  de  15  pour  100  et  le 
rayon  minimum  des  courbes  150  mètres,  le  rail  à  crémaillère 
pesant  50  kilog.  par  mètre,  et  les  rails  porteurs  20  kilog.  par 
mètre  courant.  Les  locomotives  Riggenbach  ont  lm05  de  diamètre 
pour  la  roue  à  engrenage,  cylindres  de  500  millimètres  de  dia- 
mùtre  avec  320  millimètres  de  course  de  piston,  surface  de  chauffe 
56  mètres  carrés.  De  nouvelles  machines  plus  puissantes  ont  été 
fournies  après,  par  la  «  Baldwin  Locomotive  Works  »  de  Phi- 
ladelphie. Dans  cette  section  à  crémaillère  on  rencontre  des 
travaux  d'art  très  importants,  surtout  de  grands  murs  de  sou- 
tènement et  un  viaduc  de  60  mètres  de  portée  et  24  mètres  de 
hauteur. 

Toute  la  ligne  est  en  exploitation  ;  elle  a  92  kilomètres,  et  a 
transporté,  en  1887,  101.199  voyageurs  et  34.263  tonnes  de  mar- 
chandises, avec  une  recette  de  fr.  2.386.008  et  une  dépense  de 
fr.  i  .480.697  ;  d'où  un  bénéfice  de  fr.  905.311,  soit  un  peu  plus  de 
5  pour  100  du  coût  estimé  de  la  ligne,  y  compris  son  matériel 
roulant,  stations,  etc. 


422  LE     BB  ÉSII    EX  1SS9. 

Chemin  de  fer  de  l'ouest  de  Minas.  —  C'est  une  concession 
provinee  de  Minas-Geraes,  faite  par  contrat  du  30  avril  1S73. 
La  Compagnie  qui  en  est  propriétaire  se  nomme  «  Companhia  da 
Estrada  de  Ferro  do  Oeste  »,  el  elle  a  eu  sou  existence  légale 
aue  par  décret  du  20  juillet  1878. — La  ligne  s  embranche 
au  chemin  de  fer  de  Dom  Pedro  II,  dont  nous  avons  parlé  au 
commencement  de  ce  chapitre,  à  la  station  de  Sitio,  au-delà 
du  col  de  la  Cordilière  de  la  Mantiqueira  ;  il  se  dirige  sur  la  ville 
de  San-Joâo-d'El-Reî  et  de  là  se  prolonge  vers  Lavras,  toujours 
dans  la  province  de  Minas-Geraes. 

C'est  une  ligne  à  voie  de  0m76,  mais  qui  a  377  kilomètres, 
dont,  au  1er  janvier  1887,  218  kilomètres  étaient  déjà  en  exploi- 
tation et  103  kilomètres  en  construction. 

Pour  sa  première  partie,  cette  ligne  a  eu  la  subvention  de 
9.000  #008  réis  (fr.  25.281)  par  kilomètre  pour  les  frais  de  cons- 
truction et  de  premier  établissement;  pour  son  prolongement  elle 
jouit  de  la  garantie  d'intérêts  de  7  pour  100.  Subvention  et  garan- 
ties sont  accordées  par  le  gouvernement  provincial  de  Minas- 
Gera 

Cette  entreprise,  outre  l'exemple  bien  frappant  de  l'emploi  de 
la  voie  réduite  pour  une  grande  longueur,  se  dessine  déjà  comme 
un  succès  et  comme  une  bonne  solution  pour  les  contrées  diffi- 
ciles et  de  faible  rapport,  exigeant  un  service  régulier  mais  de  peu 
de  puissance.  Là  où  elle  devient  un  succès,  un  chemin  de  fer, 
même  à  voie  de  1  mètre,  passerait  bien  longtemps  sans  ren- 
contrer de  bénéfices  pour  le  capital  nécessaire,  tandis  que  la 
ligne  ainsi  faite  donne  déjà  presque  5  pour  100  sur  le  capital 
engagé. 

Sur  cette  ligne  les  courbes  descendent  à  72  mètres  de  rayon 
et  les  pentes  montent  à  2  pour  100.  Les  locomotives  sont  à  deux 
ux  moteurs  avec  5.200  kilog.  par  essieu,  le  train  articulé  à 
l'avant  avec  3.200  kilog.;  les  cylindres  ont  250  millimètres  de 
diamètre  avec  100  millimètres  de  course  de  piston  ;  le  poids  total 
en  ordre  de  marche  est  de  13.600  kilog.  ;  le  tender  séparé  avec 
capacité  pour  3.-100  ïitres.  Les  véhicules  sont  à  trucks,  ce  qui 
permet  de  donner  à  leur  caisse  assez  de  longueur  pour  rendre 
le  rapport  du  poids  mort  au  poids  utrle  assez  satisfaisant. 

En  1887,  cette  ligne,  avec  ses  218  kilomètres  en  exploitation,  à 
transporté  22.778  voyageurs  et  14.516  tonnes  de  marchandises, 
avec  une  recette  de  fr.  820.310  et  une  dépense  de  fr.  368.574  ; 
d'où  un  bénéfice  net  de  fr.  451.775. 


CHEMINS    DE    FER.  423 

V.  Chemins  de  1er  important»  qni  n'ont  pas  en- 
core traversé  leur  phase  de  faible  rapport.  —  Nous 
avons  donné  une  notice  sur  ceux  de  nos  plus  importants  chemins 
de  fer  qui  se  trouvent  déjà  dans  une  situation  prospère.  Nous 
allons  maintenant  faire  la  même  chose  pour  d'autres  lignes  impor- 
tantes, mais  qui  ne  rencontrent  pas,  pour  le  moment,  une  rémuné- 
ration désirable  pour  leurs  capitaux.  Cette  partie  de  notre  tâche 
serait  pour  nous  bien  pénible,  si  nous  n'avions  la  foi  la  plus 
robuste  dans  l'avenir  de  ces  entreprises.  Elles  auront  seulement 
une  période  plus  longue  que  les  autres  à  traverser  avant  d'ac- 
quérir la  prospérité  financière  qui  est  certaine.  Nous  commen- 
cerons par  les  lignes  de  l'État  pour  finir  par  les  lignes  des  Com- 
pagnies,  mais  dans  ces  deux  catégories  nous  ne  nous  occuperons 
que  des  lignes  importantes. 

Chemin  de  fer  de  Baturité.  —  Construit  d'abord  par  une 
Compagnie,  il  a  été  racheté  par  l'État  qui  l'a  prolongé.  Ce  chemin 
de  fer  se  trouve  dans  la  province  de  Céarâ.  Son  rachat  par 
l'État  procède  d'un  sentiment  d'humanité  ;  en  1878,  la  province 
de  Céarâ  traversait  une  phase  terrible,  une  sécheresse  épou- 
vantable sévissait  sur  cette  belle  province;  la  population  l'aban- 
donnait ou  se  massait  dans  les  environs^ du  chef-lieu  où  plus 
prompts  pouvaient  arriver  les  secours  que  l'État  lui  envoyait 
avec  une  sollicitude  qui  lui  a  fait  honneur  ;  la  production  de  la 
province  s'était  tarie  et  la  culture  devenait  impossible  en  consé- 
quence du  manque  d'eau.  C'est  alors  que  l'État,  par  une  impulsion 
sublime,  a  cherché  à  maintenir  dans  cette  population  affamée  les 
habitudes  et  le  sentiment  du  travail,  et  avec  le  travail  l'amener 
avoir  dans  les  secours  que  l'État  lui  prodiguait  à  mains  larges, 
non  pas  l'aumône,  mais  la  rétribution  du  labeur. 

La  Compagnie  du  chemin  de  fer  n'avait  alors  en  exploitation 
que  40  kilomètres  et  demi  de  ligne,  et  elle  se  trouvait  dans  des 
conditions  précaires.  Le  gouvernement  racheta  la  concession  et 
ordonna  le  prolongement  de  la  ligne  en  régie,  comme  aussi  il  mit 
en  construction,  également  en  régie,  une  autre  ligne,  dont  nous 
parlerons  tout  à  l'heure,  dans  la  même  province. 

Les  travaux  ont  été  poussés  avec  activité,  et  une  grande 
m  i-se  de  population  trouva  dans  les  travaux  de  ces  deux  lignes 
le  travail,  et  avec  le  travail  les  moyens  de  subsistance. 

L'exploitation  de  la  ligne  de  Baturité  ne  donnait  encore,  en 
1887,  que  0.6  pour  100  de  bénéfice  ;  mais  le  bienfait  restait,  et  le 


•124  LE     BRÉSIL     EN     18  89. 

résultat  moral  était  acquis.  On  a  beau  dire  qu'on  ne  s'appuie  pas 
sur  dos  sentiments  dans  les  entreprises  industrielles,  cette  ligne, 
commandée  par  un  si  noble  souci  humanitaire,  prouvera  un  jour, 
même  en  ne  parlant  qu'au  point  de  vue  financier,  combien  on  a 
eu  raison  de  la  faire,  et  le  sol  arrosé  par  l'action  paternelle  de 
l'État  payera  un  jour  au  centuple  les  sacrifices  faits.  Et  quand 
même  cela  ne  serait  pas,  l'État  n'aura  fait  que  son  devoir. 

La  ligne  part  de  Fortaleza,  principal  port  et  chef-lieu  de  la 
province,  et  termine  dans  le  village  de  Canôa,  à  91  kilomètres 
du  chef-lieu.  Trois  petits  embranchements,  avec  19  kilomètres, 
la  mettent  en  communication  avec  les  villes  de  Baturité  et 
de  Maranguape,  et  avec  les  établissements  de  la  douane  à 
Fortaleza.  En  tout,  110  kilomètres  en  exploitation,  qui  vont 
être  bientôt  presque  doublés  par  le  nouveau  prolongement  qui 
vient  d'être  ordonné  et  auquel  on  travaille  déjà. 

La  ligne  est  à  voie  de  lm00,  avec  pentes  jusqu'à  1,8  pour  100, 
courbes  de  rayon  descendant  jusqu'à  120  mètres,  et  rails  de  22 
kilog.  1/2  par  mètre  courant. 

En  1887  ce  chemin  de  fer  a  transporté  102.287  voyageurs  et 
32.530  tonnes  de  marchandises,  avec  une  recette  de  fr.  914.099  et 
une  dépense  de  fr.  831.281,  d'où  un  bénéfice  de  fr.  82.818. 


Chemin  de  fer  de  Camocim-Sobraï.  —  C'est  l'autre  chemin 
de  fer  entrepris  par  l'Etat  dans  la  province  de  Céarâ  dans 
les  conditions  difficiles  dont  nous  avons  parlé  plus  haut.  Il  est  à 
voie  de  lm00,  pentes  jusqu'à  1,8  pour  100,  courbes  jusqu'à  181 
mètres,  rails  de  22  kilog.  le  mètre  courant.  Les  travaux  ont 
commencé  le  14  septembre  1878.  La  ligne  part  du  port  de 
Camocim  et,  pour  le  moment,  termine  dans  la  ville  de  Sobral 
avec  129  kilomètres  en  exploitation.  Son  prolongement  vient 
aussi  d'être  ordonné  et  les  ingénieurs  y  sont  déjà  pour  en  com- 
mencer les  travaux.  La  zone  que  ce  chemin  de  fer  parcourt  est 
moins  fertile  que  celle  du  chemin  de  fer  de  Baturité,  et  pour  le 
moment  l'exploitation  de  la  ligne  se  fait  à  perte. 

En  1887,  ce  chemin  de  fer  a  transporté  12.504  voyageurs  et 
3.789  tonnes  de  marchandises,  avec  une  recette  de  fr.  189.880  et 
une  dépense  de  fr.  287. G52. 

Prolongement  du  chemin  de  fer  de  Pernambuco.  —  Cet 
autre   chemin   de  fer   de  L'État    se   trouve   dans  la  province  de 


CHEMINS    DE    FER.  425 

Pernambuco;  il  commence  à  Palmarès,  en  prolongement  de 
la  ligne  venant  de  Récite,  et  doit  terminer  sur  les  bords  du 
fleuve  San -Francisco,  avec  une  longueur  totale  de  646  kilo- 
mètres.  11  est  à  voie  de  lm00,  pentes  jusqu'à  1,8  pour  100,  courbes 
jusqu'à  150  mètres  de  rayon  et  rails  de  25  kilog.  le  mètre  courant. 
instruction  commença  le  2  décembre  1876  ;  en  1887  il  avait 
1 16  kilomètres  en  exploitation. 

C'est  un  chemin  de  fer  qui,  pour  le  moment,  s'exploite  avec 
perte,  mais  dont  le  trafic  étant  encore  très  récent  ne  peut  pas 
donner  une  idée  de  ce  qu'il  sera  dans  quelques  années.  Le  centre 
de  la  province  de  Pernambuco  est  pour  ainsi  dire  encore 
vierge,  et  ce  n'est  pas  du  jour  au  lendemain  qu'on  peut  trans- 
former une  région  grande  comme  un  empire  et  la  mettre  en  plein 
rapport.  Ce  chemin  de  fer  est  de  l'ordre  de  ceux  que  seul  l'État 
peut  entreprendre,  parce  qu'ils  ont  une  longue  phase  à  traverser 
avant  de  donner  des  bénéfices  directs  au  capital  engagé. 

En  1887,  ce  chemin  de  fer  a  transporté  53.064  voyageurs  et 
20.895  tonnes  de  marchandises,  avec  une  recette  de  fr.  466.679 
et  une  dépense  de  fr.  773.541. 

Prolongement  du  chemin  de  fer  de  Bahia.  —  C'est  encore  un 
chemin  de  fer  de  l'État.  Il  part  delà  ville  d'Alagoinhas,  en  pro- 
longement de  la  ligne  qui  vient  de  Bahia,  et  doit,  comme  le 
précédent,  terminer  sur  les  bords  du  San-Francisco,  dans  la 
province  de  Bahia,  comme  l'autre  dans  la  province  de  Pernam- 
buco. Il  est  à  voie  de  1  mètre,  courbes  jusqu'à  153  mètres  de 
rayon,  pentes  jusqu'à  1,8  pour  100  et  rails  de  22  kilog.  1/2  par 
mètre  courant.  La  construction  a  commencé  le  25  octobre  1877, 
et  le  18  novembre  1880  un  premier  tronçon  de  111  kilomètres 
était  livré  à  l'exploitation  ;  en  1887  la  ligne  jusqu'à  Villa-Nova- 
da-Rainha,  avec  322  kilomètres,  était  en  exploitation,  et  on  fai- 
sait les  études  des  131  kilomètres  restants  pour  arriver  à  Joa- 
zeiro,  sur  les  bords  du  San-Françisco,  dans  la  partie  la  plus 
reculée  de  la  province  de  Bahia. 

Comme  le  précédent,  ce  chemin  de  fer  s'exploite  encore  à 
perte.  En  1887,  il  a  transporté  12.921  voyageurs  et  6.586  tonnes 
de  marchandises,  avec  une  recette  de  fr.  455.141  et  une  dépense 
defr.  1.1  H.  880. 

11  faut  connaître  la  configuration  du  pays,  ainsi  que  les 
moyens  ordinaires  de  transport  qui,  dans  chaque  zone,  mettent 
l'intérieur  en  communication  avec  la  côte,  pour  bien  comprendre 


426  LE     BRÉSIL     EN     1SS9. 

la  pensée  qui  a  déterminé  ce  chemin  de  fer  ainsi  que  le  prér.é 
dent.  On  a  bien  souvent  comparé  la  forme  du  territoire  du  Bré- 
sil à  un  grand  jambon.  Cette  comparaison,  toute  matérielle 
qu'elle  soit,  ne  manque  pas  d'à-propos,  et  si  on  regarde  une 
carte  de  L'Amérique-du-Sud,  on  voit  tout  de  suite  ressortir  sur 
le  grand  jambon  sud-américain,  le  jambon  brésilien.  Il  a  sa 
calotte  prés  de  l'équateur;  sa  partie  la  plus  large  dans  les  paral- 
lèles passant  par  les  provinces  de  Pernambuco  et  Babia  ;  et  de  là 
il  se  rétrécit  peu  à  peu  jusqu'à  sa  frontière  sud.  Dans  la  calotte, 
les  grands  bassins  de  l'Amazone,  du  Tocantins,  du  Parna- 
hyba,  etc.,  avec  leurs  nombreux  affluents,  offrent  des  moyens 
naturels  de  transport,  qui  mettent  l'intérieur  en  communication 
avec  la  côte,  de  sorte  que  les  cbemins  de  fer  n'y  viennent  que 
comme  accessoires,  ou  répondant  aux  besoins  de  zones  plus  ou 
moins  étroites  entre  ces  grandes  voies  fluviales.  Dans  le  midi,  le 
peu  de  largeur  relative  du  territoire  permet  aussi  des  communi- 
cations ordinaires  avec  la  côte,  et  de  plus  avec  le  Paranâ,  qui 
borde  le  pays  à  l'opposé  de  la  mer.  Dans  les  provinces,  à  mi- 
hauteur,  sur  les  méridiens,  la  propre  configuration  de  ces  pro- 
vinces, venant  prendre  contact  avec  la  mer  pour  s'élargir  après 
dans  l'intérieur,  les  a  naturellement,  de  tout  temps,  forcées  à 
établir  des  voies  de  communication  qui,  pour  être  un  tant  soit 
peu  primitives,  n'en  mettaient  pas  moins  l'intérieur  en  commu- 
nication avec  la  mer.  De  plus,  ces  provinces,  ainsi  que  celle  de 
Minas-Geracs,  qui  s'y  trouve  enclavée,  ayant  pris  un  dévelop- 
pement plus  rapide  que  leurs  sœurs  du  nord,  ont  plus  vite  attiré 
l'initiative  privée  à  s'occuper  de  chemins  de  fer. 

La  partie  large  du  jambon,  justement  à  cause  de  sa  grande 
largeur,  s'est  trouvée,  sauf  les  abords  de  la  côte,  plus  délaissée, 
et  cependant  il  fallait  mettre  ces  contrées,  si  éloignées  de  la  civi- 
lisation et  de  ses  bienfaits,  en  communication  directe  et  rapide 
avec  la  côte.  Pour  y  arriver  il  fallait  bien  construire  de  grands 
chemins  de  fer,  non  plus  comme  des  entreprises  industrielles 
(de  longtemps  ils  ne  le  deviendront),  mais  comme  un  vrai  instru- 
menlum  regniy  et  l'État  seul  pouvait  tirer  à  si  longue  échéance. 

De  là  est  venue  l'idée  des  deux  prolongements,  de  Bahia  et 
de  Pernambuco.  C'est  tout  un  monde  nouveau  que  ces  deux 
lignes  vont  ouvrir  au  progrès  et  à  la  civilisation  ;  seulement  le 
pays  en  aura  senti  les  avantages  bien  avant  que  les  capitaux  en- 
gagés  dans  ces  lignes  aient  trouvé  leur  bénéfice  direct.  Ce  sont  là 


CHEMINS    DE    FER.  427 

on    un    mot   les   seules    qui,  dans   notre   siècle    d'initiative  pri- 
vée, on  puisse  comprendre  et,  admettre  comme  lignes  de  l'État. 

Chemin  de  fer  de  Porto-Alegre-Uruguayana.  —  C'est  le 
cnemin  de  ïcv  le  plus  au  sud  appartenant  à  l'État.  C'est  encore 
un  instrwnentwm  regni,  mais  doublé  du  caractère  stratégique. 
Il  se  trouve  dans  la  province  de  Rio-Grande-du-Sud,  la  plus  méri- 
dionale du  Brésil,  et  à  côté  des  Républiques  de  la  Plata  et  du 
Paraguay.  Avec  une  frontière  bordée  par  des  pays  étrangers,  il 
fallait  songer,  comme  gage  de  bonne  amitié,  à  nous  couvrir 
contre  les  velléités  parfois  belliqueuses  de  nos  voisins,  et  pour 
cela  il  fallait  faciliter  les  moyens  prompts  d'envoyer  au  besoin  nos 
troupes  à  la  frontière. 

Cette  considération,  en  même  temps  que  la  question  écono- 
mique, a  amené  l'État  à  donner  une  attention  particulière  à  la 
voirie  ferrée  dans  cette  province,  aussi  bien  en  construisant  la 
ligne  d'État  qu'en  donnant  des  concessions  à  des  Compagnies.  La 
ligne  dont  nous  nous  occupons  maintenant  part  du  Taquary,  qui 
lui-même  est  en  communication  par  voie  d'eau  avec  la  côte, 
et,  traversant  la  province  d'un  bout  à  l'autre,  il  aboutira  à  la  ville- 
frontière  de  Uruguayana,  avec  un  parcours  d'environ  850  kilo- 
mètres. Elle  est  entrée  en  construction  le  23  décembre  1877,  et,  en 
1887,  elle  avait  en  exploitation  262  kilomètres,  en  construction  112 
et  étudiés  269.  Les  travaux  du  prolongement  jusqu'à  Uru- 
guayana vont  être  maintenant  poussés  avec  énergie. 

Par  ce  que  nous  avons  dit  plus  haut  on  voit  bien  que  le  côté 
industriel  vient  en  seconde  ligne  quand  on  parle  de  ce  chemin  de 
fer;  il  n'est  donc  pas  étonnant  que  son  exploitation  jusqu'à 
présent  n* ait  pas  donné  de  bénéfices  au  capital  engagé. 

La  ligne  est  à  voie  de  lm00,  avec  courbes  jusqu'à  120  mètres 
de  rayon,  pentes  jusqu'à  1,8  pour  100  et  rails  de  20  kilog.  1/2  le 
mètre  courant. 

En  1887,  cette  ligne  a  transporté  37.427  voyageurs  et  33.655 
tonnes  de  marchandises,  avec  une  recette  de  fr.  1.177.923  et  une 
dépense  de  fr.  1.707.444. 

Chemin  de  fer  central  de  Bahia.  —  Cette  ligne,  dans  la  pro- 
vince de  Bahia,  a  été  concédée  par  décret  du  14  janvier  1866. 
Cne  Compagnie,  «  Paraguassu  Seam  Tramroad  Company  »,  se 
forma  à  Londres,  en  janvier  1867,  pour  réaliser  la  concession,  et 
la   province   de  Bahia  lui  donna  son  appui  sous  forme  de  sous. 


42S  LE     BRÉSIL     EN     1889. 

cription  (Tune  partie  du  capital-action  ;  mais  cette  Compagnie 
n'a  pas  en  la  vie  Longue;  deux  ans  après  elle  entrait  en  liquida- 
tion, et,  le  26  septembre  1872,  la  ligne  passait   dans  d'autres 

mains.  La  nouvelle  Compagnie  jouit  de  la  garantie  de  7  pour  100 
qui  lui  fut  accordée  par  l'État  par  décret  du  28  octobre  1874.  La 
ligne  esl  à  voie  de  lm00avec  courbes  jusqu'à  120  mètres  de  rayon, 
pentes  jusqu'à  3  1/3  pour  100  et  rails  de  20  kilog.  le  mètre 
courant. 

Les  embarras  de  la  première  Compagnie  et  les  difficultés  pour 
la  formation  de  la  seconde,  ainsi  que  les  longs  pourparlers  qui  se 
sont  suivis  pour  modifier,  améliorer  ou  définir  certaines  clauses 
de  la  concession,  n'ont  pas  permis  de  donner  dès  le  début  l'im- 
pulsion nécessaire  aux  travaux,  de  sorte  que  c'est  seulement  le 
7  avril  1875  que  les  premiers  43  kilomètres  furent  livrés  au  trafic; 
et  encore  n'était-ce  pas  un  tronçon  de  la  ligne  principale,  mais 
un  embranchement.  Les  travaux  de  la  ligne  principale  ne  com- 
mencèrent que  le  17  mai  1879,  et,  le  23  décembre  1881,  les  pre- 
miers 84  kilomètres  de  la  môme  ligne  entrèrent  en  exploitation  ; 
le  15  octobre  1883,  un  second  tronçon  de  cette  ligne,  avec  9G  kilo- 
mètres, était  livré  à  l'exploitation;  le  11  janvier  1885,  un  troisième, 
avec  63  kilomètres  l'était  aussi.  En  1887,  la  Compagnie  avait  en 
exploitation  299  kilomètres,  y  compris  l'embranchement  dont 
nous  avons  parlé.  Sa  concession  était  alors  de  302  kilomètres,  il 
ne  lui  manquait,  le  1er  janvier  1888,  que  3  kilomètres  pour  la 
compléter. 

La  ligne  principale  part  de  la  ville  de  San-Felix  et  termine 
dans  la  Chapada  Diamantina  au  cœur  de  la  province  de  Bahia. 
L'embranchement  va  de  la  ville  de  Cachoeira  à  celle  de  Feira 
de  Santa-Ânna,  aussi  dans  la  province  de  Bahia. 

Ce  chemin  de  fer  qui,  comme  nous  venons  de  voir,  est  encore 
de  date  trop  récente,  d'après  les  époques  de  l'entrée  en  exploi- 
tation de  sa  ligne  principale,  ne  peut  pas  pour  le  moment  donner 
de  bien  sensibles  bénéfices  au  capital  engagé,  mais  c'est  là  une 
question  de  temps.  Il  aura  un  avenir  bien  satisfaisant;  en  atten- 
dant, c'est  dans  la  garantie  d'intérêts  que  l'actionnaire  trouve  le 
plus  clair  de  son  dividende. 

En  1887,  il  a  transporté  57.389  voyageurs  et  31.37G  tonnes 
de  marchandises,  avec  une  recette  de  fr.  1.579.638  et  une  dépense 
de  fr.  1.519.166 


CHEMINS    DE    EER 


429 


Chemin  de  fer  Bahia-Miuas.  —  Ce  chemin  de  fer,  partant  du 
port  de  Caravellas,  dans  la  partie  sud  de  la  province  deBahia, 
traverse  celle-ci  jusqu'à  la  Cordillère  des  Aymorés,  et  entre  dans 
la  province  de  Minas-Geraes,  où  il  terminera  dans  la  ville  de 
Theophilo-Ottoni,  appelée  aussi  Philadelphia 

La  construction  prend  son  origine  dans  les  lois  provinciales 
de  Miaas-Geraes  du  25  octobre  1878,  et  de  Bahiadu  28  août  1879; 
chacune  de  ces  provinces  adonné  la  subvention  kilométrique  de 
9.000  ,S  000  (fr.  25.281)  pour  la  construction  à  exécuter  dans  son 
territoire  respectif;  mais  cette  faveur  de  la  part  de  la  province 
de  Minas-Geraes  vient  d'être  remplacée,  avec  avantage  pour  la 
Compagnie,  par  la  garantie  d'intérêts  de  7  pour  100  accordée  par 
cette  province. 

La  ligne  est  à  voie  de  lm00  avec  courbes  jusqu'à  107  mètres  de 
rayon,  pentes  jusqu'à  2  1/2  pour  100  et  rails  de  18  kilog.  le 
mètre  courant.  Elle  avait,  au  1er  janvier  1888,  142  kilomètres  en 
exploitation  et  251  kilomètres  en  construction.  La  partie  en 
exploitation  est  justement  la  moins  bonne  comme  rapport,  et  ce 
n'est  que  quand  la  partie  de  la  ligne,  actuellement  en  construc- 
tion dans  la  province  de  Minas-Geraes,  sera  en  exploitation,  que 
la  Compagnie  pourra  voir  la  réalisation  du  brillant  avenir  qui  lui 
est  réservé. 

Les  résultats  présents  ne  sont  qu'un  budget  d'attente. 

En  1887  la  recette  a  été  de  fr.  614.576  et  la  dépense  de  fr. 
394.476  ;  d'où  un  bénéfice  de  fr.  220.100,  où  1  1/2  pour  100  sur  le 
coût  de  premier  établissement  de  la  partie  en  exploitation. 

Chemin  de  fer  Minas-Rio.  —  Concession  de  la  Province  de 
Minas-Geraes  du  22  février  1875  ;  garantie  d'intérêts  de  4  pour 
100  accordée  par  la  province  et  de  3  pour  100  additionnels 
accordée  par  l'État  ;  l'État  ayant  en  outre  endossé  la  garantie  de 
la  province,  c'est  en  définitive  7  pour  100  garantis  par  l'État.  Voie 
de  lm00,  courbes  jusqu'à  80  mètres  de  rayon,  pentes  jusqu'à 
3  pour  100,  rails  de  20  et  25  kilog.  le  mètre  courant.  La  ligne 
s'embranche  au  chemin  de  fer  de  Dom  Pedro  II  à  la  station  de 
Cruzeiro,  dans  la  province  de  San-Paulo,  qu'elle  quitte  bientùi 
pour  s'enfoncer  en  plein  dans  la  province  de  Minas-Geraes,  dans 
une  zone  de  grand  avenir  à  cause  de  la  fertilité  du  sol.  La  cons- 
truction de  la  première  section  de  cette  ligne  a  été  très  difficile. 
Toute  entière  dans  la  Cordillère,  on  a  dû  y  faire  des  travaux 
présentant  de  grandes  difficultés  e'  d'un  coût  très  élevé.  Après 


430  LE     BRÉSIL     EM     1S89. 

avoir  gravi  La  Cordillère,  la  ligne  se  développe  dans  des  vallées 
relativement  faciles;  et  plus  elle  sera  prolongée,  plus  le  coût 
moyen  kilométrique,  pour  le  moment  très  élevé,  diminuera. 

Les  travaux  de  construction  oui  commencé  le  21  avril  1881,  et 
le  li  juin  1884,  toute  la  ligne,  avec  170  kilomètres,  entrai;  ru 
exploitation  définitive.  II  est  question  à  présent  de  son  prolonge- 
ment et  de  quelques  embranchements. 

En  1887,  ce  chemin  de  1er  a  transporté  22.773  voyageurs  et, 
18.642  tonnes  de  marchandises,  avec  une  recette  de  fr.  2.018.293 
et  une  dépense  de  fr.  1.480.243,  soit  un  bénéfice  de  fr.  5G8.048, 
ou  i,  3  pour  100  du  coût  de  premier  établissement. 

Chemin  de  fer  Sorocabana.  —  Prend  son  origine  dans  la 
loi  provinciale  de  San-Paulo  du  24  mars  1870.  Le  contrat  passé 
avec  le  gouvernement  de  cette  province,  le  18  juin  1871,  lui  assu- 
rait la  garantie  de  7  pour  100,  et  aujourd'hui  la  Compagnie,  par 
contrat  du  30  novembre  1888,  a  obtenu  de  l'État  la  garantie  de 
6  pour  100  pour  le  capital  nécessaire  à  la  construction  de  son 
prolongementct  de  ses  embranchements,  qui  mesureront  environ 
850  kilomètres  et  qui  feront  prendre  position  à  ce  chemin  de  fer 
parmi  les  plus  importants  du  Brésil.  Il  part  de  la  ville  de  San- 
Paulo,  chef-lieu  de  la  province  du  même  nom,  se  dirige  sur  Tiété 
avec  des  embranchements  importants.  Son  grand  prolongement, 
dont  nous  venons  de  parler,  se  dirige  vers  le  sud  du  Brésil.  Ainsi 
élargi,  son  premier  cadre  acquiert  une  importance  considérable. 

Le  réseau  de  la  Compagnie  avait,  au  1er  janvier  1888,  376  kilo, 
mètres,  dont  222  en  exploitation,  110  en  construction  et  44  prêts 
à  entrer  en  construction.  A  ces  chiffres  vient  maintenant 
s'ajouter  sa  nouvelle  concession  de  850  kilomètres  environ. 

C'est  une  entreprise  d'un  grand  avenir.  Sa  ligne  est  à  voie  de 
lm00  avec  courbes  jusqu'à  80  mètres  de  rayon,  pentes  jusqu'à 
2  pour  100,  rails  de  20kilog.  le  mètre  courant. 

En  1887,  elle  a  transporté  56.437  voyageurs  et  28.771  tonnes 
de  marchandises,  avec  une  recette  de  fr.  2.164.533  et  une  dé- 
pense de  fr.  1.411.887;  d'où  un  bénéfice  de  fr.  752.646,  soit 
environ  3  pour  100  du  coût  de  premier  établissement. 

Chemin  de  fer  du  Paranâ.  —  Cette  concession  appartient 
à  une  Compagnie  organisée  en  France  sous  le  nom  de  «  Compagnie 
générale  des  chemins  de  fer  brésiliens  ».  Ce  nom  un  peu  trop  pom- 
peux pourrait  provoquer  des  erreurs;  il  ne  s'agit  pas  des  chemins 


CnEMINS    DE    FER.  431 

de  fer  brésiliens,  mais,  plus  modestement,  d'un  chemin  de  fer  au 
Brésil.  La  concession  a  été  donnée  par  la  province  de  Paranà 
|6  20  novembre  1872,  et  elle  jouit  de  la  garantie  de  l'État  de 
7  pour  100. 

La  ligne  est  entrée  en  construction  le  5  juin  1880,  et  le 
17  novembre  L883  son  premier  tronçon,  avec  41  kilomètres, 
entrai!  en  exploitation.  Enl887,  toute  la  ligne,  avec  111  kilomè- 
tre, étail  en  exploitation. 

Aujourd'hui  il  est  question  de  son  prolongement  à  travers  les 
haujs  plateaux  de  la  province  de  Paranà,  ainsi  que  d'une  voie  de 
gement  sur  un  second  port  de  la  province,  la  ligne  étant 
partie  du  port  de  Paranaguâ.  Ce  nouveau  dégagement  ne  contri- 
buera en  rien  au  bonheur  de  la  ligue  ni  à  l'allégement  des  charges 
de  la  garantie  ;  mais  le  prolongement  est  de  la  plus  grande  uti- 
lité, aussi  bien  pour  la  Compagnie  que  pour  l'État  garant  des 
intérêts,  et  pour  la  belle  province  de  Paranà  qui,  avec  une  grande 
surface  à  l'intérieur  du  pays,  n'avait  pas  de  moyens  rapides  et 
économiques  de  transport,  ceux-ci  pouvant  seuls  lui  permettre 
d'acquérir  un  grand  développement  et  de  faire  valoir  ses 
richesses. 

Ce  prolongement  viendra  mettre  la  Compagnie  dans  peu  de 
temps  dans  une  très  belle  situation. 

La  ligne  est  à  voie  de  1  mètre  avec  courbes  jusqu'à  75  mètres 
de  rayon,  pentes  jusqu'à  3,3  pour  100,  et  rails  de  26  kilog.  le 
mètre  courant. 

De  Paranaguâ  jusqu'à  Morretes,  41  kilomètres,  la  ligne  ne 
présente  rien  d'important  comme  ouvrages  d'art  ou  difficulté  de 
tracé  ;  à  partir  de  là,  elle  se  lance  en  montant  à  travers  la  Cor- 
dillère de  la  Mer  (Serra-do-Mar)  jusqu'à  la  franchir,  cette  partie 
ayant  45  kilomètres  1/2.  Sur  cette  partie  de  la  ligne,  on  a  ren- 
contre les  plus  grandes  difficultés  ;  les  travaux  de  déblais  et  de 
remblais  y  ont  atteint  plus  de  30  mètres  cubes  par  mètre  cou- 
rant, dont  environ  1/3  en  pierre;  15  souterrains  ont  dû  être 
percés;  96  murs  de  soutènement  avec  près  de  3  kilomètres  de 
longueur  totale  et  19  mètres  cubes  par  mètre  courant  ont  dû  être 
construits  ;  64  viaducs,  ponts  et  ponceaux  ont  été  jugés  néces- 
saires. 

Le  col  étant  franchi,  la  ligne  gagne  la  ville  de  Coritiba, 
chef-lieu  de  la  province,  à  111  kilomètres  du  point  de  départ,  sans 
trouver  de  difficultés. 

Le  prolongement,  dont  il  est  question  maintenant,  ne  trouvera 


-lo2  LK     BRÉSIL     EN      1889. 

pas  de  difficultés  non  plus,  et  par  son  prix  de  premier  établisse- 
ment il  viendra  faire  baisser  considérablement  le  coût  moyen 
kilométrique  de  ce  chemin  de  fer,  qui  pour  le  moment  est  consi- 
dérable :  IV.  450.000  le  kilomètre.  A  ce  chemin  de  fer  est  réservé 
un  avenir  brillant  prochainement. 

En  1887,  pour  ainsi  dire  aux  débuts  de  ï-on  exploitation  el 
dans  sa  partie  la  moins  riche  et  la  seule  difficile,  il  a  transporlé 
2o  521  voyageurs  et  34.171  tonnes  de  marchandises,  avec  une 
recette  de  fr.  1.897.314  et  une  dépense  de  fr.  1.590.073,  soit  un 
bénéfice  de  fr.  307.241. 

Chemin  de  fer  de  Rio-Grande-Bagé.  —  Concédé  par  la  pro- 
vince de  Rio-Grande-du-Sud  le  1 1  août  1871,  il  se  forma  en  France 
une  Compagnie  pour  le  mettre  en  exécution.  Cette  Compagnie  a 
postérieurement  passé  aux  mains  des  Anglais,  plus  confiants  que 
les  Français  dans  les  entreprises  lointaines,  et  sachant,  mieux 
qu'eux,  dans  les  pays  nouveaux,  semer  pour  récolter  plus  tard. 
La  concession  jouit  de  la  garantie  de  l'État  de  7  pour  100  pour 
30  ans.  La  ligne  est  à  voie  de  1  mètre,  avec  courbes  jusqu'à 
120  mètres  de  rayon  et  pentes  jusqu'à  3  pour  100.  Sa  construc- 
tion a  commencé  le  27  novembre  1881,  et  le  2  décembre  issà 
toute  la  ligne,  avec  ses  280  kilomètres,  était  livrée  à  l'exploita- 
tion. C'est  donc  une  ligne  toute  récente,  et,  dans  les  pays  nou- 
veaux, la  prospérité  des  voies  ferrées  ne  se  dessine  pas  dès  les 
premiers  temps  de  l'exploitation  ;  malgré  cela,  son  trafic,  en 
1887,  a  déjà  été  de  98.380  voyageurs  et  21.92G  tonnes  de  mar- 
chandises, avec  une  recette  de  fr.  1.796.118  et  une  dépense  de 
fr.  1.750.39G. 

Cette  ligne  va  maintenant  être  prolongée  de  210  kilomètres 
par  l'État;  jusqu'à  son  embranchement  à  Cacequy,  sur  la  grande 
ligne  de  l'État,  de  Taquary  à  Uruguayana  dont  nous  nous 
sommes  déjà  occupé  dans  ce  chapitre.  Ce  prolongement  viendra 
lui  assurer  de  nouvelles  ressources  à  joindre  à  celles  que  sa 
propre  zone  lui  garantit  pour  un  avenir  prochain.  Dans  très  peu 
de  temps  ce  sera  une  entreprise  bien  prospère. 

Conclusion.  —  Le  Brésil  est  entré  hardiment  dans  la  construc- 
tion des  chemins  de  fer.  11  a  su  avec  courage  escompter  l'avi  nir, 
et  l'escompte  encore,  quand  il  s'agit  de  cette  grande  et  belle 
réforme  de  la  voirie,  et  l'avenir  commence  déjà  à  lui  payer  ses 
espérances.  L'industrie  pénètre  dans  les  centres  reculés;  l'agri- 


CHEMINS     DE     FER  433 

culture  se  développe  avec  an  élan  prodigieux;  la  civilisation  et 
le  bien-être  ne  sont  plus  l'apanage  des  contrées  qui  bordent  sa 
côte;  le  pays,  enfin,  est  en  pleine  prospérité,  son  crédit  est 
solide,  et  son  propre  papier  monnaie  vaut  autant  que  For. 

Aujourd'hui  que  la  société  moderne  va  commémorer  le  cente- 
naire des  grands  principes  d'humanité  et  de  dignité  humaine,  le 
Brésil  indépendant,  le  Brésil  libre,  qui  ne  date  que  de  1822,  peut 
lui  dire  :  Voilà  ce  que  i'ai  fait! 


28 


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LE     BRÉSIL     EN     18S9. 


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CHEMINS    DE    FER. 


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CHEMINS      DE      FER. 


437 


RESEAU  DES  CHEMINS  DE  FER  BRÉSILIENS  EN  EXPLOITATION  EN  1887 


TRAFIC   DE    VOYAGEURS    ET    DE   MARCHANDISES 


EX  EXPLOITATION 


CHEMINS  DE  FER 


Voi 


VOYAGEURS 


Lonçi 


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s     S 

<5  60 


MARCHANDISES 


).  Pedro 


I 

Cusoeim-Sobra. 

Bâtante 

N'a'.al-Nova  Cmz 

Conded'Eu 

iRecife-Palmares 

Recife-Limoeiro-Timbaûba. 

iRecife-Caruarû 

lEalmares- San- Francisco  . . . 

Maceiô-Imperatriz 

Paulo  Aflbnso 

j3ahia-Àlagoinhas 

Ylagoinhas-Timbô 

Uagoinhas-San-Francisco  . 

-entrai  Bahia 

iampos-Carangola 

\    ■ 

/    

lio  do  Ouro 

rincipe  do  Grào  Paru 

eopoldina-Cantagallo 

linas-Rio 

este  de  Minas 

an-Paulo-Rio  de  Janeiro. 

antos- Jundialiy 

aulista 

an-Carlos  do  Pinhal 

f   Tronco  

l'rolongamenlo  . 

'  RaraaldeCaldas. 

rocabana  

inoagaû-Coritiba 

.  Thereza  Christina 

o  Grande-Bagp 

quary-Uruguayana 

iarahim-Iia.|ui 

>rto  Alegre-Nova  Hamburgo 

II 


1.00 


1.60 
1.00 


1.60 
1.00 


1.60 
1.00 


0.76 
1.00 
1.60 

1.00 


vers  sans  statistique 


Km. 
129 
111 
121 
121 
125 
96 
76 
146 
88 
116 
123 
83 
322 
299 
223 
725 
61 
65 
92 
1.052 
170 
218 
232 
139 
242 
261 
368 
106 
77 
222 
111 
116 
280 
262 
75 
43 


.099 


1.387  1.379 


Km. 
129 
109 
121 
121 
125 
96 
76 
123 
88 
116 
123 
•83 
275 
295 
211 
725 
40 
65 
92 
1.043 
170 
149 
232 
139 
212 
260 
368 
92 
77 
215 
111 
116 
280 
262 
75 
43 


6.887 


8.266 


12.504 
102.287 
8.467 
18.248 
1!  1.376 
76.592 
158.407 
53.964 
32.732 
3.590 
73.853 
16.239 
12.921 
57.389 
56.  602 
.529.080 
36.750 
53.949 
101.199 
351.867 
22.773 
22.778 
208.397 
280.452 
248.081 
97.908 
182.34C 
14.860 
11.910 
56.437 
25.521 
3.436 
98.380 
37.427 
2.086 
54.284 


.315.486 


571.762 
3.487.618 
305.521 
1.099.390 
6.331.564 
2.913.521 
3.086.047 
2.059.445 
1.215.748 
259.123 
3.312.044 
609.333 
1.424.095 
5.315.862 
2.737.057 
94.946.405 
1.230.242 
1.221.174 
4.136.911 
35.186.700 
i. 512. 409 
1.394.014 
16.800.335 
16.659.140 
29.769.720 
5.703.758 
33.550.5CO 
699.560 
458.755 
6.038.759 
1.240.478 
157.840 
5.374.724 
3.529.218 
106.575 
1.085.620 


297.561.117 


Km. 
45.7 
34.1 

36.0 
60.2 
33.1 
38.0 
19.4 
38.2 
37.1 
72.2 
44.8 
37.5 

110.2 
92.4 
48.3 
20.9 
33.4 
22.6 
40.8 

100.0 
67.7 
61.2 

80.6 

66.5 

120.0 

58.2 
184.0 

47.1 

38.5 
107.0 

48.6 

45.9 

54.6 

94.3 

51.1 

20.0 

46.9 


o    j: 

e.  I 


T. 

3.789 
32.530 
8.600 
22.194 
103.805 
61.283 
30.668 
20.895 
17.010 
3.002 
44.009 
3.556 
6.586 
31.376 
30.010 
384.034 
9.917 
19.081 
34.263 
90.182' 
18.642 
14.516 
60.881 
360.669 
143.781 
23.672 
93.456 
18.077 
4.025 
28.771 
34.171 
2.389 
21.926 
33.655 
401 
10. 3M 


1.826.106 


T. 

379.822 
2.122.666 
271.252 
1.433.797 
9.220.319 
3.542.699 
1.313.789 
563.532 
1.059.525 
309.214 
3.589.159 
172.862 
1.015.503 
3.514.072 
2.164.182 
67.299.815 
346.366 
509.484 
1.718.991 
31.563.700 
1.687.656 
1.287.569 
4.797.415 
37.751.590 
23.004.960 
3.854.240 
22.896.720 
1.483.583 
212.985 
4.171.795 
3.362.036 
131.395 
3.666.147 
5.818.874 
16.564 
207.620 


Km. 

100.2 
65.2 
31.5 
64.6 
88.8 
57.8 
42.8 
27.0 
62.2 
103.0 
79.9 
48.6 
154.2 
112.0 
71.9 
175.0 
34.9 
9.1 
50.1 
350.0 
90.5 
88.7 
78.8 
104.6 
160.0 
170.0 
245.0 
82.0 
52.9 
145.0 
98.4 
55.0 
167.2 
172.9 
41.0 
20.0 


246.463.898 


135.0 


438 


CHEMINS    DE    FER 


RECETTE     ET     DEPENSE     DE     L'EXPLOITATION     EN     4887     (; 


CHEMINS   DE  FER 


Camocim-Sobral 

Baturité 

Natal-Nova  Cruz 

Coude  'l  Eu 

■  ilmares 

Redfe-Limoeiro-Timbauba 

Recife-Caruarû 

Palmares-San-Francisco  . . 

[mperatriz 

Paulo  A.ffonso 

Bahia-Al  igoinhas 

Alagoinh  is-Timbô 

Alagoinhas-San-Francisco. 

Central  Bahia 

illas-Philadelphia  ... 

Itapemerim-Alegre 

Campos-Carangola 

Campos-San-Sebastiâo 

Dom  Pedro  II 


EN  EXPLOITATION  EN  1887 


Voie. 


Rio  do  Ouro 

Rio  de  Janeiro-Magé. 

Principe  do  Grâo  Para 

Santa  Lsabel  do  Rio  Preto 

Macahé-Campos-Padna 

Ramai  de  Cantagallo 

Uniâo  Valenciana 

Leopoldina-Cantagallo 

Minas-Kio 

Oesle  de  Minas 

San  Paulo-Rio  de  Janeiro 

Santos-Jundiahy 

Paulista 

S;m  Carlos  do  Pinlial 

Sorocabana 

ÎTronco  
Prolongamento. . 
1;  unal  de  Caldas 

Paranaguâ-Coritiba 

DonaTnereza  Christian» 

Pvio  Grande-Bagé 

Taquary-Uicguayana 

Quarabjm-Itaoui 

l'orto  Alcgrc-.No\a  Bamburgo 

II 
Divers  sans  statistique 


M. 
1.00 


1.60 

1.00 


1.60 
l.OU 


Km. 

129 
111 
121 
121 

12:, 
96 
76 

146 
88 

116 

123 
83 


__ 

322 

— 

299 

_ 

112 

— 

70 

— 

223 

0.95 

18 

1.G0 

725 

1.00 

01 

— 

05 

— 

28 



92 



74 

_ 

189 

1.10 

69 



03 

1.00 

1.052 

— 

170 

0.76 

21S 

1.00 

232 

1.60 

139 

— 

212 

1.00 

264 

— 

22g 



368 



106 

_ 

77 

— 

111 



116 



280 

— 

?  S 

— 

13 

i .  75a 

734 

s. Mi 

Km. 
129 
109 

121 
121 
125 

96 

76 
123 

88 
116 

123 

83 

275 

295 

142 

70 

211 

18 

725 

40 

65 

23 

92 

71 

189 

69 

63 

1.043 

170 

119 

232 

139 

242 

260 

215 

368 

92 

77 

111 

116 

280 

262 

75 

43 


.535 


731 


SPËi 


Fr. 
140.000 

165.000 

139.300 

371.500 

157.700 

200.000 

200.000 

1  K5.360 

123  .««0 

365.400 

89.700 

84.300 

127.500 

100.000 

03.000 

81.500 

93.500 

373.600 

309.800 

50.300 

80.000 

192.100 

171.200 

274.255 

60.000 

75.200 

117.500 

256.000 

50.000 

129.100 

494.000 

100.300 

51.000 

121.000 

50.000 

72.000 

450.000 
157.400 
149.300 
160.000 
113.500 
170.000 


110. 344 


8.84 
6.85 


6.05 
20.59 


14.33 
2.56 
5.59 
3.67 
1.50 


RECETTE 


o 

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Fr.  C. 

3.48 

0.10 

B.76 

0.79 

2.74 

0.44 

1.64 

0.43 

10.27 

0.59 

3.96 

0.73 

3.67 

0.50 

5.58 

0.57 

3.46 

0.40 

10.00 

0.50 

2.26 

0.23 

3.52 

0.33 

6.54 

0.64 

6.91 

1.00 

11.86 

0.70 

4.04 

0.81 

2.84 

1.35 
1.03 


1.08 

1.30 


1.75 


1.01 

1.86 
0.86 

0.77 
0.63 

0.T7 


s      <- 

11 

rt      C 

>   M 

Fr.  C. 

0.07 

0.07 

0.17 

0.10 

0.10 

0.10 

0.09 

0.(6 

0.0s 

EXPLOITATION   EX   ISS" 


439 


COMPRENDRE    LES    SOMMES    PAYÉES    POUR    GARANTIE    D  INTERETS). 


CATION 

RÉSULTATS    FINANCIER    DE 

L'EXPLOITATION 

DÉPENSE      PARI 

o 

3 

—   a 

BÉ  N 

É  FICE 

— 

o     -"S      ci 

o     ^      rf 

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Déficit 

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_     0    0 

Train 
Kilomctr 

i  i 

11 

S*  .2 
>   * 

C     -o 

II 

Rccc 

totale   kilo 

de  l'expie 

Dépe 

totale    kilo 
de  l'explo 

Par 

kilomètre. 

ar  rapport  ai 

de  la  lign 

en  exploitât] 

par 

kilomètre. 

... 

1-1 

Fr.  C. 

Fr.  C. 

Fr.  C. 

Fr.  C. 

Fr. 

Fr. 

5.28 

0.61 

0.21 

0.42 

1.472 

2.230 

758 

2.291 
2.705 

3.005 
2.495 

236 
2.628 
1.131 

738 
2.509 

'     8.21 
6.27 
7.44 

0.74 
1.00 
0.69 

0.11 
0.58 
0.22 

0.21 
1.15 
0.43 

8.386 
1.785 
4.432 

7.626 
4.076 
7  137 

760 

O.6V0 

'      5.0'i 

!     5.53 

5.43 

6.08 

5.94 

13.53 

18.31 

3.57 

8.21 

6.45 

0.42 

0.37 
1.00 
0.N2 
0.61 
1.57 
0.64 
0.37 
0.76 
0.62 

0.08 
0.10 
0.15 
0.24 
0.16 
0.47 
0.12 
0.16 
0.17 
0.12 

0.15 
0.20 
0.29 
0.48 
0.32 
0.93 
0.2; 
0.33 
0.35 
0.21 

26.511 

15.467 

8.132 

3.794 

5.923 

928 

11.060 
1.269 
1.655 
3.555 

15.065 
11".957 
11.137 
6.289 
6.159 
3.556 
12.191 
2.007 
4.184 
5.150 

11.046 
3.510 

205 

3.1 
2.2 

0.2 

4.328 

2.778 

1.550 

1.5 

;     5.46 

0.79 

0.16 

0.32 

898 
6.075 

1.153 

5.3G5 

710 

0.9 

255 

7.57 

4.23 
2.71 

0.46 
0.91 

0.07 
0.14 
0.16 

0.15 
0.28 
0.32 

10.295 

39.421 

9. 714 

5.287 

6.2S5 

25.185 

6.8I0 

5.51S 

2.030 

14.236 

2.866 

2.2 
3.8 
0.9 

232 

5.534 

5.223 

311 

0.4 

25.935 

16.095 

9.840 

5.1 

1 

4.920 
17.791 

6.793 
96539 

8.252 

0 

1.873 

1     6.44 

0.98 

5.943 
7.494 

5.848 
5.435 

95 

2.059 

0.2 

2.7 

4.59 

0.68 

0.12 

0.24 

7.237 
12.048 

4.599 
8..  707 

2.638 
3.341 

'.3 

4.33 
6.96 

0.68 
0.44 

0.09 
0.09 

0.18 

0.17 

6.007 

Î6.090 

128.910 

3.711 
40.879 
59.465 

2.296 

5.211 

69.445 

4.6 
4 
14 

4.40 

0.99 

33.939 

8.236 

10.068 

14.58S 
4.560 
6.564 

19.331 
3.676 
3.504 

10.2 

7.2 
2.9 

15.958 

8.489 

7.469 

14  9 

4.10 

1.00 

5.698 

5.238 

460 

0  6 

io. o; 
h.  ii 

1 .  55 

6.17 

0.20 
1.30 

0.31 
2.60 

17.093 

14.325 

2.768 

0.6 

5.21 
5.41 

0.72 
O.Mi 

0.13 
0.11 

0.27 
0.22 

710 
6.415 

4.887 
6.251 

164 

0.1 

4.177 

2.96 

1.51 

0.42 

0.84 

4.496 
399 

8.591 

6.517 

788 
8.886 

2.021 
389 
295 

14.240 

9.488 

4.752 

2.8  «/o 

CHAPITRE    XIV 

COMMERCE    ET   NAVIGATION 

Par     M.     F.-J.     de     SANTA-ANNA     NÉRY 


Lorsque  Dom  Pedro  II,  l'empereur  actuel,  hérita  de  la  cou- 
ronne du  Brésil,  après  l'abdication  de  son  père,  Dom  Pedro  Ier. 
le  budget  des  recettes  du  second  empire  —  ou  du  second  règne, 
comme  Ton  dit  chez  nous  —  n'était  que  de  31  millions  de  francs, 
en  chiffres  ronds.  C'est  le  chiffre  de  l'exercice  financier  1831-32. 

A  l'époque  de  la  proclamation  de  la  majorité  de  Dom  Pedro  II, 
les  recettes  de  l'empire  ne  dépassaient  guère  46  millions  de 
francs.  C'était  en  1840-41. 

Vingt-cinq  ans  après,  elles  avaient  quadruplé:  en  1866-67, 
au  moment  où  le  Brésil  vint  prendre  part  à  l'Exposition 
universelle  de  Paris,  ses  recettes  se  montaient,  en  effet,  à  près 
de  184  millions  de  francs. 

Lors  de  l'Exposition  universelle  devienne,  où  l'empire  occupa 
sa  place,  ses  recettes  avaient  encore  augmenté  de  100  millions  : 
elles  accusaient  un  chiffre  de  287  millions  pour  l'exercice  1872-73. 

Il  faut  regretter  que  le  Brésil  n'ait  pas  été  représenté  à  l'Ex- 
position universelle  de  Paris  en  1878.  Il  aurait  pu  y  montrer  les 
nouveaux  progrès  qu'il  venait  de  faire,  car,  pour  l'exercice  1877-78, 
ses  recettes  atteignaient  345  millions,  et  avaient  monté,  par  con- 
séquent, de  58  millions  pendant  la  dernière  période  quinquennale. 

Il  essaie  de  regagner  le  chemin  perdu,  en  faisant  figurer  ses 
produits  à  l'Exposition  de  1889,  année  pour  laquelle  l'estimation 
budgétaire  porte  ses  recettes  à  plus  de  410  millions. 


-112  LE     BRÉSIL     EN     1S89. 

REVENUS    PUBLICS    DE    L'ÉTAT 

Années.  Montant. 

1831-32.  —  it0  année  du  régne  de  Dom  Pedro  II.      31.575.120  fr. 

L 840-41.  —  lrc  année  de   la  majorité  de  Dom 

Pedro  Iï 45.818.202 

18GG-G7.  —  Lors    de   l'Exposition    Universelle 

de  Paris 183.9GG.234 

1871-72.  —  Lors   de    l'Exposition    Universelle 

de  Vienne 286.711.916 

1877-78.  —  Lors    de   l'Exposition    Universelle 

de  Paris 344.671.000 

1889.     —  Revenu  selon  l'estimation  budgé- 
taire      410.506.949 


Cette  progression  constante  des  ressources  budgétaires  coïn- 
cide avec  l'essor  qu'ont  pris  les  échanges  de  l'empire,  dont  elle 
est  la  conséquence  logique.  Toutes  les  vingt  provinces  qui  com- 
posent ce  grand  corps  n'ont  pas  pris  une  part  égale  à  ce  mouve- 
ment, mais  l'on  peut  affirmer  qu'aucune  n'y  est  complètement 
étrangère  ;  quelques-unes  ont  marché  plus  vite,  voilà  tout,  et  l'on 
est  heureux  de  pouvoir  constater  que  certaines  régions,  que  les 
économistes  de  profession  semblaient  vouer  au  piétinement  sur 
place,  à  cause  de  leur  prétendue  impuissance  climatérique,  sem- 
blent en  train  de  leur  donner  un  démenti  formel.  Ces  écono- 
mistes paraissaient  croire  que  les  régions  tempérées  du  Brésil 
auraient  une  évolution  beaucoup  plus  rapide  que  les  régions 
tropicales  et  surtout  que  la  plaine  équatoriale  de  l'Amazone.  Les 
faits  se  sont  chargés  de  les  éclairer,  et  s'il  y  a  deux  phénomènes 
dignes  d'étude  dans  la  situation  économique  du  Brésil  actuel, 
c'est,  d'un  côté,  le  progrès  réalisé  par  la  zone  tempérée  douce 
dont  la  province  de  San-Paulo  est  la  garde  avancée,  et,  d'un  autre 
côté,  le  développement  commercial  de  la  plaine  équatoriale  de 
l'Amazone. 

Tout  le  commerce  du  Brésil,  aussi  bien  le  commerce  au  long 
cours  avec  l'étranger  que  le  commerce  des  différentes  provinces 
entre  elles,  s'est  élevé,  en  1885-86,  à  la  somme  ronde  de  un  mil- 
liard et  demi,  sans  compter  celui  de  trois  provinces  (Minas- 
Geraes,  Goyaz  et  Matto-Grosso)  sur  lesquelles  les  données  précises 
font  défaut. 


COMMERCE   ET    NAVIGATION.  443 

Quelle  est  la  part  de  chaque  province  dans  cet  ensemble  de 
transactions? 

—  La  place  de  Rio-de-Janeiro  seule  en  revendique  près  de  la 
moitié,  soit  666  millions  de  francs.  Ce  grand  port  occupe,  d'ail- 
leurs, une  place  tout  à  fait  à  part  dans  notre  mouvement  com- 
mercial et  maritime,  soit  à  cause  de  sa  qualité  de  siège  du  gou- 
vernement central,  soit  à  cause  de  sa  position  comme  entrepôt 
naturel  d'une  partie  du  commerce  de  San-Paulo  et  d'Espirito- 
Santo  et  de  la  plus  grande  partie  du  commerce  de  Minas-Geraes, 
province  qui  n'a  pas  de  débouchés  sur  la  mer. 

Les  importations  et  les  exportations  de  Rio-de-Janeiro  ont 
été  :  en  1883-84,  de  632  millions;  en  1884-85,  de  658  millions,  et, 
en  1885-86,  de  667  millions. 

RIO-DE-JANEIRO 

Mouvement  général  du   Commerce  maritime.  —  Importations 
et  Exportations. 

883-84 221.156  contos. 

1884"83  230.168      — 

1885"86  233.616      — 

Bien  loin  derrière  Rio-de-Janeiro,  vient,  tout  d'abord  la  pro- 
vince de  San-Paulo,  avec  un  commerce  de  16  millions  Le  port 
mtos,  qui  la  dessert,  a  pris  pendant  ces  dernières  années 
une  importance  qui  ira  en  croissant  tous  les  jours,  comme  le 
^montrent  les  recettes  de  sa  douane  qui  ont  presque  doublé 
depuis  sept  ans,  en  passant  de  18  millions,  chiffre  de  1882  à 
33  millions  et  demi,  chiffre  de  l'année  1887. 

SANTOS    (Province   de   San-Paulo.) 
Recettes  de  la  Douane. 

«QQo  '  6.399  contos. 

6.8o2       — 

*«»4 7  019      _ 

ÎS Êï   - 

S::::::: :::::■■  £•£  z 

1888  (1-  semestre) 5  152      __ 


414  LE     BRÉSIL     EN     1889. 

Pernambuco  i  I  Bahia  se  suivent  de  bien  près,  ensuite,  avec 
des  chiffres  d'affaires  à  peu  près  égaux:  Pernambuco,  avec  L32 
millions,  et  Bahia  avec  131.  Parfois  ce  placement  se  trouve  ren- 
versé, et  il  est  assez  curieux  de  voir  que  tantôt  les  recettes  de  la 
douane  de  Pernambuco  prennent  le  dessus  et  que  tantôt  celles 
de  Bahia  occupent  le  premier  rang.  Santos,  Bahia,  Pernambuco 
et  Para  sont,  d'ailleurs,  quatre  douanes  qui  luttent  de  vitesse. 
En  188G-87,  ces  quatre  douanes  occupaient  le  rang  suivant  par 
ordre  d'importance:  Santos,  Bahia,  Para,  Pernambuco.  L'année 
suivante,  Bahia  venait  en  tète,  Pernambuco  passait  au  second 
rang,  puis  venaient  Santos  et  Para. 

RECETTES    COMPOSÉES 

De  quatre  Douanes.  —  En  Contos. 

1886-1883 

Santos.  Bahia.  Para.  Pernambuco* 

11.739  10.125  9.730  9.G77 

1881-1888 
Bahia.  Pernambuco,  Santos.  Para. 

12.072  11.858  10.634  10.347 

Au-dessous  de  Pernambuco  et  de  Bahia,  nous  trouvons,  pres- 
que sur  la  même  ligne,  les  provinces  de  Rio-Grande-du-Sud  avec 
un  commerce  de  104  millions  de  francs,  et  de  Para  avec  100  mil- 
lions. Les  douanes  de  Rio-Grande  et  de  Porto-Alegre,  dans  la 
première  de  ces  provinces,  ont  un  rendement  relativement  consi- 
dérable, qui  serait  encore  plus  élevé  sans  la  contrebande  favo- 
risée par  le  voisinage  de  la  Plata. 

PROVINCE  DE  RIO-GRANDE-DU-SUD  —  Recettes  des  Douanes 

Porto-Alegre. 

1882 2.131  contos. 

1883 1.950      - 

1884 1.959       - 

1885 2.2GG       

188G 3.357       - 

1887 3.202       — 

1888.  (1«  semestre 1.302      — 


COMMERCE   ET   NAVIGATION.  445 

Bio-Grande. 

1885 2.265  contos. 

1886 2.713      — 

Quant  à  Para,  principal  entrepôt  du  commerce  de  l'Amazonie 
(comprenant  les  doux  provinces  de  Para  et  Amazonas),  il  serait 
difficile  d'en  exagérer  l'importance. 

Ces  six  provinces  —  Rio-de-Janeiro,  San-Paulo,  Pernambuco, 
Bahia,  Rio-Grande-du-Sud,  Para —  font  les  quatre  cinquièmes 
des  échanges  de  tout  l'empire,  soit  1.295  millions  de  francs  sur 
1.512  millions. 

ÉCHANGES  DE  17  PROVINCES  DU  BRÉSIL  EN  1885-86 
avec  l'étranger  et  entre  elles 

(Valeur  en  millions  de  francs.) 

Rio-de-Janeiro 666.000.000 

San-Paulo 162.000.000 

Pernambuco 132.000.000 

Bahia 131.000.000 

Rio-Grande-du-Sud 104.000.000 

Para 100.000.000 

Amazone 55.000.000 

Maranhâo  35.000.000 

Céarâ 30.000.G00 

Sergipe 22.000.000 

Alagôas 21.000.000 

Parahyba  11.000.000 

Paranâ   10.500.000 

Santa-Catharina 10.000.000 

Rio-Grande-du-Nord 9.000.000 

Espirito-Santo 8.000.000 

Piauhv   6.000.000 


Total  1.512.500.000 

Après  elles,  vient  un  second  groupe  de  provinces  avec  194 
millions  1/2,  comprenant  Amazonas,  Maranhâo,  Céarâ,  Sergipe, 
Alagôas,  Parahyba,   Paranâ  et  Santa-Catharina  ;  et  un  troisième 


446 


LE     BRliSIL     EN     1889. 


groupe,  avec  un  commercede  23 millions  à  peine,  composé  des 
j.m\  inces  de  Rio-Grande-du-Nord,  Espirito-Santo  et  Piauhy,  sans 
parler  de  Minas-Geraes,  Matto-Grosso  et  Goyaz,  sur  lesquelles 
nous  n'avons  pas  des  données. 

COMMERCE   DES  DIFFÉRENTES  PROVINCES  EN  1885-1886 

D'APRÈS  M.    1'. -F.    COBREIA  DE  ARAUJO 
(Valeur  officielle  eu  contos  de  réis.) 


PROVINCES 

C  0  M  M  E  RCE 

AU    LONG   COL'nS 

COMMERCE 

INTEHFR0YINCUL 

Importation 

Exportation 

Importation 

Exportation 

Contos 
2.870 

10.115 

4.999 

311 

2.382 

177 

750 

20.694 

1.301 

128 

20.911 

77 

103.699 

1.010 

14.715 

12.498 

410 

Contos 
3.275 

12.213 
4.176 
610 
3.388 
1.621 
1.850 

12.770 
2.276 
1.491 

15.150 
804 

92.469 

1.025 

3.550 

B5.889 

2.344 

Contos 
3.652 
6.617 
1.221 
853 
3.040 
1.290 
1.015 
4.627 
2.515 
4.890 
3.677 
1.109 

10.843 

1.892 
9.122 
7.198 

2.599 

Contos 

8.983 

5.077 

1.601 

210 

1.523 

215 

143 

7.797 

905 

862 

5.801 

381 

25.894 

1.492 

8.721 
801 
191 

Paru  

Rio-Grande-dn-Ifovd 

fUagôas 

Rio-Grande-du-Sinl 

Matto-Grosso 

Total 

198.200  ou 
5C6.000.000  fr. 

191.961  ou 
557.000.0U0fr. 

66.168  ou 
189.000.000  fr. 

70.630  on 
200.500.000  fr. 

La  province  de  FAmazonas  mérite  une  mention  spéciale.  Son 
commerce  a  été  de  55  millions  de  francs  en  1885-86.  Il  augmente 
avec  une  rapidité  exceptionnelle.  En  1888,  les  recettes  de  la 
douane  de  son  principal  port,  celui  de  Manâos,  un  nom  qui  était 
à  peine  mentionné  dans  les  publications  officielles  parues  en 
1867  et  en  1873  à  l'époque  des  expositions  de  Paris  et  de  Vienne, 
se  sont  élevées  après  de  .'î. 800. 000  francs. 


COMMERCE   ET  NAVIGATION.  417 

En  mettant  do  côté  Etio-de-Janeiro,  à  cause  de  sa  primauté 
déjà  expliquée,  et  en  négligeant  les  trois  provinces  sur  lesquelles 
il  a  été  impossible  de  réunir  des  informations  certaines,  on  peut 
envisager  d'un  coup  d'œil  sûr  la  situation  des  diverses  régions  du 
Brésil  pour  se  rendre  compte  de  leur  énergie  productive  pré- 
sente. 

On  a  divisé  le  Brésil,  un  peu  arbitrairement  peut-être,  car 
toutes  ces  classifications  supposent  tant  d'exceptions  qu'elles 
en  deviennent  facilement  défectueuses  et  erronées,  en  quatre 
ré-ions,  qu'on  a  appelées  :  région  côtière  tropicale,  région  tem- 
pérée  du  sud,  région  des  plateaux  et  région  de  la  plaine  de 
l'Amazone.  Acceptons  pour  un  instant  cette  classification,  et 
étudions  le  Brésil  sous  cette  forme. 

Voyons  d'abord  les  chiffres  relatifs  au  commerce  étranger  et 
interprovincial  de  chacune  de  ces  régions  en  1885-86,  en  excep- 
tant toujours  la  région  des  plateaux. 

Pour  la  région  côtière  tropicale,  comprenant  Maranhao,  Piauhy, 
Céarâ,  Rio-Grande-du-Nord,  Parahyba,  Pernambuco,  Alagôas, 
Sergipe,  Bahia  et  Espirito-Santo,  nous  trouvons  un  commerce  de 
405  millions  de  francs,  soit  un  peu  moins  de  72  francs  par  habi- 
tant. 

Pour  la  région  tempérée  du  sud,  comprenant  San-Paulo, 
Paranâ,  Santa-Catharina  et  Rio-Grande-du-Sud,  un  commerce  de 
près  de  287  millions,  soit  un  peu  plus  de  108  francs  par  tête. 

Et  pour  la  région  de  la  plaine  de  l'Amazone,  comprenant  les 
deux  seules  provinces  de  Para  et  de  l'Amazonas  avec  500.000 
habitants  au  maximum,  nous  trouvons  un  commerce  de  155 
millions,  soit  310  francs  par  tète. 

Depuis  1S85-86,  le  développement  de  cette  région  s'est  encore 
accentué.  Pendant  l'année  1888,  la  valeur  officielle  des  princi- 
paux produits  de  l'Amazonie  (caoutchouc,  cacao,  toucas  etc.) 
exportés  en  Europe,  aux  États-Unis  et  vers  le  Brésil  méridional, 
s'était  élevée  à  la  somme  de  33.881  contos,  soit,  au  change  moyen 
de  350  réis  par  franc,  à  la  somme  de  96  millions  1/2  de  francs  à 
peu  près.  De  ces  produits,  environ  83  millions  1/2  sont  partis 
directement  de  Para,  et  13  millions  y  sont  passés  en  transit, 
venant  de  Manâos,  chef-lieu  de  la  province  de  l'Amazone.  Le 
26  janvier  1889,  un  seul  steamer,  le  «  Paraense  »,  parti  de  Para 
pour  New-York,  à  emporté  un  chargement  de  caoutchouc  d'une 
valeur  officielle  de  543  contos  1/2,  soit  plus  de  un  million  et  demi 
de  francs. 


41$  LE    BRÉSIL    EN    1,889. 

Il  faut  pénétrer  davantage  dans  la  vie  économique  et  finan- 
cière  de  chacune  de  ces  quatre  régions  pour  en  mesurer  l'impor- 
tance respective. 

D'après  notre  organisation  politique  et  administrative,  qui 
donne  aux  provinces  une  demi-autonomie,  chacune  d'elles  a  des 
ressources  budgétaires  afférentes  à  l'Etat  et  d'autres  afférentes 
aux  besoins  locaux:  un  budget  général  et  un  budget  provincial,  de 
même  que  chacune  a  ou  peut  avoir  des  dettes  locales.  C'est  à  ce 
triple  point  de  vue  qu'il  nous  les  faut  examiner. 

En  1885-86,  les  recettes  et  les  dépenses  afférentes  à  l'Etat  se 
distribuent  de  la  manière  suivante  : 

Rio-de-Janeiro  et  Municipe  neutre:  recettes,  195  millions  1/2; 
dépenses,  237  millions. 

Région  côtière  tropicale,  depuis  Maranhâo  jusqu'à  Rio-de- 
Janeiro  :  recettes,  80  millions;  dépenses,  63  millions. 

Région  tempéré  du  sud  :  recettes,  54  millions  ;  dépenses, 
36  millions. 

Région  des  plateaux  (Minas-Geraes,  Goyaz,  Matto-Grosso)  : 
recettes,  6  millions  1/2;  dépenses,  12  millions  1/2. 

Région  de  la  plaine  de  l'Amazone  :  recettes,  23  millions  1/2  ; 
dépenses:  9  millions. 


RECETTES  ET  DÉPENSES  DES  PROVINCES 

Afférentes  à  VEtat  (1 885-4 886)  d'après  M,  Correia  de  Araujo. 

PROVINCES  Recettes  perçues  Dépenses  faites 

(En  contos  de  réis.)      (En  contos  de  réis.) 

Amazone 

Para 

Maragnon 

Piauhy 

Céarâ  

Rio-Grande-du-Nord 

Parahyba 

Pernambuco 

Alagôas 

Sergipe 


A  reporter 


963 

606 

9.021 

2.420 

2.244 

1.674 

273 

569 

1.744 

1.644 

182 

440 

401 

628 

10.104 

7.941 

993 

852 

394 

566 

2.619  conlos. 

17.3i0conlos. 

COMMERCE   ET   NAVIGATION.  449 

Report 26.219  conlos.         17.340  conlos. 

Rallia 10.905  6.815 

Espirito-Santo 300  467 

Rio-de-Janeiro 1.315  488 

Municipe  neutre 66.730  82.476 

Santa-Catharina 791  747 

Rîo-Grande-du-Sud 7.501  8.117 

San-Paulo 9.654  2.789 

Paranâ 554  879 

Minas-Geraes  1.821  2.021 

Goyaz 64  776 

Matto-Grosso 396  1.624 

Total 126 .  446  contos         124 .  539  conlos 

ou  ou 

361 .  000 .  000  fr.     355 .  500 .  000  fr. 

A  la  même  époque,  les  recettes  et  dépenses  des  provinces 
afférentes  à  leurs  services  locaux  donnent  les  résultats  suivants  : 

Rio-de-Janeiro  et  Municipe  neutre  :  recettes,  18  millions  ; 
dépenses,  21  millions  1/2. 

Région  côtière  tropicale  :  recettes,  30  millions  ;  dépenses, 
36  millions  1/2. 

Région  tempérée  du  sud  :  recettes,  22  millions  1/2;  dépenses, 
25  millions. 

Région  des  plateaux  :  recettes,  13  millions  ;  dépenses,  17 
millions. 

Région  de  la  plaine  de  l'Amazone  :  recettes,  15  millions  3/4  ; 
dépenses,  13  millions  1/2. 


29 


4j0 


LE    BRÉSIL    EN    1889. 


RECETTES  ET  DEPENSES  DES  PROVINCES 


AI  :  ÊRENTES   A    LEUR  SERVICE    SPECIAL,     1)  APRES    M.  P. -F.    CORREIA    DE  ARAUJO 


Provinces 

Années 

Recettes  perçues 

Dépenses  faites 

Amazone 

18SG-87 

,_s7 
1886—87 
1886 
1886—81 

1835—86 

,-87 
1  -0-87 
1886—811 
1 B85 — 86 
188G 
1887 

1885-86 
L881  -87 
1885-86 
1886 

1885— 8G 
1886—87 
1886 

Conlos 

1.939 

3.2G8 
716 
273 
880 
391 
513 

2.576 
742 
800 

3.017 
541 

4.994 

1.380 
4J0 

2.806 

3.802 
826 

3.997 
240 
302 

Conlos 

1.779 

2.935 

767 

319 

975 

492 

li.l 

3.462 

726 

074 

4.487 

446 

6.458 

1.146 

386 

2.972 

4.181 

993 

5.010 

340 

301 

Para 

Maragnon 

Piauhy  

Rio-Grande-du-Nord 

Parahyba 

iVriminbuco 

Aiagoaa  

Sergipe 

Bahia ... 

Espirito-Santo 

Rio-de-Janeiro 

Municipe-Xeutre 

Santa-Gatharina  . . , 

Rio-Grande-du-Sud 

San-Paulo  ...    . 

Paranâ 

Mni.is-Geraes. . . 

Goyaz 

Matlo-Grosso 

34.469 
ou  98.500.000  fr. 

39.643 
ou  113.000.000  fr. 

L'ensemble  des  dettes  consolidées  de  toutes  les  provinces   ne 
s'élevait  pas  à  120  millions  en   1888. 


COMMERCE    ET    NAVIGATION 


451 


dettes  des  différentes  provinces  en  1888 


D  APRÈS    M.    P. -F.    CORREIA    DE    AllAUJO 


Provinces 


Amazone 



Maragnon 

l'iauliv 



Rio-Grande-du  Nord 

Parah]  ba 

Peraambuco 

Aiagoaa  

Sergipe 

Bahia 

Bspirito-Santo 

Rio-de-Janeiro 

Municipe-Neutre . . . 
Santa-Catharina  . . . . 
Rio-Grande-du-Sud  . 

San-Paulo 

Parana 

Minas-Geraes 

Goyaz  

Matto-Grosso 


Années 


1886 
1886 
1886 
1886 
1886 
1886- 
1886 
1885 
1886 
1886 
1886 
1885 
1886 
1887 
1885 
1887- 
1885. 
1886 
1885- 
1886 
18S6 


-86 


perçues 


Contos 

1.939 

3.268 

716 

273 

880 

391 

513 

2.576 

742 

800 

3.047 

541 

4.994 

1.380 

436 

2.806 

3.802 

826 

3.997 

240 

302 


34.469 
ou  98.500.000  fr. 


Dépenses  faites 


Conlos 

1.779 

2.935 

767 

319 

975 

492 

464 

3.4U2 

726 

674 

4.487 

446 

6.458 

(.146 

386 

2.972 

4.481 

993 

5.040 

340 

301 


39.643 
ou  113.0U0.000  fr, 


Les  provinces  de  FAmazonas  et  de  Céarà  n'en  avaient  pas. 

La  dette  flottante  de  toutes  les  provinces  était  de  151  millions 
de  francs.  Il  sera  intéressant  de  comparer  cette  double  dette,  soit 
à  la  dette  intérieure  du  Brésil  : 


452 


LE    BRÉSIL     EN     18S0 


DETTE  INTÉRIEURE  AU  3i  DÉCEMBRE  1888 
d'après  le  jornal  do  commehcio 

(Calculée    en   conlos  ;    le  conlo   à  2. 800   francs.) 


Emission 

AMORTISSEMENT 

Total 
en  circulation 

Par  la  loi  de 
lbJT 

Par   la  con- 
version 

:.-3 

G 
(/: 

C 

C 
U 

O 

o 

U9 

tr. 

ç> 

H 

Loi  du  15  novembre  1827 

324.085 

90 

7.137 

73 

10 

2.309 

9 

10 

737 

1.525 

357 

11 

121 

148 

1.932 

489 

572 

3.672 

161 
3.833 

5.520 

3 

181 

8 

270 

200 
78 
17 

58 

45 

139 

5 

6.254 

311.893 

87 

6.956 

05 

10 

2.099 

9 

10 

537 

1 .  11V 

310 

11 

03 

103 

1.793 

484 

572 

Sergipe 

Alagôas 

Parahyba  

Rio-Grande-do-Norl<> 

339.075 

51.494 
290 
04 
36 
bO 
41 
156 
120 

329.479 
51.333 

668 
119 

Titres  4  %  de  Rio-de- Janeiro . . 

Décret  ?i°  4.544  cZu  /5  septembre  18GS: 
Titres  C  %  de  l'emprunt  national. . . 
Décret  ?i°  7  du  19  juillet  1S79  : 
TUres  4 1/2  %  de  l'emprunt  national . 

391.950 

30.000 
51.885 

10.357 
11.010 

17.450 

381.599 
1S.953 

34.436 

L 

473.811 

38.853 

431.9ï>8 

Soit  à  la  dette  extérieure    consolidée    de  l'État   au  31  dé- 
cembre 1888  : 


COMMERCE   ET  NAVIGATION 


453 


DETTE  EXTÉRIEURE  CONSOLIDÉE  AU  31  DÉCEMBRE  1888 


EMPRUNTS 

CAPITAL  PRIMITIF 

CAPITAL  AMORTI  * 

CIRCULATION 

NOMINALE 

Réel 

Nominal 

Réel 

Nominal 

De 

1863  à  échoir  en  1893 
—          1902 
1871          -          1909 
1875         -          1913 
1883          -          1922 
1886         -         1923 
1886         -         1925 

Total 

'   Liv.  sterl. 
3. 300. 000 
5.Ô(j0.000 
3.000.-000 
5.000.000 
4.000*000 
6.000.080 
6.000.000 

Liv.  aterl. 
3.355.3S0 
6. 963*800 
3:459.600 
5.301.260 
4.599.600 
6.431.000 
6.297.300 

Liv.  sterl. 
3.216.638 

'  2.734.900 
911.936 
823.608 
229.994 
65.062 

Liv.  sterl. 

3.556.300 

2.734.800 

841.100 

852.600 

259.200 

65.100 

Liv.  sterl. 
299.000 
4.228.700 
2.218.500 
4.448.600 
4.340.480 
6.365.900 
6.267. 300 

'  32.300.000 

36.907.600 

7.876.138 

8.309.200 

28.598.400 

*  Le  12  décembre  1888,  le  gouvernement  impérial  a  fait  déposer  à  la  Banque  d'Angleterre 
]<■-   titres  des  emprunts  suivants,  entièrement  amortis  et  remboursés  par  lui  :    emprunt  de 
1863,  1865,   1871,    1875,    1883  et   1886,   en    tout    637.500  livres   sterlings  ou   à   peu  près 
lu. 065. 000  francs,  qu'il  faut  déduire  de  la  dette  extérieure  du  Brésil. 

En  procédant  à  cet  examen,  il  ne  faut  pas  perdre  de  vue  que 
Ton  a  affaire  à  un  pays  jeune,  ayant  besoin  de  parfaire  rapide- 
ment son  outillage  industriel  et  doté  de  ressources  qui  commen- 
cent à  peine  à  être  mises  en  valeur.  Déjà  le  passé  peut  y  répondre 
de  l'avenir,  et  les  dividendes  distribués  par  quelques  entreprises 
commerciales  et  industrielles  prouvent  que  les  capitaux  euro- 
péens peuvent  trouver  au  Brésil  un  placement  sûr  et  avantageux  : 


4~  t  LE    BRÉSIL    EX    1SS9. 


DIVIDENDES  DES  BANQUES,  SOCIÉTÉS,  ETC.,  AU  31  DECEMBRE  1888 

I.  —   Banques 

Banco  Auxiliar 9  pour   100. 

Banco  do  Brazil 8  — 

Banco  Commercial 10  — 

Banco  do  Commercio 9  — 

Banco  de  Credito  Real  do  Brazil 10  — 

Banco  Del  Credere 12  — 

Banco  Industrial  e  Mercantil 6  — 

Banco  Internacional  do  Brazil 11  — 

Banco  Popular 12  — 

Banco  Rural  e  Hypothecario 10  — 

Banco  Territorial  e  Mercantil  de  Minas G 1/5    — 

English  Bank 6  — 

Banco  da  Lavoura 8  — 

Banco  Caixa  de  Credito  Commercial 10  — 


II.  —  Compagnies  d'Assurances 

Alliança 20   pour   100, 

Atalaya 20  — 

Confiança 20  — 

Lealdade 20  — 

Nova-Permanente * 20  — 

Prosperidade 20  — 

Yigilancia 20  — 

Argos  Flumincnso 17  — 

Fidelidade 11  — 

Bonança 10  — 

Integridade 10  — 

Garantia 9  — 

Gérai  de  Seguros 4  — 

Uniâo  dos  Varegistas 3  — 


III.  —  Sociétés  Diverses 

Tissus  Carioca 12    pour    100. 

Commercio  e  Lavouru 3  — 


COMMERCE    ET    NAVIGATION.  455 

Des  six  principaux  produits  qu'exporte  le  Brésil  —  café,  sucre, 
coton,  cuirs,  tabac,  caoutchouc  —  deux,  le  café  et  le  caoutchouc, 
ont  vu  Leur  exportation  grandir  extraordinairement  depuis  un 
demi-siècle;  deux  autres,  le  sucre  et  le  tabac,  ont  vu  leur  pro- 
duction s'élargir  considérablement;  et  les  deux  derniers,  le 
coton  et  les  cuirs,  ont  augmenté  d'une  manière  irrégulière. 

La  production  du  café  occupe  d'emblée  la  première  place,  et 
elle  n'a  t'ait  que  grandir  depuis  un  demi-siècle.  On  peut  donner 
une  idée  de  cette  progression  par  les  chiffres  suivants,  détaillés 
dans  un  tableau  :  en  1839-44,  la  valeur  officielle  de  cafés  exportés 
donnait  une  moyenne  quinquennale  de  53  millions  3/4  de  francs  ; 
on  1849-54,  cette  moyenne  quinquennale  était  de  89  millions  1/2 
de  francs;  en  1859-64,  la  moyenne  de  la  période  quinquennale 
accusait  une  valeur  de  139  millions  1/2  de  francs  ;  en  1869-74, 
la  valeur  de  la  moyenne  quinquennale  était  de  261  millions  1/2 
de  francs;  en  1879-84,  elle  était  de  près  de  350  millions  de  francs, 
et,  enfin,  la  moyenne  des  trois  dernières  années,  1884-1887, 
donnait  pour  l'exportation  descafésla  moyenne  de  443  millions  1/2 
de  francs,  comme  valeur  officielle. 

L'exportation  de  caoutchouc  est  devenue  également  considé- 
rable, et  s'est  développée  surtout  depuis  vingt  ans.  L'exportation 
par  moyennes  quinquennales  donne  :  pour  1839-44,  une  valeur 
officielle  de  700.000  francs  à  peine;  pour  4849-54,  une  valeur  de 
4  millions  de  francs;  pour  1859-64,  une  valeur  de  9  millions  de 
francs;  pour  1869-74,  une  valeur  de  30  millions  de  francs  ;  pour 
1879-84,  une  valeur  de  34  millions;  et,  enfin,  pour  la  période  de 
trois  ans,  écoulée  de  1881  à  1887,  la  moyenne  de  l'exportation 
accuse  un  chiffre  de  26  millions  de  francs,  comme  valeur  officielle. 

Dans  une  publication  récente,  on  a  semblé  mettre  en  doute 
l'exportation  de  13.800.000  kilog.  de  caoutchouc,  que  je  donnais 
en  1882  pour  les  provinces  de  Para  et  de  TAmazonas.  Aussi  dois-je 
déclarer  ici  de  nouveau  que  les  chiffres  officiels  pour  Tannée  1888 
donnent  une  exportation  de  15. 003. 674  kilog.,  dont  12. 888. 611  kilog. 
pour  Para  et  2.115.063  kilog.  pour  Manâos,  chef-lieu  de  la  pro- 
vince de  l'Amazonas.  Ce  chiffre  pourra  paraître  encore  plus 
extraordinaire,  car  en  Europe  on  s'habitue  difficilement  à  ces 
phénomènes  économiques,  qui  donnent  à  l'Amazonie,  en  une 
seule  année,  une  exportation  de  plus  de  30  kilog.  de  caoutchouc 
par  habitant. 

L'exportation  du  sucre  de  canne  ne  s'est  pas  ralentie,  malgré 
la  concurrence  du  sucre  de  betterave  de  l'Europe.  La  valeur 
officielle   donne   par   moyennes   quinquennales  :  en  1839-44, 29 


156 


LE    BRKSIL    EN     1S89 


millions  1/2  de  francs  ;  en  1849-44, 45  millions  ;  en  1859-64,  51  mil- 
lions ;  en  18G9-74,  119  millions;  en  1879-84,  plus  de  139  millions 
de  francs;  et,  enfin,  pour  la  période  de  trois  ans,  de  1884  à  1887, 
une  moyenne  de  plus  de  50  millions  de  francs,  comme  valeur 
officielle. 

L'exportation  des  tabacs  a  augmenté  également.  Tandis  que 
la  moyenne  des  cinq  années  écoulées  de  1839  à  1844  accusait 
une  exportation  de  un  peu  plus  de  2  millions  à  peine  comme  va- 
leur officielle,  la  dernière  période  offre  une  moyenne  d'exporta- 
tion s'élevant  à  plus  de  18  millions  de  francs. 

Le  coton  et  les  cuirs  présentent  une  exportation  sujette  à  des 
oscillations. 

Pour  le  coton,  le  Brésil  a  surtout  développé  sa  production 
alors  que  les  États-Unis,  engagés  dans  la  guerre  de  sécession, 
ne  pouvaient  pas  approvisionner  les  marchés  européens.  A  cette 
époque  (1864-69),  le  Brésil  parvint  à  une  exportation  de  près  de 
de  98  millions  de  francs  de  coton.  Pendant  la  période  quinquen- 
nale de  1869-74,  l'exportation  se  maintint  encore  à  plus  de 
94  millions.  Depuis,  elle  a  diminué  des  deux  tiers,  et  ce  n'est 
que  maintenant  qu'elle  tend  à  se  relever. 

PRINCIPAUX    PRODUITS 

EXPORTÉS    DU    BRÉSIL,    PAR   MOYENNES    QUINQUENNALES,    DE    1839    A    1887, 
D'APRÈS    M.     P.- F.     CORREIA     DE    ARAUJO 

(Valeur  officielle  en  contos  de  réis.) 


Périodes  de  5  ans 

Café 

Sucre 

Coton 

Cuirs 

Tabac 

Caoutchouc 

1839-44 

Contos 
18.271 
21.492 
31.289 
48.850 
61.871 
73.831 
91.625 
115.960 
121.075 

Contos 
10.293 
14.994 
15.777 
22.653 
17.888 
19.806 
21.166 
22.116 
31.215 

Contos 

3.646 

3.284 

5.129 

5.955 

13.052 

34.195 

33.171 

12.017 

9.011 

Contos 
3.482 
4.868 
4.696 
7.211 
8.605 
8.919 

10.493 
8.777 
6.783 

Contos 
751 
909 
1.571 
2.592 
4.200 
4.5*2 
6.556 
5.958 
6.559 

Contos 

210 

229 

1.452 

1.967 

3.158 

5.920 

10.494 

10.493 

11.949 

1844-49 

1849-54 

1854-59 

1859-64 

1864-69 

1869-74 

1874-79 

1879-81 

Moyenne  des 
Irois  dernières  années 

1884-1887 

154.717 

17.651 

10.811 

6.018 

6.757 

9.085 

COMMERCE  ET  NAVIGATION.  457 

Pour  les  cuirs,  on  remarque  les  mômes  fluctuations.  La  pé- 
riode la  plus  solide  a  été  celle  de  1869-74,  qui  a  présenté  un 
chiffre  d'exportation  d'un  tiers  plus  élevé  que  celui  de  l'exporta- 
tion do  la  dernière  période. 

A  L'exportation,  nos  ventes  sont  faites  surtout  aux  États- 
Unis,  qui  prennent  une  grande  partie  de  nos  cafés  et  de  nos 
caoutchoucs  bruts.  A  l'importation,  nos  achats  profitent  d'abord 
aux  Anglais,  puis  aux  Français,  ensuite  aux  Allemands,  aux 
Belges,  aux  Portugais,  etc.  Mais  FAllemagne  gagne  du  terrain 
tous  les  jours,  comme  nous  le  constaterons  tout  à  l'heure,  et 
elle  a  déjà  réussi  à  battre  les  Français  sur  notre  principale  place 
commerciale,  celle  de  Rio-de-Janeiro. 


COMMERCE  INTERNATIONAL  DE  LA   PLACE  DE   RIO-DE-JANEIRO 

(En  eontos  de  réis) 

Exercice  1878-1879 

Pays                                               Importation  Exportation 

Contos  Contos 

1 .  Grande-Bretagne 3o.  132  12 .  732 

2.  France 16.984  13.000 

3.  Allemagne 8.093  10.087 

4 .  États-Unis 7 .  484  57 .  805 

5 .  Portugal 5.754  3 .  363 

6.  République  Argentine...                 5.516  1.259 

7.  Belgique 5-232  3.974 

8 .  Uruguay 4 .  420  1 .  255 

9.  Italie 900  228 

10.  Indo-Chine 245  » 

1 1 .  Autres  pays 1 .  269  2 .  358 


Total 91.029  106.061 


458 


LE    BRESIL    EN     1889 


Exercice  1886-1887 

Pays  Importation  Exportation 

Contos  Contos 

1.  Grande-Bretagne 45.425  9.123 

2.  Allemagne 13.125  13.914 

3.  France 13.124  8.294 

4.  États-Unis 9.046  62.912 

5.  Portugal 6.920  1.553 

6.  Belgique 6.203  2.627 

7.  Uruguay 4.622  782 

8.  République  Argentine...  3.109  2.571 

9.  Indo-Chine 1.012  » 

10.  Italie 1.004  1.5-22 

11.  Autres  pays 1.906  7.226 

Total  105.586  110.524 


De  Juillet  a  Décembre  1887 


Pays 

1 .  Grande-Bretagne 

2.  France  

3.  Allemagne 

4.  Uruguay 

5.  États-Unis 

6.  République  Argentine. 

7.  Portugal 

8.  Belgique 

9.  Indo-Chine 

10.  Italie 

11.  Autres  pays 

Total 


Importation 
Contos 

20.807 

6.984 

6.064 

5.357 

4.088 

3.898 

3.887 

2.989 

879 

534 

650 


56.197 


Exportation 
Contos 

2.803 
2.023 
2.698 

534 

23.000 

1.380 

501 

818 
» 

650 
5.802 

40.209 


Ce  sont  les  Anglais,  ai-jc  dit,  qui  chez  nous  occupent  d'emblée 
le  premier  rang  comme  vendeurs,  et  ce  sont  des  navires  anglais 
qui  opèrent  le  transport  de  la  plus  grande  partie  des  marchan- 
dises que  nous  achetons  au  dehors. 


COMMERCE    ET   NAVIGATION, 


439 


MOUVEMENT  DU  PORT   DE  RIO-DE-JANEIRO 

DEPUIS    10    ANS 


BNTR]  ES 

AU   LONG-COURS 

SORTIES  AU   LONG-COURS 

Année 

»s. 

Navires. 

Tonneaux. 

Années. 

Navires. 

Tonneaux. 

1879 

1.313 

1.075.847 

1879 

1.127 

1.059.115 

L880 

1.297 

1.069.186 

1880 

1.083 

1.006.719 

m 

1 

1.285 

1.125.059 

1881 

1.121 

1.117.137 

1882 

1.2S8 

1.197.671 

1882 

1.064 

1.140.439 

1883 

1.218 

1.220.332 

1883 

1.067 

1.207.821 

1884 

1.245 

1 -281.388 

1884 

1.111 

1.233.096 

1885 

1.263 

1.323.905 

1885 

1.105 

1.283.264 

188 

1.232 

1.359.993 

1886 

1.037 

1.230.443 

188' 

f 

1.102 

1.235.292 

1887 

824 

1.047.875 

1888 

1.196 

1.495.410 

1888 

1.072 

1.407.239 

ENTRÉES   PAR   CABOTAGE 

SORTIES  PAR  CABOTAGE 

Années. 

Voiliers 

Vapeurs 

Total. 

Tonneaux. 

Années. 

Voiliers 

Vapeurs 

Total. 

Tonneaux. 

1^79 

1.089 

539 

1.628 

513.564 

1879 

1.316 

541 

1.857 

601.790 

1880 

919 

490 

1.409 

449.906 

1880 

1.141 

491 

1.632 

511.448 

1881 

8S0 

576 

1.456 

450.662 

1881 

1.100 

531 

1.631 

519.019 

834 

605 

1.439 

400.130 

1882 

1.040 

602 

1.642 

535.558 

1883 

81 6 

598 

1.414 

454.739 

1883 

999 

589 

1.588 

540.891 

1884 

764 

582 

1.346 

470.251 

1884 

913 

586 

1.499 

518.833 

1885 

7>2 

617 

1.399 

478.879 

1885 

966 

614 

1.580 

540.939 

1886 

686 

661 

1.347 

489.487 

1886 

831 

669 

1.500 

570.987 

1881 

578 

625 

1.203 

502.452 

1887 

833 

678 

1.514 

650.698 

1888 

475 

671 

1.146 

560.238 

1888 

685 

694 

1.379 

638.141 

MOUVEMENT   DU    PORT   DE    RIO-DE-JANEIRO    EN    1888 

NAVIGATION   AU   LONG   COURS 


Entrées:  1.193  navires. 
Jaugeage:  1.487.652  tonnes. 

Anglais 417 

Norvégiens 132 

Américains  du  Nord..  70 

Français 152 

Allemands 140 

Italiens 86 

Belges 50 

Portugais 39 


Sorties:  1.040  navires. 
Jaugeage:  1.369.353  tonnes. 

Anglais 376 

Norvégiens 149 

Américains  du  Nord . .  68 

Français 149 

Allemands 113 

Italiens 82 

Belges 30 

Portugais 17 


4G0 


LE    BRESIL     EN     1889. 


NAVIGATION   DE    CABOTAGE 


Entrées  :  1 .279  navires. 
Jaugeage:  5G0.619  tonnes. 

Brésiliens 959 

Anglais 98 

Allemands 72 

Français 35 

Norwégiens 28 

Suédois 18 

Portugais 14 

Danois 14 

Américains  du  Nord..  17 

Italiens 8 


Sorties:  1.3G1  navires. 
Jaugeage:  634. 0G3  tonnes. 

Brésiliens 944 

Anglais 132 

Allemands 85 

Français 37 

Norwégiens 33 

Suédois 17 

Portugais 31 

Danois 15 

Américains  du  Nord..  34 

Italiens 7 


Cette  suprématie  des  Anglais  comme  vendeurs  sur  nos  marchés 
s'explique  tout  naturellement.  L'Angleterre  est  devenue  maîtresse 
de  nos  places  d'importation;  elle  y  vend  largement  ses  tissus  de 
coton  et  de  laine,  ses  fers,  ses  aciers,  ses  charbons,  parce  qu'elle 
ne  craint  pas  d'aventurer  ses  capitaux,  parce  qu'elle  ouvre  des 
crédits  assez  larges  à  ses  clients,  parce  qu'elle  connaît  la  solidité 
et  l'élasticité  des  finances  du  Brésil,  dont  les  principaux  fonds  ne 
sont  môme  pas  cotés  à  la  Bourse  de  Paris  !  Les  Anglais,  depuis 
plus  d'un  demi-siècle,  se  sont  fait  les  commanditaires  de  toutes 
nos  grandes  entreprises.  C'est  sur  la  place  de  Londres  que  nous 
réalisons  les  grandes  opérations  de  crédit  qu'exige  le  per- 
fectionnement de  notre  outillage  national.  C'est  là  que  nous 
payons  les  coupons  de  notre  dette  extérieure,  et  nous  y  entre- 
tenons même  une  succursale  de  notre  Trésor. 

En  agissant  de  la  sorte,  ils  n'ont  cherché  que  leurs  intérêts, 
mais  l'événement  a  prouvé  qu'ils  ne  s'étaient  pas  trompés.  D'après 
la  Fortnightly  Revicw,  «  des  centaines  de  millions,  prêtés  ou  placés 
pendant  les  années  de  fièvre  financière,  par  les  capitalistes  an- 
glais, la  plus  grande  partie  a  été  envoyée  dans  le  Nouveau- 
Monde,  et  y  a  été  jetée  en  pure  perte.  Même  les  États-Unis,  sol- 
vables  comme  nation,  ont  négligé  de  payer  les  intérêts  d'une 
bonne  partie  des  capitaux  britanniques  engagés  dans  leurs  che- 
mins de  fer.  S'il  en  a  été  ainsi   dans  la  grande  République,  c'est 


COMMERCE  ET   NAVIGATION.  461 

bien  pis  dans  les  autres  contrées  de  l'Amérique  :  Mexique,  Pérou, 
Uruguay,  Guatemala,  Honduras,  Costa-Rica,  Equateur,  Bolivie, 
autant  de  noms  devenus  synonymes  de  banqueroute  ou  d'insol- 
vabilité. Aussi  le  plus  souvent  le  capitaliste  a-t-il  enveloppé  dans 
la  même  défiance  toutes  les  affaires  sud-américaines,  les  bonnes, 
les  mauvaises  et  les  médiocres.  11  a  trop  oublié  les  exceptions  à 
cette  règle.  Le  Brésil,  par  exemple,  a  toujours  fidèlement  rempli 
s,--  engagements.  »  Et  la  Revue  anglaise  ajoute,  en  guise  de 
conclusion  :  «  Dans  les  chemins  de  fer  du  Brésil  seulement,  les 
capitalistes  anglais  ont  gagné,  depuis  trente  ans,  la  somme 
énorme  de  135  millions  de  francs,  qui  leur  rapporte  6  à  7  pour 
100  d'intérêts.  » 

En  somme,  le  commerce  anglais  avec  le  Brésil  s'élève  à 
30-4  millions  de  francs  par  an,  dont  128  millions  d'importations 
du  Brésil  et  176  millions  d'exportations  pour  le  Brésil. 

La  France  ne  fait  avec  nous  que  pour  178  millions  de  francs 
d'affaires  :  elle  achète  au  Brésil  pour  82  millions  de  produits  — 
46  millions  de  moins  que  l'Angleterre,  43  millions  de  moins  que 
les  États-Unis;  et  elle  vend  au  Brésil  pour  96  millions  de  francs, 
14  millions  de  plus  quelle  n'y  achète,  80  millions  de  moins  que 
l'Angleterre. 

L'Allemagne  ne  vient  qu'après,  avec  un  commerce  total  de 
45  millions  de  francs,  quatre  fois  inférieur  à  celui  de  la  France. 

Quant  aux  États-Unis,  nous  leur  vendons  beaucoup  plus  que 
nous  leur  achetons.  Nos  échanges  avec  eux  s'élèvent  à  145 
millions  de  francs,  dont  125  millions  d'exportation  du  Brésil  et 
20  millions  à  peine  d'importation  pour  le  Brésil. 
Puis,  viennent  la  Belgique  et  le  Portugal. 
Avec  le  Portugal,  on  s'explique  aisément  nos  grandes  tran- 
sactions. Le  Brésil  n'est  qu'un  lambeau  de  terre  lusitanienne 
cousu  aux  flancs  de  l'Amérique  du  sud  ;  nous  parlons  sa  langue  ; 
nous  avons  son  sang  dans  les  veines  ;  il  nous  a  donné  notre 
dynastie,  notre  religion,  nos  mœurs,  notre  civilisation  ;  il  nous 
fournit  encore  les  bras  de  ses  enfants.  Mais  la  Belgique  !  Elle  fait 
avec  nous  plus  de  transactions  que  tous  les  pays  d'Europe,  à  l'ex- 
ception de  l'Angleterre  et  de  la  France,  parce  que  ce  petit  pays 
est  parvenu  à  fabriquer  des  produits  similaires  aux  nôtres,  et 
qu'il  les  vend  à  meilleur  compte,  à  cause  du  bon  marché  de  sa 
main  d'œuvre  ;  parce  qu'il  étudie  nos  affaires  :  il  y  a  peu  de  temps, 
quand  la  Compagnie  anglaise  du  gaz  de  Rio  a  vu  expirer  son 
privilège,  c'est  une  compagnie  belge  qui  l'a  remplacée. 


462  LE    BRÉSIL    i:.\    1889. 

Mais  celle  question  de  la  concurrence  demande  de  nouveaux. 
déi  eloppements. 

lu  ce  moment,  La  France  a  surtout  devant  elle  trois  concur- 
rents sérieux  sur  nos  marchés:  les  Belges,  les  Allemands  et  les 
Italiens.  Ces  deux  derniers  principalement. 

L'Italien  dispose  d'une  arme  terrible  pour  l'évincer  de  nos 
places.  L'Italien  émigré.  11  émigré  tellement  que  M.  Crispi  veut 
y  mettre  le  holà  au  moyen  d'une  loi  promulguée  le  30  dé- 
cembre 1888.  Jusqu'en  187G,  on  connaissait  peu  la  valeur 
de  l'immigrant  italien  parmi  nous.  En  ce  temps-là,  nous  n'en 
recevions  pas  un  millier  par  an.  Or,  en  1887,  nous  en  avons  reçu 
35,000  et,  dans  le  cours  de  l'année  1888,  nous  en  avons  reçu 
100.000.  Inutile  de  faire  ressortir  l'importance  de  cet  exode,  non 
seulement  pour  le  Brésil,  qui  conquiert  de  nouveaux  bras,  mais 
aussi  pour  l'Italie  qui  essaime  des  clients  pour  ses  produits  et 
pour  son  industrie,  tout  en  alimentant  sa  marine  marchande  et 
en  déversant  le  trop  plein  de  sa  population  sur  un  pays  jeune  et 
riche. 

L'Allemand,  lui  aussi,  émigré,  et  il  émigré  beaucoup.  Depuis 
de  longues  années,  il  a  appris  le  chemin  de  quelques-unes  de 
nos  provinces  du  Midi,  où  le  climat  est  plus  tempéré.  Quelques 
centaines  de  mille  d'entre  eux  se  trouvent  fixés  à  Santa-Catha- 
rina,  à  Paranâ  et  principalement  dans  le  Rio-Grande-du-Sud,  où 
leurs  descendants,  connus  sous  le  nom  de  Teutons,  sont  fort 
nombreux.  Or,  non  seulement  l'Allemand  émigré  au  Brésil,  mais 
encore  il  y  cherche  par  tous  les  moyens  des  débouchés  pour  son 
commerce.  En  1881,  les  Allemands  ont  organisé  à  Porto-Alegre, 
chef-lieu  de  la  province  de  Rio-Grande-du-Sud,  une  exposition 
destinée  à  nous  faire  connaître  les  produits  de  leurs  fabriques. 
Deux  ans  après,  ils  ont  ouvert  à  Berlin  une  exposition  de  matières 
brésiliennes,  en  choisissant  de  préférence  celles  qui  pourraient 
être  utilisées  immédiatement  par  leur  industrie.  En  1886,  nou- 
velle exposition  à  Berlin,  où  figuraient,  cataloguées  avec  soin, 
toutes  les  matières  premières  de  l'Amérique  du  Sud.  Toutes  ces 
tentatives  ont  été  faites  par  l'initiative  privée,  sans  aucune  aide 
de  notre  part. 

Ce  n'est  pas  tout. 

En  1887,  j'ai  eu  la  bonne  fortune  de  parcourir,  un  peu  à  la 
vapeur,  il  est  vrai  —  sans  jeu  de  mots  —  treize  provinces  du 
Brésil.  Dans  l'une  des  plus  reculées;  j'ai  trouvé  trois  voyageurs 
de  commerce.  Ils  étaient  tous  Français,  mais  deux  d'entre  eux 


COMMERCE   ET   NAVIGATION.  463 

voyageaient  pour  le  compte  de  maisons  allemandes  de  Paris.  Seul 
Le  troisième  voyageur  parcourait  notre  pays  pour  la  maison 
Annulée  Prince  et  Cie. 

Quelles  sont  les  ronséquences  de  cette  propagande  aussi  active 
qu'intelligente  ?  —  En  1883,  la  France  vendait  à  notre  pre- 
mier marché,  à  celui  de  Rio-de-Janeiro,  des  marchandises 
pour  une  valeur  annuelle  de  42  millions  de  francs,  l'Allemagne 
n'y  vendait  que  pour 21  millions  de  francs,  juste  la  moitié.  Or, 
pondant  l'année  1887,  l'Allemagne  a  atteint  le  chiffre  des  ventes 
delà  France  à  Rio-de-Janeiro;    elle  a   même  dépassé  un  peu  ce 

chiffre. 

Ces  phénomènes  économiques  ne  sont  pas  l'effet  du  hasard  ou 
de  L'intrigue.  Ils  ont  des  causes  naturelles,  fatales.  Un  peuple  ne 
maintient  ses  débouchés  commerciaux  dans  les  pays  neufs  et 
lointains  que  de  deux  manières  :  en  leur  fournissant  des  capitaux 
ou  en  leur  envoyant  des  bras.  L'Italie,  le  Portugal  et  l'Allemagne 
nous  donnent  les  bras  dont  nous  avons  besoin.  L'Angleterre 
nous  fournit  les  capitaux  nécessaires  à  notre  outillage.  La  France 
ne  nous  fournit  ni  bras  ni  capitaux.  Bien  plus  :  une  circulaire  du 
Gouvernement  du  16  mai  interdit  l'émigration  pour  le  Brésil,  et 
notre  principal  article  d'exportation,  le  café,  est  frappé  en  France 
du  droit  exhorbitant  de  1  fr.  56  par  kilogr. 

Or,  qui  dit  commerce  dit  échange,  et  les  échanges  ne  sont 
dictés  que  par  l'intérêt. 

La  France  agira  donc  sagement  en  supprimant  cette  prohibition 
qui  n'a  eu  sa  raison  d'être  que  dans  le  caprice  d'un  ministre,  et 
en  étudiant  les  moyens  de  dégrever  un  peu  le  café.  Qu'elle  ne 
craigne  rien,  d'ailleurs  :  nous  ne  lui  demanderons  pas  des 
émigrants.  Nous  savons  que,  malheureusement,  elle  n'est  pas  en 
mesure  de  nous  en  fournir.  La  France  a  trop  oublié  cet  axiome 
démographique  :  la  natalité  d'un  peuple  est  en  raison  directe  de 
son  émigration.  L'Italien  émigré  dans  des  proportions  considé- 
rables, et  la  population  du  royaume  croît  tous  les  jours.  L'Alle- 
mand émigré  et  la  population  de  l'empire  ne  cesse  d'augmenter. 
L'Anglais  est  partout  dans  le  monde,  et  la  population  de  la 
Grande-Bretagne  n'en  souffre  pas.  Il  y  a  moins  de  deux  siècles, 
lorsque  les  Français  émigraient  hardiment,  la  population  de  la 
France  représentait  38  pour  100  des  habitants  de  l'Europe.  De  nos 
jours,  ils  sont  devenus  casaniers,  et  la  population  de  la  France  ne 
représente  plus  que  11  pour  100  de  l'ensemble  de  la  population 
européenne. 


40  I  LE  BRÉSIL  EN  1  880. 

Et,  cependant,  les  Français  n'ont  pas  dégénéré.  Ils  sont  tou- 
jours  les  intrépides  pionniers  d'autrefois,  et  je  Tais  en  donner  an 
exemple  consolateur. 

11  y  a  dans  L'Amérique  du  Sud  deux  régions  situées  à  côté 
l'une  de  l'autre,  même  milieu,  climat  à  peu  près  identique.  L'une 
appartient  au  Brésil  ;  c'est  l'Amazonie.  L'autre  appartient  à  la 
France,  c'est  La  Guyane  française.  lié  bien;  les  Français  ont 
échoué  en  Guyane;  mais  ils  ont  réussi  en  Amazonie.  Là  où  la 
France  a  prodigué,  sans  compter,  son  sang  et  son  or,  elle  n'a 
obtenu  que  les  plus  maigres  résultats.  Là,  au  contraire,  où  elle 
n'a  rien  dépensé  pour  son  profit  ou  pour  sa  gloire,  elle  a  un 
peuple  ami  qui  comprend  sa  langue,  qui  lit  ses  livres,  qui  sou- 
haite le  développement  pacifique  de  son  influence  morale,  et  qui 
va  chercher  ses  colons  commerciaux  et  industriels  en  France, 
pendant  qu'à  Cayenue,  hier  encore,  on  parlait  d'aller  les  cher- 
cher parmi  les  coolies.  A  Para  et  à  Manâos,  sur  le  territoire  brési- 
lien, il  y  a  plus  de  maisons  françaises  que  dans  la  Guyane,  et  la 
France  fait  quatre  fois  plus  de  commerce  avec  l'Amazonie  brési- 
lienne qu'avec  la  colonie  d'à  côté. 

Et  remarquez  que  dans  toute  cette  région  brésilienne  riche, 
prospère,  vivante,  la  République  possède  — non,  on  ne  le  croirait 
pas  !  —  un  agent  consulaire  !  même  pas  un  vice-consul  rétribué  ! 

Et,  après  tous  ces  faits,  on  s'étonne  que  la  Belgique,  que  le 
petit  Portugal,  que  l'Italie,  que  l'Allemagne  parviennent  à  évincer 
la  France  peu  à  peu  de  nos  marchés!  Il  faudrait  plutôt  s'étonner 
du  chiffre  relativement  considérable  de  ses  transactions  avec  le 
Brésil.  Il  faudrait  plutôt  se  demander  pourquoi  elle  nous  vend, 
en  1884,  pour  62  millions  1/2  de  marchandises,  autant  qu'à  toutes 
ses  colonies  réunies,  l'Algérie  exceptée.  Il  faudrait  plutôt  se 
demander  pourquoi  elle  nous  vend,  à  nous  qui  sommes  si  loin,  à 
nous  qui  ne  comptons  que  14  millions  d'habitants,  à  nous  qui 
vivons  tant  dédaignés,  presque  quatre  fois  autant  qu'à  la  puis- 
sante Russie,  qui  est  à  ses  portes,  qui  compte  100  millions  d'habi- 
tants, qui  est  choyée  et  prônée  de  tous  côtés.  Car  si,  en  188 i, 
elle  a  exporté  au  Brésil  des  marchandises  pour  une  valeur  de  62 
millions  1/2,  elle  n'a  exporté  en  Russie,  pendant  la  même  année, 
que  pour  une  valeur  de  13  millions,  presque  autant  que  pour  la 
Grèce! 

Si  elle  garde  encore  une  excellente  situation  dans  nos  tableaux 
d'importation,  sj  sa  clientèle  parmi  nous  n'a  pas  diminué  davan- 


COMMERCE  ET   NAVIGATION.  465 

tage,  c'est  qu'elle  possède  encore  deux  sortes  de  commis  voya- 
geurs qui  la  font  connaître. 

Les  premiers,  ce  sont  ses  hommes  de  lettres  :  ses  roman- 
ciers admirables,  ses  inimitables  auteurs  dramatiques.  Ils  expor- 
tent les  idées  françaises,  un  article  très  demandé;  et,  par  la 
trouée  que  font  leurs  œuvres,  passent  les  ballots  de  marchan- 
dises. Ces  hommes  de  plume  font  plus  pour  son  commerce  que 
toutes  ses  chambres  syndicales  et  que  tout  son  corps  consulaire, 
et  si  la  rue  du  Sentier  était  reconnaissante,  elle  leur  donnerait 
une  participation  dans  ses  bénéfices. 

Les  seconds,  ce  sont  nous,  les  Brésiliens,  qui  avons  été  élevés 
dans  ce  pays,  qui  avons  appris  sa  belle  langue,  qui  aimons  son 
hespitalité  charmante,  et  qui  gardons  éternellement  le  goût  inou- 
bliable des  choses  françaises. 

Les  Français  ne  viennent  guère  chez  nous,  ou,  s'ils  s'y  mon- 
trent parfois,  c'est  pour  donner,  à  leur  retour,  une  caricature  de 
notre  pays,  comme  celles  de  feu  Biart  et  de  feu  Gustave  Aymard. 
C'est  même  un  fait  remarquable  que  toutes  les  publications 
récentes  sur  le  Brésil,  faites  par  des  voyageurs  français,  à  l'excep- 
tion de  celles  de  M.  Coudreau,  sont  infiniment  inférieures  aux  tra- 
vaux de  Ferdinand  Denis  et  d'Aug.  de  Saint-Hilaire,  parus  il  y  a 
plus  d'un  demi-siècle. 

Mais  le  Brésil  marche,  et  heureux  ceux  qui  s'associeront  à  son 
essor!  Incessu  patuit  deus. 


30 


DIAGRAMME  DE  LA  VALEUR  DU  COMMERCE  EXTERIEUR 

ET  DE  L'EXPORTATION  ET  DE  L'IMPORTATION  SÉPARÉMENT,  DEPUIS  L'ANNÉE  1S34-35 


4G5  bis. 

DU  BRÉSIL 

JUSQU'A  L'EXERCICE  1884-85 


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CHAPITRE  XV 


POSTES,  TÉLÉGRAPHES  ET  TÉLÉPHONES1 


Par   M-    F-J.    DE    SANTA-ANNA   NERY 


Dans  le  Brésil  colonial,  le  service  des  postes  était  chose 
inconnue.  Au  Brésil  comme  en  Portugal,  l'exploitation  du  service 
des  courriers  était  confiée  jusqu'à  la  fin  du  xvmc  siècle  à  des 
particuliers,  et  la  familles  Gomes  da  Motta  en  avait  le  monopole. 
C'est  en  1797  seulement  que  ce  service  resta  à  la  charge  du  minis- 
tère des  affaires  étrangères  de  Portugal.  Lorque  la  Cour  portu- 
gaise alla  s'établir  à  Rio-de-Janeiro  en  1808,  un  semblant  de 
service  postal  fut  organisé  et  commença  à  fonctionner  dans  le 
Palais  de  la  ville  (Paço  da  Cidade).  Plus  tard,  on  le  transporta  au 
Palais  des  gouverneurs,  édifice  situé  dans  la  rue  Direita  (aujour- 
d'hui rue  1°  de  Marco),  et  qui  n'existe  plus.  Ily  resta  jusqu'en  1878» 
On  installa  alors  la  direction  générale  des  postes  dans  le  bâtiment 
où  elle  se  trouve  encore  aujourd'hui,  et  que  l'on  a  édifié  à  grands 
frais  dans  ce  but. 

C'est  depuis  1844  seulement  que  le  service  de  la  distribution 
des  lettres  a  commencé  à  Rio-de-Janeiro  et  dans  les  villes. 

A  partir  de  1875,  l'administration  des  postes  a  amélioré  tous 
ses  services,  grâce  à  M.  Plinio  d'Oliveira,  et  M.  Paes-Leme  cherche 
à  les  perfectionner  davantage  tous  les  jours. 

1.  Pour  les  Postes,  nous  devons  quelques  renseignements  précieux  à 
M.  J.  Maximino  Serzedello,  qui  a  bien  voulu  nous  envoyer  une  notice  histo- 
rique sur  le  service  postal  au  Brésil.  Tous  nos  chiffres  sont  puisés  dans  les 
excellents  rapports  officiels  du  directeur  général  des  postes,  M.  Luiz  Betim 
Paes-Leme. 


4GS  LE   BRÉSIL  EN    1889. 

Outre  la  direction  générale  de  Rio-dc-Janeiro,  on  compte  dans 

tout   Le    Brésil    L9  administrations  des  postes  et  plus  de  2.000 

aces  postales,  avec  un  personnel  de  plus  de  6.000  employés. 

L'administration  des  postes  a  eu,  depuis  vingt  ans,  les  recettes 
et  les  dépenses  suivantes  calculées  en  contas  de  réis  (2.858  francs): 

Années.                                                            Recettes.  Dépenses. 

18GG-G7 517  092 

1807-08 586  757 

1868-69 039  760 

1809-70 700  733 

1870-71 718  778 

1871-72 812  966 

1872-73 882  1.022 

1873-74 942  1.119 

1871-75 1.018  1.255 

1873-76  1.044  1.431 

1876-77   1.092  1.491 

1877-78 1.146  1.617 

1878-79 1.214  1.718 

1879-80 1.303  1.724 

1880-81 1.442  1.687 

1881-82 1.514  1.814 

1882-83 1.647  2.154 

1883-84 1.718  2.260 

1884-85 1.999  2.267 

1S85-86 1.897  2.393 

1886-87* 3.064  3.325 


A  première  vue,  il  semble  qu'il  y  ait,  tous  les  ans,  un  déficit 
plus  ou  moins  considérable.  11  n'en  est  rien  cependant,  car  les 
recettes  ne  comprennent  pas  le  transport  gratuit  de  toute  la 
correspondance  officielle,  laquelle  représente  plus  de  30  pour  100 
de  toute  la  correspondance  transportée.  Depuis  cinq  ans,  les 
recettes  de  l'administration  des  postes  ont  augmenté  de  102 
pour  100. 

Le  mouvement  des  mandais  postaux  se  répartit  comme  suit: 

1.  Trois  semestres. 


POSTES.  TÉLÉGRAPHES  ET  TÉLÉPHONES. 


469, 


Années.  Nombre. 

1866-67 33 

1867-68 *63 

1868-69 408 

1869-70 458 

1870-71 568 

1871-72 780 

1872-73 983 

1873-74 1.205 

1874-75 1.250 

1875-70 1.393 

1876-77 1.850 

1877-78 3.176 

1878-79 3.674 

1879-80 4.499 

1880-81 8.084 

1881-82 9.663 

1882-83 11.324 

1883-84 

1884-85 

1885-86 

1886-87 


Montant  en  contos  de  réis 

2 

9 

20 

24 

30 

45 

52 

64 

63 

73 

105 

174 

189 

236 

628 

841 

1.042 

1.236 

1.033 


1.712 


Yoici  également  le  mouvement  de  la  correspondance  pendant 
les  sept  dernières  années  : 


Années. 

Réceptions. 

Expéditions. 

1880-81   

8.811.257 

11.578.740 

1881-82   

9.883.701 

13.699.649 

1882-83   

11.061.558 

13.150.693 

1883-84   

» 

» 

1884-85 

13.222.856 

19.153.769 

1885-86   

.     14.674.162 

20.302.721 

1886-87   

.     23.336.420 

32.233.686 

Depuis  l'année  1880-81,  le  mouvement  des  correspondances  a 
triplé. 


470  LE     BRÉSIL     EN     18S9. 

D'après  le  Rapport  présenté  au  Parlement,  en  mai  1888,  par 

Le  ministre  de  l'agriculture,  du  commerce  et  des  travaux  publics, 
M.  Rodrigo  Augusto  da  Silva,  les  lignes  télégraphiques  alors 
existantes  mesuraient  l'étendue  totale  de  10.033  kilomètres 
111  mètres,  ayant  un  développement  de  18.3G3  kilomètres 
902  mètres  de  fils,  reliant  entre  elles  170  stations,  depuis 
Jaguarâo,  sur  la  frontière  du  Brésil  avec  la  République  orientale 
de  l'Uruguay,  jusqu'à  Belem,  chef-lieu  de  la  province  de  Para,  à 
l'embouchure  de  l'Amazone.  La  ligne  générale,  dont  se  détachent 
différents  embranchements,  dessert  tout  le  littoral  de  l'Empire  : 
à  Uruguayana  et  à  Jaguarâo  elle  se  relie  aux  lignes  télégraphi- 
ques de  la  République  de  l'Uruguay  et  de  la  République  Argen- 
tine. De  Jaguarâo  à  Belem  la  ligne  mesure  6.903  kilomètres 
560  mètres  d'étendue,  avec  le  développement  de  13.262  kilo- 
mètres 33  mètres  de  fils  ;  sur  ce  parcours,  on  trouve  170 
stations,  comprenant  47  kilomètres  684  mètres  de  câbles 
servant  à  traverser  des  fleuves,  des  baies  et  des  estuaires,  à 
Pelotas,  Porto-Alegre,  Estreito  (Santa-Catharina),  Itajahy,  Santos, 
la  baie  de  Rio,  Mangaratiba,  et  les  rios  de  Sâo-Joâo  et  de  San- 
Francisco  (nord). 

Les  seuls  chefs-lieux  de  province  qui  ne  soient  pas  encore 
desservis  par  le  télégraphe  sont  ceux  des  provinces  de  Matto- 
Grosso,  Goyaz  et  Amazonas.  Mais,  on  pousse  activement  la  cons- 
truction de  la  ligne  qui  doit  relier  San-Paulo  à  Cuyabâ  (Matlo- 
Grosso),  et  une  concession  a  été  demandée  pour  une  ligne  qui 
irait  jusqu'à  Manâos  (Amazonas). 

Outre  ces  lignes,  appartenant  à  l'État,  le  Brésil  possède  un 
certain  nombre  de  lignes  télégraphiques  appartenant  aux  Com- 
pagnies de  chemins  de  fer.  On  calcule  qu'elles  possèdent  ensemble 
un  réseau  de  7.000  kilomètres  de  lignes. 

Le  Brésil  se  trouve  relié  à  l'Amérique  du  Sud  par  un  câble 
sous-marin  qui  va  de  Belem  (Para)  à  Montevideo  (République  de 
l'Uruguay)  ;  à  l'Europe,  par  un  câble  sous-marin,  qui  va  de  Récife 
(Pernambuco)  à  Lisbonne,  et  il  le  sera  bientôt  avec  les  États- 
Unis  par  un  câble  allant  de  Vizeu  (Para)  à  New- York,  par  la 
Guyane  et  les  Antilles. 

Le  tableau  suivant  fait  connaître  le  nombre  de  télégrammes, 
le  nombre  de  mots,  la  recette  totale  et  l'excédant  des  dépenses 
sur  les  recettes,  depuis  26  ans.  Le  calcul  est  lait  en  cenios  de 
rcis,  chaque  conto  valant  2.858  francs  en  moyenne  : 


POSTES,  TÉLÉGRAPHES  ET  TÉLÉPHONES 


471 


LIGNES  TÉLÉGRAPHIQUES   DE  L'ÉTAT 


Excédant 

Anr. 

Télégrammes. 

Mots. 

Recettes. 

des  dépenses. 
1 

contosderéis. 

conto%. 

1861-68 

233 

5.544 

'828.140 

'4l 

-63 

1.932 

54.991 

2 

79 

1 B63-64 

2.190 

58.737 

3 

68 

1864-65 

3.709 

87.225 

5 

535 

1865-66 

3.0S8 

77.625 

6 

278 

1666-67 

11.353 

414.509 

26 

182 

1861 

34.690 

539.290 

39 

181 

1868-69 

34.465 

916.718 

73 

170 

9-76 

45.792 

1.133.095 

112 

208 

1870-71 

44.775 

1.091.103 

128 

647 

1871-72 

53.173 

1.250.721 

141 

1.060 

1872-73 

89.165 

1.945.679 

168 

1.019 

1873-74 

72.344 

1.599.409 

175 

1.445 

1874-75 

103.689 

2.263.819 

253 

1.340 

1^75-76 

119.358 

2.516.500 

293 

1.022 

1876-77 

140.030 

2.923.666 

370 

866 

1S77-7S 

182.011 

3.696.652 

558 

623 

1S7S-79 

232.022 

4.307.592 

877 

587 

1879-80 

254.416 

4.558.739 

768 

458 

1880-81 

284.690 

4.989.269 

951 

392 

1881-82 

383.147 

6.398.600 

1.242 

661 

1882-83 

338.053 

5.307.823 

1.225 

740 

1883-84 

331.884 

4.906.084 

1.039 

764 

1884-85 

367.799 

5.598.816 

1.345 

1885-S6 

390.277 

5.540.398 

1.219 

1.381 

1886-87 

528.161 

6.972.962 

1.482 

940 

4.555.416 

12.500,328.140 

15.757 

Pendant  les  quinze  mois  écoulés  de  juillet  1886  à  septembre 
1887,  le  nombre  des  télégrammes  de  on  pour  l'Europe,  les  Indes 
Orientales,  les  États-Unis  et  les  Indes  Occidentales,  transmis  ou 
reçus,  viâRécife,  a  été  de  10.832,  avec  92.122  mots.  Pendant  la 
même  période,  le  nombre  des  télégrammes  de  ou  pour  les  Répu- 
bliques de  l'Amérique  du  Sud,  transmis  ou  reçus,  via  Jaguarâo  et 
Uruguayana,  a  été  de  10.242,  avec  117.494  mots.  En  transit,  il  a 
été  transmis  du  nord  au  sud  du  Brésil  et  vice-versâ,  à  la  même 
époque,  2.767  télégrammes,  avec  25.885  mots.  A  l'intérieur  même 
du  Brésil,  le  nombre  des  télégrammes  a  été  de  504.320  avec 
6.737.391  mots. 

Le  service  téléphonique,  confié  à  des  Compagnies  particulières, 
fonctionne  dans  presque  toutes  les  villes  un  peu  importantes  du 


472  LE     BRÉSIL     EN     1889. 

Brésil.  On  peut  même  affirmer  que  ce  mode  de  communication 
est  relativement  beaucoup  plus  répandu  au  Brésil  qu'en  France. 
Le  téléphone  est  d'un  usage  ordinaire  jusqu'en  Amazonie.  On  a 
commencé  à  Maceiô,  chef-lieu  de  la  province  d'Alagôas,  à  com- 
biner le  service  téléphonique  avec  le  service  télégraphique.  Cet 
essai  ayant  pleinement  réussi,  le  ministre  de  l'agriculture  a  donné 
les  ordres  nécessaires  pour  que  l'essai  soit  généralisé. 


CHAPITRE     XVI 


IMMIGRATION 


Par  M.  E.  da  SILVA-PRADO 


Ce  serait  écrire  l'histoire  du  Brésil  que  d'écrire  l'histoire  de 
l'immigration  dans  le  territoire  de  ce  pays. 

La  très  grande  majorité  des  quatorze  millions  d'habitants  du 
Brésil  est  composée  de  descendants  ou  de  représentants  des 
races  de  l'ancien  monde  qui  sont  venues  faire  souche  au  Brésil. 
L'exislence  de  la  nation  brésilienne  est  la  meilleure  preuve  des 
conditions  favorables  que  ces  races  y  ont  rencontrées  pour  leur 
développement  dans  le  passé  et  pour  leur  expansion  dans  l'avenir. 

L'accroissement  de  la  population  au  Brésil  par  l'immigration 
n'a  jamais  suivi  une  progression  égale  après  la  découverte  du 
pays.  On  n'émigrait  pas  d'Europe,  pendant  les  trois  derniers  siècles, 
comme  on  émigré  aujourd'hui.  Les  pays  européens  n'avaient  pas 
le  trop  plein  d'habitants  qu'ils  déversent  aujourd'hui  sur  les 
régions  de  l'Amérique  et  de  l'Australie;  le  paysan  était  plus  ou 
moins  asservi  et  attaché  au  sol  ;  la  concurrence  et  les  machines 
remplaçant  l'homme  n'avaient  pas  encore  réduit  l'ouvrier  des 
villes  à  manquer  de  travail.  D'ailleurs,  les  moyens  de  communi- 
cation entre  le  Brésil  et  l'ancien  monde  étaient  loin  d'être 
aussi  nombreux  et  aussi  faciles  qu'ils  le  sont  aujourd'hui. 

Le  Portugal  défendait  l'abord  du  Brésil  aux  étrangers,  et  le 
pays  ne  se  peuplait  que  fort  lentement  par  des  colons  portugais 
qui  bientôt  y  amenèrent  des  nègres  d'Afrique  dont  ils  firent  des 
esclaves. 


474  LE    BRÉSIL    EN     1889. 

La  conquête  du  Portugal,  par  Philippe  II,  eu  1380,  ouvrit 
le  Brésil  aux  Espagnols  eL  aux  autres  suiels  de  ce  roi  venus  des 
Flandres  et  de  l'Italie. 

Les  Français  ne  laissèrent  pas  de  trace  de  leurs  tentatives 
coloniales  au  xvi°  et  au  xvn°  siècles. 

Les  guerres  contre  les  Hollandaisqui,delG24àl654,  attaquèrent 
le  nord  du  Brésil  et  s'y  établirent,  amenèrent  au  Brésil  un  grand 
nombre  de  sujets  des  Républiques-Unies  et  d'étrangers  d'autres 
pays  que  la  Hollande  accueillait  toujours  en  ce  temps-là.  Un  certain 
nombre  de  juifs  portugais  s'étaient  établis  au  Brésil,  et  ils  ont 
contribué  à  attirer  les  Hollandais,  qu'ils  favorisaient  contre  les 
Portugais  catholiques,  leurs  compatriotes.  Mais  les  Hollandais, 
qui  n'ont  jamais  fondé  que  des  colonies  de  rapport  et  de  com- 
merce, sans  les  peupler,  à  l'exception  d'une  partie  du  Gap  de 
Bonne-Espérance,  n'auraient  probablement  pas  peuplé  le  nord 
du  Brésil.  Cependant,  à  la  fin  de  ces  guerres  coloniales,  des 
Hollandais  et  leurs  descendants,  dont  on  ne  saurait  estimer  exac- 
tement le  nombre,  très  restreint  d'ailleurs,  sont  restés  au  Brésil. 

Les  noyaux  de  population  portugaise  qui  s'étaient  établis  sur 
la  côte,  grandissaient  cependant,  et  cette  population  a  donné  les 
explorateurs  de  l'intérieur  du  Brésil.  Poussés  par  le  désir  de 
découvrir  les  mines  d'or  qu'on  signalait  à  l'intérieur,  et  aussi 
par  le  besoin  de  capturer  des  Indiens  qu'ils  réduisaient  en  escla- 
vage pour  cultiver  les  terres,  ces  explorateurs  firent,  avec  une 
rapidité  étonnante,  la  découverte  du  pays.  Ce  furent  surtout  les 
colons  du  sud  du  Brésil,  connus  sous  le  nom  de  Paulislas,  qui 
firent  le  plus  grand  nombre  et  les  plus  lointaines  de  ces  expé- 
ditions lesquelles  permirent  à  la  population  de  ne  pas  rester  sur 
les  côtes  et  de  s'éparpiller  dans  toutes  les  directions,  gagnant 
en  étendue,  sur  tout  le  territoire,  ce  qu'elle  perdait  en  densité 
dans  certaines  régions. 

L'Indien  commença  à  disparaître.  Les  nègres  qu'on  importait 
d'Afrique  mouraient  en  grand  nombre  et  se  reproduisaient  peu 
dans  l'esclavage.  Bien  que  l'étendue  territoriale  permît  l'accroisse- 
ment naturel  de  la  population  dans  une  proportion  fort  élevée, 
l'augmentation  du  nombre  des  habitants  du  Brésil  était  toujours 
insignifiante,  l'immigration  ne  contribuant  que  fort  peu  à  cette 
augmentation.  Le  Portugal  jusqu'alors  n'avait  envoyé  au  Brésil 
que  peu  de  colons,  quelques  condamnés  ou  des  soldats.  Les  pre- 
miers pour  peupler  la  terre,  ceux-ci  pour  l'empêcher  de  tomber 
dans  les  mains  des  Français,   des  Hollandais  et  des  Espagnols. 


IMMIGRATION. 


475 


Cependant,  des  considérations  politiques,  basées  sur  le  besoin 
d'étendre  Les  domaines  du  roi  de  Portugal  et  d'empêcher  les 
empiétements  des  Espagnols,  agirent  sur  l'esprit  de  la  cour  de 
Lisbonne  dans  un  sens  favorable  à  la  colonisation  du  Brésil.  On 
pensa  alors  devoir  encourager  cette  colonisation,  surtout  sur  les 
frontières,  en  organisant,  au  nord  et  au  sud,  des  établissements 
mixtes  où  l'on  érigeait  des  forts  et  où  Ton  amenait,  souvent  par 
force,  des  familles  destinées  à  fonder  une  colonie.  Parfois,  cette 
'o(odi3  ne  tardait  pas  n  disparaître,  car  elle  ne  se  trouvait  pas 
mes  conditions  do  développement,  soit  parce  qu'elle 
était  trop  éloignée  et  n'avait  pas  des  moyens  de  communication 
avec  le  reste  du  pays,  soit  parce  qu'elle  se  trouvait  située  sur  un 
point  excellent  peut-être  sous  le  rapport  stratégique,  mais  peu 
favorable  aux  cultures.  D'ailleurs,  ces  familles  qu'on  transpor- 
tait vers  des  régions  lointaines  étaient  souvent  prises  au  sein  de 
la  population  brésilienne  déjà  établie  ailleurs,  de  sorte  que  ces 
essais  de  colonisation  n'ont  contribué  en  rien  à  l'augmentation  de 
la  population  du  Brésil. 

Une  expérience  sur  une  échelle  plus  considérable  fut  faite 
au  siècle  dernier,  à  Santa-Catharina  et  à  Rio-Grande.  Le  gouver- 
neur, le  général  Silva-Paes,  proposa  au  roi  Jean  V  de  faire  venir 
des  Açores  quatre  mille  familles. 

Le  roi,  par  un  décret  du  31  août  1744,  ordonna  donc  que 
quatre  mille  familles  seraient  transportées  de  Madère  et  des  Açores 
à  Santa-Catharina  et  sur  le  continent  de  Rio-Grande.  On  afficha  dans 
toutes  ces  îles  des  édits,  par  lesquels  on  promettait  à  ceux  de 
leurs  habitants  qui  seraient  disposés  à  participer  à  cette  colo- 
nisation, non  seulement  le  transport  aux  frais  de  l'État,  mais 
des  secours,  des  instruments  d'agriculture,  et  d'autres  avan- 
tages, à  la  condition  que  les  hommes  n'eussent  pas  plus  de  qua- 
rante ans  et  les  femmes  plus  de  trente.  Aussitôt  que  ces  immi- 
grants auraient  débarqué  au  Brésil ,  on  paierait  une  prime  de 
2.400  réis  à  chaque  femme  mariée  ou  fille  âgée  de  plus  de  douze 
ans  et  de  moins  de  vingt-cinq,  et  aux  familles  qui  transporte- 
raient des  fils,  1.000  réis  par  chaque  fils.  On  donnerait  en  outre 
à  chaque  famille  un  fusil,  deux  bêches,  une  hache,  une  ermi- 
nette,  un  marteau,  un  coutelas,  deux  couteaux,  deux  ciseaux, 
deux  vrilles,  une  scie,  une  lime,  deux  boisseaux  de  semences, 
deux  vaches,  une  jument,  et,  durant  la  première  année,  toute 
la  farine  nécessaire  à  leur  entretien.  Outre  ces  dons,  on  accor- 
derait aux  hommes  l'exemption  de  service  dans  les  troupes  du 


47G  LE     BRÉSIL     EN     1889. 

roi,  et  à  chaque  famille  on  accorderait  un  quart  de  lieue  en 
carré,  etc.,  etc.,  etc.  Nous  consignons  ces  détails  pour  donner 
une  idée  de  l'intérêt  que  le  Portugal  prenait  enfin  au  peuple- 
ment de  cette  région  du  Brésil  qu'il  avait  délaissée  jusqu'alors. 

Cet  essai  de  colonisation  réussit  si  bien  et  fut  si  bien  et  si 
promptement  fait,  qu'un  écrivain  espagnol  contemporain  le 
signalait  à  son  gouvernement  comme  un  exemple  à  suivre  en 
Amérique.  «Les  Espagnols  d'Europe,  dit-il,  regardent  la  formation 
d'une  bourgade  comme  une  opération  très  dispendieuse,  et  dans 
le  genre  de  celles  que  les  Romains  seuls  ou  de  puissants  rois 
auraient  pu  exécuter.  Cependant  les  Portugais  ont  formé  à  Santa- 
Catharina  une  bourgade  très-propre,  construite  en  bois  et  en 
paille.  Ils  n'ont  pas  mis  plus  de  six  semaines  à  cet  ouvrage  et 
ils  n'y  ont  pas  dépensé  une  demie-réale.  Pour  moi.  lorsque  j'irai 
à  Madrid,  je  souhaite  trouver  dans  mon  auberge  la  moitié  des 
commodités  que  j'avais  dans  ce  désert  {.  » 

L'invasion  espagnole  en  1777  mit  à  une  rude  épreuve  cette 
colonie,  mais  elle  a  survécu  à  ce  désastre;  l'esclavage  n'y  fut  pas 
d'abord  introduit  dans  une  aussi  grande  échelle  que  dans  d'autres 
provinces  ;  le  travail  y  échappa  au  deshonneur  qui  a  toujours  été 
pour  lui  la  suite  de  l'esclavage,  et  l'influence  de  ce  fait  s'est 
toujours  maintenue  dans  la  province  de  Santa-Catharina,  où,  en 
1872,  sur  100  habitants  il  y  avait  78  blancs,  proportion  bien  plus 
élevée  que  dans  toutes  les  provinces  du  Brésil,  plus  élevée  même 
que  dans  celle  de  San-Paulo,  où  la  proportion  des  blancs,  en  1886, 
avant  la  grande  immigration  blanche  de  1887-88,  n'était  que  de 
67,7  pour  1002. 

Malheureusement,  le  gouvernement  portugais  ne  poursuivit 
guère  la  sage  politique  qu'il  avait  inaugurée.  Bien  qu'un  diplo- 
mate brésilien  ait  affirmé  à  la  légère  que  ces  tentatives  de  colo- 
nisation dans  ces  régions  du  sud  du  Brésil  avaient  échoué, 
comme  avaient  échoué  celles  de  Catherine  II  et  de  Paul  Ier  dans 

1.  Ybanez  de  Eciieverria  :  Histoire  du  Paraguay  sous  les  Jésuites  etc.  etc. 
Amsterdam  1780.  3  vol.  Vol.  III,  page  47. 

2.  La  proportion  actuelle  des  blancs  par  rapport  aux  Indiens,  aux  nègre3 
et  aux  métis  dans  les  vingt  provinces  du  Brésil  est  la  suivante  : 

Santa-Catharina,  78  pour  100  ;  Sâo-Paulo,  67  pour  100  ;  Rio-Grande-du- 
Sud,  50  pour  100  ;  Municipe  Neutre,  55  pour  100  ;  Paranâ,  55  pour  100  ;  Rio- 
Grande-do-Norte,  43  pour  100;  Minas-Geraes,  40  pour  100;  Parahyl.a  do 
Norte  40  pour  100  ;  Rio  de  Janeiro,  3S  pour  100  ;  Ceara,  37  pour  100  ;  Pernam- 
buco,  34  pour  100  ;  Para,  33  pour  100;  Espirito-Santo,  32  pour  100;  MaranhSo, 
Goyaz,  Matto  Grosso,  28  pour  100  ;  Alagôas,  25  pour  100;  Bahia,  24  pour  100; 
Piauhy,  21  pour  100  ;  Amazonas,  19  pour  100. 


IMMIGRATION.  477 

la  Russie  Méridionale1,  on  doit  beaucoup  de  reconnaissance  au 
général  Silva-Paes,  et  il  faut  regretter  qu'il  n'ait  pas  eu  des  suc- 
cesseurs et  des  imitateurs  dignes  de  lui.  Si  l'on  avait  poursuivi 
la  réalisation  de  ses  desseins,  le  vaste  territoire  du  Brésil  aurait 
compté,  à  La  un  du  siècle  dernier,  une  population  bien  plus 
grande  que  celle  qu'on  a  pu  estimer  alors,  c'est-à-dire  3,250,000 
habitants. 

C'est  à  tort  qu'on  a  souvent  écrit  également  que  le  gouver- 
nement colonial  ne  permettait  pas  aux  étrangers  de  se  fixer  au 
Brésil.  On  rencontrait  partout,  sur  la  côte,  un  certain  nombre 
d'Allemands,  d'Anglais,  de  Hollandais,  de  Français  et  d'Italiens. 
Parmi  les  premiers  colons  on  en  trouve  plusieurs  appartenant 
à  ces  nationalités.  Mais  les  restrictions  étaient  nombreuses,  et 
tout  le  commerce  du  Brésil  avec  l'Europe,  bien  que  souvent  il 
fût  fait  par  des  navires  étrangers,  devait  forcément  passer  par 
Lisbonne,  où  il  payait  de  fortes  taxes. 

Les  étrangers  n'ayant  pas  les  moyens  de  cultiver  la  terre,  tra- 
vaillée par  les  esclaves,  et  le  commerce  leur  étant  aussi  rendu 
difficile  par  toutes  ces  entraves,  ne  pouvaient  guère  s'établir  en 
grand  nombre  au  Brésil.  Mais  en  dehors  de  ces  restrictions,  on 
ne  trouve  pas  que  d'autres  prohibitions  de  séjour  leur  aient  été 
jamais  faites,  excepté  au  siècle  dernier  dans  le  district  des  mines 
de  diamants,  d'où  la  majorité  des  Portugais  eux-mêmes  était 
exclue,  et  où,  en  1809,  le  voyageur  anglais  Mawe  fut  le  premier 
étranger  qui  obtint  la  permission  de  pénétrer. 

A  cette  époque,  eut  lieu  le  grand  événement  qui  devait  changer 
les  destinées  du  Brésil  :  l'arrivée  du  roi  du  Portugal,  qui  s'y 
réfugia  avec  sa  famille  et  sa  cour  quand  son  royaume  fut  envahi 
par  les  Français  en  1808.  L'arrivée  du  roi  fut  signalée  par  l'acte 
qui  rendit  le  commerce  du  Brésil  libre  à  toutes  les  nations.  Le 
Portugal  n'aurait  pas  pu  sagement  différer  cette  concession  faite 
à  son  temps  et  à  la  civilisation.  Mais  toute  idée  libérale,  une  fois 
appliquée,  ne  peut  que  conduire,  par  les  conséquences  qui  en 
résultent,  à  des  idées  encore  plus  larges.  Entre  la  liberté  de 
commerce  qu'on  accordait  et  le  désir  de  voir  ce  commerce  et  la 
richesse  du  pays  s'accroître  par  l'arrivée  des  étrangers  qu'on 
n'avait  fait  que  tolérer  jusqu'alors,  il  n'y  avait  pas  loin.  De  là  les 
premiers  efforts  du  roi  Jean  Yl  en  faveur  de  la  colonisation  étran- 
gère. On  ne  pouvait  pas,  devant  le  besoin  urgent  de  développer 

1.  Note  du  vicomte  d'Abrantes  au  baron  de  Canitz,  20  juillet  1846. 


478  LE    BRÉSIL    EX    1889. 

les  ressources  du  pays,  se  borner  à  envoyer  quelques  familles 
fonder  d<  colonies.  On  fit  venir  des  paysans  portugais,  renou- 
velant ainsi  ce  qu'on  avait  déjà  fait  à  Santa-Catharina  ;  mais  on 
ne  poussa  pas  loin  le  système,  car  on  ne  voulait  pas  non  plus 
dépeupler  le  Portugal  qui  avait  tant  souffert  de  l'invasion  française. 

La  majorité  de  ces  colons,  venus  de  Madère  et  des  Açores,  ainsi 
qu'il  est  arrivé  depuis  à  presque  tous  les  immigrants  portugais,  ne 
se  fixaient  pas  dans  les  parages  lointains  qu'ils  devraient  peupler; 
ils  préféraient  le  séjour  des  villes  de  la  côte.  Ainsi,  par  exemple, 
des  familles  furent  envoyées  à  Casa  Branca,  qui  est  aujourd'hui 
un  des  centres  agricoles  les  plus  riches  du  Brésil,  et  dont  le  terri- 
toire, coupé  par  une  grande  ligne  de  chemin  de  fer,  se  trouve  en 
communication  quotidienne  avec  San-Paulo  et  avec  Rio-de- 
Janeiro.  Ces  paysans  n'eurent  pas  le  courage  de  supporter  la  soli- 
tude, et  ils  n'ont  pas  môme  essayé  de  cultiver  le  sol  fertile  qui 
leur  était  alloué  et  qu'ils  trouvèrent  assombri  par  des  ambres 
gigantesques  qu'ils  n'osaient  entreprendre  d'abattre. 

Dès  ce  temps,  l'immigrant  portugais  ne  s'est  jamais  fixé  que 
dans  les  villes  et  dans  les  villages.  C'était  en  vain  qu'on  voulait 
en  faire  un  cultivateur.  Le  Portugais  n'a  pas  pris  le  rôle  du 
pionnier  défricheur  des  terrains  inoccupés  à  l'intérieur  du  pays. 
C'étaient  les  enfants  du  pays,  les  métis  du  blanc,  du  nègre  et  de 
l'indien,  qui  abattaient  les  forêts  et  faisaient  avancer  loin  de  la  côte 
la  culture  qui  ne  pouvait  s'y  implanter  sans  cette  destruction 
préparatoire,  qu'on  a  regrettée  avec  raison,  mais  qui  continuera 
jusqu'à  ce  que  la  population  se  soit  accrue  et  que  l'usage  plus 
répandu  de  la  charrue  et  des  engrais  dispense  le  cultivateur  de 
détruire  les  forêts,  et  produise  d'abondantes  récoltes  même  sur 
les  terres  fatiguées. 

Ces  terres  nouvellement  défrichées  étaient  acquises  aux  cul- 
tures coloniales  que  les  nouveaux  venus  ignoraient,  et  dans  les- 
quelles les  propriétaires  ne  voulaient  pas  les  employer,  car  ils 
avaient  à  leur  disposition  l'esclave  nègre  que  l'Afrique  leur  four- 
nissait. 

C'était  ainsi  l'esclavage  qui  éloignait  le  Portugais  des  cultures, 
et  le  maintenait  dans  son  rôle  de  petit  commerçant,  de  revendeur, 
de  petit  parasite  du  gouvernement,  rôle  qu'il  adoptait  au  milieu 
de  cette  population  libre,  dont  il  venait  augmenter  le  nombre, 
mais  à  laquelle  il  n'apportait  aucune  énergie  morale,  ni  aucun 
renouvellement  de  sa  force  productrice. 

Le  Portugais  sentait  bientôt  combien  l'esclavage  avait  désho- 


IMMIGRATION.  479 

noréle  travail,  et  il  se  contentait  de  la  médiocrité  dans  une  société 
qui  aurait  été  riche  dès  lors,  si  la  culture  directe  du  sol  n'y  avait 
pas  été  considérée  comme  un  déshonneur  pour  l'homme  libre. 

On  commença  alors  à  s'apercevoir  que  l'esclavage  pouvait 
bien  ne  pas  durer  toujours,  que  la  traite  allait  être  abolie  et  que 
le  nègre  serait  libéré  comme  l'indien  L'avait  été  au  dernier  siècle. 

On  osa  discuter  l'esclavage.  Ce  fut  assez  pour  qu'on  le  con- 
damnât. Les  idées  qui  avaient  préparé  et  fait  la  Révolution  Fran- 
ssaient  déjà  au  Brésil.  Le  roi  Jean  VI,  qui,  plus  tard,  a  été 
même  accusé  d'être  un  peu  jacobin,  selon  la  phrase  des  réaction- 
naires d'alors,  se  vit  entouré  de  plusieurs  hommes  remarquables. 
qui  ne  manquèrent  pas  de  lui  inspirer  une  grande  politique. 
Quelques-uns  de  ces  hommes  comprirent  qu'un  jour  arriverait  où 
l'on  n'aurait  plus  d'esclaves,  où  l'on  ne  devrait  plus  les  avoir. 

On  trouve  dans  les  écrits  de  cette  époque,  dans  la  façon  d'en- 
visager les  grandes  difficultés  qu'on  sentait  approcher,  une 
clairvoyance  et  un  courage  patriotique  qu'on  n'a  pas  retrouvés, 
soixante-dix  ans  plus  tard,  chez  certains  hommes  d'État  brésiliens 
qui,  tout  en  vivant  dans  une  époque  plus  éclairée,  ont  voulu 
retarder  de  nos  jours  l'abolition  de  l'esclavage 

Dans  ces  temps,  qui  paraissent  si  lointains  dans  la  jeune 
histoire  d'un  pays  nouveau  comme  le  Brésil,  on  a  songé  à  des 
nouvelles  cultures,  à  l'introduction  d'industries  qui  y  étaient 
inconnues.  Des  erreurs  ont  été  commises,  mais  quelques  actes  ont 
porté  de  grands  fruits. 

Il  faut  compter  au  nombre  des  plus  sages  mesures  prises  alors, 
le  décret  du  25  novembre  1808,  permettant  au  Gouvernement  de 
concéder  des  terres  à  des  étrangers.  Ces  concessions  étaient 
appelées  sesmarias  ;  leur  étendue  variait  selon  les  provinces,  et 
les  conditions  à  remplir  ont  aussi  changé.  Dans  ce  décret  il  est 
dit: 

<(  Comme  il  est  utile  à  mon  service  royal  et  au  bien  public 
d'accroître  l'agriculture  et  la  population  qui  est  très  restreinte 
dans  ce  pays,  et  par  d'autres  motifs  qui  m'ont  été  soumis,  il  me 
semble  bon  que  des  concessions  de  terre  par  sesmarias  puissent 
être  faites  aux  étrangers  habitant  le  Brésil,  dans  la  même  forme 
prescrite  par  mes  ordres  royaux  à  l'égard  de  mes  vassaux,  et 
sans  avoir  égard  à  toutes  lois  ou  dispositions  contraires.  » 

Ce  décret  était  une  conséquence  de  la  liberté  de  commerce. 

Le  comte  Hogendorp,  dont  la  grande  expérience  coloniale  aux 
Indes  Néerlandaises  faisait  foi,  était  un  des  premiers  à  applaudir 


480  LE     BRÉSIL     EN     18  89. 

en  Europe  la  politique  du  roi  Jean  VI  :  «  Si  le  gouvernement  du 
Brésil,  dit-il,  continue  dans  le  système  de  sagesse,  de  modération, 
de  saine  politique,  surtout  en  fait  de  commerce  et  de  tolérance, 
qui  caractérise  maintenant  tous  ses  actes  et  ses  dispositions,  assu- 
rément  L'accroissement  de  la  prospérité  et  de  la  richesse  de  cette 
première  monarchie  du  Nouveau-Monde,  étonnera  l'ancien  par 
la  rapidité  de  sa  marche  et  la  hauteur  où  elle  s'élèvera1.  » 

Dès  Les  premières  années  qui  suivirent  l'inauguration  de  cette 
politique,  les  bienfaits  en  étaient  visibles,  et  la  population  du  sud 
du  Brésil  s'était  beaucoup  accrue.  «  Après  1813,  dit  Luccock,des 
étrangers  en  nombre  considérable  arrivèrent  des  provinces  espa- 
gnoles que  l'on  commence  à  appeler  les  États  indépendants  de 
l'Amérique  du  Sud;  d'autres  sont  venus  de  l'Amérique  du  Nord, 
de  France,  de  l'Angleterre,  de  Suède  et  d'Allemagne.  Heureuse- 
ment tous  ces  étrangers  ne  restèrent  pas  dans  la  ville  de  Rio.  Les 
plus  pauvres,  particulièrement  ceux  qui  arrivaient  des  îles  de 
l'Atlantique  et  qui  étaient  en  général  des  cultivateurs,  reçurent 
du  gouvernement  l'outillage  de  leur  profession  et  furent  distri- 
bués dans  différentes  parties  du  pays.  Quelques  privilèges 
importants  leur  furent  accordés  collectivement  et  ils  se  trou- 
vèrent dans  des  situations  où  leurs  services  et  leur  exemple 
pouvaient  être  très  utiles.  Ceux  qui  n'arrivaient  pas  dépourvus 
de  toute  ressource  acquirent  de  petites  propriétés  rurales  dans 
les  environs  de  la  ville  et  en  approvisionnèrent  les  marchés. 
D'autres  s'en  allèrent  vers  les  provinces  du  Sud  ou  vers  les 
régions  élevées  de  Minas  et  de  Sâo-Paulo  où  ils  trouvèrent  un 
climat  plus  frais  et  leur  convenant  mieux  que  celui  de  la  province 
de  Rio-de-Janeiro2.  »  Le  même  voyageur  parle  avec  enthou- 
siasme du  développement  de  la  ville  de  Rio,  du  bien-être  croissant 
qu'on  y  remarquait  alors,  de  toutes  les  manifestations  qu'on  y 
voyait  d'une  forte  poussée  civilisatrice  due  à  l'immigration. 

Cependant  cette  immigration  ne  prit  pas  encore  les  propor- 
tions désirées  par  les  patriotes  brésiliens. 

Les  longues  guerres  de  l'Europe  au  commencement  du  siècle 
avaient  laissé  pas  mal  de  champs  en  friche,  avaient  éclairci  les 
populations  pendant  ces  temps  troublés  qui  ont  amené  l'arrêt  de 
l'émigration  européenne. 

Le  Brésil,  d'ailleurs,  n'était  pas  encore  assez  connu  pour 
pouvoir  espérer  d'attirer  sur  son  sol  une  partie  de  cette  émigration 

i.  Du  système  colonial  de  la  France.  Paris  1817,  p.  203. 
2.  Luccock  :  Notes  on  Brazil.  Loiidon,  1820,  page  546. 


IMMIGRATION.  481 

qui  avait  déjà  pris  la  direction  des  États-Unis.  Mais,  le  gouver- 
nement.  obéissant  à  l'opinion  des  hommes  les  plus  éclairés  de 
sou  temps,  dut  intervenir  pour  aider  l'immigration  au  Brésil.  Les 
théoriciens  de  gouvernement,  trop  épris  du  principe  de  la  non- 
intervention  de  l'État,  pourront  blâmer  la  résolution  des  ministres 
du  roi  en  ISIS  de  faire  venir,  aux  frais  de  l'État,  2.000  colons 
suisses  du  canton  de  Fribourg.  Mais,  si  l'État  avait  attendu  la 
venue  spontanée  de  ces  immigrants  et  s'était  borné  à  ne  pas 
entraver  l'essor  de  l'initiative  privée,  bien  des  années  se  seraient 
écoulées  avant  l'arrivée  au  Brésil  de  ces  premiers  éclaireurs  de  la 
colonisation  étrangère.  La  venue  de  ces  colons  devra  toujours  être 
signalée  dans  l'histoire  du  Brésil. 

1 /élément  portugais  aurait  été  toujours  insuffisant  pour  peu- 
pler et  implanter  la  civilisation  dans  le  territoire  de  ce  vaste  pays, 
avant  plusieurs  siècles. 

Pour  la  première  fois  les  Portugais  et  les  représentants  d'un 
peuple  du  nord  de  l'Europe  allaient  se  rencontrer  dans  l'autre 
hémisphère  sans  avoir  à  se  disputer  une  conquête  par  les  armes. 
Le  Portugal,  par  le  fait,  n'était  plus  le  maître  du  Brésil.  Tous  les 
peuples  de  l'Europe  avaient  dès  lors  le  droit  d'y  venir  chercher  les 
ressources  qui  leur  manqueraient  chez  eux.  L'ancienne  colonie 
devenait  l'héritage  commun  des  déshérités  des  vieilles  sociétés 
encombrées  de  l'Europe. 

Les  paysans  de  Fribourg,  en  Suisse,  ont  été  les  premiers 
appelés,  sans  doute  parce  qu'ils  étaient  catholiques.  On  ne  doit 
pas  y  voir  une  preuve  d'intolérance  de  la  part  du  gouvernement. 
Il  a  été  sage  d'éviter  aux  colons  arrivés  les  premiers  au  Brésil, 
le  changement  de  milieu  religieux,  une  épreuve  qui  viendrait 
s'ajouter  aux  autres  difficultés  de  l'entreprise  coloniale. 

Ces  Suisses  n'arrivaient  pas  au  Brésil  comme  les  premiers 
étrangers  qui  s'y  fixèrent,  grâce  à  la  tolérance  du  gouverne- 
ment. Les  rôles  étaient  dès  lors  changés;  c'était  le  roi  qui  les 
avait  priés  de  venir  et  qui  les  invitait.  On  ne  pensa  qu'à  les  com- 
bler de  faveurs. 

Le  décret  du  16  mai  1818  sanctionna  une  convention  par 
laquelle  Sébastien-Nicolas  Gachet,  agent  du  canton  de  Fribourg, 
s'était  engagé  à  fonder  au  Brésil  une  colonie  de  100  familles 
suisses,  en  recevant  533  francs  par  individu  âgé  de  plus  de  trois 
ans,  pour  le  transport  des  personnes,  des  effets,  des  ustensiles, 
des  meubles  et  des  instruments  de  travail  leur  appartenant.  Les 
avantages  accordés  aux  colons  étaient  :    1°  le  passage  payé  ; 

31 


182  LE     BRÉSIL     EH      1 

^2"  les  frais  de  \  oyage  jusqu'à  leur  établissement;  3°  des  I  >gementa 
temporaires  :  ï  des  terres  eu  toute  propriété,  des  bestiaui 
et  des  semences  conformément  à  un  tableau  proportionnel  au 
nombre  de  personnes  de  chaque  famille  ;  5°  un  salaire  de  '.K 
centimes  par  jour  et  par  tête  pendanl  La  première  année  el  de 
moitié  pendant  L'année  suivante,  mais  avec  imputation  de  la 
valeur  des  travaux  faits  pour  chaque  colon  :  6°  trois  prêtres,  an 
médecin,  un  pharmacien,  et  un  vétérinaire  qui  devaienl  venir 
avec  les  colons  et  étaient  salariés  par  L'Étal  ;  7"  Le  roi  devait 
bâtir  et  orner  mu'  église  ;  8°  1rs  colons  riaient  naturalisés  par  le 
fait  de  Leur  arrivée;  9°  pendant  dix  années,  la  colonie  était 
exempte  de  service  militaire  et  de  toute  charge  personnelle  oh 
foncière,  elle  ne  devait  payer  que  L'impôt  du  quart  de  l'or;  10°  la 
police  devait  être  attribuée  à  une  garde  formée  des  colons 
de  1S  à  40  ans. 

L'exécution  du  contrai  Gachet  amena  d'abord  au  Brésil  trente 
familles  suisse-.  Le  gouvernement  les  établit  à  200  kilon 
au  nord-est  de  Rio-de- Janeiro,  dans  celle  partie  de  la  chaîne  de 
montagnes  du  littoral  qui  a  pris  le  nom  de  Morro-Queimado,  à 
8o()  mètres  au-dessus  du  niveau  de  la  mer,  dans  le  district  de 
Cantagallo,  qui  avait  été  desséché  et  exploré  en  partie  au  siècle 
dernier  parles  chercheurs  d'or.  La  colonie  reçut  environ  2.000 
immigrants  de  tout  âge,  et  on  lui  donna  le  nom  de  Nouvelle-Fri- 
bourg.  L'établissement  primitif  forme  aujourd'hui  une  petite 
ville  qui  n'a  plus  L'organisation  coloniale  primitive.  Des  familles 
issues  de  cette  colonie  sont  allées  habiter  d'autres  endroits  de  la 
province  de  Rio-de- Janeiro,  et  on  reconnaît  leurs  descendants,  tous 
Brésiliens,  à  leurs  yeux  bleus,  à  leurs  cheveux  blonds  et  à  leurs 
noms  allemands.  Auguste  de  Saint  -  Hilaire  regrette  que  ces 
premiers  colons  n'aient  pas  été  envoyés  sur  le  grand  plateau 
de  Minas-Geraes,  cette  région  fortunée  dont  il  a  souvent  décrit 
la  bonté  du  climat  et  la  fertilité  du  sol;  mais  la  distance  de  la 
côte  aurait  été  trop  grande,  les  chemins  trop  mauvais  pour  qu'il 
eût  été  sage  d'envoyer  si  loin  ces  premiers  colons.  On  doit  cependant 
reconnaître  que,  sous  le  point  de  vue  agricole,  le  choix  de  la 
Serra  dos  Orgâos,  a  été  malheureux.  La  Nouvelle-Fribonrg  n'a  pas 
formé,  ainsi  que  le  fait  remarquer  M.  de  Straten-Ponthoz,  un 
centre  d'émigration  vers  l'intérieur  et  une  agglomération  servant 
de  point  d'appui  aux  Européens  nouvellement  arrivés.  Les  immi- 
grants qui  avaient  quelques  ressources  se  bâtèrent  de  chercher 
d'autres  terres  dans  le  voisinage,  et  la  plupart  s'enrichirent  en 


IMMIGRATION.  483 

devenant  planteurs  avec  des  esclaves.  De  nos  jours,  la  rapidité 
des  communications  avec  Rio-de-Janeiro  compense  son  éloigne- 
ment  :  la  Nouvelle-Fribourg,  dont  l'influence  a  été  grande,  peut 
prospérer  par  la  culture  maraîchère  et  par  les  produits  de  ses 
petites  fermes,  el  elle  est  devenue  un  vrai  sanatorium,  grâce  à  la 
fraîcheur  de  son  climat  très  recherché  pendant  l'été. 

La  Nouvelle-Fribourg,  comme  nous  l'avons  dit,  constitue  la 
première  grande  tentative  décolonisation  étrangère  et  officielle 
au  Brésil.  Si  les  événements  politiques  qui  amenèrent  l'indépen- 
dance du  Brésil,  n'avaient  pas  absorbé  toute  l'attention  du  gou- 
iment  et  si  le  départ  du  roi  pour  le  Portugal  n'avait  pas  eu 
lieu  alors,  d'autres  essais  aurait  été  faits  sans  doute  avec  des 
résultats  plus  grands. 

Deux  ans  après  la  proclamation  de  l'indépendance  du  Brésil, 
le  nouveau  gouvernement,  qui  ne  pouvait  que  suivre  les  ten- 
dances du  régime  précédent  dans  ses  vues  de  progrès  et  de  déve- 
loppement du  pays,  reprit  l'idée  de  la  colonisation  étrangère. 
Cette  fois  le  succès  a  été  considérable.  Nous  voulons  parler  de  la 
colonie  allemande  de  Sâo-Leopoldo,  fondée  en  1824,  dans  la 
province  de  Rio-Grande-du-Sud.  Commencée  alors  avec  126  in- 
dividus, elle  s'accrut  graduellement  jusqu'à  former  aujourd'hui 
un  district  rural  avec  une  population  de  40,000  habitants.  Cette 
population  étrangère  s'y  est  agglomérée  peu  à  peu  et  y  a  pris 
racine  très  aisément.  Sâo-Leopoldo  est  admirablement  bien 
située,  et  c'est  surtout  aux  avantages  de  sa  position  qu'elle  doit  sa 
prospérité.  La  colonie  communiquant  par  eau  avec  le  chef-lieu 
de  la  province,  et  se  trouvant  pourvue  de  bonnes  routes,  a  trouvé 
toutes  les  conditions  favorables  pour  son  développement.  Elle  a 
été  le  noyau  et  le  centre  d'attraction  de  la  colonisation  allemande 
dans  la  province  de  Rio-Grande  et  dans  le  sud  du  Brésil.  Des 
officiers  et  des  soldats  allemands  qui  avaient  servi  dans  la  guerre 
contre  Rosas,  en  1851-52,  restèrent  en  grand  nombre  au  Brésil, 
et  se  fixèrent  à  Sâo-Leopoldo. 

De  1818  à  1830,  l'arrivée  des  Allemands  au  Brésil  n'a  été  que 

de  6.856.  Ce  mouvement  s'arrêta  complètement  de  1830   à  1837. 

11  recommença  en    1838,  lentement  d'abord  ;  depuis  cette  année 

jusqu'à  1884,  le  nombre  des  immigrants  allemands  qui  se  sont 

au  Brésil  a  été  de  71,247. 

Nous  ne  voulons  pas  faire  l'historique  de  chacune  des  co- 
lonies fondées  au  Brésil  sur  le  plan  officiel  de  Nova-Friburgo  et 
de  Sâo-Leopoldo.   Une   de   celles  qui  a   prospéré  le  plus,  c'est 


484  LE     BRESIL     EN      1889. 

Pétropolis,  qui  est  devenue  une  belle  ville,  le  séjour  d'été  de  la 
population  riche  de  Hio-de-Janeiro  et  de  la  cour  de  l'empereur. 
Les  premiers  immigrants  qui  s'y  sont  établis  sur  les  terres  du 
domaine  privé  de  l'Empereur  ont  d'abord  trouvé  du  travail  dans 
l.i  construction  de  la  ville  où  les  routes,  les  casernes,  l'église,  le 
palais  de  l'empereur,  l'hôpital,  les  écoles,  les  ponts,  les  hôtels, 
les  magasins  se  sont  élevés  simultanément,  à  côté  des  palmiers 
et  des  fougères,  sans  aucune  des  transitions  habituelles  des  ou- 
vrages de  la  civilisation.  La  ville  aujourd'hui  est  des  plus  pros- 
pères; sa  culture  maraîchère  approvisionne  le  marché  de  Rio- 
de-Janeiro  qui  communique  avec  Pétropolis  par  des  bateaux  à 
vapeur  qui  vont  de  Rio  à  Manâ,  d'où  un  chemin  de  fer  monte 
jusqu'à  Pétropolis,  qui  est  à  800  mètres  au-dessus  du  niveau  de 
la  mer.  L'industrie  s'y  est  fort  développée  dans  ces  derniers  temps  ; 
les  Allemands  y  ont  introduit  l'industrie  de  la  brasserie,  et  des 
capitaux  importants  y  sont  employés  dans  de  grandes  fabriques 
de  tissus  de  coton. 

Le  nombre  de  colonies  fondées  au  sud  du  Brésil  par  des  Alle- 
mands est  très  considérable.  Malheureusement  le  nombre  de 
celles  qui  ont  prospéré  n'est  pas  aussi  grand.  Plusieurs  ont  été 
formées  avec  un  nombre  trop  restreint  d'immigrants,  et  le 
défaut  d'agglomération  n'a  pas  permis  à  ces  colonies  de  se 
développer.  Les  colons  envoyés  dans  des  endroits  moins  bien 
situés  sous  le  rapport  des  débouchés  ou  de  la  fertilité  du  sol,  les 
ont  bien  vite  quittés,  et  ont  trouvé  ailleurs  toujours  du  travail 
bien  rétribué.  Ils  sont  allés  rejoindre  leurs  compatriotes  dans  les 
centres  prospères  ou  se  sont  établis,  pour  leur  compte  et  séparé- 
ment, sur  différents  points  du  sud  du  Brésil,  notamment  dans  la 
province  de  Santa-Catharina,  où  plusieurs  colonies  ont  été 
créées. 

Si  on  dressait  le  catalogue  de  toutes  ces  colonies,  on  en  trou- 
verait beaucoup  qui  n'ont  eu  qu'une  existence  éphémère,  mais 
leur  disparition  n'indiquerait  certainement  pas  que  les  sacrifices 
faits  par  l'Etat  avec  le  passage  et  l'établissement  de  ces  colons 
aient  été  perdus.  La  population  du  pays  s'est  augmentée,  le 
commerce  a  grandi  dans  les  provinces  vers  lesquelles  la  colo- 
nisation officielle  s'est  dirigée.  Santa-Cruz,  dans  la  province  de 
Rio-Grande-du-Sud,  Blumenau,  Joinville,  à  Santa-Catharina,  sont 
des  colonies  qui,  rentrées  aujourd'hui  dans  le  régime  commun 
des  populations  brésiliennes,  se  sont  dédoublées  à  travers  les 
campagnes  environnantes  et  sont  devenues  des  districts  ruraux 


IMMIGRATION.  485 

où  l'on  admire  les  cultures  européennes  et  où  le  bien-être  et 
la  prospérité  des  paysans  ont  frappé  les  voyageurs  qui  ont  par- 
couru cette  région. 

Le  résultat  de  cette  colonisation  officielle  est  représenté  par 
un  accroissement  considérable  de  la  richesse  nationale  au  Brésil, 
et,  ce  qui  est  plus  encore,  elle  a  eu  une  influence  morale  et  civi- 
lisatrice sur  les  districts  où  elle  s'est  portée.  On  ne  saurait  estimer 
à  leur  juste  valeur  ces  bienfaits  moraux,  mais  tout  le  monde  peut 
en  constater  l'effet.  Il  suffit  de  dire  que,  dans  des  régions  autre- 
lois  inhabitées  ou  a  peine  occupées  par  quelques  habitants  qui  se 
trouvaient  séparées  du  reste  du  monde,  dans  un  état  d'abandon 
qui  semblait  devoir  les  conduire  à  l'état  sauvage,  on  compte 
aujourd'hui  près  de  250.000  Brésiliens  d'origine  germanique, 
dont  une  partie  conservent  encore  la  langue  et  les  mœurs  de 
leurs  pères  et  qui,  dans  leur  nouveau  milieu,  ont  beaucoup  con- 
tribué à  l'avancement  de  la  civilisation.  Ils  ne  se  bornent  pas  à 
être  de  pauvres  cultivateurs;  il  y  a  parmi  eux  des  journalistes, 
des  prêtres,  des  avocats,  des  membres  des  assemblées  provin- 
ciales ;  un  d'eux  est  membre  de  la  Chambre  des  Députés  ;  un 
ancien  colon  de  Santa-Catharina  a  fait  partie,  par  l'élection  de 
toute  la  province,  d'une  liste  de  trois  citoyens  dans  laquelle  l'Em- 
pereur a  dû  choisir  un  sénateur  de  l'Empire. 

Voilà  les  résultats  des  efforts  du  gouvernement  brésilien  dans 
l'application  du  système  de  la  colonisation  officielle. 

Nous  venons  d'indiquer  rapidement  les  résultats  des  premiers 
efforts  du  gouvernement  pour  attirer  des  immigrants  au  Brésil 
et  pour  hâter  de  la  sorte  le  peuplement  du  territoire. 

L'époque  arriva  cependant  où  ce  fut  le  tour  des  grands  pro- 
priétaires de  faire  ce  qu'ils  pouvaient  pour  amener  des  colons 
sur  leurs  terres  dont  ils  voulaient  utiliser  la  valeur. 

Ceux  des  grands  propriétaires  brésiliens  qui  ont  obéi  les  pre- 
miers à  cette  pensée  n'avaient  pas  en  vue  leur  seul  intérêt  per- 
sonnel, qu'ils  compromirent  assez  souvent  dans  les  risques  de 
ces  entreprises  nouvelles.  Ils  voyaient  loin  dans  les  destinées 
économiques  de  leur  pays.  Dans  les  terres  nouvelles  où  l'on  com- 
mençait sur  une  grande  échelle  la  culture  du  café,  destiné 
à  rivaliser  avec  la  canne  à  sucre  qu'il  devait  remplacer  en 
partie,  l'engagement  d'ouvriers  libres,  quand  le  planteur  était 
encore  presque  sûr  que  les  esclaves  ne  lui  manqueraient  pas  en- 
core de  longtemps,  était,  de  la  part  du  propriétaire,  plutôt  un 
acte  de  philanthropie  et  de  patriotisme  qu'une  affaire.  Ces  proprié- 


486  LE     BRÉSIL    EN     1889. 

tairea  qui  ont  fail  venir  des  immigrants  européens  ont  dépensé  de 
fortes  sommes  en  toutes  sorte-  de  frais  el  d'avances  de  capi- 
taux. \n  lieu  de  s'enrichir  d'une  manière  égoïste  en  étendant 
leurs  cultures  et  en  employant  des  esclaves,  ils  onl  songé  à  l'a- 
venir. Il  faut  bien  se  rappeler  l'époque  de  leurs  premiers  efforts, 
les  difficultés  de  toute  sorte  qu'il  leur  fallait  surmonter,  les  pré- 
jugés qu'il  leur  fallait  vaincre,  pour  se  faire  une  idée  «le  L'énergie 
et  de  la  force  de  volonté  qu'ils  ont  «lu  déployer. 

Le  sénateur  Vergueiro  doit  être  cité  au  premier  rang  de  ces 
bienfaiteurs  du  Brésil.  Sa  propriété  Ybicaba  est  devenue  célèbre, 
comme  étant  le  premier  point  où  des  Européens  aient  été 
employés  à  la  culture  du  café.  Ybicaba,  plantation  située  vers 
le  22°  degré  dans  la  province  de  Saint-Paul,  se  présente  ici  comme 
le  meilleur  centre  d'immigration  que  l'industrie  privée  ait  fondé 
au  Brésil.  Ce  domaine  comprend  trois  lieues  de  forêts  entrecou- 
pées de  pâturages  et  de  défrichements;  le  sol  en  est  plat,  avec  des 
mornes  épars,  dont  les  pentes,  à  L'abri  des  gelées  blanches,  sont 
favorables  à  la  culture  du  café.  Le  riz,  le  maïs  et  divers  produits 
des  terres  tropicales  occupent  les  plaines  et  les  bas  fonds.  En 
1847,  l'importance  d'Ybicaba  était  représentée  par  300  esclaves  et 
une  récolte  de  8.000  arrobes  de  sucre  et  de  12.000  arrobes 
de  café.  Mais  ce  dernier  chiffre  devait  s'élever  à  40.000  par  les 
nouvelles  plantations  qui  venaient  d'être  établies,  et  auxquelles 
il  ne  devait  bientôt  plus  manquer  que  des  bras.  Le  sénateur 
Vergueiro,  propriétaire  d'Ybicaba,  s'était  voué  aux  occupations 
agricoles  et  à  la  politique.  Ministre  ou  chef  de  parti,  il  avait  fortifié 
par  l'observation  des  affaires  publiques  et  des  besoins  du  pays 
la  conviction  du  danger  que  la  traite  des  Africains  apportait  au 
Brésil.  Pour  en  contre-balancer  les  effets,  il  fallait  demander  des 
émigrants  à  l'Europe,  ainsi  que  des  capitaux  pour  vivifier  les 
ressources  du  sol  par  le  travail  libre.  Il  prit  donc  la  résolution 
d'amener  des  Allemands  dans  son  domaine  et  de  les  placer  à  côté 
de  ses  esclaves,  en  combinant  les  occupations  des  uns  et  des 
autres,  de  manière  à  procurer  le  plus  grand  bien-être  aux  Euro- 
péens et  le  plus  grand  profit  au  planteur.  Le  gouvernement  impé- 
rial seconda  celle  entreprise  dont  tous  les  détails  méritent  L'atten- 
tion. Le  -2  avril  lttïT,  environ  100  Allemands  de  tout  âge, formant 
80  familles,  contractèrent,  avec  le  chargé  d'affaires  et  consul  gé- 
uéral  du  Brésil  pour  les  villes  hanséatiques,  L'engagement  de  pa 
dans  La  province  de  San-Paulo  et  de  s'y  mettre  à  la  disposition 
(\[\  sénateur  Vergueiro.  Suivant  les  (danses  de  cet  acte,  le  goui  er- 


IMMIGRATION.  487 

cernent  impérial  faisait  L'avance  des  frais  de  transport,  fixés  à 
40  piastres  espagnoles  par  individu  âgé  de  plus  de  douze  ans,  et  à 
20  piastres  pour  Les  enfants  de  plus  de  cinq  ans.  Au-dessous  de  cet 
âge,  le  passage  étaii  gratuit.  Les  colons  s'obligeaient  à  rembourser 
La  dépense  de  Leur  traversée  dans  le  délai  de  trois  années  à  dater 
du  débarquement  au  Brésil.  Par  une  bienveillance  spéciale,  le 
gouvernement,  qui  devait  payer  au  maître  du  navire  20  piastres 
pour  Les  enfants  âgés  de  plus  de  cinq  ans,  renonçait  à  faire  entrer 
cette  somme  dans  la  dette  des  colons.  Ceux-ci  étaient  tenus  d'en- 
gager leurs  services  s'ils  n'avaient  pas  les  moyens  de  se  libérer. 
nne  qui  les  emploierait  deviendrait  la  caution  de  leurs 
obligations.  La  nature  du  contrat  de  service  était  spécifiée:  les 
immigrants  travailleraient  pour  un  salaire  réglé  par  l'usage  local 
en  qualité  de  colons  partiaires.  Le  transport  des  émigrants  se  fit 
de  Hambourg  à  Santos  en  deux  navires.  Le  premier  départ  eut 
lieu  le  12  avril  et  l'autre  le  26  avril  1847.  Les  traversées  furent 
de  «  ">  et  de  60  jours.  Le  sénateur  Vergueiro,  qui  possédait  une 
maison  de  commerce  à  Santos,  avait  pris  les  dispositions  que 
réclamait  l'arrivée  des  Allemands.  Dès  que  ceux-ci  débarquèrent 
ils  devinrent  les  colons  partiaires  du  propriétaire  d'Ybicaba  en 
acceptant  les  clauses  de  l'acte    suivant  :  «  Article  premier.   La 

a    Vergueiro   fait  le   contrat   suivant  avec  le  colon  N 

—  Art.  2.  La  maison  Vergueiro  s'oblige  à  ce  qui  suit  :  1°  elle 
payera  au  gouvernement  impérial  la  somme  de dont  il  a  fait 

ace  au  même  colon  et  pour  laquelle  celui-ci  est  responsable; 
2°  elle  livrera  au  même  colon  une  étendue  de  caféiers  dont  il  soit 
capable  de  faire  la  culture,  la  récolte  et  l'amélioration;  3°  elle 
lui  permettra  de  tirer  de  ses  terres,  dans  les  lieux  déterminés, 

roduits  nécessaires  à  son  alimentation;  4°  elle  lui  fera 
L'avance  des  dépenses  faites  à  Santos,  de  celles  du  voyage  jusqu'à 

mtation  d'Ybicaba,  et  de  son  entretien  jusqu'à  ce  qu'il  puisse 
y  subvenir  par  son  travail.  —  Art.  3.  Le  colon  s'oblige  à  ce  qui 
suit  :   1°  il  se  conduira  pacifiquement  sans  troubler  ou  léser  ses 

as  ou  la  plantation  ;  2°  il  fera  convenablement  la  culture  et 
olte  des  caféiers  qu'il  aura  reçus,  en  déposant  le  café  à 
l'endroit  marqué  dans  la  plantation  pour  y  être  livré  à  mesure 
au  receveur  de  l'établissement  ;  3°  en  proportion  de  la  quantité 
de  café  récoltée  par  lui,  le  colon  participera  au  travail  de  la  pré- 
paration  exigée  pour  la  mise  du  café  dans  le  marché;  4°  il  replan- 
tera les  clairières  qui  se  feront  dans  ses  caféiers  ;  5°  il  payera  à 
la  maison  Vergueiro  la  somme   de ,  spécifiée  ci-dessus  (prix 


48S  LH     BRÉSIL     EN     18  89. 

du  passage  qui,  après  deux  années,  produira  L'intérêt  légal  pour 
la  partie  non  acquittée,  ainsi  que  la  somme  des  avances  de  l'ar- 
ticle 2,  §  ï,  avec  intérêt  Légal  après  une  année  de  date;  0°  il 
appliquera  aux  payements  spécifiés  ci-dessus  au  moins  la  moitié 
de  son  bénéfice  net  annuel.  —  Art.  ï.  Apres  la  vente  du  café  par 
la  maison  Vergueiro,  celle-ci  retiendra  pour  elle  la  moitié  du 
produit  net  et  l'autre  moitié  appartiendra  au  colon. —  Art.  5.  La 
maison  Vergueiro  n'aura  aucune  part  aux  articles  d'alimentation 
que  produira  le  colon  et  qu'il  consommera  ;  mais  elle  recevra  la 
moitié  du  prix  de  l'excédant  de  ces  mêmes  articles  que  le  colon 
aura  vendus.  —  Âxt.  6.  La  maison  Vergueiro  ne  pourra  pas  se 
décharger  des  obligations  de  ce  contrat  aussi  longtemps  que  le 
colon  remplira  fidèlement  les  siennes.  Il  sera  cependant  libre  à 
celui-ci  de  se  retirer,  après  avoir  payé  à  la  maison  Vergueiro  ce 
qui  lui  sera  dû,  et  moyennant  une  information,  par  écrit,  de  ses 
intentions,  faite  six  mois  d'avance  ;  le  colon  s'assujettit  à  payer 
une  amende  de  125  irancs  s'il  se  retire  avant  de  payer  sa  dette, 
ou  sans  notifier  la  déclaration  de  son  intention.  —  Art  7.  Tous 
les  doutes  qui  s'élèveront  entre  les  parties  contractantes  seront 
soumis  à  des  arbitres  devant  l'autorité  compétente,  sans  autre 
formalité  et  sans  recours  d'appel.  » 

«  De  Santos  à  Ybicaba,  le  trajet  est  de  trente-huit  lieues  bré- 
siliennes de  dix-huit  au  degré,  et  les  chemins  sont  difficiles.  Les 
immigrants  firent  le  voyage  en  quatorze  jours.  Un  administrateur 
allemand  dirigea  l'expédition.  Les  enfants,  les  malades  et  les 
femmes  trop  faibles  pour  marcher  furent  transportées  à  dos  de 
mulet  ainsi  que  le  bagage.  Au  terme  de  l'étape  de  chaque  jour,  le 
convoi  s'arrêtait  dans  un  des  hangars  qui  se  construisent  le  long 
des  routes  du  Brésil  pour  attirer  les  muletiers  aux  tavernes  voi- 
sines. On  y  tuait  un  bœuf  acheté  sur  place1 » 

Nous  avons  tenu  à  reproduire  cette  notice  sur  Ybicaba,  en 
l'empruntant  à  l'ouvrage  d'un  diplomate  européen  qui  a  beau- 
coup étudié  le  Brésil.  Ybicaba  a  été  le  type  de  plusieurs  agglo- 
mérations d'immigrants  européens  dans  la  province  de  San- 
Paulo  ;  Ybicaba  sera  toujours  intéressant  à  étudier,  car  ce  fut 
l'endroit  où  la  colonisation  d'initiative  privée  s'établit  tout  d'abord. 
Aujourd'hui  que  les  grands  paquebots  transatlantiques  ne  mettent 
en  aucun  cas  plus  de  trois  semaines  complètes  pour  faire  le  voyage 

i.  Comte  Auguste  van  (1er  Straten-Ponthoz.  Le  Budget  du  Brésil,  etc.  Paris. 
Ainvof,  éditeur,  1854.  3  vol.  —  Vol.  III.  page  100. 


IMMIGRATION.  489 

entre  l'Europe  et  le  Brésil  méridional,  il  nous  a  paru  intéressant 
de  signaler  les  longues  peines  des  premiers  colons  arrivés  à  San- 
Paulo.  Les  dizaines  de  milliers  d'immigrants  que  les  chemins  de 
fer  t  ransportenl  aujourd'hui  de  Santos  aux  régions  les  plus  recu- 
le La  province  ignorent  —  et  personne  ne  le  leur  rappellera 
—  les  Longues  marches  de  leurs  devanciers,  les  fatigues  et  les 
travaux  qu'ils  ont  endurés,  et  qui  ne  les  ont  point  empêchés  de 
prospérer  après  s'être  établis  sur  le  sol  brésilien. 

Ybicaba  a  eu  une  grande  influence  sur  la  colonisation.  Son 
organisation  était  loin  d'être  parfaite.  Le  régime  qui  s'y  établit 
ne  pouvait  fonctionner  sans  difficultés  que  sous  l'influence  pater- 
nelle du  propriétaire,  qui  devait  être  presque  toujours  disposé  à 
transiger  avec  ses  colons.  Si  le  propriétaire  exigeait  l'exécution 
rigoureuse  du  contrat,  les  conflits  et  les  difficultés  surgissaient 
aussitôt. 

Le  fait  capital  qu'on  observe  dans  la  colonie  d' Ybicaba  et  dans 
celles  dont  elle  a  été  le  modèle  est  celui  du  travail  libre  à  côté 
de  l'esclavage.  Ce  fait,  qui  paraissait  avec  raison  devoir  être  une 
cause  de  troubles  et  de  perturbations  économiques  de  tout  genre, 
a  été  la  vraie  cause  de  l'abolition  de  l'esclavage  de  la  façon  qu'elle 
s'est  faite  au  Brésil.  L'existence  de  l'esclavage  créait  aux  nou- 
veaux venus  une  situation  anormale  dont  les  inconvénients 
disparaissent  en  face  de  la  grandeur  du  bienfait  qui  en  résulta, 
car  c'est  l'arrivée  des  ouvriers  européens  qui  a  déterminé  l'ex- 
tinction de  l'esclavage  ainsi  que  l'avait  prédit  M.  de  Straten- 
Ponthoz  : 

«  L'Africain  du  Brésil  doit  apparaître  ici  avec  une  mission 
de  pionnier  sur  le  sol  qui  est  accessible  au  travail  des  blancs  et, 
ce  rôle  accompli,  il  sera  absorbé  par  la  population  libre  en  sortant 
de  la  servitude.  Au  Brésil  les  avantages  de  faire  les  préparatifs 
de  l'émigration  par  l'esclavage,  ne  doivent  pas  être  sacrifiés  à  la 
crainte  de  voir  les  Européens  subjugués  par  le  travail  servile. 
Le  prix  croissant  des  Africains  mettra  chaque  jour  davantage 
l'esclave  hors  de  la  portée  des  immigrants. 

«  Le  rapprochement  de  la  population  étrangère  et  de  la  race 
africaine  doit  être  au  Brésil  la  réhabilitation  du  travail  de 
l'homme  blanc,  en  même  temps  qu'une  sanction  des  faits  favo- 
rables à  une  fin  pacifique  et  régulière  de  la  servitude.  A  l'égard 
de  l'esclavage,  le  Brésil  et  les  États-Unis  se  trouvent  engagés 
dans  des  voies  divergentes.  Chez  les  Américains  il  n'y  a  point  de 
compromis  possible  entre  les  deux  races.  Plus  l'homme  de  cou- 


490  LE     BRÉSIL     EN     1889. 

leur  se  rapproche  de  L'homme  blanc,  plus  il  rencontre  d'antipathie 
et  de  répulsion.  Les  mœurs  ont  une  cruauté  excédant  la  rigueur 
de  la  loi  qui  fait  l'esclave  et  rendant  illusoire  la  loi  qui  l'émancipé. 
Au  Brésil,  l'affranchissement  est  une  réalité  politique  el  sociale. 
La  couleur  u'excite  aucune  répugnance,  et  la  tolérance  des 
mœurs  va  encore  plus  loin  que  la  libéralité  des  lois.  Tandis 
qu'aux  États-Unis,  l'esclavage  apparaît  sans  autre  solution  que 
la  guerre  civile  et  l'extermination  ou  une  retraite  progressive 
le  sud  pour  trouver  une  issue  par  les  régions  du  Texas  et 
du  Nouveau  Mexique,  au  Brésil  il  se  montre  entouré  de  moyens 
d'émancipation  régulière.  La  race  blanche  doit  reprendre  la 
prépondérance  numérique  par  le  contingent  que  lui  donnera 
l'immigration  européenne,  et  simultanément  celle-ci  favorisera 
la  réhabilitation  de  l'esclave.  Elle  doit  contribuer  à  faire  cesser 
la  traite  par  laquelle  l'esclavage  se  recrute  sans  cesse  d'Afri- 
cains barbares,  au  lieu  de  se  créer  la  moralité  et  le  principe 
civilisateur  de  la  famille.  A  côté  de  l'immigrant,  tout  esclave  doit 

devenir  Brésilien  dans  sa  descendance L'immigration  doit 

aussi  changer  le  système  des  grandes  plantations  ;  elle  substi- 
tuera la  culture  de  détail  aux  établissements  mécaniques  dont  le 
moteur  est  nécessairement  l'esclavage.  L'agriculture  prendra  la 
place  de  la  fabrication.  Le  travail  de  la  famille  accomplira  la 
tâche  brutale  de  la  servitude.  C'est  ainsi  que  l'immigration  doit 
relever  le  travail  par  la  main  des  blancs,  en  lui  donnant  pour 
impulsion  les  plus  intimes  sentiments  de  l'homme  dans  sa  sou- 
mission à  la  loi  divine,  au  lieu  du  fouet  dans  la  dégradation  de 
l'asservissement.  Au  Brésil,  ni  les  mœurs,  ni  les  lois,  ni  les  condi- 
tions physiques  ne  s'opposent  à  ce  que  l'émigrant  et  l'esclave 
se  rapprochent  en  combinant  les  moyens  de  prospérité  matérielle 
de  l'un  avec  les  moyens  d'émancipation  de  l'autre1  ». 

Pour  confirmer  ces  prévisions  prophétiques  de  l'influence  de 
l'immigration  sur  l'abolition,  nous  devons  ajouter  que,  dans  la 
dernière  période  de  l'esclavage,  les  abolitionnistes  brésiliens  ont 
toujours  été  soutenus  par  les  étrangers  établis  au  Brésil,  à  l'ex- 
ception de  quelques  marchands  portugais  de  Rio-de-Janeiro  et 
d'un  très  petit  nombre  d'Américains  du  Nord  établis  à  San-Paulo. 
Le  seul  crime  commis  dans  cette  province  contre  les  abolition- 
nistes, le  meurtre  d'un  fonctionnaire  favorable  à  l'abolition,  a  été 
commis  à  l'instigation  de  deux  médecins  des  États-Unis.  Par  contre, 

1.  Ouvrage  cité.  Vol.  III,  page  117. 


IMMIGRATION.  491 

les  Italiens  ont  toujours  été  dos  partisans  enthousiastes  de  l'aboli- 
tion. C.Ylail  le  petit  marchand  ambulant,  le  colporteur  (mascate) 
italien  qui  traversait  la  plantation,  se  mettait  en   communication 
avec  les  noirs,  leur  annonçait  que  l'heure  de  la  délivrance  appro- 
chai!, leur  racontait  les  efforts  des  amis  inconnus  qui  travaillaient 
pour  la  cause  des  esclaves.  Quelquefois,  il  conseillait  à  ceux-ci  de 
quitter  les  planlations,maisilleséloignaitdetouteidéede  crimeou 
de  violence  contre  les  maîtres.  Des  Brésiliens  des  plus  patriotes  ont 
souvent  dit   qu'on   ne  pouvait  songer  sérieusement  à  la  venue 
d'immigrants  européens  avant  que  l'esclavage  fût  aboli.  La  vérité 
est  qu'il  a  fallu  l'arrivée  de  quelques  milliers  de  ces  immigrants 
pour  rendre  possible  cette  abolition.  On  peut  dire  que  la  ques- 
tion de  l'esclavage  au  Brésil  a  été  résolue  dans  la  province  de 
San-Paulo.  Sans  l'immigration  blanche  et  sans  le  grand  nombre 
d'ouvriers  européens  qui  y  faisaient  valoir  les  terres,  l'abolition 
n'y  aurait  pu  se  faire  en   1888  de  l'admirable  manière   qu'ont 
applaudie,   dans  un  accord  qui   est   bien   rare   en  de  pareilles 
matières,  tous  les  esprits  pratiques  et  tous  les  cœurs  généreux. 

Voilà  un  bienfait  de  l'immigration  européenne  au  Brésil  dans 
les  dernières  années,  bienfait  dont  on  ne  saurait  trop  estimer  les 
résultats.  En  racontant  l'histoire  de  la  colonie  d'Ybicaba  nous 
l'avons  considérée  comme  le  commencement  de  cette  immigration 
c'est-à-dire  comme  la  préparation  de  ce  grand  bienfait  de  l'abo- 
lition. 

La  colonie  d'Ybicaba  et  celles  qui  ont  été  formées  d'après  le 
même  système  se  basaient,  comme  on  l'a  vu,  sur  un  contrat 
passé  entre  le  colon  et  le  propriétaire  des  terres.  Ces  contrats  qui 
ont  d'abord  semblé  indispensables  pour  la  garantie  des  frais  de 
la  part  du  propriétaire  ont  été  la  cause  de  malentendus  et  ont 
créé  un  régime  où  les  incidents  désagréables,  hélas  !  ne  furent 
pas  rares. 

Ainsi  que  nous  l'avons  vu,  le  régime  d'Ybicaba,  basé  sur  un 
contrat  compliqué  et  dont  l'observation  la  plus  stricte  était  néces- 
saire pour  la  prospérité  de  la  colonie,  fut  le  système  adopté 
par  les  colonies  qui  furent  bientôt  créées  sur  le  même  plan 
dans  une  partie  de  la  province  de  San-Paulo.  Sans  doute,  ce 
mouvement  donna  quelques  bons  fruits,  malgré  les  erreurs 
commises;  la  population  blanche  de  la  province  reçut  toujours 
par  là  un  accroissement  remarquable.  Cependant  les  propriétaires 
et  les  colons  eurent  des  désagréments  de  toute  sorte  provenant 
de  causes  diverses  qui  se  sont  souvent  aggravées  par  l'interven- 


492  LE     BRE'SIL      EX      1889. 

tion  des  autorités  consulaires  de  V Allemagne,  du  Portugal  et  de 
la  Suisse.  Ces  fonctionnaires  ont  trop  souvent  révélé  la  préoccu- 
pation * i ne  M.  de  Bismarck  appellait  tout  récemment  morbus  consu- 
laris  et  qui  consiste  dans  des  excès  de  zèle,  dans  des  efl'orls  pour 
soulever  partout  des  questions,  dans  le  seul  butd'attirer  sur  leurs 
personnes  les  regards  des  chancelleries. 

En  1858,  les  réclamations  des  colons  mécontents  attirèrenl 
l'attention  du  gouvernement  brésilien.  Un  commissaire  du  gouver- 
nement visita  28  colonies  où  le  système  d'Ybicaba  était  appliqué  à 
plusde  2.000 colons  Allemands,  Suisses  et  Portugais.  Les  questions 
soulevées,  selon  l'avis  du  commissaire  du  gouvernement,  étaient 
dues  à  deux  causes:  1°  le  peu  de  /de  et  de  discernement  des  agents 
chargés  de  recruter  des  colons  en  Europe,  et  la  facilité  avec  laquelle 
les  colons  étaient  reçus  à  leur  arriver,  car  on  ne  se  préoccupait  ni 
de  leurs  habitudes,  ni  de  leur  profession,  ni  de  leur  moralité,  ni 
de  leur  âge,  ni  de  leur  santé.  C'est  ainsi  qu'on  rencontrait  dans 
ces  établissements  non  seulement  des  hommes  vicieux,  étrangers 
au  travail  des  champs  et  môme  à  toute  espèce  de  travail,  mais 
encore  des  vieillards  et  des  invalides  incapables  de  tout  service; 
2°  le  défaut  d'une  inspection  nécessaire  et  d'une  bonne  adminis- 
tration de  la  justice.  D'ailleurs  la  loi  qui  régissait  les  contrats 
entre  les  immigrants  et  leurs  patrons,  la  loi  du  11  octobre  18:}", 
était  trop  sévère,  et  son  application  donnait  lieu  à  des  difficultés* 
C'est  en  raison  de  cette  législation  défectueuse  que  la  plupart  des 
colonies  qu'on  voulut  établir  ne  tardèrent  pas  à  échouer.  Ce  fut 
alors  que  dans  quelques  pays  de  l'Europe  des  mesures  furent 
prises  contre  l'émigration  pour  le  Brésil.  Les  colons  qui  partaient 
pour  l'Amérique  ayant  signé  des  contrats  de  service  avant  leur 
départ  n'avaient  pas  une  idée  bien  nette  du  pays  ni  des  travaux 
qu'on  leur  demanderait. 

Bientôt  tous  les  consuls  étrangers  et  les  Brésiliens  les  plus 
éclairés  furent  convaincus  que  le  régime  de  la  liberté  la  plus  ab* 
solue  chez  le  colon  était  celui  qui  lui  permettrait  de  mieux  choisir 
un  travail  selon  ses  aptitudes  et  ses  goûts,  et  que  ce  régime  ne 
serait  que  plus  utile  aux  propriétaires  des  terres  et  au  pays  en 
général. 

Ces  difficultés  détournèrent  un  peu  les  propriétaires  de 
l'emploi  d'ouvriers  européens.  D'autres  circonstances  vinrent 
contribuer  à  l'arrêt  du  mouvement  colonisateur,  dont  nous  avons 
esquissé  les  commencements.  Le  prix  chaque  jour  plus  élevé  du 
café  laissait  toujours  un  gros  bénéfice  au  planteur,   même  s'il 


IMMIGRATION.  493 

achetait,  pour  faire  cette  culture,  (les  esclaves  à  un  prix  qui  ne 
faisait  que  hausser  après  la  cessation  complète  de  la  traite  en 
L850. 

La  guerre  du  Paraguay  qui,  pendant  cinq  ans,  empêcha  le 
gouvernement  brésilien  de  s'occupersérieusement  d'immigration  ; 
la  hausse  extraordinaire  du  coton  au  moment  de  la  guerre  de 
ision  aux  États-Unis  ;  le  grand  nombre  d'esclaves  que  les 
planteurs  du  sud  du  Brésil  achetaient  dans  les  provinces  du 
nord,  toutes  ces  circonstances  contribuèrent  à  l'arrêt  de  l'immi- 
gration, et,  par  suite,  à  la  prolongation  de  l'esclavage. 

Le  petit  nombre  d'immigrants  qui  arrivèrent  au  Brésil  entre 
1860  et  1S70  furent  pour  la  plupart  des  ouvriers  que  se  fixaient 
dans  les  villes,  parfois  des  parents  des  colons  que  le  gouverne- 
ment avait  tixés  dans  les  colonies  de  l'État,  ou  encore  des  Portu- 
gais qui  se  destinaient  au  petit  commerce.  Parmi  eux  il  y  avait 
très-peu  de  colons  se  destinant  aux  travaux  agricoles.  Cette 
dernière  forme  de  colonisation  ne  florissait  guère  alors.  En  1870, 
le  consul  du  Portugal  à  Rio  attribuait  cet  état  de  choses  aux 
contrats  de  location  de  service.  «  J'ai  observé,  disait-il,  que  le 
meilleur  système  est  celui  de  la  liberté  ;  partout  où  je  l'ai  vu 
adopté,  les  plaintes  des  colons  contre  les  propriétaires  ont  cessé, 
et  les  propriétaires  ont  toujours  payé  à  leurs  colons  la  valeur  du 
traité  de  ceux-ci,  car  ils  étaient  sûrs  que  d'autres  cultivateurs 
auraient  aussitôt  engagé  les  colons  qui  auraient  quitté  les  plan- 
tations où  ils  n'auraient  pas  été  satisfaits.  Je  me  suis  donc  abstenu 
de  faire  des  contrats  de  services  pour  les  colons  ;  je  leur  ai  tou- 
jours montré  combien  ils  gagneraient  à  ne  pas  faire  de  contrats 
de  cette  nature,  car  au  Brésil  jamais  le  travail  ne  leur  manque- 
rait, et  ils  trouveraient  toujours  où  se  placer  à  leur  grand 
avantage1.  » 

À  cette  époque  le  gouvernement  portugais  faisait  procéder  à 
une  enquête  très  rigoureuse  au  sujet  de  l'émigration.  De  cette 
enquête  il  résulta  que  souvent  une  mauvaise  foi  évidente  avait 
présidé  à  ces  contrats,  qui  étaient  vraiment  odieux.  La  commis- 
sion parlementaire  portugaise  examina  plusieurs  de  ces  contrats, 
et  lit  connaître  les  abus  qu'elle  y  avait  découverts.  Le  parle- 
ment portugais  s'occupa  notamment  d'un  contrat  qui  l'indigna 
plus  que  tous  les  autres,  et  d'après  lequel  deux  maçons  portugais 

1.  Primeiro  inquerito  parlamentar  sobre  a  Emigraçào  Portuguesa,  pela 
commissao  da  Camara  dos  Senhores  Deputados.  —  Lisboa,  1873,  page  467. 


494  LE     HUÉSIL     EU     1889. 

louaient  leurs  services  à  un  propriétaire  de  Sau-Paulo  qui  leur 
imposai!  les  condil  ions  les  plus  dures,  et  se  faisait  la  pari  du  lion 
dans  les  minces  profits  de  leur  travail,  en  les  enchaînant  par  une 
série  de  clauses  rigoureuses,  en  leur  allouant  en  un  mot  87  cen- 
times  par  jour,  quand  au  Brésil  un  maçon  ne  reçoit  par  jour  jamais 
moins  de  5  francs2.  Sans  doute  ees  faits  ne  constituaient  que  «1rs 
exceptions,  mais  leur  existence  révélait  un  état  de  choses  auquel 
le  gouvernement  ne  pouvait  pas  rester  indifférent. 

Vers  l'époque  où  prit  fin  la  guerre  du  Paraguay,  la  situation  de 
l'agriculture  au  Brésil  semblait  prospère,  surtout  celle  de  la  cul- 
ture du  café.  C'était  une  prospérité  peu  durable,  et  qui  se  main- 
tenait au  milieu  des  grands  maux  résultant  de  l'esclavage,  dont 
l'abolition  graduelle  était  exigée  par  l'intérêt  social  et  national 
du  pays  qui  ne  pouvait  être  sacrifié  plus  longtemps  à  l'in- 
térêt, d'ailleurs  plus  apparent  que  réel,  d'une  seule  culture 
industrielle,  celle  du  café. 

Le  parti  conservateur  brésilien  qui  se  trouvait  au  pouvoir  (1871) 
entreprit  alors  l'abolition  de  l'esclavage,  qu'il  ne  put  compléter 
que  dix-sept  ans  plus  lard,  en  menant  à  bout  cette  grande  œuvre 
de  conservation  sociale. 

On  commença  par  la  loi  Rio-Branco  du  28  septembre  1871 
qui  déclarait  libres  les  enfants  des  mères  esclaves,  et  que  le  pre- 
mier ministre  d'alors,  le  vicomte  de  Rio-Branco,  obtint  par  son 
énergie  et  son  éloquence  du  parlement  brésilien,  où  elle  rencontra 
une  forte  opposition.  Le  gouvernement  devait  logiquement 
songer  dès  lors  à  l'immigration.  En  condamnant  ainsi  l'esclavage, 
il  fallait  organiser  le  travail  libre,  il  fallait  appliquer  des  sommes 
considérables  à  l'immigration. 

A  partir  de  1856  le  gouvernement  avait  de  nouveau  fait 
quelque  chose  pour  l'immigration,  mais  la  moyenne  annuelle  des 
immigrants  arrivés  jusqu'en  1872  au  Brésil  atteignait  à  peine 
10.000.  Depuis  lors,  le  nombre  des  immigrants  arrivés  au  Brésil 
ne  fit  que  croître.  Nous  ne  pouvons  mieux  montrer  ce  mouve- 
ment ascendant  qu'en  copiant  ici  les  chiffres  que  donne  à  ce 
sujet  la  Grande  Encyclopédie,  dans  la  remarquable  étude  sur  le 
Brésil  signée  par  l'éminent  M.  Emile  Levasseur,  membre  de 
l'Institut  : 

«  Jusqu'à  l'année  1872,  la  moyenne  annuelle  des  immi- 
grants n'a  guère  dépassé  10.000,  quoiqu'une  notable  augmenta- 

1.  Inrjuerito  Parlementai',  page  23.  Le  nom  de  ce  propriétaire  s'y  trouve 

cité. 


M  M  1  G  R  A  T  ION. 


495 


lion  se  fût  produite  eu  L871  (12.331  immigrants)  et  en  1872 
(18.441  .  Jusqu'à  cette  dernière  date,  les  Portugais  formaient  les 
deux  tiers  des  immigrants  ;  ils  comptaient  pour  près  de  la  moitié 
dan-  Le  total  dos  étrangers  au  recensement  de  1872.  Depuis  1873, 
le  nombre  des  immigrants  italiens  commença  à  dépasser  celui 
des  Portugais.  En  1S7i\  il  n'y  avait  au  Brésil  (pie  G. 108  français, 
et,  depuis,  l'immigration  française,  qui  était  déjà  bien  faible  dans 
ce  pays,  a  diminué  encore.  C'est  à  partir  de  1873  que  le  gouver- 
nement impérial  commença  à  appliquer  des  sommes  importantes 
au  service  de  la  colonisation.  Grâce  à  la  protection  donnée  à 
l'immigration  parle  ministère  Rio-Branco,  les  colons  qu'il  avait 
introduits  en  attirèrent  d'autres,  et  le  courant  se  forma,  malgré  le 
défaut  de  suite  qu'on  peut  reprocher  à  la  politique  du  gouverne- 
ment dans  cette  question.  D'une  part,  à  mesure  que  le  nombre  des 
diminuait,  le  besoin  de  travailleurs  libres  augmentait  et 
rance  d'un  meilleur  salaire  attirait  plus  d'émigrants.  D'autre 
part,  les  Brésiliens  comprenaient  mieux  l'intérêt  qu'il  y  avait 
pour  eux  à  multiplier  les  hommes  pour  mettre  en  valeur  les  terres 
de  leur  immense  empire  et  s'ingéniaient,  à  l'exemple  d'autres 
Élats,  à  encourager  l'immigration.  Une  société  formée  dans  ce  but 
à  Rio,  sous  la  direction  du  général  comte  de  Beaurepaire-Rohan 
et  du  sénateur  d'Escragnolle-Taunay,  a  rendu  de  notables  ser- 

La  statistique  des  immigrants  débarqués  dans  le  seul  port 
de  Rio-de-Janeiro  montre  le  progrès  accompli  sous  ce  rapport  en 
un  quart  de  siècle: 


NATIONALITE 

des    immigrants    débarqués 

à  Rio-de-Janeiro. 


Portugais 

Italiens 

Françai- 

Anglais 

LOls 

Américains  du  Nord 

Allemand 

Autrichiens 

Dirers  

TûTAX.  .  . 

ie  annuelle.. 


PERIODE 


1864-72 
(9  ans). 


56.351 
9.307 
5.862 
5.252 
3.229 
3.515 
3.119 


88.823 


9.869 


1873-86 
(14  ans). 


110.891 

112.279 

3.475 

2.215 

15.684 

316 

23.469 

9.022 

479 

417 

26.549 


304.796 


21.771 


ANNEE 
1887. 


10.205 

17.115 

241 

72 

1.766 

31 

717 

274 


31.310 


496  LE     BRESIL     EN  1889. 

«  De  1878  à  1888,  le  nombre  total  des  immigrants,  dans  les 
ports  qui  dressent  la  statistique  de  l'immigration,  a  été  : 

Année  1878 22.423  immigrants. 

—  1879 22.189     — 

—  1880 29.729    — 

—  1881 11.054    — 

—  1882 27.197     — 

—  1883 28.670    — 

—  1884 20.087 

—  1885 30.135    - 

—  1886 25.741     — 

—  1887 54.990    — 


«  En  1888,  il  s'est  élevé  tout  à  coup  pour  deux  ports  à  131.268, 
dont  56.915  débarqués  à  Rio  et  74.353  à  Santos. 

«  L'immigration  enregistrée  en  1887  se  répartit  de  la  manière 
suivante  d'après  le  lieu  de  débarquement  : 

Rio-de- Janeiro 31.310 

Santos 22.227 

Rio  Grande  do  Sul 815 

Santa  Catharina 430 

Bahia 199 

Paranâ    9 

54.990 

«  Dans  cette  statistique  ne  figurent  pas  les  immigrants  arrivés 
à  Pernambuco,  à  Para  et  dans  les  autres  provinces  du  Nord  vers 
lesquelles  se  dirige  aussi  depuis  quelque  temps  un  certain  cou- 
rant d'immigration.  Les  émigrants  partent  pour  la  plupart  de 
Lisbonne,  de  Naples,  de  Gènes,  d'Anvers,  de  Hambourg  ;  l'Al- 
sace et  surtout  le  Tirol  en  fournissent  beaucoup.  Sur  les  31.310 
qui  ont  débarqué  à  Rio  en  1887,  il  y  avait  25.450  du  sexe  mas- 
culin et  5.800  du  sexe  féminin.  Les  enfants  (au-dessous  de  12  ans) 
des  deux  sexes  étaient  au  nombre  de  4.787.  Il  y  a  des  provinces 
qui  n'ont  pas  de  statistique  de  ce  genre  et  d'autres  (excepté  le 
port  de  Rio)  qui  n'enregistrent  pas  les  départs.  A  Sâo  Paulo,  le 
chiffre  total  de  l'année  1887  est  de  34.710,  dont  22.227  étaient 
arrivés  par  Santos  et  12.483  par  Rio.  Au  Brésil  on  ne  compte 
comme  immigrants  que  les  voyageurs  étrangers  de  3e  classe, 


IMMIGRATION.  497 

tandis  que  dans  d'autres  pays  d'Amérique  on  compte  les  voya- 
geurs iW-  toute  classe. 

«  La  province  de  Sâo  Paulo  s'est  distinguée  tout  particuliè- 
rement par  Les  efforts  qu'elle  a  faits  pour  attirer  les  immigrants. 
Une  société  promotrice  s'y  est  formée,  dont  le  président,  M.  Mar- 
tinhc  Prado  Junior,  est  venu  en  Europe  (en  1887)  dans  le  but 
d'obtenir  des  facilités  pour  l'émigration.  Une  hôtellerie,  qui  peut 
abriter  1.000  personnes,  a  été  ouverte  à  Sao-Paulo  pour  loger  et 
nourrir  gratuitement  pendant  une  semaine  les  nouveaux  venus  ; 
on  les  aide  à  se  placer.  11  existe  dans  l'île  de  Flores,  près  de  Rio- 
d. -Janeiro,  une  hôtellerie  du  môme  genre,  où  les  immigrants 
sont  logés  et  nourris  gratuitement,  jusqu'à  ce  que  le  passage, 
gratuit  aussi,  par  chemin  de  fer  ou  par  bateau  à  vapeur,  leur  ait 
été  assure  pour  la  destination  de  leur  choix.  Une  autre  vient 
d'être  créée  à  Juiz-de-Fôra  (Minas).  Les  grands  efforts  de  Sao- 
Paulo  datent  de  la  loi  provinciale  du  29  mars  1884  et  surtout  de 
l'année  1887;  ils  ont  coïncidé  avec  la  propagande  abolitionniste 
et  ils  ont  contribué  à  préparer  le  grand  événement  de  l'émanci- 
pation. Aussi  la  province,  qui  avait  enregistré  2.743  immigrants 
en  1882,  6.650  en  1885,  a-t-elle  atteint  le  chiffre  de  34.710  en 
1887,  et  celui  de  92.000  en  1888.  On  y  compte  aujourd'hui  des 
colonies  prospères,  à  Piqueté  et  à  Cannas  (Belges),  à  Ribeirâo 
Preto  (Italiens  et  Allemands),  à  Cascalho  (Italiens),  à  Nova  Louzâ 
(Portugais).  » 

L'exposition  faite  par  le  savant  écrivain  français  d'après 
des  documents  rigoureusements  exacts,  montre  d'une  façon 
très  claire  et  très  précise  ce  que  le  Brésil  a  fait  et  obtenu 
pendant  ces  dernières  années  par  rapport  à  l'immigration.  Le 
gouvernement  a  eu  quelquefois  des  défaillances.  Des  mesures 
précipitées  et  quelquefois  contradictoires  ont  été  prises.  L'insta- 
bilité des  ministères,  au  Brésil  comme  partout,  a  été  souvent  une 
cause  d'erreurs,  et  ces  erreurs  en  matière  d'immigration  sont 
toujours  signalées  dans  la  statistique  par  la  décroissance  dans  le 
nombre  des  immigrants.  Ainsi,  en  1881,  le  nombre  d'immigrants 
qui  avait  été,  en  1880,  de  29.729,  est  tombé  à  11.054,  car  le 
ministre  de  l'agriculture,  M.  Buarque  de  Macedo,  avait  fait 
supprimer  les  subsides  jusqu'alors  alloués  à  l'immigration  et 
l'assistance  aux  immigrants,  et  avait  fait  annoncer  en  Europe 
cette  mesure.  En  tout  cas,  l'abolition  de  l'esclavage  et  la  politique 
colonisatrice  adoptée  par  le  ministère  du  10  mars  1888  n'ont  pas 
manqué  de  porter  leurs  fruits,  et  l'année  1888  ayant  amené  à  Rio- 

32 


498 


LE     BRÉSIL     EN     188  0 


de-Janeiro  el  à  Santos  L31.268  immigrants,  pour  L'année  1889  an 
chiffre  aussi  considérable  semble  s'annoncer.  Déjà  pendant  le 
mois  de  janvier  20.726  immigrants  sont  entrés  au  Brésil  par  ces 
deux  ports.  Ces  chiffres  indiquent  que  désormais  L'immigration 
au  Brésil  ne  pourra  pas  diminuer  de  si  tôt.  L'expérience  des 
autres  pays  prouve  que  l'immigration  appelle  L'immigration. 

On  s'est  beaucoup  préoccupé  au   Brésil  du  besoin   de  faire 
connaître  aux  populations  européennes  les  avantages   que    Les 
colons   pourraient  trouver  au    Brésil.   Aujourd'hui   on  devra  Qe 
plus  attacher  à  ce  qu'on  a  appelé  la  propagande   pour  l'immigra- 
tion   L'importance    qu'on   Lui   attribuait  autrefois.    L  expérience 
proave  que  quelquefois  presque   toute   la  jeune  population  d  un 
village  émigré  par  L'influence  d'un  compatriote  qui,  en  s  établis- 
sant là-bas,  a  changé  la  misère  qu'il  avait  à  souffrir  dans  sou  pays 
natal  contre  une  aisance  à  laquelle  il  ne  serait  jamais  parvenu  s  .1 
était  resté  chez  lui.  Autrefois  une  lettre  d'un  paysan  du  pays  trentin 
établi  àSan-Pauloafait  partir  des  centaines  d'individus  de  la  con- 
trée. Un  compatriote  qui  revient  avec  un  peu  d'argent  est  la  ca 
a-ml  „rami  nombre  de  départs.  Les  familles  séparées  par  l'émigra- 
tion tâchent  de  se  rejoindre;  une  lettre  chargée  apporte  au  village 
quelquefois  une  traite  ou  un  mandai  postal  avec  une  somme  qui 
permet  aux  parents  restés  dans  le  pays  d'aller  retrouver  L  absent. 
Aussitôt  qu'un  grand  nombre  d'émigrantsd'un  pays  est  établi  dans 
un  autre  pays,  ces  immigrants  en  attirent  d'autres.  C  est  ce   qui 
arrivera  au  Brésil,  notamment  dans    la  province  de    San-Paulo, 
laquelle   compte  plus   de  200.000  étrangers  qui  s'y  sont    établis 
dans  ces  dernières  années;  en  1888,  environ  92.000  des  131.268 
immigrants   débarqués   à   Santos  et  à   Rio-de-Janeiro   se   sont 
établis  dans  cette  province,  qui  est  devenue  un  des  pays  de  plus 
forte  immigration  au  monde.  Les  cinq  grandes  colon.es  de  J  Aus- 
tralie ne  reçoivent  guère  par  an  que  64.000  immigrants. 

Nous  avons  vu  quand  et  comment  ce  mouvement  a  commet 
L'assemblée  provinciale  de  San-Paulo  a,  pendant  quelque  temps, 
fait  trêve  au  régime  du  verbiage  politique  et  parlementaire  qui  • 
toujours  caractérise  plus  ou  moins  .'es  assemblées  au  Brésil. 
C'est  aux  mesure,  prises  par  cette  assemblée  et  à  la  loi  nationale 
du  28  septembre  de  1885,  qui,  en  accélérant  l'émancipation  des 
esclaves  destinait  le  produit  de  certains  impots  au  payement  des 
passages  des  immigrants,  qu'on  doit  Le  grand  essor  pris  nVrnn- 
m..ml  par  l'immigration  dans  les  régions  méridionales  du 
Brésil. 


IMMIGRATION.  499 

11  esl  curieux  de  savoir  L'emploi  qu'ont  trouvé  ces  immigrants. 
[la  son!  presque  tous  employés  à  la  culture  du  café,  dont  la 
production  augmente  dans  des  proportions  extraordinaires,  et 
dont  les  prix  se  maintiennent  élevés  sur  les  marchés  d'Europe  et 
des  États-Unis,  en  donnant  ainsi  un  démenti  aux  prévisions  des 
économistes,  notamment  à  celles  du  savant  M.  W.  Scheffer,  qui,  il 
v  a  déjà  vingt  ans,  prévoyait  une  baisse  du  prix  du  café 
amenant  la  mine  de  cette  culture.  Et  cette  augmentation  de  la 
production  est  due,  à  San-Paulo,  à  l'immigration  européenne.  Le 
Financial  News,  de  Londres,  feuille  très  estimée  des  économistes, 
au  mois  de  décembre  1888,  étudiait  ce  phénomène  et  arrivait  aux 
conclusions  suivantes  : 

l  '  C'est  dans  la  riche  province  de  San-Paulo,  dont  le  progrès 
saeci'oit  rapidement,  que  la  culture  du  café  prend  un  développe- 
ment chaque  jour  plus  grand;  3°  le  prix  de  50  shillings  pour  100 
approximativement  100  fr.  par  50  kilos)  laisse  encore  un  énorme 
bénéfice  aux  planteurs;  3°  une  petite  part  de  la  culture  du  café 
à  San-Paulo  est  faite  par  les  travailleurs  noirs;  4°  le  climat  et 
la  culture  dans  les  districts  à  café  conviennent  au  travail  des 
Européens:  5°  l'immigration  des  Italiens  laborieux  dans  la  pro- 
vince est  très  grande  et  continuelle,  elle  a  été  de  92.000  Tannée 
dernière  et  sera  probablement  de  100.000  Tannée  prochaine  ; 
()°  avec  cette  immigration  il  y  a  tout  lieu  d'espérer  que  la  culture 
du  café  s'étendra  toujours  tant  que  les  prix  se  maintiendront  ; 
7°  il  n'y  a  aucune  raison  de  craindre  une  diminution  de  produc- 
tion: 8°  les  États-Unis  nous  ontmontré,  d'ailleurs,  que  l'abolition 
de  l'esclavage  (même  quand  elle  a  été  faite  soudainement)  a 
coïncidé  avec  une  grande  augmentation  de  la  production. 

Ces  conclusions  du  journal  anglais,  que  nous  prenons  dans  le 
Tropical  Agriculturist  de  Ceylan1,  donnent  une  idée  de  la  situa- 
tion agricole  et  économique  de  la  province  de  San-Paulo.  Cette 
situation  aurait  été  celle  de  toutes  les  provinces  du  Brésil  si 
l'émigration  s'y  était  dirigée.  Les  autres  provinces  méridionales 
du  Brésil  ont  bien  encouragé  l'immigration  dans  la  limite  de  leurs 
ressources.  La  province  de  Minas-Geraes  a  pris,  depuis  peu, 
plusieurs  mesures  qui  amèneront  sans  doute  sur  son  territoire 
un  nombre  considérable  d'immigrants.  Au  sujet  de  la  province 
de  Rio-de-Janeiro  nous  ne  pouvons  que  nous  rallier  à  l'opinion  de 
M.  Levasseur  :  «  Il  est  regrettable,  dit-il,  que  la  province  de  Rio- 

1.  Numéro  de  février  1889. 


500  LE     BRÉSIL     EN     18  89. 

de-Janeiro,  don!  les  terres  appartiennent  à  de  grands  proprié- 
taires '■!  qui  pourrail  établir  facilement  des  colonies  aux  abords 
de  ses  nombreuses  voies  ferrées,  n'ait  jusqu'ici  rien  entrepris  en 
ce  genre  '.  »  Cependant,  depuis  quelque  temps,  on  y  fail  de  loua- 
bles  efforts  pour  suivre  l'exemple  des  provinces  voisines. 

Les  colonies  de  San-Paulo  prospèrent  presque  toutes.  Les 
Italiens  qui  les  peuplent  écrivenl  dansleur  pays,  et  chaque  bateau 

qui  arrive  à  Santos  amène  un   nouveau  renfort  de  c patriotes 

(|iii,  sollicités  par  leurs  parents,  viennent  les  rejoindre  au  Brésil. 
Comme  spécimen  de  la  situation  de  ces  colons  nous  transcrivons 
les  paroles  d'un  savant  français,  le  Dr  Couty,  qui  a  visité  un 
grand  nombre  de  ces  colonies;  en  parlant  de  l'une  d'elles  il  dil  : 
«  Je  n'oublierai  jamais  l'accueil  de  ces  braves  travailleurs  italiens. 
Voyant  arriver  le  propriétaire  et  quelques  visiteurs,  ils  s'em- 
pressèrent de  nous  offrir  l'entrée  de  leurs  maisons,  et  aussi  les 
diverses  douceurs,  eau-de-vie,  liqueurs  de  leur  composition,  fro- 
mage et  fruits  secs  qu'ils  pouvaient  posséder.  Je  me  croyais 
presque  chez  ces  paysans  limousins  dont  je  descends  et  que 
j'aime  :  c'était  la  même  hospitalité  naïve,  Je  même  orgueil,  le 
même  amour  du  chez  soi  ;  c'était  aussi  le  même  confortable, 
avec  le  sens  restreint  que,  dans  ce  milieu,  comporte  le  mot.  Du 
lard,  des  saucissons  étaient  pendus  aux  solives  du  plafond  ;  des 
quantités  de  légumes  et  de  fruits  secs  divers  étaient  en  réserve 
dans  une  des  pièces  de  la  maison  ;  on  trouvait  de  petites  plan- 
tations dans  le  jardin,  des  poules  et  des  porcs  derrière  l'habita- 
tion ;  la  modeste  commode  contenait  du  linge,  et  supportait  une 
vaisselle  de  faïence  suffisante  ;  des  lits  qui  paraissaient  larges  et 
bien  garnis  s'étalaient  dans  les  coins  des  deux  salles,  et  ces 
hommes  et  ces  femmes  qui  venaient  de  la  roça  carper  le  café 
étaient  cependant  propres  dans  leur  mise;  ils  portaient  à  leurs 
pieds  des  souliers,  et  ils  avaient  dans  leur  tiroir  ou  dans  la  caisse 
de  leur  maître  des  économies2.  » 

En  1884,  époque  où  le  prix  du  café  était  très  lias  sur  les 
marchés  étrangers,  ce  qui  diminuait  les  profits  des  colons,  car 
les  propriétaires  réduisaient  naturellement  les  salaires,  M.  Couty 
estimait  que  l'épargne  moyenne  annuelle  d'une  famille  de  colons 
cultivant  le  café  était  d'environ  1,000  fr.  ce  qui  faisait,  pour  les 
cinq  mille  familles  établies  alors  à  San-Paulo  dans  ces  conditions, 

1.  Article  Brésil  dans  la  Grande  Encyclopédie. 

■2.  Docteur  Couty  :  Etude  de  Biologie  Industrielle  sur  le  café.  —  llio-de- 
Janeiro,  1883. 


IMMIGRATION.  501 

une  épargne  annuelle  de  5  millions  de  francs.  Aujourd'hui,  on 
ne  saurai!  estimer  à  inoins  de  50  millions  cette  épargne,  dont 
M.  Couty  parlait  en  1884,  car  le  nombre  d'immigrants  est  au  moins 
dix  fois  plus  grand  qu'alors. 

Nous  devons  encore  revenir  sur  le  système  des  contrats  de 
location  de  services,  dont  nous  avons  signalé  plus  haut  les  incon- 
vénients. L'ancienne  législation  a  été  modifiée  en  1879,  mais  les 
défauts  de  la  loi  précédente  ont  été  en  grande  partie  conservés. 
Sous  le  régime  de  cette  nouvelle  loi,  plusieurs  incidents  regret- 
tables se  sont  produits  ;  mais  les  conditions  économiques  ayant 
beaucoup  changé  depuis  quelque  temps,  les  mauvais  effets  de 
cette  loi  sont  annulés  par  la  force  des  choses.  Au  Brésil  on  ne 
change  pas  facilement  les  lois.  On  reproche  souvent  aux  législa- 
teurs brésiliens  leur  lenteur,  mais  souvent,  sans  qu'on  ait  touché  à 
la  loi,  le  temps  et  les  événements  viennent  tout  seuls  changer  les 
choses.  Ainsi  quand  on  a  aboli  l'esclavage  par  une  loi,  l'opinion 
publique  avait  déjà  obtenu  des  propriétaires  d'esclaves  un  si  grand 
nombre  délibérations,  que,  sous  peu  de  temps,  grâce  à  la  propa- 
gande abolitionniste,  tous  les  esclaves  existant  encore  au  Brésil 
auraient  été  libérés  sans  qu'une  loi  fût  votée.  La  loi  de  la  location 
de  services,  qu'on  a  beaucoup  attaquée  au  Brésil,  existe  encore, 
seulement  il  n'y  a  guère  lieu  de  l'appliquer.  Il  y  a  une  grande 
demande  de  travail  ;  les  arrivages  d'immigrants  européens  ont 
créé  une  offre  de  bras  considérable,  mais  à  peine  suffisante  aux 
besoins  de  la  culture.  De  là  une  situation  avantageuse  pour  le  pro- 
priétaire, qui  est  sûr  de  trouver  des  ouvriers,  et  favorable  au  colon 
qui  est  également  sûr  de  trouver  du  travail.  M.  Ed.  de  Grelle,  mi- 
nistre de  Belgique  àRio-de-Janeiro,  qui  a  visité  les  colonies  de  San- 
Paulo,  écrit  à  ce  sujet:  «  Le  port  de  Santos  est  le  point  de  débarque- 
ment des  émigrants.  Ils  sont  transportés  gratuitement  jusqu'à 
Sain  t-Paul  par  le  chemin  de  fer  qui  gravit  la  Serra-do-Mar  et  qui,  ceci 
soit  dit  en  passant,  procure  au  voyageur  le  spectacle  du  superbe 
panorama  de  la  chaîne  des  montagnes  couvertes  de  forêts  vierges. 
Le  train  dépose  les  arrivants  au  seuil  d'une  immense  hôtellerie 
établie  pour  le  service  de  l'immigration  dans  des  conditions  excep- 
tionnellesde  salubrité  et  de  propreté.  Cet  asile,  où  règne  une 
organisation  admirable,  peut  contenir  plus  de  mille  personnes. 
Les  nouveaux  venus  y  sont  hébergés  gratuitement  pendant  huit 
jours,  en  y  attendant  des  offres  d'engagement  qui  ne  tardent 
guère.  Il  est  rare  que,  dans  le  délaide  trois  jours,  toutes  les 
familles  d'émigrants  ne  trouvent  pas  à  se  placer,   car    dès   leur 


LE     BRÉS1  l.     IN      1  889. 

arrivée  des  propositions  leur  sont  faites  de  tous  côtés  par  les 
nombreux  propriétaires  à  la  recherche  de  travailleurs.  Les  con- 
trats de  location  de  services  n'existent  plus.  Il  y  a  simple  <,iin"<,/>'- 
ment  verbal  dont  I"  résiliation  de  part  et  d'autre  est  facultative 
en  tout  temps.  Les  émigrants  ont  le  choix  entre  les  colonies  cr< 
par  le  gouvernement  et  les  exploitations  particulières.  Dans  les 
premières,  ils  peuvent,  s'ils  en  ont  les  moyens,  acheter  une 
maison  et  10  hectares  de  terrain  pour  la  somme  de  i.250fr.  au 
comptant  ou  del.SOOfr.  avec  crédit  de  quatre  ans.  Il-  cultivent  sur 
leur  concession  les  produits  dont  rénumération  a  été  faite  pins 
haut,  y  entretiennent  du  bétail  H  peuvent,  au  surplus,  travailler 
pour  le  compte  du  gouvernement  pendant  quelques  heures  de  la 
journée,  au  salaire  de  i.000réis(2.50^  par  jour.  Mais  il  n'y  a,  sous 
ce  rapport,  aucune  obligation.  L'écoulement  des  produits  de  la 
culture  se  fait  avec  facilité,  grâce  aux  moyens  de  transport 
rapide  et  aux  voies  de  communication  reliées  avec  les  villes 
environnantes. 

«  Les  (rois  grands  centres  coloniaux  sous  la  direction  du  gou- 
vernement provincial,  sont  ceux  de  Cannas,  Cascalho  et  Ribei- 
râo-Preto.  Le  premier,  celui  de  Cannas,  situé  à  proximité  de  la 
ligne  ferrée  de  Saint-Paul  à  Rio,  a  une  extension  de  \  kilomètres, 
et  se  trouve  à  la  fois  desservi  par  le  chemin  de  fer  et  par  le 
fleuve  navigable  de  Parahyba,  sur  lequel  se  font  les  transports 
de  canne  à  sucre  à  destination  de  la  grande  usine,  distante  de 
15  kilomètres  de  la  colonie.  La  seconde  colonie,  celle  de  Cas- 
calho, située  près  du  chemin  de  fer  Paulista  et  à  une  courte  dis- 
tance des  villes  de  Limoeira,  de  Rio-Claro  et  de  Arâras,  dispose 
d'excellentes  terres  et  de  moyens  de  transports  faciles.  Plusieurs 
familles  belges  y  sont  installées  et  satisfaites  de  leur  sort.  La 
colonie  centrale  de  Ribeirào-Preto,  dans  le  nord,  près  de  la  ville 
de  ce  nom,  à  il 7  kilomètres  de  Saint-Paul,  desservie  par  la  ligne 
du  chemin  de  fer  Mogyana,  est  la  plus  belle  et  la  plus  recher- 
chée, à  cause  de  l'extrême  fertilité  de  ses  terres  et  du  grand 
profit  donné  par  ses  cultures.  Elle  est  peuplée  d'Italiens  dont  la 
prospérité  toujours  croissante  est  manifeste.  D'autres  colonies 
moins  considérables,  mais  également  bonnes,  existent  à  Cloria, 
à  San-Bernardo,  à  San-Caetano,  à  Santa-.Vnna,  à  Lorena;  elles 
sont  divisées  par  lots  dont  beaucoup  sont  encore  disponibles. 
Quels  que  soient  les  avantages  que  peuvent  offrir  les  grands 
centres  coloniaux,  il  est  désirable  qu'au  début  de  son  séjour  au 
Brésil,  l'émigrant  se  place  dans  les  propriétés  particulières,  qu'il 


IMMIGRATION.  503 

possède  ou  non  les  ressources  suffisantes  pour  l'acquisition  de 
terrains.  En  voici  la  raison  :  nouvellement  débarqué  dans  un 
pays  Inconnu,  il  a  toute  une  éducation  à  faire.  Il  faut  qu'il  s'accli- 
mate, qu'il  apprenne  la  langue  généralement  parlée,  qu'il  s'initie 
à  do  nombreux  détails  sur  les  procédés  <lo  culture  différents  de 
ceux  d'Europe,  qu'enfin  il  n'épuise  pas  on  tâtonnements  le  pécule 
dont  il  aura  besoin  plus  tard,  malheur  qu'occasionne  souvent  la 
précipitation  à  se  fixer.  Employé  dans  les  grandes  plantations 
particulières,  il  gagne  immédiatement  un  salaire  qui  lui  permet 
de  subvenir  à  son  existence  et  à  celle  de  sa  famille,  il  est  défrayé 
de  beaucoup  de  dépenses,  logé,  soigné  gratis.  Il  acquiert  des 
connaissances  qui  lui  manquent  et  peut,  sans  se  presser,  chercher 
la  situation  qui  lui  convient  le  mieux,  car  il  lui  est  loisible  de 
quitter,  du  jour  au  lendemain,  l'exploitation  agricole  où  il  s'est 
provisoirement  engagé1.  » 

On  remarquera  que  nous  n'avons -parlé  jusqu'ici  que  de  l'im- 
migration européene  dans  le  Sud  du  Brésil.  En  effet,  cette  partie 
de  l'immense  territoire  brésilien,  à  cause  de  son  climat,  favorable 
aux  Européens,  à  cause  de  l'influence  d'une  grande  ville  comme 
Rio-de-Janeiro,  et  de  l'action  puissante  du  gouvernement  central 
du  Brésil  qui  y  a  son  siège,  était  destinée  à  voir  se  former  les 
agglomération  coloniales,  d'où  essaimeraient,  sous  l'action  des  lois 
économiques  et  démographiques,  les  émigrations  qui  peupleraint 
la  partie  centrale  et  le  nord  du  Brésil.  Nous  trouvons  trop  absolue 
l'opinion  de  M.  de  Straten-Ponthos  quand  il  dit  :  «  C'est  avec  sa 
propre  population  que  le  Brésil  doit  exploiter  ses  provinces  du 
nord.  Le  contingent  européen  ne  peut  travailler  que  dans  le  sud, 
mais,  en  s'y  concentrant,  il  déplacera  au  profit  du  nord  une 
partie  de  la  population  brésilienne  et  de  la  race  africaine  esclave 
ou  libre2.  » 

L'Européen  peut  s'acclimater  dans  le  nord  du  Brésil.  C'est  là 
l'opinion  de  tous  ceux  qui  ont  visité  la  vallée  de  l'Amazone. 

«  Si  je  n'avais  jugé  le  climat  de  Para,  écrit  Je  naturaliste 
anglais  Wallace,  que  d'après  les  impressions  du  premier  séjour 
d'une  année  que  j'y  fis,  on  pourrait  croire  que  je  m'étais  laissé 
influencer  par  la  nouveauté  du  climat  tropical3.  Mais  à  mon 
retour,  après  un  séjour  de  trois  ans  dans  le  haut  Amazone  et 

1.  M.  Ed.  de  Grelle,  ministre  de  Belgique  à  Rio  de  Janeiro  :  Etude  du 
Brésil  (Rapport  officiel).  Bruxelles,  1888,  page  12. 

2.  Budget  du  Brésil.  Vol.  III,  page  2. 

3.  Exploration  of  the  Valley  of  the  Amazon.  Vol.  I,  pag.  429. 


504  LE     BRÉSIL     EN     1889. 

dans  le  Rio  Negro,  je  fus  également  frappé  do  la  merveilleuse 
fraîcheur  et  de  L'éclal  de  l'atmosphère,  ainsi  que  de  la  douceur 
balsamique  des  soirées,  qui  certainement  n'ont    d'égales   dans 

aucun  antre  pays  (jnc  j'aie  visité..,  Je  répète  (page  80)  (111*1111 
homme  peut  travailler  ici  aussi  bien  qu'en  Angleterre  pendant 
les  mois  chauds  de  l'été  :  s'il  veut  se  donner  la  peine  d'y  tra- 
vailler seulement  pendanl  trois  heures  le  matin  el  trois  heures 
l'après-midi,  il  produira,  pour  les  besoins  et  le  confort  de  sa  \  ie, 
beaucoup  plus  qu'en  travaillant  pendanl  douze  heures  en  Angle- 
terre. » 

«  Le  climat,  dit  Agassiz1,  y  est  parfaitement  salubre,  et  d'une 
température  beaucoup  plus  modérée  qu'on  ne  le  suppose  généra- 
lemment.  » 

M.  Coudreau  dit  à  son  tour  : 

«  On  rend  trop  volontiers,  dit-il2,  tous  les  pays  chauds  soli- 
daires d'une  insalubrité  que  l'on  croit  générale...  Nous  voyons 
une  terre  voisine,  la  Guyane  française,  où  les  entreprises  imbé- 
ciles de  la  plus  routinière,  la  plus  formaliste,  la  plus  incapable  et 
la  plus  suffisante  de  toutes  les  administrations,  coûtèrent  la  vie  à 
plusieurs  milliers  de  colons  européens.  Mais,  en  Amazonie  il  n'en 
a  pas  été  ainsi.  Ni  l'administration  portugaise,  ni  l'administration 
brésilienne  ne  se  sont  rendues  coupables  de  ces  criminelles 
inepties.  L'initiative  individuelle  y  a  été  aussi  habile  et  heureuse 
qu'elle  a  été  maladroite  et  malheureuse  dans  la  petite  colonie  d'à 
côté.  Tous  les  colons  blancs  qu'on  a  introduits  à  Cayenne  y  sont 
morts  ;  tous  ceux  qu'on  a  introduits  en  Amazonie  s'y  sont  accli- 
matés, y  ont  prospéré  et  y  ont  fait  souche.  Cayenne  est  une  petite 
terre  souillée,  sinistre  et  maudite  qu'on  fuit.  L'Amazonie,  climat 
et  milieu  identiques  d'ailleurs,  est  un  vaste  monde  qui  ne  respire 
([lie  la  richesse  et  le  bonheur,  et  qui  sera  d'ici  peu  un  des  centres 
d'attraction  des  émigrants  d'Lurope.  » 

Le  naturaliste  français,  le  comte  de  Castelnau,  parlant  de  la 
Guyane  Hollandaise  où  le  climat  est  bien  plus  ardent  que  nulle 
part  au  Brésil,  dit  également  : 

«  Je  restai  convaincu  du  fait  dont  j'avais  douté  jusque-là: 
que  les  Européens  peuvent,  avec  des  précautions  convenables, 
travaillera  la  terre  sous  les  tropiques.  Je  crois  que  les  résultats 
qu'ils  obtiendront  seront  loin  d'égaler  ceux  que  donne  le   travail 


1.  Voyage  au  Brésil,  pag.  504. 

■1.  Etudes  sur  La  Guyane  cl  l'Amazonie.  Vol.  I,  page  350. 


IMMIGRATION.  505 

forcé  du  nègre;  mais  je  suis  également  persuadé  qu'ils  y  pour- 
ront acquérir  facilement  un  degré  de  bien-être  auquel  ils  ne 
pourraient  jamais  atteindre  dans  leur  pays1.  » 

La  préférence  donnée  par  l'immigration  au  sud  du  Brésil 
tient  aux  causes  que  nous  avons  indiquées,  et  de  ce  fait  il  ne 
s'ensuit  pas  que  le  nord  ne  puisse  jamais  être  peuplé  parles 
Européens.  Quand  nous  disons  — peuplé —  nous  devrions  dire 
plutôt  —  exploité,  —  car  le  nord  du  Brésil,  ainsi  que  le  reste  du 
pays  entier,  est  déjà  peuplé,  bien  que  dans  une  faible  proportion. 
C'est  même  un  avantage  du  Brésil  que  celui  d'avoir  des  habitants, 
bien  qu'en  petit  nombre,  sur  les  parties  les  plus  reculées  de  son 
territoire.  Ainsi  que  nous  l'avons  dit,  dès  les  premiers  temps,  la 
population  du  Brésil  a  toujours  gagné  beaucoup  en  étendue  et 
très  peu  en  densité.  De  ce  fait  résulte  que  n'importe  où  que  l'Eu- 
ropéen soit  dirigé,  il  y  aura  déjà  été  précédé  par  le  Brésilien  ;  il 
n'aura  pas  à  conquérir  des  terres  absolument  inconnues  sur  des 
indiens  sauvages,  que  les  Brésiliens  ont  déjà  refoulés  ou  absorbés 
en  grande  partie.  L'élément  brésilien  a  rendu  à  la  civilisation 
les  mêmes  services  que  les  Espagnols  ou  les  indiens  civilisés  par 
les  Jésuites,  ont  rendus  dans  la  région  sud-ouest  des  Etats-Unis 
et  en  Californie,  où  l'Américain  anglo-saxon  est  aujourd'hui 
établi  en  provoquant  l'extraordinaire  prospérité  qu'on  admire 
dans  ces  pays. 

Pendant  quelques  années  encore  le  sud  du  Brésil  offrira  à 
l'étranger  des  conditions  économiques  supérieures  à  celles  qu'il 
peut  rencontrer  dans  le  nord.  Mais  cet  accroissement  de  popu- 
lation qu'on  voit  dans  le  sud,  gagnera  par  infiltration  les  régions 
centrales  dont  l'immigration  se  rapproche  chaque  jour  davantage, 
grâce  aux  chemins  de  fer.  Pour  qu'on  voie  la  réalisation  de 
ce  phénomène  on  ne  sera  pas  obligé  d'attendre  que  les  provinces 
du  sud  soient  saturées  d'immigrants,  et  qu'elles  déversent  vers 
le  nord  le  trop  plein  de  leur  population.  L'émigration  se  dirigera 
vers  ces  nouvelles  régions  en  vertu  de  son  expansion  naturelle, 
bien  avant  que  cette  saturation  se  soit  produite. 

Les  immigrants  européens  sont  arrivés  d'abord  aux  États- 
Unis  sur  les  cotes  des  États  orientaux;  or,  encore  aujourd'hui, 
le  sol  de  ces  États  n'est  pas  complètement  occupé.  Dans  l'État- 
Empire,  comme  on  nomme  l'État  de  New-York,  il  y  a  de  vastes 

1.  F.  de  Castelnau:  Expédition  dans  les  parties  centrales  de  V Amérique 
Méridionale.  Tome  Y,  page  203. 


506  LE     BRÉSIL     EN     1889. 

régions  boisées  relativement  dépourvues  d'habitants,  ce  qui  n'a 
pas  arrêté  la  marche  en  avanl  de  L'immigration  vers  les  parages 
lointains  du  l'a :•- \\  est.  De  même, au  Brésil,  L'immigration  arrivera 
dans  les  régions  où  elle  n'a  pas  pénétré  jusqu'aujourd'hui,  bien 
avanl  que  San-Paulo,  le  sud  de  Minas-Geraes  et  les  autres  pro- 
vinces méridionales  aient  tout  Leur  sol  occupé  et  leurs  ressources 
exploitées.  Sans  doute  le  gouvernement  peut  dépenser  de  ("argent 
pour  établir  des  immigrants  dans  les  provinces  du  nord,  mais 
nous  doutonsqu'on  puisse  considérer  cette  mesure  comme  pru- 
dente, en  ce  moment,  car  Le  devoir  du  gouvernement  est  d'aider 
L'immigration  Là  où  les  chances  de  réussite  sont  les  plus  grandes. 
Si  le  gouvernement  parvenait  à  fonder  une  ou  deux  colonies  dans 
une  de  ces  provinces,  le  profit  actuel  serait  pel  il  ;  si  le  manque 
de  mesures  préparatoires  amenait  un  échec  tout  Le  pays  souflri- 
i-ait  du  discrédit  injuste  mais  malheureux  de  la  colonisation  au 
Brésil.  La  mission  du  gouvernement  est  d'aider  au  développement 
naturel  de  L'expansion  économique  :  toute  création  artificielle  est 
forcément  stérile  et  nuisible.  Le  nord  du  Brésil  doit  recevoir  pour 
Le  moment  toute  aide  du  gouvernement  sous  la  forme  de  réduc- 
tion d'impôts,  d'extension  de  ses  chemins  de  fer,  d'amélioration 
de  ses  ports,  de  perfectionnement  de  son  outillage  industriel  et 
économique  dont  la  population  actuelle,  relativement  plus  dense 
qu'ailleurs,  jouira  dès  maintenant,  et  que  l'immigration  naturelle 
du  sud  mettra,  sous  peu,  en  œuvre  avec  un  réel  profit. 

Quand  nous  parlons  de  cet  ajournement  de  l'émigration  euro- 
péenne vers  le  nord  du  Brésil,  nous  entendons  parler  de  l'immi- 
gration d'ouvriers  agricoles  seulement.  L'émigration  commer- 
ciale, celle  des  hommes  appartenant  aux  classes  libérales  y  trou- 
veront déjà  un  emploi  très  avantageux  de  leur  activité.  Ainsi, 
dans  la  vallée  amazonienne,  où,  deux  siècles  au  moins  s'écou- 
leront avant  qu'on  abandonne  cette  extraordinaire  industrie 
forestière  du  caoutchouc  et  de  l'extraction  d'autres  essences 
précieuses  en  industrie,  dont  les  profits  exceptionnels  éloigneront 
pour  longtemps  les  ouvriers  de  toute  tentative  sérieuse  de  culture 
sédentaire,  les  bras  nationaux  semblent  suffire  en  ce  moment 
à  cette  exploitation.  Mais  là  comme  dans  tout  le  nord  du  Brésil 
aussi  bien  qu'au  sud,  et  peut  être  encore  mieux  là  qu'ailleurs, 
l'immigration  des  industriels,  des  commerçants  et  de  leurs  capi- 
taux peut  trouver  un  emploi  rémunérateur  immédiat. 

Nous    regrettons  d'avoir   à  le  constater,  mais,  pendant  que  le 
commerce  allemand   grâce  à   L'immigration   allemande  se  déve- 


IMMIGRATION.  507 

toppe  au  Brésil,  pendant  que  les  Italiens  commencent  à  y  prendre 
une  prépondérance  marquée,  nous  voyons  l'influence  commcr- 
ciale  française,  jadis  si  grande,  décroître  chaque  jour. 

Cependant,  les  Français,  plus  qu'aucun  autre  peuple,  trouve- 
raient au  Brésil  \u\  accueil  qui  leur  permettrait  de  prospérer.  La 
condition  des  étrangersau  Brésil  est  la  même  que  celle  des  Brési- 
liens :  l'esprit  d'exclusivisme  national  perd  chaque  jour  du 
terrain.  Dans  les  classes  les  plus  élevées  du  pays,  parmi  les  nota- 
bilités de  la  politique,  les  noms  étrangers  ne  sont  pas  rares.  La 
tolérance  religieuse  est  une  loi  de  l'État  et  un  dogme  de  nos 
mœurs.  Enfin,  disons  avec  le  diplomate  belge  que  nous  avons 
déjà  cité  : 

«  Les  Européens  arrivés  au  Brésil,  vivront  au  milieu  d'une 
nation  policée  et  amie;  ils  jouiront  d'une  entière  sécurité  et 
d'une  complète  indépendance,  auront  enfin  appui  et  protection 
sous  l'égide  d'un  gouvernement  et  d'institutions  qui  ont  donné 
au  pays,  pendant  une  période  de  quarante-deux  ans,  une  ère  non 
interrompue  de  paix  et  de  prospérité1.  » 

1.  M.  Ed.  de  Grelle.  Ouv.  cité,  page  21. 


CHAPITRE  XVII 

PRESSE 

Par  M.  FERREIRA  DE  ARAUJO 


Dire  ce  qu'est  la  presse  à  Rio-de-Janeiro,  c'est  dire  ce  qu'elle 
est  à  peu  près  dans  tout  le  Brésil.  La  différence  la  plus  caracté- 
ristique entre  les  deux  est  celle-ci  :  dans  les  provinces,  la  presse 
est  politique  avant  tout  ;  dans  la  capitale,  elle  est  principalement 
neutre.  De  là  la  diversité  de  l'influence  qu'elles  exercent:  dans 
les  provinces,  le  journalisme  fait  de  la  politique  de  clocher  ;  à 
Rio-de-Janeiro,  il  agit  sur  la  politique  générale  du  pays. 

Le  développement  de  la  presse  neutre  a  pour  principale  cause 
la  mauvaise  organisation  et  l'indiscipline  des  partis.  Au  Brésil, 
comme  en  bien  d'autres  Etats,  les  partis  ne  répondent  guère  à 
leur  titre  :  les  conservateurs  ont  fait  parfois  des  réformes  qui 
allaient  au-delà  des  exigences  des  libéraux,  et  ceux-ci  ont  été 
quelquefois  plus  timides  que  leurs  adversaires.  Ainsi,  en  1884,  un 
ministère  libéral  réclamait  l'affranchissement  des  esclaves  âgés 
de  plus  de  soixante  ans  ;  en  1885,  un  autre  ministère,  également 
libéral,  proposait  une  loi  qui  aurait  prolongé  l'esclavage  jusqu'à 
la  fin  du  xixe  siècle.  En  1888,  un  ministère  conservateur  succède 
à  un  autre  ministère  conservateur  ouvertement  partisan  du  statu 
quo,  et  sans  perdre  un  instant  il  fait  l'abolition  immédiate  et 
inconditionnelle  !  Les  libéraux,  à  leur  tour,  ayant  à  réformer  le 


1.  M.  Ferreira  de  Araujo,  l'un  des  journalistes  les  plus  remarquables  du 
Brésil,  est  co-propriétaire  et  rédacteur  en  chef  de  la  Gazeta  de  Noticias,  de 
Rio-de-Janeiro,  dont  il  est  parlé  dans  le  cours  de  ce  travail. 


510  LE    BRÉSIL   EN   1  889. 

système  électoral,  restreignirent  Le  droil  de  vote.  Il  faut,  cepen- 
dant, rendre  cettejustice  à  leur  libéralisme  ou  à  leur  imprévoyance 
politique  en  tant  que  |>;u-Li  :  jusqu'alors,  les  élections  donnaient 
invariablement  des  Chambres  d'une  seule  nuance  politique;  après 
leur  réforme,  l'opposition  devint  plus  nombreuse  au  Parlement, 
pas  assez,  cependant,  pour  que  les  changements  politiques  dépen- 
dent du  vote  des  électeurs.  Comme  les  libéraux  avaient  été  Les 
premiers  à  faire  l'essai  du  nouveau  Système,  les  élections  amenè- 
rent à  la  Chambre  un  nombre  suffisant  de  conservateurs  pour 
rendre  précaire  l'existence  dis  ministères,  en  s'alliant  aux  libé- 
raux mécontents  et  en  formant  avec  eux  des  majorités  d'occasion. 
Néanmoins,  l'empereur  dut  procéder  comme  par  le  passé,  en 
appelant  au  pouvoir  le  parti  contraire  quand  il  lui  sembla  que 
son  tour  était  arrivé.  Les  conservateurs  avaient  eu  le  temps 
d'étudier  le  côté  faible  du  système  ;  aussi,  quand  ils  firent  les 
élections  à  leur  tour,  obtinrent-ils  une  victoire  plus  éclatante  que 
leurs  adversaires,  et  leur  majorité  fut-elle  plus  considérable. 

Quoiqu'il  en  soit,  le  Brésil  est  encore  loin  d'envoyer  à  la 
Chambre  des  véritables  représentants  de  la  volonté  nationale  ;  la 
majorité  y  représente  encore,  surtout,  la  volonté  du  gouverne- 
ment. 

Ces  faits  expliquent  qu'il  y  ait  des  accords  nécessaires,  des 
concessions  réciproques,  et  que  le  choix  des  députés,  aussi  bien 
que  la  nomination  des  fonctionnaires,  retombe  le  plus  souvent,  non 
pas  sur  les  plus  capables,  mais  sur  les  plus  utiles.  Do  ut  des, 
voilà  la  grande  maxime,  là  comme  dans  maint  pays  parlemen- 
taires. 

La  presse  affiliée  aux  partis  est  le  reflet  naturel  de  ces  ten- 
dances. Pour  elle,  tous  ses  coreligionnaires  sont  de  grands 
hommes,  et  tous  ses  adversaires  sont  de  mauvais  patriotes.  Dans 
l'opinion  de  ceux  qui  sont  dans  l'opposition,  l'Empereur  exerce 
un  pouvoir  personnel  et  corrompt  toutes  choses  ;  dès  que  ceux-là 
mêmes  montent  au  pouvoir,  ils  célèbrent  à  qui  mieux  mieux  les 
vertus  du  souverain  que  l'Europe  nous  envie. 

Dans  la  capitale,  qui  possède  une  grande  population  étrangère. 
commerçante  et  industrieuse,  ces  paroles  ne  trouvent  guère 
d'écho;  on  en  connaît  la  signification.  Dans  les  provinces,  la 
passion  des  partis  les  applaudit  ou  les  blâme  selon  le  cas,  mais, 
en  attendant,  elle  les  dévore  avec  avidité. 

De  là  le  développement  de  la  presse  neutre  dans  la  capitale. 
Pour  le  négociant,  pour  le  rentier,  pour  une  bonne  partie  des 


PRESSE.  511 

fonctionnaires,  pour  le  médecin,  L'avocat,  le  militaire,  l'artiste, 
l'ouvrier,  il  est  assez,  indifférent  que  ce  soient  les  libéraux  ou  les 
conservateurs  qui  dominent.  Avec  les  uns  et  les  autres,  ils  le 
savent,  il  peul  y  avoir  hélas!  les  mêmes  déficits,  les  mêmes  em- 
prunts, les  mêmes  oscillations  du  change,  lesmémes  modifications 
fréquentes  dans  les  tarifs  douaniers,  les  mêmes  sollicitations  poul- 
ies emplois,  pour  les  concours,  pour  l'avancement,  pour  toute 
chose.  Ce  qui  leur  importe  parfois  c'est  de  garder  un  ministère 
qui  a  l'ait  une  réforme  utile  et  qui  l'exécute  avec  sincérité,  ou 
de  voir  tomber  un  ministère  qui  a  pris  une  mesure  vexatoire  ou 
maladroite.  Lorsqu'il  y  a  un  changement  de  parti  au  pouvoir, 
tous  ces  gens-là  ne  s'aperçoivent  même  pas  de  la  différence,  qui 
n'affecte  que  les  cercles  politiques,  à  cause  de  l'inévitable  con- 
tredanse des  présidents  de  province  et  des  autorités  chargées  de 
la  police. 

La  presse  neutre  répond  parfaitement  aux  besoins  de  toute' 
cette  masse  d'indifférents.  N'ayant  des  engagements  avec  aucun 
gouvernement,  elle  en  applaudit  les  actes  qui  profitent  à  la  majo- 
rité du  pays,  et  combat  ceux  qui  lui  paraissent  nuisibles.  Indif- 
férente à  la  conservation  des  mêmes  hommes  au  pouvoir,  ou  à 
leur  remplacement  par  d'autres  ,elle  applaudit  aujourd'hui  l'acte 
d'un  ministre  qu'elle  a  combattu  hier  pour  un  autre  acte,  car  ni 
son  appui  ni  son  opposition  ne  visent  le  ministre  ou  le  parti 
auquel  il  appartient,  mais  seulement  son  acte,  qui  peut  être  bon 
ou  mauvais  pour  un  individu,  pour  une  classe  ou  pour  le  pays. 
Une  fuis  cet  acte  promulgué  ou  révoqué,  la  presse  neutre  se 
soucie  peu  que  le  ministre  garde  son  portefeuille  ou  qu'il  l'aban- 
donne. 

C'est  à  la  Chambre  des  députés,  et  non  pas  à  la  presse,  qu'il 
appartient  de  renverser  les  ministères.  Cette  attribution  des 
Chambres  est,  d'ailleurs,  toute  platonique  au  Brésil.  Elles  n'ont 
pas  encore  réussi  à  faire  accepter  leurs  indications  parl'empereur. 
Elles  renversent  un  ministère,  et  le  monarque  choisit  qui  bon  lui 
semble,  parfois  même  des  personnages  qui  se  trouvaient  parmi 
les  vaincus  delà  veille. 

Quand  on  sait  l'influence  que  la  capitale  exerce  sur  l'empire 
tout  entier,  on  comprend  l'action  que  la  presse  neutre  de  la  capi- 
tale exerce  à  son  tour.  Hàtons-nous  de  dire  que  toute  la  presse 
neutre  ne  se  règle  pas  par  les  mêmes  principes.  Son  représentant 
le  plus  ancien  et  le  plus  accrédité,  le  Jornaldo  Commercio,  qui  en 
est  à  sa  soixante-septième  année  d'existence,  a  une  manière  spé- 


512  LE    BRÉSIL   EN   1  8  89. 

ciale  de  se  montrer  neutre.  11  n'a  pas  de  parti,  mais  son  program- 
me c'csl  l'ordre,  c'est  le  respect  <le  l'autorité.  On  peul  dire  de  lui 

que,  M  m  l  en  fiant  neutre,  il  est  conservateur,  conservateur  de 
toul  gouvernement,  même  quand  celui-ci  est  libéral.  Cela  veut-il 
dire  que  le  Jornal  do  Commercio  donne  son  appui  aveugle  à  tous 
les  ministères  ? —  lui  aucune  manière  :  il  met  au  service  du  prin- 
cipe d'autorité,  représenté  par  le  gouvernement,  son  grand  pres- 
tige de  journal  sérieux  ;  mais,  quand  il  est  nécessaire,  il  en  discute 
les  actes,  il  les  combat  même,  sans  aucune  violence  de  langage,  en 
sauvegardant  ce  que  les  gens  pacifiques  appellent  les  bons  prin- 
cipes. 

Pendant  quelques  années  on  a  créé,  dans  la  capitale,  degrands 
journaux  neutres,  qui  voulaient  suivre  la  même  voie  que  le 
Jornal  do  Commercio.  Ils  sont  tous  morts  au  bout  de  quelque 
temps  :  ils  ne  répondaientà  aucun  besoin,  ils  se  bornaient  à  faire 
ce  qui  était  déjà  fait  par  le  Jornal  do  Commercio^  avec  le  prestige 
en  moins.  La  Gazetade  Noticias,  parvenue  à  sa  quatorzième  année, 
fut  le  premier  journal  neutre  qui  parut  pour  faire  le  contraire  de 
ce  que  faisait  le  Jornal  do  Commercio.  Son  attitude  systématique 
c'est  l'opposition  à  tous  les  gouvernements.  Très  démocratique 
d'allures,  elle  a  pris  le  contre-pied  du  Jornal.  Tout  d'abord,  elle 
se  mit  à  la  portée  des  bourses  les  plus  modestes  et  ouvrit  ses 
colonnes  à  toutes  les  plaintes  et  à  toutes  les  réclamations  du 
peuple.  Lorsqu'elle  épousait  une  cause,  elle  la  défendait  sur  tous 
les  terrains  et  sur  tous  les  tons.  Une  question  posée  dans  un 
article  de  fond  ne  recevait-elle  pas  de  solution,  aussitôt  elle  la. 
discutait  en  vers,  la  délayait  en  contes,  la  réduisait  en  anecdotes, 
et  la  faisait  figurer  en  même  temps  sous  trois  ou  quatre  rubriques 
du  journal,  avec  insistance,  tantôt  en  riant,  tantôt  en  tonnant, un 
peu  «  à  la  diable  ». 

J'ai  parlé  tout  à  l'heure  de  plaintes  du  peuple.  Ceci  m'amène 
tout  naturellement  à  esquisser  une  autre  physionomie  très  carac- 
téristique de  la  presse  brésilienne,  physionomie  commune  aux 
journaux  de  la  capitale  et  à  ceux  des  provinces.  Si  elle  est  plus 
accentuée  dans  la  presse  neutre  de  la  capitale,  c'est  parce  que  le 
public  donne  la  préférence  à  cette  presse  et  non  pas  parce  que 
les  autres  journaux  la  repoussent.  Je  veux  parler  des  insertions 
sur  demande  (publicaçôes  a  pedido).  il  s'agit  d'une  rubrique  du 
journal  où  tout  le  monde  peut  écrire  ce  que  bon  lui  semble,  en 
payant  à  l'administration  du  journal  l'espace  qu'il  y  occupe.  C'est 
une  page  spéciale  d'annonces;  mais,  au  lieu  d'y  voir  un  droguiste 


PRESSE.  513 

présentant  ses  produits  ou  un  magasin  de  nouveautés  annonçant 
une  vente  de  soldes  au  rabais,  on  y  trouve  un  citoyen  dénonçant 
les  injustices  dont  il  se  croit  la  victime  de  la  part  des  pouvoirs 
publics,  se  plaignant  de  son  voisin  ou  de  son  rival.  Ces  plaintes 
sont  fréquemment  agrémentées  d'injures  et  même  de  calomnies, 
et  la  vie  privée  n'y  est  pas  toujours  épargnée. 

Tarin i  les  cl  rangers  qui  visitent  le  Brésil  et  qui  parviennent  à 
comprendre  le  portugais,  les  uns  sont  scandalisés  de  cette  forme 
spéciale  de  notre  presse,  les  autres  la  trouvent  simplement 
comique.  Cependant,  elle  n'a  rien  d'extravagant;  elle  a  ses  rai- 
sons d'être,  ou  les  a  eues.  Elle  est  déjà  autre  qu'elle  n'a  été,  et  elle 
disparaîtra  certainement  quand  disparaîtront  à  leur  tour  les 
causes  qui  l'ont  fait  naître. 

Une  de  ces  causes  est  notre  organisation  politique,  sociale  et 
civile,  qui  ressemble  assez  à  une  vraie  désorganisation.  Dans 
aucun  pays  on  ne  saurait  trouver  plus  de  libertés  qu'il  n'en  existe 
de  fait  au  Brésil.  Il  y  est  permis  de  tout  dire,  dans  la  presse,  dans 
la  tribune,  contre  la  police,  contre  la  magistrature,  contre  le 
gouvernement,  contre  l'empereur.  Il  y  a  des  lois  contre  l'abus  de 
ces  libertés,  mais  ces  lois  on  ne  les  applique  jamais  réguliè- 
rement, et,  pour  beaucoup  de  cas,  il  n'y  a  pas  de  lois  spéciales. 

La  loi  sur  la  presse  est  absolument  incomplète.  Seuls  les  par- 
ticuliers lésés  ou  offensés  par  une  de  ces  «  insertions  sur 
demande  »  ont  recours  à  la  loi,  encore  le  font-ils  rarement.  La 
loi  sur  la  presse  n'a  prévu  que  deux  sortes  de  délits  pour  abus 
de  la  liberté  de  la  presse  :  la  calomnie  et  l'injure.  Dans  les  pro- 
cès pour  calomnie,  l'auteur  du  délit  est  admis  à  faire  la  preuve, 
et  il  comparait  devant  le  jury.  Le  procès  pour  injures  est  très- 
sommaire  ;  il  est  soumis  à  un  juge  et  n'admet  pas  la  preuve. 
Aussi  cette  législation  donne-t-elle  lieu  aux  résultats  les  plus 
étranges.  Un  citoyen  dénonce,  un  jour,  dans  un  journal,  certain 
fonctionnaire,  qu'il  accuse  de  prévarication,  il  fournit  la  preuve 
de  son  accusation,  si  bien  que  le  fonctionnaire  est  destitué  aussi- 
tôt. Celui-ci,  tant  qu'il  était  fonctionnaire,  ne  pouvait  actionner 
son  accusateur  que  pour  calomnie,  en  lui  demandant  défaire  la 
preuve  des  faits  avancés.  Mais,  une  fois  destitué,  il  agit  comme 
tout  autre  citoyen,  poursuit  son  accusateur  pour  injures  et  le 
fait  mettre  en  prison. 

Cette  législation  a  donné  naissance  à  une  curieuse  institu- 
tion, destinée  à  la  tourner.  Elle  a  créé  le  testa  de  ferro,  l'homme 
de  paille,  le  plastron.  L'offensé  cite  l'auteur  d'un  article  paru 

33 


•"»!  I  LE    BB  ÉS1  i.   EN    1  889  . 

dans  la  section  payante,  l'éditeur  du  journal  se  présente  et  exhibe 
L'autographe  qu'il  a  gardé  par  devers  lui  ;  l'article  a  paru  sans 
signature  on  bien  sous  un  pseudonyme:  — Y  Ami  de  la  vérité,  la 
Loi,  la  Morale  Publique,  lu  Main  du  trépassé,  ou  tout  autre,  plus 
ou  moins  pittoresque.  D'autres  lois,  il  porte  1(3  nom  de  fauteur 
véritable  en  toutes  lettres,  avec  sa  signature  reconnue  par  devant 
notaire;  niais  si,  à  la  lin  de  son  article,  l'auteur  n'a  pas  déclare 
qu'il  en  prend  la  responsabilité  légale,  l'éditeur  du  journal  incri- 
miné paie  un  homme  de  paille,  un  testa  de  ferro,  qui  fait  cette 
déclaration  et  qui  assume  toute  La  responsabilité.  Parfois  cet 
homme  de  paille  se  trouve  déjà  poursuivi  pour  une  douzaine  d'au- 
tres articles  du  même  genre,  qu'il  n'a  même  pas  lus.  Parfois 
encore,  il  est  sous  le  coup  d'une  condamnation  a  quelques  mois 
de  prison  pour  des  peccadilles  analogues.  Cette  condamnation,  il 
ne  l'a  pas  purgée,  d'ailleurs,  car,  en  cette  matière,  L'exécution  de 
la  sentence  dépend  d'une  requête  du  plaignant.  Si  celui-ci  décou- 
vre qu'il  en  est  ainsi,  il  s'empresse  de  prouver  que  L'homme  de 
paille  en  question  ne  jouit  pas  de  ses  droits  civils,  et  alors  c'est 
l'éditeur  du  journal  qui  est  poursuivi.  Si  celui-ci,  à  son  tour,  se 
trouve  dans  le  même  cas,  c'est  le  rédacteur  en  chef  ou  le  proprié- 
taire du  journal  qui  en  est  rendu  responsable. 

D'autres  fois  —  et  c'est  là  le  cas  le  plus  commun  —  la  victime 
se  contente  de  déclarer  au  public  que  l'auteur  responsable  de 
L'article  étant  le  fameux  testa-de-ferro  un  tel,  elle  méprise  les 
injures  qui  lui  ont  été  lancées  sous  le  couvert  d'un  individu 
pareil.  Quelques-uns,  plus  spirituels,  s'en  vont  trouver  l'homme 
de  paille  en  question,  lui  versent  une  certaine  somme,  et  celui-ci 
vient  déclarer  que,  poussé  par  la  misère,  il  avait  accepté  la  res- 
ponsabilité  d'un  article  de  M.  X.  contre  M.  Y;  mais  qu'il  n'avait 
même  pas  lu  cet  article,  et  que,  mieux  informé,  il  reconnaît 
loyalement  que  M  Y.  est  un  honnête  homme  et  un  parfait  gent- 
leman, tandis  que  M.  X.  est  un  fripon  et  un  drôle. 

C'est  là  l'abus,  le  mauvais  côté  d'une  mauvaise  loi.  11  n'en  est 
pas  moins  vrai  que  ces publicaçoes  a  pedido  ont  ou  ont  eu  leur 
bon  côté.  Alors  qu'il  n'y  avait  à  Rio-de-Janeiro  que  le  Jornal  do 
Commercio,  s'abstenant  par  système  de  publier  des  articles  désa- 
gréables  au  gouvernement,  ou  des  journaux  politiques,  et  par 
cela  même  suspects  au  public,  c'est  là  que  les  employés  ayant 
souffert  quelque  passe-droit,  que  les  classes  socialespeuprolégées 
ont  trouvé  où  exhaler  leurs  plaintes  ;  c'est  là  que  les  petits  ont 
affronté  les  grands,  en  dénonçant  au  public  l'oppression  qui  pe- 


PRESSE.  515 

sail  sur  eux.  Quand  la  presse  eut  pris  un  plus  grand  essor  parmi 
nous  et  fui  devenue  populaire  et  accessible  à  tous;  quand  des 
journalistes  eurenl  consenti  à  prendre  en  mains  certaines  ques- 
tions qui,  auparavant,  n'étaient  abordées  que  dans  les  «  insertions 
sur  demande  »,  celles-ci  conîmencèrent  à  diminuer.  Elles  iront 
en  diminuant  chaque  jour  davantage.  En  morne  temps,  le  niveau 
moral  de  la  presse  a  monté  :  les  administrations  des  journaux 
al  l'ait  un  scrupule  d'accueillir  des  élucubrations  qui  pour- 
raient paraître  dures  aux  lecteurs  habituels.  La  plaie  est  en  train 
de  guérir. 

Hâtons-nous  de  dire  que,  malgré  ces  dispositions  absurdes  de 
la  loi,  quand  un  journal  est  actionné  pour  un  article  de  l'un  de 
-es  rédacteurs,  celui-ci  dédaigne  d'avoir  recours  à  l'homme  de 
paille  et  qu'il  se  présente  personnellement  pour  assumer  la  res- 
ponsabilité de  ce  qu'il  a  écrit. 

Ce  relèvement  du  niveau  moral  de  la  presse  au  point  de  vue 
de  l'accueil  fait  par  elle  aux  «  insertions  sur  demande  »  et  le 
ferment  des  vieilles  habitudes  mauvaises  chez  une  certaine  partie 
de  la  population  ont  provoqué  la  création  d'une  espèce  particu- 
lière de  journaux,  qui  ont  eu  leur  moment  de  vogue.  Ces  feuilles 
ont  trouvé  leur  expression  la  plus  pernicieuse  dans  un  journal 
appelé  0  Corsario  (Le  Corsaire).  Outre  ce  qu'il  écrivait  de  son 
propre  fond  et  qui  était  pire  que  toutes  les  «  insertions  sur 
demande  »  parues  jusqu'alors,  ce  journal  accueillait,  moyennant 
finances,  tout  ce  qu'on  lui  envoyait  à  publier.  C'était  une  véri- 
table horreur  et  ce  fut  un  éclatant  succès  de  scandale.  Pendant 
longtemps,  il  s'attaqua  un  peu  à  tout  le  monde,  sans  que 
personne  le  poursuivit  :  les  uns  avaient  peur  d'un  scandale  plus 
grand  encore;  les  autres  croyaient  bien  faire  en  vouant  au 
mépris  des  injures  venues  d'une  telle  source.  Les  autorités  elles- 
mêmes  n'intervenaient  pas,  car  l'Empereur,  disait-on,  s'y  oppo- 
sait, au  nom  de  la  liberté  de  la  presse.  Un  beau  jour,  cependant, 
le  rédacteur  du  Corsaire  attaqua  violemment  un  officier  de 
l'armée.  Quelques  camarades  de  cet  officier  se  réunirent,  firent 
cause  commune  avec  lui,  et  le  rédacteur  du  Corsaire,  fut  assassiné 
en  plein  jour.  L'affaire  fit  sensation.  Beaucoup  de  gens  trouvè- 
rent le  châtiment  mérité.  Beaucoup  également  trouvèrent  qu'une 
quinzaine  ou  une  vingtaine  d'hommes  réunis  pour  assassiner  un 
seul  homme,  c'était  un  peu  trop  de  monde  pour  accomplir  un 
acte  de  justice. 

J'ai  dit  que  l'élévation  du  niveau  moral  des  «  insertions  sur 


516  LE    BRÉSIL  EN   1889. 

demande  »  avait  provoqué  la  création  de  journaux  sans  scru- 
pules, ("ondes  exclusivement  pour  alimenter  certaines  passions 
mauvaises.  Par  contre,  les  excès  mêmes  de  ces  journaux  ont 
exercé  une  influence  salutaire  sur  les  publicaçôes  a  pedido  : 
craignant  un  rapprochement  fâcheux  entre  les  deux  genres,  les 
administrations  des  journaux  sérieux  se  montrèrent  encore  plus 
sévères,  et  les  choses  ont  pris  insensiblement  une  meilleure 
tournure.  Aujourd'hui,  il  est  très  rare  de  découvrir  un  scandale 
dans  les  colonnes  consacrées  aux  «  insertions  sur  demandes  ». 
C'est  la  réclame  qui  est  en  train  de  le  remplacer. 

Cette  digression  à  propos  des  testas  de  ferro  m'a  détourné  de 
mon  sujet.  Je  parlais  de  la  politique  suivie  par  la  presse. 

La  presse  neutre  absorbe  presque  toute  l'attention  du  public 
à  Rio-de- Janeiro.  Aussi  la  presse  de  parti  y  a-t-elle  une  vie  fort 
précaire  et  n'y  est-elle  entretenue  ordinairement  que  par  les 
sacrifices  de  quelques  hommes  politiques.  Naguère  encore,  il  n'y 
avait  pas  un  seul  journal  franchement  politique  dans  la  capitale 
de  l'empire.  Vers  la  fin  de  l'année  1888,  a  paru  la  Tribuna  Libéral, 
dirigée  par  l'un  des  chefs  les  plus  éminents  du  parti  libéral, 
M.  le  vicomte  d'Ouro-Preto.  Les  conservateurs,  à  leur  tour,  y 
ont  fondé  le  Municipio  Neutro  sous  la  direction  du  président  du 
Conseil  municipal  de  Rio.  Les  républicains  n'avaient  dernière- 
ment aucun  organe  à  eux  à  Rio,  et  les  anciens  abolitionnistes 
continuaient  à  batailler  dans  la  Cidade  do  Rio  sous  les  ordres  de 
M.  José  do  Patrocinio. 

Dans  les  provinces,  au  contraire,  le  nombre  des  journaux  de 
parti  est  fort  considérable,  et  quelques-uns  d'entre  eux  font  une 
propagande  très  efficace,  qui  s'étend  môme  au-delà  des  limites 
de  leur  province.  Les  républicains  en  particulier  y  ont,  entre 
autres,  deux  journaux  très  bien  rédigés  :  la  Provlncia  de  San- 
Paulo,  à  San-Paulo,  et  la  Federaçâo,  à  Rio-Grande-du-Sud.  Les 
conservateurs  et  les  libéraux  et  les  diverses  nuances  de  ces  deux 
partis  constitutionnels  possèdent  des  organes  dans  tousles  chefs- 
lieux  de  province,  dans  toutes  les  villes  et  dans  tous  les  centres 
de  population  un  peu  importants.  Il  y  a  telle  petite  ville  de 
province  ayant  1G.000  habitants  qui  compte  jusqu'à  six  journaux 
politiques!  Quelques-uns  de  ces  journaux  ont  une  valeur  réelle. 
De  ce  nombre  sont  les  suivants  :  Amazonas  etJornal  do  Amazonas; 
Provincia  do  Para,  Diario  do  Grâo-Pard,  Commercio  do  Para; 
Paiz,  Diario  do  Maranhâo]  Pedro  II,  Libcrtador  ;  Jornal  do  Recife, 
Diario  de  Pernambaco ;  Diario  da  Bahia; Reforma,  de  Porto-Alegre  ; 


PRESSE.  517 

Comeio  PaulistanOj  de  San-Paulo;  Monitor  Campisla,  peut-être  le 
plus  ancien  des  journaux  du  Brésil,  et  mille  autres  qu'  il  serait 
trop  long  d'énumérer. 

Cependant,  il  est  facile  de  comprendre  que,  grâce  surtout  à 
la  centralisation  administrative  dont  nous  jouissons,  c'est  la  voix 
de  la  presse  de  la  capitale  qui  porte  le  plus  haut  et  le  plus  loin. 

J'ai  dit  tout  à  l'heure  que  nulle  part  au  monde  il  n'y  a  plus  de 
libertés  qu'au  Brésil  et  que  nulle  part  peut-être  on  n'en  abuse 
autant.  Il  faut  dire  aussi  que  le  gouvernement  et  les  autorités,  à 
leur  tour,  abusent  de  leur  pouvoir,  et  que,  dans  cet  état  de  choses, 
la  presse  devient  une  véritable  soupape  de  sûreté.  Certes,  les 
abus  des  autorités  n'ont  pour  cause  ni  de  mauvais  instincts  ni 
des  tendances  à  prévariquer;  ils  prennent  leur  source  dans  des 
sentiments  plus  humains  :  dans  la  faiblesse  envers  les  amis  poli- 
tiques, dans  la  condescendance  réciproque  nécessaire  à  l'équi- 
libre peu  stable  des  partis.  On  n'abuse  pas  systématiquement  ni 
avec  entêtement.  Or,  pour  de  semblables  maux,  c'est  encore  la 
publicité  qui  est  le  meilleur  remède. 

Au  point  de  vue  matériel,  nos  journaux  populaires  font  de 
véritables  tours  de  force  de  bon  marché.  Nous  importons  de 
l'étranger  le  papier,  l'encre,  les  machines,  les  caractères,  tout 
notre  matériel  d'imprimerie,  et,  grâce  aux  fluctuations  du  change, 
nous  payons  fort  cher  notre  main-d'œuvre.  Cependant,  nous 
vendons  nos  journaux  de  grand  format  10  centimes  le  numéro. 
C'est  l'annonce  qui  paie  la  différence,  bien  qu'elle  ne  coûte  pas 
aussi  cher  qu'en  Europe.  Pour  nous  rattraper,  nous  sommes 
obligés  d'avoir  deux  et  trois  pages  d'annonce.  Le  Jornal  do  Com- 
mercio,  par  exemple,  d'un  format  beaucoup  plus  grand  que  celui 
du  Temps,  de  Paris,  publie  parfois  six  pages  d'insertions  payées 
sur  les  huit  dont  il  se  compose,  et  souvent  il  a  dix  pages,  dont 
huit  d'annonces  et  d'insertions  payées. 

Notre  service  télégraphique  représente  également  des  frais 
beaucoup  plus  considérables  que  n'en  supportent  les  journaux 
d'Europe.  Il  suffit  de  dire  qu'un  mot  envoyé  par  télégraphe  de 
Paris  ou  de  Londres  à  Rio-de- Janeiro  coûte  beaucoup  plus  cher 
que  s'il  était  envoyé  en  Chine!  Le  télégraphe  national  lui-même 
coûte  encore  excessivement  cher,  quoiqu'il  accorde  une  réduc- 
tion de  tarif  aux  journaux. 

Nos  principaux  journaux  ont  des  correspondants  spéciaux  dans 
les  principales  villes  d'Europe  et  des  deux  Amériques,  et  un 
grand  service  de  reportage.  La  Gazeta  de  Noticias  a  introduit  chez 


518  LE    BRESIL   EN    1889. 

qous  une  innovation  dans  le  courant  do  l'année  dernière  :  c'est 
le  feuilleton  illustré  au  moyen  de  clichés  faits  expressément  pour 
les  grands  tirages  sur  les  machines  rotatives  de  Marinoni ;  elle 
publie  également  des  portraits  de  notabilités  nationales  et  étran 
gères. 

Les  journaux  sont  vendus  sur  la  voie  publique  par  des  enfants, 
Italiens  pour  la  plupart,  qui  annoncent  à  haute  voix  le  titre  du 
journal  et  les  principaux  articles  du  jour.  On  les  vend  également 
dans  les  kiosques,  dans  les  épiceries,  les  gares  de  chemins  de  fer, 
les  débits  de  tabac,  etc. 

Les  journalistes  de  Rio-de-Janeiro  n'ont  pas  encore  réussi  à 
fonder  une  association  professionnelle.  Ils  l'ont  tenté  en  vain  trois 
ou  quatre  fois.  Cependant,  ils  s'unissent  accidentellement  dans 
certaines  occasions  solennelles,  comme,  par  exemple,  au  mois 
de  mai  1888,  au  moment  de  l'abolition  de  l'esclavage,  lorsque  la 
presse  prit  l'initiative  de  toutes  les  grandes  fêtes  populaires 
données  à  cette  époque.  Ils  ont  l'intention  également  de  commé- 
morer ensemble  le  Centenaire  de  la  Révolution  Française. 


CHAPITRE   XVIII 

L'ART 

Par  M.  E.  DA  SILVA  PRADO. 


L'art  portugais,  destiné  à  dépérir  après  avoir  produit  les 
grands  monuments  d'Alcobaça,  de  Batalha,  de  Thomar  et  de 
Belem,  les  tableaux  du  Gran  Yasco  et  le  fameux  ciboire  des  Jero- 
nvmos,  n'a  pas  été  transporté  au  Brésil  par  les  conquérants  venus 
du  Portugal.  Dans  une  nouvelle  colonie,  où  la  conquête  et  le 
défrichement  des  terres  s'imposent  à  ceux  qui  arrivent,  les 
beaux-arts  n'ont  pas  leur  place  et  nous  ne  ferons  que  mention- 
ner l'art  rudimentaire  qu'on  rencontrait  chez  les  indiens  du 
Brésil. 

Des  découvertes  relativement  récentes  ont  mis  à  jour  dans  le 
bas  Amazone  des  produits  céramiques  bien  antérieurs  à  notre 
époque  et  dans  lesquels  un  art  particulier  d'ornementation  et  un 
certain  développement  marqué  dans  la  beauté  des  formes,  révèlent 
l'existence,  ou  peut-être  le  passage  sur  les  bords  du  grand  fleuve,  de 
tribus  plus  avancées,  aumoins  sous  le  rapport  industriel,  que  leurs 
successeurs  actuels  dans  les  mêmes  régions. 

Chez  les  Indiens,  que  les  Portugais  rencontrèrent  au  Brésil, 
le  seul  art  qui  semblait  en  quelque  sorte  être  propre  à  eux 
comme  à  d'autres  peuples  américains,  était  l'art  des  ornements 
en  plumes,  pratiqué  avec  un  tel  succès,  qu'on  n'a  pas  hésité  à 
lui  donner  le  nom  spécial  de  Arte  Plumaria1.  On  ne  faisait 
pas  au  Brésil  les  merveilleuses  mosaïques   en  plumes  comme 

1.  C'est  le  titre  que  M.  Ferdinand  Denis  reproduit,  d'après  un  vieux 
chroniqueur  espagnol,  dans  un  très-savant  mémoire  sur  les  ornements  en 
plumes  dans  les  deux  Indes  et  eu  Océanie. 


LE     BRÉSIL     EN     18  89. 

au  Mexique  où  les  indiens,  par  la  combinaison  des  plumes  dans 
leurs  couleurs  naturelles,  reproduisaient  dos  tableaux  en  trom- 
pant l'œil  le  plus  exercé.  Le  nombre  d'oiseaux  au  plumage  écla- 
tant étail  si  grand,  que  les  Indiens  trouvaient  une  variété  inli- 
nie  de  plumes  pour  en  faire  dos  ornements  de  toutes  sortes. 
M.  Ferdinand  Denis  remarque  1res  bien  que  l'usage  des  plumes 
éclatantes  comme  parure  est  l'indice  d'un  commencement  de  civi- 
lisation ;  on  le  trouve  chez  presque  tous  les  peuples  de  l'Amérique 
du  Sud,  bien  supérieurs  a nx  hideux  Australiens  qui,  possédant 
dans  leurs  campagnes  les  plus  beaux  oiseaux  do  la  terre  après 
ceux  de  l'Amérique  du  Sud,  dédaignent  les  plumes  merveilleuses 
qui  eussent  été  un  trésor  aux  veux  desTamoyosetdesFloridiens. 
Le  vieux  voyageur  français  Jean  de  Léry  décril  avec  ravissement 
les  admirables  oiseaux  du  Brésil  :  L'Ara  «  moitié  aussi  rouge  que 
line  écarlate,  aussi  étincelante  que  le  plus  lin  es  car  la  tin  qui  se 
puisse  voir  et  au  surplus  tout  le  corps  azuré  »,  le  Canindi 
l'cntour  du  col  aussi  iaune  que  fin  or,  les  aisles  et  la  queue  d'un 
bleu  si  nayfqu'il  n'est  possible  de  plus,  estant  admis  qu'il  soil  vestu 
d'une  toile  d'or  par  dessous  et  emmantelé  de  damas  violet  figuré 
pardessus;  on  estravi  de  sa  heauté....  »«  Et  au  surplus,  combien 
que  ces  oiseaux  ne  soyent  pas  domestiques,  estant  néantmoins 
plus  coutumièrement  sur  les  grands  arbres  au  milieu  des  villages 
que  parmi  les  bois,  nos  toupinambaoultsles  plumans  soigneuse- 
ments  trois  ou  quatre  fois  l'année,  font  comme  j'ai  dit  ailleurs, 
fort  proprement  des  robes,  des  bonnets,  bracelets,  garnitures 
d'espées  de  bois  et  autres  choses  de  ces  belles  plumes  dont  ils  se 
parent  le  corps  ». 

Dans  les  grands  diadèmes  et  dans  les  manteaux,  les  plumes 
étaient  liées  par  la  fibre  du  Tucum  et  maintenues  par  les  matières 
agglutinantes  fournies  par  les  résines  des  forets.  Cette  industrie 
indienne  n'est  pas  entièrement  perdue  au  Brésil,  de  nos  jours. 
Dans  le  haut  Amazone,  quelques  tribus  conservent  l'usage  de 
ces  ornements,  et  savent  faire  les  plus  belles  oppositions  et 
gradations  de  couleurs,  avec  le  rouge  couleur  de  feu  éclatant, 
le   jaune    d'une  riche  teinte   jonquille  et  le  bleu  le  plus  beau  [. 

1.  On  trouve  de  très  beaux  spécimens  do  cet  art  indien  dans  l'ouvrage  de 
Dcbret  et  surtout  dans  les  89  magnifiques  lithographies  coloriées  durs  à  une 
commission  brésilienne  chargée  d'explorer  le  Cearâ.  Ces  lithographies,  donl 
le  texte,  explicatif  n'a,  jamais  été  publié,  seront  bientôt  réunies,  ainsi  que 
d'autres  travaux,  dans  un  ouvrage  <|u<'  .M.  Ladislau  Netto  prépare  en  ce  mo- 
ment. Cette  collection  porte  le  n°  19.260  dans  le  Catalogo  du  Exposiçâo  de 
Historia  do  Brazil.  Rio  1881. 


L  ART.  521 

Ces  ornements  <in  plumes,  quelques  objets  de  vannerie,  l'orne- 
mentatiou  des  armes  en  bois  et  des  manches  également,  en  bois, 
servant  aux  hachesen  pierre  et  les  instruments  primitifs  de  musi- 
que1, constituaient  tout  l'art  des  Indiens. 

On  a  bien  parlé  de  prétendues  constructions  imposantes 
d'une  grande  ville  abandonnée  qui  n'a  pas  été  retrouvée.  Le  sa- 
vant hollandais  Elias  llcrckmann,  gouverneur  de  Parahyba  au 
xvii'  siècle,  rencontra  dans  cette  province  des  constructions 
bizarres  qui  étaient  peut-être  simplement  des  accidents  géolo- 
giques, mais  dont  la  trace  semble  perdue  aujourd'hui2. 

Pour  les  premiers  colons  portugais,  établis  au  Brésil,  l'art  de 
construire  des  habitations  était  un  art  presque  militaire,  si  pres- 
sant était  leur  besoin  de  se  retrancher  derrière  des  palissades  ou 
des  fossés,  pour  se  mettre  à  l'abri  des  attaques  des  indiens.  Les 
premières  maisons  furent  sans  doute  pareilles  à  celle  que  le  père 
Anchieta  décrivait  comme  la  première  qui  fut  bâtie  à  l'endroit  où 
se  trouve  aujourd'hui  la  ville  de  San-Paulo  :  «  une  petite  maison 
en  paille  ayant  une  natte  de  roseaux  en  guise  de  porte  et  où  les 
lits  étaient  remplacés  par  des  hamacs3.  »  Dans  les  gravures  de  l'é- 
dition de  Marpurg  (1557)  de  Ilans  Stade,  un  soldat  allemand  qui 
a  écrit  ses  aventures  au  Brésil,  on  voit  des  planches  représentant 
San-Yicente  et  Olinda  (Marin).  Les  Portugais  avaient  adopté 
les  retranchements   dont   se    servaient  les  Indiens4.  Cependant, 

1.  Les  Indiens  du  Brésil  ne  connaissaient  l'usage  ni  du  fer  ni  du  cuivre. 
On  voit  au  Muséum  de  Rio-de-Janeiro  une  hache  en  bronze,  trouvée  dans 
une  excavation  à  2  mètres  de  profondeur  par  M.  Bauer,  en  1886,  à  Xiririca 
sur  les  bords  du  fleuve  Riheira-de-Iguape,  dans  la  province  de  San-Paulo. 
Cette  hache,  dont  nous  avons  eu  connaissance  par  M.  Nctto,  est  tout  à  fait 
identique  aux  haches  péruviennes.  Nous  expliquons  cette  trouvaille  par  les 
premières  communications  qui  eurent  lieu  entre  le  Brésil  et  le  Pérou  au 
xvic  siècle.  D:ms  l'ouvrage  Argentina,  de  Ruy  Diaz  de  Gusmân,  on  trouve 
une  notice  de  l'expédition  au  Pérou  de  Aleixo  Garcia(vers  1526)  quia  précédé 
L'expédition  envoyée  par  Martin  Affonso  en  1531.  Ces  deux  expéditions  sem- 
blent avoir  remonté  la  Bibeira-de-Iguape. 

Nous  devons  cependant  constater  que  Alvar  Nunes  Cabeça  de  Vaca  qui  se 
rendit  par  terre  en  1541  de  Santa  Catharina  au  Paraguay  rencontra  des  indiens 
guaranys  qui  se  servaient  du  cuivre  pour  en  faire  des  ornements.  Voy. 
Commentaires  d' Alvar  Nunes  Cabeça  de  Vaca,  traduction  Ternaux-Compans. 
Paris  1837.  Chap.  xxu  et  ailleurs. 

2.  i'.arlœus  —  Rerum  per  octennium  in  Brasilia,  etc.,  etc.  Clèves,  1660.  8° 
pages  358-374. 

3.  Simào  de  Vasconcellos  :  Chronica  da  Companhia  de  Jésus  do  Estado  do 
Brazil.  Liv.  I.  no  153. 

4.  Théodore  de  Bry,  dans  sa  traduction  latine  de  Hans  Stade,  a  agrandi 
et  perfectionné  ces  gravures.  Dans  l'autre  édition  de  Hans  Stade,  aussi  de 
1557.  mais  de  Francfort,  les  gravures  sont  toutes  faites  de  fantaisie:  les 
indiens  y  sont  habillés  à  l'européenne,  etc.,  etc. 


522  LE    BRESIL     EN      1889. 

La  soumission  ou  la  destruction  des  indiens  se  faisant  assez  vite, 
on  renonça  en  partie  à  ces  précautions.  Dans  le  journal  de 
l'expédition  hollandaise  de  Joris  van  Spilbergen  (1015),  on  voil 
une  planche  où  la  ville  de  San-Vicente  esi  représentée  encore 
entourée  de  palissades  formant  carré,  ayant  trois  larges  portes 
surmontées  de  croix  ;  des  retranchements  analogues  entourent 
la  ville  de  Santos.  On  voit  quelques  maisons  isolées  entre  autres 
l'usine  à  sucre,  des  grands  marchands  d'Anvers,  les  Schetz  :  «  Le 
susdit  bastiment  »  dit  le  journal,  -  estait  fort  et  basti  en  forme 
d'un  village,  avec  une  église  nommée  Seignora  de  /Vives. 

«  Les  Portugais  nous  advertissoyent  qu'il  avoiteste  basti  par 
quelques  uns  de  lignage  de  la  ville  d'Anvers  et  qu'un  comte 
y  tenoit  sa  résidence  ;  c'estoyt  aussy  une  place  belle,  riche  et  bien 
pourvue  de  cannes  à  sucre1.  »  Les  progrès  de  la  colonie  se  révé- 
laient donc  déjà  dans  les  constructions.  Les  Portugais,  qui 
excellaient,  en  ce  temps  là  dans  les  constructions  navales, 
avaient  trouvé  le  moyen  de  réparer  au  Brésil  les  flottes  qui  s'y 
rendaient  directement  ou  qui  y  faisaient  escale  en  allant  aux 
Indes  Orientales.  Bientôt  on  y  construisit  même  des  navires 
capables  de  faire  ces  lointaines  navigations. 

Au  xvii0  siècle  on  entend  parler  d'un  peintre  de  Bahia,  loué 
par  les  écrivains  du  temps,  mais  dont  aucun  ouvrage  n'est  par- 
venu jusqu'à  nous  —  Eusebio  de  Mattos  (1629-1692),  frère  du 
poète  Gregorio  de  Mattos.  A  cette  époque,  pendant  la  domination 
hollandaise  au  nord  du  Brésil,  l'art  européen  apparaît  pour  la 
première  fois  dans  ce  pays.   Un  peintre  de  Harlem,  Franz  Post 

1.  Miroit*  Oost  and  West  Indical,  auquel  sont  décrites  les  deux  dernières 
navigations  faites  es  années  1(114-18,  l'une  par  G.  de  Spilbergen,  etc.,  etc. 
Amsterdam  1821.  Dans  l'édition  latine  de  Leyde  1619  on  lit: 

«  Paulo  post  altius  adversus  flmncn  profectis,  sedes  inveminns,  in  quas 
curn  supellectile  sua  confugerunt,  ab  Antiverpiensibus  quibusdam  qui  Scotsii 
vocabantur,  eleganter  admodum  extructa,  temploque  quod  Signora  de 
Nives  appellant  decoratas  intelleximus.  Dives  saccaro,  ameenusque  erat 
locus.  »  Page  16. 

Cette  propriété  que  Spilbergen  saccagea  et  brûla  le  26  janvier  1616  était 
connue  sous  le  nom  de  Engenho  dos  Erasmos,  du  nom  de  Erasme  Schetz  et  ses 
enfants.  Hans  Stade  parle  de  l'agent  des  Schetz,  Pierre  Rossel,  auquel  se  rap- 
porte  aussi  le  chroniqueur  F.  Gaspar  da  Madré  de  Deos,qui  le  nomme  Pedro  de 
Rozé  (page  103,  Memorias  etc.,  etc).  Schmidel  de  Straubing.  (Edition  Ternaux 
Compans)  parle  de  lui  et  d'Erasme  Schetzen,  'page  248).  Dans  l'édition  latine 
de  Nuremberg  1599  ,  ce  dernier  nom  esl  écrit  Schertzen  et  aussi  Schatzen. 
Tous  ces  noms  se  rapportent  évidemment  aux  Schetz,  les  grands  marchands 
des  Flandres  qui  avaient  de  vastes  relations  commerciales  avec  tout  le 
monde  et  qui,  annoblis  depuis  longtemps,  portaient  d'argent  à  1  corbeau 
essorait I  de  sable  posé  sur  une  montagne  à  S  copeaux  de  sihople. 


L    ART.  523 

[1620-1680),  accompagna  le  gouverneur  comte  Jean  Maurice  de 
Nassau,  el  grava  ses  études  des  paysages  tropicaux,  faites  pour 
la  première  fois,  sur  les  lieux.  Lui  et  A.  van  der  Eckhout^un 
autre  peintre  qui  accompagnait  Maurice  de  Nassau,  révélèrent  les 
premiers  à  L'Europe  l'aspect  vrai  de  la  nature  américaine  qu'ils 
ont  traduite  avec  un  sentiment  dont  llumboldt  a  exalté  le 
bonheur  et  la  vérité  (Cosmos,  vol.  II).  Mais  les  Hollandais,  qui 
n'onl  jamais  été  des  architectes,  n'ont  rien  bâti  de  durable  au 
Brésil  ;  leurs  bâtiments,  aujourd'hui  détruits  et  construits 
autrefois  par  Peter  Post,  le  frère  du  peintre,  nous  semblent, 
dans  les  gravures  de  celui-ci,  aussi  médiocres  et  disgracieux 
que  les  vieilles  constructions  hollandaises  de  la  même  époque  qui 
subsistent  encore  à  Java  dans  le  vieux  port  de  Batavia. 

A  mesure  que  la  population  croissait  à  Bahia  et  sur  quelques 
points  de  la  côte,  les  constructions  devenaient  plus  importantes. 
Mais  les  jésuites  et  d'autres  ordres  religieux,  ayant  la  haute 
direction  sociale  de  la  colonie,  Fart  n'y  pouvait  être  que  religieux. 
On  commença  à  orner  richement  l'intérieur  des  églises  qui 
étaient  toujours  les  bâtiments  les  plus  considérables  des  villes 
naissantes,  qui  ne  furent  plus  composées  de  cases  recouvertes 
de  chaume  et  de  branchages.  Quand  les  toits  de  chaume  dispa- 
rurent des  maisons,  ils  furent  remplacés  par  les  grandes  tuiles 
convexes  usitées  au  Portugal.  Les  maisons  projetaient  à  l'exté- 
rieur les  larges  bords  de  leurs  toits  qui  rendaient  facile  l'écou- 
lement des  pluies  torrentielles  des  tropiques.  Toutes  ces  maisons, 
à  un  seul  étage,  avaient,  selon  la  coutume  du  sud  de  la  pénin- 
sule ibérique,  les  fenêtres  treillissées  de  bois,  une  protection 
contre  le  soleil,  peut  être  un  souvenir  de  la  réclusion  des 
femmes  dont  les  Espagnols  et  les  Portugais  avaient  hérité  la 
tradition  des  Maures. 

Les  églises  primitives  furent  pour  la  plupart  reconstruites 
au  xvmc  siècle,  car  étant  faites  avec  de  mauvais  matériaux,  elles 
ne  purent  résister  ni  au  temps  ni  au  climat.  Un  voyageur  français 
qui  visita  Bahia  en  1697  dit  : 

«  Les  maisons  y  sont  hautes,  et  presque  toutes  en  pierre  de 
taille  et  de  brique,  les  églises  sont  enrichies  de  dorures,  d'argen- 
terie, de  sculptures  et  d'un  nombre  infini  de  beaux  ornements  ; 
il  y  a  dans  la  cathédrale  des  croix,  des  lampes  et  des  chandeliers 
d'argent  si  hauts  et  si  massifs,  que  deux  hommes  ont  peine  à  les 

1.  Le  frère  do  Gerbrandt  van  der  Eckhont,  disciple  de  Rembraudt. 


524  LE    BRÉSIL   EN    1  8  89. 

porter.  Il  y  a  des  cordeliers,  des  carmes,  des  bénédictins,  des 
jésuites  el  plusieurs  antres  religieux,  qui  tous  (outre  un  petit 
couvenl  de  capucins  français  et  italiens)  sont  Tort  riches.  Les 
jésuites  surtout  y  sont  puissants;  ils  sont  190  religieux,  leur 
maison  est  d'une  vaste  étendue  et  leur  église  grande  et  bien 
ornée  ;  la  sacristie  en  est  des  plus  magnifiques  du  monde  ;  elle  a 
plus  de  2o  toises  de  long,  sur  une  largeur  proportionnée.  11  y  a 
trois  autels,  deux  aux  deux  extrémités,  et  un  au  milieu  de  La 
face  qui  joint  l'église,  el  sur  lequel  on  voit  tous  les  matins  plus 
de  vingt  calices  tous  d'or,  de  vermeil  et  d'argent.  Aux  deux  côtés 
de  ce  dernier  autel  sont  deux  grandes  tables,  qui  sur  la  longueur 
ne  laissent  que  l'espace  de  deux  portes,  qui  servent  à  entrer 
dans  l'église.  Ces  deux  tables  sont  d'un  très  beau  bois;  toutes 
les  faces  en  sont  garnies  d'yvoire,  de  carret  et  de  quantité  de 
belles  mignaUires  qu'ils  ont  fait  venir  de  Rome.  Le  quatrième 
CÔtéde  cette  sacristie,  qui  donne  sur  la  mer,  est  percé  de  plusieurs 
grandes  croisées  de  haut  en  bas,  et  le  plafond  est  couvert  de  très 
belles  peintures1.  » 

Un  autre  voyageur  (1714)  parle  aussi  de  ce  «  couvent  des 
jésuites  dont  l'église  est  bâtie  de  marbre  tout  apporté  d'Europe  »  ; 
la  sacristie,  dit-il,  «  en  est  fort  belle,  tant  par  la  propreté  de  l'ou- 
vrage des  buffets,  parles  bois  curieux,  le  caret  et  l'yvoire  dont  ils 
sont  composés,  que  par  une  suite  de  petits  tableaux  dont  ils  sont 
ornés.  Mais  il  ne  faut  pas  avec  Froger,  appeler  belles  peintures 
celles  du  plafond,  qui  ne  méritent  pas  l'attention  d'un  con- 
naisseur -.  » 

Quelques  années  avant  Frézier  (1703),  ingénieur  ordinaire 
du  roi  de  France,  un  autre  voyageur  français,  nous  laissait  aussi 
ses  impressions  de  Bahia:  «  Le  gouverneur  de  la  Baie  est  comme 
le  vice-roi  du  Brésil  ;  tous  les  autres  relèvent  de  lui.  La  maison, 
à  laquelle  je  ne  puis  donner  le  nom  de  Palais,  est  dans  la  ville 
haute.  Elle  est  assez  belle  et  passablement  meublée  ;  mais  il  s'en 
faut  de  beaucoup  qu'elle  réponde  à  ce  que  les  Portugais  en  content 
à  ceux  qui  ne  l'ont  pas  vue  ».  «  La  cathédrale,  qu'ils  appellent  la 
Gez  (sic),  est  dans  la  haute  ville.  Elle  est  grande,  élevée,  toute  bâtie 
de  pierres  de  taille  et  l'une  des  plus  belles  églises  que  j'aie  vues. 
La  maison  des  jésuites  est  superbe  et  magnifique  ;  je  n'en  sache 


1.  Froger:  Relation  du  voyage  de  M.  de  Gennes  au  détroit  de  Magellan. 
A  Pari?,  18.  Chez  Nicolas  le  (iras,  1700.  Pages  138. 

2.  Frezier:  Relation  du  voyage  de  la  mer  du  sud,  etc.,  etc.  Amsterdam, 
1717.  Chez  Pierre  Humbert,  2  vol..  in-lSn,  vol.  II,  page  53o. 


L   ART.  525 

point  en  Franco  qui  puisse  lui  être  comparée.  Mais  on  admire 
surtout  leur  sacristie  ;  elle  a  an  moins  cent  pieds  de  long  et  trente 
de  Large.  Les  murs  sont  lambrissez  de  bois  de  Jacaranda  (je  suis 
fort  trompé  si  ce  n'est  le  même  que  celui  qu'on  appelle  en  France 
bois  de  violette,  tant  il  lui  ressemble)  depuis  le  parquet,  qui  en 
es(  aussi,  jusqu'au  plafond,  dont  la  peinture  est  exquise.  Du 
côté  où  les  prêtres  s'habillent,  il  y  a  un  grand  nombre  de  tableaux 
qu'ils  mont  dit  être  des  meilleurs  maîtres  d'Italie.  De  l'autre, 
entre  les  croisées,  ce  sont  quantités  de  belles  armoires  du  même 
bois  que  le  lambris,  toutes  uniformes  et  bien  travaillées.  Toute 
belle  et  toute  grande  que  soit  cette  sacristie,  elle  a  un  air  de 
simplicité  et  de  propreté  qui  m'a  plu  plus  que  tout  le  reste  l.  » 

En  1817,  La  Barbinnais  le  Gentil  décrivait  ainsi  la  ville  de 
Bahia  : 

«  La  haute  ville  est  située  sur  le  sommet  de  la  montagne.  Les 
maisons  assez  grandes  et  commodes,  mais  l'inégalité  du  terrain 
Jeur  ôte  une  partie  de  leur  ornement  et  rend  les  rues  désagréables, 
La  grande  place  qui  est  quarrée  est  au  milieu  de  la  ville.  Le 
Palais  du  Vice  Roy,  la  Maison  de  la  Ville  et  celle  de  la  Monnaye 
en  forment  les  quatre  faces.  Ces  édifices  n'ont  rien  de  fort  remar- 
quable, si  ce  n'est  qu'ils  sont  bâtis  de  pierres  qui  sont  venues  de 
Lisbonne,  parce  que  le  Pays  n'en  fournit  aucunes  qui  soient 
propres  à  la  construction  des  bâtiments.  Gomme  chacun  fit  bâtir 
sa  maison  à  sa  fantaisie,  tout  est  irrégulier,  de  sorte  qu'il  paraît 
que  la  place  principale  ne  se  trouve  là  que  par  hazard.   » 

«  Il  y  a  plusieurs  monastères,  celui  des  jésuites  est  situé  dans 
le  lieu  le  plus  agréable  de  la  ville  et  c'est  sans  doute  le  plus  beau, 
le  plus  vaste  et  le  plus  riche  édifice  :  on  y  admire  surtout  la 
sacristie  dont  tout  le  lambris  est  d'écaillé  de  tortue  mise  en 
œuvre  d'une  manière  fort  délicate2.   » 

Le  voyageur  de  V Aigle  a  visité  alors  Rio-de-Janeiro  qui  devait 
compter  environ  12.000  habitants.  Les  nouvelles  églises  n'étaient 
pas  encore  toutes  prêtes,  la  ville  était  en  formation  :  «  La  ville 
n'est  pas  grande,  dit-il  cependant  ce  n'est  pas  faute  de  terrain.  Il 
y  a  derrière  une  prairie  entourée  de  montagnes,  dont  l'aspect  ne 
laisse  pas  d'être  assez  agréable.  La  rue  la  plus  marchande  et  la 

1.  Journal  d'un  voyage  sur  les  côtes  d'Afrique,  etc.,  etc.  A  Amsterdam, 
chez  Paul  Marret,  1723.  1  vol.  12°,  pages  238-240.  Cette  relation  anonyme  est 
écrite  par  un  passager  de  V Aigle,  frégate  du  roi,  capitaine  Le  Roux, 

2.  Nouveau  Voyage  autour  du  Monde,  Amsterdam,  chez  Pierre  Mortier, 
1747.  3  vol.  Vol.  111,  page  131. 


526  LE     BRÉSIL     i:\     18  89. 

plus  fréquentée  est  celle  où  demeure  le  gouverneur,  et  qu'ils 
appellent  La  grande  rue  Elle  est  fort  Large,  fort  Longue,  el  com- 
prend seule  plus  de  La  moitié  do  La  ville.  A  un  bout  esl  Le  couvenl 

des  Bénédictins,  où,  c me  ils  disent,  de  San-Bento,  dont  l'église 

est  La  plus  belle  de  la  ville.  A  L'autre  est  la  maison  des  jésuites, 
aussi  magnifique  par  sa  structure,  que  par  ses  logements.  Elle 
est  en  partie  bâtie  sur  une  montagne,  de  sorte  que  le  bâtiment 
qui  règne  jusqu'au  pied  est  dans  cet  endroit  d'une  hauteur  pro- 
digieuse et  tout  de  pierres  de  taille.  Les  dedans  ne  cèdent  en 
rien  aux  dehors.  La  distribution  en  est  tout  à  fait  belle  et  bien 
entendue.  Toutes  les  belles  chambres  des  pères  sont  boisées. 
Leur  apoticairerie  est  superbe,  bien  ornée  et  aussi  bien  entre- 
tenue pourvue  de  toutes  sortes  de  drogues,  qu'aucune  que  nous 
aions  en  France.  C'est  le  magasin  de  tous  les  apoticaires  de  la 
ville.  L'église  est  petite  mais  extrêmement  parée  et  décorée. 
Derrière  la  maison  est  le  collège  ;  je  ne  vous  en  dirai  rien,  parce 
qu'il  n'est,  pas  achevé.  On  monte  à  ces  deux  églises,  celle  des 
jésuites  et  des  bénédictins,  par  deux  très  longues  rampes,  toutes 
deux  carrelées,  et  dont  la  pente  est  presque  imperceptible.  Le 
travail  qui  y  paroit  et  le  tems  qu'il  a  fallu  pour  rendre  ces 
endroits  pratiquables  et  aussi  commodes  qu'ils  sont,  font  croire 
qu'ils  ont  coûté  des  sommes  immenses.  Ces  rampes  (car  il  y  en  a 
deux  qui  conduisent  à  la  maison  des  jésuites)  sont  taillées  dans 
le  roc  même  sur  lequel  l'église  est  bâtie  et  garnies  de  parapets 
des  deux  cotés.  Celle  des  bénédictins  est  extrêmement  large  et 
bordée  aussi  de  murs  à  hauteur  d'appui,  qui  régnent  depuis  le 
bas  jusqu'en  haut,  où  l'on  trouve  une  assez  belle  place  carrée, 
sur  laquelle  donne  le  portail  de  l'église.  Le  vaisseau  en  est  beau, 
large  et  la  voûte  extraordinairement  élevée.  Tout  autour  régnent 
deux  ailes,  dont  la  voûte  et  la  largeur  sont  proportionnés  à  celles 
de  la  nef...  Au  milieu  de  cette  rue  est  la  maison  du  gouverneur 
qui  n'est  pas  grand  chose1.  » 

Les  architectes  de  ces  reconstructions  et  des  constructions 
nouvelles  furent  des  religieux  ;  dans  l'exécution  de  ces  travaux, 
les  esclaves  nègres  et  indiens,  ne  pouvaient  suffire  qu'au  gros 
œuvre.  Les  artisans  étaient  souvent  recrutés  dans  les  ordres 
religieux  entre  les  frères  lais  qui  avaient  presque  tous  un  métier. 
Ces  nouvelles  églises  étaient  en  général  d'un  style  baroque,  sou- 
vent d'un  faux  classique  et  décorées,    à  l'intérieur,  à  la  manière 

1.  Ouvrage  cite,  page  288. 


L  ART.  527 

dite  churriguresque,  avec  du  bois  plein  doré  et  ouvrage  en  reliefs 
ornés,  torsades,  guirlandes  el  rayonnements  entourant  les  niches 
et  les  consoles  aux  moulures  fleuries,  où  Ton  mettait  des  statues 
ihi  saints,  quelquefois  habillées  de  riches  étoiles,  portant  des 
bijoux,  laites  en  bois,  en  terre  cuite,  et  peintes  aux  couleurs 
naturelles,  rehaussées  de  dorure,  dont  la  combinaison  atteignait 
une  très  grande  richesse  et  une  beauté  relative  qui  relevait  un 
peu  ce  genre  de  sculpture  spécial  au  Portugal  et  à  l'Espagne.  On 
trouve  cette  profusion  d'ornementation  surtout  dans  la  province 
de  Minas-Geraes,  où  les  mines  d'or  produisaient  de  grandes 
richesses  au  commencement  du  xvme  siècle  et  où  d'importantes 
sommes  furent  dépensées  dans  les  églises  de  la  région,  les  plus 
riches  du  Brésil.  Ceci  donna  lieu  à  l'apparition  de  plusieurs  artistes 
parmi  lesquels  nous  citerons,  Antonio  José  da  Silva,  surnommé  0 
Aleijadinho,  né  à  Sabarâ  vers  1750,  auteur  des  douze  statues  gigan- 
tesques en  stéatite,  représentant  des  prophètes  à  l'église  du  pèle- 
rinage de  iMattosinhos  près  de  Congonhas-do-Campo,  et  dont 
Luccock,  A.  de  Saint-Hilaire  et  sir  Richard  F.  Burton  parlent  avec 
admiration.  Silva  mourut  à  Rio-de-Janeiro,  après  avoir  fait  d'au- 
tres ouvrages  pour  des  églises  de  Sâo-Joào-d'El-Rey  et  d'autres 
villes. 

On  connaît  un  autre  artiste  de  Minas,  le  peintre  José  Joaquim 
da  Rocha,  qui  alla  à  Bahia,  où  il  fit  les  peintures  des  églises  de 
la  Conceiçâo-da-Praia,  da  Palma  et  autres.  Ses  meilleurs 
élèves  furent:  José  Theophilo  de  Jésus  et  A.-J.  Vallasques  ;  mais 
Antonio  Dias  et  Antonio  Pinto  continuèrent  l'école  de  Rocha  à 
Bahia,  où  fleurit  aussi  le  sculpteur  Chagas. 

A  Rio-de-Janeiro,  la  peinture  a  été  introduite  par  un  artiste 
allemand,  de  Cologne,  qui  était  entré  dans  l'ordre  bénédictin 
en  169G  et  qui  mourut  en  1700.  On  ne  le  connaît  que  sous  son 
nom  de  religieux,  le  frère  Ricardo  do  Pilar,  dont  on  admire 
surtout  un  Christ  au  monastère  de  San-Bento,  de  Rio-de-Janeiro. 
Son  meilleur  élève  fut  José  de  Oliveira  qui  a  peint  le  plafond  de 
l'église  de  San-Francisco  da  Penitencia  et  la  voûte  de  la  chapelle 
impériale,  restaurée  plus  tard  par  Raymundo-da-Costa.  11  eut 
pour  élèves  Leandro  Joaquim,  dont  on  cite  une  Sainte-Cécile  dans 
l'église  du  Parto,  ainsi  qu'une  Notre-Dame  ;  et  Joâo-de-Souza, 
dont  nous  ne  mentionnerons  que  les  œuvres  principales  :  les 
peintures  du  cloître  du  vieux  couvent  des  Carmes,  et  le  portrait 
du  général  Silva-Paes,  dans  l'église  de  la  Candelaria  ;  Manuel-da- 
Cunha,  un   affranchi,  mort   en  1809,  auteur   d'une  Descente  de  la 


LE    BRESIL   EX    1889. 

Croix  ii  la  chapelle  impériale  ;  d'un  Saint-André  à  L'église  de 
Saint-Sébastien,  et  d'un  portrait  du  comte  de  Bobadella  h  L'Hôtel 
d(3  Ville.  Cunha,  qui  avait  fait  ses  études  à  Lisbonne,  fut  le  maître 
de  Raymundo-da-Costa,  qui  a  peinl  une  Cène  à  la  chapelle  impé- 
riale, la  Saint-Sébastien  de  L'église  du  même  nom  ;  de  José  Leandro 
de  Carvalho  l  (né  à  Rio,  mort  à  Angra  en  1846),  auteur  d'un  Por- 
trait  du  Roi  Jean  17  à  L'ancien  couvent  des  (larmes,  d'une  Sainte- 
Anne  à  L'ancienne  Monnaie,  et  d'un  grand  tableau  delà  Vierge 
du  Carmelh  la  chapelle  impériale,  que  l'artiste  obtint  de  peindre 
pour  le  roi  à  la  suite  d'un  concours.  Dans  ce  tableau  on  voit  toute 
la  famille  royale  en  prière  devant  la  Vierge  comme  dans  les 
anciens  tableaux  votifs  de  l'école  allemande.  Après  l'abdication  de 
l'empereur  Pedro  1er,  un  ministre,  pour  plaire  aux  sentiments  po- 
pulaires hostiles  alors  aux  Portugais,  lit  couvrir  d'une  couche  de 
peinture  les  portraits  de  ce  beau  tableau  qui,  seulement  en  L850, 
fut  remis  dans  son  ancien  état  par  J.-C.  Ribeiro.  In  fils  de 
Leandro,  M.  .).  Franco-de-Carvalho  (mort  à  Ilio  en  1838),  fut 
peintre  de  fleurs.  Un  autre  élève  de  Cunha  fut  Manuel  Dias  de 
Oliveira  Brasiliense,  dit  le  Romain.  Cunha  n'avait  vu  que 
Lisbonne,  qui  était  loin  d'être  un  centre  artistique.  Dias  étudia 
à  Rome,  plus  heureux  que  les  autres  artistes  brésiliens,  dont 
aucun  n'avait  pu  voir  l'Europe,  et  dont  les  ouvrages  doivent  être 
considérés  comme  ceux  des  primitifs.  Ces  artistes,  bien  qu'ils  ne 
reçussent  ni  du  public  ni  du  gouvernement  les  encouragements 
qu'ils  devaient  en  attendre,  laissèrent  des  élèves  comme  le 
miniaturiste  M.  J.  Gentil  et  F. -P.  do  Amaral  (mort  en  1830), 
auteur  des  belles  fresques  de  l'ancienne  bibliothèque  publique  et 
de  l'hôtel  de  la  marquise  de  Santos,  plus  tard  hôtel  Mauà. 

Les  autres  arts  du  dessin  avaient  suivi  à  Rio  le  développe- 
ment de  la  peinture.  En  1733,  le  général  Sa-e-Faria,  le  même  qui 
exécuta  la  façade  de  la  cathédrale  de  Buenos-Ayres,  donna  le 
plan  classique  de  l'église  des  Militares.  En  1751,  le  gouverneur, 
depuis  vice-roi,  Gomes  Freire  de  Andradc,  fit  construire  le 
magnifique  aqueduc  reliant  les  montagnes  de  Santa-Thereza  et 
de  Santo-Antonio,  ouvrage  dont  l'aspect  de  grandeur  romaine  se 


1.  M.  de  Freyciuet  dans  la  partie  historique  de  sou  Voyage  autour  du 
monde  sur  les  corvettes  TUranie  et  la  Physicienne,  Paris  1825.  Vol.  I.  page 
215  dit: 

«  Parmi  les  uatiouaux,  ceux  qui  s'occupent  de  peinture  ue  jouissent  d'au- 
cune réputation,  si  ce  n'est,  dit-on,  un  certain  José  Leandro,  qui  ne  manque 
pas  de  coloris  mais  qui  est  mauvais  dessinateur. 


L  ART.  529 

trouve  aujourd'hui  détruit  en  partie    par  les   constructions  qui 
onl  masqué  ses  magnifiques  arcades  doubles. 

Des  voyageurs  ont  prétendu  que  ce  grand  ouvrage  était 
inutile,  et  qu'une  suite  de  I uvaux  mis  sur  la  terre  ou  sous  terre, 
si  Ton  imU  préféré,  eût  certainement  apporté  Peau  tout  aussi  bien. 
Mais  un  de  ces  voyageurs,  sir  Georges  Staunton,  fait  observer  lui- 
même,  tint1  la  décoration  et  la  magnificence  sont,  aussi  souvent 
que  futilité,  le  but  que  Ton  se  propose  dans  les  travaux  publics, 
lui  1761,  le  marquis  de  Pombal  envoya  à  Para  l'architecte  A. -L. 
Lande  qui  y  bâtit  le  beau  palais  du  gouverneur  et  la  cathédrale 
dont  la  restauration  est  faite  en  ce  moment  par  Mgr  de  Macedo 
avec  un  goût  parfait. 

En  1775,  sur  les  plans  du  général  Roscio,  on  commença  à 
bâtir,  avec  le  beau  granit  des  montagnes  de  Rio,  la  grande  église 
de  la  Candelaria,  dont  le  dùme  n'a  été  achevé  que  tout  récem- 
ment. Les  ingénieurs  militaires,  avaient  remplacé  comme  archi- 
tectes, les  moines  et  les  jésuites. 

Dans  la  sculpture,  on  peut  citer  à  Rio-de-Janeiro  comme  les 
premiers  en  date  :  Domingos  da  Conceiçao  et  Simâo  da  Cunha, 
auteurs  des  sculptures  de  Sâo-Rento;  et  Gaspar  Ribeiro,  dont 
quelques  œuvres  sont  à  Madrid.  Plus  tard,  Yalentim  da  Fonseca, 
de  Minas-Geraes,  province  dont  nous  avons  déjà  rappelé  le  déve- 
loppement au  dernier  siècle,  fut  un  dessinateur  remarquable, 
ainsi  qu'un  sculpteur,  un  ciseleur  et  un  orfèvre  de  grand  mérite. 
On  possède  plusieurs  ouvrages  de  lui  à  Rio  :  une  Passion  dans 
l'église  des  Militares,  le  grand  autel  de  Saint-François-de-Paul,  le 
dessin  des  magnifiques  lampes  en  argent  massif  de  la  même 
église,  de  celles  de  San-Bento  et  de  Santa-Rita,  qui  furent  exécu- 
tées par  Martinho  de  Brito.  Fonseca  dessina  la  fontaine  du  Largo- 
do-Paço,  où  les  matelots  venaient  chercher,  pour  approvisionner 
leurs  navires,  une  eau  excellente,  dontla  pureté  était  telle,  qu'elle 
se  conservait  inaltérable  à  bord  pendant  la  durée  d'un  voyage 
d'aller  et  retour  aux  Indes-Orientales.  On  doit  aussi  à  Valentim 
un  papayer  en  bronze  qu'il  a  eu  la  pensée  un  peu  extravagante 
de  placer  dans  un  jardin  public.  Le  voyageur  anglais  Barrow 
(1792)  fournit  une  description  de  ce  jardin  que  nous  reprodui- 
sons, croyant  qu'elle  donne  une  idée  du  goût  du  temps  à  Rio-de- 
Janeiro  :  «  Ce  jardin  est  formé  par  des  bosquets,  des  massifs  en 
verdure,  des  allées  et  des  parterres.  L'on  rencontre  çà  et  là  de 
beaux  berceaux,  autour  desquels  le  jasmin,  la  vigne  vierge  et 
d'autres  arbustes  odoriférants,  mêlent  leurs  branches  flexibles. 

34 


LE    BRÉSIL   EN    1  889. 

Nous  y  remarquâmes  plusieurs  arbustes  indigènes  d'une  grande 
beauté;  mais  il  paraît  que  les  portugais  aiment  beaucoup  mieux, 
el  qu'ils  cultivent  de  préférence  ceux  d'Europe,  malgré  L'air 
faible  et  Languissant  qui  leur  donne  un  climat  si  différent  de  celui 
qui  Les  vit  naître.  Mais  ce  que  je  vis  «le  plus  mauvais  dans  ce 
jardin,  c'était  un  misérable  papayer  factice,  eu  cuivre,  peini  en 
vert,  de  grandeur  or dfnaire,  Lorsqu'un  véritable  arbre  de  celle 
i,  qui  croissait  tout  près  de  celui-ci,  avec  toute  la  vigueur 
dont  est  susceptible  la  végétation  enîre  les  tropiques,  semblait 
regarder  avec  un  sourire  moqueur  La  mine  roide  de  son  faux 
frère.  Lue  grande  terrasse,  dans  La  partie  basse  du  jardin  qui 
domine  Le  port,  offre  une  vue  charmante  de  ses  bords  qui,  en 
s'élevant  graduellement  sont  couverts  de  taillis.  Auxdeuxbouts 
de  cette  terrasse  on  trouve  un  pavillon  carré  très  joliment  bâti, 
dont  les  murs  sont  en  dedans  couverts  de  peintures.  Consid 
sous  Le  rapport  du  talent  ces  peintures  ne  méritent  pas  que  l'on 
en  dise  grand'chose,  mais  les  objets  qu'elles  représentent  sont 
loin  d'être  dépourvus  d'intérêt.  Les  tableaux  de  l'un  de  ces  pavil- 
lons ne  représentent  tous  que  des  vues  détachées  de  quelques 
endroits  du  port;  le  plafond  est  orné  de  devises  exécutées  en 
coquillages,  et  dans  le  pourtour  La  corniche  représente  des 
poissons  particuliers  à  ces  côtes,  laits  aussi  en  petits  coquillages. 
Le  lambris  de  l'autre  pavillon  est  décoré  de  la  même  manière, 
avec  des  devises,  mais  exécutées  en  plumes;  et  Ton  a  représenté 
sur  toute  la  corniche  une  grande  partie  des  oiseaux  de  ce  pays, 
chacun  avec  ces  propres  plumes.  Sur  les  murs  de  ce  dernier  l'on 
voit  huit  peintures  descriptives  des  huit  objets  que  Ton  considé- 
rait alors  comme  ceux  d'un  plus  grand  rapport  dans  le  Brésil  ; 
ainsi  ces  peintures  représentaient  :  /"  une  vue  des  mines  d'or  et  de 
diamants,'  2°  une  vue  d'un,'  plantation  de  cannes  à  sucre,  et  d'un 
moulin  qui  les  broie;  3°  une  rue  de  la  culture  et  des  préparations  de 
l'indigo;  /'  une  vue  d'une  plantation  de  cari  us  opuntia  avec  la 
manière  d'extraire  la  cochenille  ;  5°  une  rue  des  différentes 
préparations  du  manioc;  6°  une  rue  d'une  plantation  de  café; 
7°  une  vue  d'une  plantation  de  riz;  8°  une  vue  d'une  plantation  de 
chanvre,  et  de  la  manufacture  des  cordages^. 

1.  Voyage  à  la  Cochinchine  par  les  Iles  de  Madère,  de  Ténériffe  et  du  Cap 
Vert;  le  Brésil  et  l'Ile  de  Java  par  John Barrow ;  traduction  française  de  Malte- 
Brun  —  Paris  1807.  Les  peintures  étaient  penl  être  de  Leandro  Joaquim.  L<  - 
ornements  en  plume  on!  disparu.  Sir  Georges  Staunton  qui  a  décril  le  \ 
en  Chine  de  Lord  Macartney  'lit  au  sujel  du  Passeio  Publico  en  L793  : 

Un  jardin  public  à  l'une  des   extrémités  de  la  ville,  sur  le  bord  de  la 


L   A  il  T.  531 

Valentim  da  Fonseca  lit  encore  les  pyramides  de  ce  jardin, 

tjifil  orna  de  fontaines  avec  des  statu-eites,  quelques  bronzes 
représentant  des  animaux  du  pays,  eomme  le  crocodile  sclérops 
des  fleuves  du  Brésil,  etc.,  etc. 

L'influence  de  la  cour  du  Portugal  qui  vint  s'établir  à  Rio- 
de- Janeiro  en  1808  fui  très  grande  dans  Ions  les  sens,  sur  l'acti- 
vité el  le  développement  du  pays.  A  cette  époque  on  pouvait  à 
peine  prétendre  affirmer  l'existence  du  goût  pour  la  peinture  et 
la  sculpture;  même  dans  les  églises,  rien  que  des  ornements 
surchargés  d'or,  remplaçant  le  plus  souvent  les  œuvres  d'art 
absentes.  Le  gouvernement  se  montra  très  éclairé  et  ses  efforts 
pour  le  progrès  du  pays  furent  énormes.  Le  bon  roi  Jean  VI  ne 
voûtait  que  le  bonheur  de  son  peuple;  il  sut  s'entourer  de 
ministres  très  éclairés  et  le  voyageur,  disent  Spix  et  Martius, 
regrette  seulement  que  les  Brésiliens,  dont  le  caractère  a  été 
déformé  par  deux  siècles  de  régime  colonial,  ne  puissent  estimer  à 
leur  valeur  les  intentions  du  gouvernement.  En  effet,  ça  n'a  pas 
été  vers  les  industries,  les  arts  et  les  sciences  qui  font  le  bonheur 
et  la  force  des  nations,  que  les  Brésiliens  se  sont  portés  d'abord  : 
ce  fut  vers  la  politique. 

«  L'arrivée  en  masse  d'un  grand  nombre  d'européens,  le  con- 
tact avec  une  société  plus  raffinée  a  introduit  surtout  et  rapidement 
au  Brésil,  un  plus  grand  amour  du  confort  matériel,  du  luxe,  des 
charmes  extérieurs  de  la  vie  sociale,  plutôt  que  l'amour  des  arts 
et  des  sciences.  Dans  les  pays  du  Nord  le  raffinement  des  jouis- 
sances de  la  vie  a  suivi  les  progrès  des  arts  et  des  sciences  ;  au 
Brésil,  au  contraire,  on  a  commencé  par  développer  les  plaisirs  des 
sens  et  de  la  vie  extérieure  avant  de  perfectionner  les  arts  et  les 
sciences  qui  peuvent  y  prospérer,  »  mais  qui  à  leurs  débuts  ne 

mer,  est.  le  rendez-vous  de  la  bonne  compagnie.  Après  la  promenade,  on 
soupe  dans  des  cabinets  particuliers.  Des  concerts  ou  des  feux  d'artifice» 
ajoutent  aux  charmes  du  repas.  Ce  jardin  est  orné  de  gazons,  d'espaliers,  de 
parterres,  d'allées,  de  beaux  arbres,  de  berceaux  entrelacés  de  fleurs,  de 
jasmins  et  de  plautes  odoriférantes.  Vers  le  milieu,  estime  fontaine  qui  jaillit 
d'un  rocher  artificiel.  Deux  alligators,  ou  crocodiles  d'Amérique  d'une  sculp- 
ture délie  ite,  versent  de  l'eau  dans  un  réservoir  de  marbre,  où  paraissent  se 
jouer  divers  oiseaux  aquatiques  de  bronze.  Il  y  a  à  peu  de  distance  de  là  une 
mitation  parfaite  du  papayer.  Cet  arbre  est  en  feuilles  de  cuivre  verni. 
Fallait-il  employer  tant  d'art  et  tant  de  frais  pour  imiter  un  arbre  naturel  au 
climat  et  dont  la  végétation  est  très  rapide?  Une  jolie  terrasse  de  granit 
règne  du  côté  OÙ  le  jardin  donne  sur  la  mer;  aux  deux  extrémités  sont  deux 
pavillons  d'été.  Les  plafonds  de  ces  édifices  sont  ornés  de  diverses  peintures. 

Voyage  en  Chine  et  en  Tartarie,  par  Lord  Macartiney. 

Traduit  de  l'anglais  par  J.  B.  J,  Breton,  Paris.  1804,  Vol.  I,  page  196. 


LE    BRÉS1  l.    EN    1  889. 

pouvaient  « |  u  <v  souffrir  de  cette  inversion  anormale.  Le  roi  e1  ses 
ministres  onl  voulu  porter  remède  à  celle  situation.  Par  rapporl 
aux  beaux-arts  qui  étaient  1res  estimés  du  roi,  malgré  son  éduca- 
tion portugaise,  on  songea  à  en  établir  l'enseignement  au  Brésil, 
Les  désirsdu  roi  el  ceux  de  son  ministre,  le  comte  da  Barca, 
comme  d'étal  très  remarquable,  furenl  secondés  par  ceux  du 
marquis  de  Marialva  L'ambassadeur  portugais  à  Paris,  auprès 
de  qui  le  baron  de  Humboldt,  insistail  depuis  quelque  temps  pour 
la  création,  à  Rio-de-Janeiro,  d'une  Académie  parei  lie  à  celle  dont 
le  célèbre  voyageur  avait  admiré  le  succès  à  Mexico.  Joachim  Le 
Breton,  secrétaire  perpétuel  de  la  classe  des  beaux  arts  de  l'Ins- 
titut de  France,  fut  chargé  d'organiser  une  mission  artistique 
française,  qui  partit  en  J S 1  « >  et  qui  étaiteomposée  du  peintre  Ni- 
colas Antoine  Taunay,  que  Charles  Blanc  nomme  le  Nicolas  Pous- 
sin des  petits  tableaux,  de  l'architecte  Grandjean  de  Montigny, 
rai'chileiie  (piia  embelli  Dresde,  mort  à  Rioenl850;  du  graveur 
en  taille  douce  Simon  Pradier  ;  de  Zephyrin  Ferrez  (morl  à  Rio 
en  iSol  graveur  en  médailles;  du  professeur  de  mécanique 
François  Ovide  (mort  à  Rio  en  1834;)  du  sculpteur  .Mare  Ferrez 
(mortàKio  en  1856)  de  J.  13.  Debret,  peintre  d'histoire  ;  d'Au- 
guste Faunay,  statuaire,  dont  deux  groupes  sont  à  Tare  du  Ca- 
rousel  (mort  à  Rio  en  1881)  —  Le  Breton  étant  mort  en  1819,  ne 
put  occuper  sa  place  de  directeur  de  l'École  des  beaux-arts  pour 
laquelle  on  nomma  le  portugais  llenriquc  José  da  Silva.  Tous 
ces  professeurs  français,  aussi  bien  ceux  qui  restèrent  au  Brésil 
que  ceux  qui  rentrèrent  en  France,  firent  beaucoup  pour  les  arts 
au  Brésil.  Ces  professeurs  travaillèrent  beaucoup;  Grandjean  de 
Montigny  construisit  le  palais  de  l'Ecole  des  beaux-arts;  Nicolas 
Taunay  envoyait  tous  les  ans  au  salon  de  Paris  une  série  de  char- 
mants paysages  des  environs  de  Rio  ;  Z.  Ferrez  grava  les  pre- 
mières médailles  frappées  au  Brésil  ;  Pradier  grava  quelques  ta- 
bleaux et  des  portraits  des  personnages  de  l'époque1,  Debret  fit 

1.  .M.  de  Frcycinet  (Ouvrage  et  endroit  cités),  dit  :  Il  yaaussi  un  petit  nom- 
bre de  fort  médiocres  graveurs  en  taille  douce.  »  Entreces  graveurs  en  taille 
douce,  on  compte  Romaô  Eloy  de  Almeida  qui  copia  le  portrait  de  Pope  gravé 
par  Holloway.  Cette  copie  faite  en  1810  a  servi  à  l'ouvrage  imprimé  à  cette 
époque  à  Rio  Ensaio  sobre  a  cri/ira  de  Alexandre  Pope,  traduzido  cm  portugiœz 
pelo  Conde  de  Aguiar,  etc.  Rio-de-Janeiro  1810.  Na  Impressaô  Regia.  Joaô  José 
de  Souza,  lieutenant-colonel  du  génie,  professeur  de  dessin  à  l'Académie  mili- 
taire, élève  de  Bartolozzi,  Rivara  cl  Paula  gravaient  à  Rio  à  cette  époque. 
Pradier  arrivé  à  Rio  en  181(i  y  grava  dis  tableaux  de  Debret  et  des  portraits 
entre  lesquels  nous  connaissons  ceux  du  comte  da  Barca,  de  l'archidu* 
Leopoldine  femme  du  prince  royal  Dom  Pedro  et  de  Dom  Manoel  Villasboas, 


L  A  11  T.  533 

dos  tableaux  de  quelques  événements  historiques  et  composa  son 
magnifique  Voyage  Pittoresque.  Les  meilleurs  élèves  do  Debret 
furent  Simplicio  Rodrigues  de  Sa,  qui  a  été  professeur  de  dessin  de 
l'empereur  D.  Pedro  II,  Gorrea  Lima  et  Araujo  Porto  Alegre.  Les 
résultats  de  leursefforts  auraienl  été  bien  plus  considérables  si  le 
gouvernement  n'avait  presque  entièrement  délaissé  l'Ecole  des 
beaux-arts,  après  1831.  Ce  ne  fut  qu'en  1837  que  le  ministre 
Vasconcellos  protégea  de  nouveau  l'Ecole  des  beaux-arts.  Porto 
Alegre  succéda  à  Félix  Taunay,  qui  fut  le  directeur  de  l'École 
jusqu'en  1851.  Correa  de  Lima  fut  professeur  de  peinture  historique, 
L'École  des  Beaux-Arts  eut  pour  élèves  deux  peintres  remarqua- 
bles. MM.  Victor  Meirelles  (né  à  Santa  Catherina  en  1838)  et  Pedro 
Amcrico  (né  à  Parabyba-du-Nord  en  1843).  Le  premier  est  l'auteur 
de  la  Première  messe  au  Brésil,  de  la  Bataille  de  Guararapes,  du 
Combat  naval  de  Riachuelo  et  du  Passage  de  Humait â  par  V escadre 
brésilienne,  sur  le  fleuve  Paraguay. 

M.  Meirelles  a  peint  dernièrement,  en  collaboration  avec  le 
peintre  belge  Langerock,  un  grand  panorama  représentant  la 
ville  et  la  baie  de  Rio-de-Janeiro.  Ce  panorama  actuellement 
exposé  à  Paris  est  l'un  des  plus  beaux  connus,  et  on  y  retrouve 
toute  la  merveilleuse  beauté  de  cette  nature  incomparable  *. 
M.  Pedro  Americo  a  peint  plusieurs  tableaux  dont  la  beauté  est 
incontestée.  Cet  artiste  a  fait  de  longs  séjours  en  Europe,  notam- 
ment à  Florence. 

Son  portrait  fait  par  lui-même  figure  avec  justice  dans  la 
galerie  degli  Uffizii  de  Florence  dans  la  série  des  grands  peintres 
célèbres.  Son  grand  tableau  la  Bataille  d'Avahy  et  celui  de  la 
Proclamation  de  V indépendance  du  Brésil  comptent  parmi  ses 
nombreux  ouvrages  comme  les  plus  considérables. 

MM.  Meirelles  et  Pedro  Americo  sont  professeurs  de  l'École 
des  beaux-arts  de  Rio. 

On  cite,  entre  les  peintres  de  cette  époque  :  MM.  Grand- 
jean    Ferreira,   Poluceno   Manuel,    Delphin    da    Camara,   Souza 

l'archevêque  d'Evora.  Voy.  Balbk  Essai  statistique  sur  le  royaume  de  Por- 
tugal et  Algarve,  vol.  II.  page  CC11  et  Valliî  Cabral.  Annaes  da  Imprensa 
National  do  Rio  do  Janeiro.  Rio-de-Janeiro  1881. 

1.  Paria  a  déjà  vu  en  1824  un  autre  panorama  de  la  baie  de  Rio-de- 
Janeiro  exécuté  par  M.  Roumy  d'après  les  dessins  faits  et  envoyés  du  Brésil 
par  M.  Félix  Taunay.  Ce  panorama  a  été  exposé  à  la  rue  Vivienne.  M.Hippolyte 
Taunay  et  M.  Ferdinand  Denis,  qui  est  aujourd'hui  le  doyen  des  européens 
brésilianisants,  ont  écrit  à  cette  époque  une  Notice  historique  et  explicative  du 
panorama  de  Rio-de-Janeiro.  In-8°,  chez  Nepveu,  libraire.  Passage  des  Pano- 
ramas, 1824. 


53  I  LE    BRÉSIL    EN    1  s  su. 

Lobo,  Nascimento,  A.gostinh.0  José  da  Motta1,  paysagiste  estimé. 

Le  paysage  au  Brésil  exige  an  grand  talent.  Pour  le  pays 
européen,  les  écoles  sont  créées,  les  modèles  connus.  Devant  une 
nature  dont  la  reproduction  ae  se  retrouve  pas  dans  les  toiles 
des  maîtres  l'individualité  de  l'artiste  doit  se  révéler  dans  la  façon 
de  rendre  cette  nature  dont  les  violences  de  ton  et  les  formes 
exotiques  risquent  d'impressionner  désagréablemenl  l'œil  exercé 
d'un  connaisseur  européen. 

Depuis  Post  et  Van  Eckhout,  les  paysages  du  Brésil  n'ont 
encore  trouvé  leur  grand  peintre.  Dans  les  grands  voyages  au 
Brésil,  on  trouve  de  beaux  dessins  conservés  psr  la  gravure  etla 
lithographie.  Le  peintre  Rugendas  a  laissé  de  belles  planches.  On 
doit  citer  également  celles  de  l'Atlas  du  voyage  de  Spix  et  Martius, 
du  voyage  du  l)r  Pohlet  de  celui  du  prince  Maximilien  de  Wied- 
Neuwied.  Les  dessins  d*a ma  leur  pleins  d'incorred  ions,  mais  quel- 
quefois d'un  grand  bonheur  d'expression  poétique,  surtout  pour 
les  paysages  de  l'Amazone,  que  feu  le  prince  Adalberl  de  Prusse 
a  l'ail  pendant  son  voy  âge,  sont  aussi  très  intéressants.  Ces  dessins 
princiers  se  trouvent  réunis  dans  un  riche  atlas  tiré  à  cent  exem- 
plaires. Aujourd'hui  MM.Facchinetti,  Wygandt,  James,  J.Grimm, 
Caron  et  Vasquez,  sont  connus  par  leurs  paysages. 

M.  Almeida  Junior  est  un  élève  remarquable  de  Cabanel;  plu- 
sieurs de  ses  tableaux  révèlent  les  grandes  qualités  de  l'artiste. 
On  peut  en  dire  autant  de  MM.Aurelio  de  FigueiredoetAmoedo.il 
y  a  aujourd'hui  plusieurs  jeunes  artistes  de  mérite  qui  travaillent  et 
dont  nous  consignons  les  noms  sans  indiquer  leurs  ouvrages.  Ce 
sont  Mlle  Abigail  de  Andrade,  MM.  Henri  Bernardelli,  le  frère  du 
sculpteur  de  ce  nom  et  auteur  d'un  beau  tableau,  YEl-Dorado, 
Gastagneto,  Parreiras,  Bclmiro  de  Almeida,  Villares,  Pereira  da 
Silva,  Pinto  Perez,  Medeiros,  Zeferino  Costa,  Estevâo  da  Silva, 
Leoncio  Vieira,  Bérard,  Weingartner,  Ballâ,  Franco  de  Sa,  Fir- 
mino  Monteiro  2,  et  un  grand  nombre  d'autres. 

Dans  la  sculpture  on  doit  citer  comme  des  artistes  brésiliens  : 
MM.  Reis  et  Bernardelli  (Rodolphe).  Ce  dernier  est  l'auteur  de 
plusieurs  ouvrages  du  plus  grand  mérite,  la  Femme  adultère,  la 
Coquette,  les  statues  de  Alencar  et  de  José  Bonifacio  et  plusieurs 

1.  Quelques-uns  il»*  ces  noms  ont  été  fournis  à  M.  Ed.  Prado  par  au 
travail  de  M.  Félù  Ferrcira,  critique  d'art  brésilien,  que  nous  avons  reçu 
malheureusement  trop  tard  pourcel  ouvrage.  [Note  de  M.  de  Sant'Anna  Nery. 

2.  Malheureusenoenl  décédé  dans  La  force  de  l'âge  avant  le  développe- 
ment de  ses  remarquables  qualités  d'artiste. 


L  ART.  533 

bustes.  M.  Bernardelli  a  été  chargé  de  faire  les  deux  grandes  sta- 
tues équestres  des  généraux  brésiliens  Gaxias  et  Osorio.  Le  jeune 
sculpteur  a  les  qualités  d'un  très  grand  artiste,  dont  la  puis- 
sance de  création  el  d'exécution   sont  admirables. 

L'architecture  a  fait  peu  de  progrès.  Rio-de-Janeiro  compte 
quelques  bâtiments  importants,  mais  les  matériaux  sont  mal 
choisis,  les  marbres  et  les  beaux  granits  du  Brésil  n'y  sont  guère 
employés,  et  les  architectes  tout  au  plus  sont  des  ingénieurs 
civils,  sans  les  connaissances  artistiques  spéciales.  La  maison 
brésilienne,  très  souvent  construite  par  de  simples  maîtres-maçons 
ou  charpentiers  sur  les  indications  défectueuses  du  propriétaire 
ignorant,  n'est  pas  bien  aménagée  en  général,  ni  au  point  de  vue 
de  l'hygiène,  ni  sous  le  rapport  du  confort. 

La  maison  brésilienne  en  général  est  la  maison  portugaise. 
Malheureusement  on  délaisse  en  ce  moment  dans  les  construc- 
tions une  des  bonnes  et  belles  choses,  propres  aux  constructions 
du  Portugal.  Nous  parlons  des  faïences  appliquées  à  l'extérieur 
et  à  l'intérieur,  les  azulejos  polychromes  qui,  renvoyant  les 
rayons  du  soleil  conservent  une  agréable  fraîcheur  dans  les 
maisons  qu'ils  préservent  de  l'humidité  des  pluies.  Les  azulejos 
sonl  passés  de  mode  parce  qu'on  ne  les  retrouve  pas  sur  les 
maisons  du  boulevard  et  ils  sont  remplacés  par  du  plâtre  très 
hygrométrique  qui  verdit  et  est  très  peu  durable  sous  le  climat 
de  la  côte  du  Brésil. 

Les  bâtiments  construits  par  l'État  sont  en  général  trop  coû- 
teux, et  le  manque  d'instruction  des  architectes  en  a  fait  quelque- 
fois des  monuments  ridicules  et  qui  ne  présentent  pas  même  la 
solidité  indispensable.  De  ce  nombre  sont  le  nouvel  Hôtel  de 
Ville, l'Imprimerie  nationale,  l'Hôtel  des  postes  et  quelques  Écoles 
primaires.  Des  édifices  plus  anciens  comme  la  Monnaie,  l'immense 
Hôpital  de  la  Miséricorde,  l'Hospice  des  aliénés  sont  bien  supé- 
rieurs à  ces  autres  bâtiments. 

La  colonie  portugaise  a  fait  construire  une  bibliothèque  qui 
est  de  beaucoup  le  meilleur  édifice  de  Rio-de-Janeiro,  construit 
dans  ces  dernières  années,  après  le  très  grand  et  très  somptueux 
palais  en  marbre  blanc  et  rose  du  comte  de  Nova  Friburgo.  La 
bibliothèque  portugaise  est  une  application  assez  réussie  du  style 
gothique,  très  orné  et  fleuri,  qu'on  retrouve  en  Portugal  à  la  fin 
du  xvc  et  au  commencement  du  xvie  siècle  et  qu'on  a  nommé 
«  le  gothique  Manuelin  »  du  nom  du  roi  Don  Manuel. 


LE    BRÉSIL   EN   1889. 

L'art  des  jardins  dans  un  climat  chaud  et  à  riche  végétation 
devrait  être  plus  que  jamais  Le  complément  de  L'architecture.  La 
liste  des  plantes  ornementales  vivant  au  Brésil  en  plein  air  est 
très  grande.  Aux  plantes  indigènes  est  venu  se  joindre  un  très 
grand  nombre  de  plantes  importées,  dès  que  l'horticulture  com- 
mença à  faire  des  progrès. 

Les  jardins  portugais  étaient,  il  y  a  un  siècle,  les  mauvaises 
imitations  en  petit,  du  genre  Le  Notre,  aux  lignes  droites,  aux 
plates-bandes  symétriques,  aux  parterres  encadrés  par  des 
bordures  de  buis  ;  et  très  souvent  des  briques,  des  fond^  de 
bouteille  ou  des  coquillages  en  rocaille,  remplaçaient  le  buis. 

Ordinairement  on  entrait  dans  ces  jardins  par  une  grille  en 
1er,  posée  entre  de  lourds  pilliers  en  briques  surmontes  soi i  de 
vases,  soit  de  lions  en  faïence,  soit  de  statues  de  terre  cuite 
émaillée,  venues  de  Portugal,  représentant  des  déesses,  les  quatre 
saisons,  etc.,  etc. 

«  Dans  les  villes,  »  écrivait  en  L821  Miss  Maria  Graham,  peu  de 
maisons  ont  le  luxe  d'un  jardin.  Ces  jardins  ont  plutôt  l'air  de 
vrais  pots  à  Heurs  orientaux  mais  ils  semblent  convenir  très  bien 
au  climat.  Les  plantes  des  parterres  d'Europe  croissent  à  côté  des 
plantes  plus  gaies  et  des  arbustes  du  pays.  Elles  sont  ombragées 
par  les  orangers,  les  bananiers,  les  arbres  à  pain  (déjà  presque 
acclimatés  ici)  et  les  palmiers  entre  les  allées  droites  de  citron- 
niers  sous   la  floraison  de  neige  du  lilas  des  Indes Sur  les 

rigoles  où  l'eau  coule  amenée  au  bord  des  petites  terrasses  ou 
des  parapets,  on  voit  des  vases  en  porcelaine  remplis  pardesaloès 
ou  des  tubéreuses,  alternés  avec  des  statues.  Il  y  a  quelquefois 
des  fontaines  ou  des  bancs  sous  les  arbres  formant  des  abris  très 
frais  et  délicieux  dans  ce  climat  chaud1.   » 

Aujourd'hui  les  parterres  sont  gazonnés,  les  fleurs  et  les 
arbustes  plantés  en  corbeille.  Dans  les  jardins  publics  et  dans  les 
grands  jardins  particuliers  le  genre  dit  anglais  est  toujours  adopté. 
Avec  un  gazon  velouté,  très  résistant  et  toujours  vert,  qu'il  faut 
faucher  au  moins  tous  les  mois,  avec  la  possibilité  qu'on  a  d'avoir 
des  fleurs  toute  l'année,  en  été  celles  des  pays  chauds  et  en  hiver 
celles  de  la  zone  tempérée,  avec  les  plantes  grasses  aux  demi- 
tons  glauques,  avec  la  régularité  élancée  des  araucarias  formant 
des  pyramides  vertes  étagées  à  côté  des  fûts  monumentaux  des 
palmiers,  du  déploiement  en  éventail  des  uranias  et  des  sagous 

1.  Journal  of  a  voyage  to  Brazil,  etc.,  etc.,  1  vol.  London,  1824,  pag.  102. 


I.  ART.  537 

ouverts  en  couronne,  avec  des  massifs  de  plantes  aux  feuilles  à 
couleurs  flamboyantes  :  le  tout  se  détachant  sur  le  fond  sombre 
des  murs  tapisses  d'un  lierre  à  petites  feuilles  adhérentes,  on 
parvient  à  Faire  des  jardins  admirables  qui  peuvent  se  prolonger 
mémo  à  l'intérieur  des  habitations,  avec  les  fougères  et  les  orchi- 
dées plantées  dans  des  vases  ou  pendantes  du  plafond  dans  des 
suspensions.  Rio-dc-Janeiro  compte  d'admirables  jardins.  De  ceux 
qui  appartiennent  à  l'État,  les  plus  beaux  sont  le  Passeio  Publico 
cl  ct'lui  «la  Acclamaçao  qui  ont  été  dessinés  et  plantés  par 
M.  (ilaziou. 

Dans  ces  jardins  on  a  sacrifié  un  peu  l'ombrage  aux  effets 
de  perspective  qui  sont  ravissants.  Mais  dans  un  pays  chaud 
comme  Rio-de-Janeiro,  nous  trouvons  que  dans  les  jardins  et 
dans  les  places  publiques,  on  devrait  planter  plus  d'arbres.  Le 
Jardin  Botanique,  fameux  par  son  allée  de  palmiers,  est  cepen- 
dant bien  inférieur  à  d'autres  jardins  des  pays  tropicaux  comme 
ceux  de  Buitenzorg,  de  Peeradenya  près  de  Kandy  et  celui  sur  les 
bords  de  l'iloogly,  à  Calcutta. 

L'intérieur  de  la  maison  brésilienne  offre  en  général  la  même 
nudité  ou  le  même  mauvais  goût  des  maisons  portugaises.  Les 
objets  d'art  sont  rares.  Les  tableaux,  les  statues  venus  de  l'é- 
tranger, payent  des  droits  énormes,  ad  valorem,  comme  desim- 
pies marchandises.  Les  artistes  nationaux  qui  ont  du  mérite  se 
jettent  dans  la  peinture  grandiose,  font  des  tableaux  plus  vastes 
que  les  appartements,  et  leurs  prix  sont  encore  plus  élevés  que 
ceux  des  maîtres  vivants  de  la  peinture  européenne.  On  n'ac- 
croche au  mur  que  des  portraits,  seule  ressource  des  peintres 
qui,  n'osant  aborder  le  monumental,  veulent  tout  de  même 
vendre  leurs  toiles.  Les  paysages,  les  aquarelles,  les  peintures  de 
genre,  les  tableaux  d'une  grandeur  modérée,  destinés  à  embellir 
les  habitations  sont  délaissés.  Dans  le  mobilier  on  a  abandonné 
les  beaux  meubles  anciens  en  marqueterie,  faits  avec  les  bois 
ravissants  du  pays,  les  bahuts  et  les  autres  meubles  en  palis- 
sandre tourné  et  sculpté  dans  lesquels  excellaient  les  ébénistes 
de   Bahia  et   de  Minas1,  les  fauteuils  en    cuir  noir    orné  de  gros 


1.  L'écrivain  de  la  Relation  du  voyage  de  U Air/le,    écrit  à  Rio  en  1706: 
«  Je  viens   d'acheter    un  bois  de  Jit  et  un    beau  et  grand  cofl're.  J'ai  fait 

ici  cette    emplette  sur   ce  qu'on    m'a  assuré    que  je    n'en  trouverais  point  à 

Buenos-Ayres  ».  Ouv.  cité  page  276. 


LE    BB ÉSIL    EN    1  889. 

clous  en  cuivre,  les  lits  à  colonnes,  la  belle  argenterie  portugaise 
et  brésilienne  de  l'école  de  Valentim  da  Fonseca  el  de  ses  contem- 
porains. 

Nous  devons  maintenant  parler  de  certaines  industries  brési- 
liennes qui,  par  le  caractère  ornemental  de  leurs  produits,  ren- 
trent  sans  doute  dans  le  domaine  de  l'art.  La  plupart  de  ces 
industries  sont  des  industries  régionales. 

La  dentelle  et  les  broderies  appartiennent  en  quelque  sorte 
aux  provinces  du  nord  du  Brésil,  principalement  à  Gearâ  et  à 
Pernambuco  où  Ton  voit  de  magnifiques  spécimens  de  dentelles 
à  l'aiguille  soit  à  point  coupé  soit  à  lil  tiré,  et  Mes  broderies  en 
couleur  sur  coton  pour  nappes,  hamacs,  etc.,  etc.,  pleines  de 
caractère  bien  que  les  patrons  ne  soient  pas  très  variés,  et  se 
rapprochant  dans  les  dessins,  des  broderies  orientales  dont  les 
portugais  héritèrent  des  Maure-,  surtout  dans  les  bandes  de  lacis 
brodées  en  reprise,  dans  les  bordures  à  dents  découpées,  ayanl 
toujours  des  rosaces,  des  rinceaux,  des  feuillages  conventionnels 
et  carrelés.  Dans  certaines  parties  du  Brésil  on  fait  grand  cas  de 
ces  belles  dentelles  et  broderies,  et  toute  la  lingerie  en  est  ornée  à 
profusion.  Les  serviettes,  les  draps  de  lit  sont  pleins  de  ces  den- 
telles, de  volants,  les  coussins  découpés  par  des  bandes  de  den- 
telle et  très  souvent  une  grande  couverture  d'une  dentelle  plus 
lourde  et  d'une  moindre  valeur  faite  au  crochet  en  une  espèce  de 
point  d'Irlande  recouvre  tout  le  lit.  Les  nappes  d'autel  et  les 
aubes  sont  souvent  d'une  grande  richesse1. 

1.  A  Rio-de-Janeiro  l'art  dos  dentelles  a  été  toujours  inférieur  à  celui  du 
nord  du  Brésil.  Luccock  écrivait  à   ce  sujet  au  commencement  du  siècle: 

«  Muny  women  white  as  well  as  black,  eniploy  themsclves  in  making 
lace.  Their  method  is  somewhat  curious  ;  they  sit  cross-legged  upon  a  mat 
spread  on  the  floor,  with  the  pillow  beforethem,  whichis  a  sorl  of  Hat  cushion 
nailed  on  a  wooden  frame,  with  two  legs  or  fect  at  the  hind  part.  The 
bobbins  are  very  heavy,  and  loaded  with  étrangles.  The  material  is  Cotton- 
thread,very  coarse,  the  patteru  simple,  i and  the  work  ill  executed;  the  colour 
cannot  be  good  where  the  workwoinan  perspires  profusely.  She  has  do 
knowledge  ofparchment,  particularîy  ofthe  kind  used  in  lace- making  in  the 
counties  of  Northampton  and  Buckingham  ;  instead  of  it  she  uses  a  pièce  of 
paper,  vohich,  is  Qot  firm  enough  to  maintain  the  regularity  of  the  pattern, 
consequently  the  work  is  ofteu  very  indiffèrent.  Nevertheless  the  proce 
so  tedious,  and  so  much  skill  is  required  to  produce  a  tolerable  article, 
thaï  the  price  is  high,  and  a  presenl  of  lace  always  acceptable.  It  is  ased,  doI 
od  ladie's  caps, for  they  wear  noue  ;  bul  is  sometimes  quilled  round  the  besoin 
of  a  chemise,  or  set  as  a  flounice  at  the  bottom  of  a  pettieoat  ;  it  is  als<» 
employed  as  a  footing  down  the  shoulder,  and  about  the  arm.  N 
Brazil,  London,  1820,  page  lie. 


L'ART.  539 

Les  jésuites  estimaient  beaucoup  ces  dentelles  et  l'art  des 
riches  broderies  d'église,  qu'ils  enseignèrent  aux  Indiens  convertis 
du  Paraguay  el  du  sud  du  Brésil.  Au  siècle  dernier,  quand  les 
Portugais  s'emparèrenl  des  possessions  jésuitiques,  le  général 
Gomes  Freire  de  Andrade,  raconte  le  poète  Basil io  da  Gama, 
admirant  les  richesses  d'une  église  indienne  ne  pouvait  eroire 
que  les  magnifiques  broderies  qu'il  voyait  fussent  faites  dans  le 
pays  jusqu'à  ce  qu'il  eut  vu  abandonnée  sur  le  métier  une  splen- 
dide  broderie  qu'on  n'avait  pas  eu  le  temps  de  finir*. 

Ornementations  diverses.  —  La  province  de  Rio-Grande-du- 
Sud  avait  naguère  une  curieuse  industrie,  celle  de  la  sellerie 
i^rnoo  avec  une  étonnante  richesse  d'ornementation,  de  tressés, 
de  piquetés,  d'applications  et  autres  combinaisons  de  cuirs  vernis 
et  frappés  ;  surtout  d'ornements  en  argent,  souvent  très  lourds 
niais  très  originaux. 

Le  pommeau  de  la  selle,  les  étriers,  les  rênes,  le  mors  et  la 
bride,  les  éperons  étaient  très  souvent  en  argent  ainsi  que  les 
ceinturons,  les  manches  et  les  gaines  des  couteaux  de  chasse.  Les 
cravaches  avaient  le  pommeau  en  argent  et  étaient  à  moitié 
tressées  d'argent.  L'ornementation  de  ces  objets  n'avait  pas 
beaucoup  de  fini  ni  de  variété,  mais  elle  avait  un  caractère 
accentué. 

Aujourd'hui  les  mœurs  ne  sont  plus  les  mêmes,  les  longs 
voyages  à  cheval  ont  été  remplacés  par  des  excursions  en  chemin 
de  fer  et  ces  harnais  pittoresques  ont  été  échangés  contre  les 
produits  moins  riches  mais  plus  pratiques  de  l'industrie  euro- 
péenne. Mentionnons  encore  comme  des  produits  de  l'orfèvrerie 
du  sud  du  Brésil,  les  porte-monnaie  en  tissu  de  mailles  d'ar- 
gent et  l'ornementation  en  argent  des  coupes  faites  de  noix  de 
coco  ou  des  calebasses  indiennes  destinées  à  cette  boisson  sud 
américaine,  le  thé  du  Paraguay,  c'est-à-dire  le  maté.  On  trouve 
dans  l'ouvrage  de  Debret  le  très  curieux  dessin  d'une  de  ces 
coupes,  qui  a  une  forme  ressemblant  beaucoup  à  celle  de  cer- 
taines coupes  en  vieux  verre  colorié  de  Venise,  de  celles  pro- 
duites à  Murano.  La  coupe  est  formée  parla  moitié  d'un  coco 
et  enchâssée  dans  un  entourage  d'argent,  unie  à  une  anse  aussi 
d'argent  extrêmement  riche  et  garnie  d'enroulements  de  tiges  en 

1.  0  Draguât.  Lisbonne  1769.  Cant.  IV,  note  page  86.  Cette  note  a  été 
supprimée  par  Varnhagen  dans  sa  réimpression  de  TUraguay. 


540  LE    BRÉSIL    EN    1 

filigrane,  donl  l'élasticité  procure  an  léger  balancement  aux 
fleurs  el  aux  oiseaux  qu'elles  soutiennent.  Le  pied  esl  égale- 
ment d'argent  et  la  forme  élégante  ne  cède  en  rien  au  reste 
du  vase  pour  la  richesse.  Ces  vases  étaient  confectionnés 
avec  le  plus  grand  soin  par  des  orfèvres  indigènes,  dans  les 
provinces  de  Santa-Catharina  et  do  Rio-Grande-do-Sul.  Ces 
demi-calebasses  qui,  une  fois  sèches,  onl  une  dureté  et  une 
légèreté  considérable  sont  nommées  couias.  Dans  l'Amazone,  les 
Indiens  savent  donner  à  certaines  de  ces  couias  un  vernis  très 
brillant,  un  vrai  laqué  aux  couleurs  inaltérables.  Ordinairement 
l'intérieur  de  ces  couias  est  d'un  beau  jaune  doré  et  l'extérieur 
d'un  bleu  foncé,  très  brillant,  moucheté  de  noir.  Nous  n'avons  pu 
trouver  nulle  part  une  description  précise  de  ce  procédé  de 
lai  |  nage. 

Debret  (Vol.  I,  p.  51),  s'occupe  de  quelques-uns  de  ces  produits 
et  prétend  que  les  couias  sont  ornées  soit  de  dessins  blancs  tracés 
avec  une  pointe  sur  un  fond  colorié,  soit  d'ornements  d'un  effet 
plus  compliqué,  dont  les  détails  sont  nuancés  de  différentes 
couleurs.  Pour  obtenir  les  fonds  noirs,  on  enduit  de  résine  la 
place  qu'on  veut  teindre  et  on  la  frotte  avec  un  charbon,  espèce 
de  fusain,  niais  encore  chaud  ;  pour  obtenir  le  dernier  poli,  la 
surface  est  frottée  fortement  avec  une  spatule  lisse,  d'un  bois  fort 
dur  ce  qui  donne  un  luisant  inaltérable.  Les  couleurs  variées 
sont  dues  à  des  terres  blanches,  jaune  clair  et  rouge  brun,  très 
solidement  fixées  par  des  résines.  On  ferait  bien  au  Brésil  de  ne 
pas  laisser  se  perdre  ce  procédé  d'ornementation  avec  lequel  les 
artistes  indigènes  obtiennent  de  si  beaux  effets  d'éclat  et  de 
couleur. 

Pour  en  finir  avec  les  arts  d'ornement  au  Brésil,  nous  tenons  à 
faire  remarquer  une  industrie  actuelle  qui  n'est  pas  sans  valeur  et 
qui  se  rattache  à  la  question  de  l'art  dans  la  parure.  Nous  voulons 
pulcr  des  Heurs  et  autres  ornements,  confectionnés  avec  les 
plumes  brillantes  des  oiseaux  du  Brésil.  Cet  art  qui  remonte, 
comme  nous  l'avons  vu,  aux  indiens,  a  toujours  été  plus  ou  moins 
pratiqué  par  les  colons,  spécialement  par  les  religieuses,  dans  les 
couvents.  Aujourd'hui,  l'industrie  des  ornements  en  plumes, 
destinéesà  la  parure  a  une  importance  commerciale.  Un  voyageur 
français,  M.  Max  Eladiguet  en  parle  en  ces  termes  : 

«  Parmi  les  étalages  séducteurs  qui  bordent  la  ruado  Ouvidoi*, 
nous  devons  une  mention  particulière  à  ceux  des  atelier-  de 
tlcurs  en  plumes,  industrie  qui  semble  avoir  atteint  son   apogé  à 


L'ART.  541 

Rio-de-Janeiro.  En  effet,  ces  fleurs  composées  avec  le  plumage 
éclatant  de  certains  oiseaux,  joignenl  au  mérite  de  leur  couleur 
inaltérable  un  fini  précieux  d'exécution  et  peuvent  rivaliser  avec 
les  œuvres  les  plus  parfaites  de  Batton  et  de  Nattier.  A  l'exacte 
imitation  des  fleurs  naturelles  vient  se  joindre  la  foule  des  fleurs 
imaginaires  el  impossibles,  enfantées  parla  fantaisie.  11  en  est 
parmi  ces  dernières  qui  semblent  jeter  des  couleurs  phospho- 
rescentes.  Cel  effet  est  produit  par  certaines  combinaisons  de 
plumes  ravies  à  la  plume  enflammée  des  colibris.  Les  ailes  étin- 
celantes  servent  aussi  à  former  des  bouquets  et  des  parures  d'un 
effet  magique.  Quand  on  visite  ces  ateliers,  on  voit  avec  surprise 
éclore  ces  merveilles  de  délicatesse  entre  les  mains  intelligentes 
d'enfants  très  jeunes.  »  Ces  fleurs  en  plumes,  les  parures,  les 
éventails  faits  avec  les  coléoptères  dorés,  sont  aujourd'hui  très 
connus  en  Europe.  Dansl'énumération  des  industries  brésiliennes 
ayant  un  côté  artistique,  on  ne  saurait  les  oublier. 

Céramique.  —  On  a  cru  pendant  longtemps  que  les  indiens  du 
Brésil  n'avaient  pas  d'autres  poteries  que  les  plus  rudimentaires. 

Le  professeur  llartt  prétend  qu'on  n'a  jamais  trouvé  nulle  part 
des  poteries  séchées  au  soleil  sans  qu'on  en  découvrit  d'autres  en 
même  temps,  cuites  au  feu1. 

Ceci  revient  presque  à  affirmer  qu'on  n'a  pas  cuit  des  pote- 
ries au  soleil,  car,  l'avantage  de  la  cuisson  au  feu,  une  fois  re- 
connu, on  ne  songerait  plus  à  employer  de  la  chaleur  solaire.  D'un 
autre  côté,  MM.  ïschudi  et  Rivero  pensent  que  la  poterie  péru- 
vienne n'était  pas  cuite  au  feu.  Les  premiers  voyageurs  qui  ont 
visité  le  Brésil  parlent  des  poteries  des  indiens,  des  femmes  qui 
les  pétrissaient  et  de  la  cuisson  au  feu.  On  en  faisait  pour  la 
préparation  d'une  boisson  fermentée  nommée  caouïm,  d'aussi 
grandes  qu'un  tonneau,  selon  Gabriel  Soares,  l'écrivain  du 
xvie  siècle. 

On  connaissait  aussi  les  grandes  urnes  funéraires  remarqua- 
bles par  leur  taille,  puisque  le  cadavre  y  était  introduit  et  y  était 
maintenu  accroupi.  Quelques-unes  de  ces  urnes  appelées  camucim, 
corruption  de  cumbuchi2  sont  ornées  d'imbrications  moulées.  Les 


i.  Archivos  do  Museo  national  do  Rio-de-Janeiro,  vol.  VI,  p.  67. 

2.  Tous  les  nouveaux  écrivains  brésiliens,  à  l'exception  de  Varnhagen  et 
Baptista  Caetauo,  les  nomment  igaçaba  ce  qui  est  une  erreur,  igaçaba  vou- 
lant dire  —  vase  à  eau.  Un  des  endroits  où  l'on  a  trouvé  un  grand  nombre 
de  ces  urnes  est  appelé  Camutins,  dérivation  probable  de  Càmbuchi. 


LE    BRÉSIL    EN    1  s  M». 

découvertes  faites  à  Pacoval,  dans  l'île  de  Marajd,  à  L'embou- 
chure de  l'Amazone  sont  venues  modifier  Les  idées  reçues  au  su- 
jet de  la  céramique  des  indiens  du  Brésil. 

Jusqu'alors  on  ne  connaissait  de  ces  produits  d'argile  que 
«eux  provenant  d'une  industrie  grossière,  des  ustensiles  néces- 
saires ou  simplement  utiles,  u'ayanl  d'autre  caractère  que  la 
convenance,  c'est-à-dire,  selon  Charles  Blanc,  Le  juste  rapport 
de  La  forme  à  la  destination  de  L'objet.  Du  jour  où  L'œuvre 
du  potier,  dit-il,  a  été  conçue  comme  un  symbole,  du  jour  où  le 
vase  a  été  imaginé,  non  plus  pour  un  usage  domestique,  mais 
pour  exprimer  une  pensée  ou  un  sentiment,  pour  devenir  un 
présent  d'amitié,  un  gage  d'amour  ou  un  pur  objet  de  luxe,  la 
céramique  s'est  élevée  au  rang  des  arts,  et  c'est  alors  qu'elle  a 
dû  se  soumettre  aux  trois  conditions  éternelles  du  beau  :  l'ordre, 
la  proportion  et  l'harmonie.  Et  cette  corrélation  de  la  céramique 
est  si  vraie,  qu'elle  est  manifestée  jusqu'à  l'évidence  par  le  lan- 
gage. Les  termes  qui  désignent  les  divers  membres  du  vase:  les 
lèvres,  le  col,  le  collier,  les  oreilles,  les  épaules,  les  flancs  la 
panse,  le  pied,  disent  assez  que  cette  grande  analogie  des  créa- 
tions de  l'homme  artiste  avec  la  figure  humaine,  a  toujours  été 
présente  à  l'esprit  des  peuples  qui  ont  inventé  les  perfectionne- 
ments de  la  céramique  et  en  ont  créé  la  langue. 

Or  les  vases  et  les  plats  trouvés  à  Marajô  révèlent  de  la  pari 
des  artistes,  (c'est-à-dire  des  femmes  dont  on  voit  les  traces  dur- 
cies des  doigts  à  L'intérieur  de  certaines  poteries  faites  par  un 
enroulement  soigneux  de  cordes  de  terre  glaise,  disposées  en 
spirale),  non  seulement  une  observation  instinctive  des  règles 
artistiques,  mais  surtout  cette  préoccupation  de  la  figure  hu- 
maine qui  est  en  même  temps  la  plus  haute  et  la  première  ex- 
pression de  l'art. 

Ces  vases  4  sont  de  la  plus  belle  proportion  et  ils  révèlent  tous 
une  préoccupation  de  beauté  de  la  part  de  l'artiste  qui  ne  s'est 
plus  contenté  d'obtenir  la  simple  convenance,  autant  quant  aux 
formes  qu'à  la  décoration  gravée  et  peinte.  Ainsi  leur  base  est  en 
gênerai  égale  au  diamètre  moyen  ouau  diamètre  supérieur  ;  l'ori- 
fice est  élargi  et  la  base  rétrécie  si  la  forme  est  clavoïde  ;  tous  ont 
la  première  condition  des  produits  céramiques,  c'est  à-dire  un  sens 
bien  accusé,  ou  si  l'on  veut,  une  dimension  dominante.  Pour  donner 
une  idée  de  leur  caractère  et  de  Leur  originalité,  il  suffit  de  dire  que 


1.  Planche  noa  1  .*i  6.  Vol.  vi  de?  Archives  do  Museu-Naeioiial. 


L  ART.  543 

malgré  la  beauté  de  ces  vases,  on  ne  peutà  la  rigueur  les  identi- 
Ser  entièrement  dans  leur  forme  avec  aucun  vase  grec,  car  ils 
présentent  des  combinaisons  vraiment  nouvelles  de  l'ovoïde  avec 

les  formes  cj  lindriques  et  clavoïdes  agrémentées  de  renflements 
et  de  rétrécissements  harmonieux.  Quant  à  leur  polychromie, 
elle  est  caractérisée  par  le  jaune,  le  gris,  le  rose,  le  rouge  orangé 
el  un  peu  de  noir  dans  les  détails,  mais  jamais  comme  fond.  Ce 
qui  semble  le  plus  curieux  dans  l'ornementation  de  ces  vases, 
c'est  qu'on  y  voit  trois  ornementations  assez  distinctes  les  unes 
des  autres:  les  grecques  soit  rectilignes  soit  curvilignes  à  enrou- 
lements ondes  et  contenus1  ;  les  ornements  à  lignes  brisées,  re- 
liées  en  spirale2;  dans  deux  vases  gris  ornés  de  noir3  on  ne 
retrouve  aucun  de  ces  caractères.  Les  objets  sculptés  doivent 
être  antérieurs  aux  poteries  peintes.  Les  études  faites  jusqu'à  ce 
jour  n'autorisent  aucune  tentative  de  classement.  Les  découvertes 
de  Marajô  sont  récentes,  et  le  problème  du  passage  par  l'Amazone, 
d'hommes  plus  civilisés  que  les  Indiens  actuels  appartenant  aux 
hypothèses  des  ethnographes  sort  de  notre  plan;  nous  avons 
voulu  à  peine  signaler  ces  découvertes  de  Marajô,  que  le  Muséum 
de  Rio-dc-Janeiro  a  lait  connaître  dans  le  savant  recueil  de  ses 
Archivos  déjà  cité  et  dont  la  publication  est  due  à  M.  LadislauNetto. 

La  céramique  actuelle  au  Brésil  n'a  pas  fait  de  progrès  depuis 
200  ans.  On  n'a  fabriqué  qu'une  fois  de  la  porcelaine  au  Brésil. 

J.  Manso  Pereira,  ayant  trouvé  du  kaolin  dont  l'existence  est 
d'ailleurs  signalée  avec  certitude  sur  plusieurs  points  du  Brésil, 
en  fit,  au  siècle  dernier,  à  Rio-de-Janeiro,  quelques  objets,  des 
camées,  etc.,  etc.  La  poterie  émaillée  y  est  signalée  aussi.  On  ne 
connaît  au  Brésil  que  la  première  classe  des  produits  céramiques 
selon  la  division  faite  par  Brongniart,  c'est-à-dire  les  poteries 
tendres,  rayables  par  l'acier,  comme  les  terres  cuites  en  général, 
les  poteries  lustrées  et  vernissées  au  plomb  ou  autrement  et 
opaques. 

Des  argiles  qu'on  trouve  au  Brésil,  on  fait  un  grand  nombre 
de  vases  de  toute  grandeur.  Dans  une  planche  de  l'ouvrage  de 
J.-B.  Debret,  on  trouve  une  collection  de  ces  poteries  aux  formes 
variées  et  originales.  Ces  vases  sont  faits  de  différentes  espèces 
d'argile  et  ceux  de  certaines  provenances  sont  très  estimés.  Ordi- 

1.  N°a  1  à  5,  planche  1;  n°*  2,  8.  planche  II:  nos  11,  13,  planche  V  n0- 
7,  9  et  10  :  planche  V  a  ; 

2.  N°»  fi.  4,  planche  I  :  n°  7,  planche  II  :  n°  7,  planche  V  :  n°  I  plancheV  a. 

3.  Noa  fi  et  8  :  planche  V  b. 


5  1  I  LE    i;i;  ÉS1  L   EN   18  89. 

nairement,  avant  la  cuisson,  ils  sont  peints  avec  une  sorte  de  lait 
d'ocre  délayée,  destiné  à  leur  donner  la  couleur  rouge.  Ces  vases 
sonl  destinés  à  garder  de  L'eau  (Talha,  pote)  ou  pour  servir, 
soit  de  vase  à  boire,  soit  de  carafe  à  verser  l'eau  dans  des  verres 
quartinha,  moringue).  La  poterie  de  Bahia,  de  Pernambuco  et  de 
Santa  Gatharina  faite  d'argile  uoire  ou  rouge  est  la  plus  estimée. 
Elle  est  suffisamment  poreuse  pour  que  L'évaporation  se  puisse 
faire  à  L'extérieur  en  amenant  L'abaissemenl  de  La  température 
de  l'eau,  mais  sans  cpie  L'eau  en  suinte  autant  que  dans  les 
goullehs  d'Egypte  ou  dans  les  alcarazas  d'Andalousie  dont  la  cou- 
leur jaunâtre  est  si  laide,  comparée  au  rouge  vif  des  poteries 
brésiliennes.  Celles  de  Bahia  sonl  particulièrement  estimées. 
Elles  sont  quelquefois  très  ornées,  surtout  les  grandes  amphores 
peintes  sur  des  fonds  à  L'émail,  en  vert  ou  en  bleu,  rehaussé  de 
dorure  sur  les  dessins.  Aux  bords  de  l'Amazone  et  spécialement 
à  Gametâ  et  à  Brèves,  les  gens  du  pays  font  des  poteries  ornées 
de  dessins  en  couleur  et  affectant  le  plus  souvent  la  forme  d'ani- 
maux de  la  contrée  (perruches,  tortues,  etc.),  mais  on  remarque 
qu'ils  deviennent  de  moins  en  moins  habiles  dans  cet  art.  Cette 
poterie  est  blanchie  d'abord  avec  une  terre  blanche  et  après  la 
cuisson,  on  la  peint  à  une  aquarelle  très  voyante,  sur  laquelle 
on  étend  un  vernis,  une  résine,  le  Jutahy-Sica  dissoute  dans 
l'alcool1.  Dans  la  planche  de  Debret  que  nous  avons  citée,  il  y  a 
une  grande  collection  de  poteries  du  Brésil.  L'auteur  se  borne 
à  leur  trouver  un  vague  caractère  arabe  et  égyptien.  Le  carac- 
tère arabe  s'explique,  car  ce  sont  les  portugais,  qui  ont  tant 
des  arabes,  qui  ont  introduit  au  Brésil  les  formes  de  poterie  dont 
nous  nous  occupons.  Nous  voyons  dans  cette  planche  une  grande 
talha,  à  couvercle,  à  anses,  avec  de  grasses  moulures  verticales 
et  espacées.  Ce  grand  vase  oviforme  étant  apode  rappelle,  sans 
altération  le  style  égyptien  même  dans  le  système  d'enchâssement 
qui  le  supporte,  pied  ou  table  fait  de  bois  léger,  ordinairemeatdé- 
coupé  sur  le  contour  du  vase  auquel  il  appartient;  usage  d'autant 
plus  nécessaire,  que  la  tablette  de  support  reçoit  le  suintement 
du  grand  volume  d'eau  contenue  dans  ce  vase  de  terre  trop 
peu  cuite  et  qui,  se  manifestant  plus  particulièrement  à  sa  base,  en 
dissoudrait  promptement  le  pied.    L'n  autre  vase  clavoïde  destiné 


1.  Dans  une  planche  de  l'Atlas  «le  l'ouvrage  de  Spix  et  Martius  on  voit 
quelques  cuvettes,  pots  et  plats  à  barbe  faits  de  cette  poterie.  L'influence 
européenne  s'y  fait  sentir,  non  seulement  dans  la  forme  des  objets  mais  aussi 
dans  leurs  ornements. 


L  ART.  545 

aussi  à  contenir  une  grande  quantité  d'eau,  se  présente  avec  un 
aspecl  arahe  très  caractérisé  et  plus  sévère;  il  est  également  en 
terre  rouge,  les  ornements,  c'est-à-dire  des  ovules  à  l'entour  du 
diamètre  moyen  et  près  du  bord,  sont  repoussés  à  la  main.  Les 
quatre  petites  anses  de  cette  talha  sont  d'une  forme  singulière 
(>(  enrichies  d'une  tète  humaine  sculptée  et  peinte  d'une  couleur 
verte  vernissée.  Ce  vase  est  d'une  grande  correction,  sa  hauteur 
représentant  deux  fois  son  diamètre  moyen,  comme  il  convient  à 
ces  vases.  Debrct  donne  aussi  le  dessin  d'une  talha  pas  aussi 
considérable  que  les  précédentes  et  qui  serait  plutôt  un  pote. 
Il  a  environ  90  centimètres  de  hauteur.  Il  est  formé  par  une 
énorme  boule,  surmontée  d'un  large  entonnoir  et  peut  être 
considéré  comme  un  type  de  la   plus  pure  simplicité  égyptienne. 

Étant  presque  apode  il  rappelle  l'utilité  d'un  support  en  bois 
pour  donner  un  point  d'appui  à  sa  base  arrondie.  C'est  une  vraie 
lagene  égyptienne  turbinée  et  au  corps  oviforme  ayant  toute 
l'élégance  et  la  grâce  de  cette  forme. 

Dans  les  vases  de  terre  cuite  rouge  d'une  moindre  grandeur, 
les  quartinkas  et  les  moringues,  on  trouve  quelquefois  des  formes 
hindoues,  vernissées  en  couleur  dans  les  parties  étranglées, 
élancées  avec  des  cols  et  des  anses  en  torsades  comme  dans  les 
faïences  de  Valence. 

Nous  avons  peut-être  décrit  trop  longuement  ces  terres  cuites 
sans  valeur  dont  la  fabrication  ancienne  change  chaque  jour,  et 
dont  les  formes  caractéristiques  sont  délaissées.  Les  collection- 
neurs de  l'avenir  sauront  les  apprécier  et  quand  la  céramique 
commencera  à  se  développer  au  Brésil,  on  devra  revenir  à  ces 
vieilles  formes  dont  nous  n'avons  pas  voulu  omettre  la  mention 
de  l'art  naïf  et  la  merveilleuse  simplicité. 

Musique.  —  Tous  les  voyageurs  qui  ont  visité  le  Brésil 
parlent  des  grandes  dispositions  musicales  de  ses  habitants.  Les 
premiers  missionnaires  s'étonnaient  de  la  facilité  avec  laquelle 
les  indiens  apprenaient  les  cantiques  de  l'église.  Ces  indiens 
avaient  déjà  des  mélodies  primitives,  qui  leur  étaient  propres  ; 
Jean  de  Léry  les  notait  au  xvic  siècle  et,  à  près  de  trois  cents  ans 
de  distance,  Spix  et  Martius  les  retrouvaient  presque  sans  chan- 
gement chez  ces  sauvages1. 

1.  Reise  inBrasilien.  Vol.  I,  page  374  :  «  Es  ist  merkwurdig  dass  die  Melo- 
dien,  vselche  Lehy  vor  mehr  als  zvveihundert  Jahren  bei  den  Indianern  in  der 
Nahe  von  Rio-de-Janeiro  aufzeichnete,  sehr  vicie  dehnlichkeit  mit  den  von 
uns  bernerkten  haben.  Manvergl.  Lery,  Hist.  nav.  in  Brasil.  Genev.  1594. 

35 


546 


LE     BRÉSIL     EN      1889. 


«   Les  sauvages,  en  Leurs  chansons,  vont  communément/dit  ce 
dernier,  disans  et  répétans  souvent  en  ceste  façon  : 


• , L  <_     ' 


^=^==Ù=^=^-^^-^-^r-^_ 


-6-7 


Ca    ni      de    iou  u&     ca_   ni     de     lou.e    heu    ra     oue  cL 


c'est-à-dire  un  oyseau  jaune,  an  oyseau  jaune,  etc.,  <iLc,  car 
ioune  ou  ioup  veut  dire  jaune  en  Leur  Langage  l.  »  «  Camouropouy- 
ouassou  est  un  bien  grand  poisson  (car  aussi  ouassou  en  langue 
brésilienne  veut  dire  grand  ou  gros,  selon  l'accent  qu'on  luy 
donne)  duquel  nos  Toùoupinambaoults  dansans  et  chantans,  font 
ordinairement  mention, disans  et  répétans  souvent  en  ceste  sorte  : 


^T'iili  il    UUJ-U444 


Pi.ra  ou-aâ  sou    a ._  o  ueh,Camouroupouy     ou. as  sou   a  oueh 
etc.,  etc.:  Camouropouy-ouassou-a-oueh,  etc.,  etc.,  est  fort  bon  a 


mander 


Lery  assista  aussi  à  une  sorte  de  cérémonie  ou  de  danse  reli- 
gieuse des  sauvages,  qu'il  appelle  un  «  sabbath  »  où  il  les  entendit 
«  regretter  leurs  grand  pères  décédez,  lesquels  estoyent  si 
vaillans  :  »  et  «  s'estant  consolez,  en  ce  qu'après  leur  mort  ils 
s'asseuroyent  de  les  aller  trouver  derrière  les  hautes  montagnes, 
où  ils  danseroyent  et  se  réjouisseroyent  avec  eux3.   » 

«  Mais  après  que  les  hommes  peu  à  peu  eurent  eslevé  leurs 
voix  et  que  fort  distinctement  nous  les  entendismes  chanter  tous 
ensemble  et  répéter  souvent  cette  interjection  d'encouragement, 


g 


<HMJr4+^rf5JE5£pgj 


.He     heu    ra.  heura-heu-raheu.ra-heu_ra-heuraheura.ouech; 


1.  Jean  de  Ler-ï  :  Histoire  d'un  voyage  faict  en  la  terre  du  Brésil.  chap.X. 
11  est  très  regrettable  que  dans  sa  réimpression  .le  l'édition  française  de  Lery, 
devenue  très  rare,  ainsi  que  les  éditions  latines,  M.  Gaffarel  ait  supprimé 
cette  notation. 

2.  Ibid.  Chap.  XII. 
.'3.  Ibid.  Chap.  XVI. 


L  ART. 


547 


nous  l'usines  tous  esbahis  que  les  femmes  de  leur  costé  leur 
respondans  el  avec  une  voix  tremblante,  réitérans  ceste  mesme 
interjection  h<\  he,  h<\  ke  l 


Lery  ajoute  encore  : 

u  Or  ces  cérémonies  ayans  ainsi  duré  près  do  deux  heures,  ces 
cinq  ou  six  cens  hommes  sauvages  ne  cessans  tousiours  de  danser 
et  chanter,  il  y  eut  une  telle  mélodie,  qu'attendu  qu'ils  ne  sçavent 
que  c'est  de  musique,  ceux  qui  ne  les  ont  ouys  ne  croirôyent 
iamais  qu'ils  s'accordassent  si  bien.  Et  de  faict,  au  lieu  que  du 
commencement  de  ce  sabbat  (estant  comme  j'ay  dit  en  la  maison 
des  femmes),  j'avois  eu  quelque  crainte,  j'eus  lors  en  récompense 
une  telle  ioie,  que  non  seulement  ouyans  les  accords  si  bien 
mesurez  d'une  telle  multitude,  et  surtout  pour  la  cadence  et  le 
refrein  de  la  balade,  à  chascun  couplet  tous  en  traisnant  leurs 
voix,  disans  : 


é-&— 4>  <>  f~T~T~1>  ?  9  9  ^ 


He      he    bë     he     he     he     he     he     be     he, 


j'en  demeuray  tout  ravi  :  mais  aussy  toutes  les  fois  qu'il  m'en 
ressouvient,  le  cœur  m'en  tressaillant,  il  me  semble  que  je  les 
ave  encore  aux  oreilles.  Quand  ils  voulurent  finir,  frappans  du 
pied  droit  contre  terre  plus  fort  qu'auparavant,  après  que  chacun 
eut  craché  devant  soi,  tous,  unanimement,  d'une  voix  rauque , 
prononcèrent  deux  ou  trois, 


jf":'  f  î  T  T  t  ï^ 


o — c 


^3 


He      be   hua    he       bua   he     hua       hua    he      hua 


et  ainsi  cessèrent2.  » 

Ces  fragments  de  mélodies  rudimentaires  sont  peut-être  les 
seuls  qui  ne  soient  pas  perdus  de  ce  qu'à  peine  on  pourrait  appeler 
la  musique  indienne,  il  y  a  trois  cents  ans.  La  musique  populaire 
du  Brésil  dans  laquelle  ont  concouru  l'élément  portugais, l'élément 
indien  et  l'élément  africain,  ainsi  que  la  musique   des   indiens 


i.  Ibid.  Chap.  XVI. 
2.  Ibid.  Chap.  XVI. 


54S  LK      BRÉSIL     EN     18  89. 

actuels  a  été  étudiée  par  Spix  et  Martiusqui  en  ont  fait  un  recueil 
remarquable  '.  Les  musiques  de  La  fête  des  Indiens  Coroados, des 

danser  des  Puris,  des  Muras,  de    Juri  Tabocas,  des  Mirauhas,  les 

chansons  des  indiens  de  Elio-Negro,  leur  danse  des  poissons  etc., 
uni  été  éditées  pour  La  première  fois  formant  un  petit  recueil  du 
plus  haul  intérêt.  Il  est  regrel  laide  que  ces  morceaux  de  musique 
n'aient  pas  été  jusqu'aujourd'hui  L'objel  d'un  travail  régulier,  ou 
que  ces  thèmes  n'aienl  pas  reçu  un  accent  nouveau  prêtant  à  la 
mélodie  mère  une  couleur  plus  vive  sans  en  altérer  le  sens  pri- 
mitif. C'est  ce  que  M.  Ambroise  Thomas  a  l'ail  pour  des  mélodies 
péruviennes  recueillies  par  M.  Rivero  et  par  le  professeur  C.-E. 
Sœdling,  de  Stockholm  -. 

La  poésie  populaire  au  Brésil  révèle  les  caractères  ethnogra- 
phiques des  races  qui  ont  peuplé  le  pays.  Ce  sont  les  chants 
portugais,  modifiés  dans  les  paroles  par  l'addition  de  quelques 
expressions  brésiliennes,  ou  bien  des  productions  spontanées  au 
milieu  brésilien,  s'associant  soit  au  lundum  lascif,  chant  a  moitié 
africain,  rendu  dans  une  forme  portugaise  et  qui  est  plus  parti- 
culièrement  propre  à  la  province  de  Bahia  où  l'élément  noir  a 
été  le  plus  puissant  au  Brésil,  soit  à  la  modinha  de  Minas-Geraes, 
romance  sentimentale  et  traînante,  chantée  avec  un  accompagne- 
ment très  chromatique3. 

On  a  fait  au  Brésil  plusieurs  recueils  de  ces  poésies,  mais  leur 
musique  est  encore  éparsc.  M.  de  Santa-Anna  Néry,  qui  a  publié 
récemment  un  livre  en  français  sur  ces  chansons  populaires  et 
les  a  ainsi  fait  connaître  de  tous  ceux  qu'on  appelle  les  Folk- 
Loristes4,  a  ajouté  à  son  travail  quelques  morceaux  de  musique 
qui  ne  figuraient  pas  dans  le  recueil  de  Martius5.  Ces  morceaux 

1.  Brasilianische  Volkslieder  und  Indianische  Melodien.  Musikbeilage  zu. 
D1  v.  Spix  und.  Dr  v.  Martius.  Reise  iu  Brasilien. 

2.  Voy.  Congrès  des  Américanistes,  à  Nancy,  1875. 

3.  Les  portugais  excellent  surtout  dans  un  genre  de  chant  qu'ils  appellent 
modinhas.  C'est  une  espèce  de  chanson  qui  a  un  caractère  particulier  par 
lequel  elle  se  distingue  des  chansons  populaires  de  tous  les  autres  pays.  Ces 
modinhas  et  surtout  celles  nommées  brésiliennes,  sont  remplies  de  mélodie  et  de 
sentiment,  et  quand  elles  sont  bien  chantées  elles  pénétrent  jusqu'à  l'âme  de 
celui  qui  eu  peut  comprendre  le  sens.  Les  plus  jolies  et  les  plus  renommées 
sont  celles  de  Coelho,  Pires,  Ayres,  Antonio  Joaquim,  Nunes,  José  Edolo,  en 
Portugal,  et  Leal,  Dona  Marianna,  Joaquim  Manoel  et  le  père  Toiles  au  Brésil. 
—  Balbi. Essai  statistique  su?*  le  royaumede  Portugal,  vol.  11.  page  CCXI1I. 

i.  l'.-.l.  de  Santa-Anna Néry,  Folk-Lore  Brésilien^0  1889,  Paris, chez  Pcrrin. 

li.  M.  Sylvio-Romero  a  lait  un  très  remarquable  travail  sur  les  contes 
et  les  chansons  populaires  au  Brésil,  en  réunissant  les  recherches  de  ses 
devanciers  qu'il  a  soumis  à  une  critique  éclairée  et  fait  valoir  à  côté  de  ses 
propres  travaux  plus  étend  us. 


L  ART.  549 

ont  attiré  rattention  dos  artistes,  et  reminent  critique  musical, 
M.J.Weber,  s'é tant  déjà  occupé  de  mélodies  chinoises,  écossaises 
et  indiennes,  où  le  demi  ton  manque,  s'est  intéressé  aussi  à  un 
chant  indien  inédit,  publié  par  M.  de  Santa-Anna  Néry,  n'ayant 
que  la  tonique  et  la  note  sensible  et  formant  cependant,  à  l'aide 
du  rythme,  une  phrase  mélodique  bien  accusée. 

La  mélodie  a  quatre  mesures  :  elle  est  bien  rythmée,  mais 
ne  comprend  que  quatre  notes  :  ut  et  si  et  leur  octave.  Quant  à 
la  modinha,  M.  de  S. -A.  Néry  en  cite  une,  en  mineur,  d'une  teinte 
mélancolique  que  M.  Weber  croit  n'être  pas  une  création  popu- 
laire. Il  en  aurait  dit  autant  des  numéros  1,  3,  5  et  7  du  recueil 
de  Martius1.  Gomme  un  autre  type  de  modinha  un  peu  éloigné  du 
genre  sentimental  on  pourrait  citer  la  modinha  en  majeur,  et  à 
l'allure  gaie  :  Balaio,  meu  boni  balaio  ! 

Dans  cette  mélodie  on  remarque  le  goût  des  syncopes,  qu'on 
trouve  souvent  dans  plusieurs  autres  chansons  brésiliennes. 

En  général,  observe  M.  Weber,  la  construction  rythmique  et 
tonale  est  fort  régulière.  Il  y  a  la  chanson  populaire  en  fa  majeur, 
comprenant  l'intervalle  d'une  sixte  comme  Piroleta,  et  des 
berceuses  comme  Tana,  Tana  où  la  mélodie  reste  dans  l'étendue 
d'une  quinte  le  ton  étant  celui  de  fa  dièze  mineur  sans  note  sen- 
sible, se  terminant  sur  la  dominante. 

Les  instruments  de  musique  indienne  sont  à  percussion  sur 
du  bois;  les  trompes  et  les  flûtes  seules  sont  des  instruments 
mélodiques.  Ceux  qui  accompagnent  les  danses  fandango,  sapa- 
teado,  lundû  et  les  chansons  populaires  des  maîtres  brésiliens, 
sont  tantôt  la  guitare,  tantôt  la  viola  (guitare  un  peu  plus 
petite  et  ayant  des  cordes  métalliques)  ou  le  cavaquinho  (guitare 
minuscule  à  quatre  cordes). 

Ce  que  nous  savons  des  mœurs  et  de  la  culture  des  anciens  co- 
lons portugais  ainsi  que  des  métis,  ne  nous  permet  pas  de  croire 
que  leur  musique  fut  intéressante.  Le  voyageur  français,  François 
Pyrard,  qui  visita  Bahia  en  1610,  racontant  l'existence  d'un  des 
grands  seigneurs  du  pays  dit,  qu'il  avait  à  sa  suite  un  français 
qui  «  estoit  musicien  et  joueur  d'instruments,  et   ce  seigneur 

1.  La  chanson  : 

Quando  o  mal  acaba 
0  bem  principia 

recueillie  par  Langsdorf  à  Santa-Catharina  semble  appartenir  au  même  type. 
Voir  son  ouvrage  :  Bemerkungen  auf  einer  Reise  um  die  Welt,  clen  Iahren 
1803-1807.  Frankfurt,  1812.  Vol.  1er,  chap.  n. 


550  LE     BRÉSIL     EN     1889. 

l'.ivnii  pris  pour  apprendre  à  vingt  on  trente  esclaves,  qni  tous 
ensemble  faisoient  un  accord  de  voix  et  d'instruments  dont  ils 
jouoyent  à  toute  heure1.  » 

Un  siècle    plus   tard,  un  autre   voyageur  français,  La  Bar- 
binais    Le    Gentil,   qui  séjourna   aussi    à  Bahia    en    1717  nous 
donne  une  idée  assez  défavorable  de  la  musique  qu'il  y  entendit: 
«  Je  n'entendois  pendant  la  nuit  que   les  tristes  accords  d'une 
guitarre.   Les  Portugais   en  longues    robbes    de    chambre,    Le 
rosaire  en  écharpe,  l'épée  nue  sous  la  robbe,  et  la  guitarre  à  la 
main,  se  promenoient  sous  les  balcons  de  leurs  dames,  et  là  d'une 
voix  ridiculement  tendre  ils  chantoient  des  airs  qui  me  faisoient 
regretter  la  musique  chinoise  ou  nos  gigues  de  Basse  Hrelagne2.» 
Ce  voyageur  peu  bienveillant  rend  compte  également  d'une  fête 
mi-mondaine,    mi-religieuse   à  laquelle  il  assista.    Il    s'agissait 
d'une  veillée  de  Noël  :   «  Dans  toutes  les  maisons  religieuses  de 
Portugal  les  jeunes  mères  étudient  pendant  l'année  un  certain 
nombre  de  sottises  et  de  chansons  gaillardes  pour  les  débiter 
pendant   la   nuit    de  la  Nativité.   Ces   dames   étoient   dans  une 
tribune    ouverte    et    élevée,    chacune     avoit    son    instrument, 
guitarres,  harpes,   tambourins,   viguelles,  etc.,  etc.  Leur  direc- 
teur en  entonnant  le  psaume    Venite  exultemm  donna  le  signal. 
Alors  toutes   les  religieuses   se   mirent   à  chanter  les  chansons 
qu'elles  avoient  étudiées  avec  tant  de  soin,   chacune   chantant  la 
sienne,  et  cette  diversité  de  chansons  et  de  voix  formoit  un  cha- 
rivari, qui,  joint  aux  instruments   qui  étoient  aussi  peu  d'accord 
que  les  voix,  donnoit  une  juste  envie   de  rire.  Elle  sautoient  et 
dansoyent  avec  un  si  grand  bruit,  que  je  crus  que  semblables  aux 
Nonnains  de  Loudun,  elles  étoient  possédées   de  quelque  esprit 
folct,   ou  d'un  lutin  d'une  humeur  gaie  et  joviale :î.  » 

Au  commencement  du  siècle  Spix  et  Martius  en  constatant  le 
peu  de  progrès  des  arts  au  Brésil,  faisaient  une  exception  pour 
la  musique  : 

«  La  musique  est  cultivée  an  Brésil,  de  préférence  à  tous  les 
arts,  particulièrement  à  Rio  de  Janeiro  et  c'est  certainement  dans 
cet  art  le  premier,  que  les  Brésiliens  atteindront  tout  d'abord  un 
certain  degré  de  perfection.  Le  Brésilien  comme  le  Portugais,  a 
une  oreille    délicate   et  sensible   aux  modulations  agréables  et 

1.  Voyage  de  François  Pyrard,  d<>  Laval.  Paris,  1010,  page  210. 

2.  Nouveau  voyage  autour  du  Monde,  parM.Le  Gentil,  vol.  111.  Amster- 
dam, L747,  page  lî8. 

:;.  Ibidem,  page  1 Ï9. 


L'ART.  551 

à  toute  mélodie  régulière.  La  guitare  (viola)  ici  comme  dans  le 
midi  de  L'Europe  esl  L'instrument  favori.  Un  piano  forte,  au 
contraire,  esl  une  pièce  de  mobilier  Tort  race  et  qu'on  ne  ren- 
contre que  dan-  les  maisons  les  plus  riches.  Les  chansons  natio- 
nales, sont  chantées  avec  L'accompagnement  d'une  guitare  et  sont 
en  partie  d'origine  portugaise  et  en  partie  composées  dans  le 
pays.  Par  Le  chant  et  par  le  son  de  l'instrument,  le  brésilien  est 
facilement  porté  à  la  danse  qui  consiste,  dans  la  société  polie, 
dans  «h1  gracieux  cotillons  et  chez  les  gens  de  bas  étage  dans 
des  mouvements  de  pantomime  et  des  attitudes  semblables  aux 
danses  des  nègres.  L'opéra  italien  est  jusqu'aujourd'hui  très- 
imparfait,  sous  le  point  de  vue  des  chanteurs  et  de  l'orchestre. 
Une  bande  de  musique  instrumentale  et  vocale  que  le  prince 
royal l  a  fait  former  de  nègres  et  de  mulâtres  est  une  preuve  du 
talent  musical  des  Brésiliens.  » 

«  Dom  Pedro  qui  semble  avoir  hérité  de  son  ancêtre  Dom 
JoâolV-,  un  talent  très  distingué  pour  la  musique,  dirige  quelque- 
fois lui-même  son  orchestre  qui,  étant  ainsi  encouragé,  exécute 
la  musique  avec  le  plus  grand  zèle.  » 

La  musique  italienne  transportée  du  Portugal  au  Brésil,  où 
Pères  et  Giomelli  la  cultivaient,  avec  un  certain  éclat  à  la  fin  du 
xviue  siècle,  y  domina  bientôt,  et  son  influence  s'étendit  jusqu'aux 
mélodies  populaires. 

Les  maîtrises  des  églises  devinrent  les  pépinières  des  musi- 
ciens ;  les  nègres  et  les  mulâtres  s'y  distinguaient  particulière- 
ment. 

Quand  le  roi  Jean  VI3,  qui  cultivait  lui-même  la  musique,  s'éta- 
blit au  Brésil,  son  maître  de  chapelle,  le  maestro  Marcos  Portu- 
gal, plus  connu  sous  le  nom  de  Portogallo  en  Europe,  (1762-1830), 
et  qui  était  une  célébrité  de  l'époque,  admira,  à  Santa-Cruz  la 
résidence  du  roi  à  la  campagne,  les  chœurs  composés  d'hommes 

i.  Dom  Pedro  Ier,  empereur  du  Brésil. 

2.  Fions  Ouvrage  cité  D.  Pedro  de  Alcantara)  dit  de  ce  prince  :  «...  il 
apprit  presque  seul  à  jouer  de  plusieurs  instruments,  et  quelques  leçons  de 
Neukomm  le  mirent  en  état  d'écrire  ses  compositions...  Ce  prince  a  écrit  un 
opéra  en  langue  portugaise,  dont  l'ouverture  a  été  exécutée  dans  un  concert 
donné  au  Théâtre-Italien  de  Paris,  au  mois  de  novembre  1832.  Il  a  compose 
aussi  plusieurs  morceaux  de  musique  d'église,  une  symphonie  à  grand  or- 
chestre, et  l'hymne  de  la  Constitution  qui  a  été  gravé  àDresdc,  chez  Frise,  et 
«à  Hambourg,  chez  Bœhme.  » 

3.  Le  roi  Joâo  a  composé  le  Crux  Fidelis  qui  est,  d'après  Naumnnn,  dans 
le  genre  orthodoxe  et  selon  la  manière  tendre  de  Palestrina.  Ce  morceau  a  été 
publié  la  première  fois  par  iNaumann. 


552  LE     BRÉSIL     EN     18i 

de  couleur  <jui  avaient  conservé  les  traditions  de  l'enseignemenl 
musical  des  jésuites1.  Le  maître  de  chapelle  de  la  cour  qui  avail 
\u  ses  productions  applaudies  à  Lisbonne,  ses  opéras  joués  avec 
succès  en  Italie  devail  encore  avoir  une  autre  surprise  dans  Le 
pays  américain  où  il  arrivait.  11  y  trouva  un  compositeur  brési- 
lien, l'abbé  José  Mauricio  Nunes  Garcia2,  (1767-1830),  ({ni  révélait 
dans  sa  musique  religieuse  un  talent  bien  plus  grand  el  une  inspi- 
ration bien  plus  élevée,  dit-on,  que  Portugal  lui-même. 

1.  Nous  croirions  n'avoir  atteint  qu'imparfaitement  notre  but,  «lit  Balbi 
[Essai  statistique  sur  le  Portugal,    vol.  II,  | > ." i lt •  ■  CCXIII)    si  nous  ne  Misions  ici 

en  passant  un  mot  sur  une  espèce  de  conservatoire  de  musiq établi  depuis 

longtemps  dans  les  environs  de  Rio- Janeiro,  et  qui  ('s^  destiné  uniquement  à 
former  des  nègres  dans  La  musique.  Cette  institution  est  due  aux  jésuites, 
ainsi  que  (ouïes  celles  établies  an  Brésil  avant  l'arrivée  du  roi,  qui  se  rattachent 
à  la  civilisation  et  à  l'instruction  du  peuple.  Cet  ordre  puissant  qui  était  le 
plus  riche  propriétaire  de  cette  vaste  contrée,  possédait  une  plantation  de 
vingl  Lieues  (retendue,  nommée  Santa-Cruz:  à  L'époque  de  La  suppression  des 
jésuites,  cette  propriété  l'ut  réunie,  avec  tous  leurs  autres  biens  Immeubles. 
aux  domaines  de  la  couronne.  Lors  de  l'arrivée  du  roi  à  Rio-de-Janeiro, 
Santa-Cruz  fui  convertie  en  maison  royale.  Sa  .Majesté  et  toute  la  cour  furenl 
frappées  d'étonnement,  la  première  fois  qu'elles  entendirent  la  messe  dans 
l'église  de  Saint-Ignace  deLoyola,à  Santa-Cruz,  de  la  perfection  avec  laquelle 
la  musique  vocale  et  instrumentale  était  exécutée  par  des  nègres  îles  deux 
sexes,  qui  s'étaient  perfectionnés  dans  cet  art,  d'après  la  méthode  intro- 
duite plusieurs  années  auparavant  parles  anciens  propriétaires  de  ce  domaine 
et  qui,  heureusement,  s'y  était  conservée.  Sa  Majesté,  qui  aime  beaucoup  la 
musique,  voulant  tirer  parti  de  cette  circonstance,  établit  des  écoles  de  pre- 
mières lettres,  de  composition  musicale,  de  chant  et  de  plusieurs  instruments 
dans  sa  maison  de  plaisance  et  parvint  en  peu  de  temps  à  former  parmi  ses 
nègres  d*'^  joueurs  d'instruments  et  des  chanteurs  très  habiles.  Les  deux 
frères  Marcos  et  Simao  Portugal  ont  composé  tout  exprès  des  pièces  pour 
ces  nouveaux  adeptes  de  Terpsichore,  qui  les  ont  parfaitement  exécutés  : 
plusieurs  ont  été'  agrégés  parmi  les  musiciens  des  chapelles  royales  de  Santa- 
Cruz  et  de  San-Christovam.  Quelques-uns  mène'  sont  parvenus  à  jouer  des 
instruments  et  à  chanter  d'une  manière  vraiment  (donnante.  .Nous  regrettons 
de  ne  pouvoir  donner  Les  noms  du  premier  violon,  du  premier  fagot  et  du 
premier  clarinette  de  Sào-Christovâo  et  de  deux  négresses  qui  se  distinguent 
parmi  leurs  compagnes  parla  beauté  de  leur  voix  et  par  l'art  et  l'expression 
qu'elles  déploient  dans  le  chant.  (Elles  pourraient  soutenir  larlutte  avec  les 
premières  virtuoses  de  l'Europe,  dit  M.  de  Freycinet).  Les  deux  frères  Marcos 
et  les  plus  grands  connnaisseurs  de  Rio-Janeiro  en  font  le  plus  grand  cas. 

■<  Sa  Majesté  a  assisté  bien  des  fois  à  ih->  cérémonies  religieuses  où  toute 
la  musique  a  été  exécutée  par  ses  esclaves  musiciens.  Son  Altesse  Royale  le 
prince  du  Brésil,  qui  possède  des  talents  extraordinaires  en  musique  et  qui 
joue  de  plusieurs  instruments,  entre  autres  du  fagot,  du  trombonne,  de  la 
flûte  el  du  violon,  a  beaucoup  contribué  à  perfectionner  cel  établissement, 
unique  dans  sou  genre,  par  l'encouragemenl  qu'il  donne  à  ces  nègres  el  par 
les  grâces  qu'il  leur  prodigue.  Il  n'y  a  pas  bien  longtemps  qu'il  a  chargé  les 
frères  Portugal  de  composer  <\r*  opéras  qui  ont  été  entièremenl  exécutés 
par  ces  Africains,  aux  applaudissements  de  tous  les  connaisseurs  qui  les  ont 

entendus.  » 

2.  Voyez  ce  nom  dans  Fétis  :  Biographie  Universelle  des  Musiciens.  Supplém. 


L  ART.  553 

Malgré  L'admiration  de  ses  contemporains  et  les  plaintes  des 
amateurs,  ses  principales  œuvres,  toujours  exécutées  à  Rio,  n'ont 
pas  encore  été  publiées.  On  ne  doit  pas  cependant  le  confondre 
avec  les  génies  inédits,  avec  les  auteurs  anonymes  de  chefs- 
d'œuvre  inconnus,  avec  les  grands  hommes  stériles  dont  les 
travaux  se  sont  à  jamais  perdus,  avec  les  artistes  qu'un  malheur 
a  seul  empêché  d'être  tres  célèbres,  etc.,  etc.,  variétés  intellec- 
tuelles fort  communes  et  fort  admirées  au  Brésil  comme  dans 
tous  les  pays  où  le  public  est  doué  d'une  imagination  vraiment 
méridionale.  Il  est  pourtant  bien  singulier  qu'une  grande  auto- 
rité musicale  du  temps,  qui  séjourna  au  Brésil  du  vivant  de  Nunes 
Garcia  et  qui  écrivit  ses  impressions  n'en  fasse  même  pas  men- 
tion. Nous  voulons  parler  du  célèbre  Segismond  Neukom,  de 
Salzbourg  (1778-1858)  élève  de  Meisauer  et  le  disciple  préféré  de 
Joseph  Haydn,  qui  arriva  à  Rio-de-Janeiro  en  1816  accompagnant 
la  brillante  ambassade  du  représentant  de  Louis  XVIII,  le  duc  de 
Luxembourg,  lequel  amenait  également  avec  lui  le  naturaliste  de 
Saint-Hilaire.  Recommandé  au  comte  da  Barca  par  Talleyrand 
dont  il  a  toujours  été  le  protégé,  Neukom  reçut  un  traitement  du 
roi  et  donna  des  leçons  de  musique  au  prince  royal  devenu  plus 
tard  l'empereur  Pedro  I  ainsi  qu'à  la  future  impératrice,  l'archi- 
duchesse Léopoldine.  Il  ne  cessa  pas  de  composer,  pendant  les 
cinq  années  qu'il  passa  à  Rio-de-Janeiro.  Excellent  exécutant, 
grâce  à  des  réductions  faites  par  lui  pour  piano  et  pour  harmo- 
nium, de  la  musique  symphonique  de  Haydn,  Mozart,  Beethoven, 
Hummel,  il  rendit  leurs  œuvres  connues  des  artistes  et  des  ama- 
teurs qui  en  étaient  privés  par  la  difficulté  de  réunir  un  nombre 
suffisant  d'instrumentistes. 

«  Cependant  les  connaissances  musicales  des  habitants  de  Rio, 
disent  Spix  et  Martius,  n'étaient  pas  encore  à  la  hauteur  des 
messes  de  Neukom,  écrites  dans  le  style  des  plus  célèbres  compo- 
siteurs allemands.  L'élan  que  le  génie  de  David  Perez  (1752-1779) 
avait  donné  à  la  musique  d'église  portugaise,  s'est  arrêté.  Aujour- 
d'hui, la  première  chose  qu'on  exige  dans  une  messe,  c'est  qu'elle 
soit  une  succession  de  joyeuses  mélodies  et  qu'un  long  et  pompeux 
Gloria  soit  suivi  d'un  court  Credo.  C'est  le  style  de  Marcus  Por- 
tugal, aujourd'hui  le  compositeur  favori  des  Portugais1.  » 

Alexandre  Caldcleugh  qui  visita  alors  Rio  dit  que  «  l'on  disait 
généralement  que  la  chapelle  royale  était   organisée  de   façon  à 

1.  Spix  et  .Martius  :  Rcisc  in  Brasilien,  vol.  I,  p.  106. 


.v  1  LE     BRÉS1 1.     EN     18S9. 

satisfaire  pleinement  les  amateurs  de  musique.  Elle  était  consti- 
tuée comme  l'ancienne  chapelle  royale  à  Lisbonne  et  on  n'avait 
pas  regardé  à  la  dépense.  Quatorze  ou  quinze  sopranos  mêlaient 
leurs  voix  caractéristiques  à  la  musique  de  Portogallo  et  des 
meilleurs  compositeurs  religieux  et  formaient  dans  l'ensemble 
un  courant  do  mélodie  très  admirée  spécialement  par  les  étran- 
gers. On  peut  dire  qu'à  l'exception  des  occasions  où  la  cour  se 
trouvait  présente,  l'auditoire  était  principalement  composé 
d'étrangers  et  des  classes  les  plus  basses  de  la  société4.   » 

M.  de  Preycinet  parle  au^si  à  cette  époque  des  dispositions 
musicales  des  Brésiliens  : 

«  De  tous  les  arts  d'agrément  cultivés  par  les  Brésiliens  et  les 
Portugais,  la  musique  est  relui  qui  a  pour  eux  le  plus  d'attraits 
et  dans  lequel  aussi  ils  réussissent  le  mieux.  Nous  avons  entendu 
souvent  avec  admiration  la  musique  de  la  chapelle  royale,  dont 
presque  tous  les  artistes  étoient  nègres,  et  dont  L'exécution  ne 
laissait  rien  à  désirer,  l'n  célèbre  compositeur,  Ifarcos  Antonio 
Portugal,  venu  de  Lisbonne  avec  le  roi,  (doit  le  surintendanl  de 
cette  institution  musicale,  qui  lui  doit,  ainsi  qu'à  un  Allemand 
M.  Noukom,  aujourd'hui  à  Taris,  les  ouvrages  les  plus  distingués 
de  son  répertoire.  On  citoit  encore  quelques  compositeurs  de 
moindre  force,  entre  autres  un  mulâtre,  l'abbé  José  Mauricio,  qui 
a  du  mérite.  Mais  pour  l'exécution,  rien  ne  m'a  paru  plus  éton- 
nant que  le  rare  talent  sur  la  guitare  d'un  autre  mulâtre  de  Rio- 
de-Janeiro  nommé  Joachim  Manuel.  Sous  ses  doigts  cet  instru- 
ment avoit  un  charme  inexprimable,  que  je  n'ai  jamais  retrouvé 
chez  nos  guitaristes  européens  les  plus  distingués.  Le  même 
musicien  est  aussi  Fauteur  de  plusieurs  modinhas  espèce^  de 
romances  fort  agréables,  dont  M.  Neukom  a  publié  un  recueil  à 
Paris-.  ■>  Joaquim  Manuel,  selon  Balbi  (vol.  11,  page  CCXI1I)  était 
renommé  surtout  pour  jouer  parfaitement  d'une  petite  viole  fran- 
çaise de  son  invention,  appelée  cavaquinho. 

Pendant  son  séjour,  Neukom  fournit  à  Le  Breton  les  notes 
sur  lesquelles  celui-ci  écrivit  à  Rio  sa  Notice  sur  Joseph  Haydn, 
à  l'occasion  de  la  mort  du  grand  musicien  et  il  en  joignit  d'au- 
tres à  la  traduction  portugaise  de  cet  opuscule  publiée  à  Rio-de- 
Janeiro  en  18~20.  l'ai-  la  fécondité  de  son  talent,  l'élégance,  la 
régularité  et  la  grande  correction  de  sa  musique,  où  l'on  aperçoit 

i.  Travels  in  South  America  during  the  years,  1819,  20.  21,  etc.,  etc., 
London,  1824,  vol.  I.  p.  62. 

2.  Ouvrage  cité.  Vol.  I.  page  216.  Nous  n'avons  jamais  pu  voir  <•»•  recueil. 


L  ART.  55b 

le  refle(  du  génie  de  son  grand  maître,  Nenkom  a  beaucoup 
relevé  Le  goût  musical  à  Rio- de -Janeiro.  Son  royal  élève,  qui 
devint  an  excellent  musicien  et  qui  composa  le  bel  hymne  de 
l'indépendance  du  Brésil,  ne  fut  certainement  pas  le  seul  à  pro- 
fiter de  ses   leçons. 

Il  jouait  souvent  à  la  cour  et  chez  Mmc  de  Langsdorf,  la 
femme  du  diplomate  cl  savant  russe,  qui  avait  un  grand  talent 
musical  et  qui,  en  ce  Icmps-là,  recevait  beaucoup  le  monde  dis- 
tingué  cic   Ilio-de-Janeiro. 

Le  compositeur  brésilien  Francisco  Manuel  da  Silva,  élève  de 
Portugal  et  de  Neukom  (1775-1865)  parut  à  cette  époque.  Ses 
compositions  très  estimées  le  désignèrent  pour  occuper  le  poste 
de  directeur  du  Conservatoire  impérial  de  musique,  lors  de  la 
création  de  cet  établissement.  Parmi  les  élèves  de  ce  conserva- 
toire, on  compte  le  maestro  Antonio  Carlos  Gomes,  né  àCampinas 
province  de  San-Paulo,  en  1839.  Ce  compositeur,  après  avoir 
écrit  la  Xoite  do  Castcllo,  opéra  joué  en  portugais  à  Rio,  vint  à 
Milan  et  y  fixa  sa  résidence.  Son  opéra,  Il  Guarany,  tiré  du  roman 
brésilien  de  J.  de  Alencar,  fut  chanté  à  la  Scala,  en  1870,  avec  un 
grand  succès,  et  plus  tard  sur  presque  toutes  les  scènes  lyriques 
de  l'Europe.  Son  Salvator  Rosa  est  un  opéra  très  populaire  en 
Italie  ;  la  Tosca  est  à  coup  sûr  le  plus  savant  et  le  plus  com- 
pliqué mais  //  Guarany,  expression  des  mélodies  indiennes  et  bré- 
siliennes, reste,  sous  certains  rapports,  la  plus  originale  de  ses 
œuvres. 

Les  troupes  lyriques  composées  des  plus  célèbres  artistes 
chantent  en  italien  à  Rio-cle-Janeiro,  presque  tous  les  hivers  et 
des  troupes  italiennes  font  des  tournées  dans  les  provinces.  Le 
public  préfère  encore  en  général  la  musique  italienne,  mais  les 
concerts  de  musique  classique  sont  très  patronnés  et  très  fré- 
quentés ;  le  nombre  des  sociétés  qui  jouent  et  font  jouer  cette 
musique,  devient  chaque  jour  plus  nombreux.  La  grande  immigra- 
tion italienne  et  allemande  dans  le  sud  du  Brésil  fera  certaine- 
ment beaucoup  pour  le  développement  musical  du  pays.  Les 
sociétés  chorales  allemandes  et  italiennes  sont  nombreuses  et  les 
brésiliens  en  font  quelquefois  partie.  D'ailleurs  le  Brésil  ne  compte 
pas  de  grands  compositeurs,  qui  sont  rares  partout.  Pour  les 
formes  inférieures  sous  lesquelles  on  peut  être  musicien,  c'est- 
à-dire  comme  exécutant  et  comme  auditeur,  on  rencontre 
beaucoup  d'amateurs. 

«  Dans  presque  toutes  les  maisons,  écrit  M.  de  Castelnau  qui 


556  LE      BRÉSIL      EN      18  89. 

visita  Rio  en  isn,  l'on  voit  ou  Ton  entend  un  piano,  souvent 
même  dans  les  pins  ehétives,  car  le  Brésilien,  sans  devenir 
jamais  savant  musicien,  a  un  goût  naturel  pour  la  musique  et 
sait  l'apprendre  sans  maître l.  » 

Le  Brésilien  est  un  auditeur  souvent  enthousiaste,  quelquefois 
convaincu,  toujours  patient,  et  L'oreille  musicale  n'étant  pas  chose 
rare,  on  rencontre  fréquemment  de  bons  exécutants  et  de  belles 
voix?. 


.Nous  venons  de  parcourir  un  peu  à  la  hâte  tout  le   champ  de 
l'activité  humaine,  où  le  Brésilien,  depuis  qu'il  existe,  a  pu  révéler 

une  préoccupation  artistique. 

Nous  avons  tâché  de  surprendre  les  premiers  bégaiements  de 
l'art  chez  les  sauvages,  son  apparition  chez  les  sociétés  coloniales 
nouvellement  établies  au  Brésil,  ses  manifestations,  même  les  plus 
simples  et  les  plus  naïves,  chez  un  peuple  qui,  sur  un  sol  nouveau, 
s'esl  formé  d'éléments  les  plus  divers.  Arrivés  à  l'époque  contem- 
poraine, nous  avons  voulu  voir  comme  ces  tendances  artistiques 
s'étaient  développées  d'elles-mêmes,  et  si  la  civilisation  extérieure, 
en  pénétrant  dans  le  pays  y  avait  apporté  les  arts  d'anciens 
peuples,  plus  avancés.  De  ce  que  nous  avons  exposé,  il  semble 
résulter  qu'on  ne  pourrait  nier  la  capacité  artistique  du  Brésilien, 
étant  même  donné  que  le  Brésil  a  été  colonisé  par  un  peuple  qui 
n'a  jamais  compté  dans  l'histoire  de  l'art  européen.  Nous  avons 
vu  que  le  Brésilien  a  la  préoccupation  de  la  beauté  :  le  sauvage, 
des  ornements  voyants,  des  plumes  éclatantes  ;  les  métis  et  les 
premiers  descendants  des  Portugais,  avaient  enfin  le  goût  des 
riches  ornements  d'églises,  des  parures  coûteuses  et  des  bijoux. 

1.  Expédition  dans  les  parties  centrales  de  V Amérique  du  Sud,  etc.  Paris 
1850.  Vol.  I.  page  61. 

2.  Balbi  (Essai  statistique  du  Portugal,  vol,  II,  page  CCXVII\  parle  d'une 
famille  Leal  de  Rio-de- Janeiro,  chez  qui  le  talenl  musical  étail  héréditaire 
depuis  quatre  générations  :  «  M.  Leal,  le  père,  un  des  meilleurs  médecins  de 
Rio,  joue  parfaitement  du  violon,  et  a  des  connaissances  rares  en  musique. 
Il  a  dix  enfants,  donl  sepl  garçons  qui  tous  ont  étudié  à  L'Université  de 
Coimbra,  où  ils  se  sont  formés  en  diverses  facultés.  Ces  dix  enfants  ont  appris 
la  musique  el  jouent  parfaitement  de  linéiques  instruments  où  chantent  avec 
beaucoup  de  grâce  et  de  précision.  11  est  impossible  de  décrire  l'habileté  avec 
laquelle  les  membres  de  cette  famille  exécutent  les  chefs-d'œuvre  de  Cimarosa, 
de  Rossini,  de  Marcos  el  d'autres  grands  maîtres.  En  1808,  celte  famille  se 
rendit  à  bord  du  Foudroyant,  vaisseau  de  ligne  anglais  commandé  ; 
Sidney  Smith,  qui  avait  accompagné  le  roi  actuel,  alors  prince  régent  au 
Brésil,  et  y  joua  seule  une  pièce  italienne.  » 


L    ART.  557 

Dans  Le  résumé  que  nous  avons  voulu  faire  de  toutes  les  mani- 
festations artistiques  produites  au  Brésil,  nous  avons  vu  que  les 
Brésiliens  se  sont  déjà  essayés  à  tons  les  arts  et  qu'aujourd'hui 
Les  vocations  artistiques  vraies  ou  fausses  sont  fort  communes 
au  Brésil.  Le  nombre  des  mauvais  artistes  y  est  très  grand. 
Haïssables  en  elles-mêmes,  ces  fausses  vocations  ont  une  grande 
valeur  parce  qu'elles  démontrent  que  la  préoccupation  artistique 
devient  plus  générale.  A  mesure  que  la  moyenne  de  la  capacité 
intellectuelle  croit,  le  nombre  des  talents  semble  diminuer  sur  le 
théâtre  social,  car  ils  sont  considérés,  de  moins  en  moins,  comme 
des  exceptions.  On  les  admirait  jadis  beaucoup  au  Brésil,  où  la 
célébrité  était  facile.  Cette  situation  semble  se  maintenir  encore 
pour  l'artiste  dans  un  pays,  où  n'ayant  pas  de  concurrents  dans 
les  classes  dirigeantes,  il  est  très  encouragé.  Il  n'y  a  pas  de  petit 
journal  de  province,  pas  de  municipalité  qui  ne  veuille,  confiant 
surtout  dans  l'inépuisable  générosité  de  l'Empereur,  pousser  vers 
Rio-de-Janeiro,  ou  envoyer  en  Europe,  son  peintre,  son  sculpteur 
ou  son  musicien,  destiné  la  plupart  du  temps  à  faire,  pendant  la 
durée  de  sa  carrière,  des  études  moins  brillantes  que  ses 
promesses.  On  compterait  par  centaines  le  nombre  de  jeunes 
Brésiliens  venus  faire  des  études  en  Europe  aux  frais  de  Dom 
Pedro  II. 

On  est  parvenu  à  créer  avec  ce  système,  un  mouvement  arti- 
ficiel et  stérile,  car  ce  n'est  pas  en  envoyant  en  Europe  des  enfants 
plus  ou  moins  prodiges  ou  des  génies  plus  ou  moins  incompris, 
qu'on  arrivera  à  encourager  Fart  brésilien.  Supposons  un  instant, 
qu'un  jeune  peintre,  envoyé  dans  ces  conditions,  soit  un  Meis- 
sonier  ou  un  Cabanel  ;  qu'un  musicien  devienne  un  Gounod  ou 
un  Massenet;  Y  art  brésilien  ne  sera  pas  plus  avancé  pour  cela.  Il 
y  aura  seulement  à  Paris  un  grand  artiste  de  plus.    . 

Ces  erreurs  datent  de  loin  et  elles  ont  commencé  par  un 
insuccès  marqué  dont  Aug.  de  Saint-Hilaire  nous  rend  compte 
comme  il  suit: 

«  Louis  XIV  et  le  czar  Pierre  avaient  fait  venir  de  l'é- 
tranger des  savants  capables  d'éclairer  leurs  peuples,  et  l'on  sait 
combien  furent  heureux  les  succès  qu'ils  obtinrent.  Le  gouver- 
nement brésilien  eut  aussi  un  instant  l'idée  de  mettre  à  profit  les 
lumières  des  nations  les  plus  civilisées  ;  mais,  au  lieu  d'appeler 
à  Rio-de-Janeiro  des  professeurs  instruits,  qui,  donnant  leurs 
leçons  à  de  nombreux  auditeurs,  eussent  rendu  vulgaires  des 
connaissances  utiles,  on  envoya  en  France  de  jeunes  Brésiliens; 


lu;    br  ksil    en     1 889. 

on  fit  pour  cela  des  dépenses  énormes,  et  on  leur  donna  l'ordre 
d'étudier  et  de  devenir  savants.  Peut-être  le  but  qu'on  se  propo- 
sait n'eut-il  pas  été  tout  à  fait  manqué,  si,  mettant  au  concours 
les  places  de  pensionnaires,  on  eût  fait  partir  pour  la  France  les 
sujets  les  plus  instruits  et  les  plus  laborieux  ;  niais  ce  furent  le 
uépotisme  et  l'intrigue  qui  présidèrent  au  choix.  Les  puissants 
du  jour  envoyèrent  en  Europe  leurs  parents  et  leurs  créatures, 
et,  dans  le  nombre  il  se  trouva  des  hommes  qui  auraient  eu 
besoin  de  prendre  des  leçons  de  grammaire  et  de  calcul.  Les 
pensionnaires  goûtèrent  les  plaisirs  de  Paris  aux  frais  de  leurs 
compatriotes  :  on  finit  par  se  lasser  de  tant  de  dépenses,  et  l'on 
mit  à  faire  revenir  cette  jeunesse  peu  studieuse  autant  de  bruta- 
lité qu'on  a  mis  peu  de  discernement  en  la  faisant  partir.  La 
circonstance  que  nous  venons  de  citer  ne  fut  pas  la  seule  où  le 
gouvernement  brésilien  prétendit  prouver  qu'il  n'était  pas  indif- 
férent aux  nobles  travaux  de  l'intelligence.  11  voulut  un  jour 
récompenser  quelques  étrangers  célèbres,  et  son  choix  tomba 
sur  des  hommes  dont  personne  ne  saurait  contester  le  talent 
supérieur.  Comme  il  lui  était  impossible  d'accorder  des  faveurs  à 
tous  les  genres  de  mérite,  on  croira  peut-être  qu'il  donna  la  pré- 
férence à  M.  de  Humboldt,  par  exemple,  qui  a  rendu  tant  de 
services  au  continent  américain  ;  à  des  savants  qui,  comme 
MM.  Spix  et  Martius,  se  sont  attachés  en  particulier  à  faire  con- 
naître le  Brésil,  ses  productions  et  ses  richesses  ;  ou  bien  encore 
à  des  hommes  dont  les  importantes  recherches  ont  eu  une  grande 
influence  sur  les  progrès  des  sciences  les  plus  utiles,  et  contribué 
à  la  prospérité  de  tous  les  peuples,  à  des  hommes  tels  que  les 
Cuvier,  les  Gay-Lussac,  les  Poisson,  les  Davy,  les  Ampère,  les 
Arago,  les  Berzelius.  Ce  ne  furent  point  là  ceux  que  le  gouverne- 
ment brésilien  songea  à  récompenser;  il  lit  tomber  son  choix  sur 
Scribe  et  sur  Rossini1.   » 

L'art,  comme  manifestation  d'une  civilisation  nationale  est 
un  effet  qui  ne  laisse  pas  de  se  produire  quand  deux  causes  se 
trouvent  réunies  :  la  richesse  et  l'instruction.  Une  prédisposition 
naturelle  à  la  race  peut  empêcher  jusqu'à  un  certain  point,  que 
ces  causes  ne  produisent  tout  leur  effet;  c'était  à  peu  près,  ce  qui 
arrivait  en  Angleterre,  avant  le  grand  élan  donné  en  ce  siècle  à 
l'enseignement  artistique. 


1.  Voyaqe    dans  le  distinct  des  diamants  sur    le  littoral  du  Brésil.  Paris, 
1883.  Vol.  11,  page  390. 


L'ART.  559 

Par  contre,  chez  un  peuple  comme  le  Brésilien  où  les  prédis- 
positions naturelles  sont  favorables,  ces  deux  facteurs  de  l'art 
comme  manifestation  nationale,  la  richesse  et  l'instruction,  peu- 
veni  produire  leur  effet  beaucoup  plus  rapidement. 

La  richesse  du  Brésil  esl  très  grande  en  nature.  Le  pays  n'a 
pas  encore  en  en  exploitation  le  centième  de  ses  ressources.  On 
peut  dire  que  la  démocratie,  qui  est  la  vraie  organisation  poli- 
tique <hi  Brésil,  en  est  aussi  encore  sa  constitution  sociale.  On 
n'y  connaît  pas  les  énormes  fortunes,  hors  de  proportion  avec 
celles  des  autres  citoyens,  qui  créent  aux  États-Unis,  une  situation 
rendant  parfois  nominales  toutes  les  libertés,  et  l'égalité  im- 
possible. Sous  ce  point  de  vue  pratique,  le  Brésil  est  même  une 
démocratie  où  l'on  ne  rencontre  pas  une  aristocratie  de  fait,  riche 
et  puissante  nécessaire  au  développement  du  luxe  et  des  arts. 

Quand  à  l'instruction  elle  se  généralise  chaque  jour  davan- 
tage. On  adopte  avec  une  rapidité  merveilleuse  toutes  les  nou- 
velles théories  et  trop  souvent  hélas  !  on  croit  que  la  dernière 
doctrine  parue  en  Europe  est  la  meilleure.  Malheureusement 
renseignement  supérieur  où  tous  les  progrès  sont  reçus,  n'est 
pas  fondé  sur  une  instruction  secondaire  aussi  forte  qu'on  devrait 
le  désirer. 

Au  point  de  vue  de  l'art,  on  doit  considérer  deux  sortes 
d'instruction.  L'instruction  générale,  de  la  nation  qui  ne  dépend 
que  de  sa  civilisation  et  de  sa  richesse  et  l'instruction  technique 
et  professionnelle  d'une  certaine  classe  d'individus. 

Nous  devons  dire  ce  qui  existe  au  Brésil  dans  cette  branche 
de  l'instruction  publique. 

On  compte  l'Académie  des  beaux-arts  fondée  par  le  roi 
Jean  VI  avec  la  mission  française  dont  nous  avons  parlé. 

Cet  établissement  n'a  pas  donné  de  grands  résultats.  A  présent 
il  est  presque  désorganisé.  La  plupart  des  places  des  profes- 
seurs sont  vacantes.  Certains  professeurs  habitent  l'Europe,  d'au- 
tres sont  occupés  ailleurs.  Cette  Académie  coûte  à  l'État 
240.000  francs  par  an, 

L'initiative  privée  a  fondé  plusieurs  lycées  d'Arts  et  Métiers 
dont  le  plus  important  est  celui  de  Rio-de-Janeiro  qui  compte 
plus  de  2.000  élèves  et  celui  de  Sâo-Paulo  avec  G00  élèves  qui  y 
apprennent  surtout  le  dessin  et  la  musique.  Le  club  Beethoven, 
de  Rio-de-Janeiro,  maintient  un  cours  de  musique  qui  donne, 
dit-on,  de  très  beaux  résultats.  Dans  les  écoles  primaires,  on  n'a 
pas     encore  adopté  le    chant    obligatoire    ni    la    gymnastique, 


560  LE     BRÉSIL     EN     188  0. 

malgré  Les  efforts  de  quelques  sociétés  et  do  personnes  éclairées. 

Le  dessin  n'est  pas  cultivé  noD  plus  dans  les  écoles  secon- 
daires. Les  maîtrises  des  églises  el  des  monastères,  les  collc- 
giales  des  cathédrales,  qui  étaient  autrefois  des  pépinières  de 
musiciens,  sont  en  complète  décadence,  à  cause  du  manque  de 
ressources  "'  à  la  suite  de  mesures  peu  intelligentes  de  la  part 
du  gouvernement. 

Dans  cette  tâche  de  l'instruction  artistique,  il  y  a  des  choses 
dont  la  responsabilité  incombe  à  l'État  à  côté  d'autres  qui  sont 
du  ressort  des  particuliers. 

Par  rapport  aux  Beaux-Arts,  Le  gouvernement  n'avait  rien  de 
mieux  à  faire  que  de  revenir  au  système  de  .Iran  VI.  Les  vicissi- 
tudes de  la  politique  et  la  volonté  de  quelques  puissants  igno- 
rants, ont  empêché  que  son  œuvre  ne  portât  Ions  -es  fruits.  Ce- 
pendant on  a  vu  ce  que  ses  efforts  ont  produit. 

Mais  outre  ce  rôle  tout  spécial,  les  pouvoirs  puhlics  ont 
une  autre  mission.  La  capacité  artistique  des  brésiliens,  pour  se 
perfectionner,  doit  être  encore  pendant  longtemps,  réceptive 
plutôt  que  productive.  Pour  exercer  l'art  avec  succès,  il  faut 
commencer  par  le  connaître.  Or,  l'éducation  esthétique  d'un 
peuple  ne  se  fait  pas  dans  les  cours  ni  dans  les  écoles  spéciales. 
Llle  se  fait  partout  :  dans  les  rues  en  voyant  de  heaux  bâtiments, 
dans  les  musées,  en  remarquant  les  statues,  et  en  observant  les 
reproductions  des  œuvres  d'art  de  pays  plus  avancés. 

Il  semble  que  le  gouvernement  a  trop  souvent  oublié  cette 
vérité  au  Brésil:  qu'il  est  matériellement  impossible  que  cette 
éducation  nationale  se  fasse  par  elle-même  sans  le  concours  de 
l'étranger.  L'artiste  national  ne  peut  être  pendant  longtemps 
qu'une  exception,  brillante  probablement,  mais  sans  grande 
utilité  pour  l'avancement  de  l'art  en  général,  dans  son  pays. 
Nous  n'avons  besoin  que  de  professeurs  et  il  faudra  les  chercher 
dans  les  pays  où  on  les  trouve. 

Pour  le  développement  des  formes  les  plus  modestes  de  l'art, 
de  même  que  pour  la  peinture,  la  sculpture  et  l'architecture,  ce 
qui  manque  surtout  au  Brésil,  c'est  l'enseignement  technique  et 
professionnel.  L'artiste  brésilien,  tel  qu'il  se  présente  aujour- 
d'hui, est  le  plus  souvent  une  création  factice  de  la  bonne  volonté 
de  ses  compatriotes.  Il  se  décourage  facilement  et  plusieurs 
d'entre  eux,  doués  d'ailleurs  de  talent,  s'en  prennent  au  public 
et  au  gouvernement  de  leur  mauvaise  fortune,  quand  ils  de- 
vraient se   plaindre  surtout  de  leur  manque  d'instruction  et  de 


L   ART.  561 

leur  défaut  d'initiative.  Si  le  public  se  montre  encore  indifférent 
à  leurs  efforts,  le  gouvernement,  en  revanche,  leur  prodigue  des 
encouragements  que  les  gens  de  lettres  et  les  savants  peuvent 
leur  rn\  ier  ;  I»1  gou\  ernement  du  Brésil  a  accordé  de  très  hautes 
distinctions  à  la  plupart  d'entre  eux;  l'État,  les  provinces,  cer- 
taines institutions  ont  payé  pour  leurs  travaux  des  sommes 
égales,  sinon  supérieures  à  celles  données  en  Europe  pour  les 
productions  des  artistes  vivants  les  plus  célèbres.  Mais  l'artiste 
brésilien  a  la  plupart  du  temps,  l'ambition  de  faire  trop  grand. 
Il  vaudrait  mieux  pour  lui,  pour  la  jouissance  du  public  et  pour 
L'éducation  esthétique  du  pays,  qu'il  ne  voulut  pas  avoir  tou- 
jours du  génie.  On  pourrairiui  conseiller  d'avoir  des  aspirations 
moins  hautes  et  de  produire  davantage  ;  au  lieu  de  chercher  à 
démontrer  les  injustices  de  tout  le  monde,  qu'il  se  contente 
de  prouver  la  fécondité  de  son  talent. 

Il  n'y  a  pas  longtemps,  un  sculpteur  est  venu  se  plaindre  dans 
la  presse  de  ce  que  le  gouvernement  lui  avait  donné  seule- 
ment 50,000  francs  pour  une  statue  de  laquelle  la  plus  modeste 
ville  de  province  en  France  n'aurait  voulu  à  aucun  prix. 

La  protection  individuelle,  les  subventions  aux  artistes,  même  à 
ceux  du  plus  grand  mérite  ne  peuvent  pas  être  considérées  comme 
un  sage  système  ni  comme  une  façon  de  préparer  l'avenir  artis- 
tique du  pays.  Pour  cet  avenir  il  est  plus  important  qu'une 
grande  partie  de  la  population  sache  un  peu  le  dessin  que  d'avoir 
trois  ou  quatre  Meissoniers  ou  Cabanels. 

Le  grand  rôle  du  gouvernement  doit  être  celui  de  favoriser  par 
tous  les  moyens  l'éducation  artistique. 

Le  gouvernement  du  Brésil  ne  saurait  rester  en  arrière  des 
autres  pays  nouveaux. 

Quand  nous  voyons  la  Nouvelle  Galles  du  Sud  et  le  gouver- 
nement de  Victoria  installer  dans  leurs  musées  de  grandes 
galeries  de  tableaux  modèles,  des  collections  complètes  de  repro- 
ductions merveilleuses  et  fort  bon  marché  des  chefs-d'œuvre 
de  tous  les  temps  et  de  tous  les  pays  obtenues  par  les  procé- 
dés nouveaux  ;  quand  le  Canada  fait  de  même  ;  quand  le  gouver- 
nement de  l'Inde  fonde  partout  des  écoles  artistiques  profes- 
sionnelles, le  Brésil  ne  saura  se  contenter  de  l'organisation 
actuelle  de  son  École  des  beaux-arts. 

Si  le  gouvernement  prend  en  main  cette  cause  nationale,  si 
les  particuliers  la  protègent,  l'avenir  artistique  du  Brésil  pourra 
être  brillant.  Les  grands  progrès  industriels  seront  peut-être  le 

36 


BRÉSIL     EN     18  89. 

partage  d'autres  peuples  de  L'Amérique,  mais  la  prédisposition 
artistique  du  peuple  brésilien  jusqu'ici  peu  développée,  en  con- 
tact avec  la  grande  immigration  italienne  et  allemande  ne  man- 
quera pas  de  s'accroître. 

Avant  l'unité  politique,  condition  indispensable  pour  former 
un  grand  pays,  le  Brésil  aura  dans  L'épanouissement  de  la  variété 
de  ses  éléments,  l'occasion  de  montrer  aussi  dans  les  arts  la 
puissance  de  sa  vie  et  de  son  génie. 


CHAPITRE  XIX 


INSTRUCTION   PUBLIQUE 

Par  MM.  de  SANTA-ANNA  NERY,  le  Baron  de  SABOIA,  L.  CRULS 
et  le  Contre- Amiral  Baron  de  TEFFÉ. 


Au  Brésil,  renseignement  primaire  est  du  ressort  de  la  pro- 
vince et  des  municipalités,  excepté  dans  le  «  Municipe  Neutre  » 
où  il  est  du  ressort  du  ministère  de  Fempire.  L'enseignement 
secondaire  relève  des  gouvernements  provinciaux,  mais  l'État 
entretient  deux  établissements  secondaires  dans  deux  provinces  ; 
et,  à  Rio-de-Janeiro,  cet  enseignement,  de  même  que  l'instruc- 
tion primaire,  relève  de  lui.  Seul  l'enseignement  supérieur  cons- 
titue en  fait  un  monopole  de  l'État,  qui  distribue  les  grades  et 
dispose  d'établissements  spéciaux  où  cet  enseignement  est 
donné. 

Nos  municipalités  et  surtout  nos  provinces  sont  libres  dans 
le  choix  du  personnel  enseignant,  dans  la  fixation  des  pro- 
grammes, dans  l'adoption  des  méthodes  et  dans  la  création  des 
écoles.  L'État  ne  leur  impose  aucune  contrainte  administrative, 
aucun  droit  d'inspection.  Les  examens  qu'il  fait  subir  aux  can- 
didats de  toute  provenance  qui  veulent  prendre  des  inscriptions 
dans  les  établissements  d'enseignement  supérieur  sont  le  seul 
moyen  qu'il  se  soit  réservé  pour  peser  sur  le  programme  de  l'ins- 
truction primaire  et  secondaire. 

L'enseignement  primaire  est  gratuit  partout,  en  vertu  de 
l'article  170,  paragraphes  32  et  33  du  titre  VIII  de  la  Constitution 
brésilienne  du  25  mars  182-4,  et  Y  Acte  additionnel  du  12  août  1834 


564  LE     BRÉSIL     EN     18  89. 

a  déclaré  ■■  qu'il  appartient  aux  Assemblées  provinciales  de  légi- 
férer sut'  l'instruction  publique  el  sur  les  établissements  aptes 
à  la  distribuer  »,  exception  faite  des  établissements  d'instruction 

supérieure  alors  existants  ainsi  que  de  Ions  autres  qui  seraient 
créés  dans  l'avenir  par  une  loi  générale  de  l'Etat. 

L'enseignement  primaire  est  obligatoire  dans  certaines  pro- 
vinces ;  il  en  est,  d'autres  où  il  demeure  facultatif. 

Quant  à  la  laïcité,  ce  mot  n'est  pas  encore  entré  dans  notre 
vocabulaire  pédagogique.  L'instruction  religieuse  est  donnée 
dans  presque  tous  nos  établissements  scolaires,  et,  le  plus  sou- 
vent, par  des  laïques,  sans  qu'il  en  soit  résulté  jusqu'ici  de  graves 
inconvénients. 

11  est  fort  difficile  «le  suivre  l'évolution  accomplie  dans  l'ensei- 
gnement primaire  au  Brésil,  car,  pour  le  faire  d'une  manière 
complète,  il  faudrait  posséder  toutes  les  lois,  tous  les  règlements, 
tous  les  budgets,  et  la  liste  de  toutes  les  fondations  des  vingl 
provinces  de  l'empire,  maîtresses  de  leur  organisation  scolaire  : 
il  faudrait,  en  outre,  y  ajouter  toutes  les  données  -  •  rapportant 
au  «  Municipe  Neutre  »,  formé  par  la  capitale  <\r  l'empire,  car, 
dans  cette  fraction  nationale  qui  se  résume  en  la  ville  de  Kio-de- 
Janeiro  et  sa  banlieue,  renseignement  public,  même  primaire  et 
secondaire,  est  abandonné  à  l'État  et  se  trouva  annexé  au  dépar- 
tement du  ministre  de  l'empire,  lequel  a  dans  ses  attributions 
l'intérieur,  le  culte  et  l'instruction  publique.  Néanmoins,  nous 
croyons  qu'il  est  possible  de  se  rapprocher  de  la  vérité,  en  pui- 
sant dans  les  «  Rapports  des  ministres  de  l'empire  »,  dans  les 
«  Rapports  des  présidents  de  provinces  »  et  dans  l'Almanach  de 
Laemmert,  paraissant  à  Rio-de-Janeiro. 

D'après  ces  sources,  il  y  avait,  en  1869,  dans  tout  l'empire, 
à  peine  3.516  écoles  primaires  publiques,  fréquentées  par 
115.735  élèves  des  deux  sexes,  soit  une  école  par  2.394  habitants 
libres,  sur  une  population  de  8.419.672  habitants  selon  le  recen- 
sement de  1872.  Ce  môme  recensement  ayant  constaté  que 
1.902.424  habitants  libres  avaient  l'âge  scolaire,  qui  va  de  six  ans 
à  quinze  ans,  il  en  résulte  qu'en  1809  le  Brésil  possédait  une 
école  pour  5 il  enfants. 

Cinq  ans  après,  en  1876,  on  comptait  déjà  dans  tout  l'empire 
presque  6.000  écoles  primaires  publiques,  fréquentées  par  près 
de  200.000  élèves  «les  deux  sexes,  soit  une  école  pour  1.250  habi- 
tants libres  ou  une  école  pour  31i  habitants  libres  ayant  l'âge 
scolaire. 


INSTRUCTION   PUBLIQUE.  565 

Cinq  ans  après,  en  1882,  le  ministre  de  l'empire,  M.  Leâo 
Velloso,  calculail  qu'il  y  avail  dans  tout  l'empire  6.350  écoles 
primaires,  fréquentées  par  plus  de  "21)0.000  élèves.  D'après  son 
rapport,  le  nombre  des  élevés  avait  augmenté  de  27.632  et  le 
nombre  des  écoles,  de  s:>l,  depuis  1882. 

Présentement,  le  nombre  des  écoles  primaires,  tant  publiques 
que  privées,  dans  tout  l'empire,  ne  doit  pas  être  inférieur  à 
7.500,  et  le  nombre  des  élèves  ne  doit  pas  être  loin  de  300.000. 
Notre  calcul  repose  sur  les  données  que  nous  possédons  au  sujet 
de  quelques  provinces.  A  San-Paulo,  où,  d'après  M.  le  conseiller 
Leào  Velloso,  il  y  avait  774  écoles  primaires  en  1882,  il  y  en  avait 
1.034,  soit  260  de  plus,  en  1886,  d'après  la  statistique  officielle  de 
la  province,  qui,  d'ailleurs,  ne  mentionne  pas  les  écoles  primaires 
privées  ;  le  nombre  des  élèves  y  était  monté,  en  même  temps,  de 
14.186  à  15.689,  soit  1.503  de  plus.  Dans  la  province  de  l'Ama- 
zonas,  où  le  rapport  ministériel  signalait  en  1882  à  peine  86 
écoles  avec  2.350  élèves,  le  président  Jansen  Ferreira  citait  en 
1884,  90  écoles  primaires  publiques  (sans  parler  des  écoles  pri- 
vées) avec  3.154  élèves,  soit,  en  deux  ans,  une  augmentation  de 
4  écoles  et  de  804  élèves. 

L'enseignement  secondaire  est  régi  par  les  mêmes  lois  que 
l'enseignement  primaire,  quant  au  principe  de  décentralisation. 
Il  en  diffère  en  ce  qu'il  n'est  pas  gratuit  forcément.  L'État  n'in- 
tervient dans  sa  réglementation  que  pour  déterminer  les  matières 
exigibles  pour  les  inscriptions  aux  cours  supérieurs,  dont  il 
détient  de  fait  le  monopole.  Cependant,  par  une  exception  bizarre, 
l'État  entretient  2  établissements  d'instruction  secondaire  dans 
2  provinces  :  ce  sont  les  cours  préparatoires  annexés  aux  facultés 
de  droit  de  San-Paulo  et  de  Récife.  En  1887,  les  cours  prépara- 
toires de  San-Paulo  ont  été  fréquentés  par  301  élèves,  et  ceux  de 
Récife  par  235. 

A  part  ces  deux  institutions,  tous  les  autres  établissements 
d'enseignement  secondaire  existant  dans  les  provinces,  sont  sous 
la  dépendance  des  gouvernements  locaux  qui  les  entretiennent, 
ou  bien  ils  forment  des  collèges  particuliers.  Dans  la  ville  de 
Rio-de-Janeiro,  où  l'enseignement  à  tous  les  degrés  dépend,  par 
exception,  de  l'État,  il  existe  plusieurs  sortes  d'établissements 
secondaires.  Les  uns  sont  entièrement  publics  et  l'État  pourvoit 
à  leur  fonctionnement;  les  autres  sont  privés,  et  n'ont  aucune 
attache  officielle  ;  il  en  est  qui  sont  simplement  subventionnés 


LE    BRÉS1  L   EH    L889. 

par  L'État,  «■;  qui  n'en  gardent  pas  moins  leur  existence  propre. 
Dans  la  réalité,  on  peut  donc  dire  que  L'enseignement  secondaire 
au  Brésil  est  libre,  avec  un  monopole  de  L'État. 

Le  premier  des  établissements  de  L'État  est  le  «  Collège 
Impérial  de  Dom  Pedro  11  »,  de  Rio-de-Janeiro.  Il  possède  des 
cours  élémentaires  et  des  classes  secondaires,  et  se  compose  d'un 
internat  et  d'un  externat.  Les  études  ont  comme  couronnement 
un  diplôme  de  bachelier  ès-lettres,  qui  permet  à  ceux  qui  l'ont 
obtenu  de  prendre  des  inscriptions  dans  les  différents  cours 
supérieurs  sans  subir  d'examen  d'entrée.  C'est,  d'ailleurs,  le  seul 
établissement  qui  confère  ce  grade,  lt  a  été  fréquenté  en  1887 
par  569  élèves,  dont  12  en  sont  sortis  bacheliers  ès-lettres. 

Parmi  les  établissements  que  l'État  subventionne  à  Kio-de- 
Janeiro,  on  remarque  :  l'Institut  pharmaceutique,  qui  entretien! 
des  cours  d'humanités  pour  l'inscription  aux  écoles  supérieures, 
et  qui  est  fréquenté  en  moyenne  par  400  élevés  tons  les  ans;  et 
e  cours  du  soir  pour  le  sexe  féminin,  où  l'on  enseigne  la  religion, 
le  portugais,  l'italien,  le  français,  l'anglais,  l'allemand,  Le  latin, 
la  géographie  et  les  mathématiques  élémentaires.  11  a  été  fré- 
quenté, en  1887,  par  129  jeunes  filles. 

On  compte  à  Rio-de-Janeiro  un  grand  nombre  d'établisse- 
ments privés  d'enseignement  secondaire,  fréquentés  par  près 
de  4.000  élèves  des  deux  sexes.  Quelques-uns  des  établisse- 
ments secondaires  dirigés  par  des  particuliers  sont  absolument 
remarquables  au  point  de  vue  du  personnel  enseignant,  des 
méthodes,  du  matériel  et  de  la  supériorité  des  études. 

En  dehors  de  la  capitale,  toutes  les  provinces  se  font  un 
devoir  et  comme  un  point  d'honneur  de  posséder  et  d'entretenir 
au  moins  un  lycée  et  une  école  normale  primaire  dans  le  chef-lieu. 

En  1882,  il  y  avait  dans  tout  l'empire  (la  capitale  exceptée), 
d'après  la  statistique  ministérielle,  292  établissements  d'ensei- 
gnement secondaire,  avec  1.228  chaires  et  10.427  élèves,  sans 
parler  de  nombreux  établissements  privés.  Dans  les  uns  et  les 
autres,  ce  qu'il  y  a  de  plus  remarquable,  c'est  l'importance  que 
professeurs  et  élèves  attachent  à  la  culture  des  langues  vivantes. 
Il  est  rare  que  les  élevés  qui  en  sortent  ne  sachent  pas  le  français 
et  l'anglais.  Beaucoup  d'entre  eux  lisent  l'italien  et  l'allemand. 
En  revanche,  l'instruction  générale  et  l'étude  des  langues  mortes 
semblent  moins  soignées  qu'en  France. 

L'enseignement  supérieur  est  tout  entier  entre  les  mains  de 


INSTRUCTION    PUBLIQUE.  567 

L'État.  Cet  enseignement  n'est  pas  apte  à  être  décentralisé  tout  de 
suite  au  Brésil,  où  les  grands  centres  de  population  sont  assez 
rares,  et  où  l'installation  d'établissements  spéciaux  absorberait 
toutes  les  ressources  des  provinces  grevées  par  d'autres  dépenses 
publiques  plus  urgentes.  L'État  entretient  donc  tous  les  établis- 
sements de  ce  genre  qui  existent  présentement,  et  il  se  reserve 
la  collation  des  grades.  Depuis  ces  dernières  années,  l'enseigne- 
ment supérieur  a  pris  un  grand  essor,  et  l'École  polytechnique 
réorganisée  est  devenue  comme  un  centre  universitaire  en  voie 
de  formation.  Lorsque  nous  aurons  complété  notre  organisation 
d'enseignement  supérieur  en  créant  de  véritables  facultés  de 
lettres  et  de  sciences,  en  groupant  autour  d'une  Université  véri- 
table tous  nos  établissements  sans  lien  aujourd'hui,  nous  aurons 
réalisé  le  progrès  qui  nous  reste  encore  à  accomplir. 

Nous  ne  possédons  en  réalité  que  des  écoles  spéciales  pour 
distribuer  l'enseignement  supérieur.  Les  hautes  études,  la  su- 
prême culture  scientifique  et  littéraire  nous  manquent  encore. 
Nous  sommes  allés  au  plus  pressé,  c'est-à-dire  à  la  formation 
d'hommes  immédiatement  utilisables.  Nous  avons  fait  beaucoup 
d'ingénieurs,  d'avocats  et  de  médecins,  mais  fort  peu  encore  de 
véritables  savants. 

Les  principaux  établissements  d'enseignement  supérieur  que 
nous  possédons  au  Brésil  sont  :  les  deux  facultés  de  droit  de  San- 
Paulo  et  de  Recife  ;  les  deux  facultés  de  médecine  de  Rio-de- 
Janeiro  et  de  Bahia;  l'École  polytechnique  de  Rio-de-Janeiro,  et 
l'École  des  mines  d'Ouro-Preto,  dont  il  a  été  parlé  au  Chapitre  IV. 

Facultés  de  droit.  —  Dans  les  deux  facultés  deSan-Paulo,  au 
sud,  et  de  Récife,  au  nord  du  Brésil,  le  cours  est  de  cinq  années. 
Elles  ont  chacune  onze  chaires,  occupées  par  des  professeurs 
titulaires  auxquels  sont  adjoints  six  substituts  ou  agrégés.  La 
méthode  suivie  est  fort  rigoureuse  :  on  part  du  droit  naturel  et 
du  droit  ancien  comme  base,  pour  aboutir  à  la  procédure  et  au 
droit  conventionnel  administratif.  Cette  méthode  a  produit  les 
meilleurs  résultats.  Les  étudiants  peuvent  être  reçus  bacheliers 
en  droit  au  bout  de  leurs  cinq  années  d'études.  Ce  grade  leur 
ouvre  l'accès  de  la  magistrature  debout  ou  assise,  leur  permet 
d'occuper  certaines  positions  gouvernementales  et  d'exercer  la 
profession  d'avocat.  Les  Brésiliens  qui  ont  reçu  leurs  gracies  à  une 
faculté  de  droit  étrangère  peuvent  exercer  la  profession  d'avocat 
dans  leur  pays,  mais  ces  grades  ne  confèrent  pas  à  leurs  posses- 


5GS  LE     BRÉSIL     EH     188  0. 

seurs  la  faculté  d'être  nommés  aux  fonctions  publiques  pour  les- 
quelles le  grade  correspondant  esi  exigé  au  Brésil. 

Pour  être  professeur  à  la  Faculté,  le  grade  de  docteur  est 
requis.  Celui  de  licencié  n'existe  pas  sous  ce  nom. 

La  Faculté  de  Etecife  a  eu,  en*18S7,  858  élèves  inscrits,  dont 
106  sont  sortis  bacheliers  et  un  a  reçu  le  grade  de  docteur.  A 
San-Paulo,  il  y  a  eu  444  élèves  et  07  bacheliers. 

Facultés  de  médecine1.  —  Quoiqu'il  y  ait  bien  peu  de  mé- 
decins brésiliens  qui,  avant  d'entrer  dans  l'exercice  de  leur  pro- 
fession ou  de  concourir  à  une  des  places  du  professorat,  ne  vien- 
nent d'abord  en  Europe  perfectionner  leurs  connaissances 
médicales,  s'y  consacrer  à  l'étude  pratique  d'une  spécialité,  et 
quelques-uns  même  y  briguer  le  titre  de  docteur  des  facultés  de 
médecine  de  Paris  ou  de  Montpellier,  et  que,  pour  ces  différents 
motifs  on  ait  été  au  Brésil  au  couranl  de  la  littérature  médicale 
et  chirurgicale  des  pays  les  plus  avancés  de  l'Europe,  comme  la 
France,  l'Allemagne  et  l'Angleterre,  toutefois  renseignement  de 
la  médecine  était  très  défectueux  au  Brésil,  principalement  au 
point  de  vue  pratique. 

A  l'époque  de  l'indépendance  du  Brésil,  deux  écoles  de  mé- 
decine furent  créées,  l'une  à  Rio-de- Janeiro,  et  l'autre  dans  le 
chef-lieu  de  la  province  de  Bahia,  et  elles  ont  subi  deux  ré- 
formes, en  1831  et  en  1851;  cette  dernière,  la  plus  importante,  a 
été  faite  par  M.  Pedreira  (vicomte  de  Bom-Rctiro).  Après  la  ré- 
forme de  1854,  l'enseignement  de  la  médecine  est  devenu  rela- 
tivement plus  complet  et  a  pris  un  plus  grand  développement 
par  la  création  des  chaires  de  chimie  organique,  d'anatomie 
générale  et  pathologique,  de  pathologie  générale  et  de  phar- 
macie. Les  études  étaient  alors  divisées  en  six  années  et  il  y  avait 
en  tout  dix-huit  chaires,  alors  qu'il  yen  avait  seulement  quatorze 
auparavant.  L'enseignement  était  complètement  théorique.  Pour 
les  chaires  de  chimie  minérale,  de  chimie  organique,  de  physique, 
de  pharmacie  et  de  médecine  légale  et  toxicologique,  il  y  avait 
un    petit  cabinet   destiné    à   la  préparation  des  démonstrations 


1.  L'article  relatif  aux  facultés  de  médecine  est  dû  à  la  plume  de  M.  le 
baron  de  Saboia,  doyen  et  professeur  de  clinique  chirurgicale  de  la  faculté  de 
médecine  de  Rio-de-Janeiro,  médecin  «le  Leurs  Majestés  l'Empereur  et  l'Iin- 
pératrice  du  Brésil,  membre  correspondant  de  l'Académie  de  médecine  de 
Paris  et  de  la  Société  de  chirurgie  de  la  même  ville,  membre  correspondant 
du  l'Académie  Royale  des  sciences  de  Lisbonne,  etc. 


INSTRUCTION   PUBLIQUE.  569 

pratiques  pendant  1rs  cours,  une  petite  salle  avec  trois  tables 
pour  les  dissections  anatomiques  et  à  peine  un  ou  deux  micros- 
copes pour  L'étude  de  l'histologie.  Cet  enseignement  ne  répon- 
dait pas  aux  exigences  de  la  science  moderne,  traduites  alors 
par  les  grands  progrès  que  les  études  pratiques  avaient  faits 
dans  les  sciences  médicales  et  dans  les  spécialités  dans  les- 
quelles «Iles  s'étaient  divisées  dans  presque  tous  les  pays  de 
l'Europe  et  surtout  en  Allemagne. 

Dans  les  mémoires  historiques  et  les  rapports  envoyés  par 
les  facultés  du  Brésil,  on  cherchait  à  faire  cesser  cet  état  de 
choses,  en  appelant  l'attention  et  la  sollicitude  du  gouverne- 
ment sur  la  nécessité  urgente  de  pourvoir  les  cabinets  qui  exis- 
taient de  toutes  les  ressources  indispensables  à  l'enseignement 
pratique.  En  1869,  le  ministre  de  l'Empire,  M.  Joâo  Alfredo 
Corrêa  d'Oliveira,  cédant  aux  réclamations  faites  par  les  facultés 
et  se  rendant  compte  de  l'état  des  choses,  donna  des  instructions 
pour  que  les  différents  cabinets  fussent  pourvus  des  appareils  et 
des  instruments  les  plus  nécessaires,  et  pour  qu'on  créât  une 
officine  pharmaceutique  où  les  élèves  en  pharmacie  et  ceux  de 
la  sixième  année  de  médecine  pussent  s'exercer  aux  manipula- 
tions. Les  cabinets  furent  pourvus  d'instruments,  mais  l'ensei- 
gnement continuait  à  être  uniquement  théorique  et  sans  aucun 
attrait  pour  les  élèves,  à  l'exception  des  cliniques  médicale  et 
chirurgicale  où  ils  rencontraient  tous  les  éléments  d'instruction 
dans  le  magnifique  et  grandiose  hôpital  de  la  «  Misericordia  ». 

En  1871,  la  faculté  de  médecine  de  Rio-de-Janeiro  me  chargea 
d'étudier  l'organisation  des  facultés  de  médecine  les  plus  impor- 
tantes de  l'Europe.  En  1872,  de  retour  de  ma  mission,  je  présen- 
tai un  rapport  très  détaillé  sur  l'organisation  des  facultés  de 
médecine  de  France,  d'Italie,  d'Autriche,  d'Allemagne,  de  Bel- 
gique et  d'Angleterre.  Malgré  ce  rapport  et  d'autres  qui  furent 
présentés  sur  la  même  question  par  des  professeurs  envoyés  en 
Europe  afin  d'étudier  certaines  matières  au  point  de  vue  pra- 
tique, l'enseignement  de  la  médecine  au  Brésil  restait  station- 
naire. 

En  1878,  M.  Leoncio  de  Carvalho,  ministre  de  l'Empire,  me 
chargea  de  présenter  un  plan  de  réformes  des  facultés  de  méde- 
cine, plan  basé  sur  l'enseignement  libre  qu'il  voulait  établir.  Ce 
projet  de  réformes,  livré  et  imprimé  deux  mois  après,  a  servi  de 
base  au  décret  du  19  avril  1879  ;  d'aucuns  supposaient  qu'il  était 
le  premier  pas  dans  la  voie  de  la  décadence  de   notre  enseigne- 


570  LE     BRESIL     EN     1889. 

ment  supérieur  ;  selon  moi,  il  a  été  le  premier  coup  porté  à  l'igno- 
rance et  à  la  rhétorique  de  notre  éducation  scientifique.  Ce  décret 
faisant  ressortir  encore  davantage  l'insuffisance  de  l'enseignemenl 
supérieur,  le  professeur  Pertence,  dans  une  série  de  conférences 
faites  en  1880  sur  ce  sujet,  proposa  la  création  d'une  Université 
comme  moyen  de  relèvement  de  cet  enseignement,  et  dans  ce 
but  le  gouvernement  fit  acquisition  des  terrains,  dressa  des 
plans  et  commença  les  travaux.  Je  fus  alors  nommé  doyen  de 
la  faculté  de  médecine  de  Rio-de-Janairo,  et,  sachant  combien 
serait  lente  la  construction  des  nouveaux  bâtiments,  je  cherchai 
à  mettre  en  exécution  le  projet  de  réformes  présenté  en  1879. 
Dans  ce  but  j'ai  obtenu  de  quelques  particuliers  des  dons  en 
argent  s'élevant  à  près  de  180.000  francs,  et,  moyennant  une 
somme  peu  élevée,  j'ai  fait  acquisition  des  terrains  et  des  bâti- 
ments contigus  à  la  faculté  de  médecine  et  qui  appartenaient  à 
la  «  Misericordia  ».  En  quelques  mois,  j'ai  disposé  et  préparé 
successivement  des  locaux  pour  l'installation  des  laboratoir 
nombre  égal  à  celui  des  chaires  destinées  à  renseignement  mé- 
dical. Outre  les  dix-huit  chaires  déjà  existantes,  j'en  ai  cré  huit 
autres  qui  sont  les  suivantes  :  anatomie  et  physiologie  pathologi- 
que, clinique  d'accouchements  et  gynécologique,  clinique  desmala- 
diesdes  enfants,  clinique  des  maladies  cutanées  et  syphilitiques, 
clinique  ophthalmologique,  clinique  psychiatrique,  une  seconde 
chaire  de  clinique  médicale  et  une  seconde  de  clinique  chirur- 
gicale. J'ai  établi  en  même  temps  un  musée  anatomo-patholo- 
gique  qui  forme  aujourd'hui  une  collection  splendidc  de  pièces 
anatomiques  normales  et  pathologiques,  naturelles  ou  modelées 
en  cire,  et  ai  ouvert  quatorze  laboratoires  où  se  trouvent  installés 
tous  les  appareils  et  les  instruments  nécessaires  à  l'instruction 
pratique  des  élèves. 

Cette  réforme,  faite  avec  l'autorisation  du  gouvernement, 
mais  réalisée  uniquement  avec  les  ressources  provenant  de  la 
générosité  des  particuliers,  avait  besoin  pour  devenir  perma- 
nente que  le  corps  législatif  votât  des  fonds  pour  les  dépenses 
occasionnées  parla  création  des  huit  nouvelles  chaires  et  l'établis- 
sement de  l'enseignement  pratique.  L'opposition  soulevée  à  la 
Chambre  des  Députés  et  surtout  au  Sénat  contre  l'augmentation 
des  dépenses  rendues  nécessaires  par  la  création  des  nouvelles 
chaires  et  des  places  d'agrégés  et  de  préparateurs,  prit  une  telle 
proportion,  que  certainement  le  projet  de  réformes  aurait  sombré 
sans  l'appui  puissant  de  S.  M.  l'Empereur  et  sans  les  efforts  faits 


INSTRUCTION   PUBLIQUE.  571 

par  son  auteur,  soit  auprès  de  ses  amis,  soit  dans  la  presse.  Il 
faut  dire  qu'au  Sénat,  MM.  Affonso  Celso  (vicomte  cTOuro-Preto) 
el  Leâo  Velloso,  alors  ministre  de  l'Empire,  ont  puissamment 
contribué  à  son  adoption,  en  faisant  valoir  la  nécessité,  la  valeur 
et  l'importance  de  celle  réforme. 

Les  esprits  désintéressés  et  les  étrangers  qui,  de  passage  à 
Rio-de-Janeiro,  visitent  la  faculté  de  Médecine,  son  Musée,  ses 
laboratoires,  reconnaissent  que  cette  faculté  se  trouve  aujourd'hui 
au  niveau  des  meilleures  écoles  de  l'Europe,  et  que  dans  l'Amé- 
rique du  Sud  il  n'y  en  a  aucune  qui  puisse  lui  être  comparée.  Il 
est  facile  de  s'en  convaincre  enlisant  la  description  sommaire  de 
son  organisation,  tout-à-fait  pareille  d'ailleurs  à  celle  de  la  faculté 
de  médecine  de  Bahia. 

La  Faculté  de  médecine  de  Rio-de-Janeiro,  comme  celle  de 
Bahia,  délivre,  après  des  études  réglementaires,  des  diplômes  de 
docteur  en  médecine,  de  pharmacien,  de  dentiste  et  de  sage- 
femme.  Les  cours  sont  divisés  en  cours  de  médecine,  de  phar- 
macie, d'odontologie  et  d'obstétrique.  Les  chaires  destinées  à  l'en- 
seignement sont  au  nombre  de  vingt-six  et  servent  conjointement 
aux  cours  de  médecine  et  aux  cours  annexes  ;  elles  sont  distri- 
buées de  la  manière  suivante  :  1°  Physique  médicale  ;  2°  Chimie 
inorganique  et  minéralogie  ;  3°  Botanique  et  zoologie  médicale  ; 
4°  Anatomie  descriptive  ;  5°  Chimie  organique  et  biologique  ; 
6°  Histologie  normale;  7°  Pathologie  générale;  8°  Physiologie 
humaine  ;  7°  Anatomie  et  Physiologie  pathologique  ;  10°  Patho- 
logie médicale  ;  11°  Pathologie  chirurgicale  ;  12°  Accouchements  ; 
13°  Matière  médicale  et  thérapeutique  ;  14°  Anatomie  chirurgi- 
cale et  opérations  ;  15°  Pharmacologie  et  art  de  formuler  ; 
10°  Médecine  légale  et  Toxicologie  ;  17°  Hygiène  et  histoire  de  la 
médecine  ;  18°  Clinique  d'accouchement  et  de  gynécologie  : 
19°  et 20°  Cliniques  médicales;  21°  et  22°  Cliniques  chirurgicales  ; 
23°  Clinique  médicale  et  chirurgicale  des  enfants  ;  24°  Clinique 
des  maladies  cutanées  et  syphilitiques  ;  25°  Clinique  opthalmolo- 
logique  :  2G°  Clinique  psychiatrique.  Chaque  chaire  a  un  profes- 
seur titulaire,  un  agrégé,  un  préparateur  et  deux  aides,  à  l'excep- 
tion des  chaires  de  pathologie  générales,  de  pathologie  chirur- 
gicale, de  pathologie  médicale  et  d'accouchements  qui  n'ont  que 
le  professeur  titulaire. 

L'enseignement  comprend  les  cours  théoriques,  les  cours 
pratiques  et  les  cliniques. 


572  LE     BRÉSIL     EN     188  9. 

Enseignement  pratique.  —  Il  y  a  dansles  facultés  de  médecine 
du  Brésil  quatorze  laboratoires:   1°  physique;  "2°  chimie  inorga- 
nique avec    un    cabinet  minéralogique  ;    3°  botanique   avec  un 
cabinet  zoologique  J  4°  chimie  organique  et  biologique  avec  un 
cabinet  de  bactériologie  ;  5°  physiologie  ;  (>°  histologie  ;  8°  anato- 
mie  pathologique  ;  8°  thérapeutique  expérimentale  ;  9°  pharmacie; 
10°  hygiène;  11°  toxicologie;  12°  anatomie  descriptive  ;  13°  chi- 
rurgie  dentaire;    14°  opérations  chirurgicales.   Chacun   de    ces 
laboratoires  est  sous  la  direction  du    professeur  titulaire  et  sert 
à  L'instruction  pratique  des  élèves  et  aux  recherches  scientifiques. 
Le  personnel  de  chaque  laboratoire  se  compose  :  1°  du  directeur 
qui  est  le  professeur  titulaire  ;  2°  d'un  agrégé  chargé   spéciale- 
ment de  l'enseignement  pratique  ;  3°  d'un  préparateur,   docteur 
en  médecine,  pharmacien  ou  dentiste  (selon  le  laboratoire)  ;  4"  de 
deux  aides.  Les  quatorze  laboratoires  de  la  faculté  de  médecine  de 
Rio-de- Janeiro  sont  bien  installés  et  contiennent  tous  les  instru- 
ments et  appareils  nécessaires  à  l'étude  des  élèves  qui  s'exercent 
dans   les   préparations  et  dans  les  manipulations  dans  une  salle 
commune  ;  les  professeurs,  les  agrégés  et  les  préparateurs   ont 
chacun  un  cabinet  spécial  destiné  à  leurs  travaux.  La  salle  des 
dissections    anatomiques,     suffisamment    grande   et   aérée,    est 
carrelée  en  marbre  et  a  les  murs  en  faïence  jusqu'à  une  hauteur 
de  trois  mètres.  Il  y  a  trente-six  tables  recouvertes  en  marbre  pour 
le  travail  des  élèves,  une  grande  collection  de  dessins  anatomiques 
pendus  aux  murs  et  des  pièces  plastiques  pour  les  orienter  dans 
leurs  préparations;  les  cadavres  sont  conservés  dans  une  glacière 
spéciale,  construite  selon  les  indications  données  par  le  doyen 
de  la  Faculté,  et  qui  a  réalisé  en  partie,  par  un  procédé  ingénieux, 
le   problème    difticile    d'avoir   toujours    dans   un    climat  chaud 
des  cadavres  pour  la  dissection  et   les  études  anatomiques.  Le 
laboratoire  d'histologie,  installé  de  manière  à  permettre  le  travail 
à  80  élèves  en  môme  temps,  contient  environ  90  microscopes,  des 
microtomes,  des  tournettes,  des  réactifs,  enfin  tout  ce  qui  a  trait 
à  la  technique   moderne.   Dans  une  salle  contigue  à  celles  des 
dissections  anatomiques,  ont  lieu   les  autopsies   des  différentes 
cliniques  ;  ces  autopsies  sont  faites  par  l'agrégé  et  le  préparateur 
du  professeur  d'anatomic  pathologique,  aidés  par  les   agrégés  de 
la  clinique  et  en  présence  des  élèves,  et  sont  toutes   consignées 
en  détail  sur  un  registre  spécial  déposé  au  secrétariat  de  la  faculté. 
Une  copie  de  chaque  cas  est  adressée  au  chef  de  service  où  avait 
été  le  malade. 


INSTRUCTION   PUBLIQUE.  573 

Outre  les  exercices  pratiques  de  toxicologie,  qui  sont  faits  dans 
le  laboratoire  respectif,  il  y  a  aussi  des  conférences  de  médecine 
légale  à  la  Morgue,  établissement  destiné  également  à  renseigne- 
ment médical,  et  qui  n'a  rien  à  enviera  ceux  de  l'Europe  sous 
aucun  rapport. 

Le  laboratoire  d'hygiène  a  été  institué  non  seulement  pour 
l'instruction  des  élèves  comme  pour  le  service  sanitaire  ou  pour 
l'analyse  de  tout  ce  qui  peut  intéresser  la  santé  publique.  Le 
personnel  de  ce  laboratoire  est  un  peu  différent  :  outre  le  per- 
sonnel de  la  faculté,  il  y  a  un  commissaire  du  gouvernement, 
nommé  sur  la  proposition  du  doyen  de  la  Faculté,  et  quatre  aides 
chimistes  appartenant  au  conseil  général  de  la  salubrité  publique  ; 
ils  sont  chargés  non  seulement  des  analyses  des  produits  exigées 
par  le  gouvernement  ou  par  l'Inspecteur  général  de  la  santé 
publique,  comme  de  celles  demandées  par  les  particuliers. 

Enseignement  clinique.  —  Il  est  fait  à  l'hôpital  de  la  «  Misé- 
ricordia  »,  vaste  établissement  contenant  plus  de  1200  lits.  Cet 
hôpital  se  trouve  sous  la  direction  d'une  communauté  laïque,  qui, 
moyennant  certaines  prérogatives  accordées  par  le  gouverne- 
ment, met  quelques-unes  de  ses  salles  à  la  disposition  de  la 
Faculté  pour  les  besoins  de  l'enseignement  clinique,  lequel  com- 
prend deux  cliniques  chirurgicales,  deux  cliniques  médicales, 
une  clinique  d'accouchements  et  de  gynécologie,  une  clinique 
mixte  d'enfants,  une  clinique  ophthalmologique,  une  clinique  de 
maladies  cutanées  et  syphilitiques  et  une  clinique  psychiatrique. 
La  clinique  psychiatrique  est  faite  à  l'hospice  de  Dom  Pedro  II, 
magnifique  établissement  contenant  environ  800  aliénés,  placés 
sous  la  même  administration  que  l'hôpital  de  la  Miséricorde. 

Comme  complément  à  son  enseignement,  la  faculté  de  méde- 
cine de  Rio-de-Janeiro  possède  un  musée  anatomo-pathologique 
et  une  grande  bibliothèque,  outre  la  bibliothèque  de  chaque  labo- 
ratoire. Le  musée  anatomo-pathologique  se  compose  de  magni- 
fiques pièces  sèches  relatives  à  l'anatomie  normale  et  pathologique 
et  de  préparations  en  cire  réprésentant  les  cas  intéressants 
observés  dans  les  cliniques  et  relatifs  à  la  pathologie  brésilienne. 
La  bibliothèque  se  trouve  aménagéejdansun  grand  édifice  à  deux 
pavillons  situé  en  face  de  la  faculté  ;  elle  possède  plus  de  36,000 
volumes  en  portugais,  français,  anglais,  allemand,  italien,  espa- 
gnol et  latin.  Plus  de  120.000  publications  périodiques  en  diffé- 
rentes  langues   enrichissent    annuellement    sa    collection.     La 


LE     BRÉSIL     EN      1889. 

bibliothèque  est  ouverte  tous  les  jours  de  9  heures  du  malin  à 
2  heures  de  L'après-midi  et  de  6  heures  à  9  heures  du  soir. 
M.  Carlos  Costa,  Le  bibliothécaire  actuel,  a  commencé  dès  1885 à 
réunir,  sous  le  nom  d'Annuaire  médical  brésilien,  Les  travaux  des 
médecins  brésiliens  se  rattachant  aux  sciences  médicales,  dont 
il  a  déjà  publié  deux  volumes. 

rendant  celte  même  année  1885,  il  a  organisé  avec  plein 
succès  une  exposition  composée  exclusivement  de  travaux  brési- 
liens suc  les  sciences  médicales.  De  son  coté,  la  faculté  l'ait  paraître 
une  Revue  des  cours  historiques  et  pratiques,  dont  il  a  déjà  paru 
huit  numéros  de  250  à  350  pages  in-8°,  et  où  Ton  rencontre  des 
travaux  originaux  relatifs  à  la  médecine,  aux  études  pratiques  et 
aux  leçons  les  plus  importantes  sur  les  cas  rencontrés  dans  la 
clinique,  accompagnés  tous  d'observations  détaillées. 

Le  personnel  des  facultés  de  médecine  se  compose  d'un  doyen, 
d'un  vice-doyen,  de  professeurs  titulaires,  d'agrégés,  de  prépara- 
teurs el  d'aides-préparateurs;  d'un  secrétaire,  d'un  sous-secré- 
taire, de  deux  teneurs  de  Livres,  d'un  bibliothécaire,  d'un  aide- 
bibliothécaire,  d'un  directeur  du  musée,  d'un  modeleur  en  cire, 
d'un  portier  et  d'un  nombre  de  conservateurs  égal  au  nombre 
des  laboratoires.  Le  doyen  et  le  vice-doyen  sont  choisis  par  le 
gouvernement  parmi  les  professeurs.  Le  vice-doyen  remplace  le 
doyen  en  cas  d'empêchement  de  celui-ci,  qui  a  la  direction  de 
tout  le  personnel  de  la  Faculté  et  préside  à  la  réunion  plénière, 
qui,  sous  le  nom  de  Congrégation,  est  composée  de  tous  les  pro- 
fesseurs titulaires,  et  a  pour  but  de  discuter  toutes  les  questions 
relatives  à  la  direction  scientifique  de  la  Faculté  et  aux  concours. 
Tous  les  professeurs  sont  nommés  par  décret  sur  la  présentation 
par  la  Faculté  d'une  liste  composée  au  maximum  de  trois  noms 
idioisis  parmi  les  candidats  qui  ont  obtenu  au  concours  la  majo- 
rité des  voix.  A  ce  concours  sont  admis  non  seulement  les  docteurs 
en  médecine  de  nationalité  brésilienne,  ayant  obtenu  leur  grade 
dans  une  des  facultés  de  l'Empire  ou  de  L'étranger,  comme  aussi 
les  docteurs  en  médecine  de  nationalité  parlant  couramment  le 
portugais  ou  le  français  et  ayant  obtenu  au  préalable  le  grade  de 
docteur  en  médecine  d'une  des  Facultés  du  Brésil.  Si  à  la  suite  du 
concours  un  étranger  est  nommé  professeur,  il  devra  se  natura- 
liser brésilien  avant  de  prendre  possession  de  sa  chaire.  Les 
épreuves  pour  ce  concours  sont  réglées  ainsi  qu'il  suit:  1°  La 
présentation  d'une  thèse  imprimée,  dont  le  sujet  aura  été  choisi 
par  le  candidat  et  une  argumentation  verbale  soutenue  en  public 


INSTRUCTION   PUBLIQUE.  575 

contre  chacun  dos  concurrents,  ou  contre  cinq  professeurs  titu- 
laire, au  cas  où  il  n'y  aurait  qu'un  seul  concurrent;  2°  une  compo- 
sition écrite  sur  une  question  tirée  au  sort  sur  une  série  de  ques- 
tions rédigées  par  une  commission  de  professeurs  nommés  par 
La  même  occasion  :  3°  une  leçon  orale  publique  d'une  heure  sur 
un  sujet  tiré  au  sort  avec  vingt-quatre  heures  de  préparation; 
4°  une  épreuve  pratique  roulant  sur  des  expériences  ou  des 
préparai  ions  relatives  à  l'objet  du  concours,  épreuve  suivie  d'ex- 
plications justifiant  la  technique  employée  dans  les  préparations, 
dans  les  analyses,  etc.;  5°  une  épreuve  orale  d'une  demie-heure 
sur  une  question  tirée  au  sort  ;  il  est  accordé  au  candidat  une 
heure  pour  réfléchir,  sans  avoir  recours  à  aucune  note  manus- 
crite ou  imprimée. 

Les  professeurs  touchent  12.000  francs  et  ceux  de  clinique 
13.500  francs  par  an.  Après  25  ans  de  professorat,  ils  ont  droit  à 
la  retraite  avec  les  deux  tiers  de  leurs  appointements  et  on  leur 
accorde  le  titre  honorifique  de  membres  du  conseil  de  Sa  Majesté  ; 
après  30  ans  de  professorat,  ils  sont  mis  à  la  retraite  d'office  et 
touchent  l'intégralité  de  leurs  appointements. 

Les  agrégés  sont  aussi  nommés  par  décret  après  concours,  et 
les  épreuves  concernant  ce  concours  sont  les  mêmes  que  celles 
pour  le  professorat,  à  l'exception  de  la  soutenance  de  la  thèse  et 
de  l'épreuve  orale  après  une  heure  de  réflexion.  Les  agrégés  sont 
nommés  pour  dix  ans,  mais  s'ils  viennent  à  être  nommés  profes- 
seurs, le  temps  pendant  lequel  ils  ont  exercé  les  fonctions  d'a- 
grégé leur  est  compté  pour  la  retraite.  S'ils  n'arrivent  pas  au 
professorat,  et  s'ils  veulent,  à  l'expiration  de  leur  période  de 
10  ans,  continuer  à  être  agrégés,  ils  subissent  un  nouveau  con- 
cours. Les  agrégés  touchent  6.000  francs  par  an. 

Les  préparateurs  sont  aussi  nommés  au  concours.  Les  docteurs 
en  médecine,  les  pharmaciens  et  les  dentistes  peuvent  concourir, 
ces  derniers  pour  le  laboratoire  de  chirurgie  dentaire  et  les  autres 
pour  les  laboratoires  des  sciences  physiques,  chimiques  et  natu- 
relles. Le  concours  se  compose  d'une  épreuve  écrite,  d'une 
épreuve  pratique  et  d'une  exposition  orale,  faite  pendant  une 
demie-heure  avec  vingt-quatre  heures  de  préparation  sur  une 
question  tirée  au  sort.  Les  appointements  des  préparateurs  sont 
aussi  de  6.000  francs  par  an. 

La  fréquence,  soit  aux  cours  théoriques,  soit  aux  cours  prati- 
ques, est  entièrement  facultative  ;  cependant  aucun  élève  n'est 
admis  à  subir  des  examens  sans  un  certificat  délivré  par  le   pro- 


576  LE     BRÉSIL     EN     1889. 

fesseur  ou  L'agrégé  déclarant  qu'il  a  fait  dans  les  laboratoires  et 
sous  la  direction  des  chefsdes  travaux  pratiques,  ou  des  prépara- 
teurs, un  certain  nombre  de  préparations  ou  de  recherches 
énumérées  dans  le  règlement,  ce  qui  rend  en  quelque  sorte 
obligatoire  la  fréquence  des  cours  pratiques. 

Tout  élève  qui  aspire  au  titre  de  docteur  en  médecine  d'une 
des  Facultés  du  Brésil,  doit  produire,  soit  avant,  soit  au  moment 
de  prendre  ses  inscriptions  pour  subir  le  premier  examen,  le 
diplôme  de  bachelier  ès-lettres  du  collège  de  Don  Pedro  II,  ou  un 
certificat  constatant  qu'il  a  subi  avec  succès  devant  un  jury  com- 
posé des  professeurs  de  ce  collège  à  Itio-de-Janeiro,  ou  devant 
les  commissions  d'examen  nommées  chaque  année  par  le  gouver- 
nement dans  les  Provinces,  des  examens  portant  sur  les  matières 
suivantes:  portugais,  français,  latin,  anglais,  allemand,  histoire 
générale,  histoire  du  Brésil,  géographie,  arithmétique,  algèbre, 
géométrie,  trigonométrie,  philosophie,  éléments  de  physique,  de 
chimie  et  d'histoire  naturelle. 

Le  droit  à  percevoir  pour  chaque  année  ou  pour  chaque 
examen  est  de  253  francs,  payables  en  une  seule  fois  au  moment 
de  l'inscription  pour  subir  l'examen,  ou  en  deux  fois,  la  moitié 
au  mois  de  mars  et  la  moitié  au  mois  d'octobre.  Les  aspirants  au 
diplôme  de  pharmacien  payent  pour  chaque  année  les  mêmes 
droits;  ils  sont  tenus  de  présenter  lors  de  leur  inscription  un 
certificat  constatant  les  mêmes  examens  que  ceux  exigés  pour 
l'étude  de  la  médecine,  excepté  ceux  de  langue  allemande,  de 
philosophie  et  d'histoire.  Pour  suivre  les  cours  de  l'art  dentaire, 
on  n'exige  que  la  connaissance  des  langues  portugaise,  française, 
anglaise,  l'arithmétique  et  la  géométrie.  Pour  les  cours  d'obsté- 
trique ou  d'accouchements,  on  n'exige  que  les  langues  portugaise 
et  française,  l'arithmétique,  la  géométrie  et  les  éléments  de  phy- 
sique et  d'histoire  naturelle. 

Pour  obtenir  le  diplôme  de  docteur  en  médecine,  le  candidat 
doit  subir  huit  examens  et  soutenir  une  thèse.  Première  série: 
Physique  médicale,  chimie  inorganique,  minéralogie,  botanique 
et  zoologie  médicales.  Deuxième  série  :  Anatomie  descriptive, 
histologie  humaine,  chimie  organique  et  biologique.  Troisième 
série  :  Physiologie  humaine,  anatomie  et  physiologie  patholo- 
giques, pathologie  générale.  Quatrième  série  :  Pathologie  médi- 
cale, pathologie  chirurgicale,  matière  médicale  et  thérapeutique. 
Cinquième  série  :  Accouchements,  anatomie  chirurgicale,  opéra- 
tions et  appareils,  pharmacologie  et  art  de  formuler.    Sixième 


INSTRUCTION    PUBLIQUE.  577 

série  :  médecine  légale  et  toxicologie,  hygiène  et  histoire  de  la 
médecine.  Septième  série  :  cliniques  médicale  et  chirurgicale, 
clinique  obstétricale  et  gynécologique.  Huitième  série  :  clini- 
ques médicale  et  chirurgicale  des  enfants,  clinique  ophthalmolo- 
gique,  clinique  des  maladies  cutanées  et  syphilitiques,  clinique 
psychiatrique. 

Pour  obtenir  le  diplôme  de  pharmacien,  le  candidat  doit 
subir  trois  séries  d'examens.  Première  série  :  physique,  chimie 
inorganique  et  minéralogie.  Deuxième  série  :  chimie  organique, 
botanique  et  zoologie.  Troisième  série  :  matière  médicale,  phar- 
macologie et  toxicologie. 

Pour  obtenir  le  diplôme  de  sage-femme,  le  candidat  doit  subir 
deux  séries  d'examens.  Première  série  :  anatomie  descriptive, 
physiologie  générale  et  plus  particulièrement  celle  des  organes 
génito-urinaires  de  la  femme,  pharmacologie,  hygiène  des  femmes 
enceintes  et  des  femmes  en  couches.  Deuxième  série  :  obsté- 
trique, cliniques  obstétricale  et  gynécologique. 

Pour  le  diplôme  de  dentiste,  le  candidat  doit  subir  trois  séries 
d'examens.  Première  série  :  physique  élémentaire,  chimie  inor- 
ganique, anatomie  descriptive  et  topographique  de  la  tête. 
Deuxième  série  :  histologie  et  physiologie  dentaires,  pathologie 
dentaire  et  hygiène  de  la  bouche.  Troisième  série  :  thérapeu- 
tique dentaire,  chirurgie  et  prothèse  dentaires. 

Les  examens  commencent  au  mois  de  novembre  et  compren- 
nent trois  épreuves:  une  pratique,  une  écrite  et  une  orale. 
L'élève  qui  échoue  dans  l'épreuve  pratique  ou  qui  obtient  une 
note  mauvaise  dans  l'épreuve  écrite,  ne  subit  pas  l'épreuve  oralet 
perd  la  consignation  représentant  les  droits  d'examen  et  ne  peut 
se  présenter  de  nouveau  qu'après  un  délai  fixé  par  le  jury.  Les 
candidats  soutiennent  leur  thèse  à  la  fin  de  la  huitième  série  sur 
un  sujet  choisi  par  eux  dans  une  liste  dressée  chaque  année  par 
la  Faculté.  Le  jour  de  la  collation  du  grade  de  docteur  en  méde- 
cine, il  y  a  à  la  Faculté  une  séance  solennelle  à  laquelle  assistent 
à  Rio-de-Janeiro  la  famille  impériale,  le  corps  diplomatique,  les 
ministres  et  Félite  de  la  société.  C'est  aussi  dans  cette  séance 
solennelle  qu'on  décerne  les  deux  prix  :  l'un  fondé  par  un  médecin 
anglais,  le  docteur  Gunning,  qui  habite  le  Brésil  depuis  de  lon- 
gues années  et  l'autre  par  le  baron  d'Ibituruna.  Le  premier 
consiste  en  une  certaine  somme  accordée  à  l'élève  qui  a  terminé 
ses  études  médicales  ou  pharmaceutiques,  ayant  obtenu  la  note 
extrêmement  satisfait  dans  tous  les  examens;  cette  somme  est 

37 


578  LE     BRÉSIL     EN     1889. 

destinée  à  pourvoir  aux  besoins  de  l'élève  en  Europe,  où  il  doit 
venir,  pendant  un  temps  fixé  par  la  Faculté,  faire  des  études  pra- 
tiques pour  les  sciences  naturelles.  Le  second,  qui  porte  le  nom 
de  prix  Manoel  Feliciano,  est  accordé  à  l'élève  qui  aura  éerit  la 
meilleure  thèse  sur  la  clinique  chirurgicale  et  <|ni  aura  obtenu  la 
note  extrêmement  satisfait.  Ce  prix  est  annuel  et  consiste  en  une 
médaille  d'or,  que  le  candidat  porte  au  cou,  attachée  à  un  large 
ruban  rouge. 

Les  Facultés  de  médecine  jouissent  du  droit  de  permettre  à  un 
médecin  du  pays  ou  étranger  de  faire  un  cours  libre,  à  condition 
toutefois  qu'il  soumette  préalablement  à  la  congrégation  le 
pn  gramme  du  cours  q u * ï I  désire  faire,  et  qu'il  supporte  les 
dépenses  des  différents  objets  nécessaires  aux  démonstrations 
pratiques. 

Chaque  Faculté  propose  au  gouvernement,  tous  les  deux  ans, 
un  de  ses  professeurs  ou  agrégés,  pour  être  chargé  de  venir  dans 
les  pays  étrangers,  aux  frais  de  l'État,  étudier  les  progrès  faits 
dans  les  sciences  médicales  et  les  méthodes  de  l'enseignement. 
Voir  les  établissements  et  les  institutions  de  médecine  les  pins 
importants.  L'État,  voulant  stimuler  les  professeurs  et  les  ag 
à  écrire  des  travaux  ou  des  mémoires  en  langue  portugaise, 
paie  les  (Vais  et  l'impression  de  tout  ouvrage  qui  en  est  jugé 
digne  parla  Congrégation  ou  par  une  commission  nommée  ad  hoc 
par  le  gouvernement,  qui  peut,  outre  l'impression  gratuite, 
accorder  un  prix  de  5.000  francs. 

Enfin  les  facultés  de  médecine  sont  sous  la  dépendance  du 
ministère  de  l'empire.  Leurs  budgets  proposés  par  les  doyens, 
d'à  >rd  avec  les  ministres,  sont  votés  par  le  corps  législatif 
chi  [ue  année.  La  somme  votée  Tannée  passée  pour  chaque 
é  se  décompose  de  la  façon  suivante  :  corps  enseignants, 
510.000  francs  ;  personnel  du  secrétariat,  delà  bibliothèque  et 
des  laboratoires,  257.000 francs;  dépenses  pour  les  réactifs,  les 
instruments  et  les  appareils  pour  les  laboratoires,  125.000  francs. 
En  ont,  pour  les  deux  Facultés,  la  somme  de  un  million  sept  cent 
quatre-vingt-quinze  mille  francs. 

Pour  les  deux  premières  années  qui  suivirent  la  réforme,  les 
dépenses  seules  de  la  l'acuité  de  médecine  de  llio-de-Janeiro  se 
sont  montées   à  un   million    sept  cent   mille  francs. 

Les  droits  d'inscriptions  sont  payés  au  Trésor  national  et  se 
monlcnl  a  L.530  francs  pour  les  élèves  en  médecine,  à  7(»r>  francs 
pour  lesélèvesen  pharmacie  et  les  élèves  dentistes,  età  510  francs 


[NSTRUCTION   PUBLIQUE.  579 

pour  les  élèves  sages-femmes.  Le  diplôme  coûte  un  droit  de  timbre 
de  500  francs  et  chaque  certificat  d'examen  3  francs.  Le  revenu 
annuel  produit  par  les  droits  d'inscriptions,  de  diplômes  et  de 
certificats  d'examens  s'élève  à  la  faculté  de  médecine  de  Rio-de- 
Janeiro  à  environ  375.000  francs.  Il  y  a  700  à  800  élèves  inscrits 
aux  cours  de  la  faculté  et  environ  50  à  70  par  an  se  font  recevoir 
docteurs  en  médecine. 

École  polytechnique.  —  L'École  polytechnique  de  Rio-de- 
Janeiro,  issue  de  l'ancienne  Ecole  centrale,  se  compose  :  d'un 
cours  préparatoire,  d'un  cours  général  que  tous  les  élèves  sont 
tenus  de  suivre,  et  de  six  cours  spéciaux.  Les  étudiants  qui  ont 
suivi  l'un  de  ces  cours  peuvent  recevoir,  leurs  études  terminées, 
des  diplômes  de  bacheliers  ès-sciences  physiques  et  mathémati- 
ques, d'ingénieurs  géographes,  d'ingénieurs  civils,  d'ingénieurs 
des  mines  ou  d'ingénieurs  des  arts  et  manufactures.  A  l'en- 
seignement théorique  très  complet  sont  joints  des  cabinets 
et  des  laboratoires,  pourvus  d'excellents  appareils.  Pendant 
les  vacances,  les  élèves  font  des  excursions  sous  la  conduite 
de  leurs  professeurs,  et  les  résultats  de  leurs  observations 
personnelles  sont  consignés  dans  des  travaux  qu'ils  présentent  à 
l'École.  Les  ingénieurs  des  travaux  publics  doivent  avoir  pris  leur 
grade  dans  une  école  de  génie.  Mais  les  diplômes  d'ingénieurs 
accordés  par  les  écoles  étrangères  sont  acceptés  au  Brésil  sans 
aucun  examen  spécial  ;  il  suffit  de  les  faire  enregistrer  au  minis- 
tère des  travaux  publics.  Pendant  l'année  1887,  l'École  a  été 
fréquentée  par  161  élèves,  dont  16  en  sont  sortis  ingénieurs 
civils,  13  ont  été  reçus  ingénieurs  géographes  et  21  ont  eu  le 
brevet  d'arpenteur. 

Il  nous  serait  impossible,  en  parlant  de  l'enseignement  supé- 
rieur, de  passer  sous  silence  :  l'Observatoire  impérial  de  Rio-de- 
Janeiro,  dirigé  par  le  savant  M.  L.  Cruls,  lauréat  de  l'Institut  de 
France,  représentant  du  Brésil  à  la  conférence  de  Washington 
en  1884  ;  le  Bureau  hydrographique,  qui  a  à  sa  tête  Féminent 
baron  de  Teffé  ;  le  Bureau  central  météorologique,  dont  le  chef 
est  le  lieutenant  Adolpho  Pereira  Pinheiro,  et  l'Administration 
des  phares. 

Observatoire  impérial  de  Rio-de-Janeiro .  —  L'édifice 
actuellement  occupé  par  l'Observatoire  impérial  de  Rio-de-Janeiro, 


5S0  LE     BRÉSIL     EN     188  9. 

avail  été  primitivement  commencé  dans  le  siècle  dernier  par  les 
Jésuites,  en  u.c.  d'élever  une  église*.  Il  occupe  un  rectangle  de 
70  mètres  de  longueur  et  27*30  de  largeur,  dont  le  grand  côte 
es|  orienté  suivant  la  ligne  méridienne.  Vue  du  côté  sud,  sa  façade 

présente  une  assez  belle  apparence.  Ses  murailles  sont  très 
épaisses,  et  l'élévation  des  terrasses,  qui  constituent  l'Observa- 
toire  proprement  dit,  et  sur  lesquelles  sont  établies  les  eonstruc- 
tions  destinées  à  abriter  les  instruments,  est  de  17  mètres 
au-dessus  du  niveau  de  la  cour  intérieure.  Le  rez-de-chaussee  de 
l'édifice  n'appartient  pas  à  l'Observatoire,  mais  sert  aux  infir- 
meries de  l'Hôpital  militaire  qui  est  en  contre-bas  de  1  Observa- 
toire. 

De  tout  cet  édifice  il  n'y  a  que  deux  ailes,  passablement 
exiguës  d'ailleurs,  qui  soient  très  solidement  voûtées,  et  qui 
présentent  une  stabilité  considérable.  L'une  d'elles  est  occupée 
par  la  salle  méridienne,  l'autre  par  la  coupole. 

Malheureusement,  le  grand  corps  de  bâtiment  n'est  pas  voûte, 
de  sorte  que  cette  partie  de  la  terrasse  ne  permet  pas  l'établisse- 
ment d'instruments  sinon  sur  le  pourtour  formé  par  de  grosses 
murailles.  La  terrasse  du  nord-ouest  est  voûtée,  mais  sa  voûte  a 
peu  de  solidité  et  en  outre  elle  est  relativement  basse  et  un  peu 
dominée  par  les  toitures  des  constructions  voisines,  notamment 
de  la  chapelle  de  l'Hôpital  militaire,  que  dominent  au  contraire 
les  terrasses  du  sud. 

Cette  disposition,  comme  il  est  aisé  de  le  voir,  n'est  guère 
favorable  à  l'établissement  d'un  Observatoire,  et  l'espace  est 
absolument  insuffisant  pour  la  totalité  des  instruments  de  1  Obser- 
vatoire impérial;  aussi,  depuis  longtemps,  a-t-on  reconnu  la 
nécessité  absolue  de  transférer  l'Observatoire  sur  un  terrain  plus 
vaste  et  dans  de  meilleures  conditions,  ce  dont  on  s  occupe  acti- 
vement en  ce  moment. 

Parmi  les  instruments  qui  constituent  le  vaste  matériel  de 
l'Observatoire  impérial  nous  citerons  les  suivants  : 

Une  lunette  astronomique  de  34  centimètres  d'ouverture  et  de 
8-30  de  distance  focale.  Cet  instrument  n'a  pu  encore  être  monte, 
faute  de  place.  VÉqualorial  de  24  centimètres  d'ouverture  et  de 
A  mètres  de  distance  focale,  dont  l'objectif  a  été  travaille  par 
MM.  Henry,  de  l'Observatoire  de  Paris,  par  la  méthode  des  retou- 

1.  Cette  notice  a  été  rédigée  par  le  savant  directeur  de  cet  établissement, 
M.  L.  Cruls. 


INSTRUCTION   PUBLIQUE.  581 

ches  locales,  et  est  doué  de  qualités  optiques  tout  à  fait  supé- 
rieures. Un  photo-héliographe  de  4  pouces  d'ouverture,  sorti  des 
ateliers  de  Steinheil,  de  Munich,  et  offert  à  l'Observatoire  par 
M.  Luiz  da  Rocha  Miranda,  premier  astronome  à  l'Observatoire. 
Une  lunette  méridienne  de  4  pouces  d'ouverture,  de  Dollond.  Un 
Cercle  mural  de  4  pouces  d'ouverture,  également  de  Dollond.  Le 
cœlostat,  instrument  de  grandes  dimensions,  monté  parallactique- 
ment  et  destiné  aux  observations  d'astronomie  physique  de  toute 
nature.  L'image  d'un  point  quelconque  du  ciel,  et  non  plus  seule- 
ment le  soleil  comme  dans  l'héliostat,  peut  être  rendue  fixe  dans 
cet  instrument,  dont  le  télescope  a  40  centimètres  d'ouverture.  Il 
est  en  outre  muni  d'un  télescope  à  objectif  à  verres  noirs  pour  le 
soleil,  et  son  emploi  facilite  l'installation  d'appareils  ad  hoc,  tels 
que  spectroscopes,  photomètres,  appareils  de  photographie,  etc. 
Cet  appareil  n'est  pas  non  plus  monté,  toujours  à  cause  du  défaut 
de  place  dans  l'édifice  actuel. 

Outre  ces  instruments,  l'Observatoire  en  possède  encore 
d'autres,  ainsi  que  des  appareils  que  nous  nous  bornerons  à  énu- 
mérer  rapidement,  tels  que  :  le  Grand  Âzimutal,  Y  Ait-azimut  qui 
figure  en  ce  moment  même  à  l'Exposition,  une  lunette  zénithale 
munie  d'un  micromètre  de  Porro,  plusieurs  lunettes  de  six  et  quatre 
pouces  d'ouverture,  une  riche  collection  d'instruments  destinés 
à  des  travaux  géodésiques  et  topographiques,  des  télescopes  et, 
finalement,  un  grand  nombre  d'appareils  divers  pour  la  spectros- 
copie,  photométrie,  polariscopie,  photographie,  etc.,  ainsi  que 
plusieurs  pendules  et  chronomètres. 

Nous  terminerons  la  nomenclature  du  matériel  de  l'Observa- 
toire, en  faisant  une  mention  spéciale  de  YEquatorial  photogra- 
phique, en  ce  moment  en  construction  dans  les  ateliers  de 
M.  Gautier.  Cet  instrument,  construit  aux  frais  de  S.  M.  l'Empe- 
reur Dom  Pedro  II,  permettra  à  l'Observatoire  de  Rio-de-Janeiro 
de  prendre  part  au  lever  de  la  carte  du  ciel,  pour  lequel  s'est 
tenu  en  1887,  à  l'Observatoire  de  Paris,  un  congrès  astro-photo- 
graphique  international. 

Seul  de  sa  nature,  dans  le  vaste  empire  du  Brésil,  on  conçoit 
que  la  mission  réservée  à  l'Observatoire  impérial  de  Rio-de- 
Janeiro,  ne  doit  pas  exclusivement  se  borner  à  l'exécution  de 
travaux  d'astronomie  de  position.  Cet  établissement  doit  également 
diriger  ses  investigations  dans  les  différentes  branches  des 
sciences  d'observation,  telles  que  l'astronomie  physique,  la  phy- 
sique du  globe,  la  météorologie,  etc.  C'est   ainsi  que   dans  ces 


582  LE     BRÉSIL     ES     18S9. 

derniers  temps,  ont  été  initiées  par  l'observatoire  de  Rio-de- 
Janeiro  des  recherches  sur  L'analyse  micrographique  de  l'air,  en 
se  servanl  des  appareils  du  docteur  Miquel,  de  l'Observatoire  de 
Montsouris.  Des  photographies  microscopiques,  exécutées  par 
M.  Henri  Mo  riz  e,  astronome  de  l'Observatoire,  et  représentant 
iVuuc,  manière  admirable  les  figures  de  Widmanstaetten  que 
montre  La  laineuse  météorite  holosidère  de  Bendegô  (Bahia,  pro- 
vince du  lirésil)  sont  dignes  d'une  mention  toute  particulière. 

Nous  ne  pouvons  également  laisser  de  signalée  les  observations 
sur  l'électricité  atmosphérique,  les  premières  qui  aient  été  faites 
dans  l'Amérique  du  Sud,  et  commencées  à  l'observatoire  de  Rio 
dans  Le  courant  de  cette  année  (1888;.  Malheureusement,  en  ce 
qui  concerne  ces  travaux  ainsi  que  ceux  du  magnétisme  terre-Ire. 
le  local  dont  on  dispose  est  absolument  insuffisant  et  défectucuxy 
et  ils  ne  pourront  être  sérieusement  et  définitivement  entrepris 
que  dans  le  nouveau  local.  Rappelons  encore  ici  la  part  que 
l'Observatoire  impérial  de  Rio-de- Janeiro  a  prise  dans  l'observa- 
tion du  dernier  passage  de  Vénus  et  pour  laquelle  avaient  été 
envoyées  trois  missions  scientifiques  ;  Tune  à  l'île  Saint- 
Thomas  Antilles)  sous  la  direction  du  contre-amiral  Baron  de 
Telle,  directeur  du  bureau  hydrographique  du  Brésil  ;  une  autre 
à  Pernambuco,  sous  la  direction  de  M.  Lacaille,  astronome  à 
l'Observatoire  de  Rio;  et  une  troisième  dans  le  détroit  de  Magellan, 
sous  la  direction  de  M.  Cruls,  directeur  de  l'Observatoire  impérial 
de  Rio-de-Janeiro.  Ces  observations  ont  fourni  pour  la  parallaxe 
du  soleil  la  valeur  8"808. 

Nous  terminerons  cette  très  courte  notice  sur  l'Observatoire 
impérial  de  Rio-de-Janeiro,  par  la  liste  des  principales  publica- 
tions parues  jusqu'ici  :  Annales  de  VObservatoirc  Impérial,  format 
grand  in-4°,  tomes  I,  II,  III,  IV;  Annuario  do  Impérial  Observa- 
torio,  format  in-12,  1885,  1880,  1887,  1888,  1889;  Revista  do 
Observatorio  (revue  mensuelle),  format  gr.  in-8°,  années  1886, 
1887,  1888,  188'.);  Bulletin  de  l'Observatoire  impérial,  mémoires, 
notices,  etc.,  etc.  (format  gr.  in-8",  années  1881,  1882,  1883.) 

Bureau  hydrographique1.  —  C'est  en  1859  seulement  qu'on 
a  créé  une  chaire  d'hydrographie  à  l'École  de  marine  de  Rio-de- 
Janeiro.    C'est  le  30  juin   1862  seulement  que  le  Ministre  de  la 

1.  Cette  partie  a  été  écrite  par  M.  le  contre-amiral  Baron  de  Teffé,  di- 
recteur de  ce  bureau. 


INSTRUCTION   PUBLIQUE.  583 

marine  a  rendu  an  arrêté  nommant  doux  Jeunes  officiers  pour 
rectifier  la  carte  côtière  du  Brésil  et  lever  les  plans  des  ports  au 
sud  de  Rio-de-Janeiro,  en  leur  donnant  des  instructions  destinées 
à  rend  ré  uniforme  l'échelle  et  à  établir  la  méthode  à  suivre. 
.l'étais  l'un  de  ces  officiers,  et  l'autre  était  le  commandant  Vital 
d'Oliveira.  Deux  canonnières,  VYpiranga  et  YAraguary,  avaient 
été  mises  à  notre  disposition. 

Jusque-là  les  travaux  hydrographiques  nationaux  se  ressen- 
taient des  mêmes  inconvénients  qu'on  observait  dans  ceux  de 
l'étranger.  Ils  constituaient  des  efforts  individuels  dignes  d'en- 
couragement, mais  ils  ne  méritaient  pas  la  confiance  entière  des 
navigateurs.  Aussi,  en  1864,  l'éminent  hydrographe  français,  le 
contre-amiral  Mouchez,  écrivait-il  ces  lignes  au  commandant  de 
VAraguary  :  «  J'ai  reçu  vos  belles  cartes  de  Sainte-Catherine  et 
je  vous  félicite  très  vivement,  parce  que  (je  l'avoue  entre  nous), 
c'est  la  première  fois  que  je  vois  une  carte  brésilienne  réellement 
bien  faite.  » 

Le  commandant  Vital  d'Oliveira  s'occupait  de  la  cote  située 
entre  Rio-de-Janeiro  et  le  rio  San-Francisco,  et  moi,  de  la  cote 
située  entre  Rio-de-Janeiro  et  l'extrémité  méridionale  de  Rio- 
Grande-du-Sud.  Peut-être  eussions-nous  mené  à  bonne  fin  notre 
tâche  si,  au  moment  même  où  nous  commencions  à  travailler 
avec  un  véritable  enthousiasme,  d'autres  devoirs  ne  nous  avaient 
pas  forcés  à  renoncer  à  notre  mission.  La  guerre  entre  le  Brésil 
et  le  Paraguay  venait  d'éclater  et  nous  réclamait  avec  nos  ca- 
nonnières. Les  plans  commencés  furent  remisés  dans  les  archives, 
les  instruments  astronomiques  et  géodésiques  retournèrent  à 
leurs  armoires,  et  le  canon  et  l'épée  remplacèrent  le  théodolite 
et  la  lunette  méridienne.  Non  seulement  la  guerre  interrompit 
nos  travaux  pacifiques,  mais  elle  nous  enleva  aussi  l'intelligent 
et  actif  chef  de  notre  commission  hydrographique,  le  comman- 
dant Vital  d'Oliveira,  mort  glorieusement. 

Pendant  cinq  ans  il  devint  impossible  de  songer  à  reprendre 
ces  travaux.  Après  la  guerre,  je  dus  accepter  une  mission  bien 
différente,  et  je  fus  chargé  de  démarquer  définitivement  la  fron- 
tière du  Brésil  avec  le  Pérou. 

Jusqu'en  1876,  l'histoire  de  l'hydrographie  au  Brésil  se  ré- 
suma donc  en  quelques  tentatives  isolées,  qui  n'en  donnèrent 
pas  moins  des  résultats  appréciables,  publiés,  d'ailleurs,  par  les 
soins  du  gouvernement  impérial. 

Ces  travaux,  tout  modestes  qu'ils  fussent,  servirent  de  base 


584  LE     BRÉSIL     EN     1SS9. 

à  la  création  du  bureau  hydrographique  actuel,  fonde  par  un 
décrel  en  date  du  26  février  1870.  Avec  le  temps,  ce  bureau  ;i 
pris  quelque  développement.  Aujourd'hui,  on  y  trouve,  dans 
les  quinze  grandes  armoires  vitrées  et  dans  les  quatre  biblio- 
thèques qui  garnissenl  les  trois  salons  de  l'édifice  où  il  est  établi, 
environ  dix-sept  mille  exemplaires  de  cartes  hydrographiques 
parfaitement  installées  et  classées.  Les  archives  du  bureau  pos- 
sèdent en  outre  différentes  cartes  géographiques  du  siècle  der- 
nier et  une  importante  collection  d'autographes,  sans  parler 
d'itinéraires  de  la  côte  et  d'une  quantité  considérable  de  bro- 
chures renfermant  des  informations  sur  lotîtes  les  mers. 

Voici  la  liste  assez  complète  des  cartes  et  plans  levés  derniè- 
rement: la  côte  et  le  port  de  Sanlos;  la  baie  d'Antonina  et  de 
Paranaguâ,  la  côte  de  Cabo-Frio  avec  ses  ancrages,  les  anses 
d'Imbétiba  et  de  Macahé,  les  ancrages  de  la  l>;u'e  de  San-Marcos 
dans  Maranhào,  les  ancrages  de  l'Ilha-Grande  [la  Grande-Ile), 
le  port  et  la  barre  de  Laguna,  la  barre  d'Itajahy,  le  port  de  San- 
Francisco-du-Sud,  la  barre  d'Icapâra,  le  canal  des  Abrolhos, 
avec  la  détermination  de  nouveaux  bancs  de  corail,  etc. 

Le  bureau  hydrographique  a  accompli  également  des  travaux 
hydrauliques  d'une  certaine  importance  :  il  a  été  chargé  de  faire 
raser  la  grande  roche  sous -marine  des  Outeirinhos  dans  le  canal 
d'entrée  du  port  de  Santos,  et  de  faire  désobstruer  la  barre  du 
port  de  Cabo-Frio. 

Dans  un  autre  ordre  d'idées,  il  a  procédé  aux  études  sur  l'amé- 
lioration du  port  d'Antonina  pour  la  station  où  aboutit  le  chemin 
de  fer  de  Paranâ,  et  il  a  été  appelé  à  donner  son  avis  au  sujet  de 
l'accessibilité  du  port  de  Maranhào  pour  les  grands  navires  du 
tonnage  des  paquebots  qui  font  le  service  entre  l'Amérique  du 
Nord  et  le  Brésil. 

Enfin,  il  s'est  livré  à  des  travaux  astronomiques,  tels  que  les 
observations  transcendantes  faites  dans  l'île  de  Saint-Thomas, 
aux  Antilles,  à  l'occasion  du  passage  de  Vénus (6 décembre  1882). 
Le  rapport  sur  cette  observation  a  mérité  d'être  signalé  dans  les 
comptes-rendus  de  l'Académie  des  sciences  de  Paris. 

Il  s'est  occupé  de  la  détermination  des  longitudes  de  diffé- 
rents points  de  la  cote  du  Brésil  au  moyen  de  la  transmission 
électrique  de  l'heure,  et  la  précision  de  ce  travail  a  attiré  égale- 
ment l'attention  de  l'Académie  des  sciences  de  Paris. 

Le  bureau  hydrographique  n'a  qu'un  seul  petit  aviso  à  vapeur 
a  sa  disposition,    et  son    personnel  scientifique   se   compose  des 


INSTRUCTION    PUBLIQUE.  583 

officiers  suivants  :  le  contre-amiral  baron  de  Tefié,  le  capitaine 
de  frégate  José  Maria  do  Nascimcnto,  le  capitaine  de  corvette 
F.  Calheiros-da-Graça,  et  le  capitaine  Arthur  ïndio-do-Brazil. 

Tous  les  amis  de  la  science  font  des  vœux  pour  que  le  parle- 
ment élargisse  le  tableau  du  personnel  du  bureau,  et  lui  fournisse 
les  moyens  de  rendre  un  nouveau  service  à  la  navigation  de  tous 
les  pays,  en  confectionnant  une  carte  exacte  de  l'immense  côte 
de  l'empire. 

Bureau  central  météorologique  et  administration  des 
phares.  —  C'est  l'empereur  Dom  Pedro  qui,  personnellement,  a 
fourni  les  sommes  nécessaires  pour  la  construction,  sur  le  morne 
de  Santo-Antonio,  à  Rio-de-Janeiro,  d'une  première  station 
météorologique.  Le  parlement  a  fourni  les  crédits  pour  la  rétri- 
bution du  personnel  et  frais  généraux.  Le  bureau  central  a  été 
institué  par  un  décret  en  date  du  4  avril  1888,  et  il  fonctionne 
depuis  trop  peu  de  temps  pour  qu'on  puisse  en  apprécier  les 
résultats. 

L'Administration  des  phares  a  à  sa  charge  toute  l'illumina- 
tion des  côtes  du  Brésil,  et  ce  service  est  fort  bien  fait,  sous 
la  direction  du  capitaine  de  frégate  P.-B.  de  Cerqueira  Lima. 

A  côté  de  cet  enseignement  supérieur,  distribué  par  des  écoles 
spéciales,  il  existe  un  enseignement  plus  spécial  encore,  dont  il 
nous  reste  à  nous  occuper. 

11  est  donné  dans  des  établissements  fondés  par  l'État,  par 
les  provinces  ou  par  les  particuliers,  subventionnés  ou  non  par 
l'État  ou  par  les  administrations  provinciales. 

Établissements  de  l'État.  —  D'après  le  nouveau  règlement, 
expédié  en  mars  1889,  il  y  a  trois  écoles  militaires  :  Tune  à  Rio-de- 
Janeiro,  l'autre  à  Porto-Alegre,  et  une  autre  à  Fortaleza.  Celle-ci 
est  un  simple  externat. 

L'enseignement  de  ces  écoles  se  compose  de  deux  cours  :  le 
cours  préparatoire  et  le  cours  d'infanterie  et  de  cavalerie.  Le 
cours  préparatoire  est  purement  théorique  et  dure  trois  années. 
Le  cours  d'infanterie  et  de  cavalerie  dure  deux  années. 

On  vient  de  créer  à  Rio  une  École  supérieure  de  guerre,  externat 
destiné  à  donner  l'instruction  théorique  et  pratique  aux  officiers 
qui  se  seront  le  plus  distingués  dans  les  écoles  militaires  et  qui 
auront  été   proposés  pour  suivre  les  cours  supérieurs.  Ces  cours 


586  LE      BRÉSIL     EN      1889. 

supérieurs  comprennent  L'artillerie,  L'état-major  et  le  génie  mili- 
taire.  Les  cours  d'artillerie  sont  répartis  dans  Les  deux  premières 
années,  et  Les  cours  d'état-major  et  de  génie  embrassent  quatre 
années. 

D'après  le  nouveau  règlement,  il  y  a  tout  les  ans  un  concours 
par  devant  l'assemblée  des  professeurs  de  L'École  supérieure  :  trois 
des  meilleurs  élèves  seront  envoyés  en  Europe,  après  concours, 
pour  y  compléter  Lçur  instruction  militaire.  —  L'école  de  Porto- 
Alegre  possède,  à  côté  des  cours  de  cavalerie,   celui  d'artillerie. 

L'École  de  marine  de  Rio  possédait  également  un  cours  pré- 
paratoire,  le  Collège  naval;  mais  l'école  et  le  collège  ont 
fusionné,  en  vertu  du  règlement  du  26  juin  1886,  et  forment 
L'École  navale.  Pendant  Tannée  1888,  le  Cours  supérieur  de  cette 
École  a  été  fréquenté  par  62  élèves,  le  cours  préparatoire  par  145 
et  Le  cours  de  nautique  par  3  élèves.  Le  cours  préparatoire  com- 
prend trois  années,  comme  le  cours  supérieur.  La  quatrième 
année  est  consacrée  à  des  voyages  d'instruction. 

Nous  ne  citerons  que  pour  mémoire:  l'Académie  des  beaux- 
arts,  fréquentée,  Tannée  dernière,  par  (32  élèves  et  25  élèves 
libres  ;  le  Conservatoire  de  musique,  fréquenté  en  1887  par  181 
élèves  et  49  élèves  libres  ;  l'Asile  de  l'enfance  abandonnée 
(Meninos  Desvalidos)  ;  l'Institut  des  enfants  aveugles,  qui,  en 
1887,  comptait  56  élèves  ;  l'Institut  des  sourds-muets,  qui,  pen- 
dant la  même  année,  eut  33  élèves,  etc.,  etc. 

Établissements  provinciaux.  —  Un  certain  nombre  de 
provinces  entretiennent  des  établissements  d'enseignement 
technique  assez  bien  dotés. 

La  province  de  l'Amazone  possède  une  école  professionnelle 
où  sont  élevés  à  ses  frais  et  où  reçoivent  l'instruction  élémentaire 
et  professionnelle  environ  150  enfants.  La  même  province  a  un 
Asile  pour  les  orphelines  et  elle  subventionne  largement  un 
Musée  botanique. 

A  Para,  il  y  a  également  une  école  professionnelle  qui  ren- 
ferme 92  élèves  internes  entretenus  par  la  province. 

A  Minas-Geraes,  on  trouve  :  dans  le  chef-lieu,  Ouro-Preto, 
un  cours  de  pharmacie  :  à  Serro,  un  petit  lycée  d'arts  et  métiers  ; 
à  Piracicaba,  une  École  d'agriculture. 

Dans  d'autres  provinces,  on  trouve  des  établissements  analo- 
gues. 


INSTRUCTION   PUBLIQUE.  587 

Établissements  privés.  —  Deux  de  ces  établissements  méri- 
tent une  mention  spéciale  pour  leur  organisation  et  pour  les 
services  réels  qu'ils  rendent. 

Le  premier  se  trouve  à  Rio-de-Janeiro.  Sous  le  nom  de  Lycée 
d'arts-et-métiers,  il  a  groupé  un  ensemble  de  professeurs  hors 
ligne,  qui  donnent  renseignement  le  plus  varié  et  le  plus  com- 
plet sans  aucune  rétribution.  Les  étrangers  et  les  nationaux 
y  sont  admis  gratuitement.  Il  possède  pour  le  sexe  féminin  des 
cours  admirablement  organisés  et  fréquentés  par  un  grand 
nombre  de  jeunes  filles  de  toutes  les  classes.  Installé  dans  un 
bâtiment  magnifique,  pourvu  de  collections  et  de  tout  l'appareil 
nécessaire  à  renseignement,  ce  Lycée,  œuvre  de  M.  Béthencourt 
da  Silva,  est  alimenté  principalement  par  les  ressources  des  par- 
ticuliers, quoique  l'État  Jui  accorde  une  subvention,  et  que  l'un 
des  derniers  ministres  libéraux,  M.  le  conseiller  Rodolpho  E.  de 
Souza  Dantas,  se  soit  acquis  une  popularité  légitime  en  le  dotant 
largement.  Ce  Lycée,  dont  les  Brésiliens  sont  fiers  à  bon  droit, 
n'a  peut-être  pas  d'analogue  ailleurs,  et,  en  1887,  il  a  été 
fréquenté  par  2.144  élèves  des  deux  sexes. 

Le  second  se  trouve  à  San-Paulo.  C'est  également  un  Lycée 
d'arts  et  métiers,  qui  donne  l'instruction  gratuite,  tous  les  ans, 
à  une  moyenne  de  600  élèves. 

En  terminant,  il  faut  encore  citer  la  Société  protectrice  de 
l'industrie  nationale,  de  Rio  (Sociedade  Auxiliadora  da  Industria 
Nacional).  Ses  cours  du  soir  et  son  école  industrielle  ont  été 
fréquentés  en  1888  par  157  élèves.  Elle  publie,  depuis  bientôt 
soixante  ans,  une  revue  :  0  Auxihador  da  Industria  Nacional, 
qui  a  rendu  les  plus  grands  services  au  pays. 

Telles  sont  les  indications  sommaires  que  l'on  peut  fournir 
sur  l'instruction  publique  au  Brésil.  De  l'ensemble  des  données 
que  nous  avons  présentées,  il  résulte  que  l'instruction  publique 
est  l'objet  de  la  préoccupation  constante  et  éclairée  de  tous  les 
citoyens  et  de  toutes  les  administrations  provinciales  et  munici- 
pales, qui  ne  se  déchargent  pas  de  ce  soin  sur  le  pouvoir 
central. 

En  1883,  une  exposition  pédagogique  internationale  a  été 
organisée  à  Rio-de-Janeiro.  Cette  exposition  a  été  couronnée  de 
succès,  quoique  ses  organisateurs  n'aient  dû  compter  que  sur  les 
ressources  fournies  par  des  particuliers.  Un  musée  scolaire  per- 


LE     BRÉSIL     EN     18  89. 

manent  a  été  établi  à  La  suite  do  cette  exposition  et  est  entre- 
tenu par  une  société  (Associaç&o  Mantenedora  do  Museo  Escolar 
nacional),  présidée  par  Monseigneur  le  Comte  d'Eu.  Ce  musée, 
qui  possède  aujourd'hui  une  bibliothèque  avec  7.000  volumes,  de 
nombreux  échantillons  de  mobilier  scolaire  et  plus  de  900 
groupes  d'objets,  est  dû  en  grande  partie  à  la  protection  de 
Monseigneur  le  Comte  d'Eu,  aux  efforts  d'un  ministre  libé- 
ral, M.  le  Baron  de  Loreto,  aux  contributions  de  quelques 
citoyens  généreux  et  aux  largesses  d'un  grand  nombre  d'éditeurs 
(étrangers. 

En  constatant  tout  ce  que  le  Brésil  a  déjà  réalisé  pour  l'ins- 
truction publique,  on  a  quelque  raison  de  croire  que  désormais 
l'enseignement  à  tous  les  degrés  y  va  prendre  un  nouvel  essor. 
Certes,  bien  des  lacunes  restent  encore  à  combler:  l'instruction 
technique  n'est  pas  encore  assez  développée,  l'instruction  géné- 
rale n'est  pas  encore  assez  répandue,  les  institutions  et  les 
maîtres  sont  insuffisants  sur  plus  d'un  point,  et  par  le  nombre  et 
par  les  capacités.  Mais,  si  l'on  considère  le  point  de  départ  et  les 
résultats  obtenus,  on  est  obligé  de  reconnaître  qu'un  grand  pas 
a  été  fait  dans  la  bonne  voie,  et  que  le  Brésil  n'est  pas  tout  à 
fait  en  retard  sur  la  civilisation  européenne. 

Tableau  des  dépenses  votées  pour  l'Instruction  Publique  dans  tout 
l'Empire  pendant  V exercice  financier  l  S 8 6-1  887,  d'après  la 
Rcvista  Sul-Americana : 

Amazonas 290  contos. 

Para 676  — 

Maranhâo 177 

Piauhy 54  — 

CeanU 199  — 

Rio-Grande-du-Nord 128  — 

Parahyba 119  — 

Pernambuco 1.002  — 

Alagôas 207  — 

Sergipe 148 

Bahia 561  — 

Espirito-Santo 94  — 

Uio-de-Janeiro  (province) 970  — 

.1  repoi 'ter.    .    .    .     4.631  contos 


INSTRUCTION   PUBLIQUE.  589 

Report.    .    .    .  4.631  contos  ■ 

Rio-de-Janeiro  (ville) 955  — 

San-Paulo 789  — 

Parané 163  — 

Santa-Gatharina 100  — 

Rio-Grande-du-Sud 523  — 

Minas-Gcraes 968  — 

Goyaz 61  — 

Matto-Grosso 48  — 

Total 8.238   contos 

soit  23.500.000  francs. 


CHAPITRE  XX 


LITTÉRATURE 


Par     M.     F.-J.     DE     SANTA-ANNA     NERY 


Il  y  a  soixante  ans  à  peine,  la  littérature  brésilienne  n'était 
guère  qu'un  mince  ruisseau  dont  les  eaux  allaient  se  perdre 
obscurément  dans  le  vaste  courant  de  la  littérature  portugaise. 

Dès  le  milieu  du  xvic  siècle,  cinquante  ans  après  la  décou- 
verte, il  est  possible,  néanmoins,  d'y  apercevoir  des  flots  qui 
semblent  refléter  un  coin  du  ciel  des  tropiques.  En  effet,  quelques- 
uns  des  naturels  de  la  colonie  portugaise  de  l'Amérique  du  Sud 
gardent  un  ton  de  terroir  qui  décèle  leur  origine  transatlantique, 
malgré  le  milieu  européen  qui  déteint  sur  eux  puissamment.  Dès 
cette  époque,  on  cite  des  noms  que  le  Brésil  revendique. 

Au  XVIe  siècle,  parait  Bento  Teixeira  Pinto,  poète  et  prosateur 
qui  avait  vu  le  jour  à  Pernambuco  (1540). 

Le  xviic  siècle  est  plus  fécond.  On  voit  alors  :  Euzebio 
de  Mattos  (1627-1692),  de  Bahia,  prédicateur,  poète,  musicien, 
dessinateur,  graveur,  dont  il  ne  subsiste  guère  que  quelques 
sermons  estimés  ;  Gregorio  de  Mattos  (1633-1696),  de  Bahia,  frère 
d'Euzebio,  véritable  Rabelais  brésilien,  célèbre  autant  pour  sa 
verve  satirique  que  pour  sa  vie  agitée  ;  Manoel  Botelho  de  Oliveira 
(1636-1711),  également  de  Bahia,  élevé  à  Coïmbre,  en  Portugal, 
auteur  de  la  «  Musique  du  Parnasse,  divisée  en  quatre  chœurs 
de  rimes  portugaises,  castillanes,  italiennes  et  latines  »  ;  Paulo  da 
Trindade  (1571-1651),  de  Macahé,  mort  à  Gôa,  dont  on  connaît  la 
«  Conquête  spirituelle  de  l'Orient  »,  racontant  les  travaux   des 


592  LE     BRÉSIL     EN     1889. 

missionnaires  pour  La  conversion  des  infidèles  depuis  le  Cap  de 
Bonne-Espérance  jusqu'aux  lies  du  Japon;  Francisco  de  Souza 
(1628-1713),  né  à  Bahia  et  mort  aussi  à  Gôa,  qui,  dans  «  L'Orient 
conquis  »,  a  donné  quelques  notices  sur  son  pays  d'origine  ;  Diogo 
Gomes  Carneiro  (1628-1676),  de  Rio-de- Janeiro,  qui  lui  chroni- 
queur général  du  Brésil  avec  une  pension  royale;  José  Borges  de 
Barros  (1657-1719),  de  Bahia,  qui  a  laissé,  à  côté  de  gros  traités 
canoniques,  une  comédie  «  La  constance  triomphante  »  et  des 
«  Conclusions  amoureuses  »;  et  surtout  Jaboatâo  (1675-1763)  et 
Hocha  Pitta  (1660-1738),  de  Bahia,  dont  le  premier  fut  un  chro- 
niqueur consciencieux  et  le  second  eut  le  mérite  d'écrire  la  pre- 
mière histoire  du  Brésil. 

Au  xviii6  siècle,  le  nombre  des  écrivains  brésiliens  s'accroît 
encore,  quoique  leur  valeur  soit  relative,  comme  il  est  facile  de 
le  comprendre. 

Lorsqu'il  s'agit  d'une  jeune  nation,  il  faut  tenir  compte  de  la 
lenteur  des  évolutions  historiques  et  de  la  difficulté  que  rencontre 
forcément  la  diffusion  des  lumières  chez  un  peuple  à  l'aurore  de 
son  existence.  Les  vieilles  nations  de  l'Europe  ont  mis  des  siècles 
à  sortir  des  langes  de  l'enfance  intellectuelle,  et  c'est  à  peine  si 
quelques-unes  d'entre  elles  ont  atteint  la  puberté  pendant  le 
moyen  âge.  Au  Brésil,  dès  le  xviii0  siècle,  on  est  même  sur- 
pris de  trouver  quelques  talents  qui  se  font  jour  malgré  toute 
sorte  d'obstacles.  Il  produit,  néanmoins,  un  auteur  dramatique 
original,  Antonio  José  da  Silva  (1705-1739),  né  à  Rio-de-Janeiro, 
et  brûlé  à  Lisbonne  comme  juif,  et  enfante  quelques  écrivains 
dont  les  noms  ont  survécu:  José  de  Santa-Rita  Durào  (1718-1784), 
de  Minas-Geraes,  élevé  en  Portugal,  ayant  voyagé  en  Espagne  et 
en  Italie,  écrit  son  «  Caramurû  »,  poème  épique,  coulé  dans  le  moule 
des  «  Lusiades  »;  il  roule  sur  un  épisode  légendaire  de  la  décou- 
verte du  Brésil,  et  M.  Eugène  Par ay  de  Monglave  l'a  traduit  en 
français  ;  Claudio  Manoel  da  Costa  (1729-1789),  de  Minas,  écrit 
un  autre  poème,  «  Villa-Ricca  »  et  chante  le  pays  natal  dans  la 
«  Rivière  duCarmo»;  José  Basilio  da  Gama  (1740-1795),  compose 
également  un  beau  poème,  «  Uraguay  »;  Ignacio  José  de  Alva- 
renga  Peixoto  (1748-1793),  le  protégé  de  Poinbal,  fait  des  poésies 
lyriques  estimées  ;  et  Thomaz  Gonzaga  (1741-1809),  le  plus  grand 
de  tous,  jette  dans  ses  vers,  pleins  d'amour  suave,  un  grain  de 
parfum  brésilien. 

A  coté  d'eux,  d'autres  noms  méritent  une  mention  spéciale: 
Yicente  Coelho  deSeabra(1765-1804),  de  Minas,  aussi  bon  chimiste 


LITTERATURE.  593 

que  patriote  et  écrivain;  José  MarianodaConceiçaoVelloso(1742- 
1811)  ;  de  Minas-Geraes,  botaniste  dont  la  «  Flora  Fluminensis  » 
suffit  pour  perpétuer  le  nom  ;  Antonio  Percira  de  Souza  Galdas 
|  1762-1814),  poète  qui  sut  trouver  parfois  des  accents  patriotiques. 
Deux  poètes,  nés  au  siècle  dernier  et  morts  au  milieu  du 
xixc  siècle,  se  rattachent  aux  précédents  par  leurs  tendances,  ce 
sont  :  Domingos  Borges  de  Barros,  vicomte  de  Pedra-Branca 
(1780-1855),  de  Bahia,  qui  a  laissé,  entre  autres  œuvres,  deux 
volumes  de  «  Poésies  dédiées  aux  dames  brésiliennes  »,  et  un 
petit  poème  :  «  Les  Tombeaux  »;  et  José  da  Natividade  Sadanha 
(1796-1830),  de  Pernambuco,  doux  poète,  patriote  ardent,  mort 
en  exil. 

Maisle  véritable  mouvement  littéraire  brésilien  date  de  l'époque 
de  notre  indépendance  politique  (1822).  Auparavant,  nos  poètes 
allaient  puiser  leurs  principales  inspirations  en  Europe,  et  c'est 
comme  malgré  eux  que  la  fibre  nationale  résonnait.  C'est  ainsi 
qu'en  lisant  les  poésies  de  Gonzaga  et  d'Alvarenga  Peixoto,  aussi 
bien  que  les  poèmes  de  Basilio  da  Gama  et  de  Claudio  Manoel  da 
Costa,  on  a  l'impression  qu'une  nouvelle  école  va  surgir.  Leurs 
bergers  ont  beau  se  réclamer  de  l'Arcadie,  on  voit  bien  que  les 
brebis  qu'ils  mènent  à  des  pâturages  imaginaires  se  sont  alimen 
tées  des  herbages  gras  de  Minas-Geraes.  Néanmoins,  les  uns  et  les 
autres  restent  Portugais  autant  par  la  forme  classique  que  par 
le  tour  de  la  pensée,  lors  même  qu'ils  chantent  des  sujets 
nationaux. 

Au  moment  où  le  Brésil  proclama  son  indépendance,  le  roman- 
tisme était  dans  tout  son  apogée  en  France,  et  notre  enfance 
comme  nation  autonome  a  été  bercée  au  son  du  romantisme. 

De  longues  années  se  sont  écoulées  pour  nous  au  milieu  de 
cette  harmonie  étrangère  qui  faussait  l'esprit  national  et  retardait 
l'éclosion  d'une  mélodie  qui  fût  bien  à  nous. 

La  France  a  été  pour  nous  une  maîtresse  dont  nous  avons 
suivi  trop  docilement  les  leçons  ;  nos  principaux  hommes  de 
lettres  avaient  puisé  leur  instruction  à  Paris  môme  ou  passaient 
leur  vie  dans  la  fréquentation  presque  exclusive  des  auteurs 
français.  Cette  influence  s'est  étendue  jusqu'à  nos  jours. 

Depuis  quelque  temps,  une  nouvelle  école  a  tenté  de  remplacer 
la  direction  littéraire  française  par  l'orientation  allemande,  sans 
trop  réussir  dans  cette  tache.  Malgré  ses  efforts,  la  littérature 
française  conserve  son  prestige  parmi  nous,  et  l'homme  qui  doit 
ouvrir  à  notre   littérature   une   voie   absolument  nationale  ne 

38 


594  LE     BRESIL     EN     1889. 

semble  pas  encore  né.  Il  apparaîtra  sans  doute,  au  moment  voulu, 
comme  la  résultante  de  tous  les  efforts  de  la  génération  présente 
pour  donner  au  Brésil  une  physionomie  propre. 

L'homme  de  lettres,  l'ouvrier  intellectuel  qui  gagne  sa  vie  par 
un  labeur  exclusivement  littéraire,  esl  fort  rare  dans  un  paysoù, 
pendant  quelque  temps  encore,  il  n'est  pas  mauvais  que  Le  public 
donne  la  préférence  à  ceux  qui  travaillent  au  progrès  national 
dans  d'autres  branches  plus  positives  de  l'activité  humaine,  telles 
que  le  commerce,  l'industrie  et  l'agriculture.  Pour  l'instant,  chez 
nous,  on  est  parlementaire,  diplomate,  médecin,  avocat  et  litté- 
rateur par  dessus  le  marché. 

Nous  parcourions  dernièrement  une  liste  des  écrivains  qui  ont 
pris  part  à  la  séance  d'organisation  d'une  Société  des  gens  de  lettres, 
l'ondée  à  Rio-de-Janciro  le  30  août  1883  et  morte  presque  tout  de 
suite  après,  et  nous  étions  frappé  de  cette  constatation. On  y  voyait 
le  conseiller  J. -M.  Pereirada  Silva,  présentement  sénateur  <d  direc- 
teur de  la  Banque  du  Brésil  (né  à  Rio  en  1817;  ;  J.  Cardozo  de 
Mene/ese  Souza, baron  de  Paranapiacâba, ancien  député, directeur 
au  Trésor  national  (né  àSantosen4827);  Manuel  Jesuino,  directeur 
au  ministère  de  l'Empire  (né  à  Bahiaenl832);  Affonso  Celso  Junior, 
député  lié  à  Ouro-Preto  en  1860)  ;  J.  Severiano  da  Fonseca,  mé- 
decin (né  àAlagôas  en  1836);  J.-N.  de  Souza  e  Silva,  chef  de  bureau 
au  ministère  de  l'Empire  (né  à  Rio  en  1820);  le  conseiller Ladislau 
Netto,  directeur  du  Muséum  national  (né  à  Alagoas  en  1838)  ; 
J.  Franklin  da  Silveira  Tavora,  ancien  directeur  de  l'instruction 
publique  à  Pernambuco  (né  à  Céara  en  1842).  Tous,  à  l'exception 
de  M.  Sylvio  Roméro  (né  à  Sergipe  en  1852),  professeur  de  philo- 
sophie au  collège  impérial  de  Dom  Pedro  II,  étaient  des  fonction- 
naires administratifs  ou  des  parlementaires.  On  peut  compter 
sur  les  dix  doigts  ceux  qui  ont  fait  des  lettres  leur  carrière,  car, 
chez  nous,  les  lettres  ne  nourrissent  guère  leur  homme. 

Sans  remonter  à  nos  origines  et  en  nous  en  tenant  exclusive- 
ment aux  choses  de  notre  temps,  nous  allons  dresser  un  petit 
tableau,  d'ailleurs  à  peine  ébauché,  du  mouvement  littéraire 
contemporain  au  Brésil.  Bien  des  noms  seront  oubliés,  sans 
doute  ;  mais  notre  but  n'est  pas  de  faire  un  catalogue  embrassant 
toute  la  production  intellectuelle  des  cinquante  dernières  années  ; 
nous  voulons  tout  simplement  offrir  aux  étrangers  une  courte 
table  des  matières  qui  leur  permette  de  se  livrer  à  des  recherches 
ultérieures. 


LITTÉRATURE.  595 

Poésie.  —  le  premier  en  date  de  nos  poètes  contemporains 
esl  Domingos  José  Gonçalves  de  Magalhâes,  vicomte  d'Àraguaya 
(1811-1882),  dont  l'influence  a  été  extraordinaire  sar  la  génération 
qui  a  vécu  de  1840  à  1860.  L'apparition  de  ses  «  Soupirs  poéti- 
ques »  (1836)  fut  un  événement  ;  quelques-unes  des  poésies 
de  ce  recueil  (Waterloo,  la  prison  du  Tasse  à  Ferrare,  etc.),  ont 
un  grand  souffle  et  révèlent  une  haute  inspiration.  Ses  autres  poé- 
sies n'ont  pas  conquis  la  même  popularité.  Cependant,  son  poème 
épique  :  «  La  Confédération  des  Tamoyos  »,  semé  d'épisodes 
magnifiques,  paru  en  1857,  a  eu  les  honneurs  de  deux  belles 
traductions  en  italien  :  l'une  faite  par  M.  Riccardo  Ceroni,  l'autre 
par  le  comte  Stradella.  Magalhâes,  élevé  en  Europe,  à  Paris,  à 
l'époque  des  Cousin,  des  Jouffroy,  des  Guizot,  des  Lamartine,  des 
Hugo,  est  un  romantique,  et  toutes  ses  œuvres  respirent  une 
grande  foi  chrétienne  et  un  patriotisme  aussi  tendre  que  pas- 
sionné. 

A  coté  de  lui,  il  faut  placer  Antonio  Gonçalves  Dias  (1823-1864), 
né  à  Caxias,  poète  d'une  allure  vraiment  nationale  la  plupart  du 
temps.  La  publication  de  ses  «  Premiers  chants  »  (1847)  fut  saluée 
par  toute  la  presse  comme  une  révélation,  et,  en  Portugal, 
Alexandre  Herculano,  qui  était  alors  le  grand  pontife  des  renom- 
mées naissantes,  le  sacra  grand  poète.  En  1857,  il  fît  paraître  les 
«  Derniers  Chants  »,  et,  peu  après,  les  quatre  premiers  chants 
de  son  poème  «  les  Tymbiras  ».  Sa  lyre  —  en  ce  temps-là  on 
parlait  encore  de  lyre  —  avait  des  cordes  inconnues  et  patrio- 
tiques, et  ses  vers,  d'un  étrange  subjectivisme,  entraient  dans  la 
mémoire  du  peuple  comme  desairs  qu'il  avait  entendus  au  dedans 
de  lui-même. 

M.  de  Araujo  Porto  Alegre,  Baron  de  Santo-Angelo  (1806-1879), 
fut  un  versificateur  correct  et  érudit,  rempli  de  bonnes  inten- 
tions, mais  il  lui  manquait  le  souffle  qui  fait  les  poètes.  Il  a 
composé  de  nombreuses  poésies,  et  a  laissé  un  poème  épique  : 
«  Colomb  »,  dans  lequel  il  célèbre  longuement  la  découverte  de 
l'Amérique.  Cependant,  il  a  eu  le  mérite  de  chercher  et  de  trouver 
parfois  la  couleur  locale  américaine. 

D'autres  poètes  ont  marché  sur  les  traces  de  Magalhâes,  de 
Gonçalves  Dias  et  de  Porto-Alegre,  qui  tous  trois  ont  exercé  une 
grande  influence  sur  leurs  contemporains.  Aujourd'hui  encore, 
tandis  que  quelques-uns  s'efforcent  de  se  frayer  une  nouvelle 
route,  il  y  a  des  retardataires  qui  les  imitent  laborieusement,  car 


LK     BRÉSIL     EN     1889. 

au  Brésil  la  poésie  court  les  rues,  et  si  La  qualité  en  souffre  un 
peu,  on  se  ratrappe  sur  la  quantité. 

La  langue  se  prête  à  l'harmonie  des  mots  et  à  la  cadence 
des  phrases,  et  la  prosodie  n'exige  pas  ces  tours  de  force  des 
rimes  masculines  et  féminines  qui  rendent  la  poésie  française 
aussi  difficile  que  monotone.  Grâce  à  ces  sonorités  naturelles  de 
langage,  nous  avons  eu  des  improvisateurs  d'un  talent  réel,  tels 
que  Laurindo  Rabello  (1826-1864)  et  Moniz  Barretto  (1804-1868  . 
Les  poésies  du  premier  ont  été  recueillies  par  M.  J.  Norberto  de 
Souza  e  Silva.  Celles  du  second  ont  donné  lieu  à  une  belle  mono- 
graphie, publiée  en  1887  par  son  fils,  sous  ce  titre  :  «  Moniz 
Barretto  l'improvisateur  ».  Ces  improvisations  authentiques, 
tantôt  tendres  et  émues,  tantôt  spirituelles  et  patriotiques,  cons- 
tituent un  véritable  phénomène  et  demeurent  comme  l'un  des 
traits  caractéristiques  de  notre  peuple. 

Castro  Alves  (1847-1887),  enfant  de  Bahia  comme  Moniz  Barretto, 
a  été  un  imitateur  heureux  de  Victor  Hugo.  Les  vers  qu'il  a 
consacrés  à  dépeindre  le  triste  sort  des  esclaves  ont  été  autant 
de  pierres  portées  à  l'édifice  abolitionniste,  que  la  loi  du  13  mai 
1888  a  couronné.  Ses«  Écumes  flottantes  »  affronteront  peut-être 
les  orages  du  temps  sans  se  dissoudre,  et  son  «  Navire  noir  » 
a  porté  dans  ses  flancs  les  espérances,  aujourd'hui  réalisées,  d'une 
race  longtemps  opprimée. 

Alvares  de  Azcvedo  (1831-1852),  mort  jeune,  comme  ceux 
que  les  dieux  aiment,  a  laissé  des  poésies  d'un  sentiment  bien 
personnel  et  d'une  tendresse  qui  rappelle  parfois  certaines  pages 
d'Alfred  de  Musset. 

Fagundes  Yarella  (1841-1875),  né  à  Rio  et  mort  à  San-Paulo, 
est  l'un  des  plus  beaux  talents  poétiques  que  le  Brésil  ait  jamais 
produit.  Ses  «  Chants  de  la  solitude  et  de  la  ville  »,  son  «  Journal 
de  Lazare  »,  son  «  Évangile  dans  les  forêts  »,  ses  «  Voix  d'Amé- 
rique »  montrent  assez  qu'elle  perte  la  littérature  brésilienne  a 
subie  lors  de  sa  mort. 

Casimiro  José  Marques  de  Abreu  (1837-1859),  de  Rio,  a 
publié,  à  vingt-un  ans,  des  poésies  (Printemps)  qui  promettaient 
une  ample  moisson  pour  l'automne  de  sa  vie. 

ManoelOdorico  Mendes  (1799-1864),  ami  de  Gonçalves  Dias,  né 
à  Maranhào,  pépinière  de  poètes  et  de  lettrés,  est  mort  à 
Londres,  après  avoir  fait  de  belles  traductions  de  l'Iliade  et  sur- 
tout de  Virgile,  en  vers  portugais.  Cette  dernière  traduction 
montre   tout  ce   que  peut  faire  un  poète  en  transportant  fidèle- 


LITTERATURE.  59? 

ment   la   pensée   d'un   autre   poêle  dans  une  langue  qui  a  tant 
d'affinités   avec    Le  latin  : 

E  na  linga,  na  quai  quando  imagina, 
Coin  pouca  corrupçào  cuida  que  é  a  latina, 

coin  me  a  dit  Gamoëns  (Lusiadas,  I,  33). 

Pedro  Lui/  Pereira  de  Souza  (1830-1885),  né  à  Rio,  a  laissé 
des  poésies  estimées  ;  son  petit  poème  «  Terribilis  Dea  »  est  tout 
vibrant  d'ardeur  démocratique. 

Gentilhomem  de  xAimeida  Braga  (18-40-1876),  de  Maranhâo,  a 
traduit  en  vers  harmonieux  l'Évangéline  de  Longfellow. 

Franklin  Americo  de  Menezes  Doria,  baron  de  Loreto,  né  à 
Bahia,  a  également  traduit,  avec  une  correction  qui  n'enlève 
rien  à  la  beauté  de  l'original,  l'Ëvangéline  du  grand  poète  des 
États-Unis.  Il  est  en  même  temps  homme  politique  et  juris- 
consulte estimé. 

Francisco  Octaviano  de  Almeida  Rosa,  de  Rio,  qui  vient  de 
mourir,  était  un  poète  gracieux  et  correct  ;  on  le  considérait 
comme  l'un  des  chefs  de  la  jeune  littérature  brésilienne,  quoi- 
qu'il n'ait  jamais  pris  la  peine  de  réunir  ses  poésies  en  volume. 

Joâo  Cardozo  de  Menezes  e  Souza,  baron  de  Paranapiacâba, 
né  à  Santos,  s'est  révélé  poète  de  premier  ordre,  non  seulement 
dans  un  grand  nombre  de  poésies  originales,  mais  encore  dans 
une  série  de  traductions  admirables  en  vers  portugais,  telles  que 
celles  de  «  Jocelyn  »  de  Lamartine,  des  fables  de  La  Fontaine, 
du  poème  de  Byron  :  «  Oscar  d'Alva  »,  et  de  la  «  Marmite  »  de 
Plaute. 

Machado  de  Assis,  de  Rio,  est  l'un  des  poètes  aimés  du  pu- 
blic ;  ses  «  Phalènes  »  ont  eu  plusieurs  éditions  ;  ses  «  Améri- 
caines »  sont  l'œuvre  d'un  talent  sûr  de  lui-même;  les  «  Plai- 
deurs »,  de  Racine,  qu'il  a  traduits  en  vers,  peuvent  être  com- 
parés aux  meilleures  «  nationalisations  »  de  Molière  faites  par 
le  vicomte  de  Gastilho,  le  littérateur  portugais. 

Luiz  Guimarâes  Junior  a  publié  plusieurs  volumes  de  vers 
qui  ont  conquis  aussitôt  une  grande  vogue;  on  cite  de  lui  un 
grand  nombre  de  sonnets,  de  ceux  dont  Boileau  disait  qu'ils 
valent  un  long  poème. 

Mello  Moraes  fils  a  chanté  des  sujets  nationaux  dans  «  Les 
Esclaves  Rouges  »,  les  «  Mythes  et  Poèmes  »,  les  «  Chants  des 
Tropiques  »,  les  «  Chants  de  l'Esclavage  »,  les  «  Chants  de 
l'Equateur  »,  etc 


598  LE     BRÉSIL     EN     18  89. 

La  politique  a  enlevé  aux  lettres  Aflfonso  Celso  de  A.ssis  Figuei- 
redo  Junior,  qui  avait  publié,  de  1875  à  1880,  quatre  volumes  de 
poésies  gracieuses  et  avait  donné  au  théâtre  un  drame,  «  Un  Point 
d'interrogation  »,  joué  à  San-Paulo,le  12  juillet  1878,  avee  succès. 

Tobias  de  Menezes,  de  Sergipe,  où  il  est  né  en  1839,  s'esl 
montré  poète  original  et  vigoureux  dans  une  foule  de  poésies 
détachées. 

Sylvio  Roméro,  né  à  Sergipe  également,  a  publié  un  grand 
nombre  de  poésies  qui  portent  la  marque  d'un  talent  primesau- 
tier  :  «  Chants  de  la  fin  du  siècle,  »  etc. 

11  serait  injuste  de  passer  sous  silence  les  nomsd'autrespoètcs 
dont  la  renommée  s'affirme  chaque  jour  :  Theophilo  Dias,  neveu 
de  Gonçalves  Dias,  mort  en  mars  1889,  dont  la  «  Lyre  des  jeunes 
années  »  et  les  «  Chants  tropicaux  »  ont  été  remarqués  ;  Mucio 
Teixeira,  le  plus  fécond  peut-être  des  poètes  actuels,  auteur  des 
«  Ombres  et  Clartés  »,  de  «  Cerveau  et  Cœur  »,  et  de  tant  d'autres 
volumes  de  beaux  vers  ;  L.  Delfîno,  connu  par  sa  correction 
parnassienne;  Assis  Brazil  ;  Santa  Ilelena  Magno,  de  Para  ;  Mar- 
tins  Junior  ;  Francisco  de  Castro,  auteur  des  «  Étoiles  errantes  »  ; 
Arthur  de  Azevedo,  qui  dans  ses  divers  volumes  (Le  jours  des 
morts,  La  rue  d'Ouvidor,  etc.),  sait  marier  l'ironie  au  sentiment  ; 
Mathias  Carvalho  ;  Brazil  Silvado,  auteur  des  «  Petits  essais  »  et 
Clovis  Bevilaqua,  auteur  des  «  Veillées  littéraires  »,  l'un  et  l'autre 
pleins  de  beautés;  Ezequiel  Freire,  qui,  dans  ses  «  Fleurs  des 
champs  »,  a  donné  à  sa  muse  une  forme  vraiment  champêtre  ; 
Carvalho  Junior  (Sonnets),  Lucio  de  Mendonça,  poète  voluptueux 
(Brouillard  du  matin,  Aubades),  Alberto  de  Oliveira  (Chansons 
romantiques),  Fontura  Xavier  (le  Saltimbanque  royal),  Olavo 
Bilac,  Raul  Pompeia  ont  chacun,  à  des  degrés  divers,  une  note 
bien  personnelle. 

Valentim  Magalhaes,  après  avoir  débuté  par  «  Chants  et 
Luttes  »,  s'est  essayé  avec  succès  dans  le  genre  satirique  popu- 
laire (Colomb  et  Nenê,  la  Vie  de  M'sieu  Jouca,  parodie  du  Don 
Juan,  de  Guerra  Junqueiro)  et  continue  a  produire  des  vers 
faciles. 

Parmi  les  femmes  poètes  de  nos  jours,  on  cite  Narcisa  Amalia, 
Clarinda  da  Costa  Siqueira  (1818-1807)  et  plusieurs  autres. 

Il  faudrait  encore  mentionner  ici  divers  poètes  qui  ont  acquis 
dernièrement  une  grande  notoriété  locale,  comme  Juvenal  Galeno, 

Céarâ  ;  mais  alors  il  serait  nécessaire  de  les  citer  tous.  C'est 


LITTÉRATURE.  599 

là  l'inconvénient  des  richesses  trop  considérables  :  on  ne  peut 
plus  compter  son  trésor. 

Roman.  —  Le  roman,  que  Lamartine  appelait  la  poésie  du 
peuple,  compte  parmi  nous  quelques  représentants,  moins  nom- 
breux, cependant,  que  la  poésie. 

En  première  ligne,  il  faut  placer  Alencar  et  Macedo. 

José  de  Alencar  (1829-1877),  né  à  Géarâ,  est  celui  qui  a  laissé 
une  empreinte  plus  visible  dans  le  champ  du  roman  national. 
Son  «  Guarany  »  a  eu  plusieurs  éditions  et  a  inspiré  au  maestro 
Carlos  Gomes  un  opéra  qui  a  fait  le  tour  du  monde.  On  lui  doit 
aussi:  «  Luciola  »,  «  Diva  »,  «  Rêves  d'or  »,  «  Les  Mines  d'ar- 
gent »,  le  «  Tronc  d'Ipé  »,  «  Iracema  »,  «  Ubijâra  »,  «  Le  Gaucho  », 
légendes  américaines,  «  Tilde  »,  «  Senhora  »,  qui  est  peut-être  son 
chef-d'œuvre,  et,  lorsque  la  mort  est  venue  le  surprendre  en 
pleine  maturité,  il  mettait  la  dernière  main  à  un  poème,  «  Les 
Enfants  de  Tupan  »,  dont  il  avait  achevé  quatre  chants. 

Joaquim  Manoel  de  Macedo  (1820-1882),  de  Rio,  est  l'auteur 
du  roman  «  la  Brunette  »  (Moreninha),  le  plus  grand  succès  de 
librairie  qu'on  ait  enregistré  au  Brésil.  Parmi  ses  nombreux 
romans,  les  plus  célèbres  sont:  «  le  Jeune  homme  blond  »,  la 
«  Petite  Yincente,  «  Victimes-Bourreaux,  »  etc. 

Machado  de  Assis,  cité  précédemment,  a  composé,  dans  une 
langue  pure  et  imagée,  un  grand  nombre  de  romans  parmi 
lesquels  :  «  Contes  de  Minuit  »,  «  Hélène  »,  «  Résurrection  », 
Yayâ  Garcia  »,  etc. 

Bernardo  Guimaraes  (1827-1885)  a  laissé  une  série  de  romans 
qui  dépeignent  sous  des  couleurs  vraies  les  mœurs  de  sa  province 
natale,  Minas-Geraes,  et  font  revivre  des  scènes  de  l'intérieur  du 
Brésil  :  «  Légendes  et  Narrations  »,  «  Jupira  »,  «  l'Esclave  Isaure  » 
(dont  le  comte  d'Ursel  a  donné  une  analyse),  le  «  Chercheur  de 
diamants  »,  le  «  Séminariste  »,  etc. 

Manoel  de  Almeida  (1832-1861)  a  retracé  avec  amour  dans  ses 
«  Mémoires  d'un  sergent  de  milice  »  un  coin  de  la  vie  coloniale. 

Alfredo  d'Escragnolle  Taunay,  de  Rio-de-Janeiro,  a  écrit, 
comme  romancier:  «  La  Jeunesse  de  Trajan  »,  2  vol.,  le  «  Manus- 
crit d'une  femme  »,  «  Histoires  brésiliennes  »,  «  Narrations  mili- 
taires »,  «  De  l'or  sur  du  bleu  »,  2  vol.,  et  surtout  «  lnnocencia  », 
idylle  campagnarde  encadrée  dans  un  paysage  d'une  beauté 
réelle.  Ce  dernier  roman  a  été  traduit  en  français. 

Joâo  Franklin   da  Silveira   Tavora  (1842-1888),  de  Céarâ,  a 


GOO  LE     BRÉSIL     EN     1880. 

réussi  dans  le  roman  de  mœurs  brésiliennes  et  clans  le  roman  à 
allures  historiques  ;  on  connaît  de  lui  :  «  Les  Indiens  de  Jagua- 
ribe  »,  dont  l'action  se  passe  en  1G03,  lors  des  premières  tenta- 
tives de  colonisation  faites  au  Céarà  par  les  Portugais  ;  le 
«  Rural  »,  (0  Matuto)  ;  «  Légendes  et  Traditions  du  Nord  »,  le 
«  Sacrifice  »,  «  Un  mariage  au  faubourg  »,  «  Cabelleira  »  et 
«  Laurent  »,  peintures  empruntées  aux  mœurs  ou  à  la  chronique 
de  Pernambuco. 

Joaquim  Norberto  de  Silva  e  Souza,  né  en  1820,  historien, 
poète  et  érudit,  a  composé  des  nouvelles  intéressantes  écrites 
d'un  style  pur. 

Marcos  Herculano  logiez  de  Souza  a  écrit  un  petit  nombre  de 
romans  et  de  nouvelles  contenant  des  peintures  très  fidèles  et 
curieuses  des   mœurs  amazoniennes   et  de  la  nature  équatoriale. 

Celso  de  Magalhâes  s'est  signalé,  entre  autres  écrits  de  valeur, 
que  une  «  Étude  de  tempérament  »,  roman  bien  pensé  et  bien  écrit. 

Luiz  Guinarâes  Junior,  déjà  cité,  a  fait  quelques  romans 
estimés:  «  La  famille  Agulha  »,  «  Contes  sans  prétention  »,  etc. 

José  do  Patrocinio,  le  tribun  abolitionniste,  a  publié  un  roman 
à  thèse  :  «  Motta  Coqueiro  »,  contre  la  peine  de  mort;  un  autre 
où  il  a  décrit  avec  une  vérité  poignante  des  scènes  de  la  séche- 
resse de  Céarâ  (Os  Retirantes),  etc. 

Salvador  de  Mendonça  a  composé  «  Marâba  »,  où  l'on  trouve 
des  pages  délicieuses. 

Aluizio  Azevedo  et  quelques  autres  s'essayent  dans  le  genre 
naturaliste  :  parmi  les  productions  les  plus  discutées  d' Aluizio 
Azevedo,  on  cite  «  L'Homme  »  et  «  Pension  de  Famille  ». 

Le  roman  brésilien  n'a  pas  encore  conquis  des  lettres  de  natu- 
ralisation dans  son  propre  pays  :  les  feuilletons  des  journaux 
s'alimentent  en  grande  partie  de  traductions  françaises  ;  les 
romans  étrangers  les  plus  médiocres  sont  reproduits  en  portu- 
gais dans  nos  principales  publications  périodiques,  et  empê- 
chent la  production  nationale  de  trouver  grâce  devant  les  éditeurs 

Théâtre.  —  Depuis  le  jour  ou  les  premiers  missionnaires 
jésuites,  arrivés  au  Brésil,  remarquant  le  goût  des  indigènes  pour 
les  spectacles,  faisaient  représenter  des  mystères  composés  par 
eux-mêmes,  le  théâtre  a  fait  bien  du  chemin  chez  nous.  Quoiqu'il 
ne  vive  guère  encore  que  de  traductions  et  d'adaptations  de 
pièces  étrangères,  il  compte,  cependant,  quelques  représentants 
parmi  nous. 


LITTÉRATURE.  601 

D.-J.  Gonçalves  de  Magalhâes,  vicomte  d'Araguaya,  l'initia- 
teur de  la  poésie  romantique  parmi  nous,  fut  également  un 
initiateur  dans  l'art  dramatique.  Le  13  mars  1838,  on  jouait  à 
Rio-de-Janeiro  sa  tragédie  «  Le  Poète  et  l'Inquisition  »,  inter- 
prétée par  le  grand  acteur  Joâo  Gaetano  dos  Santos.  Le  7  sep- 
tembre de  l'année  suivante,  le  théâtre  de  Sâo-Pedra-d'Alcantara 
de  la  même  ville  donnait  son  drame  «  Olgiato  »,  et  ces  deux 
pièces  obtenaient  une  faveur  marquée. 

Gonçalves  Dias,  l'émule  de  Magalhâes  en  poésie,  a  donné 
successivement:  «  Béatrix  Lonce  »,  «  Pat  Kull  »,  «  Béatrix 
Genci  »,  «  Léonor  de  Menclonça  »,  «  Boabdil  »,  drames  corrects, 
mais  sans  aucun  caractère  national  et  faisant  partie  de  ce  qu'on 
a  appelé  spirituellement  le  théâtre  impossible. 

José  de  Alencar,  déjà  cité,  n'était  pas  seulement  un  roman- 
cier de  haute  valeur  ;  comme  auteur  dramatique  il  a  composé  : 
«  Le  Démon  de  la  Famille  »,  comédie  en  quatre  actes,  «  La  Mère  », 
drame  en  quatre  actes,  «  Les  Ailes  d'un  Ange  »,  comédie  en 
quatre  actes,  le  «  Revers  de  la  Médaille  »  (Verso  e  Beverso),  etc., 
productions  ayant  pour  la  plupart  un  parfum  brésilien  prononcé. 

Joaquim  Manoel  de  Macedo,  dont  nous  avons  parlé  précé- 
demment, a  donné  au  théâtre  :  «  Luxe  et  Vanité»,  «  Fantôme 
Blanc  »,  «  Lusbella  »,  «  Un  cousin  de  Californie  »,  «  Gincinnatus 
Casse-Vaisselle  »,  le  «  Nouvel  Othello  »,  comédies  réussies,  et 
bien  d'autres  productions  d'un  mérite  inégal. 

Francisco  Pinheiro  Guimarâes  (1832-1877),  a  obtenu  un  grand 
succès  avec  son  «  Histoire  d'une  jeune  femme  riche  »  et  «  Puni- 
tion. » 

Achilles  Varejâo,  mort  récemment,  avait  donné  de  grandes 
espérances  avec  sa  comédie  a  L'Epoque  »  ;  malheureusement,  il 
en  est  resté  aux  espérances. 

L.-G.-M.  Penna  a  composé  de  jolies  comédies  et  des  farces 
agréables  ;  il  faut  citer,  entre  autres,  un  proverbe  intitulé  : 
«  Qui  cherche  trouve  »  [Quem porfia  mata  caca). 

Agrario  de  Souza  Menezes,  dans  son  drame  en  vers  «  Calabar  », 
histoire  d'un  Mameluco  qui  fit  la  guerre  aux  Hollandais,  au  xvn° 
siècle,  s'est  essayé  dans  le  genre  historique  national. 

Machado  do  Assis,  déjà  nommé,  a  réussi  dans  des  comédies 
de  courte  haleine.  Parmi  ses  meilleures  compositions  on 
remarque  «  Presque  Ministre.  » 

França  Junior  a  composé  des  comédies  pleines  de  sel,  qui 
présentent   certains  travers  nationaux   avec   un    grossissement 


602  LE     BRÉSIL     EN     1S89. 

voulu  :  o  Le  Défaut  de  famille,  »  «  De  travers  »  (Por  linhas 
tortas),  «  Coiiinii'iil  on  faisait  un  Député  »,  etc. 

Arthur  de  Azevedo,  de  Maranhâo,  compose  encore,  presque 
tous  les  ans,  des  revues  de  fin  d'année  et  des  comédies  joyeuses 
qui  fonl  les  délices  du  public  de  Rio. 

Moreira  Sampaio  se  signale  dans  le  même  genre,  et  plusieurs 
autres  écrivains  se  font  une  spécialité  de  la  traduction  des  pièces 
à  succès  des  auteurs  dramatiques  français. 

Auguste  de  Castro  a  fait  des  parodies  et  des  adaptations  fort 
réussies  du  répertoire  d'Offenbach. 

Vasques,  excellent  comédien,  est  aussi  l'auteur  de  quelques 
comédies  et  de  plusieurs  drames  justement  estimés  :  son  drame 
«  Larmes  de  Marie  »  a  fait  verser  plus  d'une  larme  aux  cœurs 
sensibles. 

Comme  le  roman,  le  théâtre  national  se  trouve  écrasé  par 
l'importation  étrangère,  et  son  essor  est  arrêté  par  la  production 
venue  du  dehors.  C'est  ainsi  qu'il  n'a  guère  fait  de  progn-  depuis 
le  siècle  dernier,  alors  que  le  Brésil  donnait  à  la  littérature 
dramatique  portugaise  le  premier  de  ses  auteurs  comiques, 
Antonio  José  da  Silva  (1705-1739),  le  héros  du  drame  de  ftfaga- 
lhâes  :  «  Le  Poète  et  l'Inquisition  »,  car  Antonio  José  fut  brûlé 
à  Lisbonne  comme  juif. 

Nous  n'importons  pas  seulement  des  pièces  de  théâtre,  nous 
importons  également  des  acteurs,  et  nous  avons  eu  peu  d'artistes 
pour  continuer  les  traditions  de  Joâo  Caetano  dos  Santos  (1808- 
1803),  de  sa  femme,  Estella  Sezefreda  dos  Santos  (1810-1874),  et 
de  son  élève,  Joaquim  Augusto  Ribeiro  (1825-1873),  qui  annon- 
çaient une  école  de  comédiens  et  de  tragédiens  de  valeur. 

Éloquence.  —  Tous  les  étrangers  de  distinction  qui  ont  visité 
le  Brésil  ont  été  frappés  de  la  facilité  d'élocution  des  hommes 
publics  de  ce  pays.  Agassiz  a  rendu  témoignage  de  ce  fait,  qui 
Ta  surpris  agréablement,  et  d'autres  voyageurs  se  sont  fait  les 
interprètes  de  la  même  impression.  Nous  nous  bornerons  à  citer 
quelques  noms  : 

Dans  l'éloquence  sacrée  :  le  chanoine  Januario  da  Cunha 
Barboza  (1780-1846),  prédicateur,  journaliste,  historien,  l'un  des 
fondateurs  du  Conservatoire  dramatique  et  de  l'Institut  historique 
et  géographique,  qu'il  créa  avec  ses  amis,  le  général  Cunha 
Mattos  et  le  vicomte   de  San-Leopoldo  ;  le   Père   Francisco  de 


LITTÉRATURE.  603 

Monte-Alverne  (1784-1854),  qu'on  a  surnommé  bien  à  tort  ].e 
Bossuet  brésilien,  et  qui  serait  tout  au  plus  un  Massillon  sans 
théologie  ;  Dom  Romualdo  Antonio  de  Seixas,  marquis  de  Santa- 
Cruz  (1787-1860),  dont  les  œuvres  oratoires  demeurent  comme 
un  monument  d'esprit  pondéré,  servi  par  une  langue  claire  et 
simple;  Monseigneur  de  Macedo,  comte  de  Belem,  évêque  de 
Para,  Lequel,  après  avoir  prêché  en  portugais  dans  son  pays,  a 
prêché  en  français  à  Paris,  et  en  italien  à  Rome,  avec  le  même 
succès. 

Parmi  les  orateurs  parlementaires,  — sans  parler  des  anciens, 
tels  que  Antonio  Carlos  Ribeiro  de  Andrada  Machado  e  Silva 
(1773-lSïo),  orateur  vibrant  et  pompeux;  le  vicomte  de  Souza 
Franco  (1805-1875),  excellent  orateur  d'affaires,  et  le  vicomte 
d'Inhomirim  (mort  à  Paris  en  1873),  dont  la  parole  servit  avec 
une  ardeur  admirable  la  cause  de  l'émancipation  des  noirs  —  on 
peut  citer  :  J.  M.  da  Silva  Paranhos,  vicomte  de  Rio-Branco 
(1819-1880),  auteur  de  la  loi  du  28  septembre  abolissant  graduel- 
lement l'esclavage,  orateur  habile  et  plein  de  ressources  ;  Antonio 
Ferreira  Yianna,  orateur  tantôt  grandiose,  tantôt  mystique,  tou- 
jours étonnant  ;  Saldanha  Marinho,  tribun  éloquent  et  érudit  ; 
Martinho  de  Campos,  mort  il  y  a  peu  d'années,  incisif  et  passé 
maître  dans  l'ironie  ;Joâo  Alfredo  Correia  de  Oliveira,  parlemen- 
taire à  la  mode  anglaise,  ne  visant  pas  à  l'effet;  José  Bonifacio, 
vigoureux  et  brillant  ;  Affonso  Celso  (vicomte  d'Ouro-Preto), 
éloquence  admirable  et  science  profonde;  Silveira  Martins,  vrai 
tribun,  imagé,  familier,  puissant  ;  Ruy  Barboza,  correct  et 
disert;  José  do  Patrocinio,  dont  la  parole  émue  a  tant  contribué 
au  triomphe  de  l'abolition  ;  Joaquim  Nabuco,  orateur  érudit, 
maître  de  sa  parole;  Lopes  Trovâo,  tribun  enflammé,  Gomes  de 
Castro  et  tant  d'autres. 

Le  barreau  compte  aussi  des  avocats  remarquables  :  Candido 
d'Oliveira,  le  Baron  de  Loreto  (dont  les  Questions  Juridiques  renfer- 
ment de  beaux  plaidoyers),  Ignacio  Martins,  etc. 

Histoire.  —  L'histoire  du  Brésil  avant  la  conquête  portugaise 
et  même  pendant  les  premiers  temps  de  la  découverte  est  éparse 
dans  les  rares  monuments  qu'ont  laissés  les  Indiens,  dans 
les  chroniques  des  missionnaires,  dans  les  Routiers  des  naviga- 
teurs et  dans  les  relations  des  voyageurs.  «  Au  Brésil,  a  dit  avec 
raison  un  des  écrivains  qui  s'est  acquis  le  plus  d'autorité  dans 


604  LE     BRÉSIL     EN     1889. 

notre  journalisme  économique  *,  les  études  du  pays  sur  son  propre 
sol  et  la  connaissance  qu'y  ont  puisée  les  savants  étrangers, 
peuvenl  se  dn  iser  en  l  mis  époques  distinctes  et  bien  délimitées. 
La  première  commence  à  l'époque  de  la  découverte  occasionnelle 
ou  préméditée  du  Brésil  en  1500  et  va  jusqu'à  1808  :  c'est 
l'époque  des  admirables  explorations  de  la  race  envabissante,  des 
travaux  topographiques  considérables  ordonnés  par  la  métropole 
et  de  la  géographie  imaginaire  des  traités  étrangers.  La  deuxième 
s'étend  de  1808  à  1840,  et  commence  avec  l'installation  de  la  cour 
portugaise  àUio-de-Janeiro,  avec  l'ouverture  des  ports  aux  étran- 
gers, avec  la  fondation  d'établissements  scientifiques.  Alors,  tandis 
que  d'illustres  voyageurs  visitent  et  décrivent  le  pays,  les  études 
géographiques  prennent  parmi  nous  un  essor  remarquable.  La 
troisième  époque,  depuis  1840  jusqu'à  nos  jours,  l'ait  entrer  l'em- 
pire dans  le  concert  des  grandes  nations  historiques  qui  ont  laissé 
un  nom  dans  la  conquête  du  globe,  grâce  à  l'influence  des  insti- 
tuts nationaux,  grâce  à  la  classification  des  documents  acquis, 
entreprise  par  les  travaux  colossaux  de  quelques  savants,  et 
aussi,  depuis  1870,  grâce  à  l'exploration  scientifique  et  métho- 
dique du  pays.   » 

Pendant  la  première  époque,  on  connaissait  bon  nombre  de 
questions  qui  préoccupent  aujourd'bui  les  américanistes;  les 
hommes  de  lettres  du  Brésil  les  discutaient  et,  dès  le  siècle  der- 
nier, l'Académie  des  «  Renascidos  »,  de  Bahia,  entendait  lire  un 
Mémoire  sur  l'origine  asiatique  des  Indiens  du  Brésil.  C'est  pen- 
dant la  deuxième  période,  de  1808  à  1810,  qu'un  grand  nombre 
de  voyageurs  parcoururent  le  Brésil  en  écrivant  sur  ce  pays  des 
livres  qui  font  autorité  encore  aujourd'bui:  le  prince  de  Wied- 
Neuwied  assista  à  la  fondation  des  premières  colonies  suisses  et 
traversa  le  littoral  depuis  Nitherohy  jusqu'à  Bahia  ;Spix  et  Martius, 
deux  Bavarois,  étudièrent  le  pays  sous  toutes  ses  formes  ; 
Auguste  de  Saint-Hilaire,  Eschwège,  Schaeffcr,  Herderson,  Frey- 
cinet,  Ferdinand  Denis  y  recueillirent  des  données  qu'ils  ont 
publiées  plus  tard. En  1817,  paraissait  laChorograpbie  Brésilienne 
de  l'abbé  Manoel  Ayres  do  Casai,  que  Balbi  et  Humboldt  consi- 
dèrent comme  le  véritable  fondateur  de  la  géographie  physique 
du  Brésil.  Un  peu  plus  tard,  Balbi  avouait,  lors  de  la  publication 
de  son  tableau   statistique   du  Brésil,  qu'il  devait  la  plupart  de 


i.  Reinaldo  Carlos  Montôro  :  Boletim  du  sociedade  de  Jeogruphiu  do  Rio- 
de-Jant'iro,  t.  I,  n°  1,  1885. 


LITTÉRATURE.  60b 

ses  informations  au  général  Joao-Paulo  dos  Santos  Barreto,  au 
vicomte  de  Pedra-Branca,  à  Silvestre  Pinheiro  Ferreira,  au 
marquis  de  Rczende  et  au  vicomte  de  San-Lourenço.  Après  1840, 
la  «  Revue  de  l'Institut  historique  et  géographique  »  et  les 
«  Annales  de  la  Bibliothèque  Nationale  »  ont  fourni  de  vastes 
contributions  à  l'histoire  et  à  la  géographie  historique  du  pays. 

Nous  possédons  déjà  un  certain  nombre  de  monographies  et 
de  notices  remarquables,  écrites  par  J.  Francisco  Lisbùa,  José 
Antonio  Marinho  (1803-1853),  José  Feliciano  Fernandes  Pinheiro, 
vicomte  de  San-Leopoldo  (1774-1847),  auteur  des  «  Annales  de  la 
province  de  San-Pedro  »,  Monteiro  Baena,  C.  Augusto  Marques, 
Capistrano  de  Abreu,  Valle-Cabral,  etc.,  etc. 

A  coté  de  ces  studieux,  nous  possédons  quelques  historiens 
connus  : 

Yarnhagen,  vicomte  de  Porto-Seguro,  mort  en  1878,  a  écrit 
un  grand  nombre  d'ouvrages  sur  l'histoire  nationale,  et  son 
«  Histoire  du  Brésil  »  est  devenue  classique  parmi  nous.  Son 
«  Histoire  de  la  guerre  Hollandaise  »  peut  être  complétée  au- 
jourd'hui, grâce  aux  travaux  récents  de  M.  Pereira  Duarte. 

Joâo  Manoel  Pereira  da  Silva,  sénateur  de  Rio,  a  composé  : 
«  Les  Hommes  illustres  du  Brésil  »,  manuel  de  vulgarisation 
rempli  de  recherches  heureuses  et  d'aperçus  nouveaux  ;  une 
«  Histoire  de  la  Fondation  de  l'Empire  du  Brésil  »,  suivie  d'une 
narration  historique  sur  la  minorité  de  Dom  Pedro  II,  ouvrages 
qui  ont  eu  deux  éditions. 

Joaquim  Manoel  de  Macedo  (1825-1882),  a  aussi  écrit  un 
manuel  d'histoire,  une  année  biographique  et  d'autres  travaux 
composés  trop  facilement. 

José  Maria  da  Silva  Paranhos,  baron  de  Rio  Branco,  dont  on 
a  lu  dans  ce  livre  une  étude  magistrale,  est  entré  à  l'Institut  du 
Brésil  avec  une  belle  étude  sur  le  baron  de  Serro-Largo,  dans 
laquelle  il  élucidait  quelques  points  obscurs  de  l'histoire  de  la 
guerre  cisplatine.  Il  a  aussi  annoté  avec  une  abondance  d'érudi- 
tion extraordinaire  l'œuvre  du  conseiller  Schneider  sur  «Laguerre 
du  Paraguay  et  la  triple-alliance  ».  A  l'heure  qu'il  est,  nul  ne 
connaît  mieux  que  lui  l'histoire  du  pays. 

Alfredo  d'Escragnolle  Taunay,  sénateur  de  Santa-Catharina, 
né  à  Rio  en  1848,  a  publié  en  français  la  «  Retraite  de  Laguna  », 
ouvrage  traduit  en  allemand  et  écrit  d'un  style  sobre  et  d'une 
correction  merveilleuse;  plusieurs  mémoires  sur  l'histoire  et  la 
géographie,  parus  dans  la    «  Revue  trimestrielle  de  l'Institut  du 


G06  I>E     BRÉSIL     EN     1880. 

Brésil  -,    el    Le  journal  de  La   Campagne  des  Cordillères,  scènes 
de  voyage  admirablement  vécues. 

Sylvio  Roméro  a  publié  récemment  une  histoire  delà  littéra- 
ture nationale,  précédée  d'une  Histoire  de  la  Poésie  populaire 
au  Brésil,  travaux  considérables,  remplis  d'érudition,  mais  qui 
révèlent  moins  L'historien  que  le  polémiste. 

J.  Caetano  da  Silva  (1818-1873),  a  composé  deux  volumes 
sur  la  question  du  territoire  contesté  de  la  Guyane,  remplis  de 
recherches  heureuses  qui  le  placent  au  premier  rang  des  his- 
toriens de  la  géographie  au  Brésil.  Ces  deux  volumes  sont  écrits 
en  français. 

Homem  de  Mello,  Alencar  Araripe,  Duarte  Pereira  et  tant 
d'autres  continuent  avec  bonheur  les  recherches  historiques  et 
géographiques  qui,  au  dernier  siècle,  ont  fait  connaître  le  nom 
de  l'explorateur  brésilien  Lacerda  (1798),  précurseur  des  voya- 
geurs actuels  dans  l'Afrique,  où  il  est  mort. 

Journalisme.  —  Grâce  au  régime  de  liberté  absolue  dont 
nous  jouissons,  grâce  aussi  aux  mœurs  parlementaires  qui  ont 
pris  racine  de  bonne  heure  dans  notre  pays,  la  presse  brésilienne  a 
pris  un  développement  dont  le  gros  public  ne  se  doute  guère  en 
Europe.  Non-seulement  nous  avons  de  grands  journaux  poli- 
tiques, admirablement  informés  et  outillés  comme  les  meilleurs 
journaux  d'Angleterre,  mais  encore  il  y  a  au  Brésil  un  certain 
nombre  de  Revues  spéciales  qui  réussissent  à  vivre.  Eu  égard  à 
la  population,  on  peut  affirmer  que  le  Brésil  est  l'un  des  pays  où 
il  y  a  le  plus  grand  nombre  de  publications  périodiques.  Le  jour- 
nalisme tend  à  devenir  une  profession  dans  quelques  grandes 
villes  et  spécialement  à  Rio-de- Janeiro,  et,  parmi  les  écrivains 
les  plus  connus  de  l'heure  actuelle,  on  y  cite  MM.  Gusmâo  Lobo 
et  Souza  Ferreira,  du  «  Jornal  do  Commercio  »  ;  Ferreira  de 
Araujo,  de  la  «  Ga/.eta  de  Noticias  »  ;  Quintino  Bocayuva,  du 
«  Paiz  »  ;  José  do  Patrocinio,  de  la  «  Cidade  do  Rio  »  ;  puis 
MM.  Carlos  de  Laet,  Araripe  Junior,  Urbano  Duarte,  Eunapio 
Deirô,  Ruy  Barboza,  Arthur  de  Azevedo,  José  Avelino,  Yalen- 
tim  Magalhaes,  Joaquim  Nabuco,  Paula  Ney,  Carlos  Montôro 
(Portugais  de  naissance,  si  nous  ne  nous  trompons,  mais  qui 
s'est  fait  une  place  distinguée  dans  la  presse  brésilienne),  Rodol- 
pho  Dantas,  Leao  Yclloso  et  tant  d'autres. 

Enseignement,  droit,  philosophie,  etc.  —  Notre  enseigne- 


LITTERATURE.  G07 

ment  ne  se  suffit  pas  encore  à  lui-même,  et,  dans  les  écoles  supé- 
rieures  surtout,  élèves  et  maîtres  ont  recours  trop  souvent  aux 
auteurs  étrangers.  Toutefois,  il  y  a  peu  de  spécialités  dans  les- 
quelles on  ne  puisse  relever  quelques  auteurs  de  valeur. 

Pour  la  géographie,  nous  avons  eu  Pompeo,  de  Cearâ,  et 
Candido  Mondes  d'Almeida,  de  Maranhâo,  auteur  d'un  excellent 
atlas  des  provinces  du  Brésil,  et  nous  avons  aujourd'hui  Capis- 
trano  d'Abreu,  Valle  Cabrai,  Joâo  SeverianodaFonseca,  le  baron 
de  llio-Branco,  Moreira  Pinto,  le  général  de  Beaurepaire-Rohan, 
C.  Augusto  Marques,  etc. 

La  langue  et  la  littérature  nationales  s'enorgueillissent  avec 
raison  du  nom  de  Antonio  de  Moraes  e  Silva  (1756-1824),  de 
Rio-de-Janeiro,  auteur  du  grand  «  Dictionnaire  de  la  langue 
portugaise  »,  en  deux  volumes,  qui  garde  encore  toute  son  auto- 
rité parmi  les  lexicographes,  après  un  siècle.  Plus  récemment, 
Trovâo,  Coruja,  Fernandes  Pinheiro,  Castro  Lopes,SoterodosReis, 
Menezes  Yieira,  le  baron  de  Macahubas,  Sylvio  Roméro,  d'autres 
encore,  se  sont  fait  remarquer  par  leurs  travaux  pédagogiques 
ou  par  leurs  études  sur  la  littérature  nationale. 

Parmiles  ingénieurs:  J. -M.  da  Silva  Coutinho,  Ferreira  Penna, 
Passos,  Ewbank  da  Camara,  Paulo  de  Frontin,  André  Rebouças, 
Fernandes  Pinheiro,  etc. 

Dans  les  mathématiques,  Francisco  Villela  Barboza,  premier 
marquis  de  Paranaguâ  (1769-1846),  en  même  temps  poète  et 
homme  d'État,  a  laissé  parmi  nous  un  grand  nom,  de  même  que 
Ottoni. 

La  jurisprudence  compte  :  José  da  Silva  Lisbôa,  vic-omte  de 
Cayrû  (4  754-1835),  auteur  d'un  traité  de  droit  mercantil  et  d'un 
manuel  d'économie  politique,  journaliste  et  homme  d'État;  J.  J. 
Carneiro  da  Cunha,  marquis  de  Caravellas  (1768-1836),  l'un  des 
auteurs  de  la  Constitution  brésilienne  ;  Dom  Manuel  do  Monte  Ro- 
drigues  de  Araujo,  comte  d'Irajâ,  auteur  d'un  droit  ecclésiastique, 
en  trois  volumes  ;  Candido  Mendes  de  Almeida,  auteur  d'un  droit 
civil-ecclésiastique  en  quatre  volumes;  José  Thomaz  Nabuco  de 
Araujo,  auteur  d'une  collection  de  législation  brésilienne  ;  le 
vicomte  d'Uruguay,  auteur  d'un  droit  administratif  en  quatre 
volumes;  José  Antonio  Pimenta  Bueno,  Antonio  Pereira  Pinto, 
Pedro  Autran  da  Motta  Albuquerque,  Antonio  Joaquim  Ribas, 
Carvalho  Moreira  (Baron  de  Penedo),  Lafayette  Rodrigues  Pereira, 
A.  G.  de  Macedo  Soares,  Coelho  Rodrigues,  Andrade  Figueira, 
Souza  Dantas,  Affonso   Celso  (vicomte  d'Ouro-Preto),  le  vicomte 


608  LE     BRÉSIL     EN     18  89. 

de  Cavalcanti,  Le  baron  d'Ourem,  Souza-Bandeira,  el  tant  d'autres. 

Dans  les  sciences  naturelles,  le  Brésil  a  compté  au  commen- 
cement de  ce  siècle  quelques  hommes  d'une  haute  valeur  :  Arruda 
Camara  (1758-1810)  ;  le  père  José  Mariano  da  Conceiçâo  Yelloso 
I  17  'ri-l SI  I  ,  de  Minas-Geraes,  auteur  de  la  «  Flora  Fluminensis  », 
delà  «  Quinographie  »,  de  1'  «  Ornithologie  »,etc.  ;  José  Bonifacio 
de  Andrada  e  Silva  (1763-1838),  de  Santos,  quialaissé  des  travaux 
minéralogiques  importants  ;  son  frère  Martini  Francisco  Uibeir<>  de 
Andrada  (1776-1844  ,  qui  a  composé  un  -  Journal  d'un  voyage  mi- 
néralogique  à  travers  la  province  de  San-Paulo  »,  et  Rodrigues 
Ferreira  (1756-1815). De  nos  jours,  on  peut  citer:  Correia  deMello 
(1816-1876),  Capanema,  Ladislâu  Netto,  Saldanha  da  Gama,  les 
deux  frères  Antonio  et  André  Rebouças,  Ramiz  Galvào,  Nicolâu 
Moreira,  Barboza  Rodrigues,  Martins  Teixeira,  sans  parler  de 
plusieurs  étrangers  devenus  Brésiliens,  comme  M.  Glaziou,  ou 
qui  ont  accompli  leurs  travaux  au  Brésil,  au  service  et  pour  le 
compte  de  ce  pays,  tels  que  MM.  II.  Gorceix  et  Orville  Derby. 

D'autres  savants  mériteraient  une  mention  spéciale  plus 
détaillée,  tels  que  le  vicomte  de  Porto-Seguro,  Domingos  Guedes 
Cabrai,  Lacerda,  Peixoto,  Cruls  et  tant  d'autres. 

La  linguistique  et  la  philologie  revendiquent  Baptista  Caetano 
de  Almeida  Nogueira,  Couto  de  Magalhàes,  A.  J.  de  Macedo 
Soares,  Castro  Lopes,  Pacheco  Junior,  etc. 

Enfin,  Mariano  José  Pereira  da  Fonseca,  marquis  de  Marica 
(1773-1848),  de  ltio,  homme  d'Etat  distingué,  publia,  de  1813  à 
1848,  des  «  Maximes  »,  qui  ne  valent  pas  celles  de  La  Roche- 
foucauld, mais  qui  sont  frappées  au  coin  d'un  bon  sens  clair  et 
sage. 

Le  lecteur  européen  ne  nous  pardonnerait  pas  d'oublier  ici  le 
nom  d'un  savant  qui  s'est  acquis  une  renommée  universelle,  et 
auquel  l'Institut  de  France  a  ouvert  ses  portes  en  le  nommant 
membre  associé  étranger  de  son  Académie  des  sciences.  Nous 
voulons  parler  de  Dom  Pedro  d'Alcantara,  empereur  du  Brésil. 

Sociétés  littéraires  et  scientifiques.  —  Pendant  le  xvin' 
siècle,  à  l'époque duBrésil  colonial,  on  essaya  d'établir  parmi  nous 
quelques  sociétés  littéraires  taillées  sur  le  patron  de  celles  qui 
florissaient  en  Italie  et  en  Portugal.  A  Bahia,  on  fonda,  en  1724, 
«  l'Académie  brésilienne  des  oubliés  »,  que  le  vice-roi  Vasco  de 
Menezes  daigna  protéger.  On  la  réorganisa,  en  1757,  sous  le  nom 
de  «  Société  brésilienne    des   Académiciens   réunis  ».   A  Rio-de- 


LITTÉRATURE.  609 

Janeiro,  on  eut,  en  L736,  L'<<  Académie  des  Heureux  »,  et,  un  peu 
plus  tard,  celle  des  Choisis  ou  Selectos,  et  F  «  Académie  des 
sciences  naturelles  et  de  médecine  »  (1772).  Enfin  Y  «  Arcadie 
d'Outre-Mer  a  (1792),  et  Y  «  Arcadie  de  San-Joâo  d'El  rei  » 
n'eurent  qu'une  vie  éphémère. 

Aujourd'hui,  le  Brésil  compte  un  certain  nombre  d'institu- 
tions de  ce  genre,  qui  rendent  les  services  les  plus  signalés  aux 
lettres  et  aux  sciences  du  pays. 

A  leur  tète,  il  faut  placer  Y  Institut  Historique  et  Géographique 
du  Brésil^  fondé  le  21  octobre  1838,  et  dont  le  cinquantième  anni- 
versaire a  été  célébré  Tannée  dernière  avec  un  grand  éclat.  11  a 
compté  et  il  compte  encore  dans  ses  rangs  la  plupart  des  hom- 
mes de  valeur  de  notre  pays,  et  l'empereur  Dom  Pedro,  qui,  dès 
1819,  assiste  à  toutes  les  séances  de  la  célèbre  Compagnie,  n'a 
jamais  cessé  de  s'intéresser  à  son  développement.  L'Institut 
publie,  depuis  mai  1839,  une  Revue  trimestrielle,  devenue  un 
recueil  précieux  pour  toutes  les  études  relatives  aux  choses  du 
Brésil.  Dans  sa  collection,  qui  embrasse  une  période  d'un  demi- 
siècle,  on  trouve  des  travaux  importants  de  ses  membres  :  des 
Mémoires  signés  par  Candido  Mondes  d'Almeida  ;  des  Notices  sur 
les  questions  américanistes  de  Joaquim  Caetano  ;  la  Chorographie 
de  Goyaz  par  Gunha  Mattos,  et  les  Annales  de  Goyaz  par  Alen- 
castre  ;  l'Histoire  du  Brésil  du  vicomte  de  Porto-Seguro;  TOyapoc 
et  l'Amazone  de  Joaquim  Caetano  da  Silva  ;  des  Mémoires  signés 
par  Gonçalves  Dias,  Machado  de  Oliveira,  le  vicomte  d'Araguaya, 
Ottoni,  Filgueiras,  Fernandes  Pinheiro,  J.-M.  de  Macedo,  le  baron 
de  Santo-Angelo,  le  baron  de  Melgaço,  etc.  C'est  un  de  ses 
membres,  M.  J.-H.  Duarte  Pereira,  qui,  il  y  a  quelques  années,  a 
rapporté  des  Pays-Bas  le  voyage  de  Kenivet  et  le  journal  de 
Mathieu  Van  den  Broech,  qu'il  traduisit  du  hollandais. 

La  Société  Vellosiana  (du  nom  de  Velloso,  l'auteur  de  la  Flore 
de  Rio-de-Janeiro),  fondée  en  1850,  et  réorganisée  en  1869,  se 
consacre  aux  sciences  naturelles  et  a  déjà  fait  paraître  plusieurs 
volumes  de  sa  Revue. 

VInstitut  pharmaceutique  de  Rio-de- Janeiro,  la  Société  phar- 
maceutique brésilienne  et  Y  Athénée  Académique  pharmaceutique  ont 
donné  un  heureux  développement  aux  questions  qui  se  rappor- 
tent à  la  pharmacie. 

h' Institut  polytechnique  est  devenu,  grâce  à  Mgr  le  comte 
d'Eu  et  à  Mgr  le  prince  de  Saxe-Cobourg  (Dom  Pedro  Augusto), 
deux  de  ses  membres  les  plus  assidus,  une  réunion  d'ingénieurs 

39 


G10  LE     BRÉSIL     EN     18  80. 

et  de  savants  qui  contribuent  puissamment  à  élucider  les  ques- 
tions de  mathématiques  appliquées  pouvant  intéresser  immédiate- 
ment le  pays. 

Ulnstitut  de  VOrdre  des  avocats,  fondé  en  1843,  s'occupe  de 
questions  de  jurisprudence  et  public  une  Revue  fort  bien  faite. 

V Académie  impériale  de  médecine  a  été  fondée  en  1830,  et 
réorganisée  en  L835etenl885.  Elle  publie  un  bulletin bi-mensuel 
et  un  fascicule  trimestriel  de  ses  Annales.  Elle  estdivisée  en  trois 
sections:  la  première,  La  section  médicale,  compte  présentement 
56 membres  correspondants  étrangers;  la  seconde,  la  section 
chirurgicale,  en  compte  39,  et  la  troisième,  la  section  pharmaceu- 
tique, n'en  compte  aucun  en  ce  moment. 

V Association  des  tiens  de  lettres  du  Brésil  a  été  fondée  en 
1881),  mais  elle  a  peu  l'ait  parler  d'elle,  car  il  est  difficile  d'établir 
un  lien  professionnel  durable  entre  des  écrivains  dans  un  pays 
où  la  propriété  littéraire  n'est  pas  reconnue  dans  toute  son 
étendue. 

Parmi  les  autres  sociétés  littéraires  et  scientifiques  ayant  leur 
siège  à Bio-de-Janeiro,  citons  :  le  Centre  littéraire  Fagundes  Va- 
rella,le  Centre  technique  des  électriciens  brésiliens,  l'Athénée  po- 
lytechnique qui  publie  une  Revue  mensuelle,  le  Congrès  brésilien 
de  médecine  et  de  chirurgie,  le  Congrès  littéraire  Gonçalves  Dias, 
le  Cercle  des  lettres  et  des  arts,  le  Cercle  littéraire  José  Bonifacio, 
le  Cercle  littéraire  portugais,  fondé  en  1839,  la  succursale  de  la 
Société  de  géographie  de  Lisbonne  au  Brésil,  fondée  en  1878,  la 
Société  médicale  de  Rio,  etc.,  etc. 

La  Société  de  géographie  de  Rio-de-Janeiro,  fondée  il  y  a  quel- 
ques années  à  peine,  sous  la  présidence  du  marquis  deParanaguâ, 
est  devenue  en  peu  de  temps  la  Société  la  plus  prospère  du  Brésil, 
et  elle  ne  cesse  de  rendre  des  services  éminents,  grâce  à  l'activité 
de  sou  illustre  président  et  au  dévouementdescollaborateursqu'il 
a  su  choisir  :  MM.  le  Baron  de  Loreto,  Kreitas,  José  Paranaguà, 
Catramby,  etc.  Elle  ne  se  contente  pas  de  faire  paraître  régulière- 
ment son  Bulletin  el  d'organiser  des  conférences  très  suivies  ;  elle 
encourage  et  provoque  des  explorations,  accueille  les  voyageurs 
étrangers  et  vulgarise  leurs  écrits,  et  c'est  à  elle  qu'on  doit  l'expé- 
dition qui,  sous  l'intelligente  direction  de  M.  José  Carlos  de  Car- 
valho,  a  ramené  de  l'intérieur  de  Bahia  le  fameux  météorite  de 
Bendegô,  et,  tout  récemment,  une  exposition  de  géographie  sud- 
américaine. 


LITTÉRATURE.  Gll 

Dans  les  provinces  on  trouve  également  plusieurs  institutions 
de  ce  genre. 

Dans  la  province  d'Alagôas,  l'Institut  Archéologique  et 
Géographique  d'Alagôas,  fondé  en  1809,  rend  de  grands  services 
à  la  Bcience  locale.  Il  a  créé  un  musée  de  produits  naturels  de  la 
province,  un  cabinet  numismatique  et  publie  une  revue.  — 
A  Bahia,  nous  avons  l'Institut  historique,  le  Centre  littéraire,  le 
Cabinet  portugais  de  lecture,  etc.  — ■  A  Céarâ,  on  trouve  le 
Reform  Club,  fondé  en  1876  et  possédant  une  bibliothèque  avec 
plus  de  i.OOÛ  volumes.  —  A  Para,  outre  le  musée  fondée  en  1871» 
on  trouve  plusieurs  sociétés  littéraires  et  le  Cercle  littéraire 
portugais,  admirablement  installé  et  possédant  une  riche  biblio- 
thèque. —  A  Paranâ,  il  y  a  un  Musée  national.  —  A  Pernam- 
buco,  l'Institut  archéologique  et  géographique  a  rendu  des  ser- 
vices importants,  et  c'est  lui  qui  a  chargé  naguère  M.  Duarte 
Pereira  d'aller  aux  Pays-Bas  pour  y  recueillir  des  documents  sur 
l'époque  de  l'occupation  hollandaise  au  Brésil.  L'association  des 
artistes  des  arts  mécaniques  et  libéraux  y  a  établi  diffé- 
rents cours,  et  la  Société  propagatrice  de  l'instruction  publique 
y  a  fondé  une  école  normale  pour  les  jeunes  filles,  ce  qui  est 
encore  une  manière  de  servir  les  lettres.  —  Dans  la  province  de 
Santa-Catharina,  on  cite  le  Club  de  Joinville,  et  une  succursale 
de  la  Société  de  géographie  commerciale  de  Berlin.  —  A  San- 
Paulo,  il  faut  signaler  l'École  des  sciences  appliquées,  installée 
dans  un  édifice  aux  formes  monumentales,  qu'on  est  en  train 
de  bâtir  sur  la  colline  de  l'Ypiranga,  pour  commémorer  l'in- 
dépendance   du   Brésil. 

Bibliothèques.  —  Nous  devons  considérer  comme  l'un  des 
symptômes  les  plus  heureux  du  progrès  du  Brésil  le  nombre  des 
bibliothèques  qu'on  y  trouve.  Si,  en  général,  le  peuple  et  même 
les  classes  libérales  lisent  peu  ;  si  le  livre  n'est  pas  encore  devenu 
le  compagnon  de  la  femme  dans  son  foyer,  on  doit  attribuer  ce 
fait  à  la  cherté  des  livres  qui  sont  vendus  au  Brésil  trois  fois  plus 
cher  qu'en  Europe.  En  revanche,  même  les  petites  villes  ont  une 
bibliothèque  provinciale  ou  privée,  appartenant  à  quelque  société 
littéraire  ou  scientifique,  et  à  Rio-de-Janeiro,  de  même  que  dans 
les  grands  centres,  à  San-Paulo,  à  Pernambuco,  à  Bahia,  à  Para 
et  ailleurs,  on  trouve  de  riches  bibliothèques,  dont  quelques- 
unes  possèdent  des  collections  admirables. 

A  Rio-de-Janeiro,  on  trouve  une  vingtaine  de  bibliothèques 


612  LE     BRÉSIL     EN     1880. 

importantes,  La  bibliothèque  nationale  ne  compte  pas  moins  de 
150.000  imprimés,  7.000  manuscrits  et  plus  de  20.000  estampes. 
hllle  est  fréquentée  tous  les  mois  par  une  moyenne  de  9.000 
lecteurs.  Celle  du  Cercle  littéraire  Portugais  mérite  aussi  une 
mention  spéciale,  et  se  trouve  établie  dans  un  édifice  somptueux. 

Nous  ne  saurions  nous  attarder  davantage  dans  cette  étude, 
destinée  uniquement  à  donner  une  idée  sommaire  du  Brésillitté- 
raire  de  nos  jours. 


CHAPITRE  XXI 


SCIENCES.  LE  MUSÉUM  NATIONAL 


Par     M.     LE     CONSEILLER     LADISLAU     NETTO 


Le  Muséum  National  de  Rio-de-Janeiro,  devenu  aujourd'hui 
un  centre  scientifique  connu,  fat  fondé  par  le  roi  Jean  VI,  de 
Portugal,  vers  la  fin  de  son  séjour  au  Brésil.  Ce  n'était,  au  com- 
mencement, qu'une  collection  minéralogique  très-riche,  d'ailleurs, 
composée  en  grande  partie  des  collections  achetées  aux  héritiers 
du  célèbre  professeur  Werner.  On  y  trouvait  aussi  plusieurs 
animaux  empaillés  ayant  appartenu  à  un  ancien  cabinet  fondé  à 
Rio-de-Janeiro,  aux  temps  coloniaux,  et  bien  connu,  lors  de  l'arri- 
vée de  la  famille  royale  au  Brésil,  sous  le  nom  de  Casa  dos  Passaros 
(Maison  des  Oiseaux).  A  côté  de  ces  objets  d'histoire  naturelle 
proprement  dite,  il  y  avait  un  très  grand  nombre  de  curiosités, 
beaucoup  d'antiquités  de  toute  espèce  et  en  tout  genre,  des 
tableaux  de  marqueterie  et  en  mosaïque,  des  peintures  sur  ivoire 
et  sur  métal,  des  bas-reliefs  allégoriques,  des  modèles  de  machines, 
de  bâtimeuts,  d'anciens  vaisseaux  et  d'ateliers  représentant  tous 
les  métiers  connus  en  Europe  au  siècle  dernier.  Le  roi,  d'ailleurs, 
montrait  un  grand  intérêt  pour  le  nouveau  musée  qu'il  venait  de 
créer  :  ce  furent  ses  propres  objets  d'art  et  la  plupart  des  curio- 
sités qu'il  avait  dans  ses  appartements  mêmes  qui  formèrent  le 

1.  M.Ladislau  de  Souza  Mello  e  Netto,  directeur  du  Muséum  national  de 
Rio-de-Janeiro,  membre  du  conseil  de  Sa  Majesté  l'empereur  du  Brésil,  membre 
de  l'Institut  historique  et  géographique  du  Brésil  et  de  l'Académie  Royale 
des  sciences  de  Lisbonne,  etc. 


61  1  LE     BRÉSIL     EN     1889. 

fond  de  cette  collection.  La  minéralogie  et  la  botanique  étaient 
alors  à  peu  près  les  seules  sciences  naturelles  cultivées  au  Brésil. 
La  botanique  ne  se  trouvant  pas  représentée  dans  celle  esquisse 
de  Musée  donl  la  base  principale  était  la  minéralogie,  on  dut 
appeler  un  minéralogiste  pour  en  prendre  la  direction.  Ce  miné- 
ralogiste fui  le  père  José  da  Costa  Azevedo,  professeur  de  cette 
même  spécialité  à  l'Académie  militaire  de  la  capitale,  établisse- 
ment qui,  aprèsavoir  subi  plusieurs  réformes,  esl  devenu  l'Ecole 
polytechnique  actuelle.  Costa  Azevedo,  soit  qu'il  n'eut  pas  les 
moyens  suffisants  pour  a -candi]-  et  développer  l'établissement 
confié  à  sa  direction,  soit  que  son  caractère  quelque  peu  monas- 
tique l'éloignât  de  l'activité  et  des  démarches  indispensables  au 
progrès  du  nouveau  Musée,  ne  prit  aucune  part  au  mouvement 
que  Ton  remarquait  dans  l'empire  qui  venait  d'éelore  sous  le  ciel 
américain.  Isole  et  presque  solitaire  an  milieu  de  ses  minéraux 
dont  il  s'occupait  seul  en  les  disposant  en  ordre  dans  des  \  Urines, 
il  ne  sortail  que  pour  faire  son  cours  à  l'Académie.  Il  demeurail 
même -étranger  au  vif  intérêt  qu'éveillaient,  à  cette  époque,  les 
nombreuses  explorations  faites  au  Brésil  dont  les  magnifiques 
résultais  faisaient  l'admiration  de  toute  l'Europe,  et  dont  nous 
pouvons  de  nos  jours  constater  les  nombres  acquisitions  par  les 
richesses  accumulées  dans  ses  musées.  Le  nom,  du  reste,  sous 
lequel  les  voyageurs  connaissaient  alors  et  ont  mentionné  le 
Musée  brésilien  était  celui  de  Cabinet  de  Minéralogie.  Comme  il 
n'y  avait  réellement  que  des  minéraux  étrangers,  sauf  quelques 
échantillons  de  minéraux  ou  d'animaux  du  Brésil,  ils  ne  se 
donnaient  pas  la  peine  d'aller  le  visiter. 

Après  la  mort  de  Costa  Azevedo,  le  gouvernement  le  remplaça 
par  Custodio  Alves  Serrào,  professeur  aussi  de  minéralogie  à 
l'Académie  militaire,  et  religieux  également.  On  était  alors  sous 
la  régence  du  second  empire  et  le  nouveau  directeur  du  Musée, 
plus  capable,  plus  instruit  et  plus  énergique  que  son  prédécesseur, 
était  à  même  de  rendre  de  grands  services  aux  industries  métal- 
lurgiques dont  tout  le  pays,  à  cette  époque,  cherchait  à  s'occuper. 
Il  connaissait  bien,  en  effet,  sa  spécialité,  et  il  a  même  découvert 
quelques  métaux  bien  avant  qu'ils  lussent  décrits  en  Europe. 
Mais  la  raideur  de  son  caractère,  son  amour-propre  froissé  à 
chaque  instant,  ne  pouvaient  pas  le  rendre  bien  maître  d'une 
position  difficile,  telle  que  la  direction  de  ce  Musée,  pour  les 
progrès  et  les  crédits  duquel  il  fallait  tout  faire  par  soi-même, 
tout  espérer  du  public,  tout  demander  et  solliciter  avec  acharne- 


SCIENCES.    LE    MUSÉUM   NATIONAL.  615 

ment  du  gouvernement.  Malgré  tous  les  tracas  qu'il  se  créait  à 
lui-mémo,  le  directeur  .Vives  Serrâo  ne  s'est  pas  croisé  les  bras  : 
le  règlement  dont  il  a  doté  le  Muséum  en  18-42  montre  claire- 
ment combien  il  en  avait  étudié  les  nécessités  et  la  vraie  nature. 
Par  ce  règlement,  le  Muséum  National  et  Impérial  de  Rio-de- 
Janeiro  (c'était  son  nouveau  titre)  se  divisait  en  quatre  sections, 
avec  des  laboratoires,  des  naturalistes  vo}rageurs.  Il  s'y  trouvait 
bien  d'autres  mesures  excellentes,  mais  qui  n'ont  jamais  été 
appliquées,  faute  de  moyens  indispensables  à  leur  exécution. 
Quelques  années  après  la  publication  de  son  règlement,  Alves 
Serrâo  donna  sa  démission,  et  celui  qui  n'avait  pas  voulu  prendre 
complètement  l'habit  de  moine,  adopta  bientôt  la  vie  d'anacho- 
rète, en  fuyant  la  ville  pour  s'abriter  dans  une  pittoresque  et 
charmante  chaumière  à  deux  lieues  de  Botafogo,  entre  les  dunes 
battues  des  vagues  de  l'Océan  et  les  âpres  et  sauvages  rochers  de 
la  Gavia.  C'est  là  que  je  suis  allé  le  voir  en  1872.  Il  était  alors 
âgé  de  73  ans  environ;  il  avait  encore  une  certaine  vigueur  phy- 
sique, mais  il  était  atteint  de  cécité  complète.  Alves  Serrâo  est  mort 
cinq  ou  six  ans  après  ma  visite,  dans  son  abri  rustique.  L'austère 
minéralogiste  avait  été  remplacé  par  le  conseiller  Burlamaqui, 
ancien  officier  du  génie,  minéralogiste  aussi  et,  comme  ses  deux 
prédécesseurs  au  Muséum,  également  professeur  de  la  même 
matière  à  l'ancienne  Académie,  transformée  de  son  temps  en 
École  militaire.  Ce  fut,  du  reste,  l'un  des  derniers  professeurs 
militaires  de  cette  Académie.  Le  même  défaut  de  ressources  bud- 
gétaires qui  avait  arrêté  l'essor  du  Muséum  a  paralysé  la  bonne 
volonté  de  Burlamaqui.  Cependant  les  expositions  internationales 
avaient  paru  ;  le  directeur  du  Muséum,  par  son  instruction  non 
moins  que  par  son  activité,  se  trouvait  à  la  tête  des  expositions 
préparatoires  organisées  à  Rio-de-Janeiro  vers  cette  époque,  et 
il  n'a  pas  laissé  de  contribuer  très  puissamment  à  l'augmentation 
des  collections  du  Musée  en  leur  adjoignant  le  surplus  de  ces 
expositions.  C'était  peu,  mais  c'était  quelque  chose  si  l'on  songe 
à  la  pauvreté  du  Muséum.  Jusque-là,  cet  établissement  avait  vu, 
deux  fois  seulement,  entrer  dans  ses  galeries  des  collections  du 
plus  haut  intérêt  et  capables  d'attirer  par  leur  valeur  l'attention 
des  plus  riches  musées  européens.  Je  veux  parler  des  collections 
égyptiennes  que  l'empereur  Pedro  Ier  avait  fait  acheter  à  l'Italien 
Fiengo,  qui  se  trouvait  à  Rio,  les  rapportant  de  la  Plata  où  elles 
avaient  été  demandées  par  un  gouvernement  dont  les  successeurs 
ne  voulurent  point  les  payer.  La  seconde  acquisition    consistait 


G1G  LE     BRÉSIL     EN     1889. 

dans  le  riche  cadeau  fait  par  le  roi  Ferdinand  de  Napleg  à 
l'empereur  Dom  Pedro  II,  sou  gendre,  cadeau  compost-  <lc 
nombreux  vases  étrusques  et  en  bronze  de  Pompéi,  que  Sa 
Majesté  a  donnés  au  Muséum. 

A  Burlamaqui,  mort  en  iSGO,  succéda  réminent  botaniste 
Freire-Allemâo.  Mais  son  âge  avancé  et  son  état  de  santé,  —  (il  a 
été,  trois  ans  après,  atteint  d'une  hémiplégie),  —  ne  lui  permirent 
même  pas  de  quitter  son  habitation  de  Mendanha,  à  sept  lieues 
de  Rio,  pour  prendre  possession  de  son  poste.  Je  me  trouvais 
alors  de  retour  d'Europe,  et  j'avais  à  ma  charge  la  direction  de 
la  section  de  botanique  du  Muséum.  Mais  j'étais  aussi  découragé 
que  peut  l'être  quelqu'un  qui  sent  le  désir  de  se  maintenir  au 
courant  du  mouvement  scientifique  européen  et  qui  se  voit  dans 
l'impossibilité  de  faire  un  pas  pour  satisfaire  son  ambition.  J'étu- 
diais, cependant,  ma  nouvelle  situation  et  je  tachais  de  m'en 
rendre  bien  compte.  Cela  m'était  d'autant  plus  difficile  que  je 
n'avais  pas  même  un  confrère  au  Muséum  dont  l'avis  put  me 
guider.  Un  beau  jour,  mon  parti  fut  pris  :  je  résolus  d'écrire  un 
livre  où  toute  l'histoire  de  cet  établissement,  qui  avait  déjà 
une  existence  de  plus  d'un  demi-siècle,  serait  exposée  aux  yeux 
du  pays,  et  où  je  montrerais  en  même  temps  au  gouvernement 
ce  qu'en  peu  de  temps  et  sans  grands  frais  on  pourrait  en 
obtenir.  Ce  livre  a  paru  en  1870.  Il  avait  pour  titre  :  Investiga- 
çôes  Hlstoricas  e  Seientificas  sobre  o  Museu  National  do  Rlo-de- 
Janeiro.  C'était  un  exposé  en  même  temps  qu'un  ouvrage  de 
propagande.  Malheureusement,  faute  de  temps  et  de  loisirs,  de 
graves  incorrections  s'y  sont  glissées,  incorrections  que  la  nature 
même  du  livre  n'a  pas  permis  de  rectifier  plus  tard. 

D'ailleurs,  mon  but  fut  atteint.  L'attention  publique  se  fixa 
bientôt  sur  le  vieil  édifice  quelque  peu  oublié  au  coin  de  cette 
immense  place  de  l'Acclamation,  non  moins  abandonnée  alors 
que  lui,  mais  que  le  talent  de  M.  Glaziou  a  rendue  le  plus  beau 
square  connu. 

Quelques  objets  curieux  d'histoire  naturelle  commencèrent 
à  être  envoyés  au  Muséum  et  les  dons  devinrent  de  plus  en  plus 
fréquents.  Pour  ma  part,  voulant  en  attirer  davantage,  je  rédi- 
geais de  petits  aperçus  que  j'envoyais  à  la  presse  de  la  capitale, 
en  y  donnant  une  notice  sur  l'objet  reçu  et  tachantd'appeler  l'at- 
tention publique  sur  l'intérêt  qu'il  y  avait  à  faire  de  nouvelles 
acquisitions  de  même  nature.  Le  gouvernement  lui-même  voulut 
enfin  prendre  connaissance  de  l'état  du  Muséum  et  de  ses  besoins 


SCIENCES.    LE    MUSÉUM   NATIONAL.  G17 

les  plus  pressants.  Afin  de  pouvoir  m'occuper  d'une  manière 
plus  directe  et  surtout  plus  officielle  de  la  direction  de  cet  éta- 
blissement, je  fus  nommé  sous -directeur  et  chargé  par  intérim 
de  la  direction  générale,  car  le  directeur  effectif  vivait  encore. 
Ce  fut  à  cette  époque  que  je  crus  nécessaire  d'étendre  mes 
études  archéologiques  au  nord  du  Brésil  et  particulièrement  à  la 
vallée  de  l'Amazone,  études  sur  lesquelles  j'avais  lu  à  la  Société 
«  Vellosiana  »,  vers  le  milieu  de  Tannée  1870,  deux  mémoires 
que  les  journaux  de  Rio  avaient  reproduits  et  qui,  transcrits  par 
la  presse  de  province,  m'avaient  valu  l'adhésion  de  plusieurs 
personnes  intéressées  aux  mêmes  sujets,  ainsi  que  de  nombreuses 
donations  de  quelques  provinces. 

Le  budget  que  les  Chambres  accordaient  au  Muséum  et  qui, 
jusqu'à  mon  arrivée,  s'était  toujours  maintenu,  depuis  plus  d'un 
demi -siècle,  au  chiffre  plus  que  modeste  de  8  conlos  de  réls  par 
an,  se  trouvait  élevé  déjà,  en  1872,  à  la  somme  de  25  contos. 
Encouragé  par  cette  preuve  évidente  de  la  protection  du  gouver- 
vement,  je  songeai  immédiatement  à  faire  faire  des  meubles,  à 
agrandir  l'édifice,  et  surtout  à  développer  le  champ  de  nos  acqui- 
sitions à  l'aide  de  naturalistes-voyageurs  dont  le  Muséum  ne 
s'était  servi  qu'incomplètement  et  sans  aucun  résultat,  faute  de 
ressources  raisonnables.  Des  quatre  premiers  naturalistes-voya- 
geurs que  j'ai  du  engager,  un  seul  est  mort  :  c'est  Domingos 
S.  Ferreira  Penna,  l'homme  qui  a  le  mieux  connu  le  bas- 
Amazone  au  point  de  vue  géographique  et  ethnographique.  Les 
trois  autres  sont  le  zoologiste  Fritz  Millier  et  MM.  Schreiner  et 
Schwacke.  C'est  avec  le  plus  juste  orgueil  que  le  Muséum  de  Rio- 
de-Janeiro  doit  rappeler  au  monde  savant  le  grand  service  qu'il 
a  rendu  à  la  science,  en  accueillant  parmi  ses  employés  Fritz 
Miiller  au  temps  où,  attaché  au  Brésil  par  ses  enfants  et  par  son 
amour  pour  la  nature  merveilleusement  riche  de  ce  pays,  il 
n'avait  pas  les  ressources  indispensables  à  son  existence.  Con- 
traint de  songer  à  y  pourvoir,  il  ne  lui  restait  pas  assez  de  temps 
pour  vaquer  aux  recherches  scientiques.  En  l'encourageant  de 
son  bienveillant  appui,  le  Muséum  a  vu  avec  joie  le  nombre  des 
travaux  du  zélé  naturaliste  s'accroître  chaque  jour  au  grand 
profit  de  la  science.  C'est,  en  effet,  grâce  auxloisirs  que  lui  laissa 
notre  Muséum  que  le  savant  observateur  a  pu  se  consacrer  à 
l'étude  des  animaux  par  rapport  à  leur  intervention  dans  la  fé- 
condation des  fleurs,  et  à  l'étude  de  la  fécondation  chez  les  fleurs 


618  LE     BRÉSIL     EN     1889. 

elles-mêmes,  faisant  Les  plus  curieuses  remarques  que  l'on  con- 
naisse jusqu'à  uos  jours  sur  cet  intéressant  sujet. 

Vers  1874,  telle  étail  déjà  L'accumulation  des  objets  qui  s'ajou- 
taient chaque  jour  aux  collections  existantes,  que,  malgré  Les 
nombreuses  vitrines  acquises,  la  place  leur  manquait  absolu- 
ment, (ne  partie  des  bâtiments  i'ul  destinée  à  l'agrandissement 
du  Muséum. 

Le  vénérable  Freire-Àllemâo  étant  mort  au  commencement 
de  187  i,  je  fus  appelé  à  le  remplacer  comme  directeur  du 
Muséum.  Ses  manuscrits,  très  nombreux  mais  inachevés,  oui  été 
en  grande  partie  remis  par  sa  famille  à  la  Bibliothèque  Natio- 
nale. Il  me  les  avait  montrés  deux  ans  auparavant  dans  l'inten- 
tion d'y  mettre  la  dernière  main.  L'état  de  la  santé  de  cet  excel- 
lent vieillard  ne  lui  a  pas  permis  de  réaliser  ce  projet. 

On  était  au  mois  de  juin  187  ï,  lorsqu'arrivèrent  quelques  pro- 
fesseurs français  que  le  Gouvernement  Impérial  avait  fait  venir 
pour  l'Ecole  polytechnique  dont  on  projetait  la  réforme,  ré- 
forme qui  ne  put  être  exécutée  que  l'année  suivante.  Parmi  les 
nouveaux  professeurs,  se  trouvait  M.  Gorceix,  destiné  soit  au 
cours  de  mines  à  l'Ecole  polytechnique,  soit  à  la  direction  d'une 
École  des  mines  dans  la  province  de  Minas-Geraes.  Or  ce  profes- 
seur était  arrivé  avant  qu'on  eût  pris  à  son  sujet  une  décision 
quelconque,  et  le  ministre,  M.  Joào  Alfredo,se  trouvait  assez  em- 
barrassé pour  donnera  M.  Gorceix  une  mission  provisoire.  J'étais 
sur  le  point  de  partir  pour  la  province  de  Rio-Grande-du-Sud, 
afin  d'inspecter  les  travaux  de  la  Compagnie  des  mines  de  Caça- 
pava,  dont  j'étais  le  président.  C'est  une  région  très  remarquable 
au  point  de  vue  minéralogtque  que  celle  où  se  trouvent  les  gi- 
sements d'or,  de  cuivre  et  de  galène  argentifère  dont  cette  Com- 
pagnie voulait  faire  et  a  même  commencé  l'exploitation.  Le  mi- 
nistre me  proposa  M.  Gorceix  comme  compagnon  de  voyage- 
J'acceptai  avec  plaisir.  Quelques  jours  après,  nous  partions 
pour  le  centre  de  la  province  de  Rio-Grande-du-Sud,  où  ce  pro- 
fesseur séjourna  environ  six  mois.  La  Compagnie  minière  lui  pro- 
cura toutes  les  commodités  possibles  pour  ses  travaux.  11  reçut 
L'hospitalité  la  plus  cordiale  de  la  famille  Silva  Tavares,  dont 
l'influence  et  l'amabilité  sont  proverbiales  dans  cette  région.  Je 
ne  rappelle  pas  ce  fait  par  un  sentiment  de  vanité  personnelle, 
mais  pour  donner  une  idée  des  services  rendus  par  le  Muséum 
de  Rio-de-Janeiro  à  plusieurs  naturalistes  et  voyageurs,  accueillis 
dans  son  sein  et  aidés  de  tout  son  appui,  à  une  époque  où  cetéta- 


SCIENCES.    LE   MUSÉUM   NATIONAL.  619 

bassement  commençait  à  sortir  de  son  existence  embryonnaire. 

Du  reste,  je  ne  me  suis  pas  borné  à  cette  seule  marque  de  po- 
litcss^  envers  M.  Gorceix,  dont  nous  reconnaissons  tous  la  com 
pétence.  A  son  retour  à  Rio-de-Janeiro,  j'ai  tenu  à  le  faire  con- 
naître  du  public,  en  lui  facilitant  les  moyens  de  donner,  au 
Muséum,  une  conférence  à  laquelle  assista  l'élite  de  la  société 
brésilienne. 

J'ai  agi  de  même  à  l'égard  du  professeur  Charles  llarlt,  Amé- 
ricain du  Nord,  avec  lequel  je  venais  de  faire  une  excursion 
dans  la  province  de  Minas-Geraes.  C'est  à  ce  savant  qu'est  du  le 
projet  d'une  commission  géologique  créée  quelque  temps  après 
parle  gouvernement. 

Dans  mes  communications  à  la  presse  delà  capitale,  je  tâchai 
de  faire  participer  le  public  brésilien  à  l'accueil  que  fit  à  ces 
deux  savants  le  Muséum,  auquel  les  rattacha  le  titre  de  corres- 
pondants et  dont  ils  inaugurèrent  la  salle  de  conférences. 

C'est  à  cette  époque  que  le  zoologiste  allemand,  le  Docteur  von 
Thering,  professeur  à  l'Université  d'Iéna  et  fils  d'un  célèbre 
jurisconsulte,  résigna  sa  chaire  à  l'Université  pour  aller  au 
Brésil.  Il  s'y  présenta  recommandé  par  le  mérite  de  ses  pro- 
pres recherches  et  sous  les  auspices  de  l'illustre  Virchow.  C'était 
un  excellent  collaborateur  que  le  Muséum  devait  s'adjoindre 
pour  le  plus  grand  profit  de  ses  collections  et  pour  la  gloire  de 
la  tâche  qu'il  s'était  imposée.  Après  bien  des  démarches,  je  pus 
faire  attacher  au  Muséum  le  docteur  von  Thering,  qui  joint  à  un 
grand  savoir  le  caractère  le  plus  loyal.  C'est  de  tout  cœur  que 
je  lui  rends  publiquement  ce  témoignage  d'estime. 

Le  ministre  de  l'agriculture,  dans  les  attributions  duquel  se 
trouvait  l'administration  du  Muséum,  était,  au  mois  de  juillet, 
M.  Thomaz  José  Coelho  d'Almeida.  Je  lui  offris  de  soumettre  à 
son  examen  un  nouveau  règlement  pour  le  Muséum,  plus  en  rap- 
port avec  les  progrès  de  cet  établissement  et'  avec  les  besoins  de 
la  science.  Le  règlement  rédigé  sous  la  responsabilité  et  l'ins- 
piration de  l'honorable  Ministre,  diffère  beaucoup  de  celui  que 
j'avais  proposé.  Il  fut  approuvé  par  décret  du  6  février  1876.  Mon 
projet,  je  le  reconnais,  était  beaucoup  plus  complexe  et  embras- 
sait quelques  genres  de  travaux  dont  il  n'est  aucunement  ques- 
tion dans  le  règlement  accepté;  mais  il  s'agissait  de  dépenses 
plus  considérables,  d'un  personnel  plus  nombreux,  questions 
économiques  que  le  gouvernement  ne  s'est  pas  trouvé  à  même 
de  résoudre  pour  le  moment. 


620  LE     BRÉSIL     EN     1880. 

Le  Muséum,  d'après  ce  règlement,  était  divisé  en  trois  sec- 
tions  :  L°  anthroprologie,  zoologie  générale  et  appliquée,  ana- 
tomie  comparée  et  paléontologie  animale  ;  2°  botanique  générale 
et  appliquée,  et  paléontologie  végétale  ;  3°  sciences  physiques, 
minéralogie,  géologie  et  paléontologie  générale. 

Le  même  règlement  a  créé  une  quatrième  section  annexée 
provisoirement  aux  trois  autres  el  Jdevant  embrasser  L'archéo- 
logie, l'ethnographie  et  la  numismatique.  Cette  section  spéciale 
était  alors,  comme  aujourd'hui,  destinée  à  servir  de  base  à  un 
musée  d'archéologie  et  d'ethnographie  américaines.  Ce  >'>nt  des 
sciences  qui,  ayant  pour  but  l'étude  de  l'art  chez,  les  peuples  sau- 
vages primitifs  ou  modernes,  doivent  prendre  sans  retard  le 
plus  grand  développement  au  Brésil  :  bientôt,  en  effet,  les  der- 
niers vestiges  qui  nous  restent  de  nos  tribus  indigènes  ne  seront 
plus  visibles.  Déjà  un  grand  nombre  de  ces  anciennes  et  nobles 
nations,  dont  les  caractères  ethniques,  les  chroniques  et  les  lé- 
gendes presque  millénaires  qous  pourraient  guider  clans  l'étude 
de  leurs  ancêtres,  sont  tout-à-fait  disparues.  Les  fièvres,  la  va- 
riole et  surtout  les  affections  siphilitiques,  ainsi  que  le  manque 
de  nourriture  et  d'autres  causes  de  destruction,  ont  réduit  au 
centième  des  peuplades  encore  prospères  au  siècle  dernier. 
D'autres  ont  été  complètement  anéanties,  et  les  ruines  de  leurs 
habitations  disparaissent  sous  des  forets  déjà  gigantesques.  Dans 
la  préface  d'une  brochure  que  j'ai  publiée  au  Brésil  en  1883,  j'ai 
écrit,  à  ce  sujet,  les  paroles  suivantes  : 

«  Aujourd'hui,  quelques  centaines  de  milliers  de  descendants 
de  ces  anciens  maîtres  de  l'Amérique  du  Sud  nous  restent  encore 
pour  nous  donner  une  idée,  hélas!  trop  faible,  de  leurs  ancêtres, 
mais  il  en  meurt  un  nombre  considérable  chaque  année  et  la 
race  va  bientôt  disparaître  tout-à-fait  ou  se  fondre  dans  le  mé- 
tissage extraordinaire  dont  le  sol  américain  est  l'incommensu- 
rable creuset  ;  déjà,  de  nombreuses  tribus  ont  cessé  d'être  et, 
avec  elles,  leurs  langues,  leurs  cérémonies  barbares,  leurs  tra- 
ditions et  plusieurs  autres  documents  qui  seraient  aujourd'hui 
pour  nous  autant  de  précieuses  bases  d'études  ethnographiques. 
H  faut  donc  que  nous  nous  hâtions  de  sauver  le  peu  qui  nous 
en  reste,  pour  n'être  pas  condamnés  par  nos  successeurs,  de 
même  que  nous  reprochons  maintenant  à  nos  prédécesseurs 
leur  négligence  dans  le  passé.  » 

On  voit  avec  quel  dévouement  je  me  suis  toujours  occupé 
des  sujets  affectés   à  la  quatrième  section  du  Muséum  et  quel 


SCIENCES.    LE    MUSÉUM    NATIONAL.  621 

intérêt  s'attache  réellement  à  des  études  ayant  pour  objet  ces 
questions. 

Mais  je  reviens  à  l'aperçu  que  j'avais  commencé  à  donner  du 
règlement  de  L876.  Chacune  des  trois  sections  devait  avoir  un 
directeur  et  un  sous-directeur,  outre  un  préparateur  et  deux  aides 
techniques;  cette  dernière  fonction  a  été  supprimée  dernière- 
ment. Aux  directeurs  et  sous-directeurs  incombaient  non  seulement 
la  rédaction  d'une  revue  intitulée  :  Archivo  do  Museu  National,  et 
destinée  à  la  publication  de  recherches  scientifiques  sur  les  ma- 
tières comprises  dans  les  trois  sections  du  Muséum,  mais  aussi 
le  travail  de  renseignement  par  des  cours  publics  du  soir.  Chacun 
devait  s'occuper  du  sujet  principal  de  sa  section.  Les  cours  furent 
commencés  presque  aussitôt  après  la  publication  du  règlement 
qui  les  instituait,  c'est-à-dire  vers  le  mois  d'avril.  L'empresse- 
ment du  public  fut  assez  grand  au  début  et  diminua  considéra- 
blement par  la  suite,  parce  qu'il  n'était  causé  que  par  un  senti- 
ment de  simple  curiosité.  Il  faut  ajouter  que  le  professeur  Charles 
Hartt,  que  j'avais  proposé  pour  la  place  de  directeur  de  la  troi- 
sième section,  fut  obligé  de  s'absenter  constamment  et  de  se  con- 
sacrer spécialement  à  la  commission  géologique  dont  il  était  le 
chef  et  dont  les  multiples  travaux  ne  lui  permettaient  pas  de  se 
livrer  à  d'autres  occupations  ;  il  se  vit  même  contraint  de  rési- 
gner sa  place  qui  n'a  pas  eu  de  titulaire  pendant  longtemps. 

Du  reste,  pour  tout  dire,  je  dois  reconnaître  avec  mes  collè- 
gues que  notre  auditoire  variait  à  chaque  séance.  L'Empereur, 
dont  on  connaît  partout  le  vif  intérêt  pour  la  science  et  qui  fut 
toujours  le  premier  soutien  du  Muséum  dans  le  mouvement  pro- 
gressif dont  je  trace  ici  très  rapidement  l'histoire,  l'Empereur 
poussa  la  bienveillance  jusqu'au  point  d'assister  très  régulière- 
ment à  presque  toutes  nos  conférences.  Mais  faut-il  l'écrire  ? 
L'apparition  de  la  voiture  de  la  cour  à  la  porte  du  Muséum  dénon- 
çant la  présence  du  souverain  dans  le  salon  des  conférences, 
était  l'unique  cause  qui  put  attirer  la  majeure  partie  de  ces  audi- 
teurs improvisés.  On  s'est  découragé,  à  la  fin,  de  préparer  ces 
pénibles  leçons,  accompagnées  de  nombreuses  planches  murales, 
de  démonstrations  des  produits  naturels  dont  on  devait  parler, 
d'ailleurs  sans  aucun  résultat.  Le  Muséum  avait  été  l'initiateur 
de  ces  cours  de  caractère  scientifique  supérieur,  professés  devant 
quelques  gens  du  monde,  en  présence  de  l'illustre  souverain,  qui 
est  lui-môme  un  savant  renommé  ;  le  Muséum  doit  donc  se  con- 
tenter de  cet  honneur  et  du  service  qu'il  s'est  efforcé  de  rendre. 


G22  LE     BRÉSII     i:\     1889. 

[/es  cours  de  cet  établissement  n'ont  cessé  toutefois  que  pendant 
ces  dernières  années  el  pour  des  causes  de  force  majeure,  parm  i 
Lesquelles  il  suffit  de  citer  les  réparations  qu'a  subies,  en  18S7  et 
isss.  toul  If  viril  édifice  «lu  Muséum,  ainsi-que  le  remplacement 
de  l'ancien  mobilier  dont  le  changement  a  exigéun  remaniement 
général  des  collections.  Le  gouvernement,  d'ailleurs,  vient  de 
confirmer  cette  réforme  :  car  au  lieu  d'imposer  an  public  des 
cours  que  celui-ci  n'a  pas  suivis,  comme  je  viens  de  \<>  dire,  cha- 
que professeur  fera  des  conférences  sur  les  sujets  les  plus 
remarquables  de  sa  section,  toutes  les  fois  que  l'occasion  s'e* 
présentera. 

Mais  c'est  la  Revue  du  Muséum  qui  a  le  plus  attiré  mon  atten- 
tion et  mes  soins.  Dès  le  premier  fascicule,  ce  recueil  a  montré 
la  nature  de  son  but  à  la  fois  utile  et  élevé,  ainsi  que  la  variété 
des  recherches  dont  il  se  destinait  à  faire  la  publication.  On  y 
voit,  bout  d'abord,  un  rapport  de  M.  Charles  Wiener  sur  les 
Sambaquis  de  la  côte  de  Santa-Catharina.  Ce  voyageur  se  trou- 
vant de  passage  à  Rio-de-Janeiro  vers  la  fin  de  1875,  je  l'ai  chargé 
d'aller  faire  une  étude  détaillée  de  ces  amas  de  coquilles,  véri- 
tables Kjôkkenmôddings  brésiliens,  dont  les  plus  remarquables 
se  trouvent  sur  les  côtes  de  cette  province  et  sur  celles  de  Paranâ. 
Ayant  étudié  moi-même  quelques  sambaquis  de  la  côte  de  la 
province  de  Rio-Grande-du-Sud,  j'avais  cru  y  reconnaître  l'origine 
de  ces  dépôts  coquillifères  et  même  les  saisons  où  nos  anciens 
indigènes  les  ontformés.  Dans  les  instructions  que  j'ai  adressées 
à  M.  Wiener,  je  m'y  suis  reporté  dans  ces  termes:  «  D'après  mes 
récentes  observations  sur  une  certaine  zone  de  la  côte  du  Rio- 
Grande-du-Sud,  ayant  pour  objet  les  vestiges  laissés  par  nos 
aborigènes,  les  Sambaquis  que  l'on  y  trouve  sont  plus  modernes 
que  ceux  de  Santa-Catharina  et  de  Parana.  Ces  coquillages  y 
furent  accumulés,  à  mon  avis,  pendant  l'hiver  de  chaque  année, 
par  des  tribus  descendues  des  plateaux  de  l'intérieur.  Ces  peu- 
plades nomades,  eu  évitant  ainsi  le  vent  froid  du  sud-ouest  qui, 
sous  le  nom  de  Mirmano, sévit  sur  ces  plateaux,  cherchaient  l'abri 
hospitalier  de  La  côte,  où,  pendant  un  séjour  d'environ  quatre 
mois,  elles  se  vouaient  à  la  pêche  des  mollusques  bivalves  dont 
l'abondance,  tout  en  leur  fournissant  la  nourriture  pendant  la 
pêche,  leur  assurait  des  vivres  pour  le  retour.  Cette  supposition 
me  parait  d'autant  plus  vraisemblable  que  les  arêtes  que  j'y  ai 
rencontrées  en  plus  grand  nombre  appartiennent  à  des  poissons 
plus  communs  l'hiver  sur  cette  côte.  En  appelant  votre  attention 


SCIENCES.    LE   MUSÉUM   NATIONAL.  G23 

sur  ces  remarques,  je  vous  recommande  comme  preuves  bien 
évidentes  de  L'origine  que  j'attribue  aux  sambaquls  les  vestiges 
d'ignition  dans  les  différentes  couches  de  ces  collines  artificielles 
au  liaiil  desquelles  il  faut  croire  que  les  indigènes  allumaient 
leurs  feux  nocturnes,  comme  le  font  encore  de  nos  jours  les 
indiens  du  Paranâ  et  de  la  province  d'Espirito-Santo,  sur  les 
points  déserts  de  la  cote  qu'ils  choisissent  pour  leurs  pêches,  en 
tout  semblables  à  celles  de  leurs  ancêtres.  » 

De  retour  de  sa  mission,  vers  le  commencement  de  1870, 
M.  Wiener  devait  présenter  son  rapport  et  se  trouvait  en  même 
temps  très  pressé  de  continuer  son  voyage  pour  le  Pérou  ;  je  lui 
proposai  de  rester  chez  moi  pour  rédiger  ce  rapport  qui,  grâce  à 
cette  circonstance,  fut  fait  en  très  peu  de  temps.  Je  ne  dirai  pas 
qu'il  n'y  ait  quelques  points  à  retoucher  et  à  reprendre  dans  les 
observations  et  les  conclusions  de  Fauteur,  mais  je  ferai  remarquer 
que  le  sujet  dont  il  s'est  occupé  est  on  ne  peut  plus  scabreux, 
sans  parler  du  manque  de  temps  qui  l'a  empêché  de  faire  des 
fouilles  plus  complètes  et  plus  nombreuses.  Dans  ce  même  fasci- 
cule de  nos  Archives,  il  y  a  une  note  de  Charles  Hartt  sur  les 
Tangas  [folia  vitis)  en  argile,  dont  se  couvraient  par  pudeur  les 
anciennes  femmes  de  Marajô  ;  et  le  commencement  de  mon 
Mémoire  sur  l'évolution  morphologique  des  tissus  des  Lianes 
travail  dont  l'introduction  fut  terminée  dans  le  4e  fascicule  de  la 
même  année,  mais  qui  est  resté  jusqu'à  présent  incomplet;  car 
c'est  à  partir  de  cette  même  année  que  je  fus  obligé  de  multiplier 
les  moyens  d'augmenter  les  collections  archéologiques  du 
Muséum  et  que  je  fus  forcé  bien  souvent  d'aller  moi-même  à  la 
recherche  de  ces  antiquités,  et  d'écrire  à  des  centaines  de  per- 
sonnes pour  en  avoir  des  renseignements  le  plus  souvent  difficiles 
à  obtenir  et  parfois  défectueux.  Toute  mon  activité  ne  suffisait 
donc  pas  à  cet  énorme  labeur.  Il  m'eût  été  évidemment  bien 
difficile  de  m'occuper  à  la  fois  de  botanique  et  d'ethnographie. 
Aussi  les  recherches  botaniques  cédèrent-elles  le  pas  à  celles  de 
l'archéologie  et  de  l'ethnologie.  J'éprouvais  un  grand  serrement 
de  cœur,  mais  je  devais  sacrifier  mes  goûts  et  mes  intérêts  per- 
sonnels aux  devoirs  de  ma  situation  au  Muséum  pour  lequel 
l'étude  de  nos  indiens,  prêts  à  disparaître  complètement,  est  le 
besoin  le  plus  pressant  et  la  plus  haute  mission  actuelle.  C'est, 
du  reste,  l'aveu  que  j'ai  fait  dans  la  lettre-préface  adressée  à 
H.  Bâillon,  en  1883,  pour  une  publication  ayant  rapport  à  la 
botanique.  J'en  transcris  les  passages  suivants  qui  montrent  bien 


624  LE     BRÉSIL     EN     188  9. 

la  nature  des  Luttes  dans  lesquelles  je  me  trouvais  alors  avec 
moi-même  :  «  Vous  dirai-je,  mon  savant  ami,  que  c'est  avec  un 
mélange  *lti  plaisir  el  de  regret  que  mon  esprit  se  reporte,  en 
passa  h  (,  sur  le  champ,  toujours  si  cher  pour  moi,  de  la  Botanique  ? 
Pourquoi  doue,  me  demanderez-vous,  ai-je  délaissé  ce  domaine, 
où  j'ai  reçu  tant  etde  si  grandi  encouragements  de  vous,  monsieur, 
et  de  vos  savants  confrères  d'Europe?  Hélas!  demandez  plutôl 
au  soldai  appelé  au  champ  de  bataille,  pourquoi  il  change  sa 
confortable  caserne  de  la  capitale  [tour  le  bivouac  dressé  la  nuit 
sous  les  intempéries  du  désert  ;  ou  au  matelot  sur  1*3  point  de 
partir  vers  des  rivages  inconnus,  comment  il  a  le  courage  de 
quitter  son  foyer,  sa  famille  et  sa  patrie  pour  aller  mourir,  peut- 
être  abandonné,  dans  un  pays  ignoré,  aux  confins  de  la  terre. 
Tel  est,  eu  vérité,  le  cas  où  me  placent  mes  devoirs  de  Directeur 
Général  du  Muséum  National  de  Rio-de- Janeiro,  le  seul  établisse- 
ment scientifique  du  Brésil  en  état  de  recueillir  et  d'étudier  les 
dépouilles  des  derniers  représentants  de  plusieurs  millions  d'indi- 
vidus qui  peuplèrent,  pendant  des  dizaines  de  siècles,  les  côtes 
et  les  plaines  de  l'intérieur  du  Brésil.  » 

Dans  les  fascicules  suivants  de  la  Revue  du  Muséum,  on  trouve 
des  travaux  d'un  grand  mérite  et,  en  premier  lieu,  ceux  de  Fritz 
Miiller  sur  les  rapports  qui  existent  entre  les  fleurs  aux  couleurs 
variées  et  les  insectes  pronubes  chargés  de  leur  fécondation, 
ainsi  que  sur  les  organes  odorifères  de  certains  insectes  qui  s'en 
servent  pour  attirer  leurs  femelles  à  des  distances  considérables. 
On  peut  se  faire  une  idée  de  l'importance  de  semblables  observa- 
tions faites  sur  la  riche  nature  du  Brésil  par  un  naturaliste  tel 
que  Fritz  Mùller.  Dans  les  fascicules  du  premier  volume, 
MM.  Lacerda  et  Peixoto  ont  publié  leurs  premières  contributions 
à  l'étude  anthropologique  des  races  indigènes  du  Brésil.  Les  deux 
savants  anthropologistes  de  notre  Muséum  arrivent  à  des  conclu- 
sions dont  la  justesse  se  trouve  déjà  continuée  par  des  observa- 
tions sérieuses.  Ces  conclusions  sont  les  suivantes  :  1°  la  race 
primitive  du  Brésil  était  dolicocéphale  ;  2°  les  races  indigènes 
actuelles  représentent  le  mélange  de  deux  types  différents  ; 
3°  chez  les  races  étudiées  par  les  deux  auteurs  celle  qui  se  rappro- 
che le  plus  de  la  race  primitive  est  la  race  des  Botocudos  ;  4°  il  a 
existé  au  Brésil,  à  une  époque  très  reculée,  une  race  caractérisée 
par  une  forte  dépression  frontale  ;  5°  l'usage  des  déformations 
artificielles  du  crâne  n'existait  pas  chez  la  plupart  des  peuples 
indigènes  du  Brésil.  Les  grands  massifs  de  l'Amérique, y  compris 


SCIENCES.    LE   MUSÉUM    NATIONAL.  6^5 

ceux  du  territoire  brésilien  ainsi  que  ses  plateaux  intérieurs, 
devant  être  du  même  âge  que  les  plus  anciens  points  du  globe,  il  s'en 
suit  que  là,  comme  ici,  se  sont  trouvés  les  premiers  représentants 

do  L'humanité.  Donc,  si  l'Amérique,  toute  vierge  pour  les  êtres 
primitifs  de  la  famille  humaine,  a  donné  l'hospitalité  à  des  hom- 
mes arrivés  d'autres  continents,  ce  fait  aurait  pu  avoir  lieu  à  une 
époque  tellement  reculée  que  leurs  dépouilles,  à  demi  ou  tout  à 
fait  fossilisées,  sont  devenues  en  tout  semblables  à  celles  des 
hommes  les  plus  anciens  des  cavernes  d'Europe.  De  là,  la  diffi- 
culté, et,  je  dirai  même,  l'impossibilité  pour  l'anthropologiste  de 
distinguer  les  ossements  de  la  race  autochtone  de  ceux  de  la  race 
qui  ne  l'est  pas. 

Une  calotte  cranéenne  trouvée  dans  une  caverne  de  la  pro- 
vince de  Céarâ,  mais  malheureusement  assez  incomplète,  a  été 
décrite  et  figurée  par  MM.  Lacerda  et  Peixoto  dans  leur  mémoire. 
Cette  minime  dépouille  fossile  de  l'un  des  premiers  hommes  qui 
ont  peut-être  foulé  le  sol  du  Brésil,  et  qui  est,  à  mon  avis,  bien 
plus  ancienne  que  celle  de  l'homme  de  Lagôa-Santa,  montre  une 
remarquable  dépression  de  l'os  frontal  et,  en  même  temps,  une 
forte  saillie  des  arcades  sourcilières,  dans  les  mêmes  proportions 
exagérées  que  le  crâne  d'Eguisheim.  Ne  serait-ce  pas  là  un  ancê- 
tre des  Aymaràs  dont  M.  Hamy  trouve  à  présent  des  traces  crà- 
néologiques  même  en  Californie  ?  Je  l'ai  écrit  plus  d'une  fois  et 
je  le  répète  :  toute  déformation  cranéenne  que  s'imposaient  les 
races  sauvages  avait  pour  but  l'imitation  de  leurs  ascendants. 
C'est  à  n'en  plus  douter  une  manifestation  de  leur  culte  ances- 
tral.  Nos  Cambebas1  dont  le  nom,  un  peu  altéré  parles  Portugais, 
signifie  Têtes-aplaties,  déformaient  leurs  crânes  afin  d'imiter 
évidemment  un  type  dont  nous  avons,  dans  la  calotte  cranéenne 
de  Céarâ,  un  échantillon  curieux. 

Dans  le  deuxième  volume  de  la  Revue  du  Muséum  outre  les 
savantes  observations  de  Fritz  Millier  auxquelles  je  me  suis  déjà 
reporté,  ont  paru  des  travaux  fort  intéressants  de  M.  Lacerda  sur 
le  venin  du  Bothrops-Jararaca,  de  M.  Derby  sur  la  géologie  de  la 
vallée  du  Bas-Amazone,  et  de  Ferreira  Penna  sur  les  dépôts  céra- 
miques de  Para.  M.  Lacerda  y  présente  des  recherches  très  minu- 
tieuses sur  l'action  du  venin  du  Bolhrops-Jararaca  en  contact  avec 
le  sang  de  ses  victimes,  recherches  dont  voici  les  conclusions  : 
le  venin  du  Bothrops-Jararaca  agit  sur  le  sang,  en   y  détruisant 

1.  Des  mots  tupys  :  Acang,  tête,  etPeba,  plate  ou  aplatie. 

40 


LE   BRÉSIL    EN    1  889. 

la  globuline.  Ce  venin  y  a  une  action  en  tout  semblable  à  celle 
d'un  Ici  ni  Mil  soluble.  La  mort  qu'il  produit  a  lieu  par  un  procédé 
analogue  à  celui  d'une  grande  hémorrhagie.  C'est  par  des  obser- 
vations bien  suivies  et  par  des  expériences  aussi  patientes  que 
répétées  dans  ce  champ  d'essais  physiologiques,  que  M.  Lacerda 
est  arrive  a  la  découverte  de  l'action  du  permanganate  de  potasse 
comme  antidote  chimique  du  venin  des  serpents.  Les  succès  qui 
ont  couronne  ce*  expériences  au  Brésil  et  dans  une  grande  partie 
de  l'Amérique  du  Sud,  ainsi  que  dans  les  colonies  anglaises  et 
hollandaises  d'(  Prient,  ont  besoin  d'être  mieux  constatés  qu'ils  ne 
l'ont  été  jusqu'ici  en  Europe. 

Les  recherches  géologiques  de  M.  Derby  embrassent  une  assez 
vaste  partie  de  la  vallée  de  l'Amazone  et  peuvent  être  regardées 
comme  une  des  plus  précieuses  découvertes  publiées  jusqu'à 
présent  sur  cette  remarquable  région  dont  la  géologie,  de  même 
que  la  faune  et  la  dore,  est  encore  bien  loin  d'être  tout  à  lait 
connue. 

Ferreira  Penna,  le  regretté  naturaliste  voyageur  du  Muséum, 
qui  était  à  Para  le  surveillant  aussi  zélé  que  compétent  des 
intérêts  des  sciences  naturelles  et  particulièrement  de  l'ethno- 
logie de  l'Amazone,  jette  dans  son  travail  un  coup  d'oeil  très 
précis  et  1res  perspicace  sur  les  nécropoles  de  nos  indiens  primi- 
tifs de  la  vallée  inférieure  du  grand  fleuve,  dont  il  fut  l'un  des 
premiers  à  étudier  les  urnes  funéraires. 

lime  reste  à  parler  du  dernier  travail  publié  dans  le  premier 
volume  de  nos  Archives.  C'est  un  aperçu  (pie  j'ai  rédigé  sur  les 
ornements  de  la  lèvre,  dont  la  plupart  des  peuples  sauvages  de 
l'Amérique  se  sont  servis  de  tout  temps  et  même  jusqu'à  nos 
jours.  Est-ce  encore  une  manière  d'exagérer  le  développement  de 
la  lèvre  inférieure  et  même  du  menton,  afin  d'imiter  autant  que 
possible  le  prognatisme  des  ancêtres  ?  —  Je  le  suppose.  Néan- 
moins il  y  a  bien  des  tribus  en  Amérique  qui  n'en  ont  pas  et  qui 
n'en  avaient  pas  l'habitude.  Mais  des  études  comparées  sur  cette 
question  sont  d'autant  plus  difficiles  et  hasardées  que  nous  trou- 
vons l'usage  de  cet  ornement  à  la  fois  chez  des  peuples  placés  au 
plus  bas  point  dans  l'échelle  anthropologique,  et  chez  d'autres 
nations  citées  parmi  les  plus  civilisées,  comme  les  Mexicains, 
dont  les  grands  rois  eux-inèmes  ne  dédaignaient  pas  de  porter  ce 
singulier  ornement.  Quoi  qu'il  en  soit,  le  caractère  religieux 
chez  les  peuples  américains  moins  barbares  jouait  un  certain 
rôle  dans  cet  usage,  et  cela  me  fait  croire  davantage  à  l'imitation 


SCIENCES.    LE   MUSÉUM   NATIONAL.  627 

du  prognatisme  dos  aïeux  dont  j'ai  parle  tout  à  l'heure.  La 
barbote  des  Antilles,  dont  le  vrai  nom  chez  les  Guarano-Tupys  est 
Tembetâ  [mol  composé  de  Tombé,  lèvre,  et  Itâ,  pierre),  est,  d'ail- 
leurs, parmi  les  peuples  chez  lesquels  elle  se  fait  en  pierre  des 
plus  dures,  un  objet  précieux,  un  talisman  dont  la  haute  valeur 
peut  .être  facilement  calculée  d'après  les  substances  qu'on  emploie 
dans  sa  fabrication.  C'est  la  néphrite,  le  béryl,  le  quartz  hyalin, 
l'orlhose  verte,  c'est-à-dire  des  roches  d'une  couleur  plus  ou 
moins  vcrdàtre  et  dont  la  dureté  doit  exiger  des  efforts  inouïs 
de  la  part  de  l'ouvrier,  qui  n'a  pour  outils  que  le  sable  et  l'eau 
et  quelques  feuilles  siliceuses  de  nos  forêts,  et  dont  le  mécanisme 
est  le  frottement  du  sable  mouillé  ou  de  ces  mêmes  feuilles, 
employé  pendant  plusieurs  années  contre  l'objet  dont  il  veut  faire 
le  précieux  bijou. 

Mais  je  ne  saurais  donner  ici,  même  en  le  résumant  de  mon 
mieux,  un  aperçu  général  des  nombreux  travaux  insérés  dans 
les  volumes  111  et  IV  de  nos  Archives.  Ce  sont  :  des  observations 
bien  curieuses  de  Fritz  Muller  sur  les  habitations  des  larves  de 
trichoptères  de  Santa-Catharina,  sur  les  métamorphoses  d'un 
diptère  de  la  même  province,  ainsi  que  d'autres  remarques  non 
moins  intéressantes  sur  Y Elpidium  Bromeliarum  ;  des  recherches 
de  M.  Lacerda  sur  le  venin  du  Crotalus  korridus  et  de  nouvelles 
observations  crànéologiques  du  même  auteur;  des  aperçus  de 
M.  Derby  sur  la  géologie  de  la  région  diamantifère  de  la  province 
de  Paranâ,  sur  le  bassin  crétacé  de  la  baie  de  la  ville  de  Bahia  et 
sur  la  géologie  de  la  ville  de  San-Francisco,  sans  compter  d'autres 
travaux  également  d'un  grand  intérêt  pour  le  Brésil. 

Avant  de  poursuivre  le  compte-rendu  de  nos  travaux  et  plus 
particulièrement  de  nos  Archives,  qu'on  me  permette  de  jeter  un 
coup  d'œil  sur  le  personnel  quelque  peu  modifié  du  Muséum, 
depuis  le  commencement  de  1876,  époque  de  sa  réforme,  jus- 
qu'à 1879. 

Charles  Hartt,  mort  en  mars  1878,  quelques  mois  après  la 
suppression  de  la  Commission  géologique  dont  il  fut  le  chef,  avait 
été  remplacé  une  année  auparavant  par  Charles  Saules,  sous- 
direcleur  de  cette  section.  Mais  Saules  étant  décédé  vers  la  fin  de 
cette  même  année,  j'ai  dû  le  remplacer  peu  de  temps  après  par 
M.  Derby,  l'un  des  anciens  collaborateurs  de  la  commission  de 
Hartt.  En  le  proposant  pour  cette  place  au  Muséum  à  M.  de 
Sinimbû,  ministre  de  l'Agriculture,  j'ai  eu  pour  but  de  mettre  à 
profit  sa  compétence  et,  en  même  temps,  sa  qualité  d'ancien  em- 


G23  LE   BRÉSIL  EN   1  889. 

ployé  de  la  Commission  géologique  dont  il  connaissait  aussi  Lien 
le  matériel,  déposé  déjà  au  Muséum  par  ordre  du  gouvernement, 

que  les  travaux  qu'elle  avait  commencés.  En  1877,  j'avais  obtenu 
du  ministre  de  l'Agriculture,  M.  Thomaz  Coelho,  l'autorisation 
d'envoyer  en  mission,  pour  le  compte  du  Muséum  et  dans  l'Ama- 
zone, le  docteur  Jobert,  professeur  de  la  Faculté  de  Dijon,  que 
le  gouvernement  avait  engagé  comme  professeur  de  biologie  in- 
dustrielle à  l'Ecole  polytechnique  de  Rio-de- Janeiro.  M.  Jobert 
ayant  rompu  son  engagement,  j'ai  voulu  utiliser  en  faveur  de 
notre;  établissement  les  aptitudes  de  ce  savant,  au  quel  je  donnais, 
en  même  temps,  un  témoignage  de  considération  qu'il  méritait 
bien  de  la  part  du  Muséum.  Il  s'agissait  particulièrement  de 
l'ichthyologie  de  l'Amazone,  dont  Agassis  s'était  procuré,  treize 
ans  auparavant,  une  riche  moisson,  qui  se  trouva  plus  lard  en- 
dommagée et  perdue  pour  la  science,  en  grande  partie.  M.  Jobert 
avait  le  plus  vif  désir  de  recueillir  des  richesses  capables  de 
réparer  celle  perte,  en  parcourant  les  lieux  où  le  célèbre  natu- 
raliste avait  ramassé  ses  magnifiques  collections.  II  partit,  accom- 
pagné du  naturaliste  voyageur  M.  Schwacke,  chargé  de  l'aire  des 
collections  botaniques  de  la  vallée  de  l'Amazone,  tout  en  prêtant 
au  zoologiste  français  les  services  dont  tout  voyageur  a  besoin 
de  la  part  d'un  aide  intelligent  et  éclairé  dans  un  pays  dont  il 
connaît  peu  les  ressources.  M.  Jobert,  de  retour  à  Rio-de-Janeiro 
vers  le  milieu  de  1878,  rapporta  de  son  voyage,  qu'il  avait  poussé 
jusqu'au  Piauhy,  plus  de  mille  exemplaires  de  poissons,  qui 
lurent  portés  au  Musée  du  Jardin  des  Plantes,  afin  d'y  être  déter- 
minés, car  il  n'y  avait  point  de  spécialiste  de  ce  genre  au  Muséum 
National.  En  envoyant  ainsi  ces  richesses,  j'envisageais  le  double 
service  <pie  j'allais  rendre  aux  deux  établissements  et  à  la  science 
en  général.  La  classification  de  ces  poissons  est  malheureuse- 
ment assez  loin  d'être  terminée,  et  j'en  suis  d'autant  plus  con- 
trarié que  je  reconnais  aujourd'hui  combien  il  me  serait  facile 
d'obtenir  Taché vement  de  ce  travail,  s'il  eut  été  confié  au  profes- 
seur Steindachner  qui  s'est  chargé  de  la  classification  des  pois- 
sons amazoniens  d'Agassis.  Mais  c'est  M.  Vaillant,  professeur 
d'ichthyologie  au  Jardin  des  Plantes,  qui  en  a  été  chargé,  et  sa 
compétence,  ainsi  que  son  zèle  pour  les  collections  qui  lui  ont 
été  confiées,  l'ait  espérer  que  nous  aurons  tout  motif  de  lui  en 
savoir  gré. 

M.  Jobert  fut  remplacé  plus  d'un  an  après  son  départ  de  l'Ecole 
polytechnique  et  même  quelques  mois  après  avoirjjuitlé  le  Bré- 


SCIENCES.    LE   MUSÉUM    NATIONAL.  629 

sil.  M.  Couty  lui  succéda  dans  la  chaire  de  biologie  industrielle  de 
cette  Ecole.  Le  nouveau  professeur,  aussi  jeune  qu'ardent  et 
habile  physiologiste,  n'y  trouva  pas  au  premier  abord  tout  ce 
qu'il  désirait  pour  commencer  ses  expériences  et  même  pour  ins- 
taller ses  appareils  et  ses  instruments  de  travail.  L'Ecole  poly- 
technique, il  lui  faut  rendre  justice,  luttait  de  son  côté  contre 
toutes  sortes  de  difficultés  administratives,  difficultés  qu'éprou- 
vent nos  établissements  brésiliens  tout  aussi  bien  que  ceux 
d'Europe.  Il  lui  manquait  surtout  des  laboratoires,  des  moyens 
d'action  pour  agir  et  pour  entreprendre  des  travaux  tout  autres 
cpie  ceux  des  cours  théoriques  dont  on  surcharge  l'esprit  des 
jeunes  gens.  Ce  genre  de  cours  est  d'autant  plus  nuisible  qu'ils 
ont  suivi  d'ordinaire  au  Brésil  une  fausse  voie,  comme  il  arrive 
à  tout  enseignement  dépourvu  de  coté  pratique.  En  Allemagne, 
bien  mieux  qu'en  France,  on  a  parfaitement  compris  ce  que  doit 
être  cet  enseignement,  et  l'Ecole  polytechnique  de  Charlotten- 
bourg,  à  deux  pas  de  la  capitale,  n'est  autre  chose  que  la  plus 
éclatante  démonstration  de  ce  qu'on  en  peut  obtenir.  Heureuse- 
ment, notre  Ecole  polytechnique  brésilienne  a  pris,  dans  ces 
dernières  années,  la  voie  qui  lui  était  indiquée  par  le  dévelop- 
pement des  sciences  et  par  les  besoins  du  pays.  Des  laboratoires 
y  ont  été  montés  suivant  les  ressources  dont  on  dispose  ; 
MM.  Alvaro  d'Oliveira,  Pitanga,  Michler,  Carneiro  da  Gunha, 
Tisserandeau  et  d'autres  professeurs  y  exercent  régulièrement 
leurs  fonctions  de  directeurs  ou  guides  théoriques  et  pratiques 
de  l'enseignement  dont  ils  ont  la  charge.  Cet  enseignement,  cela 
va  sans  dire,  est  bien  loin  encore  au  niveau  qu'il  lui  faut 
atteindre,  mais  tout  est  relatif  chez  nous,  et  ce  n'est  qu'à  force 
de  luttes  qu'on  arrive  à  obtenir  ce  que,  en  Europe,  on  obtient 
sans  grande  difficulté. 

Le  docteur  Couty  eut,  je  le  disais,  quelque  déception  en  arri- 
vant à  l'Ecole  polytechnique.  Il  y  était  à  peine  depuis  deux  ou 
trois  mois  qu'il  demanda  à  M.  Lacerda  de  le  présenter  au  Muséum. 
Dans  cette  première  visite  il  m'exposa  ses  plaintes  contre  le 
service  de  l'Ecole,  disant  combien  il  était  découragé  à  cet  égard  et 
quel  vif  désir  il  avait  d'entrer  en  relations  avec  moi.  M.  Lacerda 
travaillait  alors  très  activement  à  ses  expériences  sur  le  venin 
des  serpents  et  sur  d'autres  substances  toxiques.  J'oilris  à  notre 
nouvel  hôte  tous  les  moyens  que  le  Muséum  avait  mis  à  la  dispo- 
sition de  M.  Lacerda,  ce  dont  il  parut  fort  reconnaissant.  De  mon 
coté,  grâce  aux  travaux  de  M.   de  Lacerda,   j'étudiais  un  projet 


C30  LE     BRÉSIL     EN     1880. 

do   grand    laboratoire   de    physiologie    expérimentale,    où    cas 

travaux  auraient  un  plus  vaste  champ  d'application.  J'en  parlai, 
quelques  semaines  plus  tard,  au  docteur  Couty,  à  qui  je  demandai 
mi  aperçu  de  ce  qu'il  fallait  aelieter  en  Europe  et  faire  construire 
au  rez-de-chaussée  du  Muséum  où  ce  laboratoire  «levait,  être 
installé.  Apres  avoir  préparé  le  plan  et  rédigé  la  liste  du  matériel 
dont  nous  avions  besoin,  je  me  suis  adressé  au  gouvernement 
qui,  après  des  hésitations,  du  reste  bien  naturelles  <ui  pareil  cas, 
a  résolu  de  me  donner  l'autorisation  nécessaire.  Quelques  mois 
après,  le  laboratoire  du  Muséum  était  prêt,  grâce  à  l'intervention 
d'un  ami.  Dans  l'intervalle,  le  docteur  Couty  était  allé  faire  une 
excursion  au  sud  de  la  Plata.  Il  eut  une  agréable  surprise  à  son 
retour  :  les  appareils,  les  instruments  et  les  réactifs  commandés 
en  Europe  étaient  arrivés.  Les  travaux  furent  commenc  ïs  aussitôt, 
et  nous  avons  eu  ainsi,  au  Muséum  National, le  premier  laboratoire 
de  physiologie  monté  convenablement,  ce  qui  nous  permit 
d'expérimenter  avec  des  instruments  encore  tout  nouveaux  même 
en  Europe. 

Le  docteur  Couty,  mort  il  y  a  quelques  années,  nous  a  lai 
des  publications  qui  décèlent  bien  son  goût  pour  les  recherches 
économiques  ;   mais  peut-être  n'avait-il  pas  assez  de  calme,    ne 
mûrissait-il  pas  suffisamment  dans  son  esprit  les  observations 
qu'il  faisait. 

J'ai  parlé,  tout  à  l'heure,  des  derniers  volumes  de  nos  Archives, 
parus  vers  1878,  et  ces  volumes  étaient  le  .3e  et  le  ic  de  cette 
Revue.  Or,  depuis  longtemps,  le  monde  savant  et,  en  particulier, 
les  botanistes  demandaient  la  publication  de  la  célèbre  Flora 
Fluminensis,  imprimée  à  Rio-de-Janeiro  en  1825  et  qui  était 
devenue  fort  rare  en  Europe.  Bien  peu  de  personnes  savaient  où 
était  la  partie  inédite  de  cet  ouvrage  ;  elle  se  trouvait  à  la  biblio- 
thèque nationale  de  Rio-de-Janeiro  ;  elle  fut  communiquée,  sur 
ma  demande,  par  le  savant  qui  en  était  le  directeur  ;ï  cette  époque, 
M.  le  baron  de  Ramiz.  Réunissant  la  partie  publiée  en  18:25  à  la 
moitié  inédite,  j'ai  cru  rendre  un  bon  service  à  la  science  en 
publiant  la  totalité  du  texte  dans  le  cinquième  volume  des  Archives. 
Je  dirai,  en  peu  de  mots,  ci1  que  fut  le  Père  Velloso  et  de  quelle 
manière  son  grand  ouvrage,  vaste  preuve  d'une  profonde  con- 
naissance  de  nos  richesses  forestières,  est  resté  si  longtemps 
dans  l'état  d'où  je  l'ai  retiré,  sans  compter  les  planches  dont  le 
sort  ne  futpasplus  heureux.  L'infatigable  botaniste  brésilien  avail 
préparé  sa  Flore  pour  l'impression  en  1TK);   mais  des  difficultés 


SCIENCES.    LE   MUSÉUM    NATIONAL.  03 1 

insurmontables  survinrent  et  il  mourut  sans  avoir  eu  le  bonheur 
de  voir  paraître  le  résultat  de  plusieurs  années  de  labeur  assidu. 

Ce  n'est  pas  tout.  Tandis  que  ses  magnifiques  planches,  dont 
j'ai  vu  quelques  dessins  originaux  d'une  rare  perfection,  étaient 
reproduites  d'une  manière  plus  que  grossière  et  inexacte  par  des 
artistes  peu  compétents  de  Paris,  son  texte  ne  fut  imprimé  que 
X]  ans  après  sa  rédaction.  Qu'on  se  figure  combien  de  corrections 
y  aurait  ajoutées  l'auteur,  combien  d'éliminations  et  d'additions  ! 
«  il  nous  suffît,  dis-je  dans  la  préface  de  cet  écrit,  de  rappeler 
que  le  système  linéen,  admis  par  Velloso,  et  généralement  suivi 
par  tous  les  botanistes,  à  l'époque  où  il  écrivit  sa  Flora  Flumi- 
nensis,  était  déjà  bien  abandonné  vers  l'époque  où  son  manus- 
crit fut  imprimé.  Il  y  a  pis  :  le  plus  grand  malheur  pour  l'œuvre 
du  regretté  botaniste  brésilien,  c'est  que  les  35  longues  années 
pendant  lesquelles  on  a  laissé  son  précieux  manuscrit  dans  la  pous- 
sière de  l'oubli,  correspondentjustement  au  temps  où  le  plus  grand 
nombre  de  naturalistes  européens  ont  entrepris  et  réalisé  des 
voyages  dans  tout  le  Brésil  et  particulièrement  dans  la  province 
de  Rio-de-Janeiro  et  dans  celles  qui  avoisinent  la  capitale.  Saint- 
Hilaire,  Martius,  Sellow,  Pohl,  Mikan,  Schott,  Raddi,  Langsdorff, 
Gaudichaud  et  bien  d'autres  botanistes,  ainsi  que  plusieurs  collec- 
tionneurs, y  ramassèrent  alors  des  milliers  d'espèces  végétales 
dont  un  assez  grand  nombre  avait  été  déterminé  par  Velloso.  Ses 
genres  insuffisamment  définis  par  des  diagnoses  incomplètes 
comme  il  les  avait  ébauchées  en  1710;  ses  espèces  mal  décrites 
et  figurées  d'une  manière  encore  pire  ;  tout  cet  ensemble  d'in- 
convénients se  retrouva  malheureusement  dans  la  Flora  Flumi- 
nensis,  trop  tardivement  parue.  »  Quant  aux  planches  fort  nom- 
breuses et  réunies  en  onze  volumes  in-folio,  leur  histoire  n'est 
pas  moins  triste.  Vu  le  grand  espace  dont  il  fallait  disposer  pour 
les  garder,  elles  furent  distribuées  aux  différents  établissements 
dépendant  du  ministère  de  l'Empire  et  y  disparurent  plus  tard 
en  grande  partie.  Bien  heureux  celui  qui  en  possède  aujourd'hui 
un  exemplaire  complet  !  Du  reste,  ce  n'est  pas  une  publication 
qui  doive  figurer  dans  une  bibliothèque  particulière,  mais  bien 
un  ouvrage  destiné  aux  bibliothèques  des  établissements  publics, 
où  l'on  a  besoin  de  le  comparer,  à  chaque  instant,  avec  la  Flora 
Braslliensis  de  Martius,  dont  les  monographies  renvoient  cons- 
tamment à  ce  vieux  recueil. 

Depuis  quelques  années,  j'étudiais    le  projet  d'une  exposition 
anthropologique  au  Muséum  national,  en  y  comprenant  l'éthno- 


G32  LE     BRÉSIL     EN     18  80. 

logie,  l'archéologie  et  L'anthropologie.  Ce  projel  étail  on  ne  peu! 
plus  séduisant,  mais  il  me  manquait  les  moyens  de  le  réaliser.  Je 
n'avais,  d'ailleurs,  ni  les  matériaux  nécessaires  ni  des  correspon- 
dants assez  zélés  dans  les    provinces  pour  m'aider  activement.  Il 

fallait  tout  me  procurer  par  moi-même  et  je  ne  savais  comment 
ni  à  qui  m'adresser.  Il  se  trouva  heureusement  que  le  ministre  de 

l'Agriculture,  Pedro  Luiz,  était  l'un  de  nos  plus  aimables  littéra- 
teurs, très  accessible  à  toute'idée  scientifique.  Je  lui  exposai  la 
situation.  Notre  savant  empereur  qui,  au  premier  abord,  avait 
parfaitement  saisi  mon  plan,  lui  en  parla  probablement,  comme 
il  le  fait  souvent,  prêtant  ainsi  l'appui  de  sa  haute  intelligence, 
mettant  autant  de  promptitude  à  favoriser  les  idées  utiles  aux 
progrès  nationaux  que  d'empressement  à  s'effacer  avec  modestie 
à  l'heure  du  succès  final.  Quoi  qu'il  en  soit,  le  ministre  prit  mon 
idée  en  considération,  car  des  circulaires  signées  de  sa  main 
furent  adressées  aux  présidents  des  provinces  et  aux  chefs  des 
commissions  ministérielles,  leur  ordonnant  d'envoyer  au  Muséum 
national  tous  les  objets  d'origine  indigène  dont  la  liste  était 
jointe  à  la  circulaire.  Après  sa  sortie  du  ministère,  ce  fut 
M.  Saraiva,  président  du  conseil  des  ministres,  qui  prit  par 
intérim  le  portefeuille  laissé  par  l'éminent  homme  de  lettres  dont 
nous  regrettons  la  mort  prématurée.  Le  président  du  conseil  eut 
la  bonté  de  me  montrer  les  premières  réponses  adressées  aux 
circulaires  de  son  prédécesseur.  C'étaient  les  communications  de 
quelques  présidents  des  provinces  du  nord,  plus  décourageantes 
les  unes  que  les  autres.  Or,  c'était  précisément  sur  ces  provinces 
que  je  comptais  le  plus,  car  c'est  là  que  les  plus  riches  trésors 
ethnographiques  s'offrent  encore  de  nos  jours  pour  les  études  sur 
nos  indiens.  M.  Saraiva  ne  put  s'empêcher  de  me  détourner  de 
mon  projet,  dont  l'échec  semblait  plus  que  probable  après  ces 
premiers  avis  officiels.  J'en  étais  réellement  stupéfait. 

Après  quelques  moments  de  réflexion,  je  lui  demandai  la 
permission  de  le  revoir  le  lendemain.  Je  me  rendis  au  Ministère 
à  l'heure  fixée  et  je  lui  demandai  mu*  somme  minime  à  titre  de 
trais  de  voyage,  le  passage  jusqu'à  Para  pour  deux  employés 
et  pour  moi,  ainsi  que  des  lettres  de  recommandation  offi- 
cielle pour  le  présidenl  de  celle  province.  Tout  me  fut  immé- 
diatement accordé.  Ma  resolution  prise,  je  ne  voulus  écouter  les 
réflexions  de  qui  que  ce  fut,  el  je  partis  avec  MM.  Motte  et 
Srhwacke  le  10  janvier  1SS-2.  Sur  ma  route,  le  paquebot  s'arrê- 
tant  presque  à  chaque  chef-lieu  de  province,  je  descendais  pour 


SCIENCES.    LE   MUSÉUM   NATIONAL.  633 

y  laisser  des  renseignements  sur  l'Exposition  projetée,  m'adres- 
sant  de  préférence  aux  présidents  et  aux  personnes  les  plus 
éclairées.  A  Para,  d'où  le  gouvernement  avait  reçu  les  plus  dé- 
courageantes  communications  sur  le  projet  qui  m'y  conduisait, 
je  me  procurai  le  concours  des  personnages  les  plus  influents  et 
particulièrement  celui  de  Ferreira  Penna,  qui  y  était  l'homme  le 
plus  estimé  et  le  plus  digne  de  l'être.  La  Compagnie  de  navi- 
gation de  l'Amazone  m'aida  beaucoup  de  son  coté  ;  à  peine  eût- 
elle  mis  à  ma  disposition  un  petit  bateau  à  vapeur,  que  je  me 
rendis  au  lac  Arary,  dans  l'île  de  Marajô.  J'y  ai  fait  de  nom- 
breuses fouilles,  malgré  la  chaleur,  l'absence  de  confort  et 
d'autres  fléaux  que  je  crois  inutile  d'énumérer.  Lors  de  mon 
retour  à  Para,  l'on  y  fut  très  surpris  du  merveilleux  résultat  de 
nos  travaux.  Mais  je  ne  m'en  sentais  pas  complètement  satis- 
fait :  il  me  fallait  aller  surprendre,  dans  leurs  huttes  sauvages, 
quelques  tribus  lointaines  du  sud  de  la  province,  vers  le  haut  de 
la  rivière  du  Capim,  où  des  indiens  Turyuâras  et  Amanagés  se 
sont  fixés  non  loin  des  indiens  Tembés,  dont  ils  ne  diffèrent  que 
par  des  nuances  de  dialectes  qui  se  rattachent  tous  à  la  langue 
guarano-tupy.  Après  avoir  remis  en  bonnes  mains  nos  antiquités 
de  Marajô,  nous  nous  dirigeâmes  vers  le  Rio  Capim.  C'est  une 
grande  rivière  plus  large  et  plus  longue  que  la  Seine,  et  dont  le 
nom  est  néanmoins  à  peine  connu  à  Para,  tant  est  immense  la 
vallée  du  grand  fleuve.  Pendant  la  première  journée  de  voyage, 
les  maisons  de  campagne,  des  hameaux  et  même  de  pauvres 
petites  chapelles  se  montraient  et  disparaissaient  à  nos  yeux  sur 
les  rives,  dont  la  végétation  merveilleusement  éclatante  étalait  sa 
féerique  richesse.  Notre  bateau  à  vapeur,  dans  sa  course  rapide, 
nous  laissait  à  peine  le  temps  de  jeter  les  yeux  sur  les  objets  qui 
passaient  devant  nous  comme  s'ils  fussent  emportés  par  un  coup 
de  vent.  Le  lendemain,  nous  étions  en  pleine  région  d'indiens. 
Nous  y  avons  vu,  en  effet,  quelques  huttes  perchées  sur  les 
rives  et  nous  y  avons  commencé  à  rechercher  des  ornements, 
des  armes  de  chasse  et  dépêche.  Les  peuplades,  assez  éprouvées 
par  des  fièvres  intermittentes,  ne  sont  pas  très  éloignées  les  unes 
des  autres.  Je  voulus  étudier  les  mœurs  d'une  tribu  dont  le  ca- 
ractère fût  plus  exempt  de  ce  mélange,  qui  leur  apporte  ordi- 
nairement moins  de  civilisation  que  de  corruption.  Il  y  avait,  à 
quelques  lieues  de  là,  un  groupe  nombreux  de  familles  Tembés 
dans  les  conditions  désirées  ;  mais,  pour  s'y  rendre,  il  me  fallait 
allerpresqueseul,  car  notre  petitbateaune  pouvait  pas  passeret  la 


034  LE     BRÉSIL     EN     18  89. 

plupart    <lc  mes  gens  étaient  aux   prises  avec  les  fièvres  chroni- 
ques. Je  devais  suivre,  à  peine  accompagné  et  sur  des  pirogues, 
le  cours  d'une  rivière   Inconnue,  dont   Le   courant  était  traversé 
parfois  d'une  rive  à  l'autre  par  (rénormes  troncs  de    40  mètres 
de  long  qui  uous  barraient  complètement  le  passage  et  que  nous 
('Lions  obligés  d'enfourcher,  portant  à   bras   nos  pirogues  au- 
dessus  de  ces  ponts  primitifs.  Le  voyage  dura  deux  longues  jour- 
nées, et  nous  présenta  bien  d'autres  obstacles  à  vaincre  Arrivé 
au  hameau  de  Potyretâ1,  j'y  ai  fait  des  études  fort  intéressantes, 
crayonnant  en  même  temps  de  nombreux  portraits  d'hommes, 
de  femmes  et  d'enfants  ;  ils  étaient  tout  heureux  et  très  surpris 
de  se  reconnaître  sur  le  papier;  je  les  faisais  danser    et   chanter, 
grâce  à  l'eau-de-vie   que  je  leur  donnais  et  dont  ils  sont  très 
friands,   aussi  bien  les  vieillards,  assez  rares  chez  eux,   que  les 
enfants  de  3  et  4  ans.  .Mais  de  tout  mon  butin  si   paisiblement 
acquis  dans  ces  régions,  ce   qui  m'a  plu  pardessus  tout  ce  sont 
les  squelettes  et  les  crânes  que  j'en  ai  rapportés  en   employanl 
des  ruses  que  je  n'appellerai  pas  pieuses,  mais  qui  me  semblent 
précieuses  pour  la  science.  En  effet,  personne,  avant  moi,  n'avait 
pu  obtenir  de  ces  indiens,   même  l'indication  des  sépultures  de 
leurs  morts.  Ferreira    Penna,  devenu  pourtant  le  cicérone  de  la 
province   de   Para  où  ses  nombreuses  relations  lui  procuraient 
les  renseignements  les  plus  utiles  et  des  acquisitions  quelquefois 
d'une   certaine  valeur,   n'en   avait  pu  rien   obtenir  pendant  les 
neuf  années  qu'il  avait  été  au  service  du  Muséum.  En  rentrant  à 
Para,  notre   petit  bateau,    chargé  de  nombreuses  trouvailles  et 
remorquant  quelques   pirogues   de  bois  et  d'écorce,   avait  bien 
rempli  sa  tâche  en   nous  rendant  les  plus  grands  services,   ce 
dont   je  resterai    toujours    reconnaissant   à    la    Compagnie   de 
navigation  de  l'Amazone.   Ayant  pris  congé  des  nombreuses  per- 
sonnes de  cette  capitale  auxquelles  j'étais  redevable  d'une  bonne 
partie  de  mes  acquisitions  et  de  maintes  amabilités,  je  rentrai  à 
Rio-de-Janoiro  au  mois  de  mars,  après  une  absence  de  deux  mois 
et  quelques  jours.  Je  rapportais  £5  gros  colis,  non  compris  les 
pirogues.   Dès  lors,  mon  projet  se  trouvaitjustifié.  L'Exposition 
anthropologique  n'était  plus  une  chimère,   un  simple  rêve. -Elle 
venait    d'entrer    dans    le  domaine  de  la  réalité,  car  je  venais  de 
conquérir  et  j'avais  là,  dans  les  mains  et  sous  les  yeux,  le  noyau 


1.  Nom  composédes  mots  tupys:  Poty,  fleur,  et Etd, beaucoup,  liés  parla 
lettre  euphonique  H. 


SCIENCES.    LE   MUSÉUM    NATIONAL.  635 

du  matériel  dont  je  devais  enrichir  plus  tard  cette  fête  de  la 
science  qui  fut  unique  dans  son  genre,  aussi  bien  au  Brésil  que 
dans  le  monde  entier.  Qu'on  veuille  bien  m'excuser  pour  les 
détails  que  je  viens  de  donner  :  ils  ont  en  leur  faveur  l'intérêt 
des  circonstances  fort  curieuses  dans  lesquelles  je  me  suis  trouvé 
presque  à  mon  insu  et  dont  ils  n'offrent  qu'une  faible  idée. 
L'Exposition  anthropologique  a  marqué  réellement  une  date  qui 
restera  à  jamais  enregistrée  dans  nos  annales  scientifiques 
comme  le  jalon  le  plus  important  que  le  Muséum  national  ait 
planlo  dans  la  voie  des  études  américanistes.  Désormais  toute 
réussite  lui  est  assurée,  si  rien  ne  vient  l'arrêter  dans  sa  marche, 
si  aucun  grand  obstacle  imprévu  ne  s'y  oppose.  Quelques  pu 
blications  sur  l'Exposition  anthropologique  ont  paru  pendant 
sa  durée,  mais  celle  où  la  valeur  scientifique  de  ses  richesses  est 
le  mieux  démontrée  est  assurément  le  volume  VI  de  nos  Ar- 
chives, vaste  recueil  de  recherches  contenant  555  pages  de  texte 
et  comprenant  les  trois  branches  principales  de  l'Exposition, 
recherches  insérées  dans  l'ordre  suivant  :  «  Contributions  à  l'eth- 
nologie de  la  vallée  de  l'Amazone  »,  par  Charles  Hartt;  F  «  Homme 
des  Sambaquis  »,  par  J.-B.  de  Lacerda;  «  Nouvelles  études  crà- 
néologiques  sur  les  Botocudos  »,  par  Rodrigues  Peixoto  ;  «  Inves- 
tigations sur  l'Archéologie  Brésilienne  »,  par  Ladislâu  Netto. 

Le  mémoire  de  Charles  Hartt  a  été  refondu  et  annoté  en  grande 
partie  par  M.  Derby,  et,  dans  certains  passages,  parla  commission 
de  rédaction  de  ce  volume.  Une  certaine  quantité  des  matériaux 
que  je  venais  de  rapporter  de  mes  fouilles  de  Marajô,  quatre  ans 
après  la  mort  du  regretté  naturaliste,  y  est  même  mentionnée,  ce 
qui  s'explique  par  le  besoin  où  nous  nous  sommes  trouvés  de 
mettre  au  service  de  ce  mémoire  les  notes  de  l'auteur,  pleines 
d'intérêt,  mais  souvent  à  peine  ébauchées  et  maintes  fois  sans 
liaison  aucune  les  unes  avec  les  autres.  C'est  pourquoi  les  plan- 
ches de  la  fin  du  volume  servent  également  à  éclaircir  le  texte  de 
son  travail,  ainsi  qu'à  expliquer  certaines  de  mes  Investigations 
archéologiques,  qui  remplissent  plus  de  la  moitié  du  volume.  Les 
travaux  de  MM.  Lacerda  et  Peixoto  embrassent  un  vaste  champ 
d'études  anthropologiques  dont  les  spécialistes  européens  ont  pu 
apprécier  parfaitement  la  valeur  et  les  détails  scrupuleusement 
exposés. 

M.  Lacerda  compare  les  anciens  Botocudos  des  Sambaquis  du 
sud  avec  ceux  du  Rio  Dôce  et  obtient  des  déductions  qui  rendent 
très  curieuses  les  affinités  des  deux  types,  déjà  très  rapprochés, 


C36  LE     BRÉSIL     EN     1889. 

'■i  avec  l'homme  dit  de  la  Lagôa-Santa.  M.  Peixoto  arrive  à  des 
conclusions  plus  étendues,  don  ton  peut  inférer  qu'aucun  type  parmi 
ceux  qui  onl  été  constatés  jusqu'à  présent  au  Brésil,  ne  présente  les 
caractères  essentiels  (Tune  race  complètement  pure.  Il  semble 
qu'un  grand  métissage  se  soit  depuis  longtemps  établi  au  sein  des 
populations  américaines  du  sud,  les  formes  plastiques  des  races 
primordiales,  facteurs  de  ce  mélange,  ayanl  disparu  depuis  long- 
temps dans  une  fusion  générale.  C'est  ainsi  que  se  complique  de 
plus  en  plus  le  problême  dont  le  luit  est  La  caraclérisation  des 
peuples  qui  ont  occupé  cette  partie  du  .Nouveau  monde. 

Quant  à  moi,  je  me  suis  efforcé  de  donner  à  mon  travail  de 
l'Exposition  anthropologique  tout  le  caractère  d'une  réunion 
d'observations  consciencieusement  suivies,  sans  aucune  idée 
préconçue  et  sans  prétendre  en  tirer  des  conclusion-  hasardées  et 
inadmissibles.  Si,  au  cours  de  cette  étude,  on  trouve  parfois  quel- 
ques hypothèses  ou  des  rapprochements  entre  nos  antiquil 
celles  d'autres  peuples,  je  ne  présente  ces  idées  qu'à  titre  de 
simples  observations  comparées,  sans  m'y  arrêter  nullement. 
Dans  une  conférence  que  j'ai  faite  devant  Leurs  Majestés  Impé- 
riales, au  Muséum,  en  1881,  afin  d'exposer  le  contenu  du  sixième 
volume  des  Archives,  je  me  suis  exprimé  sur  ces  idées  dans  les 
termes  suivants  :  «  Le  doute  de  la  pensée  troublée  par  le  to  be  or 
not  to  be,  cette  angoisse  d'un  cerveau  en  lutte  avec  lui-même 
dans  les  abîmes  de  l'inconnu,  voilà  ce  qui  exprime  le  mieux  l'état 
d'esprit  de  ceux  qui  s'appliquent  à  l'étude  des  anciens  peuples  de 
notre  continent.  »  Un  peu  plus  loin,  me  faisant  allusion  aux  res- 
semblances des  produits  céramiques  que  j'avais  exhumés  des  col- 
lines de  Pacoval  et  de  Santa  [sabel,  dans  File  de  Marajô,  avec  ceux 
du  Missouri  etde  l'Amérique  centrale, je  dis:  «  Dans  presque  toutes 
les  antiquités  des  Mounds  de  Marajô,  j'ai  rencontré  d'innombra- 
bles caractères  communs  avec  les  produits  céramiques  des  peu- 
ples les  plus  avancés  de  L'Amérique.  Il  y  a  donc,  dans  ce  parallé- 
lisme de  développements  intellectuels,  des  entités  qui  se  rappro- 
chent plus  étroitement  entre  elles,  de  même  que  deux  genres, 
deux  espèces  et  même  deux  frères  peuvent  se  ressembler  plus 
particulièrement  au  milieu  d'une  nombreuse  famille.  Or,  parmi 
toutes  ces  nations  du  même  âge  ou  plutôt  qu'une  grande  simi- 
larité rapproche  Le  pins  de  nos  mound-builders  de  l'Amazone,  ce 
sont  les  mound-builders  du  Missouri  qui,  à  leur  tour,  présentent 
les  analogies  les  plus  frappantes  avec  les  plus  anciens  Caraïbes 
et  les  Toltèques.  Selon  toute  probabilité,  les  mound-builders  de 


SCIENCES.    LE   MUSÉUM   NATIONAL.  637 

l'Amazone  provenaient  des  contrées  éloignées  dont  ils  avaient 
gardé  quelques  réminiscences,  malgré  les  siècles  écoulés  et  les 
vicissitudes  sans  nombre  qu'ils  durent  subir  avant  d'atteindre  le 
terme  de  leur  exode.  »  Je  ne  saurais  donner  un  aperçu,  quelque 
résumé  qu'il  soit,  des  nombreuses  questions  américanistes  dont 
je  me  suis  occupé  dans  ce  mémoire.  Il  y  a  là  bien  des  détails  dont 
j'aurais  du  me  dispenser,  si  j'avais  eu  Texpérieuce'  que  j'ai  acquise 
plus  tard  et  surtout  pendant  mon  présent  voyage  en  Europe.  Les 
caractères  symboliques  comparés  n'ont,  entre  autres,  aucune 
raison  d'être  au  point  de  vue  d'une  origine  commune  qu'on  pour- 
rait leur  attribuer,  car,  si  je  voulais  en  augmenter  le  nombre,  il 
me  faudrait  y  ajouter  des  milliers  d'autres  et  de  tous  les  peuples 
du  globe.  Il  est  évident,  d'après  mes  propres  idées  bien  souvent 
exprimées  et  assez  clairement  exposées  dans  la  préface  de  la 
Revue  de  V Exposition  anthropologique,  que  la  similarité  des  pro_ 
duits  industriels  ou  artistiques  des  peuples  sauvages  les  plus 
éloignés  entre  eux,  n'est  point  du  tout  une  preuve  de  leur  com- 
mune existence.  Car,  quelle  que  soit  l'origine,  unique  ou  multiple,, 
de  l'humanité,  les  aptitudes  de  l'homme,  comme  de  tous  les 
animaux,  devaient  se  trouver,  au  commencement  de  son  existence, 
moins  attachées  à  la  transmissibilité  des  idées  de  ses  ancêtres 
sur  telle  ou  telle  manière  d'agir,  qu'à  son  organisme,  à  ses  facul- 
tés et  à  ses  besoins.  D'ailleurs,  cet  aulo-fonctionnisme, —  qu'on 
me  passe  le  mot,  —  est  parfaitement  remarqué  et  toujours  cons- 
taté chez  les  animaux  de  la  même  famille,  africains  ou  asiatiques, 
américains  ou  océaniens,  lesquels,  n'ayant  jamais  eu  de  rapports 
entre  eux,  construisent  pareillement  leurs  nids  ou  leurs  habita- 
tions souterraines,  et  présentent  un  grand  nombre  d'analogies 
dans  leurs  mœurs  et  besoins  physiologiques.  Somme  toute,  la 
plus  grande  discrétion  doit  être  observée  dans  ces  questions  aussi 
délicates  que  pleines  de  dangereux  attraits.  Les  Américains  ne 
sont  peut-être  pas  tous  de  l'Amérique  à  l'origine,  mais  qui  oserait 
émettre  une  affirmation  à  ce  sujet?  Il  est  encore  trop  tôt  pour 
chercher  à  éclaircir  ces  problèmes  difficiles.  Continuons  à  ramas- 
ser de  nouveaux  matériaux  ;  demandons  encore  au  vieux  sol  de 
ce  continent  improprement  appelé  Nouveau,  les  vestiges  des 
anciennes  races  qui  l'ont  foulé  longtemps  avant  de  loi  confier 
leurs  os  fatigués,  et  bien  plus  tard  seulement  la  vérité  se  fera 
jour  peut-être  pour  nous. 

Je   discutais   en  moi-même  toutes  ces   idées,  en  m'occupant 
d'une   expédition  envoyée   dernièrement  sur  mon    initiative  par 


G3S  LE     BRÉSIL     EN      18  89. 

la  Société  de  géographie  de  Rio-de-Janeiro  aux  sources  du 
Tapajôs,  lorsqu'une  invitation  de  11.  Reiss,  le  savant  président 
de  la  septième  session  du  Congrès  des  Américaoistes  à  Berlin, 
\ini  m'appeler  à  Rio-de-Janeiro  pour  prendre  part  aux  travaux 
.le  ce  Congrès.  Je  venais  de  faire  paraître  leseptième  volume  de 
nos  Archives,  entièrement  consacré  aux  invertébrés  fossiles  brési- 
liens de  la  Commission  Hartt,  dont  j'avais  confié  les  matériaui 
au  professeur  White,  des  États-Unis,  cl  je  réunissais  de  nouveaux 
travaux  pour  le  huitième  volume,  dont  la  première  moitié  esl 
déjà  imprimée.  J'avais  également  fort  à  l'aire  pour  la  partie  admi- 
uistrave  du  Muséum;  mais  je  ne  pouvais  pas  perdre  une  occasion 
aussi  précieuse  que  celle  de  la  réunion  du  Congrès  à  Berlin.  J'y 
muais  non  seulement  à  exposer  nos  travaux,  mais  aussi  à  con- 
naître ceux  de  tous  les  autres  savants  conviés  à  cette  fête  de 
l'esprit,  et  surtout  à  admirer  les  belles  collections  du  Musée 
ethnographique  de  Berlin,  le  plus  riche  de  tous  ceux  que  l'on 
connaisse.  L'occasion  était,  donc,  on  ne  peut  plus  favorable; 
cependant  le  Muséum  n'était  pas  à  même  de  pourvoir  aux  besoins 
de  mou  voyage  à  Berlin.  J'y  songeais,  sans  savoir  comment  me 
tirer  d'une  telle  difficulté,  lorsque  ridée  me  vint  de  m'adresser  à 
M.  le  marquis  de  Paranaguâ,  le  digne  président  de  la  Société  de 
Géographie  de  Rio-de-Janeiro.  Grâce  à  son  influence,  à  laquelle 
on  doit  l'état  de  prospérité  de  cette  Société,  ainsi  que  plusieurs 
explorations  scientifiques,  parmi  lesquelles  celle  du  Tapajôs  que 
j'ai  mentionnée  tout  à  l'heure,  j'ai  pu  m'emharquer  le  4  septem- 
bre de  l'an  dernier  pour  Hambourg,  où  je  suis  arrivéjuste  à  temps 
pour  prendre  part  à  l'ouverture  du  Congrès  de  Berlin.  Cette 
Assemblée  scientifique,  remarquable  par  son  vaste  et  beau  pro- 
gramme ainsi  que  par  le  grand  nombre  de  membres  qui  vinrent 
de  tous  pays  y  prendre  part,  m'ayant  nommé  l'un  des  vice-prési- 
dents du  Conseil  général  de  la  session  et  président  de  la  seconde 
séance  de  nos  trauaux,  j'ai  cru  devoir  répondre  à  cette  bienveil- 
lante distinction  en  m'inscrivant  pour  l'exposition  de  deux  com- 
munications sur  l'archéologie  et  l'ethnographie  du  Brésil  :  la 
première  a  trait  aux  antiquités  de  l'embouchure  do  l'Amazone  ; 
la  seconde  à  l'origine  de  la  néphrite  et  de  lajadéite,  substances 
congénères  dont  les  indigènes  américains  et  particulièrement 
ceux  de  la  vallée  de  l'Amazone  ont  fabriqué  de  tout  temps  leurs 
amulettes  et  leurs  ornements  personnels.  Voici  à  peu  près  ce  que 
j'en  ai  dit  : 

Les  antiquités  de  l'île  de  Marajo  sont  pour  la  plupart  des  urnes 


SCIENCES.    LE   MUSÉUM   NATIONAL.  G39 

funéraires  qu'un  peuple  céramiste,  très  avancé  par  rapport  aux 
sauvages  (les  régions  environnantes,  y  a  enterrées  avec  les  os  de 
ses  morts.  Ces  urnes  se  trouvent,  le  plus  souvent,  dans  des  col- 
lines artificielles,  en  tout  semblables  aux  mounds  de  l'Amérique 
du  Nord.  On  les  rencontre  rarement  enterrées  dans  le  sol  naturel 
de  l'île.  La  colline  artificielle  de  Pacoval,  où  j'ai  fait  plus  particu- 
lièremenl  mes  fouilles,  se  trouvant  dans  l'intérieur  de  cette  île, 
au  bord  du  lac  Arary,  dont  la  surface  est  d'environ  12  kilomètres 
de  long  sur  i  de  large,  est  tantôt  une  île  de  ce  lac,  tantôt  une 
péninsule  rattachée  au  sol  de  File,  selon  que  le  niveau  des  eaux 
de  l'Amazone  est  plus  ou  moins  élevé.  Le  mound  de  Pacoval,  qui 
mesure  près  de  100  mètres  de  long  sur  45de  large,  et  dont  la  haut 
teur  atteint  au  centre  de  5  à  6  mètres,  n'est  à  présent  que  le  tiers 
et  peut  être  encore  moins  de  ce  qu'il  fut  jadis.  11  est  même  bien 
probable  qu'il  eut  au  commencement  la  forme  d'un  chélonien 
(le  jabot  y  ou  plutôt  :  Jaùty)  très  vénéré  dans  toutes  les  fables 
indigènes,  car,  encore  de  nos  jours,  ce  petit  ilôt  artificiel  est 
composé  de  deux  élévations  dont  Tune  (le  corps  du  jaboty)  est  dix 
fois  plus  grande  que  l'autre  ;  de  sorte  que  si  Ton  avait  voulu 
le  construire  sur  la  figure  de  cet  animal  en  le  représentant  la  tête 
hors  de  la  carapace,  comme  il  se  tient  en  marchant,  on  ne  s'y 
serait  pas  mieux  pris. 

Pour  vérifier  cette  supposition,  j'ai  pratiqué  plusieurs  fouilles 
dans  la  dépression  qui  sépare  les  deux  élévations,  et  je  n'y  ai  rien 
trouvé.  Du  reste  tout  me  porte  à  croire  que  les  constructeurs  de 
cette  nécropole  chéloniforme  n'enterraient  leurs  urnes  funéraires 
que  dans  la  plus  grande  des  deux  élévations;  l'autre,  où  Ton  n'a 
rien  trouvé,  figurant  la  tête  de  la  bête  et  n'ayant  qu'une  dizaine 
de  mètres  à  peine  de  longueur.  D'après  moi,  le  mound  de  Pacoval 
était  à  la  fois  la  nécropole  de  la  nation  et  la  résidence  de  son  chef, 
car,  le  sol  de  l'île  étant  très  plat  de  ce  côté,  le  regard  devait 
embrasser,  de  cette  hauteur  artificielle,  une  grande  étendue  soit 
vers  la  terre,  soit  vers  le  lac.  Chez  ce  peuple  essentiellement 
potier,  la  céramique,  son  unique  industrie,  était  toujours  exercée 
par  des  femmes,  ce  qui  me  fait  croire  qu'elles  y  régnaient  en 
maîtresses.  Le  mort  était  enseveli  dans  la  terre  ou  plutôt  mis 
en  macération  dans  l'eau,  à  l'abri  des  caïmans  qui  y  sont  fort 
nombreux.  Une  fois  les  os  complètement  dépouillés  de  chair  et 
préparés  convenablement,  on  les  déposait  dans  l'urne  qui  leur 
était  destinée.  Quant  à  celle-ci,  tout  me  fait  supposer  qu'on  la 
fabriquait  et  la  décorait  suivant  les  qualités  du  défunt,   pendant 


640  LE     BRÉSIL     EN      18  80. 

que  ses  chairs  se  décomposaient  dans  le  dépôl  provisoire  ;  car 
toutes  les  urnes  déterrées  jusqu'à  présent  de  ce  mound  décèlent 
le  rang  du  mort,  son  importance,  son  sexe  et  peut-être  même 
son  âge  et  son  nom,  à  en  juger  par  des  figures  très  curieuses  qui 
les  couvrent.  A  ce  sujet,  un  fait  est  bien  digne  de  mention,  c'esl 
que  toute  urne  gardant  la  dépouille  d'une  femme  en  représente 
l'image  plus  ou  moins  complète,  depuis  la  tête  jusqu'aux  pieds,  ei 
contient,  avec  des  plats  et  des  petits  vases4,  le  plus  souvent  cassés, 
un  objet  très  remarquable,  sous  la  forme  d'une  plaque  triangu- 
laire, concave  d'un  côté,  convexe  de  l'autre,  et  avec  un  trou  à 
chaque  extrémité,  où  des  fils  assez  fins  pouvaient  passer,  afin 
d'attacher  cette  espèce  de  folium  vitis  au  corps  de  sa  propriétaire. 
Ces  plaques  sont  très  soigneusement  laites  en  argile  cuite,  peinte 
en  blanc,  avec  des  dessins  décoratifs,  tantôt  en  noir  et  en  rouge, 
tantôt  d'une  seule  de  ces  couleurs,  toujours  avec  une  fin 
admirable  et  un  cachet  vraiment  artistique. 

Mais  ce  qui  Trappe  le  plus  l'attention  dans  ces  objets,  c'est 
l'exacte  juxtaposition  (prou  cherchait  à  leur  donner  sur  l'organe 
qu'ils  devaient  couvrir,  en  les  faisant  sur  mesure,  peut-être. 
Chaque  pièce  (Hait  évidemment  destinée  à  sa  propriétaire,  à  juger 
non  seulement  d'après  cette  particularité,  mais  aussi  d'après  les 
dessins  qui  en  retraçaient  les  qualités  :  car,  parmi  plus  de  00  de 
ces  plaques  dont  j'ai  fait  une  étude  très  minutieuse,  il  n'y  en  avait 
pas  deux  qui  fussent  pareilles.  Du  reste,  comme  pour  les  urnes, 
ces  ornements,  symboles  de  pudeur,  instruments  préservatifs  ou 
de  toute  autre  nature,  décelaient  deux  classes  distinctes  de 
femmes  chez  ce  peuple  :  l'une  puissante,  représentant  l'aristo- 
cratie ;  l'autre  pauvre,  obscure,  représentant  la  plèbe.  A  la  pre- 
mière appartenaient  les  élégantes  folla  vitis  dont  je  viens  de 
faire  la  description  ;  pour  la  seconde,  ces  objets  étaient  fabriqués 
en  argile  mal  cuite,  sans  mesure  sans  peinture  et  avec  foute  la 
négligence  de  l'à-peu-près.  Or,  jusqu'ici,  aucune  autre  nation 
barbare,  soit  de  l'Amérique,  soit  d'ailleurs,  n'ajamais  présenté, 
que  je  sache,  cet  ornement  de  femme  en  terre  cuite  peinte,  parti- 

1.  Cette  habitude,  d'ailleurs  très  répandue  chez  presque  tous  les  peuples 
primitifs  du  globe,  a  pris  de  d'Iles  racines  dans  L'Amazonie  que,  parmi  les 
Qombreuses  sépultures  que  j'ai  fouillées  dans  la  vallée  de  la  rivière  du  Capim, 
sépultures  d'Indiens  Tembés  déjà  baptisés,  pas  nue  ne  se  trouva  dépourvue 
de  plats  de  faïence  importés  d'Europe  et  enterrés  avec  le  mort.  Pour  les 
sépultures  des  hommes  ou  y  ajoutait  leurs  couteaux,  de  fabrique  également 
européenne.  Les  croyances  sauvages  subsistent  doue  encore  malgré  le 
christianisme. 


SCIENCES.     LE    MUSÉUM    NATIONAL.  641 

cularité  qui  donne  à  ce  peuple  un  caractère  propre  et  pourrait 
jusqu'à  un  certain  point  prouver  son  long  séjour  à  Marajô.  Quant 
aux  urnes  où  les  plus  riches  de  ces  ornements  ont  été  trouvés,  il 
faut  en  signaler  un  caractère  qui  n'est  pas  moins  remarquable  et 
qui,  tout  en  donnant  à  ces  sarcophages  en  argile  un  cachet  d'un 
très  haut  intérêt,  ne  peut  qu'éveiller  l'attention  des  Américanistes. 
Je  veux  parler  des  peintures  décoratives  dont  ces  vases,  en  forme 
de  femmes,  sont  entièrements  couverts,  circonstance  d'autant 
plus  curieuse  que  ces  gravures  ont  exactement  la  forme  capri- 
cieuse des  tatouages  des  chefs  Munducurùs  de  l'Amazone,  ou  des 
Maoris  de  la  Nouvelle-Zélande.  Sans  vouloir  dépasser  les  bornes 
du  champ  de  l'observation,  ni  attacher  aux  objets  dont  je  viens 
de  parler  plus  d'importance  qu'ils  n'en  ont  en  réalité,  je  ne  peux 
m'empêcher  d'appeler  l'attention  des  Américanistes  sur  l'influence 
qu'une  certaine  classe  de  femmes  semble  avoir  eue  dans  l'île  de 
Marajô,  influence  révélée  par  ces  urnes  aussi  soigneusement 
faites  que  richement  parées  d'un  véritable  tatouage,  car  tel  est 
bien  le  nom  qui  convient  le  mieux  à  cette  ornementation.  D'un 
autre  coté,  ces  tabliers  de  pudeur,  d'une  fabrication  presque  aussi 
délicate  que  celle  de  la  vielle  porcelaine,  méritent  bien  qu'on  y 
arrête  un  moment  l'attention.  Nous  y  avons,  selon  moi,  des  carac- 
tères ethnologiques  dignes  d'un  grand  intérêt,  d'autant  plus  qu'il 
s'agit  d'une  région  où  la  tradition  la  plus  répandue  et  la  plus 
hautement  placée  dans  l'esprit  de  toutes  les  tribus  de  la  vallée 
de  l'Amazone,  indiquait  l'existence  d'une  classe  de  femmes  extra- 
ordinaires dont  le  grand  fleuve  lui-même  a  pris  le  nom.  Si  cette 
tradition  d'une  véritable  Gynéocratie  a  jamais  eu  quelque  raison 
d'être,  c'est  bien  vraisemblablement  chez  cette  nation  de  femmes 
céramistes,  probablement  fort  nombreuses  et  même  puissantes, 
et  dont  les  chefs  devaient  jouir  des  honneurs  les  plus  grands  et 
les  plus  élevés  dans  la  localité.  C'est  un  sujet  qui  devait  mériter 
d'attirer  Tattention  du  Congrès,  auquel  je  l'ai  proposé  comme 
une  des  questions  d'études  dont  la  huitième  session,  que  nous 
avons  résolu  de  célébrer  à  Paris,  doit  rédiger  le  programme. 

Pour  la  néphrite  et  la  jadéite,  dont  les  indigènes  américains 
ont  fait  leurs  amulettes,  il  faut  qu'on  sache  tout  d'abord  que  les 
objets  en  jadéite  rencontrés  jusqu'à  présent  en  Amérique  sont 
très  rares,  tandis  que  ceux  en  néphrite  y  sont  bien  communs 
partout,  depuis  la  presqu'île  d'Alaska  jusqu'au  delà  de  la  vallée 
de  la  Plata .  Du  reste ,  l'analyse  spectrale  appliquée  au 
microscope  commence  à  dissiper  la  confusion  qui  régnait  dans 

41 


042  LE     BRÉSIL     EN     1889. 

Les  distinctions  de  ces  silicates  alumineux,  très  rapprochés  l'un 
de  L'autre  sous  tous  les  rapports,  et  il  en  résultera  probablement 
quelque  restriction  à  ces  distinctions.  Quoi  qu'il  en  soit,  ce  sont 
des  su l>s tances  appartenant  aussi  bien  a  L'Amérique  qu'à  l'ancien 
continent.  Les  objets qu'onjen  a  laits  de  tout  temps  chez  la  plupart 
des  peuples  américains  n'ont  donc  rien  à  voir  avec  des  immigra- 
tions quelconques  qui  auraient  eu  lieu  dans  le  .Nouveau  monde. 
Si,  jusqu'à  présent,  on  n'y  a  pas  trouvé  les  gisements  de  ces 
substances,  cela  est  dû  simplement  à  ce  que  ces  silicates  se  trou- 
vent dans  des  filons  de  roches  serpentines,  et  que  ces  filons,  à 
peine  mis  à  découvert  par  une  cause  quelconque,  sont  aussitôt 
décomposés  ou  désagrégés  au  contact  des  pluies  et  des  intempé- 
ries. Une  fois  ces  filons  décomposés,  Les  fragments  de  néphrite 
dont  ils  sont  la  gangue,  ont  le  sort,  (\^^  cailloux  roulés.  Détachés 
de  leur  gisement,  ils  sont  bientôt  entraînés  par  les  eaux  pluviales 
et  les  courants  jusqu'au  fond  des  rivières  où,  comme  en  Chine  et 
partout  ailleurs  où  ces  substances  existent,  on  les  trouve  plus 
tard  complètement  roulés. 

Après  la  clôture  du  Congrès,  je.  me  suis  occupé  tout  particu- 
lièrement d'établir  des  relations  entre  le  Muséum  national  et  les 
établissements  congénères  des  différentes  nations  d'Europe.  J'en 
ai  visité  déjà  quelques-uns,  j'en  visiterai  bien  d'autres,  et  j'espère 
que  mon  voyage  pourra  aider  au  progrès  d'un  établissement 
scientifique  où  se  sont  écoulées  les  vingt  dernières  années  de  ma 
vie. 

Un  des  meilleurs  services  que  je  crois  avoir  rendu  à  la  science, 
c'est  l'acquisition  du  fameux  météorite,  connu  aujourd'hui  sons 
le  nom  de  Bendegô,  nom  dû  à  la  dénomination  africaine  que  des 
nègres  marrons  ont  donnée,  il  y  a   plus  de  deux  siècles,  à  l'en- 
droit où  fut  rencontré  ce  sidérolithe.  Il  y  avait  longtemps  que 
Monnay   et,    après    lui,    le  botaniste   Ton   Marlius   avaient  fait 
connaître  au  monde  savant  ce  météorite,  dont  quelques  échantil- 
lons avaient  été  envoyés  à  des  musées  européens.  Mais,  au  Brésil 
on  en  parlait  à  peine  et  à  Bahia  on  ne  connaissait  même  plus 
exactement   la  localité  où   il  se  trouvait.   En  1876,  j'écrivais  à 
M.  Hocha  Dias,  directeur  du  chemin  de  fer  Bahia-San-Francisco, 
le  priant  de  prendre  des  renseignements  à  ce  sujet,  car  le  bureau 
de  ses  travaux  se  trouvait  à  une  vingtaine  de  lieues  de  Bendegô. 
11    envoya    deux   de   ses  adjoints  à   celte  localité,  et,  deux  mois 
après  je  recevais,  avec  des  échantillons  du  météorite,  des    infor- 
mations précisessurla  topographie  des  terrains  environnants,  sur 


SCIENCES.     LE    MUSÉUM     NATIONAL.  643 

les  frais  de  transport,  etc.  Je  m'adressai  alors  à  M.  le  baron  de 
G  lia  h  y,  député  de  Bahia,  qui  me  promit  de  s'intéresser  à  la  ques- 
tion du  transport  de  ce  précieux  sidérolithc.  Diverses  circons- 
tances retardèrent  la  réalisation  de  ce  projet.  Plus  tard,  la  Société 
de  géographie  de  Rio-de-Janeiro  prit  en  main  cette  cause.  Grâce 
à  la  générosité  de  M.  le  baron  de  Guahy,  elle  put  effectuer  le 
transport  du  météorite  de  Bendegô,  dont  elle  chargea  M.  José 
Carlos  de  Carvalho,  lequel  s'en  acquitta  avec  plein  succès.  Ce 
météorite,  qui  se  trouve  aujourd'hui  au  Muséum,  pèse  plus  de 
5.000  kilogrammes,  et  on  peut  en  voir  une  reproduction  dans  la 
section  du  Brésil,  au  Ghamp-de-Mars. 


CHAPITRE  XXII 


PROPRIÉTÉS   INDUSTRIELLE  ET  LITTÉRAIRE 


Par  M.    F.-J.   DE    SANTA-ANNA   NÉRY 


La  propriété  industrielle  est  réglée  actuellement  au  Brésil  par 
la  loi  numéro  3.129  du  14  octobre  1882  sur  les  brevets  d'inven- 
tion, par  le  décret  numéro  3.345  du  14  octobre  1887  et  le  règle- 
ment approuvé  par  le  décret  numéro  9.828  du  31  décembre  de  la 
même  année  sur  les  marques  de  fabrique  et  de  commerce,  et  par 
le  décret  numéro  9.801  du  5  novembre  1887  expliquant  quel- 
ques dispositions  de  la  loi  relative  aux  brevets  d'invention.  La 
propriété  littéraire  n'est  réglée  que  par  un  article  du  Code  cri- 
minel absolument  insuffisant  pour  protéger  les  droits  intellec- 
tuels. 

Propriété  industrielle.  —  Voici  les  dispositions  de  la  loi  du 
14  octobre  1882  sur  les  brevets  d'invention. 

Article  Premier.  —  La  loi  garantit,  par  la  concession  d'un  brevet,  à  tout 
auteur  d'invention  ou  découverte  industrielle  la  propriété  et  l'usage  exclusif 
de  sa  découverte  ou  invention. 

§  Ier.  Est  considérée  invention  ou  découverte  pour  les  effets  assurés  par 
cette  loi  : 

1°  L'invention  de  nouveaux  produits  industriels  ; 

2°  L'invention  de  nouveaux  moyens  ou  l'application  nouvelle  de  moyens 
déjà  connus  pour  obtenir  un  produit  ou  un  résultat  industriel  ; 

3°  Le  perfectionnement  d'une  invention  déjà  breveté,  si,  par  ce  perfec- 
tionnement, la  fabrication  du  produit  ou  l'usage  de  l'invention  brevetée  sont 
rendus  plus  faciles  ou  si  l'utilité  en  est  augmentée. 


646  LE     BRÉSIL     EN     1389. 

On  entend  par  nouveaux,  les  produits,  les  moyens,  applications  et  per- 
fectionnements industriels  qui,  jusqu'à  la  demande  du  brevet,  n'auronl  pas 
été  employés  ou  dont  il  n'aura  pas  été  fait  usage  dans  l'intérieur  ou  hors 
<le  l'Empire,  <>u  qui  n'auront  pas  été  décrits  ou  publiés  de  manière  à  pouvoir 
être  employés  ou  mis  en  pratique. 

§  11.  Ne  peuvent  faire  l'objel  d'un  brevet,  les  inventions: 

i°  Contraires  aux  lois  ou  à  la  morale: 

2°  Attentatoires  à  la  sécurité  publique  ; 

3°  Préjudiciables  à  la  saut.'-  publique  ; 

4°  Celles  qui  n'offriront,  pas  un  résultat  pratique  industriel, 
S  III.  Le  brevet  sera  concédé  par  le    pouvoir  exécutif,  après  l'accomplis- 
sement  des   formalités    exigées   par    la   présente   loi   et   les  règlements  s'y 
référant. 

§  IV.  Le  privilège  exclusif  de  l'invention  principale  ne  sera  en  vigueur 
<pie  pour  iy  ans  et  celui  du  perfectionnement  de  l'invention,  concédé  à  l'au- 
teur de  la  dite  invention,  se  terminera  en  même  temps  que  celui-là. 

Si  pendant  la  durée  du  privilège  la  nécessité  ou  l'utilité  publique exigeail 
la  vulgarisation  de  l'invention  ou  son  usage  exclusif  par  l'État,  le  brevel 
pourrait  être  exproprié  suivant  les  formalités  légales. 

§  V.  Le  brevet  est  transmissible  par  tout  moyen  de  cession  ou  transfert 
admis  en  droit. 

Art.  ±  —  Les  inventeurs  brevetés  dans  d'autres  pays  pourrout 
obtenir  la  confirmation  de  leurs  droits  dans  l'Empire  pourvu  qu'ils  remplis- 
sent les  formalités  et  conditions  de  cette  loi  et  qu'ils  observent  les  autres 
dispositions  en  vigueur  applicables  au  cas. 

La  confirmation  donnera  les  mêmes  droits  que  le  brevet  concédé  dans 
l'Empire. 

§  Ier.  La  propriété  du  droit  de  propriété  de  l'inventeur  qui,  ayant 
demandé  un  brevet  en  pays  étranger,  fera  la  même  demande  au  gouverne- 
ment Impérial  dans  le  délai  de  sept  mois,  ne  sera  pas  invalidée  pour  des  faits 
survenus  pendant  celte  période,  tels  qu'une  autre  demande  pour  le  même 
objet,  la  publication  de  l'invention,  ou  son  usage  ou  son  emploi. 

§  11.  Il  sera  remis  à  l'inventeur  qui,  avant  l'obtention  du  brevet,  voudra 
faire  en  public  l'expérience  de  ses  inventions  ou  les  exhiber  dans  une  expo- 
tition  officielle  ou  reconnue  officiellement,  un  titre  lui  garantissant  provi- 
soirement sa  propriété  pour  un  délai  et  avec  les  formalités  exigées. 

§  III.  Pendant  la  première  année  du  privilège  l'inventeur  seul  ou  ses 
légitimes  successeurs  pourront  obtenir  le  privilège  de  perfectionnement  de 
leur  invention.  Il  sera  cependant  permis  à  des  tiers  de  présenter  leurs 
demandes  pendant  le  dit  délai  afin  d'assurer  leurs  droits. 

L'inventeur  du  perfectionnement  ne  pourra  faire  usage  de  l'industrie 
perfectionnée  tant  que  durera  le  privilège  de  l'invention  principale,  sans 
l'autorisation  de  l'auteur  de  l'invention,  lequel,  à  son  tour,  ne  pourra 
employer  le  perfectionnement  qu'avec  L'autorisation  de  celui  qui  en  est 
l'auteur. 

§  IV.  —  Si  deux  ou  plusieurs  personnes  demandent  en  même  temps  un 
privilège  pour  une  invention  identique,  le  gouvernement,  en  dehors  de 
l'hypothèse  du  §  («du  présenl  article, leur  ordonnera  qu'elles  règlent  la  ques- 
tion de  priorité  d'un  commun  accord  ou  devant  le  tribunal  compétent. 


PROPRIÉTÉS     INDUSTRIELLE     ET     LITÉRAIRE.  647 

Art.  3.  —  L'inventeur  qui  désirera  obtenir  un  brevet  déposera  en  dupli 
esta,  dans  le  bureau  de  l'administration  que  le  gouvernement  désignera,  sous 
enveloppe  fermée  et  cachetée,  un  mémoire,  en  langue  nationale,  décrivant, 
avec  précision  et  clarté,  l'invention,  son  luit,  son  mode  d'emploi,  en  y  joi- 
gnant les  plans,  dessins,  modèles  et  échantillons  qui  puissent  donner  une 
connaissance  exacte  de  l'invention  et  servir  à  l'intelligence  du  mémoire,  de 
façon  que  toute  personne  compétente  en  la  matière  puisse  obtenir  ou  appli- 
quer le  résultat,  procédé  ou  produit  de  l'invention  dont  il  est  question.  Le 
mémoire  déterminera  avec  clarté  et  précision  les  caractères  constitutifs  du 
privilège.  L'extension  du  droit  de  brevet  sera  déterminée  par  les  dits  carac- 
tères (revendications),  et  il  en  sera  fait  mention  dans  le  brevet. 

§  1er.  Avec  le  certificat  du  dépôt  sera  présentée  la  demande  qui  devra  se 
limiter  à  une  seule  invention,  spécifiant  la  nature  de  l'invention  et  son  but 
ou  application  d'accord  avec  le  mémoire  et  les  pièces  déposées. 

§11.  S'il  semble  que  la  matière  de  l'invention  contienne  une  infraction 
au  $  II  de  l'art.  1er  ou  si  elle  a  pour  objet  des  produits  alimentaires,  chimi- 
ques ou  pharmaceutiques,  le  gouvernement  ordonnera  un  examen  préa- 
lable et  secret  d'un  des  exemplaires,  conformément  aux  règlements  ulté- 
rieurs; suivant  le  résultat  de  cet  examen  le  gouvernement  concédera  ou 
refusera  le  brevet. 

Il  y  aura  recours  par  devant  le  Conseil  d'État  d'une  décision  dans  le 
sens  négatif. 

§  III.  Sauf  dans  les  cas  mentionnés  au  paragraphe  précédent,  le  brevet 
sera  délivré  sans  examen  préalable. 

Le  brevet  désignera  toujours  d'une  façon  sommaire  l'objet  du  privilège, 
avec  réserve  des  droits  des  tiers  et  sans  la  garantie  du  gouvernement,  quant 
à  la  nouveauté  ou  à  l'utilité  de  l'invention. 

Sur  le  brevet  de  l'inventeur  privilégié  hors  de  l'Empire,  on  déclarera 
qu'il  sera  valable  tant  que  le  brevet  étranger  sera  lui-même  en  vigueur,  sans 
toutefois  jamais  dépasser  le  délai  indiqué  au  §  VI  de  l'art.  1er. 

§  IV.  En  outre  des  dépenses  et  des  émoluments  qui  seront  dus,  les  con- 
cessionnaires de  brevets  paieront  un  droit  de  20  $  000  (50  francs)  pour  la  pre- 
mière année  ;  de  30  $  000  (75  francs)  pour  la  seconde  :  de  40  $  000  (100  francs) 
pour  la  troisième,  en  augmentant  ainsi  de  10  $  000  (25  francs)  chaque  année 
la  taxe  annuelle  payée  l'année  précédente  et  ainsi  de  suite  pendant  toute  la 
durée  du  privilège. 

En  aucun  cas  les  taxes  annuelles  ne  seront  restituées. 

§  V.  A  l'inventeur  breveté,  qui  aura  perfectionné  son  invention,  on 
donnera  un  certificat  de  perfectionnement  qui  sera  inscrit  sur  le  brevet  pri- 
mitif. 

Pour  ce  certificat,  l'inventeur  paiera  en  une  seule  fois  la  somme  corres- 
pondante à  l'annuité  à  échoir. 

§  VI.  Le  transfert  ou  la  cession  des  brevets  ou  certificats  n'aura  d'effet 
qu'autant  qu'il  sera  enregistré  au  ministère  de  l'agriculture,  du  commerce 
et  des  travaux  publics. 

Art.  4.  —  Dans  le  délai  de  30  jours  après  la  concession  du  brevet,  on 
procédera,  avec  les  formalités  exigées  par  les  règlements,  à  l'ouverture  des 
enveloppes  déposées. 


C48  LE     BRÉSIL     EN     1889. 

Le  mémoire  sera  immédiatement  publié  dans  le  Diario  Officiai  >  et  l'un  des 
exemplaires  des  dessins,  plans,  modèles  ou  échantillons  sera  mis  à  la  dispo- 
sition du  public  et  à  l'étude  des  intéressés;  il  sera  permis  d'en  prendre  copie. 

§  unique.  —  Dans  le  cas  où  l'examen  préalable,  dont  il  est  question  au 
§  Il  de  l'article  3,  n'aurait  pas  eu  lieu,  le  gouvernement,  après  la  publicatiou 
du  mémoire,  ordonnera  la  vérification,  au  moyen  d'expériences,  des  condi- 
tions et  qualités  exigées  par  la  loi  pour  la  validité  du  privilège  ;  on  pro- 
cédera suivant  le  mode  établi  pour  cet  examen. 

A  ht.  o.  —  Le  brevet  restera  sans  effet  par  nullité  ou  déchéance. 

§  l«.  Le  brevet  sera  nul  dans  les  cas  suivants  : 

1°  Si,  dans  sa  concession,  ou  a  enfreint  quelqu'une  des  prescriptions  des 
§§  [et  et  11  de  L'art.  1"; 

2°  Si  le  concessionnaire  n'avait  pas  la  priorité: 

3°  Si  le  concessionnaire  a  manqué  à  la  vérité  ou  a  caché  quelque  élément 
essentiel  dans  le  mémoire  descriptif  de  l'invention  quant  à  son  objet  ou  au 
mode  de  s'en  servir  ; 

4°  Si  la  dénomination  de  l'invention  a  été,  dans  un  but  frauduleux,  diffé- 
rente de  son  objet  réel  ; 

5"  Si  le  perfectionnement  n'a  pas  un  rapport  direct  avec  l'industrie 
principale  et  peut  constituer  une  industrie  séparée,  ou  s'il  y  a  eu  omission 
de  la  préférence  établie  par  le  g  II  de  l'art.  3. 

g  IL  La  déchéance  du  brevet  aura  lieu  dans  les  cas  suivants  : 

1  Si  le  concessionnaire  ne  fait  pas  usage  effectif  de  son  invention  dans 
le  délai  de  trois  ans  à  partir  du  jour  de  la  date  du  brevet  ; 

2°  Si  le  concessionnaire  interrompt  l'usage  effectif  de  son  invention  pen- 
danl  plus  d'un  an,  sauf  motif  de  force  majeure,  admis  par  le  gouvernement 
après  avoir  entendu  l'avis  de  la  section  respective  du  Couseil  d'État. 

On  entend  par  usage,  dans  ces  deux  cas,  l'exercice  effectif  de  l'industrie 
privilégiée  et  la  fourniture  des  produits  dans  la  proportion  de  leur  emploi 
ou  de  leur  consommation. 

S'il  est  prouvé  que  la  fourniture  des  produits  est  évidemment  insuf- 
fisante  pour  satisfaire  aux  exigences  de  leur  emploi  ou  de  leur  consom- 
mation, le  privilège  pourra  être  restreint  à  une  zone  déterminée  par  un 
décret  du  gouvernement,  avec  approbation  du  Pouvoir  Législatif. 

3°  Si  le  concessionnaire  ne  paie  pas  les  annuités  dans  les  délais  légaux  ; 

4°  Si  le  concessionnaire  résidant  hors  de  l'Empire,  ne  constitue  pas  un 
mandataire  chargé  de  le  représenter  près  le  gouvernement  ou  en  justice: 

5°  S'il  y  a  renonciation  expresse  du  brevet; 

6°  S'il  y  a  cessation  pour  une  cause  quelconque  du  brevet  ou  du  titre 
étranger  concernant  une  invention  également  brevetée  dans  l'Empire  : 

7°  A  l'expiration  de  la  durée  du  privilège. 

$  III.  La  nullité  du  brevet  ou  du  certificat  de  perfectionnement  sera  dé- 

1.  Par  un  décrel  eu  date  du  16  décembre  1884  : 

1°  Les  concessionnaires  de  brevets  sont  obligés  de  faire  publier,  à  leurs 
frais,  dans  le  Diario  Officia^  les  mémoires  descriptifs  de  leurs  inventions; 

2°  Les  brevets  ne  produiront  pas  leurs  effets  légaux,  tant  que  n'auront 
pas  été  publiés  les  concessions  et  les  mémoires  descriptifs  qui  ont  servi  pour 
ces  concessions. 


PROPRIÉTÉS     INDUSTRIELLE     ET     LITTÉRAIRE.  649 

livrée  par  sentence  du  juge  commercial  de  la  capitale  de    l'Empire  moyen- 
nant procédure  sommaire  suivant  le  décret  numéro  737  dn  25  novembre  1850. 

Sont  compétents  pour  intenter  l'action  en  nullité  : 

Les  représentants  du  fisc  (procurador  dos  feitos  du  fazenda)  et  ses  adju- 
dants auxquels  seront  remis  les  documents  ou  pièces    prouvant  l'infraction. 

L'action  en  nullité  étant  commencée  dans  les  cas  de  l'art.  1er,  \  II, 
numéros  1,  2  et  3,  les  effets  du  brevet,  et  l'usage  ou  l'emploi  de  l'invention, 
seront  suspendus  jusqu'à  ce  que  décision  finale  soit  intervenue. 

Si  le  brevet  n'est  pas  annulé,  la  pleine  jouissance  en  sera  rendue  au 
concessionnaire,  pour  le  temps  intégral  de  son  privilège. 

§  IV.  La  déchéance  des  brevets  sera  prononcée  par  le  ministre  Secrétaire 
d'État  au  département  de  l'agriculture,  du  commerce  et  des  travaux  publics 
avec  recours  au  Conseil  d'État. 

Art.  6.  —  Seront  considérés  comme  infracteurs  du  privilège  : 

1°  Ceux  qui,  sans  autorisation  du  concessionnaire,  fabriqueront  les 
produits,  emploieront  les  procédés  ou  feront  les  applications  qui  sont  l'objet  du 
brevet; 

2°  Ceux  qui  importeront,  vendront  ou  exposeront  en  vente,  cacheront 
ou  recevront  pour  être  vendus,  des  objets  qu'ils  sauront  être  une  contre" 
açon  d'une  industrie  brevetée. 

§  Ier.  Les  personnes  coupables  d'infraction  au  privilège  seront  punies  au 
profit  du  Trésor  public,  d'une  amende  de  500  $000  à  5.000  $000  (1.250  à 
12.500  fr.),  et  en  faveur  du  concessionnaire  du  brevet  de  10  à  50  0/0  du 
dommage  causé  ou  qui  pourrait  être  causé. 

§  II.  On  considérera  comme  circonstances  aggravantes  : 

1°  Que  le  contrevenant  soit  ou  ait  été  employé  ou  ouvrier  dans  les  éta- 
blissements du  concessionnaire  du  brevet  ; 

2°  Que  le  contrevenant  se  soit  associé  avec  l'employé  ou  l'ouvrier  du 
concessionnaire  afin  d'avoir  connaissance  du  procédé  pratique  pour  obtenir 
ou  employer  l'invention. 

§  III.  La  connaissance  des  infractions  aux  privilèges  appartient  aux 
juges  le  droit  des  districts  où  elles  auront  été  commises;  ils  expédieront  sur 
la  requête  du  concessionnaire,  ou  de  son  légitime  représentant,  les  mandats 
de  perquisition,  de  saisie  et  de  dépôt,  et  ils  ordonneront  les  recherches  pré- 
paratoires ou  d'instruction  du  procès. 

Le  jugement  sera  réglementé  par  la  loi  numéro  562  du  2  juillet  1850  et 
numéro  707  du  9  octobre  de  la  même  année  en  ce  qu'elles  présenteront  d'ap- 
plicable. 

Les  produits  dont  il  est  question  dans  les  numéros  1  et  2  du  présent 
article  et  les  instruments  et  appareils  seront  adjugés  au  concessionnaire  du 
brevet  par  le  même  jugement    qui  condamnera  les  auteurs  des  infractions. 

g  IV.  La  poursuite  n'empêchera  pas  le  concessionnaire  d'intenter  une 
action  dans  le  but  d'obtenir  l'indemnité  du  dommage  causé  ou  qui  pourrait 
être  causé. 

I  V.  La  juridiction  commerciale  a  la  compétence  pour  toutes  les  causes 
se  référant  aux  privilèges  industriels,  conformément  à  la  présente  loi. 

I  VI.  Seront  punis  d'une  amende  de  100$  à  500  $000  (250  à  1250  (fr.),  en 
faveur  du  Trésor  public  : 

1°  Ceux  qui  se  diront  possesseurs  de  brevets  en  faisant  usage  d'emblèmes, 


650  LE     BRÉSIL     EN     1889. 

marques,  enseignes  on  étiquettes   sur  des   produits  on  objets  préparés  pour 
le  commerce,  ou  exposés  en  vente,  comme  s'ils étaienl  brevetés: 

- :  Les  inventeurs  qui  continueront  h  exercer  leur  industrie  comme  privi- 
légiée, le  brevet  étanl  Buspendu,  annulé  ou  déchu  ; 

3°  Les  in vi'iif fiu-s  brevetés  <|ui,  au  moyeu  de  prospecta?,  annonces, 
enseignes  ou  toul  autre  mode  de  publicité,  Feront  mention  des  breveta  sans 
désigner  L'objet  spécial  pour  lesquels  ces  brevets  auronl  été  obtenus; 

i  Les  examinateurs  ou  experts  qui,  dans  l'hypothèse  désignée  au  g  11  de 
l'art.  III.  seraient  cause  de  la  vulgarisation  du  secret  de  l'invention,  sans 
préjudice,  dans  ce  cas,  des  actions  au  criminel  et  au  civil  que  les  lois  permet- 
tent. 

g  VII.  Les  infractions  dont  il  s'agit  au  paragraphe  précédent  seront  pour- 
suivies et  jugées  comme  crimes  de  simple  police  conformément  à  la  législa- 
tion en  vigueur. 

Art.  1.  —  Lorsque  le  brevet  aura  été  concédé  à  deux  ou  plusieurs  co- 
inventeurs,  ou  s'il  devient  commun  par  voie  de  donation  ou  de  succession, 
chacun  des  co-propriétaires  pourra  en  faire  librement  usage. 

Art.  S.  —  Si  le  brevet  est  donné  ou  légué  en  usufruit,  l'usufruitier  sera 
obligé,  quand  son  droit  cessera  par  suite  de  l'extinction  tic  l'usufruit  on  de 
l'expiration  dudélai  du  privilège,  à  donner  au  nu-propriétaire  la  valeur  d'après 
estimation,  calculée  en  relation  au  temps  qu'aura  duré  l'usufruit. 

Art.  9.  —  Les  brevets  d'invention  déjà  concédés  continuent  à  être  régis 
par  la  loi  du  28  août  1830  ;  les  dispositions  de  l'art,  y,  §  II,  numéros  1  et  2 
et  de  l'art.  G  de  la  présente  loi  leur  sont  applicables,  sauf  pour  les  instances 
i  f  les  actions  actuellement  pendantes. 

Art.  10.  —  Les  dispositions  contraires    à  la  présente  loi  sont  révoquées. 


Un  décret  duo  novembre  1887  déclare  :  1°  que  la  nouveauté 
de  l'invention,  quaad  il  s'agit  de  la  confirmation  d'un  brevet 
concédé  en  pays  étranger,  prévaut  seulement  pendant  sept  mois, 
comptés  de  la  date  de  la  concession  à  L'étranger,  si,  pendant  ce 
délai,  l'inventeur  la  sollicite  du  gouvernement  impérial  ;  2"  que 
Le  paragraphe  de  l'article  \  de  la  loi  ci-dessus  se  l'apporte  seule- 
menl  aux  concessions  de  brevet  qui  dépendront  d'un  examen  au 
préalable  qui  n'aura  pas  été  effectué;  3°  que  la  vérification  de 
l'invention  après  concession  du  brevet  n'étant  pas  obligatoire,  on 
considère  comme  légitimes,  pour  s'assurer  si  l'inventeur  a  satis- 
fait à  toutes  les  conditions  Légales,  tous  les  moyens  dont  peut 
disposer  dans  ce  but  L'administration,  et,  en  particulier,  l'examen 
•  lu  dossier  de  L'affaire  aux  bureaux  du  Ministère. 

Pendant  L'année  1887,  on  a  concédé  au  Brésil  \ll  brevets 
d'invention,  on  en  a  rétabli  6,  et  od  a  accordé  l'\  garanties  pro- 
visoires. 


PROPRIÉTÉS     INDUSTRIELLE     ET     LITTÉRAIRE.  651 

Sous  le  nouveau  régime  libéral  auxquels  sont  soumises  les 
marques  de  fabrique  et  de  e  ommerce,  depuis  le  14  octobre  1887, 
on  a  enregistré  dans  les  «  Juntas  »  commerciales  de  l'empire, 
jusqu'en  mai  1888  :  109  marques  de  fabrique  et  80  marques  de 
commerce. 


Propriété  littéraire.  —  La  propriété  littéraire  n'a  pas  les 
mêmes  garanties  au  Brésil. 

L'article  c26l  de  la  loi  du  16  décembre  1330  (Gode  Criminel) 
dit  :  «  Quiconque  imprimera,  gravera,  lithographicra  ou  intro- 
duira des  écrits  ou  des  estampes  qui  auront  été  faits  composés 
ou  traduits  par  des  citoyens  brésiliens,  tant  que  ceux-ci  vivront 
et  dix  ans  après  leur  décès,  s'ils  laissent  des  héritiers,  souffrira 
les  peines  suivantes  :  perte  de  tous  les  exemplaires  infligée  à 
Fauteur  ou  au  traducteur  ou  à  ses  héritiers,  et,  s'il  n'y  en  a  plus, 
perte  du  double  de  la  valeur  des  exemplaires,  et  amende  égale  à 
trois  fois  la  valeur  des  exemplaires.  Si  les  écrits  ou  estampes 
appartiennent  à  des  corporations,  la  prohibition  d'imprimer,  de 
graver,  de  lithographier  ou  d'introduire  ne  durera  que  pendant 
dix  ans.   » 

Ces  dispositions  ne  protègent,  on  le  voit,  que  les  auteurs 
nationaux.  On  a  tenté  plus  d'une  fois  d'établir  parmi  nous  une 
législation  moins  rudimentaire. 

Dans  la  séance  du  21  août  1857,  M.  Bernardo  Gaviâo,  député 
de  San-Paulo,  a  présenté  une  proposition  de  loi  qui  garantissait 
aux  auteurs  étrangers  les  droits  de  propriété  sur  la  traduction 
de  leurs  œuvres. 

Le  11  août  de  l'année  précédente,  M.  Aprigio  Guimarâes avait 
soumis  à  la  Chambre  une  proposition  dans  le  môme  sens. 

Dans  la  séance  du  7  juillet  1875,  l'illustre  littérateur  José  de 
Alencar  présenta  à  son  tour  une   proposition   analogue. 

Aucun  d'eux  ne  réussit  à  faire  discuter  la  question.  Elle  a 
été  reprise  avec  une  nouvelle  ardeur  il  y  a  deux  ans  et  demi. 

Dans  la  séance  du  Sénat  du  6  octobre  1886,  M.  le  Vicomte  de 
Cavalcanti  a  pris  la  parole  pour  présenter  une  proposition  de 
loi,  calquée  sur  la  loi  belge,  et  contenant  une  série  de  dispositions 
fort  complètes  sur  la  propriété  littéraire  des  nationaux,  des  étran- 
gers domiciliés  au  Brésil  et  des  étrangers  en  général.  Cette  pro- 
position de  loi  a  été  renvoyée  à  une  commission,  qui  a  tout  l'air 
de  vouloir  l'enterrer.  Mais  ceux  qui  connaissent  la  ténacité  de 


G52  LE     BRÉSIL     EN     18  89. 

sun  auteur  el  son  amour  pour  les  lettres  et  les  arts  peuvent 
espérer  qu'il  saura  bien  La  faire  aboutir,  car,  comme  je  le  disais 
dès  1S79,  alors  que  j'avais  l'honneur  d'être  vice-président  de 
V Association  littéraire  internationale,  il  serait  souverainement 
injuste  que  la  loi  protège  la  moutarde  Bornibus  et  laisse  piller 
Notre-Dame-de-Paris,  de  Victor  Hugo. 


CHAPITRE  XXIII 

PROTECTION     DE     L'EKFANCE 

D'après    le    BARON    D'iTAJQBA1 


Dans  un  pays  aussi  vaste  que  le  Brésil,  où  l'assistance  publi- 
que, comme  l'instruction,  se  trouve  décentralisée  et  confiée  aux 
provinces  et  aux  municipalités,  il  est  difficile  de  réunir  en  peu 
de  temps  un  grand  nombre  de  données  positives.  Cependant, 
tout  incomplètes  qu'elles  soient,  les  informations  consignées  ici 
permettent  d'apprécier  une  partie  de  ce  que  Ton  a  déjà  fait  au 
Brésil  pour  la  protection  de  l'enfance.  Un  illustre  homme  d'État 
autrichien,  M.  le  Comte  de  Hûbner,  écrivait  en  1882,  à  son  retour 
de  l'Amérique  du  Sud,  que  «  le  Brésil  est,  avant  tout,  un  pays 
charitable  ».  Il  faut  espérer  que  la  lecture  de  ces  pages  confir- 
mera la  vérité  de  cette  parole. 

I.  Compagnies  d'apprentis  de  Marine.  —  A  l'occa- 
sion de  la  promulgation  du  décret  numéro  411  A,  du  5  juillet 
1845,  le  gouvernement  impérial  institua  dans  la  capitale  de 
l'Empire  une  compagnie  d'apprentis  de  marine.  Son  but  était  de 
donner  à  l'enfance  abandonnée  et  aux  orphelins  indigents,  l'assis- 
tance et  la  protection  auxquelles  ils  ont  droit,  tout  en  cherchant 
à  concilier  les  efforts  et  les   dépenses  qu'il  allait  faire  avec  les 


i.  Membre  du  conseil  de  Sa  Majesté  l'Empereur,  envoyé  extraordinaire 
et  ministre  plénipotentiaire  du  Brésil  près  le  gouvernement  de  Sa  Majesté  le 
roi  d'Italie.  Cet  article  revu  et  mis  à  jour  est  emprunté  à  un  travail  officiel  de 
ce  diplomate. 


051  LE     BRÉSIL     EN     18  89. 

nécessités  el  L'intérêt  «lu  service  national.  Cette  compagnie  lui 
i  aux  conditions  suivantes  :  L°  admission  de  candidats  âgés 
de  plus  de  dix  ans  el  de  moins  de  dix-sept  ans;  2°  constitution 
robuste  el  adaptée  à  la  vie  de  marin  ;  3°  présentation  volontaire 
et  spontanée  des  candidats.  Toutefois,  les  tuteurs,  les  curateurs 
el  les  autorités  locales  avaient  le  droit  de  présenter  les  orphelins 
et  les  indigents  remplissant  les  conditions  ci-dessus  énoncées. 
La  compagnie  d'apprentis  de  Rio-de-Janeiro  fut  ainsi  constituée. 
Elle  se  compose  de  deux  cents  apprentis.  Le  Parlement  brésilien 
ne  lanla  pas  à  apprécier  l'utilité  d'une  pareille  institution.  11 
décréta  bientôt  (185;))  la  fondation  d'une  compagnie  analogue  à 
Para.  Pour  régir  cet  établissement,  le  gouvernement  promulga, 
plus  tard,  le  règlement  annexé  au  décret  numéro  1.517  du  4 
juin  1ST7.  Ce  règlement  impose  aux  mineurs  assistés  l'enseigne- 
ment primaire  et  l'instruction  professionnelle.  L'instruction 
primaire  qu'on  y  donne  comprend  :  la  lecture,  l'écriture,  les 
notions  d'arithmétique  élémentaire,  La  connaissance  et  La  confec- 
tion des  cartes  géographiques  et  L'enseignement  religieux.  L'ins- 
truction professionnelle  se  rapporte  à  L'instruction  militaire  et  à 
l'instruction  navale.  L'instruction  militaire  embrasse  les  exer- 
cices militaires,  l'école  du  soldat,  la  manoeuvre  des  armes  Man- 
ches, les  manœuvres  d'artillerie.  L'instruction  navale  s'applique 
à,  toutes  les  connaissances  élémentaires  de  l'art  nautique.  L'admis- 
sion des  candidats  est  restée  soumise  aux  conditions  du  décret 
du  5  juillet  1845. 

Les  heureux  résultats  obtenus  dans  ces  deux  premiers  essais 
—  à  Rio-de-Janeiro  et  à  Para  —  déterminèrent  successivement 
de  nouvelles  fondations  dans  toutes  les  provinces  du  littoral. 
Aujourd'hui,  on  compte  au  Brésil  dix-huit  compagnies,  ayant 
un  personnel  de  1.500  apprentis. 

Chaque  année  le  gouvernement  dépense  en  moyenne,  les 
sommes  suivantes  pour  l'entretien  des  compagnies  : 

Personnel Fr.         393.850 

Rations 752.812 

Habillement 187.500 

Soit  un  total  de Fr.     1.334.162 

Ce  simple  exposé  montre  avec  quelle  sollicitude  et  avec  quelle 
persévérance   infatigable  le  gouvernement  impérial  a  cherché, 


PROTECTION     DE     L   ENFANCE.  C55 

pendant  trente-quatre  années  consécutives,  à  donner  un  dévelop- 
pement sérieux  à  cette  institution. 

Le  but  du  gouvernement  est  de  former  des  hommes  aptes  à 
remplir  les  vacances  qui  se  produisent  constamment  dans  le 
corps  des  marins  de  l'État.  Mais  sa  principale  préoccupation  est 
d'assurer  une  protection  efficace  aux  enfants  indigents  et  aux 
orphelins.  S'il  n'avait  pas  été  guidé  par  cette  pensée  généreuse 
et  moralisatrice  de  la  protection  de  l'enfance,  il  Lui  eut  été  facile 
de  pourvoir  au  recrutement  de  sa  marine  en  s'imposant  de  moins 
lourds  sacrifices.  Il  lui  eût  suffi  de  recourir  aux  enrôlements  de 
volontaires,  d'engagés  inconditionnels  ou  d'engagés  avec  primes. 
Mais  comme  il  se  proposait  une  double  mission,  il  a  dû  supporter 
des  dépenses  plus  considérables.  En  effet,  chaque  apprenti  coûte 
au  gouvernement  les  sommes  suivantes,  par  an  : 

Solde 90  fr.     » 

Rations 502  » 

Habillement 152         50 

Soit 744  fr.  50 

Dans  ces  chiffres  ne  sont  pas  compris  les  frais  qu'entraînent 
le  personnel  administratif  des  compagnies,  le  traitement  médical 
dans  les  infirmeries  et  dans  les  hôpitaux,  le  supplément  de 
munitions  navales,  l'armement,  le  combustible,  etc..  Toutes  ces 
dépenses  sont  inscrites  dans  différents  chapitres  du  budget. 

La  sollicitude  du  gouvernement  à  l'égard  des  mineurs  ne  se 
borne  pas  à  ces  actes  de  protection  :  pour  faciliter  le  recrutement 
des  apprentis  de  marine,  le  décret  numéro  1.591  du  13  avril  1857 
a  établi  des  dispositions  particulières.  En  vertu  de  l'article  19,  les 
volontaires  mineurs  destinés  aux  compagnies  d'apprentis  de 
marine  reçoivent  une  prime  de  250  francs  qui  est  versée  aux 
parents,  tuteurs  ou  ayant  droits.  En  outre,  le  décret  n°  5.950  du 
23  juin  1875  statue  «  que  les  apprentis  de  marine  devront 
concourir  tous  les  mois  à  la  formation  d'une  masse,  au  moyen 
d'une  retenue  égale  au  tiers  de  leur  solde.  Cette  somme  sera 
déposée  dans  les  caisses  d'épargne,  ou,  à  défaut,  dans  les  tréso- 
reries des  finances.  On  emploiera  au  même  objet  les  primes 
cédées  par  les  parents  ou  par  les  tuteurs  des  apprentis,  en 
faveur  de  ces  derniers.  »  (Art.  1er.) 

L'article  4  du  même  décret  dit  :  «  Les  sommes  déposées  et  les 


656  LE     BRÉSIL     EN     1889. 

intérêts  échus  seront  portés  sur  un  livret  qui  sera  remis  au  titu- 
laire, lors  de  sa  sortie,  pour  quelque  motif  que  ce  soit,  du  corps 
des  marins  de  l'Etat.  Ce  livret  reviendra  aux  parents,  aux  tuteurs 
ou  au  juge  des  orphelins,  si,  pendant  leur  minorité,  les  apprentis 
sont  détachés  des  compagnies  pour  incapacité  physique.  Dans 
les  cas  de  désertion  ou  de  décès,  le  montant  de  la  contribution 
sera  appliqué  à  V Asile  des  Invalides,  sauf  s'il  est  réclamé  léga- 
lement.  » 

Tels  sont  les  procédés  et  moyens  employés  par  le  gouverne- 
ment impérial  pour  secourir  l'enfance  malheureuse  et  recruter 
le  plus  grand  nombre  possible  de  mineurs  aux  compagnies  éta- 
blies dans  toutes  les  provinces  du  littoral  brésilien. 

II.  Compagnies  d'artisans  apprentis.  —  Les  compa- 
gnies d'artisans  datent  de  l'année  1840  (26  octobre).  Elles  sonl 
donc  antérieures  de  cinq  ans  aux:  compagnies  d'apprentis  de 
marine.  Le  gouvernement  crut  opportun  d'assurer  un  recrute- 
ment régulier  à  l'arsenal  de  marine  de  Hio-de-Janeiro  et  de  pro- 
curer à  ses  travailleurs  une  instruction  satisfaisante.  C'est  dans 
ce  but  qu'il  créa  deux  compagnies  d'artisans  pour  le  service 
intérieur  et  extérieur  de  l'Arsenal.  Ces  compagnies  furent  orga- 
nisées militairement.  Afin  de  les  fortifier,  on  fit  en  1860  (21  juillet) 
un  règlement  pour  l'admission  d'une  nouvelle  classe  d'apprentis. 
On  donna  à  ces  nouveaux  venus  le  nom  d'apprentis  artisans.  On 
détermina  que  des  mineurs  en  feraient  partie  pourvu  qu'ils 
soient  de  nationalité  brésilienne,  qu'ils  ne  soient  pas  âgés  de 
moins  de  sept  ans  ni  de  plus  de  douze  ans;  qu'ils  aient  une  cons- 
titution robuste  et  qu'ils  produisent  un  certificat  de  vaccine.  Le 
nombre  des  apprentis  artisans  fut  en  outre  complété  :  1°  par 
l'admission  d'orphelins  ou  d'indigents,  présentés  par  les  autorités 
respectives  et  remplissant  les  conditions  ci-dessus  mentionnées; 
2°  par  des  enfants  dont  les  parents  seraient  trop  pauvres  pour 
pouvoir  se  charger  de  leur  entretien  et  de  leur  éducation.  Les 
apprentis  admis  dans  ces  conditions  devaient  recevoir  un  ensei- 
gnement spécial  comprenant  :  la  lecture,  l'écriture  et  les  quatre 
opérations;  la  géométrie  appliquée  et  le  dessin  linéaire  pour 
ceux  qui  s'y  montreraient  aptes  ;  la  musique,  la  morale  chré- 
tienne, la  natation,  les  exercices  militaires.  De  plus,  on  devait 
leur  apprendre  le  métier  qu'ils  choisiraient. 

On  pouvait  espérer  que  tous  ces  efforts  et  tous  ces  éléments 
de  succès  contribueraient  puissamment  à  former  pour  l'arsenal 


PROTECTION  DE  L  ENFANCE.  657 

de  marine  des  ouvriers  nationaux  intelligents  et  capables. 
L'espoir  du  gouvernement  fut  déçu.  Une  expérience  de  vingt  ans 
a  démontré  l'inanité  relative  de  ces  tentatives.  Il  serait  assez 
difficile  de  préciser  les  causes  de  cet  échec.  Ce  qui  est  certain, 
c'est  que,  pendant  cette  longue  période,  les  résultats  n'ont 
pas  répondu  à  la  grandeur  des  sacrifices.  Le  gouvernement 
impérial  a  dépensé  presque  en  pure  perte  des  sommes  très 
élevées  pour  l'entretien  de  ces  compagnies,  qui  n'ont  pas  tenu  ce 
qu'on  était  en  droit  d'attendre  d'elles. 

Chaque  année,  l'État  dépense  pour  chacun  des  apprentis 
artisans  les  sommes  suivantes  : 

Solde 273  fr.  75 

Habillement 147       50 

Rations 501       75 

Total 923  fr.    » 

Or,  la  moyenne  des  ouvriers  qui,  en  sortant  des  compagnies 
d'apprentis  artisans,  sont  allés  régulièrement  travailler  dans  les 
ateliers  de  l'arsenal  de  Rio-de-Janeiro,  a  été  de  12  ouvriers  sur 
185  apprentis  inscrits.  En  présence  de  résultats  aussi  négatifs,  le 
gouvernement  s'est  décidé  à  supprimer  peu  à  peu  les  compagnies 
d'apprentis  artisans.  C'est  ce  qu'il  a  fait  par  la  loi  numéro  2.940 
du  30  octobre  1879.  Déjà  ou  ne  reçoit  plus  de  nouvelles  inscrip- 
tions. Cette  institution  aura  donc  bientôt  cessé  d'exister,  soit 
par  le  départ  des  apprentis  réclamés  par  les  parents,  tuteurs  et 
autorités  judiciaires,  soit  par  le  décès  ou  le  renvoi  de  ceux,  en 
petit  nombre,  qui  en  font  encore  partie. 

III.   Compagnies  d'apprentis  mineurs  des  arsenaux 

de  guerre.  — De  toutes  les  institutions  de  bienfaisance  ressor- 
tissant du  ministère  de  la  guerre,  la  plus  ancienne  est  celle  des 
Apprentis  mineurs  des  arsenaux  de  guerre.  Elle  date  de  l'époque 
où  le  régent  du  royaume  de  Portugal  don  Jean  VI  vint  s'établir 
au  Brésil,  après  l'envahissement  du  royaume  par  les  armées  de 
Napoléon  en  1808.  Le  15  novembre  1831,  une  loi  organisa  cette 
institution,  et,  le  21  février  1832,  un  règlement  fut  ajouté 
pour  l'application  de  cette  loi.  Ce  règlement  permettait  de  rece- 
voir dans  l'arsenal,  pour  y  être  élevés  en  qualité  d'apprentis,  les 
enfants  trouvés,  les  orphelins  indigents  et  les  enfants  de  parents 
indigents.   Ces  enfants,  recueillis  dans   l'arsenal,    y   recevaient 

42 


LE     BRÉSIL     EN     1889. 

l'instruction  primaire,  à  Laquelle  était  joint  L'enseignement  du 
dessin.  Ils  y  apprenaient  en  outre  un  métier  à  Leur  choix  et  selon 
Leurs  aptitudes.  Ils  étaienl  nourris.  Logés  et  habillés  par  l'éta- 
blissement, l'n  décrel  du  L9  octobre  L872,  portanl  le  numéro 
:>lis.  réorganisa  Les  Compagnies  de  mineurs  des  arsenaux  de 
guerre.  D'après  ce  décret,  la  capitale  de  l'Empire  compte  quatre 
Compagnies  d'apprentis  ;  en  outre,  toute  province  qui  renferme 

irsenaux  possède  une  Compagnie  de  cinquante  apprentis. 
On  exige  des  candidats  qu'ils  soient  Brésiliens,  âgés  de  sept  ans 
au  moins  et  de  douze  ans  au  plus,  doués  d'une  constitution 
robuste   et   vaccinés.   Le    nombre  des   apprentis  est   complété: 

■  Les  orphelins  ou  indigents  qui  sonl  abandonnés  et  qui 
remplissent  les  conditions  ci-dessus  énumérées.  Les  autorités 
Locales  se  chargent  de  Leur  présentation;  2°  par  les  enfants  nés 
de  parents  pauvres  et  hors  d'état  de  les  entretenir  et  de  les 
élever;  3°  par  les  enfants  des  ouvriers  de  l'arsenal  comptant 
plus  de  dix  ans  de  service  effectif  et  par  ceux  des  soldats  et  sous- 
officiers  des  armées  de  terre  et  de  mer;  4°  à  défaut  de  mineurs 
appartenant  aux  catégories  ci-dessus,  par  tous  les  enfants  qui 

;  présentés  par  Leurs  parents,  tuteurs  et  autres  personnes 
qui  les  représentent  légalement,  pourvu  que  ces  personnes  prou- 
vent Leur  état  d'indigence.  Les  apprentis  sont  nourris,  logés, 
habillés,  soignés  et  élevés  aux  frais  de  l'État.  Dans  les  classes, 
on  Leur  enseigne  les  éléments  de  la  grammaire,  la  géométrie 
appliquée,  le  dessin  linéaire  et  la  musique.  Dans  les  ateliers,  ils 
apprennent  les  différents  métiers  le  plus  en  usage,  et  pour  les- 
quels ils  manifestent  le  plus  de  goût. 

xcellente  fondation  a  donné  les  meilleurs  résultats, 
grâce  a  son  mode  de  fonctionnement.  Tout  d'abord,  lorsque 
L'apprentia  atteintl'âge  réglementaire  de  sortie,  qui  est  seize  ans, 
il  passe  aux  compagnies  d'ouvriers.  11  y  sert  pendant  dix  ans. 
Après  cela,  le  jeune  ouvrier,  à  peine  âgé  de  vingt-six  ans,  se 
trouve  Libéré  de  tout  service  militaire.  11  peut  alors  continuera 
travailler  à  l'arsenal  comme  ouvrier  libre  ou  s'engager  ailleurs. 
Dans  tous  les  cas,  il  est  devenu  un  homme  laborieux  et  utile. 
Quelques-uns,  parmi  eux,  ayant  préféré  suivre  la  carrière  mili- 
taire, sont  parvenus  aux  plus  hauts  grades  de  l'armée.  Le  dépôt 
des  apprentis  artilleurs  a  été  constitué  par  le  décret  numéro 
3.555,  du  (.)  décembre  1865.  Il  a  été  établi  à  Rio-de- Janeiro.  Des 
instructions  ministérielles  en  date  du  ii  janvier  1866  et  du 
c2l  mars  1867,   le  réglementent.  Le  but  de  cette   création  est  de 


PROTECTION     DE     L'ENFANCE.  659 

former  pour  l'armée  d'artillerie  des  soldats  capables  et  exercés. 
Le  dépôt  peut  recevoir  1°  les  soldats  du  corps  et  des  compa- 
gnies d'artisans  qui,  à  l'époque  de  la  fondation  du  dépôt,  ne 
pouvaient  pas  être  transférés  dans  les  compagnies  d'ouvriers. 
Ces  soldats  doivent  prouver  qu'ils  ont  une  conduite  irréprocha- 
ble tant  au  civil  qu'au  militaire  ;  2°  les  jeunes  artisans  de  l'ar- 
senal de  guerre  de  Rio-de-Janeiro,  qui  n'auraient  montré  aucune 
disposition  pour  les  arts  spéciaux  professés  à  l'arsenal  ;  3°  les 
engagés  volontaires  ou  ceux  qui  se  destinent  au  service  de  l'ar- 
tillerie ;  4°  les  enfants  des  sous-officiers  et  soldats  morts  à  la 
guerre  ou  sous  les  drapeaux,  si  ces  enfants  sont  abandonnés  et 
sans  famille.  D'autres  pourront,  en  outre,  être  présentés  sponta- 
nément par  leurs  parents  ou  leurs  tuteurs  ;  5°  les  fils  d'indigents  ; 
6°  ceux  qui,  se  trouvant  dans  l'un  des  cas  énoncés  ci-dessus, 
seront  envoyés  par  les  présidents  des  provinces  ou  par  les  autorités 
respectives  ;  7°  les  enfants  présentés  par  leurs  propres  parents 
ou  par  leurs  tuteurs  ;  8°  les  recrues  âgées  de  moins  de  dix- 
huit  ans. 

Pour  être  admis  au  dépôt  des  apprentis  artilleurs,  il  faut  être 
âgé  de  douze  ans  au  moins  et  de  dix-huit  ans  au  plus.  Seuls,  les 
enfants  des  sous-officiers,  dont  il  a  été  parlé  au  paragraphe  4, 
peuvent  être  reçus  avant  d'avoir  atteint  l'âge  de  douze  ans.  Ces 
derniers  sont  placés  dans  les  compagnies  de  mineurs  des  arse- 
naux, jusqu'à  ce  qu'ils  aient  atteint  l'âge  réglementaire  ;  après 
quoi,  ils  passent  au  dépôt.  On  exige  également  des  candidats  une 
constitution  saine  et  robuste  ainsi  qu'un  certificat  de  vaccine. 

L'instruction  donnée  aux  apprentis  artilleurs  est  théorique  et 
pratique. 

La  théorie  comprend  l'enseignement  primaire,  la  géométrie 
pratique,  le  dessin  linéaire,  la  comptabilité  militaire  et  l'étude 
de  la  religion  confiée  à  un  aumônier. 

La  pratique  embrasse  toutes  les  connaissances  indispensables 
à  un  bon  artilleur  :  des  notions  techniques,  l'école  de  peloton,  les 
armes,  la  gymnastique,  la  natation,  etc. 

Le  dépôt  est  organisé  de  manière  à  fournir  six  compagnies  de 
cent  apprentis  chacune.  (Instruction  ministér.  du  21  mars  1867.) 

Chaque  année,  trois  apprentis  artilleurs  sont  choisis  parmi 
les  plus  distingués  du  cours  théorique  et  inscrits  à  l'école  mili- 
taire pour  y  suivre  les  cours  préparatoires. 

Les  jeunes  gens  qui  ont  terminé  leurs  études  au  dépôt  et  qui 
ont  atteint  leur  dix-huitième  année,  sont  enrégimentés   dans  le 


GGO  LE     BRÉSIL     EN     188  0. 

corps  d'artillerie  où  ils  sont  proposés  au  choix  pour  l'avancement 
au  grade  de  sous-officicr. 

Quanta  ceux  qui,  par  incapacité  ou  négligence,  n'ont  pas 
terminé  leurs  éludes,  ils  sont  incorporés,  sans  prérogative  d'au- 
cune sorte,  dans  les  batteries  d'artillerie  pour  y  accomplir  leur 
temps  de  service. 

Les  apprentis  d'artillerie  touchent  la  même  solde  que  les 
artilleurs.  S'ils  sont  engagés  volontaires,  ils  perçoivent  en  outre 
la  prime  que  la  loi  alloue  aux  hommes  de  cette  catégorie. 

Ils  sont  nourris,  habillés,  blanchis  et  soignés,  en  cas  de 
maladie,  dans  une  infirmerie  spéciale,  aux  irais  de  l'État. 

La  solde  des  apprentis  artilleurs  ne  leur  est  pas  remise  en 
entier.  Une  retenue  des  deux  tiers  est  placée  à  la  caisse  d'épar- 
gne. Un  livret  est  délivré  à  l'apprenti.  A  sa  sortie  du  dépôt, 
celui-ci  touche  le  montant  des  sommes  versées  en  son  nom  avec 
les  intérêts  accumulés. 

La  loi  numéro  2.91)1,  du  21  septembre  1880,  en  fixant  le  con- 
tingent des  forces  militaires  de  L'Empire,  a  réduit  le  nombre  des 
apprentis  d'artillerie  à  quatre  cents. 

Cette  institution  a  été  féconde  en  heureux  résultats.  Plusieurs 
des  anciens  apprentis,  élevés  au  dépôt  aux  frais  de  l'État,  ont 
conquis  des  grades  élevés  dans  les  rangs  de  l'armée  ;  d'autres  ont 
fait  d'excellents  sous-officiers  d'artillerie  ;  ceux-là  même  qui  ont 
montré  le  moins  de  dispositions  pour  les  études,  servent  dans 
les  régiments  d'une  manière  utile  pour  le  pays. 

En  ce  moment,  en  présence  des  progrès  accomplis,  le  gouver- 
nement étudie  les  moyens  d'étendre  et  de  propager  cette  insti- 
tution. 

Une  loi  du  9  septembre  1874,  portant  le  numéro  2,530,  a  déjà 
autorisé  la  création  d'une  compagnie  d'apprentis  militaires  dans 
chacune  des  provinces  de  l'empire  où  il  n'existe  pas  d'arsenal  de 
guerre. 

Le  but  de  cette  loi  est  de  former  un  corps  de  soldats  instruits 
et  de  sous-officiers  capables  pour  l'infanterie. 

En  exécution  de  ladite  loi,  des  compagnies  d'apprentis  mili- 
taires ont  été  fondées  dans  les  provinces  de  Minas-Geraes  et  de 
Goyaz  (décret  numéro  6.205  du  3  juin  1870).  Un  règlement  spécial 
a  été  donné  à  ces  fondations  par  un  autre  décret  du  3  juin  1876, 
sous  le  numéro  6.304. 

Les  compagnies  nouvellement  créées  devaient  compter   cent 


PROTECTION     DE     L'ENFANCE.  G61 

apprenti».  Un  arrêté  ministériel,  en  date  du  18  septembre  1879, 
en  a  réduit  le  nombre  à  quarante. 

Ces  compagnies  ne  reçoivent  que  des  candidats  de  nationalité 
brésilienne,  âgés  de  plus  de  sept  ans  et  de  moins  de  douze  ans, 
pourvus  d'une  bonne  constitution  et  vaccinés. 

Sont  admis  : 

Les  orphelins  ou  abandonnés,  sur  la  présentation  des  autorités 
compétentes  ; 

Les  enfants  des  sous-officiers  et  soldats  de  l'armée  et  de  la 
marine  ; 

Les  fils  de  personnes  pauvres,  dépourvues  de  tout  moyen 
d'existence  et  d'éducation  ; 

Les  enfants  nés  libres  de  parents  esclaves,  en  vertu  de  la  loi 
d'émancipation  graduelle  du  28  septembre  1871  ;  enfin,  les  enfants 
présentés  par  leurs  parents  ou  leurs  tuteurs,  pourvu  que  ceux-ci 
prouvent  qu'ils  sont  réellement  dans  l'indigence. 

Les  apprentis  militaires,  comme  les  apprentis  artilleurs,  sont 
logés,  nourris,  habillés  et  soignés  aux  frais  de  l'État.  Ils  perçoivent 
une  solde  égale  à  celle  des  soldats  d'infanterie.  On  leur  distribue 
un  enseignement  théorique  général  et  une  instruction  technique 
spéciale,  qui  se  résument  dans  l'enseignement  primaire,  les 
exercices  de  l'école  du  soldat.  La  musique  instrumentale  est 
enseignée  à  ceux  qui  y  montrent  quelque  aptitude. 

A  l'âge  de  quatorze  ans,  le  jeune  apprenti  est  dirigé  sur  le 
corps  où  il  doit  servir,  qu'il  ait  ou  non  terminé  sa  période  d'ins- 
truction. 

L'apprenti  qui  sort  avec  le  numéro  un  au  concours  de  fin 
d'étude,  peut-être  autorisé  à  suivre  les  cours  de  l'école  mili- 
taire. 

La  loi  numéro  2,556,  du  26  septembre  1874  a  autorisé  l'éta- 
blissement de  compagnies  d'apprentis  ou  d'ouvriers  militaires 
dans  les  provinces. 

On  doit  y  recevoir  de  préférence  les  orphelins,  les  enfants 
abandonnés  et  les  enfants  nés  libres  de  parents  esclaves  (ingenuos) 
dont  parle  la  loi  du  28  septembre  1871. 

Cette  loi  destinée  à  donner  un  placement  utile  aux  enfants 
nés  libres  de  parents  esclaves  peut  avoir  des  conséquences  très 
bienfaisantes  et  très  profitables  à  l'avenir  du  pays. 

Les  ressources  militaires  dont  le  ministère  de  la  guerre  dispose 
pour  les  dépenses  de  ces  différentes  œuvres,  atteignent  la  somme 
de  918.200  francs. 


CG2  LE     BRÉSIL     EN     1889. 

IV.  La  protection  de  l'enfance  abandonnée  dans 
lc\s  provinces.  —  Il  n'y  aguèrede  province,  au  Brésil,  qui  ne 
de  un  ou  plusieurs  établissements  privés  ou  publics  destinés 
à  protéger  l'enfance.  Mais,  comme  il  a  été  dit  en  commençant, 
il  est  difficile  de  réunir  des  informations  précises  sur  ces  diffé- 
rents établissements.  Il  faut  tenir  compte,  en  effet,  des  longues 
distances  qui  rendent  les  communications  moins  fréquentes,  et 
de  la  décentralisation  des  services  administratifs  qui  complique 
les  recherches.  Yoici,  cependant,  quelques  informations  concer- 
nant la  protection  de  l'enfance  abandonnée,  dans  la  plupart  des 
provinces  de  l'empire. 

Province  de  l'Amazone.  —  A  Manaos,  chef-lieu  de  cette 
lointaine  province,  située  à  l'extrême  nord  du  Brésil,  il  existe  un 
établissement  appelé  :  Etablissement  des  élèves-artisans  [estabele- 
cimento  de  educandos  artifices)  ;  il  est  subventionné  par  le  budget 
provincial  et  reçoit  principalement  des  enfants  des  familles  indi- 
gènes de  Y  Amazonie. 

L'instruction  primaire  et  l'enseignement  professionnel  y  sont 
distribués  gratuitement  aux  pensionnaires. 

Province  de  Para.  —  Les  établissements  consacrés  à  la  pro- 
tection de  l'enfance  sont  assez  nombreux  dans  cette  province.  Il 
faut  citer  en  première  ligne  VInstituto  Paraense,  établi  par  la  loi 
provinciale  numéro  660,  du  30  octobre  1870,  et  entretenu  aux 
frais  de  la  province.  Il  a  pour  but  l'enseignement  professionnel 
des  orphelins  indigents  et  d'autres  enfants  pauvres.  On  y  donne 
également  une  instruction  générale  qui  comprend  la  géométrie, 
la  mécanique  appliquée  aux  arts  et  à  la  construction  navale,  la 
technologie  professionnelle,  le  dessin  des  machines,  la  topogra- 
phie, la  musique  vocale  et  instrumentale,  le  dessin  d'ornement  et 
d'architecture,  la  langue  française  et  la  gymnastique.  L'instruc- 
tion professionnelle  proprement  dite,  se  compose  d'un  cours 
théorique  et  d'un  cours  pratique.  Le  cours  théorique  dure  deux 
années  et  embrasse  la  géométrie,  la  mécanique,  la  technologie  et 
le  dessin.  Le  cours  pratique  se  tient  dans  des  ateliers  où  l'on 
enseigne  les  métiers  de  tailleur,  ferblantier,  cordonnier,  forgeron 
et  menuisier. 

Pour  être  admis,  les  candidats  doivent  être  pauvres  et  aban- 
donnés, âgés  de  plus  de  septans  et  de  moins  de  quatorze  ans.  A 
leur  sortie  de  l'institut,  après  L'achèvement  de  leurs  études,  les 


PROTECTION     DE     L'ENFANCE.  G63 

élèves  reçoivent  un  pécule  provenant  des  retenues  de  salaires,  des 

donations,  etc.  Les  enfants  élevés  à  VInstituto  Paraense  sont  au 
nombre  de  90.  Pendant  l'année  1880,  les  dépenses  de  l'établisse- 
ment sesontélevées  à  158.000  francs.  Le  gouvernement  provincial 
a  contribue  à  cette  dépense  pour  une  somme  de  120.000  francs. 
Le  surplus  a  été  couvert  par  le  rendement  des  ateliers  et  par 
certaines  allocations  déposées  par  ceux  qui  engagent  et  emploient 
l'orchestre  hors  de  l'établissement. 

Pour  les  enfants  du  sexe  féminin,  la  province  a  fondé  et  entre- 
tient le  Collegio  de  Nossa  Senhora  do  Amparo.  Les  orphelines,  les 
pauvres,  les  abandonnées  et  les  filles  exposées  au  tour  sont 
recueillies  dans  ce  collège.  L'enseignement  comprend  le  pro- 
gramme des  Écoles  primaires,  l'instruction  religieuse,  la  couture  et 
quelques  arts  d'agrément.  Les  élèves  sont  admises  de  sept  à  douze 
ans.  Elles  peuvent  quitter  l'établissement  dès  l'âge  de  dix-huit  ans, 
dans  les  cas  suivants  :  pour  rentrer  dans  leurs  familles,  pour  se 
marier,  pour  se  placer  dans  des  familles  honorobles,  pour  servir 
dans  les  écoles  publiques.  Les  jeunes  filles  qui  sortent  pour  se 
marier,  reçoivent  un  trousseau  d'une  valeur  de  1.250  francs  et 
une  dot  s'élevant  à  2.500  francs.  Mais  on  ne  peut  doter  chaque 
année  plus  de  six  élèves.  Toutes  les  autres,  à  leur  sortie  du  pen- 
sionnat, ont  droit  à  un  pécule  résultant  de  legs,  de  donations, 
d'offrandes  et  de  ventes  d'ouvrages  exécutés  par  elles.  Ces 
travaux  sont  exposés  dans  une  salle  du  pensionnat.  Le  nombre 
des  jeunes  personnes  élevées  dans  cette  maison,  est  actuellement 
de  224. 

Pendant  Tannée  financière  1879-80,  la  recette  du  Collège  a  été 
de  169.342  francs,  la  dépense  ne  s'est  montée  qu'à  161.775  francs. 

Cet  établissement  possède  un  patrimoine  évalué  à  84.575  francs, 
plusieurs  immeubles  et  quelques  terrains. 

Pour  l'exercice  1880-81,  l'Assemblée  provinciale  lui  a  voté 
une  subvention  de  167.250  francs;  l'État  lui  accorde  en  outre 
une  allocation  annuelle  de  5.000  francs. 

L'administration  se  compose  d'un  proviseur,  d'un  secrétaire, 
d'un  trésorier,  d'un  aumônier  et  d'une  régente  pour  la  direction 
de  l'intérieur. 

Le  personnel  enseignant  compte  six  maîtresses,  un  professeur 
de  piano,  six  surveillantes,  un  concierge  et  trois  servantes. 

Province  de  Maranhâo.  —  Nous  possédons  des  renseigne- 
ments sur  trois  établissements  de  cette  province. L'un  est  affecté 


GG4  LH     BRÉSIL     EN     1889. 

aux  jeunes  garçons  indigents;  L'autre,  aux  jeunes  filles,  et  le 
troisième  est  mixte,  Le  premier  se  nomme  :  Casa  de  Educandos 
artifices.  Il  a  été  créé  par  la  loi  provinciale  numéro  L05,  du 
"l'A  août  1841.  L'inauguration  en  a  eu  lieu  le  25  novembre  1  «s:>(>  ; 
12(>  élèves  orphelins  ou  indigents  y  reçoivent  en  ce  moment  ren- 
seignement primaire  et  religieux,  des  notions  de  géométrie  appli- 
quée aux  arts,  les  principes  de  musique  vocale  et  instrumentale, 
les  connaissances  professionnelles  pour  les  métiers  de  tailleur, 
cordonnier,  serrurier,  menuisier  et  charpentier.  La  limite  d'âge 
pour  l'admission  commence  à  sept  et  finit  à  quatorze  ans.  La 
province  dépense  pour  l'entretien  de  cette  œuvre  122.500  francs 
par  an. 

La  deuxième  institution  est:  le  Recolhemento  de  Nossa  Senhora 
da  Anunciaçâo  e  dos  Remedios.  Cet  asile  est  placé  sous  la  haute 
surveillance  de  Pévêque  diocésain.  11  recueille  30  jeunes  filles 
abandonnées,  qui  y  reçoivent  l'instruction  élémentaire  et  y 
apprennent  un  métier.  La  province  fait  une  pension  annuelle  de 
500  francs  pour  chaque  élève  ;  et  l'établissement  possède  en  outre 
un  petit  patrimoine  de  46.500  francs  dont  il   touche  les  revenus. 

Enfin,  la  troisième  institution  est  :  la  Casa  de  expostos,  le 
tour,  la  maison  des  enfants  exposés.  On  y  reçoit  les  enfants 
exposés  des  deux  sexes.  La  Santa  Casa  de  Misericordla  se  charge 
des  frais  d'entretien.  Pendantl'année  1880,  l'asile  a  reçu  15  enfants, 
dont  2  du  sexe  masculin  et  13  du  sexe  féminin. 

Province  de  Ceara.  —  Cette  province  renferme  une  colonie 
qui  mérite  une  mention  spéciale.  C'est  la  colonie  Christina.  Elle 
a  ele  fondée  par  la  loi  provinciale  numéro  1870  du  11  novembre 
1870.  Elle  recueille  des  enfants  abandonnés  des  deux  sexes  et  les 
enlants  nés  libres  de  parents  esclaves  (ingenuos),  dont  parle  la 
loi  du  28  septembre  1871.  La  colonie  est  établie  dans  une  Fazenda 
appelée  Canafislula.  cl  donnée  à  la  province  par  M.  le  comman- 
deur Luiz-Rîbeira  da  Cunha.  Cette  propriété  a  été  estimée  75.000 
francs.  La  ferme  est  située  dans  le  municipe  d'Acarape  ;  elle  est 
traversée  par  le  chemin  de  fer  de  Baturité,  et  possède  des  terres 
de  première  qualité,  des  bois  riches  en  essences  forestières 
et  quelques  dépendances,  tels  qu'immeubles,  enclos  et  planta- 
tions. Les  mineurs  reçoivent  à  la  ferme  l'instruction  primaire  et 
s'y  exercent  à  des  travaux  agricoles.  L'établissement  est  admi- 
nistré par  uni}  commission  de  six  membres  sous  le  nom  de  Meza 
protectora  (bureau  protecteur-. 


PROTECTION     DE     L  ENFANCE.  665 

Le  budget  de  la  province  a  inscrit  à  l'exercice  1879-80  une 
somme  de  67.362  francs  pour  l'entretien  de  la  colonie.  L'État,  de 
son  côté,  lui  alloue  chaque  année  une  subvention  de  18.000  francs. 

La  colonie  Christina  compte  présentement  216  colons,  dont 
51  du  sexe  masculin  et  195  du  sexe  féminin.  Une  grande  partie 
des  fertiles  terres  de  la  colonie  est  déjà  livrée  à  l'exploitation 
(399.000  mètres  carrés).  On  y  cultive  le  manioc,  le  maïs,  les  hari- 
cots, la  canne  à  sucre,  le  blé-riz,  etc.  Des  ateliers  sont  installés 
dans  les  bâtiments,  et  servent  à  former  des  charpentiers,  des 
tourneurs,  des  forgerons,  des  cordonniers,  des  maçons  et  des 
boulangers.  Les  orphelines  se  livrent  aux  travaux  à  l'aiguille,  à 
la  fabrication  des  fleurs  artificielles,  au  filage  et  au  tissage  des 
draps.  La  colonie  Christina  possède  des  étables  contenant  106 
têtes  de  bétail,  11  chevaux,  2  mules  et  1  âne. 

Province  de  Pernambuco.  —  Le  plus  important  des  établis- 
sements de  charité  pour  l'enfance  dans  la  province  de  Pernam- 
buco est  la  Colonie  agricole  et  industrielle  d'orphelins.  Elle  est 
installée  dans  une  vaste  ferme  de  l'État  à  Pimenteiras,  à  la  place 
du  Collège  d'orphelins  qui  y  existait  auparavant.  (Loi  provinciale 
numéro  1053,  du  6  juin  1872). 

Le  but  de  la  colonie  est  de  venir  en  aide  aux  enfants  aban- 
donnés et  d'en  faire  des  hommes  honnêtes  et  utiles  à  leur  pays. 
Pour  y  parvenir,  on  leur  donne  un  enseignement  spécial  en 
rapport  avec  les  conditions  du  pays  ;  on  les  initie  aux  améliora- 
tions de  la  grande  et  de  la  petite  culture  ;  on  leur  fait  connaître 
en  théorie  et  en  pratique  les  instruments  agricoles,  les  procédés 
de  plantation  et  de  récolte,  les  modes  et  emplois  des  diverses 
matières  premières  empruntées  à  l'agriculture,  les  amendements 
de  terre,  les  engrais,  etc. 

Les  colons  reçoivent  l'instruction  religieuse  et  morale,  l'ins- 
truction littéraire,  scientifique,  artistique,  économique,  indus- 
trielle et  agricole. 

Des  ateliers  de  menuisier,  de  charpentier,  de  cordonnier,  de 
tailleur,  de  forgeron  et  de  maçon  sont  établis  dans  la  colonie. 

Pendant  les  récréations,  les  colons  se  livrent  à  des  exercices 
de  gymnastique,  de  natation,  d'équitation  et  à  des  exercices  mili- 
taires. 

La  ferme  reçoit  des  pensionnaires  payants  et  des  non 
payants.  Les  pensionnaires  payants  versent  une  somme  annuelle 
de  300  francs   pour  leur  pension.   Parmi  les  colons  reçus  à  titre 


666  LE     BRÉSIL     EN     188  9. 

gratuit  on  compte:  des  orphelins  qui  u'onl  personne  pour  se 
charger  «I»1  leur  éducation  ;  des  enfants  de  fonctionnaires  do  l'État 
ou  d'employés  provinciaux  morts  pauvres  ou  chargés  de  famille, 
et,  enfin,  «les  enfants  appartenant  à  des  parents  négligents  ou 
indignes  et  qui  se  trouvent  privés  de  toute  éducation.  Les  postn- 
iants doivent  avoir  plus  do  sept  ans  et  moins  de  douze  ans.  Les 
enfants  admis  gratuitement  s'engagenl  à  rester  dans  la  colonie 
jusqu'à  Vàge  de  vingt-et-un  ans.  Le  colon  qui  a  accompli  régu- 
lièrement  sa  période  d'instruction,  reçoit  un  brevet  à  sa  sortie 
pour  constater  le  degré  de  ses  connaissances  professionnelles  et 
témoigner  de  sa  conduite  pendant  son  séjour  dans  la  maison. 
Des  récompenses  spéciales  et  des  encouragements  particuliers 
sont  accordés  à  ceux  qui  se  distinguent  par  leur  bonne  tenue, 
par  leur  application  et  par  leurs  progrès.  On  les  fait  avancer  en 
grade,  nu  leur  décerne  des  distinctions  honorifiques  et  des  prix 
d'honneur.  On  peut  même  les  nommer  surveillants  ou  cbefs 
d'ateliers.  Par  contre,  tout  un  système  de  punitions  est  organisé 
contre  ceux  qui  ne  remplissent  pas  leur  devoir  ou  dont  la  con- 
duite est  irrégulière.  Ces  punitions  sont  graduées  selon  la  faute 
commise.  Elles  comprennent  les  peines  suivantes:  1°  admonesta- 
tion privée  ;  2°  admonestation  publique,  en  classe,  dans  l'atelier 
ou  au  réfectoire  ;  3°  travail  pendant  le  temps  de  la  récréation  ; 
4°  retenue  simple;  5°  retenue  et  réduction  de  la  ration  ordinaire; 
G0  en  cas  de  récidive,  retenue  et  dégradation  ;  7°  admonestation 
formelle  et  prison  ;  8°  expulsion.  Pour  le  moment,  la  colonie 
agricole  de  Pimenteiras  n'est  entretenue  qu'à  l'aide  de  subven- 
tions accordées  par  l'État  et  la  province.  Son  patrimoine  est 
presque  nul  et  ne  se  compose  guère  que  du  fonds  ayant  appar- 
tenu autrefois  au  Collège  des  orphelins. 

Il  est  probable  que  ces  maigres  ressources  augmenteront, 
grâce  aux  donations  et  aux  legs  qui  ne  manqueront  pas  d'affluer. 
Le  dernier  budget  provincial  a  accordé  une  somme  de  100.000 
francs  pour  l'entretien  et  les  travaux  de  cel  établissement.  L'État, 
de  son  côté,  fournit  une  somme  assez  élevée.  La  colonie  compte 
actuellement  132  enfants,  ^n  seul  d'entre  eux  est  pensionnaire 
payant. 

Les  enfants  du  sexe  féminin  sont  recueillis  dans  le  pensionnat 
des  Orphelines  (Collegio  dus  Orphâs).  Il  a  été  fondé  par  une  loi 
provinciale  en  date  du  11  novembre  1831,  dans  le  but  de  pourvoir 
à  l'entretien  et  à  l'éducation  des  orphelines  pauvres.  Celles-ci 
doivent  avoir,  pour  y  être  admises,  plus  de  six  ans  et  moin-  de 


PROTECTION     DE     L'ENFANCE.  667 

seize  ans.  Les  jeunes  élèves  y  reçoivent  l'instruction  élémentaire, 
y  apprennent  la  couture,  la  broderie  et  la  plupart  des  travaux 
de  femmes.  On  leur  enseigne  aussi  la  musique.  Aucune  élève  ne 
peut  rester  an  pensionnat  passé  l'âge  de  vingt  et  un  ans.  Celles 
qui,  étant  parvenues  à  cet  âge,  nese  marient  pas,  sont  placées  en 
service  dans  des  familles  d'une  honorabilité  reconnue.  L'orphe- 
line qui  quitte  la  maison  pour  se  marier  reçoit  un  trousseau  et 
une  dot  en  argent  de  la  valeur  de  750  francs.  L'orphelinat 
compte  aujourd'hui  200  élèves.  En  1879,  le  patrimoine  de  l'éta- 
blissement a  produit  un  revenu  de  80.000  francs  ;  les  dépenses 
ont  atteint  seulement  le  chiffre  de  74.758  francs.  Ce  pensionnat 
est  administré  par  la  Santa  Casa  de  Misericordia. 

Il  existe  en  outre,  à  Récite,  capitale  de  la  province  de  Pernam- 
buco:  un  refuge  pour  les  enfants  exposés  par  leurs  parents  [Casa 
de  Fxpostos).  Comme  le  pensionnat  dont  nous  venons  de  parler, 
cet  asile  relève  de  la  Santa  Casa  de  Misericordia.  On  y  abrite  les 
enfants  abandonnés  par  leurs  parents,  et,  dès  que  ces  entants 
ont  atteint  l'âge  de  raison,  ils  reçoivent  l'instruction  que  com- 
portent leur  âge  et  leurs  aptitudes.  Cet  établissement  coûte 
chaque  année  environ  100.000  francs  à  la  pieuse  institution  de 
bienfaisance  dont  il  vient  d'être  question.  Présentement,  234 
enfants  reçoivent  des  soins  et  l'instruction  dans  l'asile,  et  126 
ont  été  confiés  à  des  nourrices  du  dehors. 

Province  d'Alagôas.  —  Dans  cette  province,  il  existe  un 
asile  pour  les  orphelines  indigentes.  Il  a  été  établi,  en  1877,  par 
la  charité  privée,  dans  la  ville  de  Maceiô,  chef-lieu  de  la  province. 
Il  porte  le  nom  à' Asile  de  Notre-Dame-du-Bon-Conseil.  Quoique  de 
date  récente,  cette  fondation  se  trouve  déjà  en  possession  d'un 
capital  de  54.353  francs  environ.  Les  jeunes  filles  qui  y  reçoivent 
une  éducation  modeste  et  soignée  sont  au  nombre  de  11  seule- 
ment. Pendant  l'année  1881,  les  recettes  ont  produit  une  somme 
de  11.695  francs,  et  les  dépenses  ont  été  réglées  à  8.567  francs 
environ. 

Province  de  Bahia.  —  Cette  province  est  l'une  de  celles  où 
les  établissements  de  charité  destinés  à  la  protection  de  l'enfance, 
sont  le  plus  nombreux.  Comme  dans  la  plupart  des  grandes  villes 
du  Brésil,  il  existe  à  Bahia,  chef-lieu  de  la  province  de  ce  nom, 
une  maison  pour  les  enfants  abandonnés  et  exposés  [Asylo  de 
Fxpostos).  Cet  asile  compte  actuellement  272  enfants,  dont  213 


668  LE     BRÉSIL     EN     IN  89. 

du  sexe  féminin  et  60  seulemenl  du  sexe  masculin.  Los  enfants 
recueillis  reçoivent  L'instruction  primaire  et  apprennent  un 
métier  suivant  leur  sexe  et  leurs  préférences.  Pendant  l'année 
issi,  la  vente  des  objets  confectionnes  dans  rétablissement  a 
produil  la  somme  de  8.080  francs.  Les  autres  recettes  ne  se  sont 
élevées  qu'à  La  somme  de  3.675  francs,  tandis  que  les  dépenses 
ont  atteint  le  chiffre  de  132.400  francs. 

Le  Pensionnat  des  orphelines  du  Sacré-Cœur  de  Jésus  entre- 
tient et  élève  120  orphelines.  Sa  rente  ordinaire,  en  y  com- 
prenant la  subvention  que  lui  accorde  le  Trésor  provincial,  n'est 
<pie  de  37.500  francs.  Les  dépenses  atteignent  tous  les  ans 
Î2.5DD  francs  environ.  Pendant  l'année  1880,  les  travaux  des 
orphelines  ont  produit  une  somme  de  plus  de  15.000  francs. 

Trois  autres  maisons  de  bienfaisance  sont  ouvertes  aux  orphe- 
lines indigentes  dans  cette  province.  Deux  de  ces  maisons  sont  au 
chef- lieu  même;  la  troisième  est  établie  dans  la  ville  de  Feira  de 
Santa-Anna.  Cette  dernière  a  été  instituée  le  25  mars  1870,  sous  le 
nom  d'Asile  de  la  Vierge  de  Lourdes.  Elle  est  entretenue  par  la 
charité  publique.  En  1880,  l'asile  ne  comptait  encore  que 
11  orphelines,  toutes  âgées  de  moins  de  dix  ans. 

Les  dépenses  de  cette  même  année  ont  été  de  51.285  francs, 
et  les  recettes  d  î  55. 108  francs. 

La  Casa  du  Providencia  est  également  affectée  à  l'éducation 
des  jeunes  filles  pauvres  et  orphelines.  Elle  a  été  établie  dans  la 
ville  de  Bahia  par  une  association  de  dames  charitables.  La 
maison  entretient  179  jeunes  filles  indigentes,  qui  y  reçoivent 
une  excellente  et  solide  éducation;  70  orphelines  sont  nourries, 
habillées  et  élevées  aux  frais  de  l'établissement.  Les  recettes 
pour  l'année  1879  ont  été  de  127.870  francs,  et  les  dépenses  de 
128. 430  francs.  Le  déficit  a  donc  été  de  560  francs. 

Une  autre  maison  de  secours,  destinée  aux  jeunes  filles  pau- 
vres, a  une  organisation  quelque  peu  différente.  C'est  le  Pen- 
sionnat d(3  Notre-Dame  de  la  Sulfite  A  côté  d'un  certain  nombre 
déjeunes  filles  indigentes,  34  actuellement,  d'autres  paient  une 
pension  mensuelle  minime.  Ces  dernières  sont  au  nombre  de  30. 
Une  école  a  été  fondée  pour  des  externes  pauvres,  du  sexe  fémi- 
nin, dont  quelques-unes  sont  nourries  et  habillées  par  rétablis- 
sement, au  moyen  de  ressources  fournies  par  les  libéralités 
privées. 

L'administration  provinciale  accorde  une  subvention  annuelle 
de  2.500  francs  à  ce  pensionnat. 


PROTECTION     DE     L   ENFANCE.  660 

Pour  Jes  orphelins,  la  province  dispose  du  Collège  des  orphe- 
lins de  S.  Joachin.  Cent  orphelins  y  sont  instruits  et  y  appren- 
nent divers  métiers.  Cette  institution  dispose  d'une  subvention 
annuelle  concédée  par  le  gouvernement  provincial  ;  elle  possède, 
en  outre,  un  patrimoine  de  près  de  933.000  francs,  représenté 
par  des  immeubles,  des  valeurs,  etc.  Les  revenus  de  ce  capital 
s'élèvent  à  63.785  francs  par  an.  Durant  la  période  écoulée  du 
1er  septembre  1878  au  31  août  1879,  les  recettes  ont  été  de 
103.890  francs,  et  les  dépenses  de  107.704  francs.  Déficit:  3.814 
francs. 

Outre  ces  institutions,  la  Santa  Casa  de  Misericordla  de 
Valence,  celle  d'Oliveira-dos-Campinhas,  le  Recolhimento  de 
Saint-Raymond  et  celle  de  Nossa  Senhora  dos  Humildes,  à  Santo- 
Amaro,  dans  la  même  province,  secourent  environ  100  orphelins 
de  l'un  et  de  l'autre  sexe. 

Province  de  Santa-Catharina.  —  Dans  la  ville  de  Desterro, 
chef-lieu  de  cette  province,  il  existe  deux  établissements  destinés 
à  l'enfance  et  tous  deux  entretenus  par  l'hospice  de  charité.  Le 
premier  de  ces  établissements  est  le  Tour  (Casa  de  Exposlos) 
organisé  comme  toutes  les  institutions  du  même  genre.  L'année 
dernière,  les  recettes  s'y  sont  élevées  à  4.963  francs  et  les 
dépenses  n'ont  pas  dépassé  2.254  francs.  Le  second  établisse- 
ment est  l'Asile  des  orphelines.  Vingt  jeunes  filles  y  sont  entre- 
tenues présentement.  Le  Trésor  provincial  assure  à  cette  insti- 
tution une  subvention  annuelle  de  12.500  francs.  Pendant  Tannée 
qui  vient  de  s'écouler,  les  recettes  de  l'asile  ont  été  de  15.610 
francs  et  les  dépenses  ont  balancé  les  recettes. 

Province  de  Rio-Grande-du-Sud.  —  Dans  les  trois  princi- 
pales villes  de  cette  province,  à  Porto-Alegre,  à  Rio-Grande  et  à 
Pelotas,  la  Santa  Casa  da  Misericordla  entretient  des  tours  et  des 
asiles  pour  les  enfants  délaissés.  Dans  la  Casa  de  Expostos  de 
Porto-Alegre,  le  nombre  des  enfants  secourus  est  actuellement  de 
114;  dans  celle  de  Rio-Grande,  il  est  de  27,  et  de  30  dans  celle  de 
Pelotas.  La  charité  privée  soutient,  en  outre,  dans  cette  même 
province,  un  pensionnat  pour  les  orphelines  (Collegio  de  Orphâs 
de  Santa  Thereza.)  Environ  48  orphelines  sont  élevées  dans  cette 
maison. 

Province  de  Rio-de-Janeiro.   —   L'asile  de  Sainte-Léopol- 


670  LE     IUIÉSIL     EN      18  89. 

dine,  dans  la  ville  de  Nitherohy,  chef-lieu  de  la  province  de  Rio- 
de-Janeiro,  est  entretenu  par  la  Confrérie  de  Saint-Vincent-de- 
Paul. 

Cet  asile  ne  reçoit  que  les  jeunes  Qlles  orphelines.  L'instruc- 
tion élémentaire  et  l'apprentissage  d'un  métier  sont  donnés 
gratuitement  aux  pensionnaires  de  l'orphelinat. 

Pendant  l'année  1878,  1 10  orphelines  ont  reçu  l'hospitalité 

dans  cette  maison.  Les  jeunes  filles  qui  se  marient àleur sortie  de 
l'asile  touchent  nue  dot  de  1.000  francs.  L'établissement  possède 

une  caisse  de  dots  dont  le  capital  dépasse  50.000  francs.  Le  patri- 
moine de  l'asile,  représenté  par  des  valeurs  de  différente  nature, 
s'élève  à  la  somme  respectable  de  l.-'JiO.OOO  francs.  En  1878,  les 
recettes  ont  atteint  83.007  francs  et  les  dépenses  se  sont  montées 
à  94.718  francs.  Le  déficit  a  donc  été  de  11.111  francs. 

Province  de  San-Paulo.  —  Le  principal  établissement  ouvert 
à  l'enfance  abandonnée  dans  la  province  de  San-Paulo  est  l'Ins- 
titut des  élèves  artisans  [Instituto  dus  educandos  artifices).  Il  a  été 
fondé,  il  y  a  une  dizaine  d'années,  dans  le  chef-lieu  delà  province, 
par  le  gouvernement  provincial,  afin  de  donner  une  éducation 
morale  et  une  instruction  industrielle  aux  enfants  abandonnés 
âgés  de  plus  de  dix  ans  et  de  moins  de  quatorze  ans.  Cet  éta- 
blissement est  régi  par  une  organisation  toute  militaire. 

Les  enfants  portent  l'uniforme  et  sont  pourvus  de  grades 
comme  dans  l'armée.  Ils  se  livrent  à  des  exercices  militaires 
pendant  les  récréations  ;  ils  apprennent  la  gymnastique,  la  nata- 
tion et  l'escrime.  On  y  a  installé  une  école  primaire  et  un  ensei- 
gnement spécial,  comprenant  la  géométrie  et  la  mécanique  appli- 
quées aux  arts,  des  notions  générales  d'arithmétique  et  d'algèbre, 
la  sculpture,  le  dessin  industriel,  la  musique  vocale  et  instru- 
mentale. Pour  l'instruction  professionnelle,  il  existe  des  ateliers 
de  cordonnerie,  de  menuiserie,  de  serrurerie,  de  corroirie  et  de 
confection.  Les  élevés  quittent  l'institut  à  l'âge  de  20  ans.  Leur 
nombre  est  actuellement  de  94.  Pendant  le  dernier  exercice, 
Je  budget  provincial  a  consacré  à  cette  fondation  une  somme  de 
39.150  francs.  L'établissement  est  sur  le  point  de  subir  une  trans- 
formation complet:'. 

Une  loi  provinciale,  en  date  du  25  avril  1880,  sous  le  numéro 
108,  permet  de  lui  donner  l'organisation  d'une  colonie  agricole 
de  mineurs  abandonnés.  En  vertu  de  cette  loi,  l'administration 
provinciale  a   été  autorisée   a  acheter   deux  lots  de  terres  d'une 


PROTECTION  DE  L  ENFANCE.  671 

contenance  de  1.000.000  de  mètres  carrés  au  moins  (500.000 
brasses),  afin  d'y  établir  des  centres  agricoles  composés  d'enfants 
nationaux,  ou  étrangers,  âgés  de  plus  de  12  ans. 

Une  dame  charitable  a  fondé  également  une  maison  pour  les 
orphelins  et  les  entants  abandonnés.  C'est  VInstituto  de  Dona 
Arma  Rosa.  Il  est  établi  au  chef-lieu  de  la  province;  environ  140 
enfants  y  reçoivent  l'instruction  primaire  et  y  apprennent  un 
métier  manuel.  Un  tour  est  entretenu  aux  frais  de  l'hospice  de  la 
Miséricorde  de  Saint-Paul,  et  reçoit  tous  les  ans  environ  100 
enfants  abandonnés.  A  Campinas,  ville  importante  de  cette  même 
province,  il  existe  aussi  un  asile  pour  les  orphelins,  sous  l'admi- 
nistration de  l'hospice  de  la  Miséricorde. 

V.  I/asile  des  enfants  assistés  de  Rio-de- Janeiro. 

—  L'asile  des  Enfants  assistés  de  la  capitale  de  l'Empire  a  été 
institué  en  vertu  d'un  décret  du  24  janvier  1874,  portant  le 
numéro  5.532.  Un  second  décret,  du  9  janvier  1875,  numéro  5.349, 
détermine  et  réglemente  les  conditions  d'après  lesquelles  l'éta- 
blissement doit  être  administré. 

Il  résulte  de  l'article  12  de  ce  décret,  que  le  gouvernement  se 
proposait  dès  cette  époque  de  créer  et  d'organiser  d'autres  asiles 
similaires  dans  le  municipe  de  la  capitale.  Cet  asile  fonctionne 
de  la  manière  la  plus  satisfaisante  possible.  Il  vient  de  subir  une 
réorganisation  partielle  d'après  un  décret  du  17  mars  1883,  sous 
le  numéro  3.910.  Le  régime  de  la  maison  est  l'internat;  200 
enfants  abandonnés,  âgés  de  8  ans  au  moins  et  de  12  ans  au  plus, 
y  sont  pensionnaires.  Sont  considérés  comme  enfants  aban- 
donnés :  tous  ceux  qui  n"ont  personne  qui  doive  ou  qui  puisse 
pourvoir  à  leur  entretien  et  leur  assurer  une  éducation  conve- 
nable. L'asile  reçoit:  les  orphelins  de  père  et  de  mère,  les  orphe- 
lins de  père  seulement,  et  les  enfants  dont  les  parents  sont 
privés  de  tout  moyen  d'existence. 

A  vingt  et  un  ans  révolus,  les  élèves  sont  détachés  de  l'asile, 
après  communication  faite  au  ministère  de  l'intérieur.  Ceux 
d'entre  eux  qui  ont  fait  preuve  d'une  conduite  exemplaire,  et  qui 
montrent  quelque  aptitude  pour  les  lettres,  sont  recommandés  au 
ministre  de  l'intérieur,  qui,  selon  qu'il  le  juge  convenable,  leur 
accorde  des  bourses  d'étude  pourFinternatdu  Collège  impérial  de 
Dom  Pedro  II  ou  pour  tout  autre  établissement  d'instruction 
secondaire.  Les  enfants  âgés  de  plus  de  dix-huit  ans,  et  dont  le 
travail  devient  productif  pour  l'asile,  ont  droit  à  la  moitié  du 


672  LK     BRÉSIL     EN     188  9. 

bénéfice  net  de  leur  travail.  Les  sommes  qui  leur  reviennent  de 
ce  chef,  sont  versées,  tous  les  mois,  à  la  Caisse  d'épargne  pour 
leur  êl  re  remboursées  à  leur  sortie  de  la  maison.  Les  enfants  sont 
habilles  ei  nourris  aux  frais  de  rétablissement.  L'instruction  qui 
leur  est  donnée  comprend:  renseignement  primaire  du  premier 
et  du  second  degré,  l'histoire  et  La  géographie  du  Brésil,  la  musi- 
que vocale  et  instrumentale,  le  dessin,  la  sculpture  et  la  gymnas- 
tique. Les  métiers  enseignés  sont  ceux  de  tailleur,  cordonnier, 
charpentier,  menuisier,  ferblantier,  relieur.  Un  enseignement 
agricole  est  donné  dans  une  ferme-école  dépendant  de  l'asile.  Le 
personnel  de  rétablissement  se  compose  :  d'un  directeur  et  d'un 
sous-directeur,  de  trois  professeurs,  de  différents  maîtres  chargés 
d'apprendre  les  divers  métiers  aux  élèves,  d'un  professeur  d'agri- 
culture, de  quelques  surveillants,  d'un  médecin,  d'un  aumônier, 
d'un  comptable,  d'un  caissier,  d'un  concierge  et  de  plusieurs 
employés  subalternes. 

Les  élèves  qui  encourent  la  peine  d'expulsion,  —  peine  pro- 
noncée par  le  directeur  avec  l'assentiment  du  ministre  de  l'inté- 
rieur, —  sont  envoyés  dans  les  compagnies  d'apprentis  dépendant 
du  ministère  de  la  marine  ou  de  la  guerre,  ou  bien  incorporés 
dans  la  marine  impériale.  L'État  affecte  tous  les  ans  237.000  francs 
aux  dépenses  de  l'asile,  dont  une  somme  de  100.600  francs  est 
employée  aux  frais  du  personnel. 

VI.  Les  colonies  d'orphelins.  —  D'après  une  ordonnance 
du  royaume  de  Portugal  qui  a  conservé  force  de  loi  au  Brésil,  du 
moins  quant  à  ses  effets  civils,  les  juges  d'orphelins  (juizes  de 
orphâos)  ont  le  devoir  strict  de  veiller  sur  la  personne  et  sur  les 
biens  des  orphelins.  Ils  sont  tenus  de  faire  élever  dans  les  collèges, 
lycées  et  facultés  ceux  d'entre  eux  qui  possèdent  quelque  fortune. 
Quant  aux  pauvres,  ils  doivent  apprendre  un  métier  ou  être 
placés  sous  les  drapeaux.  Un  certain  nombre  de  nos  magistrats 
ont  compris  la  responsabilité  qui  leur  incombe  dans  cette  seconde 
partie  de  leur  mission  :  l'éducation  des  orphelins  pauvres  confiés 
à  leurs  soins.  Le  7  septembre  1876,  un  jeune  magistrat,  M.  Gon- 
çalo  Faro,  fonda  à  cet  effet  une  colonie  à  Estrella,  dans  la  pro- 
vince de  Rio-de-Janeiro.  Il  prit  pour  modèle  les  colonies  de 
Sonenberg,  prèsLucernc,  et  de  Sérix,  dans  le  canton  de  Vaud.  Il 
se  proposait  pour  but  de  recueillir  les  enfants  indigents  et  aban- 
donnés. Les  enfants  qui  ont  été  admis  dans  cet  asile  sont  nourris 
et  habillés;  ils  reçoivent  l'instruction  élémentaire  et  l'enseigne- 


PROTECTION  DE  L  ENFANCE.  073 

ment  professionnel.  Les  châtiments  corporels  sont  absolument 
interdits,  el  la  peine  d'expulsion  n'existe  pas  pour  les  colons 
indisciplinés. 

L'idée  généreuse  de  M.  Gonçalo  Faro  a  trouvé  des  imitateurs, 
et  d'autres  juges  d'orphelins  se  sont  empressés  de  créer  des 
colonies  analogues  sur  le  territoire  de  leur  juridiction.  C'est 
ainsi  qu'il  existe  aujourd'hui  trois  autres  colonies  établies  sur 
le  modèle  de  la  colonie  d'Estrella,  Tune  à  Angrados-Reis,  dans 
la  province  de  Rio-de-Janeiro,  fondée  par  M.  Joaquim  Mariano  : 
l'autre  àAmparo,  dans  la  province  de  San-Paulo,  due  à  l'initiative 
de  M.  Rodrigo  Sete  ;  et  la  troisième  à  Santa-Luzia,  dans  la  pro- 
vince de  Goyaz,  créée  par  M.  Braz-Loureiro. 


43 


CHAPITRE    XXIV 


ORGANISATION     JUDICIAIRE 


Par  M.  le  Conseiller  S.-W.    MAC-DOWELL 


Je  ne  peux  donner  ici  qu'une  notice  très  résumée  de  l'évo- 
lution historique  de  l'organisationjudiciaire  au  Brésil,  en  y  ajou- 
tant quelques  informations  sur  les  réformes  présentées  dernière- 
ment aux  Chambres  de  l'empire. 

Eu  1822,  à  l'époque  où  le  Brésil  conquit  son  indépendance, 
il  possédait  une  organisation  judiciaire  établie  par  la  métropole, 
c'est-à-dire  par  le  Portugal.  Cette  organisation  se  composait  des 
tribunaux  d'appel  (Tribunaes  de  Relaçâo)  de  Maragnon,  Pernam- 
buco,  Bahia  et  Rio-de-Janeiro.  Ce  dernier  avait  la  catégorie  de 
chambre  des  Requêtes  (Casa  da  supplicaçâo)  et  étendait  sajuridic- 
tion  sur  toutes  les  anciennes  capitaineries,  conformément  à 
l'arrêté  du  10  mai  1808.  Ces  tribunaux  d'appel  se  composaient 
de  conseillers  (Dezembargadores),  dont  l'un  en  était  le  chance- 
lier, l'autre  Youvidor  général,  l'autre  juge  des  faits,  un  quatrième 
était  «  proviseur  »  des  décédés  et  absents,  et  le  cinquième,  enfin, 
procureur  ou  avocat  de  la  Couronne.  Eu  première  instance,  fonc- 
tionnaient les  juges  ou  ovidores  de  comarque,  les  juges  de  fora, 
ceux  des  orphelins  et  les  juges  ordinaires.  A  Bahia,  il  y  avait  un 
tribunal  d'appel  métropolitain,  ayant  juridiction  sur  les  affaires 
spirituelles  ou  sur  les  affaires  temporelles  qui  auraient  des  rap- 

1.  Député  de  la  province  de  Para  à  l'Assemblée  générale  législative, 
membre  du  Conseil  de  Sa  Majesté  l'Empereur  du  Brésil,  ancien  ministre 
d'État. 


LE     BRÉS1  L     EN      1  889. 

ports  avec  les  affaires  spirituelles  ;  elle  se  réglail  d'après  les  dis- 
positions du  Concile  de  Trente,  adopté  intégralement.  Des  com- 
missions judiciaires  (Juntas  de  Justiça)  jugeaient  les  crimes  de 
désertion  et  de  désobéissance  militaire,  de  sédition,  de  rébellion, 
de  résistance  et  d'autres  semblables.  Enfin,  il  y  avait  la  Corner- 
vatoria  ou  Tribunal  privilégié  des  Anglais,  établi  par  d'anciens 
traités,  sans  réciprocité  effective,  d'ailleurs,  en  notre  Faveur. 

Les  lois  en  vigueur  étaienl  les  ordonnances  philippines  el 
arrêtés  royaux,  les  articles  de  guerre  organisés  parle  comte  de 
Lippe  et  le  règlement  provisionnel  pour  la  marine.  Il  m'est 
pénible  d'avouer  que  toute  cette  législation  est  encore  appliquée, 
malgré  les  promesses  formelles  de  la  Constitution  de  l'empire. 
En  efTet,  à  l'exception  du  Code  pénal  et  du  Code  de  procédure, 
promulgués  en  1830  et  en  LS.'i:2,  de  la  réforme  judiciaire  de  1841, 
et  du  (Iode  de  Commerce  de  1850,  à  peine  quelques  dérogations 
ont-elles  été  apportées  à  l'ancien  droit  par  le  pouvoir  législatif, 
au  moyen  de  lois  éparses,  qui  n'ont  pas  encore  été  compilées  el 
codifiées.  Parmi  ces  dérogations,  il  faut  citer  la  plus  récente,  re- 
montant au  5  octobre  1885,  qui  modifie  la  procédure  des  exécu- 
tions judiciaires,  abolit  l'adjudication  forcée  et  règle  la  question 
d'hypothèque  et  le  Crédit  foncier. 

Le  titre  6e  de  la  Constitution  de  l'empire  a  posé  les  bases 
d'une  nouvelle  organisation  judiciaire.  D'après  ce  titre,  le  pou- 
voir judiciaire  devait  être  composé  de  juges  et  de  jurés,  au  civil 
comme  au  criminel,  dans  les  cas  et  de  la  manière  déterminés  par 
les  (Iodes  respectifs.  Des  «  juges  de  droits  »,  perpétuels  et  ina- 
movibles, seraient  créés.  Il  y  aurait  des  cours  d'appel  Etelaçôes), 
en  aussi  grand  nombre  qu'il  serait  nécessaire,  pour  le  jugement 
des  causes  en  seconde  instance.  Il  serait  établi  un  Suprême  Tri- 
bunal de  justice  pour  accorder  ou  refuser  la  révision  des  causes, 
et  pour  trancher  les  conflits  de  juridiction  entre  les  cours  d'appel, 
de  même  que  pour  juger  les  crimes  commis  par  ses  propres 
membres,  par  ceux  des  cours  d'appel,  par  les  fonctionnaires 
appartenant  au  corps  diplomatique  et  par  les  présidents  des 
provinces.  Il  y  aurait  des  juges  de  paix  électifs  pour  tenter  la 
réconciliation  préalable  entre  les  parties  dans  les  causes  qui 
devaieni  être  portées  au  contentieux  judiciaire.  Enfin,  on  admet- 
tait des  arbitres  ou  prud'hommes  pour  les  parties  qui  préfére- 
raient ce  moyen  de  résoudre  leurs  différends. 

La  Constitution  allait  plus  loin.  A  côté  de  l'indépendance  des 
magistrats,  elle  établissait  leur    responsabilité   pour  les  abus. 


ORGANISATION     JUDICIAIRE.  677 

excès  de  pouvoir  ou  prévarications.  En  même  temps  elle  rendait 
obligatoire  la  publicité  de  la  procédure  criminelle.  Au  nombre 
des  garanties  d'inviolabilité  des  droits  civils  et  politiques  des 
citoyens,  mentionnées  par  l'article  171)  de  la  Constitution,  se 
trouvaient  citées  :  l'extinction  de  lajuridiction  privilégiée,  excepté 
pour  les  causes  qui  par  leur  nature  appartiendraient  à  des  juges 
particuliers;  l'abolition  des  peines  cruelles  de  toute  espèce  et 
celle  de  la  confiscation  et  de  la  transmissibilité  de  l'infamie  aux 
parents  du  coupable.  La  Constitution  posait  également  les  prin- 
cipes les  plus  larges  pour  garantir  la  liberté  des  citoyens,  en  fait 
de  prison  et  de  caution  criminelle.  Toutes  ces  bases  étaient 
accompagnées  de  la  promesse  solennelle  qu'il  serait  organisé,  au 
plus  tôt,  un  Code  civil  et  un  Code  pénal,  appuyés  sur  les  prin- 
cipes solides  de  justice  et  d'équité. 

La  Constitution  date  de  1825.  Deux  ans  après,  on  commen- 
çait à  tenir  quelques-unes  de  ses  promesses. 

La  loi  du  15  octobre  1827  établissait,  en  effet,  clans  chacune 
des  paroisses  et  des  chapelles  ayant  un  curé,  un  juge  de  paix  et 
un  suppléant,  élus  en  même  temps  et  de  la  même  manière  que 
les  conseillers  municipaux  (Vereadores);  elle  délimitait  ses  attri- 
butions civiles,  criminelles  et  policiaires  —  alors  bien  plus  éten- 
dues qu'à  présent  —  excepté  en  ce  qui  touche  à  lajuridiction 
pour  le  jugement  des  petites  causes. 

La  loi  du  18  septembre  1828,  complétée  par  celle  du 
20  décembre  1830,  organisait  le  Suprême  Tribunal  de  justice, 
composé  de  17  juges,  pris  parmi  les  conseillers  de  Cour  d'appel 
les  plus  anciens,  portant  le  titre  de  membres  du  conseil  de 
Sa  Majesté  l'empereur.  Leurs  attributions  et  la  manière  dont  ils 
devaient  les  exercer  étaient  définies  en  même  temps.  Le  président 
de  cette  Haute  Cour  de  justice,  dont  la  situation  correspond  à 
celle  de  l'ancien  Rcgedor  de  la  Casa  de  Sapplicacào,  est  choisi, 
tous  les  trois  ans,  par  l'empereur  parmi  ses  membres.  D'autres 
lois  postérieures  ont  élargi  les  attributions  du  Suprême  Tribunal 
de  justice.  En  1830,  on  lui  a  attribué  le  jugement  des  crimes 
commis  par  les  évêques.  En  1882,  on  lui  a  donné  le  jugement 
des  recours  électoraux  en  cas  de  nullité  de  l'inscription  des 
électeurs. 

La  loi  du  22  septembre  1828  supprima  les  tribunaux  appelés 
«  Mezas  do  Dezembargo  do  Paço  »  e  «  xWezas  da  consciencia  e 
ordens  »,  dont  les  Cours  d'appel  du  Brésil  exerçaient  les  fonc- 
tions par  exception,  en  vertu  d'une  faveur  royale.  La  même  loi 


LE    BRÉSIL    i:\     1889. 

réglait  la  décision  des  affaires  qui  leur  incombaient  ;  celles-ci 
furent  partagées,  selon  leur  nature,  entre  les  juges  de  première 
Instance,  au  civil  et  criminel,  le  juge  des  orphelins,  les  Cours 
d'appel,  If  Suprême  Tribunal  de  justice  et  le  Gouvernement. 

La  loi  du  29  novembre  1832  promulgua  le  Code  de  Procédure 
criminelle.  Un  Litre  spécial  était  consacré  aux  dispositions  pro- 
visoires au  sujet  do  l'administration  de  la  justice  civile.  Ce  code 
a  établi  la  nouvelle  organisation  judiciaire  d'après  un  plan  géné- 
ral. Il  détermina  que,  dans  chaque  district  administratif,  il  y 
aurait  un  juge  de  paix  électif  avec  son  greffier,  des  inspecteurs  de 
quartier  et  des  officiers  de  justice;  outre  les  attributions  consti- 
tutionnelles,  il  accorda  au  juge  de  paix  une  plus  large  juridiction 
policière  et  criminelle,  à,  exercer  soit  seul  soit  dans  \es  junlasou 
conseils  de  paix,  réunions  des  juges  de  paixpour  prendre  connais- 
sance des  recours  criminels  et  juger  certains  procès  de  la  même 
espèce.  Il  créa  des  «  juges  municipaux  », magistrats  temporaires, 
nommes  parle  gouvernement  parmi  les  citoyens  ayant  un  diplôme 
de  Droit  ou  parmi  les  avocats  faisant  partie  d'une  liste  présentée 
par  la  Chambre  municipale  du  municipe.  Outre  la  juridiction 
policière  cusultative,  il  appartenait  à  ces  magistrats  :  dans  le 
criminel,  de  remplacer  le  «  juge  de  droit  »  et  d'exécuter  les 
sentences  et  les  mandats  du  juge  de  droit  ou  des  tribunaux;  dans 
le  civil,  de  préparer  et  d'instruire  les  causes,  sans  rendre  la  sen- 
tence finale,  et  de  les  faire  exécuter.  Il  créa  également,  dans  chaque 
comarque,  des  «  juges  de  droit  »,  nommés  par  l'empereur  et 
choisis  parmi  les  licenciés  en  droit  (bachareis  formados)  ;  il  leur 
incombait,  entre  autres  attributions,  de  présider  le  jury  crimi- 
nel et  d'appliquer  la  loi  au  fait.  Il  créa  finalemet  les  officiers  de 
justice  et  les  «  promotores  »,  chargés  du  ministère  public,  et 
nommés  comme  les  juges  municipaux. 

Le  Code  de  Procédure  criminelle  prescrivit  les  formules  et 
recours  du  procès  commun  et  de  responsabilité,  caution,  haheas- 
corpus,  tirage  au  sort  des  jurés,  constitution  du  jury,  etc.  Il 
supprima  les  «  ouvidorias  »  des  comarques,  les  juges  de  l'ancien 
régime,  La  juridiction  criminelle  de  toute  autre  autorité,  excepté 
celle  du  Sénat,  du  Suprême  Tribunal  de  Justice,  des  Cours 
d'appel,  des  juges  militaires,  qui  continuèrent  à  connaître  des 
crimes  purement  militaires,  et  des  juges  ecclésiastiques  en 
matière  purement  spirituelle.  Il  créa  un  juge  au  civil  dans  les 
grands  centres,  et  un  «  juge  des  orphelins,  »  temporaire  comme 
le  juge  municipal.  Il  supprima  la  juridiction  ordinaire  des  «  cor- 


ORGANISATION     JUDICIAIRE.  679 

regedores  »  et  «  ouvidores  »  des  Cours  d'appel,  effaça  l'ancienne 
distinction  entre  conseillers  de  Cour  d'appel  de  différentes  caté- 
gories, supprima  les  chanceliers  dans  toutes  les  Cours  d'appel, 
déclara  que  ces  Cours  d'appel  seraient  présidées  par  l'un  des 
conseillers  les  plus  anciens  nommé  tous  les  trois  ans  par  le  gou- 
vernement, et  abolit  d'autres  dispositions  vieillies,  afin  d'adapter 
l'organisation  judiciaire  au  nouveau  régime. 

Ce  régime  fut  en  vigueur  jusqu'au  3  décembre  1841,  époque  à 
laquelle  fut  promulguée  la  réforme  judiciaire. 

Le  Code  de  Procédure  criminelle  était  une  loi  éminemment 
libérale,  car  il  confiait  les  attributions  policières  et  criminelles 
à  des  juges  électifs  et  renfermait  des  dispositions  homogènes  et 
synthétiques  qui,  en  grande  partie,  sont  encore  en  vigueur, 
même  de  nos  jours.  Mais  il  n'était  plus  en  harmonie  avec  les 
besoins  du  moment.  En  effet,  la  nation  venait  de  traverser  une 
crise  politique.  L'Empereur  Dom  Pedro  Ier  avait  abdiqué  le  7  avril 
1831  ;  son  fils,  l'Empereur  actuel,  Dom  Pedro  II,  était  encore 
mineur,  et  les  régences,  qui  gouvernaient  en  son  nom,  avaient 
perdu  tout  prestige.  Tout  le  monde  comprenait  qu'il  fallait 
reforcer  l'autorité,  car,  de  1831  à  1841,  en  dix  ans,  la  constitu- 
tion du  pays  avait  subi  deux  graves  échecs;  l'un,  de  bas  en  haut, 
lors  de  l'abdication  de  Dom  Pedro  Ier,  le  7  avril  1831  ;  l'autre,  de 
haut  en  bas,  lors  de  la  proclamation  de  la  majorité  de  Dom 
Pedro  II,le23  juillet  1840,  avantladate  marquée  parla  Contitution. 

Le  second  empereur  fut  couronné  le  18  juillet  1841.  Moins  de 
cinq  mois  après,  était  promulguée  la  nouvelle  réforme  judiciaire. 
L'opinion  publique  l'accueillit  fort  mal.  Sur  plus  d'un  point,  son 
exécution  rencontra  des  difficultés,  et  à  Santa-Luzia,  dans  la 
province  de  Minas-Geraes,  il  y  eut  même  résistance  armée.  Plus 
tard,  les  adversaires  de  la  loi  eux-mêmes  lui  rendirent  justice^ 
quand  les  passions  se  trouvèrent  un  peu  calmées.  Si  on  l'exa- 
mine avec  quelque  impartialité,  on  s'aperçoit  qu'elle  constitue 
tout  un  système  parfaitement  combiné  et  encore  mieux  développé 
dans  le  règlement  qui  fut  promulgué  pour  son  exécution.  Ce 
règlement  du  31  janvier  1842,  portant  le  numéro  120,  fut  l'œuvre 
de  l'un  de  nos  meilleurs  hommes  d'État,  M.  Paulino  J.  Soares  de 
Souza,  vicomte  d'Uruguay,  alors  ministre  de  la  justice. 

11  est  certain  que  toute  cette  loi  a  été  inspirée  par  un  grand 
principe  autoritaire.  Le  titre  Ier  s'occupe  de  l'organisation  de  la 
police,  composée  :  de  chefs  de  police,  choisis  parmi  les  conseil- 
lers de  Cour  d'appel  et  les  juges  de  droit  et  commissionnés  à  cet 


LE     BRÉSIL     EN     18  89. 

effet,  avec  juridiction  sur  La  province  entière  ou  sur  toul  le  Muni- 
cipe  neutre  dans  La  capitale  de  L'empire  :  de  délégués  et  de  sous- 
délégués.  Toutes  ces  autorités  jouissent  de  Larges  attributions 
policières,  y  compris  le  droit  d'arrestation  préventive,  dont  quel- 
ques-uns ont  abusé  parfois  sous  prétexte  d'enquêtes  de  police, 
et  celui  de  juger  les  procès  criminels,  quoique  avec  la  garantie 
de  l'approbation  ou  de  La  révocation  par  L'autorité  judiciaire  et 
avec  celle  du  recours  ou  de  l'appel  à  cette  même  autorité,  d'ac- 
cord  avec  la  hiérarchie  du  juge  à  quo.  Cette  loi  règle  le  stage  des 
magistrats,  en  établissant  que  les  juges  municipaux  resteront 
quatre  ans  en  exercice,  ayant  droit  à  l'avancement  ou  au  renvoi 
-'Ion  le  cas,  et  définit  leurs  attributions  au  civil  et  au  criminel, 
de  même  que  celles  des  juges  de  Droit,  tout  en  abolissant  les 
anciens  juges  au  civil.  Elle  modifie  la  procédure  criminelle  et  ses 
recours  ;  prescrit  que  l'indemnité  du  dommage  ex  delictu  ne 
pourra  être  réclamée  que  par  une  action  civile;  détermine  les 
corrections  périodiques  dans  les  comarques,  et  renferme  d'au* 
très  disposition^,  aussi  importantes  que  nombreuses,  au  sujet  de 
l'administration  policière  et  de  la  juridiction  civile  et  criminelle. 
Ces  dispositions  ont  été  développées  et  détaillées  dans  le  règle- 
ment numéro  120  du  15  mars  1812,  pour  l'exécution  de  la  partie 
civile,  et  une  série  d'actes  analogues  du  gouvernement  les  a  com- 
plétées successivement. 

Je  n'ai  ni  le  temps  ni  l'espace  nécessaires  pour  analyser  ici 
avec  plus  de  détails  cette  loi  fameuse,  œuvre  de  sagesse  législative 
et  monument  de  jurisprudence  nationale.  Pendant  de  longues 
années  elle  fit  partie  intégrante  du  programme  du  parti  conser- 
vateur brésilien,  tantôt  calomniée  par  les  adversaires,  tantôt  vio- 
lée dans  la  pratique  par  ceux-là  même  qui  en  avaient  fait  leur 
titre  de  gloire.  Sans  doute,  elle  se  ressentait  du  défaut  d'autres 
Lois  contemporaines,  telles  que  celles  sur  le  recrutement  forcé, 
sur  la  garde  nationale  militarisée,  sur  le  régime  électoral  arbi- 
traire et  sans  fixité,  lois  qui  ont  contribue  à  exciter  dans  les 
masses  une  certaine  animosité  contre  les  autorités.  Mais  dans  son 
ensemble,  elte  répondait  aux  exigences  de  l'époque. 

Pendant  trente  ans,  aussi  bien  le  parti  conservateur  que 
le  parti  libéral  durent  la  maintenir,  malgré  le  cri  de  protestation 
des  libéraux  poussé  parmi  ministre  de  la  justice  le  2  janvier  1865. 
C'est  en  1871  seulement  que  l'on  réussit  à  promulguer  la  nou- 
velle  réforme  judiciaire,  aujourd'hui  en  vigueur. 

Cette  loi  de  1871  a  retiré  aux  autorités  policières  le  droit  de 


ORGANISATION     JUDICIAIRE.  681 

juger,  a  établi  la  caution  provisoire  et  a  élargi  l'habeas  corpus. 
Bien  plus  :  par  une  réaction  naturelle  contre  la  loi  du  3  décem- 
bre iSil,  elle  a  poussé  le  respect  pour  la  liberté  individuelle  au 
point  de  rendre  l'exercice  de  la  justice  assez  difficile  dans  un 
pays  nouveau  et  fort  vaste  comme  le  Brésil:  les  autorités  ne 
peuvent  procéder  à  aucune  arrestation  sinon  dans  le  cas  de  ila- 
grant  délit,  comme  toutautrc  citoyen  ;  La  prison  préventive  n'a  lieu 
que  sur  réquisition  et  sur  mandat  de  l'autorité  judiciaire,  et  cela 
seulement  pourles  crimes  qui  n'admettent  pas  caution,  et  lorsque 
le  délinquant  avoue  son  crime,  ou  bien  lorsque  deux  témoins 
concordants  déposent  sur  sa  culpabilité  ou  lorsque  cette  culpabi- 
lité résulte  avec  évidence  de  documents  irréfragables. 

Cette  réforme  a  enlevé  son  caractère  obligatoire  à  la  fonction 
de  chef  de  police,  en  permettant  qu'elle  soit  exercée  par  tout 
bachelier  en  droit  ayant  quatre  années  de  pratique  de  barreau  ou 
d'administration.  Elle  a  conféré  aux  juges  de  paix  le  jugement 
des  infractions  aux  ordonnances  municipales,  avec  droit  d'appel 
aux  juges  de  droit  ;  elle  a  conféré  aux  juges  municipaux  le  juge- 
ment des  infractions  pour  rupture  de  ban  et  autres  analogues, 
tout  en  leur  retirant  la  faculté  de  prononcer  dans  les  crimes  de 
droit  commun  et  dans  ceux  de  la  juridiction  policière.  Ces  crimes 
sont  de  la  compétence  des  juges  de  droit,  mais  cette  compétence 
même  est  différente,  selon  qu'il  s'agit  du  juge  de  droit  d'une 
comarque  générale  ou  d'une  comarque  spéciale,  nouveaux  types 
établis  par  cette  loi.  Elle  a  aboli  la  procédure  cx-officio,  excepté 
pour  quelques  cas  spéciaux,  et  a  promulgué  d'autres  prescriptions 
sur  la  compétence,  la  procédure  et  les  recours  criminels. 

Dans  le  civil,  elle  a  élevé  la  compétence  des  juges  de  paix 
jusqu'à  100.000  ré is  ou  à  peu  près  280  francs  ;  celles  des  juges 
municipaux,  jusqu'à  1.400  francs  ou  500.000  réis,  avec  appel, 
dans  les  deux  cas,  au  juge  de  droit,  à  qui  incombe  également  en 
première  instance  le  jugement  des  procès  pour  une  somme  supé- 
rieure, avec  recours  à  la  Cour  d'appel  respective.  Elle  a  aussi 
établi  des  règles  pour  la  procédure  civile  et  des  dispositions  au 
sujet  des  appointements,  des  aptitudes  et  des  retraites  des  magis- 
trats. Sur  ce  dernier  point,  elles  semblent  plus  constitutionnelles 
et  plus  raisonnables  que  la  dernière  loi,  d'après  laquelle  les 
magistrats  sont  obligés  de  prendre  leur  retraite  à  73  ans. 

il  est  impossible  de  passer  sous  silence  les  dispositions 
pénales,  qui  font  partie  de  cette  loi  organique,  au  sujet  des 
homicides,  blessures,    ou   offenses  physiques   commis  par  mala- 


682  LE     BRÉSIL    EN     1889. 

dresse,  imprudence  ou  infraction  aux  règlements.  Ces  disposi- 
tions ont  comblé  une  des  lacunes  de  notre  Législation.  [1  faul 
encore  rappeler  les  dispositions  permettant  au  juge  d'instruc- 
tion de  décider  au  sujet  des  excuses  criminelles,  qui  étaient 
autrefois  de  la  compétence  du  jury,  comme  le  sont  encore, 
aujourd'hui,  les  excuses  justificatif 

Cette  loi  de  1871  eut  la  bonne  fortune  de  coïncider  avec  le 
mouvement  de  réaction  législative  qui  s'opéra  en  1873-74.  Ce 
fut  l'époque  où  Ton  abolit  le  service  obligatoire  de  La  garde 
nationale  et  le  recrutement  forcé  pour  l'armée  et  la  marine.  Ces 
circonstances  lui  valurent  les  sympathies  populaires,  de  même 
que  ces  anciennes  lois  de  compression  avaient  excité  une  antipa- 
thie outrée  contre  la  précédente  réforme  du  3  décembre  18  H. 

Une  loi,  en  date  du  6  août  1873,  a  créé  sept  nouvelles  Cours 
d'appel  au  Brésil,  ayant  leur  siège  à  llcIem-de-Parâ,  Fortaleza 
dans  le  Céarâ,  San-Paulo  dans  la  province  du  même  nom,  Porto- 
Alegre  dans  Rio-Grande-du-Sud,  Ouro-Preto  dans  Minas-Geraes, 
Guyabâ  dans  Matto-Grosso  et  Goyaz  dans  la  province  du  même 
nom.  Nous  en  avions  déjà  quatre,  établies  à  Rio-de-Janeiro» 
Bahia,  Pernambuco  etSan-Luiz-de-Maranhâo.  Nous  en  avons  donc 
onze  en  tout.  Cette  loi  fixait  le  nombre  de  sept  conseillers  ou 
Dezembargatores  pour  chaque  Cour  d'appel  au  Relaçâo,  en  déter- 
minant, cependant,  que  celle  de  Rio-de-Janeiro  en  aurait  dix- 
sept,  celles  de  Bahia  et  de  Pernambuco  onze  chacune,  et  celles 
de  Goyaz  et  Matto-Grosso  à  peine  cinq  chacune.  Elle  a  aussi 
déclaré  incompatibles,  dans  le  district  où  ils  exercent  leur  juri- 
diction, les  conseillers  de  Cour  d'appel  pour  toute  charge  élective. 
La  loi  de  réforme  électorale,  promulguée  en  1881,  a  étendu  cette 
incompatibilité  aux  autres  magistrats 

Elle  a  supprimé  la  juridiction  contenticuse  des  Tribunaux  de 
Commerce,  créés  par  le  Code  en  1850,  et  a  rendu  aux  Cours 
d'appel  cette  compétence  spéciale,  et  a  déterminé  que  des  règle- 
ments ultérieurs,  rendus  par  le  gouvernement,  définiraient  les 
fonctions  administratives  qui,  aujourd'hui,  se  trouvent  partagées, 
en  vertu  de  décrets,  entre  les  juntas  commerciales,  créées  dans 
quelques  chefs-lieu  de  provinces,  et  les  juges  de  droit  de  com- 
merce. 

Récapitulons,  autant  que  le  permet  le  caractère  de  cette 
notice,  notre  organisation  judiciaire  actuelle,  telle  qu'elle  ressort 
de  la  réforme  de  1871,  encore  en  vigueur: 


ORGANISATION     JUDICIAIRE.  683 

Elle  n'a  pas  modifié  les  dispositions  anciennes  au  sujet  des 
tribunaux  ecclésiastiques  et  militaires.  Dans  le  ressort  ecclésias- 
tique, c'est  toujours  le  vicaire  général  qui  a  la  juridiction  de 
première  instance,  avec  droit  d'appel  à  la  Cour  d'appel  ou  Rela- 
çfto  métropolitaine  de  Bahia;  il  lui  appartient  de  juger,  entre 
autres,  les  causes  de  divorce  et  de  nullité  de  mariage,  très  impor- 
tantes à  cause  des  effets  civils  qui  en  résultent.  Dans  le  ressort 
militaire,  nous  avons  toujours  les  conseils  d'investigation  et  de 
guerre,  avec  un  président  et  des  assesseurs  nommés  ad  hoc,  et 
un  auditeur,  juge  en  toge  ;  ces  conseils  jugent  les  crimes  mili- 
taires avec  recours  direct  uniquement  au  Suprême  Conseil  mili- 
taire, composé  d'officiers  de  haut  grade,  appartenant  à  l'armée 
et  à  la  marine,  et  déjuges  en  toge.  Cette  haute-cour  militaire 
sert  aussi  d'organe  consultatif  du  gouvernement. 

Cette  organisation  subsiste. 

La  loi  de  1871  a,  en  revanche,  altéré  sur  d'autres  points  l'édi- 
fice de  notre  organisation  judiciaire.  Présentement,  au  haut  de 
l'échelle,  nous  avons  le  Suprême  Tribunal  de  justice,  simple 
tribunal  de  révision,  ayant  des  attributions  analogues  à  celles  de 
la  Chambre  des  requêtes  de  la  Cour  de  cassation  en  France, 
et  siégeant  à  Rio-de-Janeiro.  Un  peu  plus  bas,  nous  avons  les 
onze  Cours  d'appel  ou  Relaçôes,  qui  jugent  en  seconde  et  der- 
nière instance  toutes  les  causes  civiles,  commerciales,  orphano- 
logiques,  fiscales  et  criminelles.  Au-dessous,  les  juges  de  Droit 
de  comarque,  les  Juges  de  Droit  spéciaux  pour  le  commerce, 
pour  les  orphelins  et  pour  les  affaires  du  fisc,  là  où  il  y  en  a. 
Ils  jugent  toutes  les  causes  de  leur  ressort  en  première  instance, 
excepté  quelques-unes  qui  sont  de  la  compétence  des  Juges  muni- 
cipaux, placés  au-dessous  d'eux.  Enfin,  au  dernier  échelon,  nous 
avons  les  Juges  de  paix  électifs,  par  devant  lesquels  les  parties 
sont  appelées  en  conciliation  avant  le  procès  et  qui  jugent  aussi 
certains  procès  de  peu  l'importance,  et  les  Juges  arbitres,  dont 
les  décisions  dépendent  toujours  de  l'engagement  volontaire  des 
parties,  après  qu'on  a  aboli  le  jugement  arbitral  nécessaire,  que 
la  législation  précédente  admettait  en  certains  cas. 

Telle  est,  dans  ses  grandes  lignes,  l'organisation  judiciaire 
actuelle  au  Brésil. 


Depuis  lors,  plusieurs  réformes  ont  été  tentées  sur  l'initiative 
de  divers  hommes  d'État,  jurisconsultes  et  magistrats,  tels  que 


684  LE     BRÉSIL     EN      Ifi 

feu  Nabuco  d'Àraujo,  Olegario,  Lafayette  et  d'autres.    Aucune 
d'elles  n'a  abouti. 

En  L883,  M.  Prisco-Paraiso,  ministre  de  La  Justice  d'un  cabinel 
libéral,  présenta  un  projel  de  loi  contenant  quelques  dispositions 
nouvelles.  Il  supprimait  les  Juges  .Municipaux,  et  établissait  un 
Juge  de  Droit  dans  chaque  district  judiciaire  donnant  cent  jurés. 
Il  faisait  reposer  L'indépendance  de  la  magistrature  sur  la  base 
de  L'ancienneté  absolue.  La  commission  extraparlementaire, 
appelée  à  donner  son  avis  sur  ce  projel  de  loi,  proposa  que  les 
magistrats  fussent  choisis  au  concours.  Le  ministre,  en  refusant 
cet  amendement,  Taisait,  dépendre  la  première  investiture  du 
simple  arbitre  du  gouvernement.  D'ailleurs,  d  proposait  un  stage 
défectueux,  consistant  dans  L'exercice  du  ministère  public  ou 
dans  la  curatelle  générale  des  orphelins  et  dans  l'exercice  de  La 
profession  d'avocat  pendant  un  certain  temps.  D'autres  disposi- 
tions, qu'il  est  inutile  d'analyser,  étaient  plus  heureuses. 

Ce  projet  de  loi  fut  vole  par  la  Chambre  des  députés,  malgré 
la  résistance  de  la  nombreuse  opposition  conservatrice  d'alors. 
Mais  il  dépend  encore  de  L'approbation  du  Sénat. 

lui  L888,  le  ministre  de  la  justice  du  cabinet  conservateur 
du  10  mars,  M.  le  conseiller  Perreira-Vianna,  soumit  un  projet 
substitutif  à  la  Commission  de  législation  du  Sénat,  chargée  de 
L'examen  du  projet.  La  Commission  l'a  adopté,  en  l'amendant  sur 
quelques  points.  Ce  projet  met  en  avant  le  même  principe  de 
L'ancienneté  absolue,  mais  il  le  corrige  par  certaines  mesures 
nouvelles.  Il  organise  le  ministère  public  et  exige  l'exercice  de 
La  justice  de  paix  comme  noviciat  des  futurs  magistrats.  Il  crée 
aussi  des  tribunaux  correctionnels,  et  propose  d'autres  réformes 
qu'il  serait  trop  long  d'analyser. 

lui  1887,  le  ministre  delà  justice  d'alors1  présenta  aux  Cham- 
bres un  projet  de  loi  pour  la  répression  du  vagabondage  (capoei- 
ragem)  dans  des  colonies  pénitentiaires.  Son  successeur, 
M.  Ferreira-Vianna,  a  adopté  une  autre  méthode,  qui  a  reçu  le 
coup  de  grâce  de  la  part  d'un  autre  ancien  ministre  de  la  justice, 
M.  le  conseiller  Duarte  d'Azevedo. 

il  faut  encore  citer  les  lois  du  7  juillet  1883  et  du  15  octobre 
1886  punissant  les  crimes  de  vols  d'objets  places  sous  la  garantie 
de  la  loi  publique,  comme,  par  exemple,  les  cueillettes  sur  pieds, 
la   coup:'  des   baie-,    la   salaison   des  poissons,  des  viandes,  des 

1.  Ce  ministre  était  M.  le  conseiller  Mac-Dowell  lui-même. 


ORGANISATION     JUDICIAIRE.  685 

cuirs,  etc.,  et  la  destruction,  endommagement  ou  incendie.  Ces 
lois  complètent  les  dispositions  du  Code  Pénal.  Et,  enfin,  la  loi 
du  \  août  1875  sur  les  crimes  commis  à  l'étranger  contre  le 
Brésil  el  les  Brésiliens,  dont  il  est  inutile  de  faire  ressortir  l'im- 
portance aupoint  de  vue  du  droit  international. 


CHAPITRE    XXV 


ARSENAUX  DE  MARINE 


Par     M.     M.-J.     ALVES     BARBOZA 


La  force  navale  active  du  Brésil  se  compose  présentement  de  : 
10  cuirassés  de  différentes  catégories,  5  croiseurs,  3  navires  pour 
l'instruction  pratique  des  matelots,  1  navire  pour  l'artillerie  et 
les  torpilles,  2  transports  de  guerre,  15  canonnières  pour  la  navi- 
gation fluviale,  8  torpilleurs  de  première  et  de  deuxième  classe, 
et  de  différentes  embarcations  moins  importantes. 

L'organisation  actuelle  de  l'escadre  brésilienne  comprend  : 
une  division  de  croiseurs  et  d'autres  bâtiments  à  vapeur  ;  une 
division  de  cuirassés  ;  des  flottilles  pour  le  service  spécial  des 
fleuves  et  des  frontières  de  l'Amazone,  du  haut  Uruguay  et  de 
Matto-Grosso. 

Outre  cette  force,  dont  l'armement  effectif  est  complet,  l'arsenal 
de  marine  de  Rio-de-Janeiro  est  entrain  de  construire  un  croiseur 
de  première  classe,  en  acier,  trois  canonnières  en  acier  pour  la 
navigation  fluviale,  et  plusieurs  autres  embarcations,  telles  que 
chaloupes,  remorqueurs,  etc. 

Le  gouvernement  a  l'intention  d'augmenter  les  forces  navales 
du  pays  et  de  les  réorganiser  selon  les  exigences  de  la  tactique 
moderne.  Le  parlement  a  même  voté  dernièremnt  des  crédits 
supplémentaires  dans  ce  but.    Mais,  dès  aujourd'hui,  le  gouver- 

1.  Capitaine  de  corvette  de  la  marine  impériale  du  Brésil,  en  mission  du 
gouvernement  en  Europe. 


LE     BRÉSIL     EN     1  8  S  9. 

nemenl  dispose  de  cinq  arsenaux,  situés  dans  les  provinces  de 
Para,  Pernambuco,  Bahia,  Rio-de-Janeiro  et  Matto-Grosso.  Le 
plus  importanl  de  ces  établissements,  esl  sans  contredit,  relui  de 
Rio-de-Janeiro,  qui  s'est  beaucoup  développé  depuis  la  guerre 
que  le  Brésil  eul  à  soutenir  contre  le  Paraguay. 

A  l'époque  de  cette  guerre,  l'arsenal  de  Rio  construisit,  avec 
une  rapidité  étonnante  si  l'on  Lient,  compte  des  ressources  donl 
il  disposait  alors,  plusieurs  monitors  et  divers  petits  cuirassés 
pour  neuves,  qui  furent  autant  d'auxiliaires  précieux  pour  l'orga- 
nisation de  l'escadre  d'opérations. 

Le  service  technique  de  l'arsenal  de  Rio  se  trouve  réparti 
entre  quatre  directions,  professionnellement  distinctes,  mais 
subordonnées  administrativement  à  l'inspection  générale  de 
l'établissement.  Ces  quatres  directions  sont  les  suivantes  :  cons- 
truction navale,  machines,  artillerie  et  torpilles,  On  y  a  annexé 
une  section  supplémentaire  pour  les  travaux  civils,  militaires  et 
hydrauliques  du  ministère  de  la  marine. 

La  direction  des  constructions  navales  embrasse  la  totalité  des 
travaux  nécessaires  à  la  fabrication  de  la  coque  des  navires  et  de- 
leurs  accessoires,  et  elle  a  sous  ses  ordres  des  ateliers  de  char- 
pentiers, de  menuisiers,  de  calfats,  de  chaudronniers,  tourneurs, 
forgerons,  serruriers,  etc. 

L'arsenal  possède,  pour  la  construction  des  navires  de  haut 
tonnage,  3  grands  chantiers  et  d'autres  moins  importants  pour 
la  construction  des  embarcations  plus  petites.  Pour  les  répara- 
tions, il  possède  divers  chantiers  de  radoub  et  deux  grands  docks 
à  sec,  ou  peuvent  être  reçus  des  navires  du  plus  fort  tonnage. 

Pendant  longtemps  on  n'y  construisait  que  des  navires  en 
bois.  Mais,  tout  récemment,  on  s'y  est  mis  en  état  de  construire 
des  navires  en  fer  et  en  acier,  et  cette  transformation  rapide  fait 
le  plus  grand  honneur  à  l'intelligence  et  aux  aptitudes  profession- 
nelles du  personnel  de  l'arsenal.  En  moins  de  deux  ans,  on  y  créa 
de  nouveaux  ateliers  pour  les  constructions  métalliques,  ses 
ouvriers  s'adaptèrent  avec  une  facilité  merveilleuse  à  cette  évolu- 
tion, et  plusieurs  navires  en  fer  et  en  acier  purent,  dès  lors,  cire 
mis  sur  chantier  avec  succès.  En  ce  moment,  l'arsenal  construit 
un  croiseur  de  première  classe,  en  acier,  YAlmirante  Tamandaré, 
qui  aura  4.500  tonnes  de  déplacement. 

La  construction  des  navires  en  bois  n'en  a  pas  moins  continué, 
soit  à  Rio,  soit  dan--  les  arsenaux  de  province.  Ces  navires  peu- 
vent soutenir  la  comparaison  avec   les   meilleurs  fabriqués  en 


ARSENAUX     DE     MARINE.  689 

Europe,  au  point  de  vue  de  la  solidité  et  de  l'élégance.  On  sait, 
d'ailleurs,  que  nul  pays  au  monde  ne  possède  une  variété  plus 
grande  de  bois  pour  la  construction  navale. 

Comme  spécimens  de  navires  en  bois  construits  récemment 
par  l'arsenal  de  Rio,  on  peut  citer  le  croiseur  de  deuxième  classe 
Almirante  Barroso,  de  2.000  tonnes  de  déplacement  et  d'une  force 
collective  de  2.400  chevaux.  Ce  croiseur  effectue  en  ce  moment 
un  voyage  de  circumnavigation  et  il  faut  espérer  qu'il  fera  escale 
dans  quelque  port  français  pendant  l'Exposition  universelle. 

La  direction  des  constructions  navales  a  encore  sous  ses 
ordres  les  travaux  des  digues,  chantiers  de  radoud,  la  livraison 
des  bois,  etc. 

La  direction  des  machines  est  chargée  des  réparations  et  des 
améliorations  de  toutes  les  machines  et  engins  des  établissements 
maritimes  et  de  l'escadre,  de  même  que  de  la  construction  des 
moteurs  pour  les  navires  moyens  et  petits.  Ses  ateliers  ne  sont 
pas  encore  assez  bien  outillés  pour  la  préparation  des  grandes 
machines  modernes.  Néanmoins  elle  possède  déjà  des  fonderies, 
des  forges  à  vapeur  et  divers  corps  d'ouvriers  spéciaux. 

Parmi  ses  travaux  les  plus  remarquables  on  peut  citer  :  le 
moteur  de  la  force  de  2.400  chevaux,  construit  pour  le  croiseur 
Almirante  Barroso  ;  la  machine  de  600  chevaux  faite  pour  la 
canonnière  en  acier  Marajô  ;  et  d'autres  machines  construites 
pour  des  remorqueurs,  des  chaloupes,  etc. 

Il  faut  regretter  que  le  Brésil,  possédant  des  richesses  miné- 
ralogiques  exceptionnelles  et,  en  particulier,  des  mines  de  fer 
connues  et  faciles  à  exploiter,  soit  encore  tributaire  de  l'étranger 
sous  ce  rapport.  En  effet,  son  industrie  navale  et  mécanique 
achète  presque  toute  sa  matière  première  au  dehors,  et  c'est  là 
certainement  une  des  raisons  qui  contribue  le  plus  pour  retarder 
chez  nous  les  progrès  de  la  construction  navale  métallique.  Un 
autre  inconvénient,  le  défaut  de  bons  ouvriers  travaillant  à  des 
prix  raisonnables,  est  en  train  de  disparaître  :  le  grand  courant 
d'émigration  européenne  qui  se  dirige  vers  le  Brésil  depuis  deux 
ans,  permettra  sans  doute  d'avoir  une  main-d'œuvre  plus  habile 
et  moins  chère. 

Le  gouvernement  paraît  décidé  à  donner  un  grand  essor  à 
la  production  du  fer.  Il  possède  à  Ypanema,  dans  la  province  de 
San-Paulo,une  fabrique  de  fer  qu'il  suffira  de  doter  d'un  outillage 
perfectionné  et  de  ressources  matérielles  indispensables,  pour 
qu'elle  soit  en  état  d'approvisionner  tous  nos  arsenaux,  en  deve- 

44 


LE     BRÉSIL     EH      1869. 

iianl  (Mi  même  temps  une  source  de  recettes  fructueuses  pour  le 
Trésor  public.  Dès  aujourd'hui,  Le  fer  sorti  de  L'usine  d'Ypanema 
peut  être  comparé,  comme  qualité,  au  meilleur  fer  de  prove- 
nance étrangère.  Cependant  l'usine  n'en  produit  qu'en  petite 
quantité,  pas  même  assez  pour  les  besoins  de  l'arsenal  de  Rio, et 
le  prix  du  transport  est  tel  que  ee  fer  revient  à  un  prix  supérieur 
an  fer  similaire  de  provenance  étrangère.  D'ailleurs,  le  travail  de 
M.  Henri  Gorceix.,  publié  an  commencement  de  ce  livre,  donne 
des  détails  précieux  sur  les  mines  de  fer  an  Brésil,  et  nous  ren- 
voyons le  lecteur  à  celte  belle  étude  technique. 

La  direction  d'artillerie  de  l'arsenal  de  Rio  a  à  sa  charge 
différents  ateliers  pour  la  construction  et  la  réparation  des  armes 
portatives  et  pour  la  préparation  des  produits  pyrotechniques  el 
antres  destines  à  l'escadre.  Nous  n'avons  pas  encore  de  fonderie 
pour  les  canons  de  gros  calibre  ni  pour  la  fabrication  des  méca- 
nismes modernes  destinés  à  leur  manœuvre.  Cependant,  le  gou- 
vernement se  préoccupe  de  cet  état  de  choses,  el  il  semble  dis- 
posé à  introduire  chez  nous  ces  améliorations,  réclamées  par 
L'augmentation  progressive  de  la  force  navale  de  l'empire. 

Désireux:  de  suivre  les  progrès  de  l'armement  des  escadres 
modernes,  le  gouvernement  a  créé  récemment  une  direction 
spéciale  de  torpilles,  dont  les  ateliers  sont  convenablement 
montés,  et  qui  a  à  sa  charge  la  fabrication,  l'entretien,  la  répa- 
ration et  les  expériences  de  torpilles  et  de  mines  sous-marines. 

Outre  ces  travaux  se  rapportant  à  la  construction  et  à  l'arme- 
ment des  navires,  l'arsenal  de  Rio  se  livre  à  d'autres  travaux 
accessoires,  pour  lesquels  il  dispose  du  personnel  et  du  matériel 
indispensables.  Il  entretient  également  des  cours  pour  l'ensei- 
gnement professionnel  des  ouvriers  qu'il  emploie,  et  pour  l'ins- 
truction technique  des  mécaniciens  destinés  a  la  marine  natio- 
nale. 

Les  arsenaux  de  marine  des  autres  provinces  sont  moins  bien 
montés  que  celui  de  Rio,  dont  ils  ne  sont  guère  que  les  auxi- 
liaires. Cependant,  ils  tendent  à  s*1  développer,  et  les  arsenaux 
de  Paré  et  de  Matto-Grosso,  surtout,  paraissent  appelés  à  prendre 
une  grande  importance,  à  cause  de  leur  situation  géographique, 
qui  les  oblige  à  pourvoir  aux  besoins  des  llotilles  spéciales  em- 
ployées à  faire  Le  service  de  leurs  frontières.  Le  développement 
de  ces  arsenaux  de  province  aura  pour  résultat,  en  décentra- 
lisant le  service,  de  permettre  à  l'arsenal  de  Rio-de-Janeiro  de 
consacrer  toute  son  activité  aux  grandes  constructions  navales. 


ARSENAUX     DE     MARINE.  691 

Ces  arsenaux  de  province,  et,  en  particulier,  celui  de  Bahia, 
ont  déjà  exécuté  quelques  travaux  remarquables,  au  nombre 
desquels  on  peut  citer  quelques  petits  navires  pour  la  naviga- 
tion fluviale  et  pour  l'instruction  des  matelots.  Cependant,  aucun 
d'eux  n'est  encore  outillé  pour  les  constructions  métalliques  de 
quelque  importance. 

Pendant  l'année  1887-88,  l'arsenal  de  marine  de  Rio-de-Ja- 
neiro  a  eu  un  personnel  de  3.500  à  4.000  employés  de  toute 
catégorie,  et  ses  quatre  directions  ont  exécuté  des  travaux  d'une 
valeur  de  1.800. 400.000  réis,  ou  environ  4.500.000 francs,  répartis 
comme  il  suit  : 

Direction  des  constructions  navales.  1.272. 700. 000 Réis. 

des   machines 372.500.000 

—  de  l'artillerie 120.300.000 

—  des  torpillles, 83 .  000 .  000 


TABLE  DES  MATIÈRES 

CONTENUES  DANS  CE  VOLUME 


Commissariat  général    de    l'Empire   du  Brésil  a  I'Exposition  universelle 

de  1889 v 

Commission  de  Purlicité vi 

Au  Lecteur vu 

Introduction.  — Le  Brésil  actuel,  par  M.  F.-J.de  Santa-Anna  Nery.   .  ix 


CHAPITRE  PREMIER 

Aotions  générales.  —  Situation,  limites,  superficie,  cotes,  caps  et 
baies,  Iles  et  groupes  d'Iles,  Aspect  physique,  montagnes  et  pla- 
teaux, Structure  géologique  et  minéraux,  par  M.  F.-J.  de  Santa- 
Anna  Nery,  d'après  MM.  J.  Capistrano  d'Abreu,  A.  do  Valle-Cabral 
et  Orville  A.  Derby 


CHAPITRE  II 

Hydrographie.  —  Fleuves  et  rivières,  Lacs,  Ports  recevant  des  navires 
de  plus  de  six  mètres  de  tirant  d'eau,  Table  de  la  différence  de 
niveau  à  l'époque  des  syzigies  dans  les  principaux  ports  de  la  côte 
du  Brésil,  par  M.  le  contre-amiral  baron  de  Teffé 23 


CHAPITRE  III 

Climatologie.  —  Zone  tropicale,  zone  sous-tropicale,  zone  tempérée 
douce,  Bibliographie  sur  ce  sujet,  Hauteur  de  la  pluie  annuelle, 
Distribution  de  la  pluie  au  Brésil   et  températures  moyennes,  par 

M.  Henri  Morize 36 

45 


694  TABLE     DES     MATIÈRES. 


CHAPITRE  IV 


minéralogie.  —  Mines  d'or.  Mines  de  diamants,  Mines  defer,  Manga- 
nèse, Mines  de  cuivre,  Mines  de  plomb,  Bismuth  et  antimoine,  Gise- 
ments de  combustibles,  Substances  diverses,  Marbres,  pierres 
ollaires,  amiante,  ocre,  Quartz,  Agates,  Mica,  Pierres  précieuses 
colorées,  Salpêtres,  Graphite,  Lois  et  règlements  sur  les  mines, 
Ecole  des  mines  d'Ouro-Preto,  par  M.  Henri  Gorceix 61 


CHAPITRE  V 

Esquisse  de  l'Histoire  du  Brésil.  —  Découverte,  Premières  explora- 
tions, Commencement  de  la  colonisation,  les  Français  à  Rio-de- 
Janeiro,  Fondation  de  Rio,  Commencement  de  la  domination  espa- 
gnole, Hostilités  des  Français,  Anglais  et  Hollandais,  les  Français 
à  Maranhào,  Occupation  de  l'Amazone,  Division  du  Brésil  en  deux 
gouvernements,  Invasions  néerlandaises,  Guerre  de  trente  ans  au 
Brésil,  la  Conquête  de  l'intérieur  au  xvic  et  au  xvuc  siècles,  Guerres 
des  Paulistas,  Découvertes  des  mines  d'or,  la  Conquête  de  l'inté- 
rieur au  xvn-  et  au  xvnr  siècles,  le  Commerce  du  Brésil  du  xvr  au 
XVlir  siècles,  Guerres  avec  les  Espagnols  et  invasions  françaises  aux 
xvn-  et  au  xvnr  siècles,  Développement  et  progrès  du  Brésil  depuis 
la  découverte  des  mines  jusqu'au  commencement  du  xix-  siècle, 
Hostilités  des  Français  et  guerre  de  1801  entre  l'Espagne  et  le 
Portugal,  L'arrivée  de  la  famille  de  Bragance,  le  Boyaumc  du 
Brésil,  l'Indépendance  et  le  règne  de  l'empereur  Dom  Pedro  I,r, 
Régne  de  l'empereur  Dom  Pedro  11,  par  M.  le  baron  de  Rio-Branco .     101 


CHAPITRE  VI 

Population,  Territoire,  Élcctorat.  —  Population,  tableau  statistique 
de  la  population  en  1872  et  en  1888.  Territoire,  territoire  comparé. 
Population  spécifique.  Élcctorat,  Tableau  de  la  représentation 
nationale  comparée  avec  le  territoire,  la  population  et  le  revenu 
général  des  provinces,  par  M.  J.-P.  Favilla-Nunes 189 


CHAPITRE   VII 

Travail  servile  et  travail  libre.  —  L'abolition  de  l'esclavage,  Subs- 
titution du  bras  libre  au  bras  esclave,  Immigrants,  Immigration 
italienne.  Immigrants  belges,  la  Production  du  café,  Progrès  réalisés 
à  San-Paulo,  Cearé  et   Amaz ,  Minima  et  Maxima  du  change  en 

1887  et  en  1888.  par  M.  /•'.-/.  de  Santa-Anna  Xery 201 


TABLE     DES     MATIÈRES.  G9! 


CHAPITRE  Vin 


Les  zones  agricoles.  —  La  Zone  amazonienne,  la  Zone  du  Parnahyba, 
la  Zone  de  Cearâ,  la  Zone  de  Parahyba-du-Nord,  la  Zone  du  San- 
Francisco,  la  Zone  du  Parahyba-du-Sud,  la  Zone  de  Paranâ,  la  Zone 
de  l'Uruguay,  la  Zone  Auro-Fcrrifère,  la  Zone  centrale,  Voies  de 
communication,  Nouveaux  ports  de  commerce,  Immigration,  par 
M.  l 'ingénieur  André  Rebouças 211 


CHAPITRE  IX 

Institutions  agricoles.  —  Institut  agricole  de  Rio-de -Janeiro,  Asile 
Agricole,  Ferme  normale,  Jardin  botanique,  Institut  agricole  de 
Bahia,  École  agricole  de  San-Bento-de-Lages,  Institut  agricole  de 
Scrgipe,  Établissement  Rural  de  San-Pedro-d'Alcantara,  Orphelinat 
Isabel,  École  agricole  de  Piracicaba,  Colonie  Blaziana,  Asile  agricole 
de  Sainte-Isabelle,  Orphelinat  Christina,  Iustitut  de  la  Providence, 
Station  agronomique  de  Campinas,  École  vétérinaire  et  agricole  de 
Pelotas,  par  M.  le  député  J.-M.  Leitào  da  Cunha 298 


CHAPITRE  X 

Poids,  système  monétaire.  —  Poids  et  mesures  anciens,  Valeur  des 
monnaies  des  différents  pays  de  l'Europe  comparée  aux  monnaies 
du  Brésil 311 


CHAPITRE  XI 

Finances.  —  Les  recettes  de  l'État,  Biens  du  domaine  de  l'État,  Biens 
immeubles,  Biens  meubles,  Services  industriels  de  l'État,  Impôts 
(Impôts  sur  la  richesse  foncière  et  sur  la  production,  sur  la  circula- 
tion, sur  la  consommation),  Crédit  public  (Obligations  amortissa- 
bles, Dette  extérieure,  Dette  consolidée,  Dette  flottante,  Papier- 
monnaie,  Dépôts),  les  Dépenses  de  l'État,  la  Situation  financière 
actuelle,  par  M.  A.  Cavalcanti 317 


CHAPITRE  XII 

Banques  et  institutions  de  Crédit.  —  Banco  do  Brazil,  Banco  rural  e 
hypothecario,  Banco  commercial  do  Rio-de-Janeiro,  Banco  do 
Commercio,  Banco  industrial  e  Mercantil  do  Rio-de-Jaueiro,  Banco 


TABLE     DES     MATIÈRES. 

Predial,  Banco  internacional  do  Brazil,  Banco  Uniïo  do  Credito, 
Banco  de  Credito  Real  do  Brazil,  Banco  de!  Credere,  Banco  Auxiliar, 
Caixa  de  Credito  commercial,  Banco  popular,  Banques  étrangères, 
Banco  de  Credito  R.eal  de  San-Paulo,  Banco  Mercantil  de  Santos, 
Succursale  du  «  Banco  do  Brazil  »  à  San-Paulo,  Banco  da  Lavoura 
de  San-Paulo,  Banco  Commercial  de  San-Paulo,  Casa  Ban  caria 
Nielseu  eCu,  Banco  Popular  de  San-Paulo,  Banco  territorial  e  Mer- 
cantil de  .Minas.  Banques  à  Maragnon,  Para,  Bahia,  Pernambnco, 
Bio-Grande-du-Sud,  Tableaux  sur  les  Banques  et  leurs  bilans,  par 
M .  Lui:  Rodrigues  d'Oliveira :; n 


CHAPITRE  XIII 

Chemins  «le  fer.  —  Aperçu  général,  Renseignements  et  statistique, 
Régime  légal,  Régime  de  la  loi  du  26  juin  1852,  Principaux  chemins 
de  fer  dans  une  situation  prospère  (Chemins  de  fer  Dom  Pedro  11, 
Santos- Jundiahy,  Paulista,  Mogyana,  San-Garlos-do-Pinhal,  San- 
Paulo-Rio,  Leopoldina,  Rccife  à  Palmarès,  Macahé-Campos,  Prin- 
cipe do-Gram-Parâ,  Ouest  de  Minas),  Chemins  de  fer  importants 
qui  n'ont  pas  encore  traversé  leur  phrase  de  faible  rapport  (Batu- 
rité,  Camocim-Sobral,  Prolongements  des  chemins  de  fer  de  Per- 
nambuco  et  de  Bahia,  Porto-Alegre-Uruguayana,  Ceulral-Bahia, 
Bahia-Minas,  Minas-Rio,  Sorocabana,  Paranâ,  Bio-Grande-Bagé) 
Conclusion  et  tableaux  statistiques,  par  M.  l'ingénieur  Fernandes- 
Pinheiro :J83 

CHAPITRE  XIV 

Commerce  et  Navigation.  —  Les  revenus  de  l'État  de  1831  à  1889, 
Commerce  extérieur  et  intcr-provincial,  Commerce  maritime  de  Rio, 
Recettes  des  douanes  de  Santos,  Pernambuco,  Bahia,  Para,  Porto- 
Alcgre,  Rio-Grande  ;  Échanges  de  17  provinces  du  Brésil  avec  l'é- 
tranger et  entre  elles,  Commerce  des  différentes  provinces,  Com- 
merce des  quatre  régions  du  Brésil,  Recettes  et  dépenses  des  pro- 
vinces, afférentes  à  l'État  et  afférentes  à  leurs  services  locaux, 
Dettes  des  différentes  Provinces,  Dette  intérieure  du  Brésil,  Dette 
extérieure  consolidée.  Dividendes  de  quelques  Banques  et  Com- 
pagnies, le  Café,  le  Caoutchouc,  le  Sucre  de  canne,  le  Coton, 
les  Cuirs,  le  Tabac.  Commerce  international  de  la  place  de  Rio, 
Mouvement  du  port  de  Rio,  les  États  de  L'Europe  et  le  Brésil,  la 
France  et  le  Brésil,  par  .)/.  F.-.l.  de  Santa-Anna  -Ver//. 441 

CHAPITRE    XV 

Postes,    Télégraphes    et  Téléphones.  —   Recettes  et  dépenses    de 

l'Administration  des  Postes,  Mandats  postaux.  Correspondance, 
Lignes  télégraphiques  de  l'État,  Service  téléphonique,  par  M.  F.-J. 
de  Santa-Anna  Nery 1G7 


TAULE     DES     MATIÈRES.  697 


CHAPITRE  XVI 

Immigration.  —  Le  peuplement  du  Brésil,  Colonisation  au  xvnr  siècle, 
Politique  do  Jean  VI  au  sujet  du  peuplement,  Les  Suisses  au  Bré- 
sil, Nova-Friburgo  et  Siïo-Leopoldo,  Colonies  allemandes  au  Brésil, 
Intervention  des  grands  propriétaires,  Le  sénateur  Verguciro  et 
Ybicaba,  Influence  de  l'immigration,  Suppression  de  l'esclavage,  les 
Contrats  de  services,  Plaintes  à  ce  sujet,  Nouvelle  phase  de  la  ques- 
tion de  l'immigration,  Statistique  de  l'immigration,  L'immigration 
à  Sau-Paulo,  la  Propagande,  San-Paulo  et  Rio,  L'immigration  dans 
le  Nord  du  Brésil,  Ce  que  les  immigrants  trouvent  au  Brésil,  par 
M.  E.  du  Silva-Prado 473 


CHAPITRE  XVII 

Presse.  —  La  presse  neutre  dans  la  capitale  et  dans  les  provinces,  le 
Jovnal  do  Commercio,  la  Gazeta  de  Noticias,  les  Insertions  sur 
demande,  la  Loi  sur  la  Presse,  le  Testa  de  ferro,  Principaux  jour- 
naux, leur  bon  marché,  par  M.  Ferreira  de  Araujo 509 


CHAPITRE  XVIII 

L'Art.  —  VArte  Plumaria.  Les  constructions  dans  le  Brésil  colonial, 
L'art  européen  fait  son  apparition  au  Brésil,  L'art  au  xvir  et  au 
xviii-  siècles,  Artistes  nés  au  Brésil,  Leurs  travaux,  Influence  de  la 
Cour  portugaise  au  commencement  du  siècle,  Artistes  contempo- 
rains, l'Architecture,  L'intérieur  des  maisons,  la  Dentelle  et  les  Bro- 
deries.. Ornementations  diverses,  les  Calebasses  ornées,  la  Céra- 
mique, la  Musique,  Musique  des  indiens,  Musique  populaire,  la 
Musique  d'église,  Musiciens  brésiliens,  Conditions  de  l'art  et  situa- 
tion des  artistes  au  Brésil,  par  M.  E.  da  Silva-Prado 519 


CHAPITRE  XIX 

Instruction  publique.  — Enseignement  primaire,  Gratuité  de  cet  ensei- 
gnement, Statistique,  Enseignement  secondaire,  Statistique,  Ensei- 
gnement supérieur,  Facultés  de  droit,  Facultés  de  médecine,  École 
Polytechnique,  Observatoire  Impérial  de  Rio,  Bureau  Hydrogra- 
phique, Bureau  Central  météorologique  et  Administration  des 
Phares,  Enseignement  spécial,  Établissements  de  l'État,  Établisse- 
ment provinciaux,  Établissements  privés,  Tableau  des  dépenses, 
par  MM.  de  Sanla-Anna  Nery,  le  baron  de  Saboia,  L.  Cruls,  et  te 
contre-amiral  baron  de  Teffé 563 


698  TABLE     DES     MATIERES 


CHAPITRE   XX 


Littérature.  —  Au  xvr  siècle,  les  Écrivains  du  xvir  Biècle,  ceux  du 
xviii-.  la  Littérature  brésilienne  contemporaine,  les  Hommes  de 
lettres,  Poésie,  Roman,  Théâtre,  Éloquence,  Histoire,  Journalisme, 
Enseignement,  Droit,  Philosophie,  etc., Sociétés  littéraires  el  s<  ien- 
tifiques,  Bibliothèques,  par  M.  /•'.-./.  de  Santa-Anna  Nery [)9l 


CHAPITRE  XXI 

Sciences.  —  Le  Muséum  National.  Son  origine,  Ses  premiers  direc- 
teurs, le  .Muséum  transformé,  Services  qu'il  a  rendus  aux  savants 
étrangers,  Organisation,  les  Archives  du  Muséum,  Travaux  publiés 
par  cette  Revue,  Publication  de  la  Flora  Fluminensis,  Projet  d'ex- 
position antropologique,  Excursion  dans  l'Amazone,  Résultats 
obtenus.  Le  sixième  volume  des  Archives,  le  Muséum  au  Congrès 
de  Berlin,  Les  antiquités  de  l'Ile  de  Marajé,  Météorite  de  Bendegô, 
par  .1/.  le  conseiller  Ladisldu  Xetto G 1  : J 


CHAPITRE  XXII 

Propriétés  Industrielle  et  Littéraire.  —  Loi  du  11  octobre  1882  sur 
les  brevets  d'invention.  Concessions  de  brevets,  Marques  de  fabrique, 
Propriété  littéraire,  Projets  de  loi  à  ce  sujet,  par  M.  /'.-/.  de  Santa- 
Anna  Nery 64o 


CHAPITRE  XXIII 


Protection  <l<»  l'Enfance.  —  Compagnies  d'apprentis  de  marine,  Com- 
pagnies d'artisans  apprentis,  Compagnies  d'apprentis  des  arsenaux 
de  guerre,  La   protection  de   l'enfance  abandonnée   dans  les  pro- 
vinces, L'Asile  des  enfants  assistés  à    Kio-dc-Janciro,   les   Colonies 
d'orphelins,  par  M.  le  baron  d"Itajubd G53 


CHAPITRE  XXIV 

Organisation  judiciaire.  —  Organisation  judiciaire  à  l'époque  colo- 
niale, Promesses  faites  par  la  Constitution  de  l'empire,  Commenl 
elles  ont  été  tenues.  Nouvelle  organisation  judiciaire,  par  M.  le 
conseiller  S.-W.  Mac-Dowell G7I 


TABLE     DES     MATIERES.  099 


CHAPITRE  XXV 


Arsenaux  de  Marine.  —  Force  navale  active,  L'arsenal  de  Rio,  Arse- 
naux de  province,  par  M.  le  capitaine  de  corvette  M.-J.  Alves-Dar- 
boza 687 


Compiègne.  —  Imprimerie  Henry  Lefebvre,  rue  Solierino,  31. 


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Cette  carte  donne  toute  l'Amérique  méridionale  jusqu'au  sud  de  l'embou- 
chure de  la  Plata.  Elle  contient,  en  outre,  une  carte  de  la  province  de  Rio-de- 
Janeiro,  une  carte  de  l'isthme  de  Panama  au  lA)0)m> ,  un  plan  de  Rio-de-Janeiro 
au  ~^,  une  carte  hypsométrique  de  l'Amérique  <lu  Sud  au  <0 J, wo  et  plusieurs 
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sition universelle  de  Paris,  el  pédigé  par  un  groupe  d'écrivains  brésiliens  sojf|  la 
direction  de  M.  F.-J.  de  Santa-Anna  Nery.  Un  volume  in-8°  cavalier  de  700  pages, 
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publié  par  les  soins  du  Syndical  du  Comité  franco-brésilien  pour  l'Exposition 
universelle  de  Paris  1880,  et  rédigé  sous  la  direction  de  M,  F.-J.  de  Santa-Anna 
Nery.  Un  beau  volume  in- 12  broché.  Prix 2  fr. 


PETIT  ATLAS  DE  GÉOGRAPHIE  GENERALE 

rénfermanl  2»  cartes  el  précédé  de  notices  statistiques  :  superficies,  mesures, 
populations,  voies  de  communications,  lignes  télégraphiques,  câbles,  courants, 
apératures,  altitudes,  budgets,  armées,  (lottes,  mesures,  monnaies,  etc. 
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